Les rares élites kurdes modernistes de l'époque ne
comprirent pas, contrairement aux Arméniens et aux
(Arabes de Syrie, que la défaite de l'Empire ottoman offrait des
perspectives entièrement nouvelles. Et tandis qu'une délégation
kurde se rendait aux conférences de la paix pour y faire prévaloir
les revendications kurdes, les kémalistes comblaient le terrain vide
laissé par le sultan et dont Grecs, Français et Arméniens espéraient
tirer avantage.
L'absence d'une intelligentsia éclairée liée au retard général de la
société kurde ne permettait pas l'intégration de l'idéologie
nationaliste importée d'Europe. Malgré l'existence de quelques
cercles teintés de modernisme à cette époque, les organisations
politiques kurdes ne prennent progressivement forme qu'à partir des
années quarante.
Les grandes révoltes des années vingt et trente en Turquie, en Irak
et, à un moindre degré, en Iran expriment un mélange de
conservatisme religieux (en Turquie), d'insurrection régionale (dans
les trois pays) et de patriotisme local teinté de revendications
nationalistes. Nulle part de programme, d'organisation politique, de
cadres. Point de coordination à vaste échelle pas de dépassement des
rivalités, qu'elles soient tribales, régionales ou familiales.
Durant la guerre entre l'Irak et l'Iran (1980-1988),
chacun des deux États a militairement soutenu le mouvement kurde
opposé à son rival. Les Kurdes d'Iran étaient aidés par l'Irak ceux
d'Irak par l'Iran (et parfois par la Syrie, rivale baasiste de
l'Irak). Dans ce jeu complexe, il va de soi qu'il est plus facile de
trouver un avantage final pour un État que pour un mouvement qui
risque soudain de se trouver privé d'appui.
Dominés par les Turcs, les Persans et les Arabes, les Kurdes se
trouvent confrontés à des politiques néanmoins différentes d'un État
à l'autre. L'assimilation culturelle est menée par la Turquie de la
manière la plus systématique. L'Iran pratique à cet égard une
politique plus ouverte, puisque, si le kurde n'est pas enseigné,
l'État diffuse du moins des programmes en langue kurde — considérée,
il est vrai, comme un dialecte du persan.
L'Irak, en revanche, admet le kurde comme seconde langue
officielle et reconnaît le principe de l'autonomie, à condition que
celle-ci soit entièrement aux ordres du parti Baas.
Déportations en masse ou regroupements de populations en zones
plus aisément contrôlables ont été employés en Turquie au cours des
années vingt et trente et peuvent, compte tenu d'un décret datant de
1990, l'être à nouveau. Ces méthodes sont également appliquées en
Irak après 1975, et de façon de plus en plus.
Phase 2 :1945-1958
L'établissement de la république de Mahabad (1945), même si
son existence est éphémère, puisqu'elle dure à peine une année,
marque une étape. Bien que les notables et les dirigeants
traditionnels continuent à jouer un rôle prépondérant, on constate
l'apparition de partis, d'un début d'organisation administrative, de
la première expérience de gestion d'un appareil selon des modèles
modernes.
La répression et le silence sont ensuite généraux en Turquie, en
Irak et en Iran jusqu'en 1958.
Phase 3 : 1958-1975
Cette phase est la conséquence du coup d'État du général Kassem,
mettant fin à la dynastie hachémite en Irak. Celui-ci reconnaît
l'Irak comme la patrie de deux peuples : arabe et kurde, ce qui est
absolument nouveau. Lorsque, après une douzaine d'années de silence
complet sur les Kurdes, la question kurde émerge à nouveau en Irak,
le monde a beaucoup changé. Le monde colonial et semi-colonial de la
période de la république de Mahabad est quasiment moribond.
Dès que la guerre Irak-Iran prend fin, le régime de Saddam Hussein
entend donner une leçon aux Kurdes et réduire les mouvements
combattants en les privant de tout soutien des populations. Une
série d'offensives ponctuent l'année 1988, avec l'usage de gaz
chimiques ainsi que des bombardements massifs. Le martyre de la
petite ville de Halabja est connu grâce aux images des télévisions
occidentales, alors que l'Irak nie l'usage de gaz et que la Turquie
— qui a recueilli des réfugiés —estime qu'il n'y a pas eu trace de
gaz chimiques, tout en refusant une inspection internationale.
Le régime de Saddam Hussein poursuit en 1988 et au début de 1989
une politique entreprise déjà depuis plus d'une décennie : le
regroupement systématique des populations kurdes dans des zones de
plaine après destruction de leurs villages montagnards. Les chiffres
cités varient selon les sources : 1200 villages détruits et
regroupés selon les sources officielles américaines (1988) et 3 500
environ selon les sources kurdes, sur un peu plus de 5000 villages.
Le kurde est une langue du groupe iranien et comprend des dialectes.
Le kurmanci (Turquie), le zaza (Turquie), le sorani (Irak), qui
n'est pas compréhensible par les Kurdes parlant kurmanci. Quelques
communautés parlent le gurani (Irak).
A part quelques groupes assimilés, les Kurdes s'expriment dans leur
langue et certains d'entre eux n'en connaissent pas d'autre.
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MOSSOUL
Les ambitions britanniques vont en effet à l’encontre des
revendications des nationalistes turcs dirigés par Mustafa Kemal
(1881-1938) en lutte contre les Alliés depuis 1919. Ils défendent
ardemment l’unité et l’indépendance d’un Etat turc délimité qui
comprend l’ensemble des terres non occupées par les alliés au moment
de la signature de l’armistice de Moudros. Ils considèrent donc que
le vilayet de Mossoul doit être rattaché à la Turquie. La question
est soigneusement laissée en suspens lors des négociations du traité
de Lausanne de 1923 qui définit les conditions de paix entre les
Alliés et les Turcs. La Turquie va finalement tourner sa politique
étrangère vers l’Occident et chercher à assainir ses relations avec
ses deux principaux ennemis : la Grèce et la Grande-Bretagne.
Des champs pétroliers y sont découverts en 1927 et fournissent à
l’Irak la moitié de sa production et fait du pays un des plus
importants producteurs de pétrole au monde.
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1
XXXXXX
XXXX
Les Kurdes d'Irak
La formation de l'État irakien révolte de Cheikh Mahmoud
La victoire des kémalistes en Turquie en 1922 entraîne une remise
en cause du statut de Mossoul par la Turquie qui veut récupérer ce
vilayet. En fait, dès juin 1921, les kémalistes entreprennent une
campagne d'agitation. Celle-ci connaît un succès rapide et, un an
plus tard, les soulèvements se multiplient, sous la conduite d'un
officier turc, Ali Shafik (« Oz Demir »), ce qui oblige les troupes
britanniques à évacuer Soulaimanye en septembre. Pour faire échec à
l'avance turque, les Britanniques, vont utiliser Cheikh Mahmoud, le
seul dirigeant qui ait une influence suffisante pour faire cesser
les troubles et ainsi éviter les coûts d'une reconquête militaire.
Cheikh Mahmoud, de retour à Soulaimanye en octobre 1922, annonce la
formation d'un cabinet et se proclame, le novembre, « roi de
Kurdistan » Rapidement, un embryon d'administration est formé, et un
journal, Rouj-e-Kurdistan, est publié.
Les relations avec les Britanniques se détériorent, car deux
points de friction apparaissent. D'abord, le statut de Kirkouk, que
Cheikh Mahmoud veut administrer, contre le voeu des Britanniques qui
l'ont rattaché au gouvernement de Bagdad. Ensuite, Cheikh Mahmoud,
loin de lancer des opérations contre les Turcs, comme l'avaient
espéré les Britanniques, tente de jouer les deux puissances l'une
contre l'autre pour affermir sa position.
L'échec de la première conférence de Lausanne, février 1923, conduit
le gouvernement britannique à changer de politique.
Cheikh Mahmoud est accusé les Britanniques de se livrer à une
agitation partisan et d'avoir des contacts avec les rebelles
chiites du Sud. Des avions de la RAF lancent des tracts au-dessus
Soulaimanye, demandant la reddition de Cheikh Mahmoud. Ce dernier
évacue la ville le 4 mars 1922 et se réfugie dans les montagnes avec
quelques fidèles pour continuer la lutte. Les troupes britanniques
lancent alors offensive pour éviter la jonction de Cheikh Mahmoud et
des Turcs, qui se retirent de Rawanduz sans battre. Dès lors, le
dirigeant nationaliste doit s'enfuir vers la Perse.
La victoire militaire britannique, pour totale qu'elle est
difficilement exploitable politiquement, du fait l'opposition des
notables kurdes à Fayçal et de l'influence que garde Cheikh Mahmoud,
pourtant en exil. Les Britanniques quittent donc Soulaimanye en juin
1923. Mais, prévoyant le retour de Cheikh Mahmoud, ils rattachent
plusieurs districts kurdes à des régions arabes, vidant ainsi de son
sens le statut d'autonomie. Les tentatives de Cheikh Mahmoud pour
reprendre pied les districts kurdes lui vaudront, en décembre 1923,
des bombardements de la RAF.
Dernier épisode de la résistance kurde, l'agitation du vilayet
après les élections législatives de mars 1924, suivie par de
nouveaux bombardements de la RAF, proquera l'occupation de
Soulaimanye par les Britanniques en juillet 1924.
À la suite des accords de Lausanne, signés en juillet 1923, le
conseil de la Société des Nations envoie une commission
internationale d'enquête dans le vilayet de Mossoul. La commission y
séjourne de janvier à mars 1925 et constate l'existence d'une langue
et d'une identité kurdes. Finalement, le 16 décembre 1925, le
conseil de la SDN tranche en faveur du rattachement de Mossoul à
l'Irak et fixe la frontière entre l'Irak et la Turquie. Le
gouvernement britannique, en tant que puissance mandataire, est
invité à faire connaître à la SDN les conditions d'administration du
vilayet de Mossoul, à y promulguer une forme d'autonomie et à y
faire reconnaître les droits des Kurdes. La seule application
concrète sera la promulgation par Bagdad d'une loi sur les langues
locales, en 1926, qui permettra aux Kurdes d'avoir un enseignement
primaire dans leur langue (à Soulaimanye et à Arbil) et d'imprimer
des livres en langue kurde.
Cependant, Cheikh Mahmoud, réfugié à la frontière
irako-iranienne, n'est pas pour autant éliminé de scène politique.
Déjà, en 1925, le gouvernement irakien avait lancé une campagne
contre les insoumis qui s'étaient réfugiés en Iran chez des tribus
amies. L'année suivante, en 1926, la même opération est tentée, avec
la collaboration d'une colonne iranienne qui subit une cuisante
défaite. Une fois de plus, l'action de la RAF oblige Cheikh Mahmoud
à négocier avec un émissaire britannique, M. Cornwallis, pendant
l'automne 1926, sans que finalement un accord voie le jour.
A cette époque, l'ensemble du Kurdistan irakien refuse une
administration arabe, malgré les promesses de Bagdad sur l'emploi du
kurde comme langue officielle. Des sociétés culturelles kurdes sont
créées en 1926-1927, avec un succès qui va contribuer à donner une
orientation de plus en plus politique. Pendant quelque temps,
Mossoul joue le rôle de plaque tournante du mouvement nationaliste,
jusqu'à l'intervention des opérations de police menées par les
Britanniques, qui démantèlent les organisations clandestines.
Malgré la résolution du conseil de la SDN de décembre 1925, qui
règle le problème en droit international, le contrôle de Bagdad
n'est toujours pas assuré de fait sur le Kurdistan lors de
l'accession de l'Irak à l'indépendance, en juin 1930. Le
traité anglo-irakien qui met fin au mandat de la puissance coloniale
ne cite pas les droits Kurdes. En réaction, des pétitions sont
envoyées par des notables de Soulaimanye pour rappeler la décision
du conseil de la SDN de décembre 1925. La tension monte et, le 6
septembre 1930, la troupe tire sur la foule à Soulaimanye, faisant
plusieurs dizaines de morts. Le gouvernement irakien profite ensuite
des troubles pour précéder à une vague d'arrestations chez les
nationalistes kurdes. Cheikh Mahmoud décide alors de faire pression
sur la SDN en organisant des campagnes de pétitions. Parallèlement à
cet effort diplomatique, il tente sans succès de prendre la ville de
Penjwin, mais ses troupes sont repoussées.
La répression ne commence qu'après le rejet par la SDN des
demandes kurdes. En avril 1931, les troupes de Cheikh
Mahmoud sont sévèrement battues et celui-ci passe en Iran. Il sera
ensuite contraint de se rendre au gouvernement de Bagdad, qui le
maintiendra en résidence surveillée jusqu'à sa mort, en 1956.
La première dissidence de Barzani (1943-1945)
La famille des cheikhs de Barzani joue un rôle central dans le
mouvement nationaliste kurde des années trente à nos jours. La
première révolte où ils s'illustrent, à l'époque ottomane, conduit à
l'arrestation, puis à la pendaison de son dirigeant, Cheikh Abdel
Salam.
La fin de la monarchie et la guerre de 1961
La prise de pouvoir par le général Kassem, le 14 juillet 1958,
éveille un espoir chez les Kurdes, d'autant que la Constitution
provisoire du 7 juillet reconnaît, pour la première fois, que les
Arabes et les Kurdes sont associés. La Constitution garantit leurs
droits nationaux au sein de l'entité irakienne. Symboliquement, les
armoiries de la nouvelle république sont composées d'une épée arabe
et d'un poignard kurde. Mais l'article 2 proclame que «l'État
irakien fait partie de la nation arabe» et Aref, champion de l'union
avec la Syrie et l'Égypte, inquiète la minorité kurde. Finalement,
Kassem s'impose face à Aref, avec l'appui des Kurdes et du PC
irakien, qui suit la ligne définie à Moscou.
Barzani, après la chute de la monarchie, rentre en Irak. Lors
d'une escale au Caire, il a rencontré Nasser. Accueilli comme un
héros, Barzani retourne à Barzan, où il rencontre son frère Cheikh
Ahmed. Le général Barzani joue à ce moment un jeu pro-soviétique, en
étroite relation avec le PC irakien. Ainsi, le soulèvement pro-Aref
de Mossoul, en mars 1959, est mis en échec en partie grâce aux
milices kurdes qui « nettoient » les faubourgs de la ville et font
plusieurs centaines de morts. Dès lors, l'alliance Kassem-PDKI-PC
irakien est scellée, au prix d'un alignement, de plus en plus total,
du PDKI sur le PC irakien.
En novembre 1986, l'UPK et le PDKI signent conjointement un accord à
Téhéran avec le régime iranien. Le rapprochement entre les deux
formations va s'accélérer avec la tragédie d'Halabja (Irak) en mars
1988, où 5000 civils sont tués par gaz. Le 2 mai 1988 voit la
constitution d'un Front du Kurdistan irakien. Ce front regroupe,
outre l'UPK et le PDKI, le Parti socialiste du Kurdistan, la branche
kurde du Parti communiste irakien et le Parti démocratique populaire
du Kurdistan.
La conclusion d'un accord de cessez-le-feu entre l'Iran et l'Irak
au mois d'août 1988 a deux conséquences pour les Kurdes : la fin de
l'alliance iranienne et une pleine disponibilité de l'armée
irakienne. Du 25 août au 15 septembre, l'armée irakienne lance une
offensive extrêmement violente contre les provinces kurdes situées
le long de la frontière avec la Turquie. Cette opération de vaste
envergure a mobilisé 60 000 soldats irakiens et une importante force
aérienne. 478 villages ont été rasés dans cette attaque, 77 villages
gazés, provoquant la fuite de 100 000 personnes environ sur les 150
000 habitants de la région. La terreur s'installe.
L'état social du Kurdistan
Le Kurdistan irakien est une terre riche, encore partiellement
boisée malgré la déforestation. Le climat pluvieux et plusieurs
fleuves, dont le Diyala et le Grand Zab, irriguent le pays.
Avec une superficie de seulement 17 % du territoire 1(74 000
kilomètres carrés), le Kurdistan a une densité de population
supérieure au reste de l'Irak. Malgré l'imprécision des chiffres, on
estime que 25 % de la population irakienne est kurde. En 1975, on
évaluait à 3 millions environ le nombre de Kurdes sur une population
totale 11 millions. Malgré la reconnaissance officielle par Bagdad
d'une minorité kurde, il n'y a jamais eu de recensement (malgré ce
que prévoyaient les accords de 1970). De plus, la « région
autonome du Kurdistan » reconnue par Bagdad ne représente que la
moitié des terres revendiquées par les nationalistes comme peuplées
majoritairement de Kurdes.
En outre, un nombre important de Kurdes vivent en dehors du
Kurdistan, 300 000 à Bagdad, 100 000 dans le sud de l'Irak, la
plupart transférés de force au milieu des années soixante-dix. A
l'inverse, plus de 250 000 Arabes sont présents au Kurdistan,
principalement dans les villes.
La population est encore à 50 % rurale, mais les nomades ont
presque totalement disparu du fait de l'évolution économique et
surtout de la guerre. Les villes traditionnellement des zones de
populations mélangées. Turkomans, Arabes, Kurdes cohabitent souvent
sans problème. L'agglomération la plus importante est Kirkouk, avec
580 000 habitants. Soulaimanye regroupe 800 000 personnes. Plus
typiquement kurde, c'est le véritable centre urbain du Kurdistan
irakien. Cette ville commerçante, autrefois prospère, est située au
milieu d'une zone d'agriculture intensive. Enfin, Erbil, capitale de
la région autonome, a une tradition citadine moins marquée.
La politique économique de Bagdad au Kurdistan a été de
marginaliser la région, qui ne reçoit de 1970 à 1974 que 7 à 12 %,
selon les années, des aides au développement. Sur 150 projets
entrepris par le gouvernement à cette époque, seuls quatre le sont
au Kurdistan. Le minerai de fer est extrait au Kurdistan, mais les
usines sidérurgiques, qui permettent le décollage économique sont
construites dans l'Irak arabe. De même, le pétrole de Kirkouk est
raffiné à Hamman al-Alil, en dehors du Kurdistan, malgré un surcoût
de 20 %.
Dans le domaine agricole, la production de tabac, culture
spécifique du Kurdistan en Irak, est soumise au monopole de la Régie
nationale, qui impose de fortes restrictions sur la production et
les prix.
Mais la ressource essentielle du Kurdistan est le pétrole. La
part du pétrole de Kirkouk, de Khanaquin, d'Aïn Zalek dans
l'ensemble de la production irakienne est de 80 % dans les années
soixante, puis tombe à 70 %, ce qui représente la moitié des revenus
de l'État irakien à cette époque. Or, dès 1964, le gouvernement
irakien entreprend un processus de nationalisation qui concerne, au
départ, les zones pétrolifères non encore exploitées. La
nationalisation des compagnies étrangères va intervenir dans les
premières années du régime Baas, le 1er juin 1972. Mais il faudra
attendre 1973 pour que le gouvernement irakien contrôle
effectivement 85 % de la production. L'augmentation du prix du
pétrole en 1973 va provoquer le doublement du revenu national
irakien. Ces sources, abondantes, vont permettre la reprise des
combats en 1974 contre le PDKI.
Dans le domaine culturel, le gouvernement de Bagdad rappelle
souvent la liberté dont jouit la minorité kurde. Ainsi, à la suite
des accords de 1970, une université kurde fut créée à Soulaimanye et
une académie kurde fondée à Bagdad, puis supprimée en 1979. On peut
également noter que l'université de Soulaimanye fut ensuite
transférée à Erbil, sous le nom d'université Salahadin. De 1970 à
1973, 28 périodiques kurdes, 2 à Kirkouk, 6 à Erbil, 4 à Soulaimanye,
16 à Bagdad, virent le jour. De même, la radio irakienne émet en
kurde (ainsi qu'en syriaque et en turkmène).
En revanche, à partir de 1981, les écoles kurdes de Kirkouk,
Khanakin, Mossoul et Dohouk n'enseignèrent qu'en arabe. En
1983, au plus fort de la guerre contre l'Iran, le gouvernement fit
quelques ouvertures aux Kurdes. Ainsi, la région autonome redevint
la « région autonome du Kurdistan ». En mars 1983, la Maison de
l'édition et de la culture kurde fut réanimée et, un mois plus tard,
un décret repoussa l'enseignement obligatoire de l'arabe aux classes
supérieures. En juillet 1983, au moment des attaques conjointes des
peshmergas de Barzani et des pasdarans, des festivals culturels
kurdes se tinrent dans les principales villes du Kurdistan.
Ces quelques velléités d'ouverture, d'ailleurs peu durables, ne
doivent pas dissimuler la discrimination dans le domaine de la
culture. Le nombre d'élèves nettement inférieur à la moyenne
nationale. La proportion d'étudiants kurdes dans les universités
irakiennes représente 6 % en 1971-1972.
Dans l'administration, les Kurdes sont nettement
sous-représentés. A l'école militaire, qui forme des officiers, et à
l'école de police, les étudiants kurdes sont moins de 2 % du total.
De même, on ne compte que dix diplomates d'origine kurde sur les 500
qui représentent l'Irak.
L'acquisition de la nationalité irakienne est refusée à des
Kurdes qui vivent parfois en Irak depuis plusieurs générations,
alors que, dans le cadre de l'idéologie panarabe du Baas, la
naturalisation est facilitée pour les Arabes par l'établissement ou
le mariage.
La politique de Bagdad au Kurdistan
Le statut de la région autonome
La loi d'autonomie, qui résulte des accords du 11 mars 1970, fixe
un nouveau statut pour le Kurdistan, dans le cadre de la
Constitution. Celle-ci précise, dans article 5, que l'Irak est une
partie de la nation arabe, mais que le peuple irakien est constitué
de deux communautés, arabe et kurde. Les droits, de la minorité
kurde sont reconnus et protégés dans le cadre de l'unité nationale.
OK
La répartition des pouvoirs entre la région et l'État se fait
selon le principe d'une compétence générale de l'État central, sauf
dispositions particulières de la loi donnant compétence à la région.
Le président du Conseil exécutif assiste au Conseil des ministres.
Au mois d'août 1986, Saddam Hussein participa pour la première fois
à la première session du Conseil législatif
et prononça un discours favorable à l'autonomie.
En pratique, cependant, le Conseil exécutif est toujours nommé
par Saddam Hussein. Le Conseil législatif, bien qu'élu depuis 1980,
a peu d'influence. Son budget est décidé à Bagdad et le gouvernement
central peut annuler ses décisions. En outre, en 1986, le
gouvernement de Bagdad a fait voter une loi obligeant les candidats
aux élections à être parrainés par le parti Baas. D'autre part, les
arrestations arbitraires, les tortures n'ont pas diminué durant
cette période. Le rétablissement de la situation militaire de l'Irak
en 1988 a permis à Saddam Hussein d'abandonner sa politique
ouverture.
La déportation des populations
Dès 1963, le régime d'Aref, après le renversement du premier
régime Baas, avait tenté une politique d'arabisation du Kurdistan.
Des avantages étaient offerts aux populations arabes pour les
inciter à s'installer aux marches du Kurdistan. Cette politique
s'intensifiera ensuite, avec une volonté marquée d'arabiser les
territoires kurdes.
Après la guerre de 1974-1975, le gouvernement irakien déporta les
populations kurde et assyrienne vers les déserts du sud de l'Irak.
L'arabisation fut engagée dans trois régions : Sindjar, Kirkouk et
Khanakin. Les villages kurdes furent rasés et la commission de
réforme agraire ne donna de titres de propriété qu'aux pays arabes.
Certains Kurdes revinrent au Kurdistan, après quelques années, mais,
sans autorisation de séjour dans leur village, ils s'installèrent
dans les villes de Soulaimanye, d'Erbil et de Dohouk. Les villes
nouvelles, construites pour l'occasion, voisines des postes
militaires, accueillirent les réfugiés. Les conditions de difficiles
provoquèrent des manifestations en 1978 et 1979.
Au même moment, le gouvernement irakien entreprit de vider les
zones frontières de la population kurde. Entre juin 1978 et avril
1979, quelque 250 000 villageois furent relogés dans des villes
nouvelles. Comme le reconnaît une déclaration officielle du
gouvernement irakien du 26 juin 1989, le but de ces mouvements de
population est de créer une bande de territoire dépeuplé de 30
kilomètres de large sur les 120 kilomètres de frontière avec
la Turquie et l'Iran.
La guerre contre l'Iran va freiner, jusqu'en 1985, les projets de
quadrillage du Kurdistan. Mais après l'échec des négociations avec
Talabani, le gouvernement irakien annonce en 1985 un plan de
transfert de populations qui porte sur 500 000 personnes. Les
villages traditionnels sont détruits et les populations installées
près des routes et des postes militaires, de façon à assurer au
gouvernement un meilleur contrôle de celles-ci.
En juin 1989, Qalat Diza, au nord de Soulaimany, à 10 km de la
frontière iranienne, fut évacuée de force. En fait, les 50 000
habitants de la ville reçurent l'ordre de partir le 29 mars, avec
pour seuls biens ceux qu'ils pourraient transporter. La population
refusa d'obtempérer et envoya une délégation à Saddam Hussein. Mulla
Muhammad Delgai, qui dirigeait celle-ci, fut emprisonné.
L'évacuation de Qalat Diza eut finalement lieu en juin, après
l'encerclement de la ville par l'armée. Elle fut rasée et la
population relogée dans des camps, à Erbil et à Soulaimanye.
Le nombre de villages rayés de la carte varie de
façon importante selon les estimations (il n'y a pas de chiffres
officiels). Des sources kurdes donnent 3500 villages kurdes détruits
sur 5000, soit une proportion de 70 % environ. Le Département d'État
américain cite des chiffres plus bas, environ 1200, mais en
reconnaissant l'arbitraire des estimations. Les montagnes kurdes
sont désormais pratiquement vides, ce qui pose des problèmes
logistiques aux peshmergas. Par exemple, les survivants d'Halabja
ont été regroupés dans une ville nouvelle, à une vingtaine de
kilomètres de l'ancienne, qui porte le nom de Saddamite Halabja, en
l'honneur de Saddam Hussein.
La population des villes nouvelles, souvent sans
travail, est dans une situation matérielle et psychologique
difficile. L'état de dépendance ainsi créé permet au gouvernement
irakien de recruter des miliciens (fursan) ou des
informateurs pour la police secrète. Ce qui reste des 500 000
personnes déplacées est allé vivre à Soulaimannye, Arbil ou Dohouk.
D'autres ont été transférées dans des camps au sud de l'Irak. On
cite quatre camps»: Ar, Nughrat, Salman, Mutba. |