Le régime de l’indigénat

pratiqué par le Portugal


À l’exemple de la France dans ses colonies, le Portugal instaura le «régime de l'indigénat» aux Noirs (en général: 98 % de la population) qui furent privés ainsi de l’instruction (réservée aux Portugais, les civilizados) et de tous leurs droits humains. Ce régime fut particulièrement de l'indigénat fut sévèrement appliqué en Angola, au Mozambique et en Guinée-Bissau, mais pas au îles du Cap-Vert.

Seuls les assimilados regroupant les métis et quelques Noirs assimilés eurent accès à l’instruction (en portugais). Les autres autochtones, les indígenas, furent soumis aux travaux forcés, à l’interdiction de circuler la nuit, aux réquisitions, aux impôts sur les «réserves» et à un ensemble d’autres mesures tout aussi répressives telles que les châtiments corporels. 

Les «sujets portugais» soumis au régime de l’indigénat furent privés de la majeure partie de leur liberté et de leurs droits politiques; ils ne conservaient sur le plan civil que leur statut personnel, d'origine religieuse ou coutumière. En somme, on peut dire que le colonialisme pratiqué dans les colonies portugaises d'Afrique s’apparentait à une sorte d’esclavage des populations autochtones sous une forme nouvelle, car celles-ci avaient «l’obligation morale et légale de travailler», et elles étaient dépouillées de toute leur identité. Pour être exemptés des règles restrictives du régime de l’indigénat, il fallait, entre autres, que les Noirs puissent parler et écrire le portugais de la Métropole, porter des costumes européens et pratiquer la religion catholique. Lorsque des Noirs étaient officiellement reconnus, ils devaient demander le statut de «citoyens assimilés» (assimilados). 

À partir de 1933, date de fondation de l’Estado Novo («Nouvel État») par Antonio de Oliveira Salazar au Portugal, le régime colonial se durcit considérablement. On sait que le régime de Salazar fut un amalgame d’État totalitaire catholique et de dictature fasciste. L’Acto Colonial (Acte colonial) de Salazar codifia et centralisa l'Administration des colonies qui furent soumises au contrôle direct de la Métropole par l'intermédiaire d'un gouverneur général. Celui-ci fut placé au sommet d'une hiérarchie administrative bureaucratique, d'une réputation souvent douteuse, dont le chef de village (le regulo) représentait au bas de l'échelle le seul élément indigène, lequel était chargé d'exécuter les exigences coloniales. Le régime exerça une sévère répression à l’égard des élites africaines qui revendiquaient une représentation politique et l'amélioration des conditions de vie des populations autochtones. Un ministre de Salazar, Viera Machado, exposait l'idéologie suivante en 1943: «Si nous voulons civiliser les indigènes, nous devons leur inculquer comme un précepte moral élémentaire l'idée qu'ils n'ont pas le droit de vivre sans travailler.» 

Ce système colonial odieux, qui paraît sans aucun doute honteux aujourd’hui mais semblait normal à l’époque, perdura jusqu’en 1954, alors qu’il fut «allégé», puis définitivement aboli en 1961, soit de nombreuses années après que les accords de Genève (le 23 avril 1938) eurent interdit toute forme de travaux forcés.

Quant à l’idéologie portugaise de l’époque, elle véhiculait le croyance, ou plutôt la certitude, que le Portugal devait apporter aux indigènes son «génie» et sa «civilisation». Dans le Titre 1 de l’Acto Colonial, on peut lire ce texte:

Il est de l'essence organique de la nation portugaise de remplir la fonction historique de posséder et de coloniser des possessions d'outre-mer, et de civiliser les populations indigènes qui s'y trouvent. [...] Les possessions (domínios) ultra-marines du Portugal sont appelées colonies et constituent l'empire colonial portugais.

Le problème, c’est que la «fonction historique» du Portugal a connu certainement des ratés, puisqu’en 1960 le taux d’analphabètes dans les colonies, notamment en Angola, était aussi élevé que 97 % chez la population indigène. Au cours de la période coloniale de Salazar, les langues africaines furent violemment réprimées au profit du portugais de la Métropole. Même le «portugais africain», très semblable au «portugais du Brésil», fut sévèrement combattu par le régime autoritaire de Salazar. Dans les écoles fréquentées pratiquement seulement par les Blancs et administrées par l’Église catholique, on enseignait exclusivement le «portugais du Portugal».

Bref, en raison de l'indigénat et du colonialisme, les communautés noires furent spoliées de leurs terres et exclues de tout pouvoir politique et économique. Il n’est pas surprenant que dans ces conditions la rébellion nationaliste ait éclaté dans les colonies portugaises.


 

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