République socialiste du Vietnam

Vietnam

(2) Données historiques



 
Le Vietnam possède une histoire très ancienne où se mêlent les légendes et les récits d'origine chinoise. Les historiens sont néanmoins certains que la population vietnamienne est née d’un brassage de nombreuses civilisations venues d’ailleurs. De récentes découvertes archéologiques suggèrent que la civilisation vietnamienne de l'âge du bronze est peut-être même plus ancienne de plusieurs siècles qu'on ne le croyait jusqu'à présent, soit jusqu'à 4000 ans avant notre ère. Des États auraient existé au Vietnam entre 2878 avant notre ère et le IIIe siècle de notre ère. Le berceau de l'histoire du Vietnam se situerait dans le delta du fleuve Rouge au sud de l'actuelle ville de Hanoi.

Le premier royaume du Vietnam fut fondé par le premier roi Hùng Vương, alors «Văn Lang» (2888 avant notre ère). Ce mot désigne également la lignée des rois vietnamiens qui en est issue, et dont les membres sont tous nommés Hùng Vương. Ce premier royaume vietnamien, le Van Lang, couvrait l'actuel nord du Vietnam et une partie de ce qui est la Chine actuelle. Le Van Lang avait comme voisins des peuples môn-khmers, thaïs, austronésiens et, plus loin, des Zhou et des Coréens. CHùng Vương fut le fondateur de la dynastie Hồng Bàng, qui régna jusqu'en 258 avant notre ère. Il y eut 17 rois qui portèrent le nom de «Hùng Vương» et qui lui auraient. Cette histoire contribue à entretenir l’idée d’une culture vietnamienne spécifique dès l’âge du bronze et, par conséquent, antérieure aux mille ans de domination chinoise.

1 La domination chinoise

Le Vietnam passa sous la domination de la Chine lorsque la dynastie des Han s’empara du Vietnam pour l'intégrer à son empire. Rappelons que les Han constituent le peuple chinois dit «historique» et qu'il est issu de l’ancienne ethnie des Huaxia. Celle-ci prit à cette époque le nom «Han» et cette appellation perdure depuis. Aujourd'hui, les descendants des Han forment environ 92 % de la population chinoise avec une population de quelque 1,3 milliard d'individus. Si 90 % des Han se trouvent en Chine, les autres habitent principalement en Asie du Sud-Est et en Amérique du Nord.

En l'an 111 avant notre ère, l'empereur chinois Wudi (de -156 à -87) envahit le Vietnam. Les dirigeants chinois décidèrent d'intégrer politiquement et culturellement à leur empire le Vietnam devenu la province du Jiaozhi (nom en chinois) ou du Giao Chi (nom en sino-vietnamien). Une grande partie de ce qui est la Chine actuelle fut alors soumise à l’ordre impérial, même si de nombreuses régions, notamment au sud du Yang-tseu-kiang (appelé alors le «fleuve Bleu»), n'étaient pas encore complètement intégrées : ce fut le cas notamment avec le nord du Vietnam.

L'afflux d'immigrants dans la région septentrionale du Vietnam répandit non seulement l'usage du chinois, mais aussi les coutumes et les techniques chinoises, ce qui provoqua de violentes réactions de la part d'une partie de la population locale. La révolte la plus célèbre se déroula en 39 avant notre ère, lorsque deux veuves d'aristocrates, les sœurs Trung, soulevèrent le peuple contre les Chinois. Toutefois, l'armée chinoise réprima rapidement ce sursaut national.

Le Vietnam fut érigé en protectorat chinois, dirigé par un gouverneur chinois et divisé en régions militaires. Dès le début du premier siècle avant notre ère, le pays avait assimilé, en même temps que de nombreux colons chinois (beaucoup d'entre eux ayant fui les Han), presque tout ce qu'il y avait d'utile dans la civilisation de l'occupant: l'écriture, les arts et les croyances. Durant cette période de sinisation, le chinois devint la langue de l’enseignement et les Vietnamiens l’utilisaient à côté de leur langue maternelle comme langue seconde. Beaucoup de mots chinois furent ainsi vietnamisés (từ Hán-Việt : «mots sino-vietnamiens») et firent ainsi partie du vocabulaire vietnamien. Avant que l’écriture chinoise ne soit introduite au Vietnam, les Vietnamiens n’avaient pas d’écriture propre, leur langue étant strictement orale; ils adoptèrent l'écriture chinoise avec ses idéogrammes.  

En ce qui a trait à la religion, les Han favorisèrent la renaissance du taoïsme et adoptèrent le confucianisme en tant qu’idéologie officielle. Néanmoins, désireux de le rendre universel, les Han y incorporèrent des idées empruntées à d’autres écoles de pensée, afin de compléter l’enseignement laissé par Confucius et ses disciples. L’administration fut très hiérarchique, mais les fonctionnaires furent nommés sur la base du mérite plutôt que sur la naissance, suivant là un principe confucéen. La sélection et la qualification reposaient sur des examens écrits. À la fin du IIe siècle avant notre ère, une université impériale fut créée pour enseigner aux futurs fonctionnaires les principes fondamentaux de l’école confucéenne. Toute question politique était parsemée de références à cette base commune; il n'était guère possible de devenir lettré ou officier militaire sans les connaître à la perfection.

La domination chinoise dura plus de mille ans, soit jusqu'en 938 de notre ère, date à laquelle Ngô-Quyên, vainqueur de la bataille de Bach-Dang, libéra le Vietnam de l'emprise des Han du Sud. Cette domination de la Chine marqua profondément le Vietnam, que ce soit au point de vue des techniques, de la culture, de l'organisation sociale et de la politique. C'est au cours de cette époque que furent introduits le confucianisme, le bouddhisme et le taoïsme dans la religion.

En matière de langue, la langue han, c'est-à-dire le chinois classique, a servi de langue de communication au Vietnam, comme dans toute l’Asie orientale et l'Asie du Sud-Est. Le chinois classique fut employé comme langue officielle, donc dans les domaines de l’administration, de l’éducation, de la philosophie, des études historiques et médicales, et de la création littéraire dans les milieux cultivés. Les conséquences de cette suprématie chinoise sont restées visibles dans la culture, dans les mœurs et dans le vocabulaire vietnamien. Des liens linguistiques se sont formés entre les Chinois qui habitaient dans le delta du Guangdong et ceux qui résidaient dans le nord du Vietnam. C'est ainsi que le chinois cantonais a pu donner des milliers de mots à la langue vietnamienne. Des centaines de mots employés par les Vietnamiens proviennent du cantonais et parfois du mandarin, surtout dans le vocabulaire administratif et technique. On estime que le tiers des mots utilisés dans la langue vietnamienne est d'origine chinoise; jusqu'à 60 % des mots employés dans les textes formels vietnamiens seraient en fait sino-vietnamiens.

2 Le Dai Viet

Le Đại Việt (prononcer [daj vijət]), appelé en français «le Grand Việt», recouvre deux périodes la première de 1054 à 1400 au moment de la dynastie Lý et ensuite de 1428 à 1804. C'est un général chinois, Zhao Tuo, appelé Triệu Đà par les Vietnamiens, qui fonda le Nam Viêt, créant ainsi la dynastie des Yue du Sud. Le royaume comprenait les actuelles provinces chinoises du Guangdong, du Guangxi et du Yunnan, ainsi qu'une partie du nord de l'actuel Vietnam. Ce royaume dura un siècle et demi, soit de 254 à 111 avant notre ère. Il fallut attendre en 938 pour que, profitant des conflits politiques qui secouaient la Chine, les Vietnamiens puissent instaurer un État indépendant. La première dynastie vietnamienne fut foncée par Ly Thai-Tô (ou Ly Cong Uân) qui monta sur le trône au début du XIe siècle; la dynastie des Ly régna plus de deux cents ans (1010-1225). Le territoire du Vietnam prit de l'expansion vers le sud en 938 avec l'annexion de la région du Nghe An et en 100 avec celle du Ha Tinch. Les Ly transférèrent la capitale à Thang Long (aujourd’hui Hanoï) et l'État prit le nom de Dai Viêt. L'esclavage fut aboli et le royaume se dota de provinces et d'une administration qui s'inspiraient du modèle chinois.

L’indépendance nationale une fois reconquise, le Vietnam devenait un État centralisé ayant sauvegardé son originalité culturelle et assimilé une bonne partie de la culture chinoise; il put ainsi donner libre essor à sa culture nationale. C'est ainsi que les Vietnamiens sentirent le besoin de se doter d'une écriture propre, distincte du chinois. Comme le vietnamien est une langue austro-asiatique, elle diffère considérablement des langues chinoises (famille sino-tibétaine). Le vietnamien pouvait être écrit avec des caractères chinois sans que cette écriture n’entraîne de grandes complications, mais les Vietnamiens ont voulu adapter cette écriture afin de pouvoir plus aisément exprimer leur langue, ce qui fit naître une écriture dite «démotique» (populaire) le Chữ nôm (aujourd'hui abandonné).

Le premier texte nôm conservé date de la fin du XIIIe siècle et fut rédigé par Nguyễn Thuyên, un mandarin vietnamien, même si sa création et son usage remontent bien plus loin. L’écriture nôm dérivée de l’écriture idéographique chinoise fut au début peu appréciée par les lettrés, mais elle représentait une réaction nationale et populaire face à la domination chinoise. La langue chinoise resta la langue officielle, mais elle n’évolua pas de la même façon que le chinois de Chine, ce qui donna naissance à la prononciation sino-vietnamienne.

C'est à cette époque que la langue vietnamienne se sépara du bloc môn-khmer. Jusqu'alors, le vietnamien et le muong étaient quasi semblables au point qu'on pouvait parler du viet-muong commun. Celui-ci se fragmenta en deux langues distinctes : le vietnamien et le muong. De plus, le vietnamien n'évolua pas de la même façon dans les plaines du Sud et celui des régions montagneuses du Nord qui demeura plus conservateur ou plus attaché au chinois.

Les successeurs des Ly furent les Trân (1225-1413) qui conformèrent la vietnamisation du pays en y ajoutant en 1400 le Quang Tri. Durant deux siècles, le pays dut résister aux attaques des Chinois au nord et aux assauts des Chams au sud. Pendant des siècles, le Dai Viêt fut limité à la région du Sông Hông (delta du fleuve Rouge) et aux plateaux adjacents du Tonkin. Le pays commença ensuite une lente progression vers le sud, sur les territoires du royaume de Champa, la puissance dominante en Annam pendant un millénaire. Les Cham, indianisés, résistèrent longuement aux Vietnamiens jusqu'au XVe siècle. Mais, en 1471, la capitale cham, Vijaya, près de Da Nang, fut envahie par les troupes vietnamiennes, qui détruisirent pratiquement le royaume.

Pendant plusieurs décennies, le Dai Viêt poursuivit sa progression vers le sud, gagnant ainsi les plaines marécageuses du delta du Mékong tout au sud. Ensuite, les Vietnamiens y affrontèrent un nouvel ennemi: le royaume khmer. Heureusement pour les Vietnamiens, au XVIe siècle, ce royaume des Khmers était sur le déclin; il n'opposa guère de résistance à l'invasion vietnamienne. Vers la fin du XVIIe siècle, le Dai Viêt contrôlait la zone inférieure du delta du Mékong et commençait à progresser vers l'ouest, menaçant de transformer en un simple protectorat l’État khmer désintégré.

Au XVIe siècle, la dynastie des Lê (de 1428 à 1788) commença à décliner. En effet, deux clans féodaux rivaux, les Trinh et les Nguyen se disputèrent le pouvoir. Depuis 1620, les Nguyen avaient pour capitale Hué. En 1627, les hostilités commencèrent et le Dai Viêt se trouva divisé en deux «seigneuries» rivales.

De la fin du XVIe siècle à la fin du XVIIIe siècle, le Dai Viet fut donc divisé en deux : les seigneurs de la famille Trinh dominèrent le Nord et ceux de la famille Nguyen, le Sud, tandis que les souverains Lê ne régnaient plus que symboliquement. Les Nguyen finirent par l'emporter après avoir vaincu l'insurrection des Tay Son, une autre famille de seigneurs rivaux.

Les conflits entre le Nord et le Sud furent exacerbés par les puissances européennes, nouvellement arrivées en Asie du Sud-Est avec l’intention avouée de trouver de nouvelles richesses à exploiter et de convertir de «nouvelles âmes» au christianisme. En 1516, des marins portugais avaient débarqué au Vietnam et, au XVIIe siècle, la Cochinchine dans le delta du Mékong était devenue une base marchande importante. Mais le succès des nouveaux arrivants effraya les dirigeants vietnamiens qui prirent, comme en Chine et au Japon, des mesures de coercition contre les missionnaires et les marchands. Les hostilités entre les Trinh et les Nguyen cessèrent en 1674. L'appui des Portugais et le grand commerce maritime firent de la Cochinchine, arrachée au Cambodge et annexée en 1698, la région la plus dynamique du Dai Viêt.

3 La colonisation française

C'est au cours des années 1620-1630 que les premiers missionnaires français arrivèrent en Indochine. Le jésuite français Alexandre de Rhodes organisa une mission au Tonkin avant d'être expulsé pour avoir fait imprimer un catéchisme en écriture romanisée: le quôc ngu. La fondation de la Société des missions étrangères, en 1664, amplifia le mouvement. Mais les Vietnamiens n'accueillirent pas favorablement cette pénétration étrangère «des barbares impies de l'Occident».

3.1 L'Indochine française (1887-1954)

En 1784, alors que le prince héritier Nguyen Anh se réfugiait à Bangkok, il y rencontra l'évêque français Pierre Pigneau de Béhaine (1741-1799), le vicaire apostolique de la Cochinchine. Persuadé de l'intérêt d'aider le prince, le prélat français convainquit Louis XVI de signer un traité d'alliance (1787) avec Nguyen Anh et revint avec des navires et une troupe de mercenaires. Son aide permit au jeune prince de battre ses adversaires de la dynastie Tây Son. En 1801, il s'empara de Hué et, en juillet 1802, il entra dans Hanoi, puis devint empereur sous le nom de Gia Long. La dynastie Nguyen allait être la dernière dynastie impériale vietnamienne; elle compte 13 souverains qui régnèrent sur le Vietnam de 1802 à 1945. 

Le Dai Viêt fut renommé Viêt Nam en 1804 jusqu'en 1838, mais fut appelé An Nam (l’Annam) par les Chinois. L'État, épuisé par des décennies de guerres, fut réunifié et restauré par Gia Long et ses successeurs: Minh Mang (1820-1840) et Thieu Tri (1840-1847). La fiscalité, la justice, l'armée furent réformées et de grands travaux furent entrepris, comme la construction de la route reliant la frontière chinoise au Cambodge. Les commerçants et les missionnaires français se réinstallèrent, mais des persécutions à leur encontre et contre les Vietnamiens convertis se multiplièrent. En 1838, le pays fut renommé Đại Nam.

Sous l'impulsion des milieux catholiques et du ministre de la Marine et des Colonies, le marquis Prosper de Chasseloup-Laubat (1815-1873), le gouvernement de Napoléon III décida une intervention pour mettre fin apparemment aux persécutions et exécutions contre les chrétiens. La France aidée par l’Espagne s’empara de Da Nang en 1858 et de Saigon, l’année suivante. Le traité de Saigon céda à la France plusieurs provinces dans le delta du Mékong au sud, dont la Cochinchine orientale. En 1867, toute la province fut annexée par la France. La IIIe République dut achever la conquête commencée sous le Second Empire. L’empereur vietnamien Hiêp Hòa fut contraint, en 1883-1884, d’accepter le protectorat français sur le Tonkin au nord et l’Annam au centre.

La colonisation française de la péninsule indochinoise commença donc en 1858 sous le Second Empire avec l'invasion de la Cochinchine — officiellement annexée en 1862 — suivie de l'instauration d'un protectorat sur le Cambodge en 1863. La colonisation française reprit à partir de 1883 sous la Troisième République avec l'expédition du Tonkin, corollaire de la guerre franco-chinoise, qui conduisit à l'instauration de deux protectorats distincts sur le reste du Vietnam.

Durant la période de la colonisation française, le Vietnam fut divisé en trois entités administratives : au sud, la colonie de Cochinchine placée sous la tutelle directe des lois et de l’administration françaises; au centre, l’Annam théoriquement placé sous un régime d’administration indirecte, le souverain, le mandarinat et les lois étant soumis, comme le Cambodge et le Laos voisins, au protectorat de la France; au nord, le Tonkin, sorte de «semi-protectorat», qui évoluait vers un régime d’administration directe.

Après une guerre franco-chinoise qui marqua les années 1884 et 1885, la Chine dut à son tour, lors du traité de T'ien-tsin du 9 juin 1885 reconnaître le protectorat français sur le Vietnam. En 1887, le Vietnam, le Cambodge et le Laos (en 1893) furent regroupés au sein d'une Indochine française — l’Union indochinoise — confiée à un gouverneur général.

La France développa les systèmes de santé et d'éducation dans les pays indochinois, dont la société resta cependant très inégalitaire. Malgré l'existence d'une ancienne élite aristocratique, le développement d'une bourgeoisie locale et d'une classe d'employés de l'administration coloniale, les indigènes vietnamiens demeurèrent placés dans une situation d'infériorité et connurent des conditions de travail parfois très difficiles. Au plan politique, la période coloniale se traduisit par un profond affaiblissement de la monarchie vietnamienne, qui régna symboliquement sur un territoire divisé.

Avant l'arrivée des Français au Vietnam, les minorités des hauts plateaux vivaient isolées de la population des basses terres. Cependant, lors de la consolidation de la colonisation française, les contacts entre les deux groupes se multiplièrent. Les Français, intéressés par les hautes terres pour l'agriculture de plantation, accordèrent aux peuples montagnards leur autonomie linguistique et culturelle, et administrèrent leur région séparément du reste du Vietnam. Ce statut spécial a permis, d'une part, aux Français de cultiver les hauts plateaux alors inexploités, où leurs administrateurs et leurs missionnaires ont également créé des écoles, des hôpitaux et des léproseries; d'autre part, ce statut particulier a favorisé le maintien des langues minoritaires.

Cependant, il était fréquent que des conflits surgissent entre les communautés montagnardes et les Français. Ces peuples se méfiaient des colonisateurs qu'ils considéraient comme des intrus et des exploiteurs. Cependant, les Français ont fini par surmonter les difficultés et développer avec succès certaines des régions montagneuses, en particulier celles des Ede et des Jaraï, les hauts plateaux du Centre, où ils ont établi de grandes plantations de caoutchouc, de café et de thé.

3.2 La prétendue mission civilisatrice de la France

Il faut se rendre compte qu'à cette époque l'action coloniale était justifiée par le concept de la «mission civilisatrice», une idéologie très florissante au XIXe siècle. La France avait, d'une part, pour mission de diffuser ses valeurs universelles, d'autre part, pour devoir, de sortir les autres peuples des tyrannies du climat, des maladies, de l’ignorance et du despotisme, en leur apportant la technologie et la médecine, l’éducation et une saine gouvernance, afin de les transformer physiquement et moralement. En 1841, le grand poète français Victor Hugo s’enthousiasmait ainsi pour la conquête de l’Algérie (dans Choses vues: souvenirs, journaux, cahiers, 1830-1885, Gallimard, 2002):

C’est la civilisation qui marche contre la barbarie. C’est un peuple éclairé qui va trouver un peuple dans la nuit. Nous sommes les Grecs du monde ; c’est à nous d’illuminer le monde. Notre mission s’accomplit, je ne chante qu’hosanna.

 

En 1885, Jules Ferry, alors président du Conseil des ministres, déclarait ce qui suit dans un discours devant la Chambre des députés, le 29 juillet :
 

Messieurs, il y a un second point, un second ordre d’idées que je dois également aborder [...] : c’est le côté humanitaire et civilisateur de la question. [...] Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. [...] Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. [...]

 

Ces devoirs ont souvent été méconnus dans l'histoire des siècles précédents, et certainement quand les soldats et les explorateurs espagnols introduisaient l'esclavage dans l'Amérique centrale, ils n'accomplissaient pas leur devoir d'hommes de race supérieure. Mais de nos jours, je soutiens que les nations européennes s'acquittent avec largeur, grandeur et honnêteté de ce devoir supérieur de la civilisation.[...] La politique coloniale est fille de la politique industrielle.

 

Jules Ferry imposait ses réformes en éducation au nom de l’égalité des droits; il mettait en œuvre l’entreprise coloniale au nom du «devoir supérieur de civilisation». Dans cette perspective, la colonisation ne serait que la plus haute expression de la civilisation. Beaucoup de politiciens à l'époque croyaient que la France (comme la Grande-Bretagne et, plus tard, les États-Unis) apportait aux peuples arriérés ou demeurés à l’écart des évolutions modernes le progrès, l’hygiène, la culture morale et intellectuelle. Autrement dit, le colonialisme aider ces peuples à s’élever sur l’échelle de l’humanité. Même l'abolition de l'esclavage en 1848 témoignait de la grandeur de la civilisation européenne!

Selon les Français de l’époque, la colonisation «civilisatrice» de la France était même différente de la colonisation «mercantile» des Britanniques et des Hollandais. Personne ne semblait voir la contradiction qu'il y avait entre, d'une part, les principes d’égalité et de liberté issus de la Révolution française, d'autre part, l’asservissement des populations colonisées.

Quoi qu'il en soit, la France universaliste se donnait pour devoir d’éduquer ses sujets et ses protégés indigènes, dont les Vietnamiens faisaient partie. En 1874, l’économiste français Paul Leroy-Beaulieu (1843-1916) affirmait dans De la colonisation chez les peuples modernes : «C’est l’école surtout qui pourra exercer une grande influence sur l’assimilation des éléments étrangers à l’élément français ; c’est elle qui devra propager notre langue et nos idées.» En arrivant au Tonkin en 1886 pour prendre le poste de résident général de l’Annam et du Tonkin, Paul Bert (1833-1886) annonçait le 2 avril à ses administrés :

De même que les Chinois autrefois ont amélioré votre état social en vous apportant leur civilisation, en vous initiant aux travaux de leurs législateurs, de même les Français qui viennent aujourd’hui chez vous amélioreront votre situation agricole, industrielle et économique et élèveront encore votre niveau intellectuel par l’instruction.

Certes, nous pourrions multiplier les exemples de textes témoignant de la figure traditionnelle de «la France bienfaitrice», mais il faut surtout retenir que l’éducation restait toujours assujettie aux objectifs politiques et économiques de la colonisation.

3.3 La question linguistique

Lorsque la France devint la principale puissance européenne en Asie du Sud-Est dans les années 1790, le français servit de langue de communication pour le gouvernement d'Indochine française, qui comprenait les pays actuels du Vietnam, du Laos et du Cambodge. Les Français aidèrent la dynastie Nguyen à unifier le Vietnam et à coloniser le sud du pays. Dès lors, beaucoup de Vietnamiens commencèrent à apprendre le français, qui remplaça le vietnamien et le chinois de la cour royale, et le mode d'écriture du vietnamien finit par être basé sur l'alphabet latin. La construction d'écoles par le gouvernement et les missionnaires répandit le français parmi les Vietnamiens plus instruits, qui devint rapidement la langue des élites à la fin du XIXe siècle.

En fait, le français servit comme langue officielle au mépris du vietnamien confiné à l’école primaire. À partir du secondaire, l'enseignement fut uniquement donné en français. La langue vietnamienne fut non seulement éliminée de l'école secondaire, mais elle était en général traitée avec peu de respect par les autorités coloniales et même par la haute société autochtone. Le français faisait généralement l'objet d'un culte excessif : ceux qui parlaient français étaient considérés comme «instruits» et jouissaient du «prestige» de le parler, alors que le vietnamien était rabaissé au rang de «langue de campagnards». Lorsque le vietnamien était enseigné aux élèves du secondaire, c'était en tant que «langue étrangère», bien souvent comme deuxième langue après l'anglais, l'allemand ou l'espagnol. Les enseignants autochtones qui parlaient vietnamien pouvaient être poursuivis devant les tribunaux. Malgré le mépris officiel réservé au vietnamien, les livres, les revues et les journaux dans cette langue sont restés florissants.

De plus, il ne faut pas s'attendre à ce que les colonisateurs français aient en haute estime la langue parlée par les Vietnamiens. Ainsi, Étienne François Aymonier (1844-1929), un administrateur anthropologue, linguiste et archéologue, croyait à l'infériorité linguistique des «indigènes vietnamiens». Il décrivait leur langue comme un «patois rudimentaire», «excessivement pauvre de mots» et «ne pouvant exprimer que des idées très usuelles».

On le sait, les Vietnamiens sont généralement de petite taille, ce qui laissait supposer un cerveau de petite taille. C'est pourquoi Étienne François Aymonier proposa de remplacer le vietnamien par un français simplifié, c'est-à-dire un «parler très réduit, nègre l’on veut […] suffisant pour exprimer les idées concrètes». Les élèves les plus brillants pourraient ensuite passer au «français complet». Évidemment, les Britanniques, les Espagnols et le Portugais pensaient exactement de la même façon avec «leurs autochtones» des colonies. 

3.4 L'alphabet vietnamien

L'alphabet dit quốc ngữ fut utilisé d’abord dans les milieux ecclésiastiques pendant plus de deux siècles, et il finit par se répandre vers le dernier tiers du XIXe siècle, grâce aux progrès de l’évangélisation, d’une part, et au recul de l’enseignement du chinois, d'autre part. 

En 1906, l’alphabet latin employé en vietnamien d’abord par l’Église catholique et appelé quôc-ngu (ou chữ quốc ngữ), devint obligatoire dans l’enseignement secondaire et universitaire. Il s'agissait d'un alphabet latin augmenté de nombreux diacritiques servant à noter tant la valeur phonétique de certaines lettres que les tons de la langue. En 1919, cet alphabet reçut le statut d’«écriture nationale». Cependant, il ne faut pas croire que cet alphabet romanisé fut facilement accepté. D'une part, les autorités coloniales se rendirent compte que cette écriture était devenue le véhicule des «idées modernistes» et, jugeant ces dernières «séditieuses», firent marche arrière et cessèrent de la favoriser. D'autre part, les nationalistes vietnamiens estimaient que cette écriture, créée par des étrangers, avait comme résultat de couper le Vietnam de ses racines historiques. Bref, le quôc-ngu était pour les uns, l'instrument d'une modernisation séditieuse, pour les autres, un outil d'acculturation.

Tout au cours de la colonisation, la France eut beaucoup de difficulté à installer un système d'éducation efficace au Vietnam, comme dans tout le reste de l'Indochine. Néanmoins, les écoles franco-indigènes popularisèrent le quôc-ngu et le français. L'immense majorité des élèves quittait l'école avant la fin du primaire.

3.5 La rébellion vietnamienne

Les autorités coloniales commencèrent l'exploitation et la mise en valeur économique du pays nouvellement conquis. Elles entreprirent d’ambitieux travaux et investirent là où les capitaux pouvaient être rentables (mines, plantations, etc.), mais les Français sous-payèrent et maltraitèrent les Vietnamiens. Pour éviter les complots, les autorités coloniales n’hésitèrent pas à décapiter et déporter les rebelles. D’ailleurs, de nombreuses rébellions se poursuivirent jusqu’à de grandes grèves ouvrières en 1920. Les nationalistes vietnamiens avaient constaté que la mise en valeur de leur pays profitait surtout aux colons français, puis à une clientèle chinoise et vietnamienne restreinte. Les Vietnamiens furent exclus de tous les échelons hiérarchiques de l'administration coloniale et ne bénéficièrent pas des libertés les plus élémentaires d'association et d'expression.

Comme aucun exutoire politique n'étaient offerts au peuple vietnamien, des mouvements radicaux, nationalistes et révolutionnaires se formèrent. En 1931, le militant communiste Hô Chí Minh fonda le Parti communiste indochinois à Hong Kong, puis en 1941 le Viêt-minh, mot étant l’abréviation de Viêt Nam Dôc Lâp Dông Minh Hôi (Ligue ou Front pour l'indépendance du Viêt Nam). En septembre 1940, le Japon, aux prises avec la Chine, décida d'occuper militairement le Tonkin au nord, tout en respectant la souveraineté française. Les Japonais furent très vite perçus comme de nouveaux occupants et non comme d'éventuels libérateurs. En décembre 1941, les troupes japonaises occupèrent le reste du pays. Vaincue et occupée, la France ne put se maintenir en Indochine qu'au prix d'importantes concessions économiques et militaires, parmi lesquelles le droit d'utiliser de nombreuses bases navales et aériennes japonaises dans le pays. Privé de tout secours allié, l'amiral Jean Decoux (1884-1963) ne put s’opposer à l’occupation japonaise et continua de gouverner au nom de l'État français (de Vichy) jusqu'au 9 mars 1945, alors que l’indépendance du Vietnam fut restaurée par les Japonais.
3.6 Le français comme langue véhiculaire

Au début du XXe siècle, le français commença à prendre de l'expansion au sein des classes urbaines; il devint la langue principale de l'éducation. Cependant, au moment où l'utilisation du français était à son maximum au cours des années 1900 à 1940, un grand nombre de Vietnamiens ne parlait pas couramment le français ou, même, refusait de l'apprendre; c'était surtout le cas des révolutionnaires vietnamien qui avaient développé une répulsion de la langue coloniale, bien que paradoxalement la plupart de leurs discours et articles écrits pour promouvoir l'indépendance étaient rédigés en français.

C'est au cours de cette période qu'un pidgin, appelé «français vietnamien» ou "tây bồi" en vietnamien, prit de l'expansion. Ce pidgin tire ses origines de la colonisation française de l'Indochine dès 1884. Comme tout pidgin, il y a eu un mélange du français et du vietnamien, mais aussi de l'anglais, du javanais et du portugais. Le "tây bồi" fut principalement employé comme langue véhiculaire entre les Français et les Indochinois jusqu'en 1954. Il était particulièrement apprécié par les gens peu instruits, notamment les serviteurs vietnamiens au service des maisons françaises et ceux qui parlaient peu le français. Le mot "bồi" correspond à l'orthographe phonétique vietnamienne empruntée à l'anglais "boy", ce qui fait référence à des domestiques masculins. Après le retrait de la France d'Indochine en 1954, le "tây bồi" a cessé d'être employé comme langue commune, supplanté par le français standard; on croit que ce pidgin s'est éteint au début des années 1980. Aujourd'hui, seul le français standard continue d'être enseigné dans les écoles et les universités vietnamiennes en tant que langue seconde.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Japon occupa brièvement le Vietnam et rétablit le vietnamien comme seule langue officielle et seule langue en éducation. Tout de suite après la guerre, l'influence du français au Vietnam commença à décroître lentement. Les mouvements révolutionnaires prirent de l'ampleur et leurs documents commencèrent à être davantage rédigés en vietnamien.

3.7 L'influence du français dans la langue vietnamienne

Bien que le Vietnam ait été une colonie française de 1885 à 1946, soit durant une soixantaine d'années, c'est depuis le XVIIe siècle, la France était présente dans cette région. Au cours de la période coloniale, la langue vietnamienne (appartenant à la famille austro-asiatique) a emprunté quelques centaines de mots au français. Rappelons que l'emprunt est le fait d’intégrer dans une langue des unités linguistiques (souvent le vocabulaire, plus rarement la syntaxe ou la prononciation) dans une autre langue. Le mot emprunté désigne souvent une nouvelle réalité du fait que celle-ci n'existe pas dans la langue d’accueil .
 

affiche > áp phích
antenne > an-ten
artichaut > atisô
aspirine > atpirin
autobus > xe buýt
gant > găng
gare > nhà ga
gilet > áo gi lê
gomme à effacer > gôm
homosexuel >  pê đê (vulgaire)
poupée > púp pê
pédale > pê đan
radio > rađiô
ragoût > món ragu
savon > xà phòng ou xà bòng
automobile  > xe ô tô
balcon > ban công
bébé > em bé
biftek > bít tết
bombe > bom
jambon > giam bông
jeans > jean
laine > len
manteau > măng tô
médaille >  mề đay
sirop > xi rô
soupe > xúp
soutien-gorge > xu chiêng
taxi > tắc xi
toilettes > toa lét
chocolat > sô cô la
ciment > xi măng
cinéma > xi nê
cirque > rạp xiếc
gâteau > ga-tô
morue > cá moruy
moutarde >  mù tạt
paletot > bành tô
pâté > pa tê
pourboire >  buột-boa
vin > vang
vis > vít
valise > cái va li
vtoilettes > toa lét
Étant donné que la langue vietnamienne s'écrit avec un alphabet latin modifié, appelé quoc-ngu, il est plus ou moins aisé de reconnaître l'origine française dans les mots vietnamiens.

La plupart des mots d'origine française concernent des termes se rapportant à des objets, de la nourriture, des transports ou des technologies introduites au Vietnam pendant la période coloniale: affiche > áp phích; antenne > an-ten; artichaut > atisô; aspirine > atpirin; balcon > ban công; bombe > bom; carotte > cà rốt; chocolat > sô cô la; gare > ga; gâteau > ga-tô; gomme à effacer > gôm; guidon > ghi-đông; jeans > jean; laine > len; manteau > măng tô; pâté > pa tê; toilettes > toa lét ou WC; etc.


Étant donné les grandes différences entre le français, une langue polysyllabique sans ton, et le vietnamien, une langue monosyllabique à ton, les mots empruntés au français ont dû subir certaines modifications (phonétique et graphique) pour pouvoir être intégrés dans la langue vietnamienne.

Rappelons que c'est un jésuite français, Alexandre de Rhodes (1591-1660), missionnaire en Cochinchine, qui a inventé l’alphabet romanisé du vietnamien moderne. Ce mode de transcription conçu par les Français, mais également en partie par les Portugais, fut modernisé par un autre missionnaire français, Pierre Pigneau de Behain (1741-1799). Par la suite, des linguistes vietnamiens n'ont cessé de compléter ce système d'écriture et de l'améliorer pour en faire l'alphabet actuel du Vietnam.

4 L'invasion japonaise

Durant la Seconde Guerre mondiale (1940-1945), les Japonais envahirent le territoire et mirent fin à l’Indochine française. L’arrivée des Japonais n'apporta pas la paix au Vietnam, car ils instaurèrent un nouvel empire et soumirent tous les Vietnamiens à leur autorité. L'administration mise en place par le gouvernement de Vichy demeura en fonction en Indochine française. Le 9 mars 1945, craignant une incursion alliée en Indochine, l'occupant japonais réalisa un coup de force contre les Français, nettoyant toute l'Indochine de toute présence administrative et militaire française.

Les forces armées françaises furent attaquées par surprise, et les civils et militaires français furent emprisonnés ou massacrés. Un chaos politique s'ensuivit. Le 11 mars, l'empereur Bao Dai, collaborant avec les Japonais, proclama l'indépendance et la réunification du pays.


Peu de temps après, le 10 août de la même année, le Viêt Minh, cette assemblée d’anciens dirigeants communistes indochinois, se révolta contre l’armée japonaise. L'affrontement se termina par la défaite des Japonais, le 15 août. Le Viêt Minh en profita pour proclamer unilatéralement l’indépendance du Vietnam. C’est ainsi que, le 2 septembre 1945, Hồ Chí Minh devint le président de la République démocratique du Vietnam. L'empereur Bao Dai, ayant abdiqué, devint «conseiller spécial» du premier gouvernement de la République. Évidemment, la France ne reconnut pas l’indépendance du Vietnam; elle essaya à plusieurs reprises de reprendre sa colonie malgré l'opposition des Vietnamiens. À l'automne suivant, les troupes françaises réinvestirent l'Indochine, tandis que l'armée de la république de Chine occupait le Tonkin.

5 La guerre du Vietnam (1954-1975)

La plupart des Vietnamiens du Nord, en général plus pauvres et plus ruraux que ceux du Sud, entrèrent dans la résistance contre la France. Une organisation politique et paramilitaire vietnamienne, créée en 1941 par le Parti communiste vietnamien, le Viet Minh (Ligue pour l'indépendance du Vietnam ou Front pour l'indépendance du Vietnam), attaqua les Français au moyen de la technique connue de la guérilla. Ce fut le début de la guerre d'Indochine. Toutefois, le français continua d'être présent dans l'éducation, les médias et au sein de l'administration qui n'était pas sous le contrôle du Viet Minh.
 
Profitant des perturbations politiques liées au coup de force japonais, le Viêt Minh s’empara des campagnes du pays. Le 19 août 1945, le Viêt Minh s'installa à Hanoï et, le 29 du même mois, un gouvernement provisoire de libération nationale fut formé avec comme conseiller suprême le nouvel empereur Bao Dai qu'on avait pris soin de faire abdiquer quatre jours auparavant. Le 2 septembre 1945, à Hanoi, une des villes de l’Indochine française, Hô Chi Minh, alors un inconnu, proclama l’indépendance de la République démocratique du Viêtnam, ce qui constituait un acte inouï qui ébranla l’empire français. En matière de langue, Hô Chí Minh décida de rendre obligatoire l'alphabet romanisé; il croyait que l'alphabétisation du peuple passait par l'écriture romanisée, incontestablement plus simple et plus rapide à apprendre, parce qu'elle ne supposait plus la connaissance du chinois.

En vertu des accords de Postdam (juillet 1945), les Chinois occupèrent le Vietnam au nord et les Britanniques au sud afin de désarmer les soldats japonais. En octobre 1945, les troupes du général Leclerc (Philippe de Hauteclocque) débarquèrent à Saigon et relevèrent rapidement les Britanniques qui ne demandaient pas mieux de se retirer, étant eux aussi aux prises avec leurs anciennes colonies. Des négociations s’engagèrent entre la France et le Viêt-minh. Le 6 mars 1946, la France reconnut la République démocratique du Vietnam comme un «État libre au sein de l'Union française et de la Fédération indochinoise».

Toutefois, le haut-commissaire en Indochine, l'amiral Georges Thierry d'Argenlieu (1889-1964), fit proclamer à Saigon, le 1er juin 1946, un «gouvernement provisoire de la Cochinchine», ce qui eut pour effet de conserver à la Cochinchine son statut de colonie et de soulever les protestations du gouvernement vietnamien de Hanoi. De nouvelles négociations se déroulèrent en 1946, mais elles échouèrent. Le sud du Vietnam a toujours été perçu plus «pro-français» ou simplement plus «français» que le reste du pays. D'ailleurs, les habitants de la Cochinchine furent des citoyens français de naissance. Ce n'est pas sans raison que, durant la colonisation française, les Français consolidèrent d'abord leur position dans cette région de la Cochinchine, pays khmer devenu vietnamien plus tard; ses habitants étaient donc les moins solidement ancrés dans leur langue, leur structure sociale et leurs institutions vietnamiennes.

Après le bombardement de la ville de Hai Phong par la flotte française et la riposte des forces du Viêt Minh à Hanoi, commença la guerre d’Indochine, tandis que Hô Chí Minh entrait dans la clandestinité. Pendant ce temps, un grand nombre d'établissements scolaires demeurèrent fermés ou fonctionnèrent en dehors de leurs locaux d’origine. La plupart des écoles furent déménagées autour des villes. À travers le pays, beaucoup de bâtiments scolaires furent endommagés et utilisés pour cantonner des troupes ou furent simplement réquisitionnés par la nouvelle administration vietnamienne (le Viêt Minh en a rendu quelques-uns en 1946).

À partir de 1949, la victoire de Mao Tse Tung et l'avènement de la République populaire de Chine changèrent profondément les données politiques de l’Indochine française. Soutenues militairement, les forces du Viêt Minh passèrent à l'offensive. L’indépendance du Vietnam fut à nouveau proclamée par la France, avec pour chef d’État l’ex-empereur Bao Dai (accords du 5 juin 1948 et du 8 mars 1949) que le Viêt Minh refusa d’accepter. La propagande officielle française proposa une étroite collaboration entre Vietnamiens et Français en vue d'un nouvel avenir politique au sein de la Communauté française. Les États-Unis reconnurent le nouvel État (février 1950), mais accrurent leur aide matérielle à la France après avoir constaté l’appui apporté par les Chinois au Viêt Minh.

Le Viet Minh vainquit les Français à la bataille de Dien Bien Phu dans le Haut Tonkin en 1954, ce qui rendit le Vietnam virtuellement indépendant, même si le pays se divisa rapidement en un Nord communiste et proche de l'Union soviétique et un Sud proche de la France et du gouvernement américain. Des centaines de milliers de personnes, dont l'élite francophone et éduquée dans le système français, s'enfuirent vers le sud par peur des persécutions du gouvernement communiste. La défaite française de Diên Biên Phu (le 7 mai 1954) obligea le gouvernement français à négocier un cessez-le-feu en Indochine. Le 4 juin 1954, la France signait le Traité d'indépendance du Vietnam:

 
Le 4 juin 1954 Vietnam

TRAITÉ D'INDÉPENDANCE DU VIETNAM, SIGNÉ À PARIS

Article 1er

La France reconnaît le Vietnam comme un État pleinement indépendant et souverain, investi de toutes les compétences reconnues par le droit international.

Article 2

Le Vietnam est substitué à la France dans tous les droits et obligations résultant des traités internationaux ou des conventions contractés par la France pour le compte ou au nom de l'État du Vietnam ou de tous autres traités et conventions conclus par la France au nom de l'Indochine française dans la mesure où ces actes concernaient le Vietnam.

Article 3

La France s'engage à transférer au Gouvernement vietnamien les compétences et les services publics encore assurés par elle sur le territoire du Vietnam.

Article 4

Le présent Traité, qui entrera en vigueur à la date de sa signature, abroge les actes et dispositions antérieurs contraires. Les instruments de ratification du présent Traité seront échangés dès son approbation par les instances qualifiées de la France et du Vietnam.


La France quitta la partie nord du Vietnam, après les accords de Genève signés en juillet 1954, qui instauraient une partition du pays de part et d'autre du 17e parallèle nord. Lors de ces accords, négociés par Pierre Mendès-France pour le compte de la France, celle-ci reconnaissait aussi l'indépendance du Laos, du Cambodge et du Vietnam, ce qui mettait fin à l’Indochine française. Aussitôt, les premiers mouvements migratoires massifs débutèrent; entre 1954 et 1955, une vaste opération navale franco-américaine allait évacuer vers le sud entre 600 000 à 800 000 catholiques vietnamiens ou membres de minorités ayant soutenus la France dans la lutte contre le Vietminh. La défaite française mettait fin au statut de français comme langue officielle, du moins dans le Nord. Malgré la guerre du Vietnam, le français continua d'être présent dans le sud du pays, où il était utilisé à l'école et dans l'administration.

6 La partition du Vietnam

Les accords de Genève ouvrirent toute grande la porte aux Américains, qui ne voulaient pas que la Chine et, derrière elle la Russie, ne fasse du Vietnam un autre pays communiste. Une seconde guerre du Vietnam allait commencer. Elle opposa, de 1955 à 1975, d'une part, la République démocratique du Viet Nam (appelée aussi le "Nord Viet Nam"), d'autre part, la République du Vietnam (ou "Sud Viet Nam"), massivement représentée militairement par les États-Unis appuyés par plusieurs alliés (Australie, Corée du Sud, Thaïlande, Philippines).

6.1 Deux États à l'idéologie opposée

Les deux régions divisées du Vietnam devaient suivre des orientations politiques opposées. Dans le Nord, l'administration du gouvernement fut attribuée à Hô Chí Minh, à la tête de la République démocratique du Vietnam (un État communiste), dont l'armée dite «populaire» (APVN : «Armée populaire vietnamienne»), fut soutenue matériellement et militairement par la Chine et l'Union soviétique. L'URSS fut le principal soutien militaire et économique du Nord-Vietnam; elle mit au service de ce dernier sa propagande pour dénoncer l'intervention américaine tout en refusant publiquement d'assurer une médiation entre les belligérants.

Dans le Nord, les habitants de Hanoi, de Hai-Phong et de plusieurs villages furent évacués vers les régions rurales. Huit millions de citadins durent gagner leur village d'origine. Le nouveau régime désirait sans doute protéger les populations des bombardements, mais il s'agissait avant tout de détruire la classe moyenne et d'éradiquer les «habitudes bourgeoises» attribuées aux citadins. En 1975, le taux d'urbanisation était à son maximum dans le Sud (plus de 40 %) et à son minimum dans le Nord (12 %). Ce double exode, au sud et au nord, aura contribué à éliminer la petite bourgeoisie urbaine née au cours des années 1920. Pendant les années que dura la guerre du Vietnam (1954-1975), le Nord communiste et le Sud capitaliste traitèrent différemment les minorités et l'enseignement des langues étrangères.

6.2 Le traitement des langues au Vietnam du Nord

Le régime de Hanoi au nord, discernant des attitudes séparatistes de la part des minorités tribales, pratiqua une politique d'accommodement en créant deux régions autonomes pour les communautés montagnardes en échange de leur acceptation du contrôle politique de Hanoi. En proposant une administration autonome limitée, les dirigeants de Hanoi espéraient que l'intégration des minorités dans la société vietnamienne pourrait se faire plus aisément.

La politique d'enseignement des langues étrangères a également suivi des modèles différents. Au Nord-Vietnam, le vietnamien devint la langue d’enseignement exclusive à tous les niveaux de l'éducation. Dans les langues étrangères, le Nord favorisa le russe et le chinois. Des milliers d'enseignants vietnamiens se mirent à l'apprentissage du russe ou du chinois afin de devenir professeurs de langues. La diffusion du russe fut renforcée par l’aide russe à l’éducation, grâce à laquelle des centaines d’enseignants et d’étudiants vietnamiens ont été envoyés chaque année dans l’ancienne Union soviétique pour y poursuivre des études de russe, aux niveaux postsecondaire et universitaire.
La présence soviétique au Vietnam du Nord fut omniprésente. Les étalages de livres dans les villes regorgeaient d'œuvres en langue russe peu coûteuses, car elles étaient fortement subventionnées. Les films soviétiques devinrent monnaie courante dans les cinémas du pays et les films de science et d'éducation soviétiques furent largement utilisés dans les écoles. Puis la télévision russe a eu encore un plus grand impact dans l'apprentissage du russe. En outre, l'Association d'amitié Russie-Vietnam fut créée et ses succursales se sont développées dans toutes les villes et tous les districts. Ces groupes dirigèrent non seulement des écoles de langue russe, mais encouragèrent également de multiples activités culturelles. Ainsi, dans le domaine de l’enseignement des langues étrangères, le russe est devenu la langue dominante, éclipsant ainsi les exigences de toutes les autres au début de la réunification du Vietnam. La plupart des professeurs de russe ont été formés en Union soviétique afin de pratiquer cette langue de façon plus efficace et d'obtenir des diplômes reconnus.

Néanmoins, le chinois, le français et l'anglais ont pu maintenir un certain rythme de développement dans le Nord, mais de façon beaucoup moins importante qu'auparavant. Des départements de chinois, de russe, d'anglais et de français ont été créés en 1956 dans les universités.

6.3 L'enseignement des langues au Vietnam du Sud

En revanche, l’administration non communiste de Saigon dans le Sud, sous l'autorité de Ngô Dinh Diêm (de 1954 à 1963), préféra un contrôle direct et centralisé sur les minorités ethniques, ce qui eut pour effet de susciter la colère de ces peuples lorsque le gouvernement décida de saisir les terres ancestrales pour la réinstallation des réfugiés catholiques déplacés du Nord. Après l'exécution de Diêm en 1963, les administrations successives de Saigon accordèrent un minimum d'autonomie, mais le programme de hameaux stratégiques mis en place dans le Sud dans les années 1960 provoqua de nouvelles perturbations en obligeant les peuples montagnards à se réinstaller dans des enclaves fortifiées.

Dans le Sud, on enseignait le vietnamien, mais aussi, selon les écoles, l'anglais et/ou le français. En réalité, le vietnamien était enseigné généralement dans la plupart des établissements publics, sauf dans les écoles étrangères et dans certaines matières dans les universités. En tant qu'État capitaliste, le Sud-Vietnam renforça les langues étrangères dans le cadre d'une coopération politique et économique avec d'autres sociétés capitalistes. Les langues étrangères les plus remarquées étaient d'abord l'anglais, puis le français qui, établi de longue date, resta important au Sud-Vietnam pour un certain nombre de raisons. Il faut souligner que la coopération politique et économique française et l'aide au Sud se sont poursuivies au cours de cette période. De plus, la plupart des Vietnamiens éduqués en France occupaient des postes stratégiques au sein du gouvernement sud-vietnamien. Cette élite instruite et les citadins économiquement aisés continuèrent à envoyer leurs enfants dans les écoles françaises. Ainsi, le français comme moyen de communication, est resté assez longtemps une marque de l'élite urbaine.

Pendant que le Nord mettait l'accent sur le russe et le chinois dans l'enseignement des langues étrangères, le Sud imposait le français et l'anglais comme principales langues étrangères à enseigner en tant que matières obligatoires dans l'enseignement secondaire et postsecondaire. L’apprentissage de l’anglais explosa au cours de la décennie de 1970; les écoles de langue anglaise se multiplièrent presque partout et attirèrent des centaines de milliers d’élèves. L'anglais est devenu la principale langue étrangère enseignée dans l'enseignement secondaire et supérieur. La disponibilité et la fourniture gratuite de manuels d’anglais et de matériel pédagogique ont facilité son apprentissage.
Les entreprises et les usines étrangères offraient des salaires élevés et recrutaient du personnel possédant de bonnes compétences linguistiques en anglais. Même les établissements gérés par le vietnamien ont demandé et encouragé leur personnel à étudier la langue. Dans les médias, l'anglais était souvent utilisé. Des journaux et magazines anglais, dont certains étaient écrits par des Vietnamiens, étaient disponibles. De plus, les informations mondiales étaient diffusées quotidiennement en anglais par la radio des forces armées alliées. Toutes ces activités liées à l'anglais se sont déroulées principalement dans les zones urbaines. Après la guerre du Vietnam, le déclin de l'économie du Sud-Vietnam poussa des milliers d'enseignants du français et de l'anglais à quitter le pays comme boat people.

6.4 La réunification politique

L'offensive du Têt (organisée par le Nord-Vietnam et le Viêt-công, c'est-à-dire le Front national de libération), au cours des mois de janvier et de février 1968, ébranla profondément le régime de Saigon, désormais dirigé par le général Nguyên Van Thiêu (de 1965 à 1975). L'administration américaine se rendit compte que la solution militaire était devenue aléatoire. Au mois de mai 1968, des négociations s'ouvrirent à Paris entre Américains et Vietnamiens. Le président des États-Unis, Richard Nixon, poursuivit la politique de son prédécesseur (Lindon Johnson) avec le retrait progressif des unités américaines et la «vietnamisation» de la guerre. Mais le conflit s'étendit au Cambodge (1970) et provoqua de nouvelles attaques aériennes et de nouveaux bombardements de la part des Américains.

Le 27 janvier 1973, les Américains et les Vietnamiens signèrent les accords de Paris. Ceux-ci prévoyaient le retrait total des troupes américaines et de nouvelles élections générales au Sud-Vietnam. Toutefois, le gouvernement de Thiêu refusa l'application des accords et reprit les combats, persuadé que les États-Unis interviendraient en cas de menace grave. En 1975, des opérations préliminaires de l'Armée populaire vietnamienne et des Viêt-công étant restées sans réponse de la part des États-Unis, une offensive généralisée mit fin en huit semaines à un conflit vieux de seize ans. Le 30 avril 1975, Saigon tombait aux mains des communistes, ce qui allait déclencher une atmosphère de panique chez des dizaines de milliers de Vietnamiens. Aussitôt, plus de 200 000 personnes s'enfuirent à bord des derniers hélicoptères américains, des derniers avions et des premières embarcations de fortune par la mer, afin de trouver asile aux États-Unis. Ce fut le début de l'histoire des boat people, la grande fuite en avant des communautés vietnamienne à l'étranger. Environ 2,5 millions de soldats nord-vietnamiens, 58 000 Américains et trois millions de civils sont morts pendant le conflit qui s'est achevé en 1975.

7 La République socialiste du Vietnam (1975)

Dès la fin de la guerre, le nouveau gouvernement installé dans le pays mit en place un régime autoritaire. Le Vietnam réunifié devint la République socialiste du Vietnam et la ville de Saïgon fut renommée Hô-Chí-Minh-Ville ; la ville de Hanoï au nord fut désignée comme la «capitale nationale». Le vietnamien redevint partout la langue officielle, et le français fut strictement interdit, comme l'anglais. La prise du pouvoir par les forces communistes en 1975 mit fin à l’enseignement du français et de l’anglais dans les lycées et les universités sur tout le territoire du Vietnam; la langue russe a presque immédiatement remplacé ces deux langues «ennemies» et des noms comme Lamartine ou Pascal disparurent des places publiques pour laisser la place à Lénine ou à Gorki, les nouveaux héros du Vietnam.

Dans son effort pour solidifier son emprise sur la région, le Parti communiste du Vietnam (PCV) instaura des programmes afin d'intégrer les habitants du Sud auparavant démocratique dans le giron communiste. Le gouvernement vietnamien pratiqua à la fois une politique de vengeance et une politique de colonisation dans le sud du pays. Tous les fonctionnaires, notamment ceux qui avaient des liens avec l’ancien régime du Vietnam du Sud, et tous ceux qui étaient soupçonnés d’avoir des relations avec les Américains durent subir un «programme de rééducation». Le terme de «programme» était un euphémisme, car il consistait à supprimer par la répression toute tentative d'allégeance à l’ancien régime de la part des Sud-Vietnamiens et à leur inculquer par la force la loyauté et l'obéissance qu'ils devaient désormais au nouveau régime. La délation fut fortement encouragée, les promesses de liberté et les espoirs furent vite abandonnés. Dans les faits, près de deux millions de Sud-Vietnamiens furent envoyées dans des camps: surtout des prisonniers d'opinion et des soi-disant dangereux collaborationnistes, qu'ils soient médecins, officiers, journalistes, enseignants, ouvriers, toutes les classes sociales y ont passé. Le régime de Hanoi pratiqua des purges dignes des heures les plus sombres du stalinisme.

Le sentiment d'avoir été trompé saisit tout ceux, tant au nord qu'au sud, qui avaient cru en un «nouveau Vietnam» grâce à la réunification du pays. C'est pourquoi de nombreux Vietnamiens ont préféré quitter leur pays. Peu à peu, il se mit en place des filières de fuite par la mer avec l'accord tacite des autorités qui en profitèrent pour en faire un commerce parallèle en exigeant des pots-de-vin à toutes les étapes du processus. Le gouvernement encouragea le départ des «ennemis du peuple» à la condition qu'ils laissent tous leurs biens sur place. C'était avant tout un «bon débarras»! 

Les camps de réfugiés des pays avoisinants furent vite débordés, surtout au Cambodge. Puis les États-Unis, l'Australie, la France et le Canada intégrèrent de nombreux contingents de Vietnamiens. En même temps, le gouvernement vietnamien considéra tous les boat people comme des Vietnamiens traîtres et lâches à la solde des Américains et de l'ancien régime débauché du Sud-Vietnam. En réalité, cette complicité dans l'immigration massive de ressortissants vietnamiens correspondait à une sorte d'épuration à la fois ethnique et sociale, d'abord celle des Vietnamiens d'origine chinoise, puis celle des Vietnamiens jugés indésirables par le régime de Hanoi, le tout sous le couvert de l'aide humanitaire occidentale. Selon le Haut-Commissariat pour les réfugiés, on estime à au moins un million le nombre d’exilés entre 1975 et 1991, sans compter les milliers de morts durant les traversées, s’élevant jusqu’à au moins 250 000 personnes. Dans sa volonté d'épurer le Sud en le colonisant par vengeance, le gouvernement du Vietnam créa un drame humanitaire de l'ordre du génocide chez son propre peuple, et ce, pour le profit d'une idéologie carcérale et autoritaire dans le but de mieux assurer le pouvoir du Parti communiste sur le pays, un parti enfermé dans le dogmatisme et déconnecté du peuple.    

7.1 Les tensions frontalières

La fin de la guerre ne signifiait pas pour autant la fin des conflits. Les tensions aux frontières avec le gouvernement du Cambodge, dont Pol Pot était le premier ministre (1976-1979), s'aggravèrent. Le harcèlement perpétuel des Khmers rouges, soutenus par les Chinois, décida les Vietnamiens à resserrer leurs liens avec l'URSS.

Le 25 décembre 1978, le Vietnam lança son armée à l'assaut du Cambodge. En trois semaines, le pays fut occupé et les opposants aux Khmers rouges installèrent un gouvernement pro-vietnamien. La Chine, inquiète de voir le Vietnam s'affirmer comme la seule puissance régionale en Indochine, décida à son tour d'intervenir. Le 17 février 1979, les troupes de l'armée chinoise attaquèrent le Nord. Le conflit s'arrêta au mois de mars 1979. Le Vietnam participa à la chute des Khmers rouges au Cambodge et ne retira ses troupes qu’en 1989. Durant ce temps, quelque 400 000 personnes fuirent le Vietnam, dont la majorité par la mer dans des conditions très périlleuses, un autre épisode des boat people. Les chefs d'État européens et asiatiques restaurèrent alors leurs liens diplomatiques avec le Vietnam et les entreprises étrangères, attirées par les bas salaires, commencèrent à s'y implanter.

7.2 Les déplacements de population

Il y avait aussi des tensions idéologiques à réduire ou à éliminer. Le départ des Américains avait laissé plus d'un million de chômeurs à Saigon (aujourd'hui: Hô-Chi-Minh-Ville). Au yeux des communistes, cette ville du Sud avait formé la base de l'impérialisme américain. Cette masse de dix millions de personnes avait développé des modes de vie et de consommation qui risquaient de mettre en péril l'idéologie révolutionnaire. Entre 1975 et 1977, plus de trois millions de personnes furent «rapatriées» dans leurs villages d'origine avec comme slogan : «Rentrons nous baigner dans l'étang du village.» Il fallait réduire le monstre urbain et reconstruire les campagnes en les repeuplant. Les citadins du Nord furent invités à gagner les moyennes montagnes. À Hô-Chi-Minh-Ville, l'ancienne Saigon, la réduction du nombre des citadins s'accompagna d'une «nordisation»: un demi-million de cadres du Nord vinrent s'y établir. Les évacuations de l'ancienne Saigon furent responsables du départ clandestin de plus d'un million de Vietnamiens et de Chinois, et de 90 000 «boat people».  Au total, plus de 3,6 millions de personnes ont été déplacées.

7.3 La vietnamisation des minorités nationales

Dès 1976, le gouvernement vietnamien avait fait état de la notion d’«ethnie» et avait même reconnu leurs coutumes particulières accompagnées de la constitution de régions autonomes. Puis, en 1979, l’autonomie fut supprimée pour laisser la place à la création d’un «conseil des minorités». Débuta alors une politique d’homogénéisation qui imposa les mêmes conditions de vie pour tous, pour les minorités comme pour les Vietnamiens (scolarisation, santé, travail).

La distance physique et culturelle qui séparait les communautés des hautes et celles des basses terres s'est progressivement réduite en raison de la politique gouvernementale de redistribution de la population et d'intégration politique. En vertu de cette politique, les habitants des basses terres — les Viets — furent envoyés dans des régions éloignées et inhabitées des hautes terres — où résidaient les minorités —, à la fois pour soulager la surpopulation dans les villes et dans le delta du fleuve Rouge congestionné, ainsi que pour accroître la production alimentaire. Les deux objectifs faisaient partie des efforts du gouvernement pour relever le niveau de vie, ce qui était lié à une autre priorité nationale urgente, la planification familiale.

Évidemment, les déplacements de population modifièrent profondément la carte ethnique du pays. Sur les hauts plateaux, les populations locales ne représentaient plus qu'un habitant sur quatre, parfois un sur deux. Il ne restait plus que onze provinces (sur près de 60) dans lesquelles les ethnies minoritaires étaient en plus grand nombre que les Viets. Les régions, jadis périphériques et inconnues, peuplées souvent exclusivement d'ethnies différentes, sont devenues des régions «ethniques». Dès 1980, environ 52 % de la population des hauts plateaux du Centre était composée de Vietnamiens. En 1985, alors que le gouvernement vietnamien subissait de plus en plus de pressions pour produire des céréales et des cultures industrielles, il prévoyait un afflux plus important d'ethnies minoritaires. En 1987, il semblait évident que ces ethnies minoritaires resteraient probablement des partenaires inégaux dans la gestion de leurs affaires locales, en dépit des protestations officielles, alors que de plus en plus de Vietnamiens s'installaient dans les hauts plateaux du Centre.

La vietnamisation progressa considérablement auprès de ces populations à un point tel que, dans certains cas, elle entraîna non seulement l'acculturation, mai aussi la destruction des cultures locales. Les mouvements de population ont eu pour effet de segmenter de nombreuses petites communautés et ont favorisé leur assimilation. Depuis quelque temps, des Viets se sont découvert une lointaine parenté avec certains groupes minoritaires tenus à l'écart depuis longtemps. Ils se sont rendu compte aussi que les minorités linguistiques pouvaient servir de relais avec d'autres groupes de l'Asie du Sud-Est avec lesquels ils pouvaient établir des liens commerciaux. De là à parler d'ouverture à cet égard, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. 

7.4 L'enseignement des langues étrangères.

Après 1985, l'intérêt pour les langues étrangères, dont l'anglais et le français, commença à se développer presque librement. Les étudiants eurent la possibilité de choisir la ou les langues étrangères qu'ils souhaitaient étudier.  Néanmoins, historiquement, dans le Nord, les apprenants du russe demeurèrent encore plus nombreux que ceux qui étudiaient d’autres langues étrangères, même si un nombre croissant d’étudiants apprenaient l’anglais ou le français. La situation fut cependant différente dans le Sud. Le mouvement pro-anglais s'est rapidement développé non seulement dans les zones urbaines, mais aussi dans les régions rurales où les parents envoyèrent leurs enfants suivre des cours d'anglais, convaincus que la connaissance de cette langue pourrait améliorer leur vie future. 

La politique d'enseignement des langues étrangères et la motivation des étudiants sont devenues des questions cruciales dans le développement du Vietnam et dans l'avancement personnel des Vietnamiens au cours des vingt années qui suivirent. Les transformations sociales entraînèrent des changements dans l'enseignement des langues étrangères, sinon des modifications des attitudes et des façons de considérer le travail. L’impact des langues étrangères, en particulier la réapparition de l’anglais, a certainement contribué au développement de nombreux aspects de la société vietnamienne. Ce choix de l'anglais a fortement influencé l'éducation, en particulier l'enseignement supérieur, et continue de laisser son impact sur la société.

7.5 La politique de la Doi Moi

Au milieu des années 1980, les dirigeants du Parti communiste ne purent que constater la mauvaise gestion des politiques mises en œuvre précédemment; celle-ci fut reconnue comme l'une des principales causes de l'échec économique, puis de la pauvreté et du retard dans de nombreux domaines. La décennie 1975-1986 s'était caractérisée par un isolement politique du Vietnam et par la stagnation économique, alors que

Un peu forcées par les événements — la chute du mur de Berlin, la disparition de l’URSS, etc. —, les autorités vietnamiennes commencèrent à pratiquer une politique d’ouverture économique tout en renforçant la répression politique. Dans les relations diplomatiques, l’appel à la coopération entre le Vietnam et les autres nations, indépendamment des différences politiques, devint une nécessité, et ce, d'autant plus qu'une économie de marché libre fut adoptée. L'adoption d'une plus grande ouverture sur le monde avait aussi comme but de renforcer l'assise du régime. Face à la désintégration de l'URSS, il importait pour le Vietnam de ne pas se retrouver seul face à la Chine. Il fallait donc trouver de nouveaux partenaires, capables d'équilibrer la puissance chinoise, mais également d'offrir un modèle viable tant au point de vue économique que politique. Dans l'immédiat, certains pays semblaient fournir les garanties nécessaires: la Corée du Sud, Taiwan, l'Indonésie et Singapour.

Ce fut le début de la réforme appelée Doi Moi (prononcer [dɔj mɔ-i] et non [dɔj mɔj]; en vietnamien: Đổi Mới signifiant «changer» + «nouveau» pour «renouveau» ou «réforme»), amorcée lors du VIe Congrès national du Parti communiste vietnamien en 1986. Le Vietnam assista à de nouveaux changements au sommet du pouvoir central et à une tentative d'abolir la centralisation bureaucratique. La législation vietnamienne s'assouplit afin de faire plus de place à l'entreprise privée, de reconnaître les sociétés par actions et les sociétés à responsabilité limitée. La Constitution de 1992 admit officiellement le rôle du secteur privé. Les agriculteurs furent autorisés à utiliser des terres à long terme et à vendre leurs produits sur le marché libre, sans être obligés de participer à des coopératives.

Les réformes de la Doi Moi conduisirent au développement de ce que l'on appelle maintenant l'économie de marché «à orientation socialiste», dans laquelle l'État joue un rôle décisif dans l'économie, mais dans laquelle les entreprises privées et les coopératives jouent aussi un rôle important dans la production des produits de base. Le taux d’alphabétisation et l’espérance de vie s'améliorèrent considérablement au Vietnam dans les années qui suivirent la politique de la Doi Moi. Le Vietnam, qui manquait de nourriture depuis des années, commença à exporter du riz sur le marché mondial. Dans les médias vietnamiens, le Parti redevint le «sauveur de la nation».

Toutefois, la libéralisation économique entraîna aussi des effets négatifs sur la société vietnamienne. D'abord, l'inégalité des revenus entre les zones urbaines et rurales s'accrut depuis l'adoption des réformes. En même temps, on assista à une concentration des investissements aux mains d'une élite politique et des cadres bureaucrates. En effet, ceux-ci s'enrichirent bien davantage que le reste de la société vietnamienne; ils purent créer des sociétés et accumuler d'énormes richesses, ce qui eut pour résultat de développer progressivement de nombreux réseaux clientélistes au fur et à mesure que les prérogatives des fonctionnaires augmentèrent. Les groupes d'intérêt entrèrent en scène de façon à influencer les politiques clientélistes dans le but de protéger leurs propres intérêts. Il semble bien, d'après les observateurs, que la Doi Moi se soit transformée en «catalyseur de corruption», car le système accordait toujours plus de pouvoirs aux fonctionnaires dans le cadre d'un développement économique accéléré. Bref, cette politique de la Doi Moi a profité à une faible partie de la société, sans que les plus pauvres aient pu en profiter.  

- La progression de l'anglais

Toute cette activité économique a contribué à attirer un nombre considérable de visiteurs anglophones ou anglophiles au Vietnam, soit en tant que touristes, soit en tant que femmes ou hommes d'affaires. Cette situation contrastait avec le passé lorsque la majorité des étrangers étaient originaires de l'Union soviétique et de l'Europe de l'Est. Les demandes sociales ont favorisé la réémergence de l'anglais en tant que langue permettant des communications et des coopérations plus importantes que le russe. L'anglais retrouva ainsi son rôle de principale langue étrangère enseignée et utilisée au Vietnam. Par conséquent, cette réintroduction de l'anglais obligea des milliers d'enseignants vietnamiens du russe à changer d'emploi, car en même temps la population exprimait le désir de promouvoir l'enseignement et l'apprentissage de l'anglais. 

La maîtrise de l'anglais devint désormais une condition essentielle pour obtenir un emploi satisfaisant. De plus, l'anglais facilitait la coopération et le développement économiques avec des afflux toujours plus grands d'investissements étrangers, lesquels provenaient principalement des pays capitalistes nécessitant des compétences en anglais. De plus, l'anglais contribuait à renforcer les échanges et la croissance dans l'enseignement supérieur. Des milliers de professeurs et d'étudiants ont voyagé à l'étranger pour étudier dans les pays capitalistes, où l'anglais était nécessaire.

Au cours des années 2000, l'anglais s'est développé à une vitesse sans précédent au Vietnam. Bien que ce ne soit pas entièrement documenté, environ 90 % des Vietnamiens qui apprennent des langues étrangères le font en anglais. Différents établissements d'enseignement des langues, tant publics que privés, ont été créés avec divers cours, programmes et types de formation dans le but de répondre aux différents besoins d’apprentissage.

Outre l'anglais, d'autres langues étrangères telles que le chinois, le japonais, le français, le coréen et l'allemand ont été également proposées, mais dans des classes plus petites avec un nombre modeste d'étudiants. La plupart de ceux-ci choisissent d'étudier ces langues pour la recherche d'emploi, la promotion de l'emploi et les études à l'étranger. Évidemment, le russe n'est plus à l’ordre du jour. Quant, au français, il n'a jamais retrouvé la place qu’il avait lors de la colonisation française. Néanmoins, le Vietnam a adhéré en 1986 aux Sommets de la Francophonie dont il est un membre à part entière.

- La Constitution de 1992

La nouvelle Constitution adoptée en 1980 fut révisée en 1992 en s'inspirant de celle de la république du Vietnam du Nord. Elle conférait au Parti communiste un rôle dominant au sein du gouvernement et des institutions représentatives de la société. En témoigne l’article 4 de la Constitution:

Article 4

1) Le Parti communiste du Vietnam, l'avant-garde de la classe ouvrière vietnamienne, représentant fidèle des droits et des intérêts de la classe ouvrière, laborieuse et de toute la nation, guidée par le marxisme-léninisme et la pensée de Hô Chi Minh, est la force qui dirige l’État et la société.

2) Toutes les institutions du Parti communiste vietnamien doivent fonctionner dans le cadre défini par la Constitution et la loi.

Le gouvernement agit par l'intermédiaire du Front patriotique du Vietnam, qui regroupe partis satellites, syndicats et organisations sociales. Le gouvernement vietnamien autorisa les citoyens à créer des entreprises privées et l'État entreprit la liquidation de nombreuses entreprises publiques. Depuis le début des années 1990, le Vietnam a entrepris une politique d’ouverture vers l’Occident et un assouplissement de son système économique.

- La Francophonie

Hanoi a accueilli les sommets de la Francophonie (1994) et de l’ASEAN (1998), et a pris une nouvelle place au sein de la communauté internationale, en particulier le Sud-Est asiatique. L’organisation du VIIe Sommet de la Francophonie à Hanoï fut considérée comme un succès pour le processus d’intégration internationale que le Vietnam a entamé dans les années 1980 avec la devise «Le Vietnam souhaite être l’ami de tous les pays dans le monde pour la paix, l’indépendance et le développement». Évidemment, la présence du Sommet de la Francophonie au Vietnam avait pour but de renforcer l’usage du français et ouvrir plusieurs possibilités d’apprentissage et d’échanges culturels aux jeunes Vietnamiens, car bien que le français soit peu visible au Vietnam, cette langue conserve une place de choix dans l’enseignement à tous les niveaux. Entre 75 000 et 110 000 Vietnamiens maîtrisent le français, à des degrés divers, souvent très partiellement. Le pays reçoit par ailleurs de nombreux visiteurs francophones.

- Les minorités nationales

Cependant, le Vietnam a été régulièrement pointé du doigt pour la répression à l'encontre de ses minorités religieuses, notamment chrétiennes. Par contre, le gouvernement a compensé par une protection accrue à l'égard des minorités isolées et vivant dans des zones aux prises avec des difficultés socio-économiques. Les principes fondamentaux sont, entre autres, les suivants : les politiques ethniques doivent reposer sur l’égalité, l’unité, le respect et l’entraide mutuelle pour le bien commun; une politique de développement doit être mise en œuvre pour améliorer les conditions de vie matérielle des minorités ethniques; les langues parlées et écrites et l’identité des ethnies doivent être protégées; les coutumes, les pratiques, les traditions et les cultures de chacune des ethnies doivent être encouragées.

Aujourd'hui, dans les régions où vivent de nombreuses minorités ethniques, un organisme responsable des affaires ethniques est chargé d’aider les autorités locales à mettre en œuvre des politiques spécifiques et à assurer aux minorités ethniques la jouissance des droits qui leur sont garantis par la loi et à veiller à leurs intérêts. En principe, les droits fondamentaux des minorités ethniques sont garantis, surtout le droit à l’égalité dans les domaines politique, économique, culturel et social, sans distinction aucune d’appartenance ethnique, de langue ou de religion. Le système juridique prévoit des mécanismes pour protéger les droits de tous les citoyens, notamment ceux des personnes appartenant à une minorité ethnique. Aujourd'hui, les activités de développement touristique entraînent souvent une réduction des terres agricoles et, par voie de conséquence, l'éviction des minorités ethniques.

- L'empreinte indélébile du Parti communiste

En avril 2001 avait lieu le IXe Congrès du Parti communiste, qui confirmait le choix d'une «économie socialiste de marché» et de la cohabitation entre une libéralisation économique et un régime politique autoritaire. En 2007, le pays devint membre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), mais le Parti devait continuer à contrôler la vie politique du Vietnam tout en se montrant attentif aux changements d'un pays en pleine évolution. Malgré diverses tentatives de la part des dirigeants réformateurs, le niveau de répression demeure élevé contre les éventuels dissidents et il ne faut pas s'attendre à une libéralisation du régime avant longtemps.

En 2018, le Parti communiste du Vietnam (PCV) maintenait toujours son contrôle sur toutes les affaires publiques et punissait ceux qui contestaient son monopole sur le pouvoir. Les autorités restreignent encore les droits fondamentaux, notamment la liberté de parole, d'opinion, d'association et de réunion. Tous les groupes religieux ont dû s'enregistrer auprès du gouvernement et fonctionner sous haute surveillance. Les blogueurs et les militants pour les droits de l'Homme sont encore victimes d'actes d'intimidation et de harcèlement de la part de la police; ils peuvent être assignés arbitrairement à résidence, soumis à des restrictions de mouvement et agressés physiquement. Beaucoup sont détenus pendant de longues périodes sans avoir accès à un avocat ou à des visites de leur famille.

Depuis septembre 2016, le Vietnam entretient des relations diplomatiques avec 188 pays à travers le monde, notamment avec des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni et Russie).

Par ailleurs, le Vietnam se situait en 2012 à la 123e place (sur 188 pays), puis 107e (sur 180 pays en 2017) dans le classement de la corruption établi par Transparency International, une organisation non gouvernementale internationale d'origine allemande ayant pour principale vocation la lutte contre la corruption des gouvernements et des institutions gouvernementales. Le Vietnam est donc l’un des pays les plus corrompus de l’Asie du Sud-Est, après l’Indonésie et le Cambodge. La corruption au Vietnam affecte différents secteurs tels que l'éducation, la santé, l’administration publique, la construction, la gestion et la répartition des terres (toutes publiques), ainsi que les ressources naturelles et les différentes industries minières. Que ce soit au niveau de l’appareil de l'État ou au niveau de la société civile et du secteur privé, le contournement des lois, les entraves faites aux règlements ou encore la corruption sont autant de marges de liberté concédées aux populations, mais cette corruption généralisée constitue aussi une source d’instabilité sociale dans le pays.

Les diverses organisations des droits de l'Homme en France considèrent le Vietnam comme un régime communiste autoritaire, mais pas comme une dictature, dans la mesure où il est possible de créer une entreprise, de voyager assez librement et de capter par antennes paraboliques des programmes étrangers, ce qui est toléré, mais peu encouragé par le régime en place. Au Vietnam, l’autoritarisme du parti unique et de son appareil administratif laisse voir une relation ambivalente partagée entre, d'une part, des pratiques coercitives et l'usage de la peine de mort, d'autre part, par des politiques plus adaptées aux nouvelles aspirations de la population. Il n'en demeure pas moins que la virulence avec laquelle s’exerce le pouvoir politique au Vietnam est rendue possible grâce à une forme d’adhésion de la population qui, en échange de certaines privations et contraintes, bénéficie d'une certaine sécurité après des décennies de guerre. D'ailleurs, selon le Pew Research Center, 70 % des Vietnamiens sont en faveur d'un gouvernement militaire. Devant l'échec du marxisme, le Vietnam semble s'engager pour le moment dans une voie qui zigzague entre le libéralisme et l'autoritarisme.

Un porte-parole du département d’État américain a assuré à l’AFP que «les droits humains sont un sujet que nous soulevons aux plus hauts niveaux avec le Vietnam». En fait, le bilan en matière de droits de l’Homme est «déplorable dans tous les domaines». Depuis 2016, le numéro 1 du Parti communiste (Nguyen Phu Trong) a orchestré un durcissement de la répression, sans être trop inquiété par la communauté internationale. Liberté d’expression restreinte, absence d’opposition, arrestations arbitraires, etc., font partie de la vie quotidienne au Vietnam.

Dernière révision: 23 déc. 2023
 

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