|
République du
Mali |
|
Mali
|
Capitale:
Bamako
Population: 13,5 millions (2005)
Langue officielle: français
Groupe majoritaire: aucun
Groupes minoritaires: une trentaine de langues dont le bambara,
le bozo, le bomu, larabe hasanya, le fulfude, le malinké, le sénoufo, le dogon,
le songaï, etc.
Système politique: république unitaire Articles constitutionnels (langue): article 2 et 25 de la Constitution
de 1992
Lois linguistiques: décret 159 PG-RM du 19 juillet 1982, loi no 86
AN-RAM portant création de la Direction nationale de l'alphabétisation
fonctionnelle et de la linguistique appliquée (DNAFLA) du 24 juillet 1986,
décret 93-107/P-RM du 16 avril 1993.
|
1 Situation générale
 |
La république du Mali est limitée au nord par lAlgérie,
le Niger et le Burkina à lest, la Côte dIvoire et la Guinée au
sud, le Sénégal et la Mauritanie à louest (voir
la carte). Le Mali est un pays
relativement grand, puisque sa superficie (1,2
million de km̐²) correspond à peu près à 30 fois la Suisse,
soit celle réunie de l’Allemagne, de la France, du Royaume-Uni, de la
Belgique et des Pays-Bas. La distance entre le nord et le sud du Mali est de 1600 kilomètres.
Le pays est divisé en huit régions administratives (voir
la carte détaillée): Tombouctou, Kidal, Gao, Mopti, Kayes, Koulikoro, Sikasso
et
Ségou, auxquelles s’ajoute le district de la capitale, Bamako. Le Mali est un État enclavé dont 65 % du territoire est
occupé par le désert et demeure l'un des pays les plus pauvres du monde.
|
2 Données
démolinguistiques
En 2005, la population malienne était estimée à 13,5 millions d'habitants. Les neuf dixièmes des Maliens habitent les régions du Sud (Kayes,
Koulikoro, Mopti, Ségou, Sikasso et Bamako). Seule la capitale,
Bamako (840 000 habitants en 1994), dépasse les 100 000 habitants. Les autres
villes importantes sont Mopti (78 000 habitants), Ségou (99 000 habitants), Gao
(55 000 habitants), Sikasso (73 000 habitants) et Kayes (67 000 habitants). En
outre, le Mali perd beaucoup de ses citoyens au profit de la Côte d'Ivoire, du
Sénégal, de l'Afrique centrale et de la France.
Région
|
Capitale |
Surface/km2 |
Population
1995 |
Gao
(nord) |
Gao |
170 572 |
408,0 |
Kayes
(sud) |
Kayes |
119 743 |
1
245,0 |
Kidal
(nord) |
Kidal |
151 430 |
77,1 |
Koulikoro
(sud) |
Koulikoro |
95 848 |
1
462,0 |
Mopti
(sud) |
Mopti |
79 017 |
1
423,0 |
Ségou
(sud) |
Ségou |
64 821 |
1
579,0 |
Sikasso
(sud) |
Sikasso |
70 280 |
1
521,0 |
Tombouctou
(nord) |
Tombouctou
|
496 611 |
462,0 |
District
|
Bamako
(sud)
|
Bamako |
252 |
913,0 |
TOTAL
|
Bamako |
1 248 574 |
9 013,0 |
2.1 Les ethnies
 |
Le Mali compte deux grands groupes
très différents: les Arabo-Berbères au nord et
les Subsahariens au sud.
Les Arabo-Berbères sont associés aux
Maghrébins. Parmi ceux-ci, il convient de distinguer
deux groupes: les Arabes parlant l’arabe hasanya et les
Touaregs appartenant à l'ethnie
amazigh (Berbères) et parlant le Tamasheq ou le Tamajaq.
La population touareg est estimée à 1,5 million de
personnes. Ces peuples minoritaires à l'échelle du pays
habitent le nord du Mali et se sentent opprimés par les
Subsahariens.
Les Subsahariens du Sud sont de race
noire; ils sont en général soutenus par l’Union
africaine majoritairement composée des États de
l'Afrique noire. Ce sont des Peuls, des Sénoufo, des
Soninké, des Dogon, des Songaï, des Malinké, des Dioula,
etc.
Depuis longtemps, il existe des
rivalités profondes entre les Arabo-Berbères du Nord et
les Subsahariens du Sud.
|
Près de 40 % des habitants du pays appartiennent à l'ethnie mandingue; ce
sont majoritairement des Bambara vivant principalement dans le district
de Bamako. Ils sont suivis par les Peul (13,9 %), les Sénoufo (9 %), les
Soninké (8,8 %), les Dogon (8 %), les Songaï (7,2 %), les Malinké (6,6 %),
les Dioula (2,9 %), les Bwaba (2,4 %), les Touaregs (1,7 %), les Maures ou
Berbères (1,2 %). Les Peul habitent la sous-région de Macina (Kayes), les Sénoufo vivent autour de
Sikasso dans la zone frontalière avec le Burkina et la Côte d’Ivoire, les Soninké dans l’Ouest (Kayes),
les Dogon au nord-ouest sur le plateau de Bandiagara,
les Songhaï sont établis dans l’Est, tandis
que le Sahara (région de Tombouctou) est le domaine des Berbères et surtout des Touareg
nomades.
Ces découpages ethniques se
retrouvent dans la répartition du travail. Les Bambara, les Dogon et les
Sénoufo sont généralement des paysans; les Bozo, des pêcheurs; les Marka et les
Malinké,
traditionnellement des commerçants, constituent l'essentiel de la population
urbaine; les Touareg, les Peul (Fulani) et les Maures (Berbères), nomades, sont en
majorité des éleveurs.
L’islam, teinté d’animisme, est la religion de 90 % des Maliens. Quelque 9
% d'entre eux ont conservé des croyances animistes. Le christianisme ne touche que 1 % de la population.
2.2 Les langues locales
Le pays compte une trentaine de langues, mais une dizaine seulement sont parlées
par plus de 100 000 personnes. Elles sont dailleurs dotées dune
écriture alphabétique depuis 1967. De toutes les langues nationales, le
bambara
(2,7 millions de locuteurs comme langue maternelle), une langue de la famille
nigéro-congolaise, demeure manifestement la langue la plus importante
d'autant plus qu'elle est comprise par au moins quatre millions de personnes.
Les autres noms possibles pour désigner la langue sont le suivants: julakan,
bamanankan, bamanan, jurakan, malinke, dioula, dyula.
Au centre-est du Mali, du lac Débo jusqu’à Gao (et en république du Niger), on
trouve le songhaï (6 %), une langue
nilo-saharienne. Dans le nord (Tombouctou,
Kidal et Gao), on parle
le
tamasheq, la langue des Touaregs berbères, ainsi que l’arabe hasanya
(ou maure); ces deux langues sont
parlées par 5 % de la population malienne. Toutes les autres langues sont
parlées dans le Sud, où les nombreux idiomes locaux sont plus ou moins
enchevêtrés. Le peul ou fulfude (Kayes,
Mopti et Ségou) est parlé par 17 % de la population; cette langue s’apparente aux langues des
Wolofs et des Toucouleurs. Mentionnons aussi le dogon (Mopti), le
sénoufo
(Ségou) et le samo (Mopti), parlés par
12 %
de la population. La plupart des langues maliennes appartiennent à cette grande
famille
nigéro-congolaise, qui se divise en plusieurs sous-groupes, dont le gur,
le mandingue, l'ouest-atlantique
et le kwa.
D'autres langues font partie de
la famille chamito-sémitique telles
que l'arabe hasanya (ou maure) du groupe chamite et le tamasheq (ou touareg) du
groupe berbère, mais quelques-unes appartiennent à la famille
nilo-saharienne (songaï et daoussak), Parmi les langues
nigéro-congolaises comptant plus de 100 000 locuteurs, mentionnons les
suivantes:
groupe mandingue: bambara, bozo
sorogama, bozo tiéyaxo,
groupe gur: bomu
groupe ouest-atlantique: peul ou fulfude
langue non classée: dogon
langues chamito-sémitique: arabe hasanya
Du point de vue du statut, les autorités maliennes ont reconnu
13 langues
nationales. L'article 1 du décret 159 PG-RM du 19 juillet 1982 cite
les langues suivantes: le bambara (ou bamanankan), le bobo (bomu), le
bozo, le dogon (dogo-so), le peul (fulfulde), le soninké
(soninke), le songoy (songaï), le sénoufo-minianka (syenara-mamara
et le tamasheq (tamalayt). Mais d'autres langues sont également
reconnues: le hasanya (arabe), le kasonkan, le madenkan et
le maninkakan.
Le français, quant à
lui, bénéficie du statut de langue
officielle, mais le bambara sert, dans plusieurs régions, de
principale langue véhiculaire. Il n'est pas rare que, dans les villages
du Sud, les
enfants soient bilingues (langue locale + bambara), voire trilingues. À l’école,
le français est souvent enseigné en tant que quatrième langue.
3 Données
historiques
Les migrations des populations sahariennes vers la vallée du Niger débutèrent au
IIIe millénaire, alors que le climat se faisait plus aride. À l’aube de notre ère,
les premières cités se développèrent. Le commerce transsaharien du sel et de l’or
assura la prospérité de l’empire du Ghana, érigé par les Soninké, vers le Ve
siècle de notre ère, dans cette région du Soudan occidental, entre les fleuves Niger et Sénégal. En 1076, l’empire
succomba sous les coups des Almoravides berbères, qui avaient entrepris l’islamisation de l’Afrique occidentale. C’est à cette époque que les Bambara s’établirent dans la région. Au
XIIIe siècle, le Ghana, redevenu un royaume fut absorbé par l’empire du Mali, qui
contrôlait les gisements aurifères du Haut-Sénégal-Niger et qui, à son apogée, sous le règne de Kankan Moussa, étendit son influence sur toute la savane de l’Ouest africain, jusqu’à l’Atlantique. Djenné, Gao et Tombouctou
commencèrent à devenir de grands centres commerciaux, artistiques et intellectuels de l’islam soudanais. Leur rayonnement s’accrut encore après que l’empire du Mali se
fût effacé, au XVe siècle, au profit du royaume de Gao. Les armées de Sonni Ali, puis d’Askia Mohammed
diffusèrent l’islam à travers la savane et donnèrent à Tombouctou son rayonnement. Au maximum de son extension, le royaume de Gao, devenu l’Empire
songhaï, couvrait la plus grande partie du Mali moderne, englobant à l’ouest des territoires de l’actuelle Guinée et étendant son influence jusqu’à Kano, au nord du Nigeria. L’Empire
fut détruit par une expédition marocaine en 1591.
Durant les XVIIe et
XVIIIe siècles, le territoire malien
fut morcelé en plusieurs petits États, dont celui de Ségou fondé par les Bambara. Ces derniers, comme les Dogon,
résistèrent à l’islamisation, mais ils furent la cible de la guerre sainte menée, dans la seconde moitié du XIXe siècle, par le chef musulman El-Hadj Omar, fondateur d’un empire toucouleur, s’étendant de Tombouctou jusqu’aux sources du Niger et du Sénégal. L'esclavage
se répandit avec l'expansion de l'islam.
3.1 La colonisation française
La conquête de la région fut organisée par les colonels Joseph Gallieni
(1849-1916) et Archinard (1850-1932) qui, à partir de 1880,
menèrent des combats meurtriers contre les troupes de Samory Touré (1830-1900), un chef de guerre malinké et fondateur d’un empire dans le Haut-Niger, et contre les
Touaregs qui résistaient au nord. Après des années de luttes acharnées contre les résistants maliens, les Français
obtinrent la capitulation du pays en 1898.
À partir de ce moment, l'histoire coloniale du Mali fut marquée par de multiples changements de noms.
Le Mali, une partie de la Mauritanie, du Burkina et du Niger actuels
furent intégrés à l’Afrique occidentale
française. En 1904, ces territoires formèrent la Colonie du Haut-Sénégal-Niger, dont la capitale
était Bamako, puis les Provinces de l'Ouest. Elle devint, en 1920, le
Soudan français après que la Haute-Volta (aujourd’hui Burkina) en eut été détachée l’année suivante.
La colonie malienne fit l’objet d’une politique de valorisation économique, qui s’accompagna du recours au
travail et à la conscription forcée. Toute activité politique
fut interdite aux colonisés jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Finalement, la colonisation française a légué un héritage assez maigre au Mali, ne
laissant que peu ou pas d'infrastructures routières, peu d'écoles et de
centres de santé, etc. En 1946, à Bamako,
fut constitué le Rassemblement démocratique africain (RDA), qui mena la lutte pour l’indépendance de l’Afrique occidentale. Sa section malienne, l’Union soudanaise,
était dirigée par Modibo Keita.
En 1956, le Soudan français accéda à l’autonomie interne et devint, deux ans plus tard, une république au sein de la Communauté française. Le 17 janvier 1959, il se
joignit au Sénégal pour former la fédération du Mali, qui se proclama indépendante le 20 juin 1960. Cette fédération
éclata en septembre, en partie à cause de la rivalité entre Léopold Sédar Senghor et Modibo Keita, deux figures du nationalisme africain. L’ancien Soudan français
conserva le nom prestigieux de Mali et Modibo Keita demeura président de la nouvelle
république du
Mali, proclamée le 22 septembre 1960. Le même mois, le nouvel État
devint membre de l’Organisation des Nations unies (ONU).
3.2 La dictature de Moussa Traoré
Le Mali, sous la direction de Modibo Keita, qui fondait son pouvoir sur l'Union
soudanaise (l’US-RDA), seul parti représenté à l’Assemblée nationale, poursuivit une politique de développement économique guidée par les principes du socialisme,
sans rompre avec la France. L’échec de cette politique provoqua,
le 19 novembre 1968, un coup d’État militaire qui porta au pouvoir le lieutenant Moussa Traoré.
À son arrivée,
le jeune Moussa Traoré promit la restitution du pouvoir aux civils,
mais il resta au pouvoir jusqu'en… 1991, soit
pendant vingt-trois ans. Il conserva le français comme langue officielle pour le Mali.
 |
Moussa Traoré
régna avec autorité; il interdit tout groupement politique, puis créa en 1979 un parti unique: l’Union démocratique du peuple malien (UDPM). Le régime dictatorial de Moussa Traoré se
révéla incapable de faire progresser l’économie, sans compter que, de 1968 à 1974, puis de 1983 à 1985, des sécheresses persistantes
entraînèrent des famines, tandis que l’État épuisait ses maigres ressources dans un différend frontalier avec le Burkina
Faso,
qui dégénéra en 1985 en affrontement armé. En même temps, d'importantes
grèves étudiantes et syndicales aggravèrent la situation. Puis
l'aspiration démocratique suscita encore plus de mécontentement dans la
population. Dans le nord du pays, les Touaregs se révoltèrent contre les
autorités maliennes qui les opprimaient sans cesse depuis
l'indépendance. Mal leur en prit, car
l'armée réprima brutalement tout mouvement d'opposition chez les Touaregs
qui furent exclus de l'armée nationale. |
En mars 1991, Moussa Traoré dut partir à la faveur d'un coup d'État. Un
gouvernement de transition fut instauré avec comme président le
lieutenant-colonel Amadou Toumany Touré.
3.3 Le bref retour à la démocratie
En 1992, les premières élections libres du Mali indépendant portèrent au pouvoir
Alpha Oumar Konaré, un professeur
d'histoire. En février 1993, Moussa Traoré fut condamné à mort lors d'un procès,
mais le président Konaré, hostile à la peine de mort, gracia en 1997 (au nom de
la «réconciliation nationale») l'ancien dictateur qui fut condamné à purger une
peine de dix ans de prison pour «crimes politiques et économiques». Les efforts pour renforcer la démocratie
furent menacés par la persistance des difficultés économiques et une forte
corruption au plan politique. En mai 1997, Konaré fut réélu avec 80 % des suffrages exprimés.
Au cours de sa présidence, le Mali
fut souvent cité comme un pays de «bonne gouvernance». Conformément à la Constitution
qui limite à deux le mandat du président, Konaré quitta la présidence en 2002.
L'ancien général Amadou Toumani
Touré, qui avait déjà dirigé le Mali pendant la transition de
1991-1992, gagna l'élection présidentielle de 2002. Le nouveau président
n'appartenait à aucun parti politique (donc pas de majorité parlementaire) et son
gouvernement regroupait tous les partis du pays. Surnommé ATT, Touré avait du travail
à faire dans un pays où 64 % de la population vit dans la pauvreté et 21 % dans
une extrême pauvreté, mais il disposait d'un mandat de cinq ans pour traduire dans
les actes sa volonté de «gouverner autrement». En avril 2007, Amadou Toumani
Touré (ATT), fut réélu avec 71,20% des voix,
mais cette élection fut contestée par les principaux candidats de l’opposition,
pour des motifs de fraudes.
3.4 La menace islamiste du Nord
Mais le Mali dut faire face à la fracture entre le Sud, plus riche et développé, et le Nord, pauvre,
sous-scolarisé
et régulièrement secoué par des contestations politiques et sociales,
essentiellement de la part des Touaregs. En janvier 2012, un mouvement
sécessionniste touareg du Nord a attaqué des camps militaires maliens et
proclamé l’indépendance du territoire sous leur contrôle.
Il aura suffi de trois mois aux rebelles touaregs pour prendre le contrôle des
grandes villes du désert: Tombouctou, Gao et Kidal. La proclamation
d’indépendance des Touaregs semblait être la seule solution pour faire cesser le
génocide perpétré par les militaires maliens noirs. L’opération aérienne de
l’OTAN en Libye a malheureusement permis de faire entrer au Mali une quantité
d’armes modernes considérable. Ces armes proviennent des mercenaires de Kadhafi
qui ont fui la Libye dévastée en emportant les stocks d’armes pillés dans ses
arsenaux, une aubaine pour les groupes salafistes radicaux. Dans l'incapacité d’empêcher la
chute de cet immense partie de son pays, le président Amadou Toumani Touré a dû
payer le prix de son impuissance: en mars 2012, il fut évincé du pouvoir par
un coup d’État militaire.
Ces attaques ont produit une réaction en chaîne conduisant
le Mali en pleine guerre civile. Mais les Touaregs n'ont pu profiter longtemps de leur victoire. Ils
ont été
rapidement écartés par des groupes islamistes radicaux qui n’avaient que faire du rêve national
des Touaregs et de leur indépendance. Ces groupes comptaient de
nombreux djihadistes étrangers, dont plusieurs avaient combattu en Libye (en
2011), qu’ils ont
quittée après la chute du dictateur Khadafi, en emportant leurs armes. Les
islamistes ont coupé le pays en deux. Peu de témoins ont pu se rendre dans les
villes du Nord depuis qu’elles vivent sous le joug de leurs nouveaux maîtres: AQIM (Al-Qaïda au Maghreb islamique), MUJAO (Mouvement pour l’unicité et le
jihad en Afrique de l’Ouest) et Ansar Dine. Mais les informations qui filtrent
depuis le Grand Nord malien évoquent un régime de terreur, qui a instauré un
islam radical, avec son cortège de châtiments corporels, de règles
vestimentaires rigoristes et de destruction. Cette région recèlerait un
important potentiel pétrolier, gazier et minier. Pour certains analystes, il
semble évident que c'est la véritable raison de l'occupation du Nord par les
indépendantistes touaregs et les islamistes. Les explorations menées dans le
massif montagneux l'Adrar des Ifoghas (région de Kidal) auraient révélé des sols
propices à la présence d'or et d'uranium. De quoi attiser les appétits!
Après de nombreuses tergiversations, l’ONU a voté, en décembre
2012, une résolution
qui ouvrait la voie à une intervention internationale contre les rebelles maliens.
Il s'agissait d'une intervention qui devait être menée par des forces africaines, soutenues par la
communauté internationale. En janvier 2013, ce fut l'escalade des forces
rebelles. Les djihadistes maliens se sont
lancés à l’assaut du Sud. Ils ont atteint la ville de Konna, tout près de Mopti.
Devant cette nouvelle offensive, le président intérimaire du Mali, Dioncounda
Traoré, l'ancien président de l’Assemblée nationale du Mali, a appelé la France
à l’aide, qui a accepté, car l’armée malienne s’est révélée inapte pour faire
face à la supériorité militaire que les groupes islamiques sont en train
d’accumuler dans le Nord.
L’intervention militaire paraissait d’autant plus incontournable qu’il était
devenu impossible
de discuter avec les islamistes qui contrôlent le nord du Mali. L’ex-diplomate
canadien Robert Fowler, qui a été l’otage d’AQMI pendant quatre mois, était
catégorique: «J’ai connu ces gens, il n’y a pas de négociations possibles avec
eux, tout ce qu’ils veulent, c’est établir le domaine de Dieu dans le monde
entier.» L’intervention de la France semble avoir soulagé beaucoup
d'observateurs. On entend à Bamako des propos du genre: «Merci la France, vous
nous avez sauvés des barbus!» Les journaux locaux rapportent même que des
parents ont donné à leurs enfants le prénom «Hollande», en l’honneur du
président français!
La crise malienne est devenue une catastrophe humanitaire
et un sérieux problème de sécurité pour les pays occidentaux. Plus de 400 000
personnes ont fui le nord du Mali, trouvant refuge au sud et dans les pays
voisins. Il est certain que cette crise va desservir la cause des Touaregs qui,
pourtant, ont des raisons légitimes de se plaindre. Par ailleurs, le Mali
demeure l'un des pays les plus pauvres et les moins développés du monde. En
2011, il occupait le 175e rang sur 187 pays
pour ce qui est de l'Indice du développement humain (IDH) établi par le
Programme des Nations unies pour le développement.
4 La politique linguistique
Le Mali a élaboré une politique linguistique à deux volets: le premier
concerne la langue officielle, le second, les langues nationales. Tout est
résumé à l'article 25 de la Constitution de 1992, qui déclare:
Article 25
1)
Le français est la langue d'expression officielle.
2)
La loi fixe les modalités de promotion et d'officialisation
des langues nationales.
|
4.1 La langue de l'État
Cest à partir ce cette simple déclaration que sétablit
toute la politique linguistique: «Le français est la
langue d'expression officielle.» Il s'agit d'une terminologie un peu
ambiguë pour désigner la langue officielle. Cest pourquoi toute la législature
du Mali fonctionne en français, ce qui implique les débats
parlementaires, la rédaction et la promulgation des lois.
La situation est un peu différente dans les tribunaux. En principe,
seul le français est permis, mais les langues maliennes (moins dune
dizaine, mais surtout le bambara) sont autorisées dans les communications
orales entre le juge et laccusé, y compris dans les cours dappel.
Cependant, les documents écrits se font seulement en français
et les juges rendent tous leurs jugements en cette langue.
En ce qui a trait aux services gouvernementaux, ils sont dispensés
en français, mais, selon les régions, les communications
orales se déroulent généralement en lune ou lautre
des langues maliennes, notamment le bambara. Évidemment, toute la
documentation écrite paraît surtout en français, bine que certains documents
soient publiés en bambara ou dans l'une ou l'autre des langues nationales. Par
ailleurs, on utilise davantage les langues maliennes locales que le français
dans les soins dispensés aux patients dans les hôpitaux, dispensaires
et cliniques publiques.
4.2 Les langues nationales et l'éducation
La réforme de l'éducation entamée en 1962 dans l’enthousiasme
de l’indépendance nouvellement acquise se voulait une rupture avec le
système d'éducation colonial. Cette réforme s'était donné comme ambition
d'atteindre l'enseignement universel, tout en préservant et perpétuant une
culture proprement malienne. L'enseignement primaire est passé d'un cycle de
six ans, sous le système colonial, à un cycle de neuf ans. L'examen marquant
la fin des études primaires, célèbre pour sa fonction de sélection, a été
annulé.
Toutefois, cette réforme n'a pas atteint les résultats escomptés,
notamment au sujet du programme qui mettait l'accent sur la maîtrise du
français.
Non seulement la part du budget de l'État consacrée à l'éducation n'est pas
arrivée à couvrir les besoins pressants, mais l'accès à l'éducation primaire et
secondaire est resté limité et inéquitable pour les populations rurales et
périurbaines. Ainsi, le taux d'accès est demeuré à 53,9 % en général, ce qui signifie 63,6
% pour les garçons et 44,4 % pour les filles. Dans certaines régions, ces taux
ne dépassent pas 25 % pour les garçons et 19 % pour les filles. Une autre
lacune du système éducatif malien concerne les bas rendements en raison des
redoublements et des abandons (un gaspillage se chiffrant à 25 % du budget) et
le nombre insuffisant d'enseignants et d'infrastructures.
Après des années d'expérimentation de la langue
maternelle comme langue d’instruction dans l'enseignement, le ministère de
l'Éducation fondamentale a élaboré en 1993 un nouveau programme. Le décret
93-107/P-RM du 16 avril 1993 a assigné au Ministère l’utilisation des
langues nationales dans l’enseignement et, à partir de la rentrée scolaire
de 1994-1995, a généralisé l'enseignement à la fois des langues nationales et
du français en faisant passer le nombre des langues enseignées à six: le bambara,
le tamasheq, le songaï, le soninké (peul) et le dogon. Cette généralisation
touche aujourd’hui plus de 300 écoles. Le principe est de ce qu'on a appelé
la «Nouvelle école fondamentale» (NEF) est d'utiliser la langue maternelle de
l'élève comme langue d'enseignement dans les trois premières années de
l'enseignement primaire, le français étant considéré comme une matière à
partir de la deuxième année. L'un des cinq principes généraux du curriculum
malien étant de permettre aux élèves de devenir bilingues entre langue nationale
et français. Le problème, c'est que, pour l'instant, la NEF
n'a pas encore été mise en œuvre, sauf dans des écoles expérimentales, en
raison de l'opposition des principaux intervenants (enseignants, étudiants,
partis politiques, etc.). De plus, des tests dispensés en 5e année à
Ségou en 1997 montrent que, après quatre ans d'instruction en bambara, les
enfants sont loin de maîtriser leur langue maternelle à l'écrit. Le français demeure la langue d'enseignement
préférée pour des raisons de mobilité sociale, tandis que le bambara est
restée la langue véhiculaire favorite. Pourtant, le ministère de l'Éducation
de base a créé des organismes pouvant assurer l'exécution advenant la mise en
œuvre des politiques éducatives et la documentation en langue maternelle est
assez abondante; on trouve aussi des journaux et des magazines dans plusieurs
langues nationales.
On peut dire que tout le système d’éducation continue de
se faire
en français, du primaire à l’université. Cependant, les élèves de la
maternelle utilisent leur langue maternelle locale et s’initient au français
parlé. Au premier cycle du primaire, on enseigne en français, mais certaines
langues maliennes, notamment l’arabe coranique, sont également enseignées dans un grand
nombre d’écoles. Au second cycle, seuls le français et, dans certains cas,
l’arabe sont enseignés. Dans toutes les écoles primaires du pays,
l’enseignement de l’anglais comme langue seconde est obligatoire, alors
qu’au secondaire les élèves ont le choix entre l’anglais, l’allemand,
l’arabe et le chinois. En réalité, suite à plusieurs ordonnances ministérielles,
la volonté politique des autorités est de permettre l’utilisation libre des
différentes langues nationales dans l’enseignement. Selon les régions, le
bambara et le français sont véhicules d’enseignement dans les deux premières
années du primaire. Comme on le sait, des expériences ont été tentées avec le
bambara, le tamasheq, le songaï, le peul soninké et le dogon. En 2009, il y
avait dix langues nationales enseignées dans 2466 écoles:
Langue |
Nombre d'écoles |
Bamanankan (bambara) |
2002 |
Bozo |
6 |
Dogosso |
67 |
Fulfulde (peul) |
72 |
Khasonké |
18 |
Mamara |
13 |
Songhoi (songaï) |
157 |
Solonké (soninké) |
55 |
Syenara |
43 |
Tamasheq |
33 |
Total |
2466 |
Le
bamanankan, appelé
aussi bambara, constitue la langue la plus communément
comprise dans le pays. Cette langue est parlée dans la région de Bamako,
capitale du Mali. C'est pourquoi il y a plus d'écoles dans cette langue.
L’objectif avoué du gouvernement malien est d’utiliser la langue
maternelle de l’élève pour lui donner les connaissances de base et mieux le
préparer au passage de la langue maternelle à la langue étrangère, le but
ultime étant que le français et les langues maliennes doivent entretenir des
relations se complémentarité et non de concurrence. Il s'agit du
programme dit «de pédagogie convergente», qui s'inscrit dans le cadre de la lutte
contre la déperdition scolaire et la baisse constante du niveau des élèves en
français. Le principe directeur est d'organiser le transfert en français des
compétences acquises dans les langues nationale, c'est-à-dire «d'optimiser les avantages d'une prise en compte à l'école de compétences
linguistiques propres à la culture des élèves en intégrant l'apprentissage
de ces langues dans le curriculum classique».
Depuis plusieurs années,
notons qu’il y a un a un effort significatif pour promouvoir l’alphabétisation
dans les langues nationales. Le 24 juillet 1986, la loi no 86 AN-RAM
créait la Direction nationale de l'alphabétisation fonctionnelle et de la
linguistique appliquée (DNAFLA). Concernant la scolarisation au Mali, il existe un
certain nombre d’«écoles communautaires» dans lesquelles l’instruction
est en langue nationale pour les premières trois années. Enfin, il existe un
mouvement au Mali pour encourager l’utilisation d’un alphabet du nom de «n’ko»,
un système d'écriture phonétique (s'écrivant de droite à gauche) capable de
transcrire toutes les langues maliennes, en particulier les langues à tons. Aujourd’hui, le Mali compte plus de 8000 centres d’alphabétisation
répartis entre 6132 villages. Le nombre d’alphabétisés, sortis de ces
centres est officiellement évalué à 1,2 million de personnes. Pour assurer la promotion des langues et
améliorer le taux d’alphabétisation
de la population malienne qui oscillait alors autour des 30 %, le gouvernement a créé la
Direction nationale de l’alphabétisation fonctionnelle et de la linguistique
appliquée (DNAFLA). La mission de cette institution est de faire la promotion des langues
retenues et de faire d’elles des outils de développement. Le programme a
permis la production de syllabaires, de dictionnaires, de lexiques, de brochures
et manuels de formation dans les différentes langues retenues. En 2012, le
taux d'analphabétisme s'élevait à 75 %, une véritable catastrophe.
La situation malienne doit tenir compte du nombre de
locuteurs très différent et avec un niveau d’instrumentation variable. De plus,
le bilinguisme des enseignants n’est pas uniforme. Parfois, c’est la maîtrise du
français qui laisse à désirer ou c’est celle de la langue nationale à enseigner,
car
ce n’est pas leur langue maternelle. Enfin, la langue nationale enseignée n’est
pas forcément la langue maternelle de l’élève, pour diverses raisons
(fonctionnaires mutés, migrations intérieures, choix des parents, etc.).
4.3
Les médias et la vie économique
Du côté des
médias électroniques, les émissions
radiophoniques sont diffusées dans un grand nombre dans les langues maliennes,
mais le français demeure la langue de prestige. L 'ORTM (Office de radiodiffusion télévision du Mali) diffuse ses
informations en français dans une proportion de 80 %, les 20 % restants
sont consacrés à quelques magazines, quelques sketchs et micro-programmes de
sensibilisation. L'insuffisance de la production en plusieurs langues nationales
est due à l'absence de budget et un manque de formation professionnelle des
intervenants concernés. Il existe
au Mali quelque 17 stations de radio qui émettent quotidiennement, dont
14 sont des radios privées; et la liste ne cesse de s'allonger. Les différentes
radios couvrent presque totalement l'ensemble du territoire; seul le nord du
pays n'est pas pourvu de stations (Tombouctou, Gao, Kidal).
Parmi les 17 stations
en fonction, cinq ont une vocation essentiellement rurale. Elles diffusent
presque toutes dans les langues nationales en plus du français. La radio rurale nationale a été lancée au Mali
en 1967 et, très tôt, elle a acquis une grande audience auprès des populations
concernées.
Un programme de relance de cette radio est actuellement en cours d'exécution,
financé par la FAO (formation) et par l'UNICEF (équipement). Des radios rurales locales fonctionnent à Kayes depuis
août 1988 et à Douentza depuis le mois de juillet 1993. D'autres seront installées à Kadiolo,
Bandiagara, Nioro et Kidal. Malheureusement, ces stations régionales demeurent
sans statut, sans budget, avec un personnel insuffisant. Les langues nationales
les plus diffusées sont le bambara, l'arabe hasanya, le ségou, le dogon, le
kinbakka,
Presque toute la presse écrite
du pays est en français,
mais lédition en langues nationales prend de plus en plus dimportance. La presse écrite en français est
donc en pleine mutation. Il existe aussi une presse communautaire —
les «journaux de proximité» — relativement importante,
qui diffuse généralement en langue nationale. Ainsi, le Kabaaru est
publié en peul, le Xibare en sononké, le Jekabaara, le Kote
et le Nieta en bambara. Mais la transcription dans les autres langues nationales pose des problèmes techniques.
Ces journaux comptent en moyenne moins de 20 pages et sont diffusés entre 2000
et 20 000 exemplaires. Ils servent souvent de support pour l'alphabétisation de
certaines communautés.
Dans la vie économique, deux langues prennent la plus large place:
le français dabord, puis le bambara. Dans toute information ou
toute transaction écrite, seul le français est utilisé,
mais à loral le bambara exerce une forte concurrence au français. En somme, on peut dire que le Mali respecte les prescriptions de larticle
2 de la Constitution:
Article 2 Tous les Maliens naissent et demeurent libres et
égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée
sur l'origine sociale, la couleur, la langue, la race, le sexe, la religion
et l'opinion politique est prohibée.
|

Au Mali où le français a pris la place dans toutes les
manifestations officielles de lÉtat, il ne subsiste néanmoins
aucun conflit ni aucune frustration de nature linguistique. Pourtant, dans
ce pays, les brassages interethniques sont très anciens et très
développés. Pour la plupart des Maliens, la situation paraît
normale, et ce, dautant plus que toutes les langues nationales sont à
égalité par rapport au français, langue officielle.
Quoi quil en soit, si lharmonie constitue un atout dans un pays multilingue,
et le Mali y est parvenu. Il faut souligner aussi louverture des Maliens
envers les autres langues que le français. En effet, au Mali, non
seulement le bambara reste-t-il la première langue nationale dimportante,
mais lÉtat semble avoir pris soin de ne pas négliger larabe
et langlais. Noublions pas quen Afrique trois langues assurent la quasi-totalité
des fonctions officielles de la communication interethnique: le français, langlais
et larabe. Comme on le constate, le Mali se positionne bien!
Dernière mise à jour:
19 janv. 2013
Bibliographie
CRDI. «Langues
d'instruction / Languages of Instruction» dans
Implications pour les politiques d'éducation en Afrique / Policy Implications
for Education in Africa, Groupe de travail sur la recherche en éducation et
l'analyse des politiques, Association pour le développement de l'éducation
en Afrique, Institut international de planification de l'éducation,1997, [http://www.idrc.ca/books/focus/829/chp01_f.html].
DANIOKO, Charles Abdoulaye. «"Enquête sur la langue au Mali», Bamako, étude non publiée.
-
ENCYCLOPÉDIE MICROSOFT ENCARTA, 2004, art.
«Mali», pour la partie historique. GAUTHIER, François, Jacques
LECLERC et Jacques MAURAIS. Langues et constitutions, Montréal/Paris,
Office de la langue française / Conseil international de la langue française,
1993, 131 p SANGARE, Mahamadou. «Les
langues locales et l'identité africaine», Sikasso, sans date,
[http://www.kanjamadi.com/MahamadSangare.html].
|
