République de Madagascar

Madagascar

République de Madagascar
Repoblikan'i Madagasikara

Capitale: Antananarivo (Tananarive)
Population: 18 millions (2005)
Langues officielles: malgache (de jure) et français (de facto)
Groupe majoritaire: malgache (98 %)
Groupes minoritaires: 18 variétés malgaches (merina, betsileo, betsimisaraka, sakalava, etc.), français, comorien, ourdou, chinois cantonnais, créole mauricien, etc.
Langue coloniale: français
Système politique: république démocratique
Articles constitutionnels (langue): art. 4 de la Constitution de 1992
Lois linguistiques:
arrêté no 08 AN/P portant règlement intérieur de l'Assemblée nationale (2004);  loi no 2004-004 portant orientation générale du système d’éducation, d’enseignement et de formation à Madagascar (2004).

1 Situation géographique

Madagascar est un État constitué par une grande île de l'océan Indien que le canal de Mozambique sépare de l'Afrique (distant de 400 km environ). C’est la quatrième plus grande île du monde après le Groenland, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et Bornéo. Longue de 1580 km et large de 580 km, Madagascar couvre une superficie de 590 000 km² (voir la carte de la région). Le pays est entouré par d'autres îles et archipels dont l'île Maurice, les Seychelles, les Comores et l’île de La Réunion. La république de Madagascar a été membre de la Francophonie entre mars 1970 et décembre 1977, puis à nouveau membre depuis décembre 1989.

Le pays est divisé administrativement en six faritany (provinces), qui s'articulent autour des villes qui portent le même nom que la province: Antananarivo ou Tananarive (1), Antsiranana ou Diégo-Suarez (2), Fianarantsoa (3), Mahajanga ou Majunga (4), Toamasina ou Tamatave (5) et Toliara ou Tuléar (6). Les provinces autonomes sont des «collectivités publiques dotées de la personnalité juridique ainsi que de l’autonomie administrative et financière». Les provinces sont organisées en collectivités territoriales décentralisées et comprennent des régions et des communes dotées chacune d’une assemblée délibérante et d’un organisme exécutif.

La ville d’Antananarivo est la capitale avec plus de 1,2 million d'habitants (voir la carte détaillée du pays). Toamasina, Mahajanga, Toliary, Antsiranana, Fianarantsoa forment les autres «villes de province», avec moins de 200 000 habitants chacune. La république de Madagascar porte le nom officiel de Repoblikan'i Madagasikara.

2 Données démolinguistiques

Malgré la proximité géographique des côtes africaines à 400 km de Madagascar, les habitants du pays ne se reconnaissent pas comme des Africains. Depuis vingt siècles, Madagascar a été façonnée par des peuples afro-asiatiques venant d'horizons divers: Afrique, Sud-Est asiatique (Indonésie), Proche-Orient, Inde, Europe, etc., pour créer la société pluriculturelle malgache. Ce pays de 14,6 millions d’habitants compte plusieurs communautés ethniques:

1) la communauté malgache d’origine afro-asiatique représentant 98 % de la population, comprenant elle-même 18 ethnies et parlant des langues austronésiennes;

2) la communauté comorienne (0,3 %) qui se fond totalement dans la société malgache;

3) la communauté européenne (0,4 %), à grande majorité française, formée par des coopérants techniques et de plus en plus d'hommes d'affaires et d'investisseurs;

4) la communauté indienne (0,2 %) d'origine pakistanaise, immigrée à la fin du siècle dernier;

5) la communauté chinoise (0,1 %) d'origine cantonaise qui est surtout installée dans les villes et sur la côte où elle s'occupe du commerce de détail.

2.1 La communauté malgache

La communauté malgache est composée «officiellement» de 18 ethnies principales, chacune parlant sa variété linguistique de malgache: merina, betsileo, betsimisaraka, sakalava, etc.  On peut visualiser la carte des groupes ethno-linguistiques:  

1) Merina : «ceux des hauteurs»; d’origine asiatique (indonésienne) assez marquée, ils résident au centre de l’île.

2) Betsileo : «ceux qui sont invincibles»; ils vivent dans la région de Fianarantsoa (centre-est) et sont d’excellents riziculteurs et artisans du bois.

3) Betsimisaraka : «ceux qui ne se séparent pas»; tribu la plus importante vivant le long de la côte est, ils cultivent le café, la girofle et la canne à sucre.

4) Sakalava : «ceux des longues vallées»; ils occupent un territoire très vaste sur toute la côte ouest, du nord jusqu'à Tuléar (à l’ouest).

5) Antaisaka : «ceux qui viennent des Sakalava».

6) Antandroy : «ceux des épines», ils vivent à l’extrémité sud de l’île.

7) Mahafaly : «ceux qui font les tabous», voisins des Antodroys, ce sont des sculpteurs.

8) Vezo : ce sont des pêcheurs de l’Afrique de l’Est installés au sud de l’île.

9) Bara : d’origine bantoue, ils sont souvent éleveurs de zébus.

10) Antakarana : «ceux de l'ankara : la falaise»; ce sont des pêcheurs et des éleveurs (au nord).

11) Antemoro : «ceux du littoral», ce sont en grande partie des cultivateurs.

12) Antaifasy : «ceux qui vivent dans les sables», sur la cote est.

13) Masikoro : agriculteurs du sud de l’île.

14) Antambahoaka : un groupe du Sud-Est d’origine arabe; ils se disent descendants de Raminia, un personnage parti de la Mecque vers le Xe ou le XIe siècle.

15) Tsimihety : «ceux qui ne se coupent pas les cheveux», vivant dans le Nord-Ouest, ils sont éleveurs et riziculteurs.

16) Tanala : «ceux qui vivent dans la forêt», vivent sur les falaises de la côte Est, dans la forêt; ils détiennent un grand savoir sur les plantes médicinales.

17) Bezanozano : «ceux aux nombreuses petites tresses», ce sont des forestiers de la côte Est.

18) Sihanaka : «ceux qui errent dans les marais», ils habitent dans la région du lac Alaotra, agriculteurs (nord-est).

Les principales communautés des plateaux sont les Merina, qui représentent le quart de la population (25 %), et leurs cousins les Betsileo (12 %). Les membres de ces deux groupes descendent essentiellement d'immigrants venus de Malaisie et d'Indonésie, qui colonisèrent Madagascar il y a environ 2000 ans. Les régions côtières sont habitées surtout par des populations métissées de Malais, d'Indonésiens, de Noirs africains et d'Arabes; parmi ces groupes, citons les Betsimisaraka (10,9 %), les Sakalava (6 %), les Antaisaka (5 %), les Antandoy, les Mahafaly et les Vezo.

La population malgache est concentrée dans la région orientale, soit sur les hautes terres centrales et dans les zones d'aménagement qui attirent les migrants venant des régions à forte pression démographique (voir la carte détaillée du pays): régions d’Antemoro, d’Antefasy, d’Antaisaka (au sud-est), de Tsimihety, de Merina, de Betsileo et d’Antandroy (extrême sud). La répartition de la population se révèle quelque peu anarchique dans la mesure où les meilleures terres, essentiellement à l'ouest, sont faiblement peuplées, tandis que les terres épuisées des côtes orientales et des hautes terres du centre sont surpeuplées. Par sa dimension, la capitale Antananarivo est de loin la ville la plus importante du pays (env. deux millions d’habitants). Suivent Toamasina (env. 200 000 hab.), Fianarantsoa (env. 150 000 hab.), Mahajanga (env. 160 000 hab.), Antsirabe (env. 110 000 hab.), Antsiranana (env. 80 000 hab.) et Toliara (env. 60 000 hab.).

Quelle que soit leur origine ethnique, les habitants de Madagascar sont répartis assez inégalement entre les six provinces du pays:

Antananarivo  29,4 %
Fianarantsoa  20,8 %
Toamasina  16,3 %
Toliary  14,4 %
Mahajanga  11,5 %
Antsiranana  7,8 %

Pour ce qui est de la religion, on compte 51 % de chrétiens (dont 26 % de catholiques et 23 % de protestants), 47 % d’animistes (croyances traditionnelles), 1,7 % de musulmans et 0,3 % se réclament d'autres religions. Les animistes pratiquent le famadihana, culte des ancêtres consistant à changer le linceul des défunts, à nettoyer leurs ossements, et à appeler leur participation à une fête et un banquet. Par ailleurs, les membres de la minorité chinoise pratiquent le bouddhisme ou le taoïsme.

2.2 La langue malgache

Malgré la diversité du peuplement qui est à l'origine des différents parlers dans toute l'île, une langue commune s'est constituée: le malgache (officiellement: malagasy). Celui-ci est devenu aujourd'hui la langue officielle du pays: c'est le parler de l'Imerina (région de Tananarive et d'Ambohimanga) qui a été choisi comme langue officielle en raison d'une longue tradition d'écriture remontant à la première moitié du XIXe siècle. Linguistiquement, le malgache se rattache à la famille austronésienne. Le malgache appartient donc au groupe malayo-polynésien de type occidental.

À l’origine, le malgache aurait emprunté un certain nombre de mots au sanscrit (indo-européen) et à l’arabe, mais a reçu un apport lexical important des langues (swahili, makhwa, etc.) de la famille bantoue, puis plus tard des langues européennes, notamment l’anglais et le français. En ce qui a trait à l’écriture, le malgache a d'abord été écrit en caractères arabes, ce qui a donné une littérature écrite dite «arabico-malgache»; puis Radama 1er a imposé les caractères latins et fait traduire la Bible en malgache.

Les premiers outils linguistiques ont été créés en 1828, mais le premier texte fut diffusé en 1835. Et la publication de la Bible malgache imposa rapidement le modèle d'une langue écrite et d'un style noble. Les manuscrits malgaches du XIXe siècle (surtout des discours royaux, des généalogies, des comptes rendus d’événements ou de voyages importants) sont relativement nombreux, mais beaucoup d’entre eux ont été détruits au moment de la conquête coloniale française. À la fin de la monarchie merina, il existait une dizaine de périodiques publiés à Antananarivo, puis la colonisation de 1896 entraîna la suppression de la presse malgache. Cependant, les journaux de l’époque avaient pris l'habitude de publier en malgache des poèmes et des textes littéraires en prose (contes, fables, nouvelles, etc.). Aujourd’hui, la presse et la littérature malgache semblent bien vivantes. Toutefois, le marché de l’édition malgache demeure extrêmement limité en raison du prix élevé des coûts de fabrication du livre.

2.3 Les autres communautés

La communauté européenne reste la communauté non malgache la plus influente. Elle est formée surtout d’hommes d'affaires ou de coopérants, surtout des Français. Au nombre d’environ 16 000, ils forment la «dix-neuvième tribu», comme disent les Malgaches, et sont installés plutôt dans les villes. À l'instar de tous les non-Malgaches, on les appelle les Vazaha (Européens résidant de façon temporaire) ou Zanatany, «enfants du pays», s'ils sont nés sur l'île et y résident en permanence. Bien que le malgache, la langue maternelle de la population d'origine malayo-polynésienne, ait seul un statut de langue officielle, le français, toujours parlé par l'élite, est demeuré la langue des communications internationales, des médias (65 % des programmes télévisés) et de l'enseignement. On estime que 25 % de la population autochtone «se débrouille» en français; mais environ 30 000 personnes le parlent presque couramment. En réalité, le français atteint peu de populations autochtones. 

Viennent maintenant s'ajouter à cette population, au gré des espoirs économiques, plus de 100 000 immigrants, principalement des Comoriens (comorien), des Indo-Pakistanais (ourdou), des Mauriciens (créole) et des Chinois cantonnais qui, pour la plupart, ont conservé leur langue maternelle.

3 Données historiques

Le peuplement de Madagascar remonterait au premier millénaire de notre ère. Les ancêtres des Malgaches seraient à la fois d’origine malayo-indonésienne (des Malaysiens et des Indonésiens) et d’Afrique orientale (des Bantous originaires de la Tanzanie et du Mozambique actuels). Par vagues successives, s'établissant par petits groupes en des points différents de l'île, tout au cours d'une période qui a pu durer quelques siècles, les immigrants ne formèrent pas immédiatement un seul et même peuple, mais de nombreux petits royaumes séparés participant au commerce de l'océan Indien.

Les habitants de Madagascar firent du commerce avec les Arabes durant une bonne partie du Moyen Âge, fournissant aromates, plantes médicinales, épices et parfums. Dès le XIIe siècle, les Antalaotra («les gens de la mer»), des navigateurs islamisés parlant swahili et venant d'Afrique et des Comores, établirent, aux dépens des Austronésiens de Madagascar, leur contrôle sur les routes et le trafic de l'océan Indien. Toutefois, l'influence culturelle arabe se limita à quelques comptoirs secondaires. Aujourd’hui, les historiens croient que les côtes du nord et du nord-est de l'île ont été le creuset où la rencontre de Malayo-Indonésiens et de Bantous africains a forgé le peuple malgache actuel. Avant l’arrivée des Européens, la plupart des ethnies malgaches recensées aujourd'hui vivaient déjà dans les territoires où elle sont actuellement concentrées.

3.1 Les débuts de l’implantation européenne

En 1500, Diego Diaz, navigateur portugais en route vers les Indes, fut le premier Européen à approcher les côtes de Madagascar, qui reçut alors le nom d'île Saint-Laurent (le saint du jour de la découverte: le 10 août 1500). Diego Diaz fit la connaissance des Merina sur les hauts plateaux, puis des Sakalava à l'ouest, des Betsimisaraka à l'est et ensuite des Bara au sud. Les Portugais établirent à leur tour quelques comptoirs qui périclitèrent rapidement et disparurent; ils abandonnèrent l’île.

Pendant le XVIe siècle et le début du XVIIe siècle, l'île Saint-Laurent ne servit que de rade de ravitaillement non seulement pour les marins portugais mais aussi pour leurs rivaux, les Hollandais, les Anglais et les Français. Mais les rapports entre les Européens et les Malgaches ne furent pas toujours pacifiques et, chassés par les autochtones, les Hollandais ne réussirent pas à créer des établissements durables; ils se contentèrent de faire du commerce entre l’Europe et les Indes, avant de préférer la colonie du Cap où ils s'implantèrent au XVIIe siècle. Les Anglais, venus plus tard au milieu XVIIe siècle, ne réussirent pas davantage à s'installer à Saint-Augustin et à Nosy-Be. Il fallut attendre le milieu du XVIIe siècle pour voir les Français s'établir à Fort-Dauphin au sud de l’île.

3.2 La colonisation française

En 1642, Jacques de Pronis, commis de la Compagnie française de l'Orient fondée par le cardinal de Richelieu (ministre de Louis XIII), s'installa avec quelques Français au sud-est de l'île. De Pronis était officiellement chargé de «prendre possession de l'Île, de fonder des habitantations et de pratiquer la traite» (commerce). L’année suivante, sur l'ordre de Richelieu, il fonda en l'honneur du futur roi Louis XIV Fort-Dauphin qui devint ainsi une escale importante sur la route des Indes. En 1649, Étienne de Flacourt, envoyé par la Compagnie de l'Orient à Fort-Dauphin pour rétablir l'ordre à Madagascar, renvoya Jacques de Pronis en France. Ce dernier avait choqué les autochtones en vendant des esclaves aux Hollandais établis dans l'île Maurice. Étienne de Flacourt, qui avait reçu le titre de «commandant général de l'île de Madagascar», séjourna sur l’île jusqu’en 1655. Il publia en 1658 une Histoire de la Grande Ile de Madagascar, comprenant aussi un dictionnaire de 3500 mots malgaches: cet ouvrage demeurera pendant deux siècles la source principale des connaissances sur Madagascar et ses habitants.

La colonie de Madagascar, dont l’île était appelée île Dauphine, périclita après le départ d’Étienne de Flacourt en 1655, car ses successeurs n’eurent pas sa valeur. La nouvelle Compagnie des Indes orientales fit moins de profit, les navires vinrent plus rarement et les colons se découragèrent; la Compagnie des Indes orientales se tourna alors vers l'Inde et se désintéressa de l'établissement de Madagascar. Des missionnaires furent envoyés afin de convertir au catholicisme les populations voisines de Fort-Dauphin; il rédigèrent un catéchisme bilingue et un dictionnaire de la langue malgache, instituèrent un petit séminaire et envoyèrent en France quelques jeunes Malgaches pour parachever leur éducation. Après le massacre de la garnison de Fort-Dauphin en 1674 par les populations locales, les 63 survivants français s'embarquèrent pour l'île Bourbon (l’actuelle île de La Réunion) alors déserte. Par la suite, les gouverneurs de Bourbon utilisèrent Madagascar comme réserve d’esclaves pour leur île. Pour leur part, les pirates, surtout des Français, des Anglais et des Américains, utilisèrent l'île comme base pour leurs expéditions et leurs prises dans l'océan Indien.

Avec l’abandon de Madagascar, l’effort français dans l’océan Indien fut reporté sur l’île Bourbon (La Réunion), qui avait reçu les derniers colons de Fort-Dauphin et des apports nouveaux, soit des Français et des esclaves malgaches. L’île Maurice, abandonnée par les Hollandais en 1712, fut occupée par les colons de Bourbon en 1721; l’île Rodrigues fut peuplée plus tard. Par la suite, les Seychelles devinrent aussi des îles françaises. À partir de 1720, le café d’Arabie fut introduit à Bourbon et en fit bientôt la fortune. Pour se livrer à cette culture, il fallait un ravitaillement en vivres (riz, bœufs, etc.) et en main-d’oeuvre (esclaves). La Grande Île, toute proche, réapparut comme le fournisseur idéal. De là vint l’idée pour les Français d’y refaire du commerce.

La colonisation française ne reprit qu'après le traité de Paris de 1763 (alors que les îles Maurice, Rodrigues ainsi que les Seychelles étaient devenues anglaises), sous la tutelle de Louis XV, puis de Louis XVI, et fut poursuivie, après la Révolution française, par Napoléon. Des comptoirs furent rétablis sur la côte est, et un gouverneur fut nommé à Tamatave (centre-nord). Celui-ci dut commencer par combattre les Hova (Merina) qui, alors dominés par les Sakalava et forts de l'appui des Anglais, prétendaient s'approprier l'île entière. Les Sakalava furent vaincus et se virent, en 1840, contraints de placer sous le protectorat français les deux seuls territoires qui leur appartenaient encore: les îles de Mayotte (Comores) et de Nosy-Be (nord-ouest de Madagascar).

3.3 L’unification du royaume Merina et de Madagascar

Entre-temps, les autochtones s’étaient regroupés sur l'île pour former des royaumes, tant à l'est (Menabe, Boina) qu’à l'ouest (Betsimisaraka: «les nombreux inséparables») et au sud (Betsileo). Au centre du plateau, les Hova (Merina) fondèrent la ville fortifiée d'Antananarivo (Tananarive). Ils nommèrent le pays Imerina et donnèrent à ses habitants le nom de Merina. Durant tout le XVIIe siècle, Madagascar fut dominée par la multiplicité des petits royaumes malgaches. Parmi les tentatives de conquête, la plus remarquable est peut-être celle des Sakalava qui, au milieu du XVIIe siècle, dominèrent toute la côte est et y jetèrent les bases d'un véritable empire. Toutefois, la puissance sakalava fut minée par des querelles de succession et buta à l'opposition des Merina auxquels les Sakalava durent finalement se soumettre.

L'unification du pays fut réalisée au siècle suivant par le souverain merina Andrianampoinimerina (vers 1787-1810) qui regroupa les petits royaumes des hauts plateaux, établit une véritable législation et instaura une administration locale. Son fils et successeur, Radama 1er (1810-1828), céda aux sollicitations des Britanniques installés sur l'île Maurice et inquiets de voir la France prendre pied sur Madagascar. Il signa en 1817 un traité d'amitié avec les Britanniques qui dotèrent les merina d’armes modernes et entraînèrent les troupes autochtones; puis les missionnaires britanniques fondèrent des écoles et introduisirent le christianisme. Fort de l'appui anglais, Radama 1er poursuivit l'unification entreprise par son père et étendit sa domination sur une grande partie de l’île. En matière linguistique, l’oeuvre de Radama 1er fut importante. D’abord, il favorisa le développement de l'enseignement qui connut un essor remarquable dès 1820. La scolarisation se faisait dans la langue maternelle des élèves et les maîtres malgaches pouvaient avoir recours à l'anglais (la langue des missionnaires) pour accéder aux manuels et aux sources du savoir occidental. Ce faisant, le roi dota le malgache d'une écriture en caractères latins et fit traduire la Bible en malgache. Pour leur part, les quelques écoles catholiques installées à Tananarive dispensaient un enseignement en français.

À la mort de Radama Ier, sa veuve, Ranavalona 1re, lui succèda en 1828 et mit fin à la politique de réformes menées par son défunt mari; elle décida de fermer les écoles et de chasser les missionnaires britanniques; elle finit par expulser tous les Européens au moment même où les Sakalava se plaçaient sous la protection de la France, qui occupait l’île Nosy-Be en 1841. Les Français en profitèrent pour revenir dans la Grande Île.

À la mort de Ranavalona 1re en 1861, son fils Radama II, élevé par des Européens, rouvrit le pays aux puissances coloniales. Il attribua à certains hommes d'affaires français des pouvoirs économiques exorbitants. L'oligarchie malgache, inquiète de l'européanisation forcée, fit étrangler le roi en 1863. L'année suivante, le chef de l'armée, Rainilaiarivony, un Merina, devint premier ministre, épousa successivement les reines Rasoherina, Ranavalona II et Ranavalona III, et exerça le véritable pouvoir. Pour éviter la mainmise européenne sur son pays, il choisit de le moderniser et se convertit au protestantisme avec une grande partie du peuple en 1869. Il demeura à la tête du pays pendant plus de trente ans. Durant le règne du premier ministre Rainilaiarivony, les missionnaires catholiques revinrent et les écoles se multiplièrent. Les jésuites s'installèrent à Tananarive et Tamatave. Dès 1862, ils publièrent une série de manuels scolaires et de livres religieux à l'usage des élèves et des catholiques malgaches. Tandis que les protestants (la London Missionnary Society, les anglicans, les luthériens et les quakers) enseignaient en malgache, les catholiques, surtout dans les écoles urbaines, enseignaient le français à leurs élèves. Cependant, en raison de la conversion au protestantisme en 1869 de la reine et du premier ministre, les écoles protestantes furent beaucoup plus florissantes. Évidemment, l'école propagea davantage le français que l'anglais, compte tenu que dans les écoles protestantes on enseignait en malgache.

En 1883, la France occupa Tamatave (côte est) et Majunga (côte ouest). Deux ans plus tard, elle obtint la permission de s'installer à Antseranana. Par le traité ambigu de 1885 (vu comme un traité d’amitié par les Merina), la France imposa à l'île un quasi-protectorat: puis un général français s'installa à Tananarive avec une escorte militaire et représenta officiellement Madagascar dans ses relations extérieures. Le protectorat français fut reconnu, en 1890, par la Grande-Bretagne et l'Allemagne, mais il fut refusé par le premier ministre malgache Rainilaiarivony.

En représailles, Paris envoya des troupes (15 000 hommes) à Tananarive. Le général Galliéni, devenu gouverneur, entreprit la «pacification» et l’unification de l'île avec le concours du colonel Lyautey. Le 30 septembre 1895, Tananarive fut militairement occupée, le premier ministre Rainilaiarivony, exilé, et la reine Ranavalona III, détrônée. L'île de Madagascar devient officiellement une colonie française en 1896.

3.4 La tutelle française (1896)

En 1896, le Parlement français vota l'annexion de Madagascar en tant que colonie. Doté des pleins pouvoirs civils et militaires, le général Galliéni entreprit d'organiser le pays en créant des cadres administratifs et une justice autochtones, en instituant un enseignement laïque chargé de promouvoir la langue française devenue obligatoire et en faisant lever de lourds impôts. La ville de Diégo-Suarez, dans le Nord, devint la plus importante base navale française de cette région de l’océan Indien et protégeait ainsi la route de l'Indochine. L’île attira les planteurs et les compagnies européennes, mais la dépossession des terres autochtones et l’imposition du Code de l’indigénat ravivèrent le nationalisme malgache.

En 1897, à Fianarantsoa, le général Galliéni déclara devant 20 000 Betsileos:

Je n'ai pas à savoir quelle est votre religion. Catholiques, musulmans, protestants ou adeptes seulement du culte des ancêtres, vous pouvez tous vous asseoir sur les bancs de nos écoles, apprendre notre langue, vous habiller des étoffes françaises renommées dans le monde entier. Vous apprendrez de nous à vous aimer, à aimer surtout la France, votre nouvelle patrie, et à devenir d'habiles ouvriers et de bons cultivateurs.

La colonisation française donna à l'école une place centrale dans le dispositif de domination du pays. Le général Galliéni décréta qu’aucun Malgache ne pourrait postuler un emploi public s'il ne parlait et n’écrivait le français. Les instructions décrétées dans la circulaire du 5 octobre 1896 témoignent des intentions de la nouvelle administration à assurer la suprématie absolue de la langue et de la culture françaises:

Madagascar est devenue aujourd'hui une terre française. La langue française doit donc devenir la base de l'enseignement dans toutes les écoles de l'île. [...] Vous ne devez jamais perdre de vue que la propagation de la langue française dans notre nouvelle colonie, par tous les moyens possibles, est l'un des plus puissants éléments d'assimilation que nous ayons à notre disposition et que tous nos efforts doivent être dirigés dans ce but.

Plus tard, la circulaire de 1899 précisa que l'école devait devenir «un instrument de conquête pacifique des esprits». C’est par l'éducation que l’Administration française fit comprendre aux Malgaches les avantages de la civilisation et la nécessité du travail; elle chercha également à leur inculquer des sentiments de respect et d'affection pour la France.

Dans la réalité, le système d'enseignement institué à Madagascar par la colonisation française s'éloigna quelque peu de la politique d'assimilation par l'école. Il faut souligner que les écoles officielles créées par Galliéni, où le français était à la fois la matière principale et la langue d'enseignement, ne purent dans les faits accueillir tous les élèves. Étant donné que l'enseignement était obligatoire, l’administration coloniale autorisa la création d’écoles privées et d’écoles d'«église», avec des maîtres moins qualifiés, mais accorda au malgache une place importante. Des écoles normales et professionnelles, ayant vocation de former les cadres subalternes, complétèrent l'organisation d'un «enseignement malgache» dont les principes pédagogiques et les programmes s'inspiraient du modèle français. Bien que fervent partisan de la politique de francisation par l'école, Galliéni encouragea ses collaborateurs à apprendre le malgache et fonda dès 1902 l'Académie malgache, dans le but de favoriser la préservation du patrimoine culturel malgache. Puis, habile politique, il utilisa les services des fonctionnaires merina et des chefs locaux à qui il dicta cette directive: «Faites que vos administrés tremblent à la pensée de votre départ.»

À partir de 1908, des collèges secondaires, devenus ensuite lycées, dispensèrent le même enseignement qu'en Métropole. Destinés aux enfants des colons et des fonctionnaires français, ils acceptèrent, à partir de 1914, des enfants "indigènes" à la condition que ceux-ci fissent preuve d'une maîtrise suffisante de la langue française.

Le gouvernement colonial maintint cette double filière de l'enseignement malgache et de l'enseignement européen jusqu'après la fin de la Seconde Guerre mondiale. D’un côté, l’enseignement public malgache continua à instruire les jeunes Malgaches en les condamnant à des carrières modestes; de l’autre, les jeunes autochtones provenant de familles généralement aisées qui fréquentaient les lycées français se voyaient ouvrir les postes donnant accès au pouvoir, à l'administration, aux avantages économiques, etc. La connaissance et l’utilisation aisée de la langue française devinrent désormais des conditions de réussite et de promotion sociale, et des moyens d'accéder aux différentes sphères du pouvoir, sinon de s'y maintenir, surtout pour les anciennes couches dirigeantes. La présence physique d'une minorité européenne contrôlant le pays a fait jouer au français un rôle considérable dans la vie quotidienne des autochtones.

La défaite de la puissance coloniale face à l’Allemagne hitlérienne remit toutefois en question la prétendue supériorité de la présence française à Madagascar. En raison notamment des services rendus à la France lors de la dernière guerre mondiale, les Malgaches espéraient obtenir en échange le droit de s’administrer eux-mêmes. 

En 1946, Madagascar obtint le statut de territoire français d'outre-mer (TOM) et fut dotée d'une assemblée provinciale élue mais aux pouvoirs limités. Cependant, la période d'après-guerre fut marquée par la reprise de l'agitation nationaliste. Les gouvernements successifs de la IVe République se révélèrent incapables de résoudre les problèmes coloniaux. En mars 1947, les nationalistes organisèrent un soulèvement armé dans la zone orientale de l'île. La rébellion fut suivie d’une répression impitoyable et servit d’amorce aux revendications indépendantistes. Tenus pour responsables, les députés malgaches à l'Assemblée française furent condamnés à de très lourdes peines, après un procès inique. Tous les efforts entrepris ensuite par le gouvernement colonial pour améliorer l'économie, par exemple en développant le réseau routier et en exploitant plus méthodiquement les gisements miniers, se heurtèrent cependant aux intérêts des colons français qui voyaient des sommes d’argent importantes leur échapper au profit des autochtones.

Durant les années 1950, l'autonomie de l'île fut renforcée. En 1958, la Constitution de la Ve République française fut approuvée par 78 % de l'électorat malgache et Madagascar devint une république semi-autonome dans le cadre de la Communauté française. Philibert Tsiranana, chef du Parti social démocrate, en devint le président. Par la suite, le pays accéda à l'indépendance le 26 juin 1960, sous la présidence de Philibert Tsiranana, tout en conservant des relations privilégiées avec la France.

3.5 La République malgache

Au lendemain de l'indépendance, la République malgache décida d'être bilingue: le français et le malgache devinrent alors les deux langues officielles. Cette politique de bilinguisme engendra une véritable situation néo-coloniale: les firmes françaises et les Français conservèrent la plupart de leurs privilèges. La pratique scolaire d'assimilation, héritée de la colonisation, faisait encore de la langue malgache aux épreuves du baccalauréat une seconde langue étrangère. De plus, l'alignement des programmes et des examens terminaux sur ceux de l'ancienne Métropole induisit des tensions insupportables dont la révolution de mai 1972 fut une conséquence directe. Le mot d'ordre de malgachisation de l'enseignement rallia tous les mécontents qui s'exprimèrent lors des événements du mois de mai de la même année.

En 1972, un régime d'orientation socialiste plus radicale s'installa au pouvoir et entreprit la nationalisation des grandes compagnies françaises et la malgachisation de l’enseignement. Le nouveau gouvernement imposa constitutionnellement le malgache comme seule langue officielle de la République. L'imposition du malgache ne s'est pas réalisée sans difficultés. Le français a vu son rôle considérablement réduit dans la nouvelle école, mais le rejet radical du français devait entraîner des inconvénients majeurs. La langue des Merina servant de malgache officiel provoqua des revendications violentes de la part des populations côtières, qui considéraient ce malgache comme une tentative de merinisation. La situation devint tellement explosive qu'il apparut plus sage pour le gouvernement malgache de maintenir le français sur une base provisoire, la langue coloniale ayant l'avantage d'être plus acceptée par les populations côtières que le malgache officiel. À partir de 1985, l'enseignement du français a même été vigoureusement relancé. Après avoir quitté la famille de la Francophonie entre 1970 et 1977, Madagascar a sollicité de nouveau son adhésion à l'organisation en 1989.

En 1991, l'opposition au président Ratsiraka augmente et des manifestations populaires dégénèrent en affrontements armées. Après une brève période transitoire, une nouvelle constitution fut adoptée en 1992. Albert Zafy, candidat de l'opposition, fut élu à la présidence, mais Didier Ratsiraka fut réélu aux élections de 1996. Suivit alors une période de stabilité économique jusqu'en 2001. Le président Ratsiraka pratiqua une politique très alignée sur la France.

Le candidat d'opposition, Marc Ravalomanana, se proclama vainqueur aux élections de 2001, et il forma son propre gouvernement à Antananarivo (capitale), pendant que Didier Ratsiraka fit de même à Toamasina, la ville du plus grand port du pays. Ratsiraka quitta le pays en laissant le pouvoir Ravalomanana.

Depuis le 6 mai 2002, Marc Ravalomanana est devenu le président de Madagascar. De religion protestante et anglophile, il a été réélu en décembre 2006. Il s'est fait connaître notamment par une boutade qui en dit long: «Oh! Yes, j’adore la France.» Il parle surtout le malgache et l'anglais; son français est parfois un peu chaotique, mais néanmoins fort compréhensible. Pour son second mandat, le président Ravalomanana a décidé de légiférer par ordonnance en anglais. Il a invité ses compatriotes à un référendum afin de modifier la Constitution à sa mesure. Elle lui offrirait désormais la possibilité de promulguer, en situation d'urgence, des lois sans se soucier de l'Assemblée nationale. Le président prévoit également introduire l'anglais comme langue officielle aux côtés du français et du malgache, qui obtiendrait en plus le statut de langue nationale. L'article 4 de la Constitution proposée est le suivant:

Andininy 4

"Tanindrazana - Fahafahana - Fandrosoana" no filamatry ny Repoblikan'i Madagasikara.

Ny fanevany dia saina telo soratra : fotsy, mena, maitso vita amin'ny tsivalana telo mahitsizoro mitovy refy ka ny voalohany fotsy ary mitsangana manaraka ny tahon-tsaina, ny roa hafa mandry ka ny mena ambony ary ny maitso ambany.

" Ry Tanindrazanay Malala ô ! " no hiram-pirenena.

Ny lalàna no mametra ny fitombokasem-panjakana sy ny mari-piandrianan'ny Firenena.

Ny teny malagasy no tenim-pirenena.

Ny teny malagasy, frantsay ary anglisy no teny ofisialy.

Article 4

La république de Madagascar a pour devise : " Tanindrazana - Fahafahana - Fandrosoana ".

Son emblème national est le drapeau tricolore, blanc, rouge, vert, composé de trois bandes rectangulaires d'égales dimensions, la première verticale de couleur blanche du côté de la hampe, les deux autres horizontales, la supérieure rouge et l'inférieure verte.

L'hymne national est " Ry Tanindrazanay malala ô ! "

Les sceaux de l'État et les armoiries de la République sont définis par la loi.

Le malagasy est la langue nationale.

Le malagasy, le français et l'anglais sont les langues officielles.

Il s'agirait là d'une nouvelle politique linguistique, mais qui n'impliquerait pas un trilinguisme réel, les Malgaches dans leur ensemble ne sachant même pas le français. Ce n'est donc pas une politique planifiée et cohérente, sûrement un calcul politique pour se rapprocher de l'Afrique du Sud ou d'éventuels partenaires commerciaux anglophones. En fait, les dirigeants espèrent attirer des investisseurs en publiant certaines lois en anglais pour que les anglophones s'intéressent au marché de Madagascar, l'un des pays les plus pauvres du monde. Aujourd'hui, il n'y a qu'une seule école de langue anglaise à Madagascar. L'objectif ne serait pas de remplacer le français par l'anglais, mais de se donner un outil de plus.  Le président Ravalomanana, contrairement à ses prédécesseurs, pratique une politique commerciale orientée vers plusieurs pays, dont les États-Unis, l'Afrique du Sud, l'Allemagne, le Japon, le Maroc, la Chine, etc.

4 La politique linguistique malgache

À l’heure actuelle, il n'existe qu’une disposition linguistique dans la Constitution de 1992, à l'article 4, qui proclame: «Le malgache est la langue nationale.» Les seules autres dispositions juridiques à caractère linguistique n’apparaissent que dans les lois scolaires portant sur la langue de l'enseignement.

Article 4

- La République de Madagascar a pour devise : " Tanindrazana-Fahafahana-Fandrosoana "

Son emblème national est le drapeau tricolore, blanc, rouge, vert, composé de trois bandes rectangulaires d’égales dimensions, la première verticale de couleur blanche du côté de la hampe, les deux autre horizontales, la supérieures rouge et inférieure verte.

Les sceaux de l’Etat et les armoiries de la République sont définis par la loi.

Le malagasy est la langue nationale.

Si le français ne bénéficie plus juridiquement du statut de langue officielle, il est encore utilisé dans les faits avec le malgache dans les débats du PARLEMENT ainsi que dans les réunions du Conseil des ministres; les lois continuent d'être rédigées et promulguées dans les deux langues; qui plus est, en cas de conflit d'interprétation, c'est la version française qui prévaut. Voici l'article 4 de l'arrêté no 08 AN/P portant règlement intérieur de l'Assemblée nationale:

Article 4

- La langue malgache est la langue de l'Assemblée nationale.

Toutefois, la langue française peut être employée. Les projets, propositions de loi, propositions de résolution, rapports de Commission, amendements, questions orales, questions écrites, interpellations, les pétitions, l'audition en commission et tout acte relevant de la compétence de l'Assemblée nationale peuvent être rédigées en malgache ou en français. Si le texte original déposé n'est pas accompagné de sa traduction dans la langue qui n'est pas celle de l'original, les services de l'Assemblée nationale assureront cette traduction. En cas de contestation sur le sens d'un texte, l'original en malgache ou en français fait foi. L'original du procès-verbal comprendra les textes et interventions en malgache et la traduction des textes et interventions en français et vice versa.

Dans les TRIBUNAUX, le malgache et le français sont les deux langues autorisées. Mais le malgache demeure la langue la plus courante entre le tribunal, les témoins et les accusés; néanmoins, certains juges ont encore tendance à rédiger leurs sentences en français. Les hautes cours de justice privilégient nettement l'usage du français.

L'ADMINISTRATION publique s'est malgachisée au plan des communications verbales avec les citoyens, mais la langue de travail reste le français et les communications écrites se font dans cette langue. Tous les documents administratifs sont rédigés en français et seul le ministère des Finances envoie des formulaires bilingues aux citoyens. C'est la concession que les autorités ont dû faire pour calmer les populations côtières.

Les lois scolaires réglementent l'emploi des langues en matière d'ENSEIGNEMENT. Le primaire et le premier cycle du secondaire sont entièrement malgachisés. Le français est introduit comme langue seconde dès la deuxième année du primaire et, par la suite, jusqu'au second cycle du secondaire où il devient une langue d'enseignement, alors que le malgache reste une matière d'enseignement. Le français est parfois toléré comme langue d'enseignement au premier cycle lorsque les professeurs étrangers ne connaissent pas suffisamment le malgache. De plus, une seconde langue étrangère, ordinairement l'anglais, est obligatoire à partir de la sixième année du primaire. À la fin des études secondaires, un enfant malgache doit normalement être bilingue (malgache-français), car les études universitaires se font presque exclusivement en français. Pourtant, là aussi, la malgachisation paraît irréversible à long terme et les commissions terminologiques préparent la relève.

Les articles 15 et 45 de la loi no 2004-004 portant orientation générale du système d’éducation, d’enseignement et de formation à Madagascar précisent ce qui suit au sujet de la langue d'enseignement et des langues secondes:

Article 15

- L’école et les établissements d’enseignement et de formation, veillent, dans le cadre de leur fonction d’instruction, à garantir à tous les apprenants, un enseignement et une éducation de qualité qui leur permettent d'acquérir une culture générale et des savoirs théoriques et pratiques, de développer leurs dons et leurs aptitudes à apprendre par eux-mêmes et de s’insérer ainsi dans la société du savoir et du
savoir-faire.

L’école et les établissements d’enseignement et de formation sont appelés essentiellement à donner aux apprenants les moyens :

- de maîtriser la langue malagasy, de par son statut de langue maternelle et nationale ;
- de maîtriser deux langues étrangères au moins.

[...]

Article 43

- L’éducation fondamentale du deuxième cycle (EF2), dispensée dans les collèges, a pour objectifs de :

- renforcer chez l’élève les compétences utiles dans la vie courante : lire- communiquer oralement et par écrit en langue nationale et à maîtriser deux langues étrangères.
- faire acquérir les connaissances et les aptitudes requises dans les domaines des mathématiques, des sciences, de la technologie, des sciences humaines, des arts et des sports et ce, afin qu’il puisse poursuivre ses études dans le cursus suivant ou qu’il intègre les filières de la formation professionnelle ou s’insérer dans la société. La fin de cycle est sanctionnée par un Brevet

Si le français continue de jouer, après le malgache, un rôle officiel important dans la Grande Île, il est cependant loin d'être pratiqué par l'ensemble de la population. En 1995, les statistiques révélaient qu’environ un tiers de la population était analphabète. Quant à l'école, elle ne paraît guère disposer des moyens d'enseigner solidement le français, ni du reste le malgache, à la population scolarisable.

Dans le domaine de l'INFORMATION, le résultat de la malgachisation est plus modeste: la presse écrite nationale ne paraît qu'en malgache, mais la presse privée peut être rédigée en français: Midi Madagasikara, Madagascar Tribune, L'Express, Maresaka, Basy-Vava, Imongo Vaovao. Les hebdomadaires (Dans les médias demain, Revue de l'océan Indien, Mada Eco, Lakroa, Feon'ny Merina, Marturia Vavolombelona, Telonohorefy, Jureco, Demokraty, Zoko) et les périodiques paraissent soit en français soit en malgache.

La radio nationale ne diffuse en français que quelques heures par jour, le reste se fait en malgache, mais de nombreuses stations radiophoniques locales diffusent leurs émissions en malgache, en français et même en anglais. En revanche, la télévision et le cinéma recourent massivement au français parce que Madagascar n'a pas les moyens de réaliser ses propres émissions et ses films en langue malgache; on achète, dans une proportion de 95 %, des productions produits en France, en Belgique, en Suisse ou au Canada (Québec). Seules les élites du pays peuvent prétendre à la culture française, soit en lisant la presse soit en suivant les quatre ou six heures de retransmission des émissions télévisées parisiennes.

Dans l'affichage, tout est demeuré en français dans les publicités et la signalisation routière, avec un affichage minoritaire en malgache.

La république de Madagascar se dirige en somme vers un unilinguisme malgache en assimilant les groupes ethniques qui ne parlent pas le merina. Le français sert de tampon provisoire pour ne pas nuire au bon fonctionnement de l'État et pour apaiser les nationalistes malgaches (les «côtiers»), qui refusent de se faire imposer le merina. Le maintien du français contribue aussi à la formation de l'élite du pays, ce qui semble paradoxal pour les Merina, dont l'endoctrinement patriotique a conduit à la malgachisation et à l'élimination partielle du français. On constate, par exemple, que les dirigeants merina envoient leurs enfants dans les écoles françaises, eux qui ont tout fait pour éliminer la langue coloniale. On devine que cette situation entraîne des protestations chez les populations côtières qui considèrent que leurs enfants seront défavorisés s'ils ne savent pas le français. À plus ou moins long terme, le français ne devrait toutefois plus servir qu'à assurer les échanges commerciaux et scientifiques sur le plan international.

Bien que le français soit bien placée pour remplir ce rôle, le sentiment anti-français est demeuré tenace et l'attraction de l'anglais reste très forte dans ce pays. Néanmoins, le problème de l'aménagement linguistique ne semble plus intéresser les autorités malgaches. Bien entendu, des déclarations fracassantes se font entendre parfois, mais elles n'aboutissent à rien de concret. Il semble même que le français soit en train d'effectuer un retour en force tout en ne soulevant plus aucune opposition, bien au contraire.

Dernière mise à jour: 06 avr. 2007

Bibliographie

COATALEM, Jean-Luc. «Madagascar, la grande émotion» dans Geo, Paris, no 249, novembre 1999, p. 92-117.

LECLERC, Jacques. Langue et société, Laval, Mondia Éditeur, coll. «Synthèse», 1992, 708 p. 

DELERIS, Ferdinand. «À Madagascar: du bilinguisme "circonstanciel" au bilinguisme assumé» dans Géopolitique africaine, février 1988, Eurafrica News, Bruxelles, p. 117-121. 

TURCOTTE, Denis. «La planification linguistique à Madagascar» dans International Journal of the Sociology of Language, no 32, 1981, Mouton Publishers, Amsterdam (Pays-Bas), p. 2-5. 

TURCOTTE, Denis. «La francophonie océanienne: situation actuelle et évolution future», dans Québec français, no 45, Québec, mars 1982, p. 23-25.

 

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