[(State) Flag of Ecuador]
République de l'Équateur

Équateur

República del Ecuador

Capitale Quito
Population:
12,6 millions (2001)
Langue officielle:
espagnol 
Groupe majoritaire: espagnol (78 %)
Groupes minoritaires:
une dizaine de langues amérindiennes, dont le quechua, le shuar, l’awa-cuaiquer, le chachi, le cofán, le colorado, le secoya et le waorani
Système politique:
république unitaire formée de 21 provinces
Articles constitutionnels (langue):  
art. 2, 16, 29, 48, 58, 67, 78, 346 et 381 de la Constitution du 19 juillet 2008
Lois linguistiques:
Loi sur l’éducation, n° 127 du 15 avril 1983 modifiée par la loi n°150 du 15 avril 1992; Loi sur le service militaire (1997); Loi sur l'administration de la justice des autorités indigènes (2001); Loi organique sur l'éducation interculturelle (2011). 

1 Situation générale

L’Équateur (en espagnol: República de Ecuador) est un pays du nord-ouest de l’Amérique du Sud, bordé par la Colombie au nord-est, par le Pérou à l’est et au sud, et par l’océan Pacifique à l’ouest. À l’échelle du continent sud-américain, l’Équateur reste l’un des plus petits pays, avec 272 045 km², soit approximativement la moitié de celle de l’Espagne ou de la France, mais neuf fois plus grand que la Belgique.

Les villes principales sont Quito (1,3 million d'habitants), la capitale, située à 2800 m d’altitude, et la ville portuaire de Guayaquil (1,5 million), la plus peuplée. Les autres grandes villes sont Cuenca (200 000 hab.), Esmeraldas (189 000 hab.) et Riobamba (110 000 hab.).

L’Équateur est divisé en quatre régions géographiques:

1) La Costa (la «Côte») qui comprend une plaine littorale et une chaîne de faible altitude (800 m); elle longe la cordillère des Andes et s'étend en bordure de l'océan Pacifique sur toute la longueur de pays, couvrant une superficie de 70 000 km², soit un peu plus du quart de la superficie de l’Équateur. La largeur de cette plaine côtière varie de 30 km à 200 km. La Côte compte 30 % de la population équatorienne.

2) La Sierra, c'est-à-dire les Andes (ou hautes terres centrales), est composée d’une double cordillère parallèle de montagnes élevées et massives: la Cordillère occidentale et la Cordillère orientale (ou royale), les deux étant séparées par un fossé médian, «le couloir andin». La Sierra regroupe quelque 60 % de la population du pays. 

3) L’Oriente forme la partie amazonienne de l’Équateur: c'est l’Amazonie ou la jungle orientale. Bien que cette région occupe plus de la moitié du territoire équatorien, elle compte moins de 10 % de la population totale du pays.

4) L'Équateur comprend également l’archipel des Galápagos, situé dans le Pacifique, à environ 965 km à l’ouest du continent (voir la carte générale). Cet archipel compte six îles principales et une douzaine d’îles plus petites qui sont les parties émergées d’édifices volcaniques, éteints pour la plupart. Officiellement appelé archipiélago de Colón (archipel du Colon), l'archipel couvre 7812 km² (Porto Rico: 9104 km² ) pour une population de près de 10 000 habitants. L'île San Cristóbal abrite le siège des autorités équatoriennes, installées à Puerto Baquerizo Moreno (pop: env. 3000 hab.). L'archipel a été rendu célèbre lorsque le savant britannique Charles Darwin y eût effectué un séjour de six semaines en 1835.

Au point de vue administratif, l’Équateur est divisé en 21 provinces, elles-mêmes subdivisées en cantons et en communes urbaines et rurales. Voici ces provinces par ordre de décroissance numérique de la population: Guayas, Pichincha, Manabi, Los Rios, Azuay, El Oro, Tungurahua, Loja, Chimborazo, Esmeraldas, Imbabura, Cotopaxi, Cañar, Bolivar, Carchi, Napo, Morona-Santiago, Sucumbios, Zamora-Chinchipe et Pastaza (voir la carte détaillée des provinces).

Depuis 1830, l'Équateur doit son nom à une expédition scientifique franco-espagnole qui, en 1736, avait établi sur son territoire la ligne équinoxiale. En choisissant le nom d'Ecuador (Équateur), les dirigeants auraient évité de recourir au nom de Quito, ce qui aurait attisé les rivalités entre les villes de Guayaquil et de Cuenca; celles-ci n'auraient guère vu de façon positive qu’on opte pour le nom de Quito. Ce serait les «Corporations et pères de famille de Quito» ("Sociedades y padres de familia de Quito") qui auraient pris la décision d'appeler ainsi le pays au nom de l'unité nationale.

2 Données démolinguistiques

Le pays comptait 12,6 millions d’habitants en 2001, selon l'Instituto Nacional de Estadísticas y Censos (Institut national des statistiques et des recensements) de l'Équateur. La moitié de la population vivait, en 1995, dans la région dite «la Costa» (49,8 %), alors que 44,8 % habite la Sierra, 4,6 % en Amazonie et 0,1 % dans les îles; quelque 0,7 % de la population vit dans des «zones non délimitées». 

On peut distinguer traditionnellement quatre grands groupes ethniques:

- les Indiens (environ 40 %);
- les Métis (environ 40 %);
- les Créoles / Blancs (environ 10 %);
- les Noirs ou Afro-Équatoriens (environ 8 %).

Les Indiens vivent essentiellement dans la Sierra et en Amazonie (le long de la frontière péruvienne), mais ils sont souvent forcés de quitter leur communauté afin de chercher du travail dans les régions urbaines de la Sierra. Les Afro-Équatoriens sont relativement concentrés dans la province d'Esmeraldas. Il existe aussi un peuple appelé Montubio (en espagnol: «Pueblo Montubio») habitant les provinces de Manabi, Guayas, El Oro, Los Rios et Esmeraldas. Ce peuple est spécifiquement reconnu dans la Constitution de 2008 et par le décret exécutif no 1394 qui créait le Conseil de développement du peuple montubio sur la côte équatorienne et les zones subtropicales de la région du littoral: Decreto Ejecutivo Créase el Consejo de Desarrollo del Pueblo Montubio de la Costa Ecuatoriana y Zonas Subtropicales de la Regiòn Litoral (CODEPMOC). On compterait quelque 40 000 familles pour près d'un million de membres.

L’espagnol, toujours appelé castillan en Équateur, est la langue maternelle de 78 % des Équatoriens. Les peuples autochtones sont nombreux en Équateur; beaucoup ont conservé leur langue ancestrale, mais de nombreux autres sont linguistiquement assimilés.  Voici un tableau — Source:  la CONAIE, la Confederación de Nacionalidades Indígenas del Ecuador (Confédération des nationalités indigènes de l'Équateur) — représentant la liste de ces peuples: 

PEUPLES DE L'ÉQUATEUR

PEUPLES DE LA COSTA

1. Chachi: 4 000
2. Afro-Équatoriens : 975 000
3. Awa-Quaiquer: 1 600
4. Tsáchila (Colorado): 2 000
5. Montubio
6. Cholo

PEUPLES DE LA SIERRA

7. Quechua de Imbabura
8. Cayambe-Pesillo-Cangahua
9. Zone indigène de Quito
10. Zone indigène du sud de Pichincha
11. Quechua de Cotopaxi
12. Quechua de Tungurahua (Salasacas, Chibuleo, etc.)
13. Quechua de Bolívar
14. Quechua de Chimborazo
15. Quechua de Azuay y Cañar
16. Zone la chola cuencana
17. Saraguro

PEUPLES DE L'AMAZONÍA

18. A'i (cofán): 800
19. Siona-Secoya: 1 000
20. Quechua dul Napo
21. Waorani
22. Réserve Waorani
23. Quechua du Bobonaza et du Pastaza
24. Achuar: 500 
25. Shuar: 40 000

On peut visualiser une carte présentant la répartition géographique des langues indigènes en cliquant ICI, s.v.p. On constatera, d'après les estimations de la CONAIE, que plus de trois millions de personnes appartiendraient à l'ethnie quechua, 40 000 à l'ethnie shuar, et 4000 à l'ethnie chachi. 

Cependant, langues et peuples ne coïncident pas. En effet, beaucoup d'autochtones ont été linguistiquement assimilés et parlent aujourd'hui l'espagnol comme langue maternelle. Le quechua (ou quichua) est la langue autochtone la plus utilisée (env. 1,5 million de locuteurs sur une population de trois millions). De plus, elle est fragmentée en plusieurs variétés dialectales:

Variété

Locuteurs

Provinces

Quechua de Calderón entre 25 000 et 30 000 Pichincha
Quechua de Cañar env. 100 000 Cañar
Quechua de Chimborazo env. 1 000 000 Chimborazo, Bolivar
Quechua d’Imbabura env. 300 000 Imbabura
Quechua de Loja entre 10 000 et 25 000 Loja
Quechua de Tungurahua entre 7000 et 10 000 Tungurahua
Quechua de Napo env. 5000 Napo
Quechua de Tena env. 5000 Napo
Quechua de Pastaza env. 4000 Pastaza

TOTAL

env. 1 500 000

 

L’autre langue autochtone importante est le shuar (ou jivaro), avec plus de 30 000 locuteurs (famille jivaroan) dans la province de Morona-Santiago. Les autres langues sont l’awa-cuaiquer (1000 locuteurs), le chachi (5000 locuteurs) dans la province d’Esmeraldas, le cofán (env. 780 locuteurs) dans la province d’Esmeraldas, le colorado (env. 2100 locuteurs) dans la province de Pichincha, le secoya (env. 290 locuteurs) dans la province de Sucumbios et le waorani (env. 800 locuteurs) dans la province de Napo. Bref, les locuteurs d'une langue amérindienne ne dépassent pas les deux millions de personnes.

N.B.: On peut visualiser une carte linguistique des langues autochtones en cliquant ICI.

3 Données historiques

Des vestiges archéologiques ont révélé que le territoire de l’actuel Équateur aurait été habité par de très anciennes civilisations remontant à quelque 3000 ans avant notre ère. Dès 500 ans avant notre ère, d'importantes villes côtières existaient. On sait que, vers le IXe siècle, deux peuples se sont développés: les Caras et les Quitus. Installés sur la côte, les Caras dominèrent les Quitus établis dans les montagnes pour former le royaume Shyris (nom du roi des Caras). Le XIIIe siècle vit l’apparition d’un nouvel empire indigène: le royaume de Quitu.

Puis, en 1460, les Incas du Pérou attaquèrent le royaume de Quitu qui résista jusqu’en 1493. Mais les Incas réussirent à étendre leur domination sur toute la région. Leur empire s’étendit du Chili jusqu’à la frontière colombienne. De grandes villes furent construites à cette époque; elles furent reliées entre elles par des centaines de kilomètres de routes pavées. L’empereur inca, Huayna Capac, imposa à toutes les tribus de son empire d'apprendre le quechua dont la langue est encore parlée par les indigènes équatoriens. Par la suite, une lutte de pouvoir entre chefs incas affaiblit la puissance de ce peuple. 

En 1528, Francisco Pizarro, de retour en Espagne, convainquit Charles Quint de lui laisser conquérir et diriger de nouveaux territoires. Pizarro débarqua au Pérou en 1531 à la tête d'une petite armée de 200 à 300 hommes. Constatant son infériorité numérique par rapport aux forces incas, Pizarro décida d'employer la ruse et tendit une embuscade à l’empereur inca, Atahualpa, qui fut capturé, puis exécuté. Les Incas tentèrent de résister pendant deux années aux forces espagnoles, mais ils furent vaincus par les conquistadores.

3.1 La colonisation espagnole

En 1534, les Espagnols devinrent maîtres de la région, qui prit le nom de royaume de Quito, du nom de la ville fondée par Sebastián Benalcázar. L’Audience royale de Quito (Audiencia Real de Quito) fut créée en 1563, mais resta sous l’autorité du vice-royaume du Pérou, rattaché à la couronne d’Espagne. Le pays prospéra grâce à l’agriculture, mais ce développement se fit en spoliant les indigènes de leurs terres et en leur faisant payer des impôts excessifs. Surexploités, les indigènes se soulevèrent régulièrement, mais ils subirent une répression sans merci. Ils furent repoussés vers les régions arides des hauts-plateaux andins, puis coupés de leurs racines économiques et culturelles.

De 1717 à 1723, l'Audience royale de Quito fut intégrée au vice-royaume de la Nouvelle-Grenade, dont le siège était à Bogotá (Colombie). Par la suite, l'Audience retourna sous l'autorité de Lima (Pérou) jusqu'en 1739 et revint de nouveau à la Nouvelle-Grenade. C’est au cours de la colonisation espagnole que les Européens et les indigènes pratiquèrent les mariages mixtes, ce favorisa l’implantation de la langue espagnole.

En 1736, le géodésien français, Charles Marie de La Condamine, arriva au pays lors d’une mission de l'Académie française des sciences, afin d’y mesurer un arc de méridien sur la ligne équatoriale afin de déterminer si la terre était parfaitement sphérique ou si elle était aplatie aux pôles, ce qui devait couper court à la polémique sur la forme de la terre. Dans les cordillères, La Condamine réalisa diverses observations, notamment celle de l'attraction du fil à plomb par les masses montagneuses. C’est à Quito, «la Mitad del Mundo» (le milieu du monde), que La Condamine situa la ligne équinoxiale qui détermine l'équateur.

De retour en France en février 1745, il devint le savant le plus célèbre d’Europe. Il travailla sur un projet de mesure universelle et proposa d'adopter pour unité la longueur du pendule battant la seconde à l'équateur comme unité de mesure universelle. Évidemment, l'aplatissement de la terre aux pôles (ellipsoïde) était maintenant prouvé. Un lycée français porte aujourd'hui le nom de La Condamine à Quito: le Lycée franco-équatorien de Quito.

La Révolution française (1789) et la guerre de l'Indépendance américaine (1775-1783) encouragèrent les Équatoriens à se révolter. Les premiers mouvements d'autonomie eurent lieu en 1809. Mais les forces militaires, menées par le général Antonio José de Sucre, lieutenant en chef de Simón Bolívar, ne remportèrent la victoire finale qu'en 1822, lors de la bataille du Pichincha. La région fit alors partie intégrante de la fédération de Colombie ou Federacion Gran Colombia (ou Grande-Colombie, incluant le Venezuela, le Panama et la Nouvelle-Grenade) et fut dirigée par Simón Bolívar. En mai 1830 le général de Sucre fut nommé président du Congreso admirable («Congrès admirable») qui se réunit à Bogotá dans le but de préserver l’unité de la Grande-Colombie et de lui offrir une constitution. Mais, le 4 juin 1830, alors qu’il se rendait à Quito, Sucre fut assassiné à Berruecos (Colombie).

3.2 L’indépendance

Dès la dissolution de la république de Grande-Colombie (Venezuela, Colombie, Équateur et Panamá) à la mort de Bolívar en 1830, le général Juan José Flores réunit une assemblée qui proclama l'indépendance de l'Équateur, dont il se nomma président. Ce héros de la guerre d'indépendance tenta d'organiser le pays. Il fit adopter le nom d'Ecuador ("Équateur") au pays et annexa l’archipel des Galápagos en 1832. Flores dirigea le pays en dictateur et ouvrit ainsi la voie à l’instabilité politique. Une révolte en 1845 le contraignit à l'exil, mais en 1860, alors qu'une guerre civile faisait rage dans le pays, il fut appelé à intervenir pour mettre fin au conflit. De 1830 à 1948, l’Équateur connut plus de 62 gouvernements successifs, de type présidentiel, militaire ou dictatorial. Le pouvoir alterna entre les partis conservateurs et les partis libéraux représentant la bourgeoisie créole.

L’histoire politique du XIXe siècle fut marquée par deux personnalités importantes: Gabriel García Moreno, président de 1860 à 1875, et le général Eloy Alfaro, un libéral radical qui dirigea le pays au cours de deux mandats et périt assassiné en 1912. 

3.3  Le monde contemporain

D’autres coups d’État et d'autres révolutions agitèrent l’histoire contemporaine de l’Équateur. Le XXe siècle compte même un plus grand nombre de gouvernements militaires que de gouvernements civils. En 1942, l'armée américaine installa une base militaire sur l'île de Baltra aux Galapagos. Puis des conflits territoriaux opposèrent l'Équateur et le Pérou en 1942; à l’issue du conflit, l'Équateur dut céder au Pérou quelque 200 000 km² de territoire, soit sa province amazonienne de El Oro, le protocole de Rio Janeiro ayant fixé les frontières des deux pays. Le conflit fut même ravivé en 1950 et en 1960. 

En 1945, l'Équateur accéda à une forme de démocratie, mais il fallut attendre plus de quarante avant de renouer avec la démocratie (soit en 1979). En 1952, Velasco Ibarra, à la tête d'une coalition, dirigea le pays pour la troisième fois entre 1952 et 1956, puis entre 1960 et 1961. Les successeurs de Velasco Ibarra, tous des militaires, furent incapables d'améliorer la difficile situation économique. En juin 1968, Velasco Ibarra fut élu une nouvelle fois. Sa présidence s'orienta alors vers un pouvoir dictatorial. Cependant, en février 1972, il fut une fois encore renversé par un coup d'État, mené par le général Guillermo Rodríguez Lara.

Le candidat Jaime Roldós Aguilera fut élu président du pays en 1979 et une nouvelle constitution démocratique entra en vigueur. À l'extérieur, un début de lutte frontalière dégénéra en conflit armé avec le Pérou et s'acheva, en mars 1981, par un arbitrage international. À partir de mai 1984, le président équatorien León Febres Cordero Rivadeneira dut faire face à des rébellions militaires répétées, dont une révolte en janvier 1987. En 1986, les autochtones avaient fondé la première organisation regroupant toutes leurs organisations: la Confederación de Nacionalidades Indígenas del Ecuador (Confédération des nationalités indigènes de l'Équateur) ou CONAIE. Celle-ci fut à l’origine du grand Levantamiento de 1990, la plus grande révolte indigène de l’histoire de l'Équateur: elle portait sur l’exigence d’une reconnaissance des langues et des cultures autochtones.

En 1992, Sixto Duran Bellen accéda à la présidence. Son mandat fut marqué, en juin 1994, par un nouveau soulèvement général des Amérindiens à travers le pays et, en janvier 1995, par de nouvelles tensions frontalières avec le Pérou, qui s'intensifièrent lorsque des conflits violents éclatèrent entre les forces militaires de chaque pays. Le territoire disputé couvre une superficie de 340 km² dans une région montagneuse qui constitue un débouché sur l'Amazonie et qui est surtout une région riche en ressources naturelles. Un cessez-le-feu fut signé et une zone de démilitarisation fut créée, mais les tensions persistèrent.

Élu à la présidence de la République en juillet 1996, Abdala Bucarám Ortiz afficha un comportement personnel plutôt «extravagant». En février 1997, le Parlement prit même la décision de destituer Bucarám pour «incapacité mentale et physique» et nomma Fabian Alarcon président par intérim, tandis que la vice-présidente Rosalia Arteaga s'autoproclamait présidente.

Élu en 1998, le président social-démocrate Rodrigo Borja dut affronter, en juin 1999, le mouvement des autochtones pour la reconnaissance de leurs droits sur la terre. Regroupées au sein de la Confederación de Nacionalidades Indígenas del Ecuador (Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur ou CONAIE), les peuples autochtones paralysèrent la vie du pays par une grève pacifique; mais le Levantamiento indien jeta une douche froide sur le pouvoir politique. Malgré l’opposition de l’armée et de la plupart des partis politiques, le président Borja accorda à la confédération des Shuars la propriété de 11 000 km² en Amazonie, tandis qu’une répression discrète menée par des groupes paramilitaires éliminait certains leaders indiens. Une nouvelle constitution reconnut, en 1998, aux autochtones leurs droits ancestraux, tandis que le gouvernement signait et ratifiait, le 15 mai 1998, la Convention relative aux peuples indigènes de l’Organisation internationale du travail (OIT).

En mai 1999, dans le cadre de l’accord de paix signé en octobre 1998, les frontières en Amazonie entre l’Équateur et le Pérou furent définitivement fixées, mettant fin à un litige frontalier vieux d’un siècle et demi. En 1999, la crise sociale et financière ne fit que s’aggraver, et des grèves répétées amenèrent le président à décréter l’état d’urgence à plusieurs reprises. 

En juillet, des milliers d’Indiens occupèrent pacifiquement la capitale «pour la vie et contre la faim». L’annonce de la «dollarisation» de l’économie — l’abandon de la monnaie nationale, le sucre — au début de l’année 2000 provoqua un soulèvement indigène, soutenu par des militaires et les syndicats, qui renversa le président Jamil Mahuad. Cependant, le Parlamento de los Pueblos del Ecuador (Parlement national des peuples de l’Équateur) fut éphémère, le vice-président Gustavo Noboa s’étant emparé du pouvoir, le 21 janvier 2000, avec l’appui du haut commandement militaire et des autochtones. Au lendemain de sa prise du pouvoir, Noboa confirmait la dollarisation comme le modèle approprié pour faire face à la crise économique qui secouait le pays. Il en a résulté une paupérisation accrue pour les deux tiers de la population, notamment chez les autochtones. À la fin de l'an 2000, l'inflation avait atteint 100 %, ce qui entraîna l’état d'urgence à nouveau proclamé en février 2001.

Pendant ce temps, l’Équateur affichait un taux de chômage de 50 %, alors qu’un tiers de la population demeurait sans accès à l'eau potable; 64 % des enfants de 6 à 15 ans étaient non scolarisés, et 70 % de la population demeurait sans accès aux soins médicaux, dans les deux cas, faute de moyens financiers; et les revenus réels du travail chutèrent de 20 % par année. Un fait dramatique: 78 % de la population vivait en dessous du seuil de la pauvreté en Équateur, qui continua à rester soumis à la forte influence des États-Unis, laquelle s'exprimait par l'«Ambassade», le siège du nouveau «vice-roi», et à la disposition desquels fut mise la base militaire de la Manta. À l'égard des indigènes, le gouvernement de l’Équateur a pris la décision de répondre par la violence et la répression aux nombreuses mobilisations pacifiques, en dispersant les indigènes sur les routes à l’aide de bombes lacrymogènes et d’armes à feu. Les indigènes, surtout les femmes et les enfants, furent aussi victimes (environ 1000 par année) des trafiquants d'organes ou d'adoptions illégales. Tout le pays a sombré dans la violence. Depuis cette crise majeure qui a frappé l’Équateur, quelque trois millions de citoyens ont quitté le pays, en quête du rêve américain ou européen. Le pays s'appauvrit encore à tel point que l'argent envoyé aux membres de la famille qui vivaient encore en Équateur en vint à constituer la deuxième ressource du pays derrière le pétrole.

Le 15 janvier 2007, Rafaël Correa est devenu le nouveau président de l'Équateur. Il s'est adressé en quechua dans un discours de remerciement à la population. En témoignant de sa grande connaissance de la langue, considérée comme la quatrième langue la plus parlée en Amérique et la langue indigène la plus étendue du continent, Correa a annoncé: «Mon gouvernement sera le gouvernement des indigènes.» Pour réussir à changer l'héritage de ses prédécesseurs, Correa a demandé l’aide de tous les Équatoriens qui, «avec des mains propres et un bon cœur», veulent partager cette nouvelle étape. Il a mis l’accent sur la nécessité d’en finir avec la culture de la corruption, qui non seulement régnait dans les institutions de l’État, mais aussi dans les grandes entreprises. Le nouveau président a rappelé que la patrie devait être au service de tous, les indigènes, les immigrants, les pauvres comme les exclus. En réaffirmant son intention de mettre à profit son mandat de quatre ans pour orienter l'Équateur vers le socialisme, Rafaël Correa a ainsi rejoint le clan des dirigeants sud-américains hostiles à Washington, tels le Vénézuélien Hugo Chavez et le Bolivien Evo Morales. Le nouveau président veut renégocier la dette extérieure et modifier la Constitution (ce qui est fait, avec 64 % de oui) pour mener à bien ses réformes. Au cours de la dernière décennie, aucun des trois présidents élus n'a réussi à terminer son mandat. Tous ont été chassés par des révoltes populaires.

4   La politique linguistique

C’est la Constitution du 5 juin 1998, puis celle du 19 juillet 2008, qui définit le plus explicitement la politique linguistique de l’Équateur. D'abord, le paragraphe 1 de l'article 1er de la Constitution de 2008 proclame que «l'Équateur est un État de droit social, souverain, unitaire, indépendant, démocratique, multiculturel et multiethnique».

Article 1er

1) L'Équateur est un État de droit social, souverain, unitaire et indépendant, démocratique, multiculturel et multi-ethnique. Son gouvernement est républicain, présidentiel, électif, représentatif, responsable, alternatif, participatif et d'une administration décentralisée.

2) La souveraineté réside dans le peuple, dont la volonté est le fondement de l'autorité, et elle s'exerce par l'intermédiaire des organismes du pouvoir public et des formes de participation directe prévues par la Constitution.

3) Les ressources naturelles non renouvelables du territoire de l'État appartiennent au patrimoine inaliénable, irrévocable et imprescriptible.

L'article 2 de la Constitution de 2008 proclame que «le castillan est la langue officielle de l'Équateur», que «le castillan, le quechua et le shuar sont des langues officielles dans les relations interculturelles» et que «les autres langues ancestrales sont d'usage officiel pour les peuples indigènes dans les zones où ils habitent»:

Article 2

1) Le drapeau, l'escudo et l'hymne national, prévus par la loi, sont les symboles de la patrie.

2) Le castillan est la langue officielle de l'Équateur ; le castillan, le
quechua et le shuar sont des langues officielles dans les relations interculturelles. Les autres langues ancestrales sont d'usage officiel pour les peuples indigènes dans les zones où ils habitent et selon les termes prévus par la loi. L'État doit respecter et promouvoir leur conservation et leur usage.

Il existe donc une hiérarchie dans le statut d'officialité de ces langues. Le castillan — noter le choix du terme «castillan» plutôt que «espagnol — est la «langue officielle de l'Équateur», mais le castillan, le quechua et le shuar sont aussi «des langues officielles dans les relations interculturelles», alors que les autres langues ancestrales — qui ne sont pas nommées — sont d'usage officiel pour les peuples indigènes dans les zones où ils habitent». Ce sont là trois paliers hiérarchiques différents. Il ne faut pas supposer que toutes ces langues sont officielles au même degré. Cette disposition constitutionnelle ne signifie pas que les «langues indigènes» sont co-officielles avec l’espagnol au Parlement, dans l’Administration publique, les écoles, les tribunaux, les médias, etc. Ce n'est guère le cas, puisque l’espagnol (castillan) accapare presque toutes les fonctions publiques, sauf pour quelques exceptions à la radio et dans les écoles primaires où est dispensée un enseignement bilingue.

Il n’existe aucune loi linguistique en Équateur. Parmi les rares documents juridiques qui mentionnent la question linguistique, citons la Constitution du 5 juin 1998, la Loi sur le service militaire de 1997 (Ley de Servicio Militar), la Loi sur l’éducation no 127 du 15 avril 1983 modifiée par la loi no150 du 15 avril 1992 (Ley de Educación No. 127 de abril 15 de 1983, reformada por la ley No.150 de abril 15 de 1992), le Loi sur l'administration de la justice des autorités indigènes de 2001 (Ley de Administración de Justicia de las Autoridades Indígenas). Il n’est fait mention que très rarement du castillan, sauf pour l’article 13 de la Constitution. Autrement dit, la politique linguistique de l’Équateur à l’égard de l’espagnol en est une de non-intervention.

4.1 La politique indigéniste

En janvier 2007, la ministre équatorienne, Manuela Gallegos Anda, créait le Secrétariat aux peuples, aux mouvements sociaux et à la participation citoyenne (Secretaría de Pueblos, Movimientos Sociales y Participación Ciudadana). Dans un entretien avec la presse (31 octobre 2008), elle déclarait que l'Équateur était un pays plurinational et interculturel, que l'État reconnaissait les peuples ainsi que leurs langues, leurs traditions et leurs coutumes :
 

Texte original

Es algo que ahora más que nunca en la historia esta clarísimo, y más todavía en la nueva constitución. Crear la Secretaría de Pueblos, es justamente reconocer al Ecuador como un país plurinacional e intercultural.

La historia ecuatoriana no empieza ni con los Incas, ni con los españoles. Antes de los Incas, teníamos aquí innumerables culturas y nacionalidades. Había once lenguas en lo que es ahora el territorio del Ecuador. Esas lenguas significaban diferentes espacios territoriales, diferentes visiones, diferentes dioses... Y cuando nosotros reconocemos a los pueblos, estamos reconociendo estas diferencias, que hacen del Ecuador la riqueza y la maravilla que tiene. Hay un solo Ecuador, pero llamarla “Secretaría de Pueblos”, es reconocer una diversidad inmensamente grande que tiene que ver con cuestiones ancestrales.

El tener la Secretaría de Pueblos nos ha permitido entender un problema que ha habido en nuestro concepto urbano de revolución ciudadana. Claro para nosotros eso significa hacerse ciudadano desde un punto de vista amplio, pero a un indígena de una comunidad en el alto de la sierra, esto de “ciudadano”, tal vez no lo entienda. No lo entiende porque él se ve como parte de su comunidad. Entonces tenemos otras cosas que ir adaptando también en la forma de comunicar.

Por la parte administrativa, la secretaría se llama “de pueblos” porque estuvo creada con la inscripción de los Consejos de Pueblos que existían en el Ecuador: el Consejo de Desarrollo de las Nacionalidades y Pueblos del Ecuador (CODENPE), el Consejo de Desarrollo del Pueblo Montubio y de la Costa (CONDEPMOC) y la Corporación de Desarrollo Afroecuatoriano (CODAE).

Traduction

Le Secrétariat aux peuples, c’est justement la reconnaissance que l’Équateur est un pays plurinational et interculturel. Cela n’a jamais été aussi clair dans l’histoire de notre pays. La nouvelle constitution va encore plus loin.

L’histoire de l’Équateur ne commence ni avec les Incas ni avec les Espagnols. Avant les Incas, il y avait ici d’innombrables cultures, langues et nationalités. Nous avions onze langues dans ce qui est maintenant le territoire de l'Équateur. Ces langues étaient porteuses de e différents espaces territoriaux, de différentes visions, de différents dieux... Et lorsque nous reconnaissons les peuples, nous reconnaissons ces différences qui font la richesse et les merveilles de l’Équateur. Il existe un seul Équateur, mais appeler «Secrétariat aux peuples», c'est reconnaître une diversité immensément importante concernant les questions ancestrales.

Le fait d’avoir ce Secrétariat aux peuples nous a permis de saisir les incohérences de notre concept urbain de révolution citoyenne. Il est clair pour nous que la révolution citoyenne est un concept plus large, mais un indigène vivant dans sa vaste et ouvert. Mais comment le faire comprendre à un indigène qui vit dans sa communauté sur les hauteurs de la cordillère pourrait ne pas comprendre ce que signifie «devenir citoyen». Il ne le comprend pas parce qu'il se considère comme membre à part entière de sa communauté ? Cela nous met également dans l’obligation d'adapter notre manière de communiquer.

Du point de vue administratif, nous l’avons nommé «Secrétariat aux peuples», car il a été créé grâce à l’engagement de conseils des peuples qui existaient en Équateur : le Conseil du développement des nationalités et des peuples de l’Équateur (CONDEMPE), le Conseil du développement du peuple montubio et de la côte (CONDEPMOC) et la Société pour le développement afro-équatorien (CODAE).


 

Bref, le gouvernement de l'Équateur a une politique indigéniste, surtout depuis l'arrivée au pouvoir du président Rafaël Correa en 2007. Le 28 septembre 2008, le peuple équatorien a approuvé par référendum une nouvelle constitution (64 % oui, 28 % non, 7 % blanc, 1 % nul). Auparavant, 130 représentants avaient été élus par le peuple afin de rédiger ce nouveau projet de constitution pour l’Équateur.

Comme en Bolivie, l’Équateur est un pays où le mouvement indigène joue un rôle important dans l’orientation de la politique. Ce sont les indigènes qui ont réussi à faire reconnaître dans la Constitution la co-officialité des deux langues quechua et shuar. Il faut dire aussi que les indigènes de l'Équateur,  qui représentent près de 40 % de la population, semblent remarquablement organisés. Il existe dans le pays de puissantes organisations indigènes qui veillent à la protection et à la promotion de leurs intérêts:

- la Confederación de Nacionalidades Indígenas del Ecuador (CONAIE): Confédération des nationalités indigènes de l'Équateur;
- la Confederación de Pueblos de la Nacionalidad Kichua del Ecuador (ECUARUNARI): Confédération des peuples de la nationalité kichua de l'Équateur;
- la Confederación de Nacionalidades Indígenas de la Amazonia Ecuatoriana (CONFENIAE): Confédération des nationalités indigènes de l'Amazonie équatorienne;
- la Federación Ecuatoriana de Indígenas Evangélicos (FEINE): Fédération équatorienne des indigènes évangéliques:
- la Federación Nacional de Organizaciones Campesinas, Indígenas y Negras (FENOCIN): Fédération nationale des organisations paysannes, indigènes et noires;
- la Federación Indígena y Campesino de Imbabura (FICI): Fédération indigène et paysanne de la province d'Imbabura;
- l’Instituto Científico de Culturas Indígenas (ICCI): Institut scientifique des cultures indigènes;
- l’Organización de Pueblos Indígenas de Pastaza (OPIP): Organisation des peuples indigènes de la province de Pastaza;
- l’Unión de Organizaciones Campesinas Indígenas de Cotacachi (UNORCAC): Union des organisations paysannes indigènes de Cotacachi;
- la Federación de Comunas Unión de Nativos de la Amazonía Ecuatoriana (FCUNAE): Fédération des communes de l’Union des indigènes de l'Amazonie équatorienne.

- Les droits collectifs

Ce sont ces organisations qui ont réussi à faire adopter une nouvelle constitution en 1998, laquelle a été reprise en 2008. Le chapitre IV est consacré aux Droits des communautés, des peuples et des nationalités  («Derechos de las comunidades, pueblos y nacionalidades»), et concernent spécifiquement les indigènes, les Noirs et les Afro-Équatoriens. Les article 57 et 58 de la Constitution traitent des droits collectifs en détails:

Article 57

Les communautés, peuples et nationalités indigènes, le peuple afro-équatorien, le peuple montubio et les communes font partie de l'État équatorien, unique et indivisible.

Article 58

Sont reconnus et garantis aux communes, communautés, peuples et nationalités indigènes, conformément à la Constitution et aux accords, conventions, déclarations et autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, les droits collectifs suivants :

À l'article 58 de la Constitution suivent alors une série de 22 droits, présentés avec précision. Nous ne présentons ici que les quatre premiers:

1. Mantener, desarrollar y fortalecer libremente su identidad, sentido de pertenencia, tradiciones ancestrales y formas de organización social.

2. No ser objeto de racismo y de ninguna forma de discriminación fundada en su origen, identidad étnica o cultural.

3. El reconocimiento, reparación y resarcimiento de las colectividades afectadas por racismo, xenofobia y otras formas conexas de intolerancia y discriminación.

4. Conservar la propiedad imprescriptible de sus tierras comunitarias, que serán inalienables, inembargables e indivisibles. Estas tierras estarán exentas del pago de tasas e impuestos.

1. Maintenir, développer et renforcer librement leur identité, leur sentiment d'appartenance, leurs traditions ancestrales et leurs formes d'organisation sociale.

2. Ne pas faire l'objet de racisme et d'aucune autre forme de discrimination fondée sur l'origine, l'identité ethnique ou culturelle.

3. La reconnaissance, la réparation et l'indemnisation des collectivités touchées par le racisme, la xénophobie et autres formes d'intolérance et de discrimination.

4. Conserver la propriété imprescriptible de leurs terres communautaires, qui sont inaliénables, insaisissables et indivisibles. Ces terres sont exemptes du paiement de taxes et d'impôts.

On peut consulter l'ensemble de ces droits en cliquant ICI, s.v.p. Seul l'alinéa 22 de l'article 58 traite quelque peu de la langue:

22. Que la dignité et la diversité de leurs cultures, leurs traditions, leur histoire et de leurs aspirations se reflètent dans l'éducation publique et les moyens de communication; la création de leurs propres moyens de communication sociale dans leurs langues et l'accès aux autres sans aucune discrimination.

- La culture

L'alinéa 13 de l'article 58 porte sur la culture indigène et les éléments linguistiques sont quelques peu perdus dans un ensemble de droits culturels:

13. Mantener, recuperar, proteger, desarrollar y preservar su patrimonio cultural e histórico como parte indivisible del patrimonio del Ecuador. El Estado proveerá los recursos para el efecto. 13. Maintenir, récupérer, protéger, développer et préserver leur patrimoine culturel et historique comme une partie indivisible du patrimoine de l'Équateur. L'État doit fournir les ressources à cet effet.

L'article 381 de la Constitution de 2008 définit la culture comme faisant «partie du patrimoine culturel tangible et intangible significatif pour la mémoire et l'identité des personnes et des groupes»: 

Article 381

1) Font partie du patrimoine culturel tangible et intangible significatif pour la mémoire et l'identité des personnes et des groupes, entre autres:

1. Les langues, formes d'expression, traditions orales et diverses manifestations et créations culturelles, y compris celles relatives aux rites, aux fêtes et à la création.

2. Les bâtiments, espaces et ensembles urbains, monuments, sites naturels, routes, jardins et paysages qu'ils contiennent et concernant d'identité pour les peuples ou ayant pour eux une valeur historique, artistique, archéologique, ethnographique ou paléontologique.

3. Les documents, objets, collections, archives, bibliothèques et musées ayant une valeur historique, artistique, archéologique, ethnographique ou paléontologique.

4. Les créations artistiques, scientifiques et technologiques.

2) Les biens culturels patrimoniaux de l'État sont inaliénables, insaisissables et imprescriptibles. L'État a le droit de priorité dans l'acquisition des biens du patrimoine culturel et garantit leur protection. Tout dommage est sanctionné conformément à la loi.

Ces biens culturels patrimoniaux de l'État sont «inaliénables, insaisissables et imprescriptibles». C'est pourquoi l’État se doit de promouvoir la culture, la création, la formation artistique et la recherche scientifique; il devra établir des politiques permanentes pour la conservation, la restauration, la protection et le respect du patrimoine culturel, de la richesse artistique, historique, linguistique et archéologique de la nation, ainsi que de l'ensemble des valeurs et manifestations diverses qui forment l'identité nationale, multiculturelle et multiethnique. L'article 382 de la Constitution est précis à ce sujet:

Article 382

Il relève de la responsabilité de l'État de:

1. Veiller, au moyen de politiques permanentes, à l'identification, la protection, la défense, la conservation, la restauration, la diffusion et l'accroissement du patrimoine culturel tangible et intangible, à la richesse historique, artistique, linguistique et archéologique de la mémoire collective et de l'ensemble valeurs et manifestations façonnant l'identité multinationale, multiculturelle et multi-ethnique de l'Équateur.

2. Promouvoir la restitution et la récupération des biens patrimoniaux spoliés, perdus ou dégradés, et assurer le dépôt légal des documents imprimés, audiovisuels et électroniques de diffusion massive.

[...]

- L’éducation

L’éducation concerne surtout l'alinéa 14 de l'article 58 de la Constitution:

Article 58

14. Développer, consolider et renforcer le système d'éducation interculturel bilingue, avec des critères de qualité, depuis l'incitation précoce jusqu'au niveau supérieur, conformément à la diversité culturelle, pour la protection et la préservation des identités en conformité avec leurs méthodes d'enseignement et d'apprentissage. La carrière d'un enseignement honorable doit être garantie; l'administration est collective et participative, avec une alternance dans le temps et l'espace basée sur le niveau communautaire et le rendement des comptes.

L’éducation relève de la responsabilité de l'État qui définit et met en application les politiques permettant d'atteindre ces objectifs. Cette politique est teintée de l’interculturalité («interculturalidad») ou interculturalisme — on parle de l'«educación intercultural bilingüe» ou de éducation interculturelle bilingue — qui doit inspirer les orientations et intégrer les institutions, conformément aux principes d’équité et d’égalité des cultures. Garantir une éducation interculturelle bilingue pour tous les indigènes, indépendamment de leur nombre, signifie en principe prévoir du matériel pédagogique, ce qui inclut des bibliothèques, des vidéos, des laboratoires etc., mais aussi former des éducateurs provenant des communautés indigènes, garantir la stabilité du système éducatif et maintenir des dispositions juridiques et administratives afin de parvenir à la réalisation des objectifs poursuivis dans l'éducation interculturelle bilingue.

La Constitution du 19 juillet 2008 prévoit aussi dans son article 346 un système d'éducation interculturel bilingue pour tous:

Article 346

Il relève de la responsabilité de l'État :

9. De garantir un système d'éducation interculturel bilingue, dans lequel est utilisée comme langue principale d'enseignement celle de la nationalité concernée ainsi que le castillan comme langue des relations interculturelles, sous la tutelle des politiques publiques de l'État et dans le respect total des droits collectifs reconnus dans la Constitution.

10. De veiller à ce que, de façon progressive, il soit inclus dans les programmes d'études l'enseignement d'au moins une langue ancestrale.

11. De garantir la participation active des étudiants, des familles et des enseignants dans le processus d'éducation.

12. De garantir, selon les principes de l'équité sociale, territoriale et régionale, que tous aient accès à l'éducation publique.

En principe, cela signifie que tous les Équatoriens doivent apprendre une langue ancestrale en plus de l'espagnol. Cependant, des difficultés peuvent surgir lorsqu'il faut faire appel à des enseignants compétents dans ces langues, mais le principe est fort louable.

En Équateur, l’éducation publique est laïque, obligatoire au niveau primaire et gratuite jusqu'au baccalauréat ou son équivalent (art. 67). Dans les établissements d’enseignement publics, on fournira, sans frais, aux élèves les services à caractère social dont ils ont besoin. Les élèves en situation d'extrême pauvreté recevront des subventions particulières. L’État s’engage à proposer des programmes d'éducation permanente pour éradiquer l'analphabétisme et raffermir l'éducation dans les zones rurales et près des frontières. De fait, si l'éducation publique est laïque et gratuite dans tous les établissements, tous les Équatoriens n'y ont pas accès avec les mêmes chances: seulement 53 % de la population indigène accède à l'éducation primaire, 15 % parvient au secondaire et moins de 1% à l'éducation supérieure. Par ailleurs, 20 % de la population des zones rurales est analphabète, tandis que ce taux n'atteint que 5 % dans les centres urbains. 

En vertu de l’article 68, le système national d'éducation doit comprendre des programmes d'enseignement conformes à la diversité du pays. Il incorporera dans sa gestion des stratégies de décentralisation et d’autonomie administrative, financière et pédagogique. Les pères de famille, les communautés, les enseignants et les élèves prendront part à l'élaboration des mesures éducatives.

Les autres articles de ce chapitre sur l'éducation traitent du salaire des enseignants et de l’éducation supérieure, mais aucune de ces dispositions ne fait référence à la question linguistique. On compte au total 18 universités et trois écoles supérieures polytechniques; de ce nombre, 15 sont publiques et le reste est privé; tout comme dans les autres niveaux, l'éducation dans les universités publiques est laïque et gratuite. 

Dans la Loi sur l’éducation du 15 avril 1983 modifiée par la loi du 15 avril 1992 (Ley de Educación No. 127 de abril 15 de 1983, reformada por la ley No.150 de abril 15 de 1992), l’article 28 prévoit que la Direction nationale d'éducation interculturelle bilingue (Dirección Nacional de Educación Intercultural Bilingüe) est l’organisme responsable des cultures et des langues aborigènes, et qu’il fonctionne comme une organisation technique, administrative et financière décentralisée, tout en garantissant la participation des peuples indigènes à tous les niveaux de l'administration éducative:

Article 28

La Direction nationale d'éducation interculturelle bilingue, responsable des cultures et des langues aborigènes, fonctionnera comme une organisation technique, administrative et financière décentralisée; elle aura sa structure organique fonctionnelle propre, qui garantira la participation des peuples indigènes à tous les niveaux et instances de l'administration éducative, en fonction de leur représentativité.

Il faut ajouter également que l'article 43 de la Loi sur l’éducation précise que, dans les constructions scolaires des zones rurales, on prendra en considération les caractéristiques socioculturelles et architecturales des communautés indigènes, et que les besoins de logement pour les enseignants et les services ayant trait à la promotion sociale et culturelle pourront être menées à bien avec la participation des organismes de l'État et des communautés. Bref, les dispositions juridiques semblent bien minces en regard des besoins des indigènes.

L'article 48 de la Constitution prévoit des dispositions à l'égard des handicapés, dont les malentendants (alinéa 9):

Article 48

1) L'État garantit l'application de mesures préventives à l'égard des handicapés et, de façon conjointe avec la société et la famille, s'efforce de procurer des chances égales aux handicapés et leur intégration sociale.

2) Il est reconnu aux personnes souffrant d'invalidité des droits à :

8. L'accès de manière adéquate à tous les biens et services. Doivent être éliminées les barrières architecturales.

9. L'accès à des mécanismes et moyens alternatifs de communication, entre eux comme le langage des signes pour malentendants, l'oralisme et le braille.

- L’Administration

La législation équatorienne traite peu des problèmes administratifs concernant les autochtones. L’article 61 de la Constitution de 2008 prévoit des circonscriptions électorales et provinciales pour les indigènes et les Afro-Équatoriens.

Article 61

Les peuples ancestraux, indigènes, afro-équatoriens et montubio peuvent constituer des circonscriptions territoriales pour la préservation de leur culture. La loi régira son organisation. Il est reconnu aux communes ayant des propriétés collectives de terre comme une forme ancestrale d'organisation territoriale.

Les gouvernements provinciaux jouiront de la pleine autonomie et pourront adopter des lois, dicter des décrets, créer, modifier et supprimer des taxes, etc., mais rien n’est prévu en ce qui concerne la langue. Dans les faits, moins du 3 % des membres du Congrès national sont des indigènes, et pas un seul ne fait partie du Cabinet des ministres. Beaucoup de postes de la Fonction publique ferment complètement toute porte au dialogue ou à une participation active dans ces secteurs de la politique.   

En matière de justice, l’article 78 de la Constitution stipule que toute personne aura le droit d'être dûment informée, dans sa langue maternelle, des accusations qui pèsent contre elle.

Article 78

Dans toute procédure pénale dans laquelle quiconque a été privé de liberté, les garanties fondamentales suivantes sont respectées :

3. Toute personne, au moment de sa détention, a le droit de connaître de façon claire et dans un langage simple les motifs de sa détention, l'identité du juge, ou l'autorité qui l'a ordonnée, celle des agents de sécurité et celle des personnes responsables de son interrogatoire.

7. Le droit de quiconque à une défense comprend :

a. celui d'être informé, de façon préalable et détaillée, dans sa langue maternelle et dans un langage simple de l'action et de la procédure formulée à son encontre ainsi que de l'identité de l'autorité responsable de l'action ou de la procédure.

De son côté, l’article 14 de la Loi sur l'administration de la justice des autorités indigènes prévoit que le non-indigène qui aurait son domicile, son commerce ou son usine dans le territoire d’une communauté indigène sera jugée en accord avec l'autorité indigène, conformément au droit indigène; la procédure pourra permettre l’usage de sa langue maternelle dans sa défense:

Article 14

1) Le non-indigène qui aurait son domicile, sa résidence, son commerce, son usine dans le territoire d’une communauté indigène sera jugée en accord avec l'autorité indigène, en totalité, conformément au droit indigène. La procédure pourra permettre l’usage de sa langue maternelle dans sa défense. [...]

En somme, le droit à sa langue appartient aux non-indigènes, non aux indigènes. Cela ne signifie pas que ces derniers ne peuvent pas utiliser leur langue, mais plutôt que le non-indigène, lui, peut être assuré d’employer l’espagnol. D’ailleurs, l’article 15 de la même loi spécifie que, lors d’un conflit entre indigènes et non-indigènes, tout autochtone aura le droit d’être défendu dans sa langue maternelle, s'il le préfère ainsi et le juge peut désigner un traducteur ou un interprète, à la satisfaction de l'indigène:

Article 15

1) L'indigène pourra être défendu dans sa langue maternelle, s'il le préfère ainsi et, pour ce faire, le juge ou le tribunal désignera un traducteur ou un interprète à la satisfaction de l'indigène, qui pourra demander qu'intervienne l'autorité indigène de la collectivité à laquelle il appartient, afin qu'il veille au respect de la procédure nécessaire. [...]

2) Dans sa sentence, le juge ou le tribunal tiendra compte des différences culturelles et cherchera à concilier ces différences avec la culture à laquelle correspond le droit étatique avec l'aide de juristes, d’anthropologues ou de sociologues, dont les honoraires incomberont à la partie dont la sentence est défavorable.

Il reste la question du service militaire. L’article 188 de la Loi sur le service militaire (1997) précise que les Équatoriens doivent faire leur service militaire obligatoire, mais il est possible d'invoquer une objection de conscience fondée sur des raisons morales, religieuses ou philosophiques, comme ce peut être le cas pour les indigènes:

Article 108

L'objection de conscience est acceptée après justification, cette dernière devant être qualifiée par le directeur de la mobilisation des Forces armées. Ceux qui sont favorisés par la présente loi doivent accomplir leur service dans les unités de développement des Forces armées, conformément aux dispositions prévues par le règlement de la présente loi.

Article 188

Le service militaire est obligatoire. Le citoyen est assigné à un service civil à la communauté, s'il invoque une objection de conscience fondée sur des raisons morales, religieuses ou philosophiques, selon les dispositions prévues par la loi.

Dans les faits, les indigènes habitant dans leurs circonscriptions sont formés dans des unités particulières dont les membres n’ont pas à utiliser l’uniforme des Forces armées, ni se faire couper les cheveux; ils reçoivent leur formation en quechua, non en espagnol.

4.2    Le point de vue des indigènes

En janvier 2001, en violation flagrante de l’article 84 de la Constitution («terres communautaires [...] inaliénables, insaisissables et indivisibles»), des unités de l’armée équatoriennes postées à la limite des provinces de Cotopaxi et de Pinchincha ont fait descendre des autobus de transport publique et des voitures particulières des centaines d’indigènes, puis elles leur ont confisqué leur effets personnels tels que vêtements, aliments et ustensiles de cuisine. D’autres cas ont été signalés dans les provinces de Loja, Azuay, Chimborazo, Tungurahua et Imbabura. Les autochtones accusent le gouvernement et la police de leur prendre leurs terres et de ne jamais être capables d’exproprier les biens des banquiers et des fonctionnaires corrompus, lesquels accaparent en toute complicité, d’une part, l’argent de leurs épargnants, d’autre part, les fonds publics.

- Le système d'éducation

En ce qui a trait au système d’éducation, les indigènes considèrent que les nombreuses réformes — 18 en trente ans — n’ont pas apporté les résultats attendus. L'inefficacité du système est évidente: il se reflète dans les taux d’échec et d’abandon. Près de 50 % des enfants inscrits au primaire dépassent l'âge approprié pour être à ce niveau en raison des nombreux échecs scolaires. L’abandon pour des raisons économiques, surtout dans le secteur rural, se produit à l'âge vers lequel les enfants commencent à travailler, soit vers la 10e ou la 12e année. Les documents pédagogiques sont déficients et la pénurie de matériaux didactiques est grande, ce qui contribue à la mauvaise qualité de l'éducation. 

L'inégalité du système éducatif se reflète surtout dans les zones rurales où les équipements sont rudimentaires. La plupart des salles de classe sont en mauvais état, alors que près de la moitié (47 %) des écoles rurales ne disposent que d’un seul enseignant pour tous les degrés réunis, sans oublier la pénurie criante des manuels. Comme 90 % des budgets sont affectés à la rémunération des enseignants, il ne reste plus grand fonds pour l’amélioration des livres ou du matériel de classe. La mauvaise qualité de l’enseignement destiné aux indigènes a eu des effets négatifs: des échecs, des abandons scolaires, mais aussi un phénomène de rejet des langues et des cultures propres.

- L'éducation bilingue

Historiquement, l'éducation bilingue a été conçue comme une méthode d'enseignement destinée à faire face au problème de l’«isolement verbal» entre l'école et l'élève indigène. Dans le souci de préserver et de renforcer l'identité ethnique, culturelle et linguistique, est apparu le concept de «bilinguisme de maintien», pour signifier que l'éducation commence avec la langue indigène durant les premières années de la scolarité, mais qu’elle est maintenue dans cette langue en introduisant progressivement le castillan comme matière d’enseignement et instrument d'apprentissage. Le but est que les enfants acquièrent des connaissances de leur culture propre en langue indigène et, simultanément, une appréhension progressive de la culture officielle en castillan. Mais le bilinguisme de maintien ne s'est jamais matérialisé.

Dans la réalité scolaire de l'Équateur, on constate qu'un grand nombre d'étudiants indigènes, qui fréquentent en principe les écoles bilingues, n’apprennent pratiquement que le castillan. Plus souvent qu’autrement, les images véhiculées dans les écoles montrent que les indigènes sont limitées à des activités rurales de subsistance et que, exception faite de la profession d’enseignants, aucune autre profession de prestige n’est proposée aux enfants.

C’est pourquoi les indigènes de l’Équateur demandent au gouvernement une véritable politique d'éducation interculturelle bilingue, c'est-à-dire destinée à tous les élèves du pays, et pas uniquement aux seuls indigènes. Il n’est pas normal que seuls les élèves autochtones soient tenus d'apprendre une autre langue que leur langue maternelle, ce qui n’est pas le cas des hispanophones. Autrement dit, les autochtones sont obligés de recevoir une éducation bilingue et de développer des habiletés de bilinguisme, alors que les hispanophones s’en tiennent à la seule langue espagnole.

- L'interculturalité

Quant au concept d’interculturalité («Interculturalidad») ou interculturalisme, il correspond essentiellement à l'intégration des communautés autochtones dans un environnement où l'espagnol est la langue commune de la vie publique. Or, il ne saurait être destiné seulement aux peuples indigènes. L’interculturalisme devrait être valable aussi pour les écoles de langue espagnole dans un effort national pour reconnaître les cultures indigènes dans leurs valeurs, leurs modes d'expression et leurs traditions. Il faut que tous les Équatoriens bénéficient des mêmes droits et des mêmes obligations dans un État commun.

Pour le moment, l’éducation interculturelle bilingue est confinée à une sorte de folklorisation du fait indigène. Il faudrait au contraire une présence plus grande du quechua et d’autres langues indigènes dans la totalité des sphères de la vie publique et privée: en commençant par le système éducatif à tous les niveaux — y compris l'universitaire —, puis dans les moyens de communication de masse, les soins de santé, l’Administration gouvernementale et la magistrature.

Dans l’état actuel des choses, les indigènes ont réussi à gérer leurs municipalités. C’est une forme d’autonomie qui peut leur profiter. Mais les indigènes savent qu'il ne suffira pas de gérer des municipalités pour améliorer leur situation, car les municipalités équatoriennes ne gèrent que 4 % du budget national (contre 60 % en Suède). Bref, à la base, il existe un problème de sous-financement.

- La véritable éducation interculturelle bilingue (CONAIE)

Les associations indigènes ont leurs solutions pour parvenir à une véritable éducation interculturelle bilingue. Chose certaine, ces solutions sont différentes de celles du gouvernement équatoriens. À cet égard, voici un extrait d'une déclaration officielle de la Confederación de Nacionalidades Indígenas del Ecuador ou CONAIE (Confédération des nations indigènes de l'Équateur), approuvée lors du Premier Congrès national des nations et peuples indigènes de l'Équateur, le 12 octobre 2001: 

Educación bilingüe intercultural científica y humanista

La Educación para las Nacionalidades y Pueblos y, para todos los sectores sociales, es un instrumento más de sometimiento, dominación, aculturación, desideologización y explotación, utilizado por sectores dominantes, tanto en la colonia como en la actualidad; con el objetivo de perpetuar la dependencia, el subdesarrollo y su sistema económico, político-ideológico y cultural.

Diferentes instituciones públicas, privadas y religiosas se han encargado de "educar civilizar e integrar" a las Nacionalidades y Pueblos a lo largo de estos cinco siglos de opresión y explotación.

Sus distintos métodos no han cumplido con sus objetivos, pese a la imposición del idioma español o castellano, así como de sus valores "occidentales". Nuestras Nacionalidades y Pueblos han sobrevivido con inteligencia y sabiduría, logrando incluso desarrollar nuestros idiomas ancestrales y la Identidad Cultural.

La educación actual, formal y memorista no responde a la realidad, ni a las aspiraciones y necesidades de las Nacionalidades y Pueblos, ni de los diferentes sectores populares, y por tal razón las Organizaciones Indígenas hemos luchado a lo largo de estos siglos de sometimiento y dominación, exigiendo el derecho a que se nos eduque en nuestros idiomas y lenguas, y de acuerdo a nuestra cosmovisión.

El Programa de educación Bilingüe Intercultural que se ejecuta desde 1989, desde la Dirección Nacional de Educación Intercultural Bilingüe (creado por el gobierno social demócrata debido a la lucha y presión de las organizaciones indígenas -CONAIE-), pese a ser un avance importante y una conquista histórica de las Nacionalidades y Pueblos; Atraviesa por serios problemas financieros (presupuestarios) y de funcionalidad, debido al limitado apoyo económico y falta de una política educativa clara y democrática.

Éducation interculturelle bilingue scientifique et humaniste

L'éducation pour les nations et peuples et, dans toutes les sphères sociales, c'est encore un instrument de soumission, de domination, d'acculturation, d'endoctrinement et d'exploitation utilisé par des secteurs dominants, tant à l'époque coloniale qu'aujourd'hui, avec l'objectif de perpétuer la dépendance, le sous-développement et son système économique, politique, idéologique et culturel.

Différentes institutions publiques, privées et religieuses se sont chargées d'«instruire, de civiliser et d'intégrer» les nations et peuples tout au long de ces cinq siècles d'oppression et d'exploitation.

Ses différentes méthodes n'ont pas atteint leurs objectifs, en dépit de l'imposition de la langue espagnole ou castillane, ainsi que leurs valeurs «occidentales». Nos nations et peuples ont survécu avec intelligence et sagesse, en réussissant même à développer nos langues ancestrales et notre identité culturelle.


L'éducation actuelle, formelle et mémorielle [par coeur] ne répond pas à la réalité, ni aux aspirations ni aux besoins des nations et peuples, ni aux différents secteurs de la population, et c'est pour cette raison que les organisations indigènes ont combattu tout au long de ces siècles de soumission et de domination, en exigeant le droit recevoir notre instruction dans nos idiomes et nos langues, en accord avec notre vision du monde.

Le Programme d'éducation interculturelle bilingue, qui est mis en oeuvre depuis 1989 par la Direction nationale de l'éducation interculturelle bilingue (créée par le gouvernement social-démocrate à cause du combat et de la pression des organisations indigènes - CONAIE), en dépit de l'avancée importante et de la conquête historique des nations et des peuples, connaît de sérieux problèmes financiers (budgétaires) et opérationnels, étant donné le soutien économique limité et le manque d'une politique d'éducation claire et démocratique.

Les représentants de la CONAIE (Confédération des nations indigènes de l'Équateur) veulent favoriser une stratégie en huit points:

1. Élaborer et mettre en oeuvre avec la participation des organisations des nations une politique d'éducation qui réponde aux aspirations et à la vision du monde des nations et des peuples.
2. Favoriser une éducation interculturelle bilingue scientifique et technique, orientée vers la solution des problèmes économiques, sociaux et culturels des nationalités et des peuples.
3. Exiger de l'État actuel un appui économique nécessaire et suffisant pour la Direction nationale de l'éducation interculturelle bilingue (DINEIB), ainsi que l'autonomie administrative de l'organisme.
4. Exiger de l'État unitaire la dotation d'une infrastructure éducative rurale fonctionnelle en conformité avec les demandes du milieu.
5. Exiger un budget pour améliorer la qualité de l'éducation auprès des nations et peuples en conformité avec leurs besoins.
6. Favoriser la recherche permanente, qui permettrait d'améliorer la production de documents pédagogiques dans l'enseignement bilingue.
7. Créer un système de professionnalisation pour les ressources humaines indigènes, à tous les niveaux, destiné à la DINEIB au moyen de conventions nationales et internationales.
8. Exiger de l'État et des gouvernements, tout spécialement du ministère de l'Éducation, de suspendre l'enseignement religieux occidental dans les écoles qui relèvent des nations et des Peuples et qui, à leur tour doivent intégrer les valeurs propres à leur religion.

En réalité, les indigènes désirent une éducation interculturelle bilingue élaborée au plan national, qui réponde à des programmes nationaux de développement économique, social et culturel d'une nouvelle société interculturelle. Pour ce faire, il veulent promouvoir une éducation libératrice, critique, réfléchie et plurinationale à laquelle tous auraient accès, et relevant de la responsabilité d'un État plurinational.

En 2011, la Loi organique sur l'éducation interculturelle énonçait les obligations de l'éducation interculturelle à l'égard des peuples afro-équatoriens et montubiens:

Article 6

Obligations

La principale obligation de l'État est le respect intégral, permanent et progressif des droits et des garanties constitutionnels en matière d'éducation, ainsi que des principes et objectifs prévus dans la présente loi.

L'État a les obligations supplémentaires suivantes :

k. Assurer une éducation culturellement pertinente pour les peuples et les nationalités dans leur propre langue et dans le respect de leurs droits. Renforcer la pratique, le maintien et le développement des langues des peuples et des nationalités. L'État reconnaîtra et mettra en œuvre l'ethno-éducation et adoptera toutes les mesures nécessaires pour la jouissance effective des droits des peuples afro-équatoriens et montubiens;

l. Inclure dans les programmes d'études de façon progressive l'enseignement d'au moins une langue ancestrale, l'étude systématique des réalités et des histoires nationales non officielles, ainsi que des connaissances locales;

m. Promouvoir la recherche et l'innovation scientifique, technologique, la création artistique, la pratique du sport, la protection et la conservation du patrimoine culturel, naturel et environnemental, ainsi que la diversité culturelle et linguistique;

rticle 80

Objectifs

Les finalités du système d’éducation interculturelle bilingue et de l'ethno-éducation sont les suivantes :

a. Le renforcement de la plurinationalité et de l’interculturalité pour parvenir au bien-vivre ;
b. Le renforcement de l'identité, de la langue et de la culture des nationalités et des peuples indigènes, afro-équatoriens et montubiens;

Les Montubiens (en esp.: Montubios) sont des métis ruraux de la zone côtière de l'Équateur; représentant 7,4 % de la population du pays, ils ont été reconnus comme une ethnie distincte.

De plus, l'éducation doit être gratuite, et l'État plurinational doit maintenir un vaste programme de bourses nationales et internationales, afin de former de nouveaux techniciens, des scientifiques et des professionnels dont a besoin la nation plurinationale, pour atteindre ses objectifs de développement intégral. L'éducation doit cesser d'être un instrument de domination pour devenir un instrument d'intégration nationale, entre toutes les nationalités et peuples, et spécialement un instrument du développement national. Enfin, l'État plurinational doit garantir les ressources financières nécessaires pour le développement et la mise en oeuvre des programmes et des objectifs de l'éducation interculturelle bilingue.

5 La Convention relative aux peuples indigènes et tribaux

Le gouvernement de l’Équateur a signé, le 18 mai 1998, la Convention relative aux peuples indigènes de l’Organisation internationale du travail (OIT). Ce document d’une grande importante implique 14 États, dont l’Équateur, la Bolivie, le Paraguay, le Pérou et, en Amérique centrale, le Guatemala, le Costa Rica, le Honduras et l’Argentine.

La Convention reconnaît aux peuples indigènes le droit de jouir pleinement des libertés fondamentales, sans entrave ni discrimination (art. 3). Les dispositions de cette convention doivent être appliquées sans discrimination aux femmes et aux hommes de ces peuples. Les gouvernements des États signataires doivent mettre en place des moyens par lesquels les peuples autochtones pourront, à égalité avec le reste de citoyens de leur pays, participer librement et à tous les niveaux à la prise de décisions dans les institutions électives et les organismes administratifs et autres qui sont responsables des politiques et des programmes qui les concernent (art. 6). L’article 7 reconnaît aux populations concernées le droit de contrôler leur développement économique, social et culturel propre. Les États doivent aussi tenir compte des coutumes et du droit coutumier de ces populations (art. 8). L’article 20 de la Convention oblige les gouvernements à «prendre des mesures spéciales pour assurer aux travailleurs appartenant à ces peuples une protection efficace en ce qui concerne le recrutement et les conditions d'emploi». Les gouvernements doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter toute discrimination entre les travailleurs appartenant aux peuples intéressés.

La partie VI de la Convention est consacrée à l’éducation, donc indirectement à la langue. L’article 26 est très clair sur la possibilité des autochtones d’acquérir leur instruction à tous les niveaux:

Article 26

Des mesures doivent être prises pour assurer aux membres des peuples intéressés la possibilité d'acquérir une éducation à tous les niveaux au moins sur un pied d'égalité avec le reste de la communauté nationale.  

Le paragraphe 3 de l’article 27 reconnaît «le droit de ces peuples de créer leurs propres institutions et moyens d'éducation» et que des ressources appropriées leur soient fournies à cette fin. C’est l’article 28 qui semble le plus important en cette matière:

Article 27

1) Lorsque cela est réalisable, un enseignement doit être donné aux enfants des peuples intéressés pour leur apprendre à lire et à écrire dans leur propre langue indigène ou dans la langue qui est le plus communément utilisée par le groupe auquel ils appartiennent. Lorsque cela n'est pas réalisable, les autorités compétentes doivent entreprendre des consultations avec ces peuples en vue de l'adoption de mesures permettant d'atteindre cet objectif.

2) Des mesures adéquates doivent être prises pour assurer que ces peuples aient la possibilité d'atteindre la maîtrise de la langue nationale ou de l'une des langues officielles du pays.

3) Des dispositions doivent être prises pour sauvegarder les langues indigènes des peuples intéressés et en promouvoir le développement et la pratique.

Les États appuieront l'élaboration de programmes scolaires correspondant à la réalité des peuples autochtones et mobiliseront les ressources techniques et financières nécessaires à leur bonne application. Quant à l’article 31, il précise que «mesures de caractère éducatif doivent être prises dans tous les secteurs de la communauté nationale, et particulièrement dans ceux qui sont le plus directement en contact avec les peuples intéressés, afin d'éliminer les préjugés qu'ils pourraient nourrir à l'égard de ces peuples». Dans ces perspectives, il est précisé que «des efforts doivent être faits pour assurer que les livres d'histoire et autres matériels pédagogiques fournissent une description équitable, exacte et documentée des sociétés et cultures des peuples intéressés».Comme il se doit, les États signataires de la Convention reconnaîtront et établiront des mécanismes pour assurer l'exercice de tous les droits des peuples autochtones, en particulier en ce qui concerne l'éducation, la langue et la culture.

En ce qui a trait à l’Équateur, il reste encore à appliquer les dispositions de la Convention. Ce n’est pas une mince affaire quand on sait que le pays est aux prises avec d’autres problèmes socio-économiques d’importance considérable impliquant 98 % de la population.

L'Équateur n'a manifestement aucune politique linguistique, que ce soit pour l'espagnol (castillan) ou les langues indigènes. En ce qui a trait à l'espagnol, on peut comprendre cette politique de non-intervention. L'espagnol est la langue du continent et ne court aucun danger. C'est plus problématique pour les langues autochtones. Celles-ci, notamment le quechua, sont parlées par une partie appréciable de la population. Or, fort peu d'hispanophones croient avoir une quelconque responsabilité dans la survie de la plus importante langue nationale de l'Équateur. Si l'on peut parler d'une politique linguistique en Équateur, elle s'inscrit dans une politique indigéniste, dont la langue ne constitue qu'une infime partie. Elle se limite à l'éducation interculturelle bilingue et à quelques privilèges occasionnels dans les tribunaux et à quelques émissions radiophoniques communautaires. En somme, la politique réellement appliquée se résume à accorder une instruction dans la langue maternelle de l’élève autochtone, puis à introduire l’espagnol progressivement comme langue seconde. L’objectif est de passer entièrement à la langue seconde, une fois rendu au secondaire. Cependant, beaucoup d'autochtones ont dénoncé cette politique «politiquement correcte», où l'espagnol est ajouté aux langues autochtones. Ils croient qu’il s’agit d’une autre tentative, secrète celle-là, de remplacer leur langue par le castillan et d’assimiler les enfants autochtones.

Le système actuel ne répond pas aux besoins des autochtones, parce que ce sont des programmes nationaux qui n’intègrent aucun élément de la culture indigène. Les élèves autochtones sont toujours tenus d'apprendre une autre langue que leur langue maternelle, ce qui n’est pas le cas des autres Équatoriens. Autrement dit, les autochtones sont obligés de recevoir une éducation bilingue et de développer des habiletés de bilinguisme, alors que les autres citoyens s’en tiennent à la seule langue espagnole.  En somme, la politique équatorienne ressemble en cela aux autres pays du continent. L'État laisse entendre que la langue officielle est le castillan (castellano) et que sont reconnues également le quechua et le shuar. C'est une façon de présenter les choses qui ne correspond en rien à la réalité. Quant à la politique d'interculturalité, comme partout ailleurs en Amérique latine, il s'agit d'une mascarade, car elle ne correspond à aucun échange interculturel. Elle ne vaut que pour les indigènes qui se voient dans l'obligation de s'ouvrir à la culture espagnole, alors que les hispanophones demeurent complètement fermés à toute interculturalité à l'égard des autochtones. Bref, l’éducation interculturelle bilingue est confinée à une sorte de folklorisation du fait indigène. C'est pourquoi les associations indigènes de l'Équateur demandent une présence plus grande du quechua et d’autres langues indigènes dans la totalité des sphères de la vie publique et privée: en commençant par le système d'éducation à tous les niveaux — y compris l'universitaire —, puis dans les médias, les soins de santé, l’Administration gouvernementale et la magistrature. Bien que la situation se soit nettement améliorée ces toutes dernières années, les indigènes équatoriens risquent fort d'attendre encore longtemps avant de voir leurs vœux se réaliser en totalité.

    Dernière révision en date du 03 janv. 2024
 
 

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L'Amérique du Sud et les Antilles

 

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