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République islamique de Mauritanie
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Mauritanie
Mūrītāniyyah
Al Jumhuriyah al Islamiyah al Muritaniyah
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Capitale: Nouakchott
Population: 4,1 millions (est. 2014)
Langue officielle: arabe (classique)
Groupe majoritaire: arabe hassanya (80 %)
Groupes minoritaires: poular (7 % - 12 %), soninké (env. 4 %), wolof (0,4 %), bambara, berbère, azer, etc.
Langue coloniale: français
Système politique: république islamique
Articles constitutionnels (langue): article 6 de la
Constitution de 1991
Lois linguistiques:
Loi n° 1961-112 portant Code de la nationalité mauritanienne (1961);
Décret n° 68-078 du 7 mars 1968 créant une Direction de la traduction
(1968); Circulaire n° 28 du 12 mars (1968);
Décret n° 74-044 du 14 février 1974 portant organisation du concours pour le
recrutement de cadis (1974);
Arrêté n° 041 du 28 mars 1974 fixant la nature des épreuves de contrôle en
vue du baccalauréat de la série lettres modernes, option arabe (1974);
Décret n° 79.348/PG/MEFS
portant création d'un Institut des langues nationales (1979, abrogé); Décret
n° 45-79 du 24 avril 1979 relatif à l'organisation de la présidence du
gouvernement (1979);
Charte constitutionnelle du Comité
militaire de salut national (1980);
Ordonnance n° 83-162 du 09 juillet 1983 portant institution d’un Code pénal
(1983);
Ordonnance n° 83-163 du 09 juillet 1983 instituant un Code de procédure
pénale (1983);
Code des obligations et des contrats
-
Ordonnance n°89- 126 du 14 septembre (1989)
;
Ordonnance n° 91-023 du 25 juillet 1991 sur la liberté de la presse
(1991, abrogée);
Loi n° 99-012 du 26
avril 1999 relative à la réforme du système éducatif
national (1999);
Loi n° 2000-05 portant Code de commerce (2000);
Loi
n° 2001-054 portant obligation de l’Enseignement fondamental
(2001);
Loi n° 2004-017 portant Code du travail (2004);
Ordonnance n° 017
- 2006 sur la liberté de la presse (2006);
Règlement administratif de l'Assemblée nationale (2008);
Décret n° 181-2008 portant organisation des services du premier ministre
(2008);
Loi n° 2010 – 023 du 11 février 2010 abrogeant et remplaçant certaines
dispositions de la loi 61–112 du 12 juin 1961 portant code de la nationalité
mauritanienne (2010);
Loi n° 2010-045 du 26 juillet 2010 relative à la communication audiovisuelle
(2010);
Décret n° 2011-180 du 07/07/2011/PM portant application de certaines
dispositions de la loi n° 2010-044 du 22 juillet 2010 portant Code des
marchés publics (2011);
Loi n° 2012-018 modifiant certaines dispositions de la
loi n° 2008-026 du 6 mai 2008 abrogeant et remplaçant l’ordonnance n° 2006-034 du 20 octobre 2006 instituant la
Haute Autorité de la presse et de l’audiovisuel (HAPA).
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1 Situation générale
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La Mauritanie, officiellement
appelée République islamique de Mauritanie, est un pays saharien de l'Afrique
de l'Ouest (voir
la carte).
Sa superficie est relativement grande, car elle couvre plus d'un million
de kilomètres carrés (deux fois la France), soit à peu près l'équivalent
des pays comme le Tchad, le
Niger, l'Angola, le Mali, l'Afrique du Sud, l'Éthiopie ou l'Égypte.
La Mauritanie est
baignée à l'ouest par l'océan Atlantique et est bordée au nord-ouest par le Sahara
occidental, au nord par l'Algérie, à l'est et au sud-est par le Mali et au sud-ouest
par le Sénégal. En raison de sa situation géopolitique, la Mauritanie,
désignée
aussi comme le «pays des Maures» dont elle tire son nom, est une
terre de contact et sert de «pont» entre les pays du Maghreb au nord et l'Afrique
noire au sud.
|
La Mauritanie est divisée en 13 régions appelées «wilayas»
: Adrar, Assaba, Brakna, Dakhlet Nouadhibou, Gorgol, Guidimaka, Hodh Ech Chargui,
Hodh El Gharbi, Inchiri, Nouakchott, Tagant, Tiris Zemmour et Trarza. À leur
tour, les wilayas sont elles-mêmes subdivisées en moughataa, soit 52 au total (voir la carte).
2
Données démolinguistiques
La Mauritanie est un pays aux trois quarts
désertique; elle est caractérisée par la hausse de la température durant une
grande partie de l'année, ainsi que par la rareté des pluies et la dominance des plaines et des
dunes de sable, ce qui entraîne la pauvreté de la couverture végétale. La
population du pays était estimée en 2014 à un peu plus de quatre millions d'habitants, dont 85 % vivaient dans
le Sud, représentant seulement 20 % de la superficie globale.
2.1 Les ethnies
La Mauritanie est composée de
deux populations principales: d'une part, les Arabo-Berbères ou
Maures (< Mauritanie: le «pays des Maures»)
appelés aussi les
«Maures blancs»
ou Beidan (<
ar. Bîdhân:
«blanc») et, d'autre
part, les
Négro-Africains, appelés aussi
Négro-Mauritaniens ou Africains mauritaniens, qui regroupent
les
Toucouleurs, les Sarakolés, les Foulons, les Bambaras, les Peuls, les Wolofs et
les Soninkés. Il existe aussi un troisième type de population: les
Haratines ou Maures noirs.
D'origine négro-africaine également, ce sont en principe d'anciens esclaves
affranchis dans les faits depuis 1980 et qui ont adopté l'arabe hassanya, la
langue de leurs maîtres. Encore aujourd'hui, beaucoup
de Maures noirs sont «au service» des Maures blancs. Les différences entre les
Maure blancs et les Maures noirs ne sont guère physiques, puisqu'il est
souvent difficile de les distinguer
par la couleur de la peau. Les particularités sont avant tout sociales.
Depuis 1978, les autorités
mauritaniennes ont officiellement remplacé le terme «Arabo-Berbère» pour
désigner les Maures par le mot «Arabe». En général, les Arabes sont plutôt
nomades et les Négro-Mauritaniens, plutôt sédentaires, mais il existe des Noirs
nomades et des Arabes sédentaires. Quoi qu'il en soit, les nomades sont de moins
en moins nombreux en Mauritanie. S'ils constituaient 73 % de la population en
1965, ils ne formaient plus que 5,1 % en 2000.
2.2 Les régions
Les régions ou wilayas les plus peuplées de
la Mauritanie sont
celle de la capitale (Nouakchott : 899 887), puis les régions
méridionales (voir la carte): le Hodh Ech Chargui (412 939),
le Gorgol (327 856), l'Assaba (315 059), le Brakna (297 451), le Hodh El Gharbi (285 088),
leTrarza (263 397) et le Guidimaka (186 697).
Wilaya |
Chef-lieu |
Superficie |
Population |
Pourcentage |
Nouakchott
(capitale) |
- |
1 000 km2 |
899 887 |
27,1 % |
Hodh Ech Chargui
(nord) |
Néma |
182 700 km2 |
412 939 |
12,4 % |
Gorgol
(sud) |
Kaédi |
13 600 km2 |
327 856 |
9,8 % |
Assaba
(sud) |
Kiffa |
36 600 km2 |
315 059 |
9,5 % |
Brakna
(sud) |
Aleg |
33 800 km2 |
297 451 |
8,9 % |
Hodh El Gharbi
(sud) |
Aioun el Atrouss |
53 400 km2 |
285 088 |
8,5 % |
Trarza
(sud) |
Rosso |
67 800 km2 |
263 397 |
7,9 % |
Guidimaka
(sud) |
Sélibaby |
10 300 km2 |
186 697 |
5,6 % |
Dakhlet
Nouadhibou
(nord) |
Nouadhibou |
22 300 km2 |
123 232 |
3,7 % |
Tagant
(nord) |
Tidjikdja |
95 200 km2 |
75 768 |
2,2 % |
Adrar
(nord) |
Atar |
215 300 km2 |
60 847 |
1,8 % |
Tiris Zemmour
(nord) |
Zouérate |
252 900 km2 |
50 755 |
1,5 % |
Inchiri
(nord) |
Akjoujt |
46 800 km2 |
16 432 |
0,4 % |
Total (2010) |
- |
598 600 km2 |
3 315 408 |
100 % |
|
En théorie, les Noirs sont plus nombreux dans
le Sud; les Arabes, massivement majoritaires dans le Nord. Dans les
faits, il n'existe pas de régions habitées uniquement par des Noirs
dans le Sud. Les localités dans toutes les régions s’enchevêtrent dans le
même espace de sorte qu’il est difficile de tracer des frontières.
Cette situation se reproduit aussi
dans les principales villes du pays, au nord comme au sud. Par
exemple, la région de Guidimaka abrite des Soninkés (env. 50 %),
mais aussi des Peuls (env. 25 %) et des Arabes (env. 215 %).
Dans la région du Gorgol, on trouve diverses
ethnies: des Maures blancs, des Maures noirs, des Peuls, des
Soninkés, des Bambaras et des Wolofs, mais la langue véhiculaire
est le poular.
Dans la wilaya du Hodh El-Gharbi, certaines
localités sont composées à la fois de Peuls et de Maures.
La capitale, Nouakchott, présente une mosaïque
dans laquelle on trouve des Maures, des Occidentaux et des Noirs de
toutes les origines, les quartiers riches se situant au nord, les
quartiers pauvres au sud. Il existe des quartiers mixtes et des
quartiers à prédominance
négro-africaine, bien que, dans l'ensemble, les Maures soient
majoritaires . |
Les Maures sont majoritaires dans toutes les régions ou wilayas, à l'exception
du Gorgol (à prédominance poular), du Brakna (à prédominance poular) et du
Guidimaka (à prédominance soninké). Dans les faits, beaucoup de Mauritaniens,
arabophones ou négro-africains, ont tendance à parler aussi la langue principale
de la région où ils résident. Par exemple, un arabophone peut s'exprimer
en poular dans le Gorgol ou en wolof dans le Trarza. Le wolof sert souvent de
langue véhiculaire pour les affaires avec le Sénégal (voir
la carte).
Les rivalités entre les Arabo-Berbères,
traditionnellement dominants, et les Noirs, qui n'acceptent plus la domination
des premiers, se sont exprimées violemment depuis les années 1980.
L'ensemble des ethnies afro-africaines n'atteindrait pas les 20 %, car les
Arabo-berbères formeraient plus de 80 % de la population mauritanienne. Par
contre, la plupart des représentants des communautés
négro-mauritaniennes prétendent que les Noirs seraient majoritaires dans le
pays. Pour eux, les Maures d'origine arabo-berbère constitueraient moins de 40 %
de la population, probablement 33 %; les Négro-Mauritaniens, 33 %; les Haratines,
33 %. Pourtant, ce sont les Arabes qui gouvernent le pays depuis l'indépendance.
2,3 Les esclaves
La Mauritanie compte des esclaves qui
appartiennent forcément à la
couche inférieure de la société. Ce sont les guerriers (les hassans) et les
religieux (marabouts) qui sont au sommet de la pyramide sociale. La
promulgation de l'interdiction de l'esclavage en 1981 n'a jamais été suivie de
mesures d'application efficaces. Selon Amnistie internationale,
Anti-Slavery International et de nombreuses ONG
locales, plus de 10 %, voire 20 %, de la population (entre 340 000 et 680 000) serait toujours retenue en esclavage en
Mauritanie, bien que cette pratique ait été officiellement abolie. Toute
personne convaincue d'esclavagisme risque désormais jusqu'à dix ans de prison
ferme. Selon un rapporteur de l'ONU, même la législation de 2007 criminalisant
cette pratique ne serait pas correctement appliquée. En 2003, les
autorités ont promulgué une loi relative à la traite des personnes (la vente des
enfants, l’incorporation des enfants dans l’armée, la prostitution, la vente
d’organe, etc., mais elles ont refusé d’y inclure l’esclavage. Cette pratique
illégale serait
nettement plus répandue chez les Maures arabophones, mais perdurerait
aussi chez certains Wolofs, Peuls et Soninkés, les trois principales
ethnies du sud du pays.
Bien que ce soit un
secret de polichinelle dans toute la Mauritanie, le régime
en place nie depuis plus de deux décennies l'existence de l'esclavage. Le
problème, c'est que la classe politique dominante, composée presque uniquement
de Maures blancs, est celle qui bénéficie le plus de cette pratique. Les Maures
blancs n'ont aucun intérêt à dénoncer cette pratique d'une autre époque. Ce sont
les Haratines qui servent d'esclaves. Ils demeurent chez leurs maîtres et y
effectuent les tâches les plus pénibles. En Mauritanie, il existe différentes
formes d'esclavage: le travail des enfants, le travail domestique, les mariages
d'enfants, la prostitution, le droit de cuissage et le trafic d'être humains.
Les enfants des Haratines sont parfois vendus en Arabie Saoudite et au Koweït.
Les Hatines sont les seuls en Mauritanie à pratiquer le métier de dockers, de
blanchisseurs, de boys, de manœuvres, de gardiens, etc., toutes des tâches
considérées comme avilissantes par les Maures blancs. la société mauritanienne
semble malheureusement encore basée sur l'oppression de certains groupes ethniques par d'autres.
2.4 Les langues nationales
Contrairement à la plupart des pays d'Afrique,
les langues nationales ne sont pas très nombreuses en Mauritanie. On ne
compte que quatre grandes communautés linguistiques : le hassanya, le poular
(aussi pulaar, pular, peul ou fulfulde), le soninké et le
wolof. Pour résumer, on peut dire que le nord du pays connaît un certain
unilinguisme, alors que le Sud vit pleinement le multilinguisme. Sont attestés
en Mauritanie des langues et des dialectes mauritaniens (arabe classique, arabe
moderne et hassanya, berbère et azer, wolof, poular, soninké et bambara), et des
langues et des parlers français (français académique, français local et français
populaire).
- Le hassanya et l'arabe
La langue officielle de la Mauritanie est, depuis 1968,
l'arabe, sans qu'aucun texte juridique n'ait précisé de quel arabe il s'agit.
Or, il faut distinguer au moins trois sortes d'arabe: l'arabe hassanya, l'arabe
classique et l'arabe standard moderne. Dans les faits, l'intercompréhension
mutuelle n'est pas aisée entre le hassanya et l'arabe classique, mais elle n'est
pas impossible. Elle est nettement plus facile entre le hassanya et l'arabe
moderne.
L'arabe classique
est appelé aussi «arabe littéraire» ou «arabe coranique». Il n'est la langue
maternelle d'aucun Mauritanien et il n'est pas utilisé comme véhicule spontané
de communication, pas plus en Mauritanie que dans tout autre pays arabe. Pour un
arabophone, l'arabe classique demeure la langue de la prédication islamique
et de l'enseignement religieux (la langue du Coran), puis celle de la langue
écrite en concurrence surtout avec le français. L'arabe classique est le
résultat d'un effort de normalisation de la langue utilisée lors des deux
premiers siècles de l'islam avec comme référent l'arabe du Coran et la tradition
du prophète Mahomet. C'est donc une langue figée dans le temps depuis plus de
1000 ans, alors que les populations arabophones ont continué à faire évoluer
leur langue maternelle en une multitude d'idiomes locaux : l'arabe dialectal.
Mais l'arabe classique est également l'outil symbolique de l'identité
arabo-musulmane, une langue supranationale réservée à des usages formels et
limités à certaines situations particulières. D'après la
Constitution,
l'arabe classique est à la fois la langue officielle et une langue
nationale en Mauritanie.
L’arabe moderne standard, appelé
aussi «arabe standard», correspond à la variante moderne de la langue
arabe, c'est-à-dire celle qui est enseignée dans les écoles, par
opposition à l'arabe classique ancien associé à l'arabe du Coran. En
Mauritanie comme dans d'autres pays arabophones, l'arabe moderne sert de
langue d'enseignement à tous les les niveaux, sauf dans l'enseignement
supérieur scientifique. L'arabe moderne standard est également la langue
des productions littéraires, de la presse écrite, de la presse
électronique, et de toute sorte de brochures et de documents
administratifs et judiciaires. C'est surtout la langue qui est utilisée
dans les manifestations officielles et institutionnelles.
Cette variété d'arabe n'est que très rarement
utilisée à l'oral, même de la part de ceux qui le maîtrisent et
l'utilisent dans la communication écrite.
Dans les faits, c'est l'arabe moderne
standard qui sert de langue officielle,
l'arabe classique n'étant qu'un symbole. L'arabe moderne est
principalement utilisé à l'écrit. Il est l'une des deux langues
utilisées en Mauritanie dans les textes et les documents officiels. Il
n'est pas vraiment parlé, même par ceux qui le maîtrisent et l'utilisent
dans la communication écrite.
L'arabe hassanya ou simplement hassanya est présent
partout dans la vie quotidienne, mais il ne bénéficie d'aucun statut juridique
parce qu'il est associé à l'arabe, ce qui constitue presque la norme dans la
quasi-totalité des pays arabes. Le hassanya n'est pas une langue écrite, sauf
chez ceux qui l'étudient de façon scientifique, c'est-à-dire les linguistes, les
grammairiens et les érudits. C'est donc une langue essentiellement orale. C'est
la langue de la communication informelle de la population maure du pays et chez
beaucoup de locuteurs afro-mauritaniens. C'est celle qu'on utilise dans les
foyers entre les membres de la famille et dans les chansons populaires. L
e hassanya est une
variété d'arabe très influencée par
le berbère, donc regroupant toutes les caractéristiques des
langues chamito-sémitiques.
Compte tenu de l'étendue du territoire occupé traditionnellement par les Arabes
en Mauritanie, on peut estimer le hassanya est utilisé comme langue maternelle
par près de 80 % de la population.
Malgré l'étendue de l'aire géographique dans laquelle il
est parlé, le hassanya est linguistiquement homogène. Ainsi, les locuteurs du
Nord mauritanien n'ont aucune difficulté à communiquer avec ceux du Sud marocain
parce que les différences sont minimes d'une région à l'autre. Le hassanya est
aussi parlé au Maroc, au Sahara occidental, au Sénégal, en Algérie et au Mali.
Paradoxalement, le hassanya est totalement exclu de l'aménagement linguistique
en Mauritanie, alors qu'il est la véritable langue nationale des Mauritaniens.
- Les langues négro-mauritaniennes
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En plus du hassanya, les langues nationales du
pays comprennent des langues négro-mauritaniennes reconnues et non
reconnues. Le poular, le soninké et le wolof
font partie des langues nationales reconnues dans la
Constitution. Il existe d'autres langues, dont le bambara,
le sérère et le diola, mais elles ne bénéficient
d'aucun statut, comme c'est le cas pour le hassanya. Ces langues
parlées par les ethnies noires dans le sud du pays, appartiennent
toutes aux langues nigéro-congolaises.
De plus, le pays abrite aussi des
langues
berbères telles le zénaga et le tamasheq. Depuis le milieu du
XXe siècle,
les berbérophones ne constituent que de faibles petites communautés,
habitant dans le sud-ouest (zénaga) ou le sud-est (tamasheq) du
pays. Lorsque ces locuteurs berbérophones parlent encore leur langue
ancestrale, c'est généralement en plus de l'hassanya. Quant à l'imeraguen,
c'est un
isolat linguistique.
Si l'on consulte la carte de gauche («Langues
de Mauritanie»), on constatera que le nord du pays est massivement
unilingue et parle le hassanya qui est parlé également dans tout le
Sahara occidental, dans le sud du Maroc et en partie dans le
nord-ouest du Mali. Dans l'extrémité sud, le long
des rives du fleuve Sénégal, la Mauritanie connaît une plus grande concentration
d'habitants souvent majoritairement de race noire. Ainsi, les Négro-Africains
vivent un certain plurilinguisme avec le poular,
le soninké et le wolof, sinon le bambara et le diola.
Si la Mauritanie présente un portrait linguistique
complexe, ce n'est pas en raison du
nombre de ses langues en présence, lequel est assez réduit par
comparaison à des pays comme le Sénégal voisin ou le Cameroun, mais
c'est à cause des enjeux culturels et politiques que masquent les
rivalités ethniques.
|
Il n'est pas aisé de recenser
avec précision le nombre des locuteurs de chacune des langues parlées en
Mauritanie, car les données statistiques gouvernementales d'ordre
linguistique ne sont pas disponibles. Aucun
recensement sérieux des langues n’a encore pu être effectué.
La
Mauritanie est l'un des rares pays au monde avec la Belgique où les données
démographiques, quand elles existent, relèvent du secret d'État. Quant aux
statistiques des organismes privés,
elles ne concordent que rarement les locuteurs des langues. Les chiffres présentés dans le tableau
ci-dessous proviennent de l'organisme américain Joshua Project ou Projet Josué
de 2014.
Ethnie |
Ascendance |
Population |
Pourcentage |
Langue
parlée |
Affiliation
linguistique |
Maures |
arabo-berbère |
3 374 700 |
80,6 % |
hassanya |
|
Poulars |
afro-africaine |
253 000 |
6,0 % |
poular |
|
Soninkés |
afro-africaine |
207 000 |
4,9 % |
soninké |
|
Tamasheq |
arabo-berbère |
111 000 |
2,6 % |
tamasheq |
|
Bambara |
afro-africaine |
20 000 |
0,4 % |
bambara |
|
Wolofs |
afro-africaine |
18 300 |
0,4 % |
wolof |
|
Français |
européenne |
5 900 |
0,1 % |
français |
|
Sérères |
afro-africaine |
4
000 |
0,0 % |
sérère |
|
Jola-Fonyi |
afro-africaine |
3 500 |
0,0 % |
diola |
|
Imeraguen |
arabo-berbère |
800 |
0,0 % |
imeraguen |
isolat |
Zénaga |
arabo-berbère |
200 |
0,0 % |
zénaga |
langue
berbère |
Autres |
- |
20 000 |
0,4 % |
- |
-
|
Total 2014 |
- |
4 184 400 |
100 % |
- |
- |
Le nombre des locuteurs des langues peut ne pas être exact
dans le tableau ci-dessus. Si le nombre des locuteurs de l'hassanya, du
poular, du soninké, du bambara et du wolof correspond assez près à la
réalité, il n'en est pas ainsi du tamasheq dont le nombre ne devrait pas
excéder 5000. Le tamasheq est la langue des Touaregs des
régions désertiques d'Afrique du Nord
depuis des millénaires (Mauritanie, Mali, Libye, Algérie, Burkina Faso,
etc.). Dans le cas présent, les statistiques semblent avoir confondu les
membres de l'ethnie tamasheq et le nombre de ses locuteurs.
Le
français a été une langue officielle avec l'arabe jusqu'en 1991.
Toutefois, malgré son absence de statut dans les documents juridiques officiels,
le français a conservé une bonne partie de ses privilèges. Force est de constater
que les langues nationales mauritaniennes — hassanya, poular, soninké et wolof
— n’ont pas acquis de statut officiel et que l'arabe classique, celui du Coran,
n'est la langue maternelle de personne dans ce pays. De plus, ces langues
nationales ne sont pas écrites et elles demeurent donc très peu enseignées. Les seules langues
écrites en Mauritanie sont l'arabe classique/moderne et le français.
Il y aurait encore près de 6000 ressortissants français en Mauritanie.
Il faut néanmoins mentionner la présence d'une variété de français appelé le
«français local». Il s'agit du parler français mauritanien utilisé aussi bien à
l'oral qu'à l'écrit et estimé comme étant «correct». Cependant, si à l'oral
cette variété peut apparaître dans les communications, elle se manifeste à
l'écrit surtout dans la communication non officielle et plutôt privée, s'y
mélangeant soit avec le français académique, soit avec le français populaire. Le
français local de Mauritanie montre l'usage des ressources les plus usitées de
la langue française, des extensions et des glissements de sens, des
modifications mineures de la syntaxe, et un lexique plutôt réduit par rapport à
celui de la langue française. On peut aussi distinguer deux sous-variétés
différentes: celle des Maures et celle des Négro-Africains. La première montre
l'influence de l'arabe, plus particulièrement du hassanya, les locuteurs étant
arabophones. La seconde est surtout influencée par la langue wolof.
En Mauritanie, le français est utilisé à la radio, à la
télévision et dans certains discours politiques. Il l'est aussi souvent par le
fonctionnaire maure qui donne des explications à un citoyen d'une autre
communauté linguistique. Il l'est particulièrement par les ressortissants
français dans la communication avec les petits commerçants, les employés de
maison, les militaires, etc. L'interlocuteur, dans huit cas au moins sur dix, ne
comprend pas cette langue, ce qui crée le contexte qui donne naissance au
français populaire.
Contrairement à bien d'autres pays d'Afrique, le français
n'est pas utilisé comme une langue d'unité nationale, car il sert davantage d'instrument
de revendication ethnique de la part des Négro-Africains contre l’arabe et les
communautés maures. Si le français n'entre pas en concurrence avec les langues
nationales, il entre en compétition avec l'arabe classique, surtout dans le
domaine scolaire. Pour les populations négro-africaines, dont les locuteurs
parlent une langue nigéro-congolaise, l'arabe officiel est perçu comme une
politique d'assimilation, alors que le français devient un instrument de
résistance. C'est dans le monde scolaire que se vivent les affrontements les
plus visibles.
Selon les résultats du recensement gouvernemental de 2000,
l’arabe (classique) serait parlé par 69,9 % de la population âgée de plus de dix
ans, le français par 5,4 % (contre 29 % en 1988), mais l’arabe et le français
par 12,2 %; et 15,5 % pour les autres langues. En juillet 2002, une enquête réalisée pour connaître le niveau
linguistique des étudiants admis à l’Université de Nouakchott avait révélé
que 81,2 % d'entre eux possédaient un niveau de «débutant» et qu'ils étaient
incapables de suivre un enseignement en français. Si la langue officielle de la
Mauritanie est l’arabe classique, la langue de travail est essentiellement le
français, notamment à l’écrit.
2.6 Les religions
Au moment de l'accession à l'indépendance en
1960, la Mauritanie est devenue une république islamique. La
Constitution de 1985 faisait de l'islam la religion d'État et de la
Charia la loi du pays. Les Mauritaniens sont tous officiellement
musulmans sunnites de rite malékite, mais en réalité le pays compte
99 % de musulmans. Bien qu'il existe quelques petites communautés
chrétiennes, aucun organisme religieux autre que musulman n'est
reconnu.
Si la quasi-totalité des
Mauritaniens est musulmane, ceux-ci ne sont pas tous arabes ni arabophones.
De fait, les ethnies négro-africaines, les
Toucouleurs, les Sarakolés, les Foulons, les Bambaras, les Peuls, les Wolofs et
les Soninkés sont islamisés, mais ne se sont jamais arabisés; ils ont conservé
leur langues ancestrales.
3
Données historiques
Les premiers habitants de la région furent des Noirs, les Bafour, qui
pratiquaient la chasse, la pêche, l'élevage et l'agriculture. À partir du
Ier millénaire de
notre ère, les Noirs se replièrent plus au sud en raison du dessèchement
du Sahara et parce que les conditions climatiques leur paraissaient plus clém
entes.
Ainsi, la Mauritanie fut donc habitée par des Noirs dès l'époque néolithique
avant de connaître une triple pénétration berbère, arabe et européenne.
Ces premières populations noires
furent supplantées progressivement par des
populations blanches venues d'Afrique du Nord, les Berbères. L'arrivée des Berbères allait durer plus de quinze siècles. Possesseurs
de chevaux et de chameaux, ceux-ci s'installèrent dans la région et assujettirent
progressivement les agriculteurs noirs
qui devinrent leurs esclaves.
À partir du VIIe siècle, la poussée
arabo-islamique provoqua une onde de choc qui allait marquer profondément la
région. Son expansion s'appuyait sur le commerce transsaharien et
l'islamisation des populations locales. Sous l'influence des Arabes, l
es Berbères se convertirent à
l'islam sunnite, puis les
populations noires animistes les suivirent.
À partir de cette époque, le terme «Maure» devint synonyme de «musulman», qu'il
soit d'origine berbère, arabe ou même ibérique. Au Xe siècle, tous les
Mauritaniens étaient islamisés, mais pas nécessairement arabisés, car il
est resté quelques tribus berbérophones, alors que la plupart des Noirs avaient
conservé leur langue. Encore aujourd'hui, les Zénaga et les
Tamasheqs parlent leur langue berbère.
Vers 1400, des groupes arabes armés originaires de l'Arabie, les Hassanes
(signifiant «les nobles»),
pénétrèrent en Mauritanie, combattirent les tribus berbères et organisèrent le
pays en émirats. Les Hassanes vainqueurs formèrent la classe noble et guerrière;
ils firent adopter leur langue, le hassanya, par les populations berbères
islamisées qui, pour la plupart, délaissèrent progressivement leur langue
ancestrale. Au XVIe
siècle, les Berbères étaient totalement
assujettis par les Arabes. C'est
de cette époque que date la structuration en castes de la société
mauritanienne: au sommet, on trouvait les Berbères (les lettrés
et marabouts) et les Arabes (les guerriers). Ensuite,
c'étaient les esclaves noirs (les Haratines) auxquels étaient
dévolues les tâches agricoles. L'arabe intégra les
dialectes berbères pour former l'arabe hassanya, la langue de la
majorité des habitants de ce pays.
Avant la colonisation française, l'arabe était la seule langue qui avait un
statut dans l'enseignement non seulement en Mauritanie, mais aussi dans toute la
région ouest-africaine. Les autres langues en présence, le poular, le soninké,
le wolof, le bambara, etc., n'avaient qu'un usage vernaculaire avec le résultat
que l'enseignement, les pratiques religieuses, la correspondance écrite, ainsi
que toutes les pratiques liées à l'écriture, demeuraient l'apanage exclusif de
l'arabe. Il y a donc toujours eu en Mauritanie un enseignement de base,
essentiellement confessionnel, qui était donné aux enfants de 5 à 6 ans, où ils
étaient initiés à l'alphabet arabe, ce qui leur permettait d'apprendre le Coran
et, en même temps, à lire et à écrire l'arabe. Cet enseignement coranique était
offert en principe aux garçons et aux filles de toutes les catégories sociales.
Il existait aussi un
enseignement qu'on pourrait appeler «de second degré» destiné
aux plus riches; on y étudiait des ouvrages élémentaires de la langue et de la
littérature arabes, du droit musulman, de la théologie, de la grammaire, etc.
3.1 La colonisation
européenne
Les premiers Européens qui arrivèrent en Mauritanie
furent les Portugais. Ils s'y installèrent en 1448-1449 et fondèrent un
établissement à Arguin sur le littoral atlantique. Ils s'enfoncèrent ensuite vers l'est où ils établirent
des entrepôts destinés à conserver la gomme, leur principale matière première
pour l'exportation. Mais les Portugais ne purent se maintenir très longtemps en
Mauritanie, car ils furent supplantés par les Espagnols en 1580, lesquels en
1638 furent à leur tour délogés par les Hollandais. Plus tard, des Français
installés à Saint-Louis-du-Sénégal s'emparèrent des comptoirs hollandais, mais
ceux-ci furent pris par les Anglais durant les guerres napoléoniennes et
restitués en 1814 lors du traité de Paris avec l'ensemble des établissements
français d'Afrique occidentale.
 |
Les Français pénétrèrent
dans le pays qu'ils conquirent militairement en 1858 et l'administrèrent à partir de Saint-Louis
(aujourd'hui au Sénégal). Ce fut d'abord la colonisation du Sud
négro-africain qui s'est perpétuée jusqu'en 1891, suivie de la
colonisation du Nord arabo-berbère de 1902 à 1919. Le raccordement
administratif de ces deux territoires distincts donna naissance à la
colonie française de la Mauritanie
en 1920, laquelle fut
rattachée à l'Afrique occidentale
française et administrée
depuis Saint-Louis-du-Sénégal, conjointement avec le Sénégal.
Pour la France, la Mauritanie, en raison de sa situation géographique,
s'imposait comme un trait d’union entre l’Afrique
du nord et l’Afrique subsaharienne.
La colonie mauritanienne, biraciale et ethno-tribale, faisait cohabiter dans un
même espace deux communautés qui avaient dans le passé été administrées par des
pouvoirs spécifiques. Il y avait le «pays maure» et le «pays du fleuve» Sénégal. |
C'est en ce sens qu'on peut parler de «frontière
artificielle», car la Mauritanie coloniale — à l'exemple de bien d'autres
colonies d'Afrique — fut créée et tracée sans tenir compte des peuples qui
la composaient. Sans l'intervention de la France, la Mauritanie n'aurait
jamais existé.
- La politique de francisation
La politique de l'enseignement colonial fut initialement élaborée par le
gouverneur général de l'Afrique occidentale
française, Ernest Nestor Roume, en poste de 1902 à 1907. Dans un
décret en date du 24 novembre 1903, il résumait ainsi la politique coloniale:
La colonisation
devenait dès lors une conversion des peuples à la civilisation. Dans
l'enseignement cela signifiait l'implantation dans les pays
d'outre-mer de l'école française avec ses programmes, sa
législation, son personnel, sa langue. |
Étant donné le caractère biracial de la population mauritanienne, celle des
Maures et celles du fleuve Sénégal, les autorités coloniales considérèrent qu'il
valait mieux adapter l'enseignement à cette réalité. Dans un rapport destiné au
gouverneur de la Mauritanie, l'inspecteur André Charton préconisait une
adaptation particulière en mars 1932 :
La Mauritanie reste du point de vue scolaire dans une situation tout
à fait particulière. Il ne peut être question de la comparer aux
autres colonies du groupe. Les nécessités de la pénétration et de la
pacification, la difficulté des communications, la pénurie des
ressources, la résistance musulmane à l'influence par l'éducation
française ont longtemps retardé ou ralenti les progrès de
l'enseignement. |
Mais la résistance musulmane dont il est question s'expliquait alors par une
hostilité manifeste de la part des Maures à la colonisation en général et
surtout à l'école française. Il ne restait qu'à
trouver et appliquer en matière scolaire les formes d'enseignement censées
convenir à chaque région, surtout les régions du Nord par rapport aux régions du
Sud. Les autorités coloniales en arrivèrent à imposer en Mauritanie deux
systèmes d'enseignement, dont l'un était destiné au populations
négro-mauritaniennes du Sud, et qui correspondait à celui utilisé dans les
colonies voisines d'Afrique de l'Ouest. L'autre système d'enseignement était
adressé aux Maures et inspiré de l'enseignement pratiqué en Afrique du Nord,
notamment en Algérie. Très tôt, la politique scolaire est devenue
ségrégationniste en distinguant les «écoles de village» réservées aux Noirs et
les «écoles franco-arabes» (les médersas) destinées aux fils de chefs et de
notables maures.
En 1909, le gouverneur de l'Afrique occidentale
française, Amédée William Merlaud-Ponty, en poste de 1908 à 1915,
décrit ainsi la politique scolaire :
Toutefois, il ne saurait être question de favoriser le développement
des écoles coraniques en Mauritanie et l'influence politique de la
classe maraboutique. Ils pourraient profiter de cette protection
officieuse pour s'efforcer à notre insu de satisfaire leurs
ambitions personnelles. Il est indéniable que nous devons nous
efforcer non d'accroître l'importance des marabouts, mais de
répandre la langue et les idées françaises parmi nos ressortissants. |
Cet enseignement dans les écoles coraniques était généralement donné par des
marabouts. Pour les Français, les marabouts étaient considérés comme de simples
sorciers ou des envouteurs à qui les musulmans prêtaient des pouvoirs de
voyance. Ils enseignaient à lire et à écrire quelques mots d'arabe, et à réciter
par c
œur des
passages entiers du Coran que d'ailleurs ils ne comprenaient pas. Ils étaient en
général rétribués par leurs élèves, à raison de quelques centimes par semaine.
En 1903, le gouvernement français tenta de laïciser cet enseignement en imposant
des cours de français aux marabouts.De
façon générale, les Noirs, généralement sédentaires, se sont
montrés plus réceptifs à la scolarisation, avec comme conséquence que les
Français les ont favorisés en formant exclusivement en français une élite
destinée aux écoles et à l'administration. Les Noirs ont pu ainsi bénéficié d'un
système dont l'enseignement était entièrement francisé, alors que les Maures
recevaient un enseignement bilingue (français et arabe) ou exclusivement arabe.
De plus, parce qu'il y avait des Maures nomades et des Maures sédentaires, les
autorités coloniales décidèrent de créer des «écoles de campement» destinés aux
nomades. Les programmes des classes françaises correspondaient à ceux de
l'enseignement primaire des écoles coloniales, alors que dans les classes
arabes ils portaient sur l'étude de l'arabe littéraire, du droit coranique et de
la religion islamique.
Après plusieurs années d'expériences peu encourageantes, les rapports furent
unanimes sur le quasi-échec des écoles de villages et des écoles de campement
destinées aux Arabes. En fait, très peu d’enfants
arabophones ont pu être scolarisés, contrairement aux enfants négro-africains
qui se sont montrés beaucoup moins réfractaires à l'enseignement français.
Le colonisateur avait imposé
le français comme langue administrative, mais les Maures ont souvent boycotté
les écoles françaises en guise de résistance passive. Les autorités françaises
tentèrent de dissuader les Maures de boycotter l'école coloniale au moyen
de dispositions réglementaires prévoyant des amendes, des jours d'emprisonnement
ou des mises à pied contre les parents récalcitrants. Dans les années 1950, le
gouvernement colonial envisagea de suspendre la solde des chefs mauritaniens
réputés «indociles».
La Mauritanie
devint un territoire d’outre-mer en 1946, prélude à une évolution vers une
autonomie croissante. L'esclavage traditionnel fut officiellement aboli, mais
demeura ancré dans les mentalités mauritaniennes. Puis, en 1947, un décret colonial autorisa
officiellement l’uniformisation de l’enseignement en Mauritanie en octroyant six heures
d’enseignement de l’arabe en tant que langue vivante et de culture, non pas
comme langue religieuse de l’islam. Cet enseignement de l'arabe souleva des protestations répétées de la part des
représentants négro-africains, jusqu’à ce que cet enseignement soit réduit à trois
heures.
En 1957, la ville de Nouakchott, située au bord de l'océan Atlantique, devint la capitale mauritanienne en lieu et
place de Saint-Louis qui faisait alors partie
du Sénégal. À cette époque, la ville qui n'était qu'un simple petit fort,
comptait 500 habitants. La population était estimée à 8000 en 1980 et à 800 000
en 2014. Dans le cadre de la Communauté
créée par la Constitution f
rançaise de la Ve République,
le territoire de Mauritanie devient la République islamique de Mauritanie le 28
novembre 1958.
3.2 La Mauritanie indépendante
 |
La Mauritanie fut la dernière
des républiques de la Communauté française à devenir indépendante, le 28
novembre 1960, malgré l'opposition du Maroc et de la
Ligue arabe unie, qui
prétendirent que le pays faisait «partie intégrante du Maroc» et refusèrent de
reconnaître l'existence du nouvel État. Il faudra attendre en 1970 avec la
signature d'un traité à Casablanca pour mettre un terme aux
revendications marocaines. Le président Moktar Ould Daddah, mis en place
par la France et considéré aujourd'hui comme «le père de la nation», adopta en
1964 une constitution qui faisait de la Mauritanie un État monopartite à régime
présidentiel autoritaire : le Parti du peuple mauritanien devint alors le seul
parti politique autorisé. Moktar Ould Daddah, un arabophone de la
région du Trarza, allait diriger le pays
jusqu'à son renversement par des militaires, le 10 juillet 1978. Le règne
sans partage de ce premier président mauritanien sera émaillé par
plusieurs crises majeures. Pendant toutes
ces années, l’opposition fut durement réprimée.
|
Plusieurs années avant l'indépendance, une partie de l'élite arabe
mauritanienne s'était exilée en Égypte, en Algérie, en Syrie, en Irak, etc.
Cette élite avait reçu une formation prônant une idéologie de revendication de
l'identité arabe dont les luttes étaient axées contre le colonisateur. Parmi les
différents courants de pensée, le nassérisme (< président égyptien Gamal Abdel
Nasser) et le baassisme (< Parti Bass de Syrie), qui proposaient l'unification
des États arabes en une seule et grande nation, ont fortement influencé les
Mauritaniens exilés. Ces deux mouvances idéologiques ont réussi dans certains
cas à favoriser des progrès économiques et politiques dans un monde arabe qui se
débattait encore contre le colonialisme, sans pour autant renier les grandes
valeurs traditionnelles de l'islam. Cependant, une fois retournés dans leur
pays, les disciples mauritaniens du panarabisme, devenus ministres, gouverneurs,
colonels, inspecteurs de police, etc., allaient rapidement se transformer en
adeptes de l'assimilation et de la xénophobie, sinon du génocide.
Le président Moktar Ould Daddah dut ainsi faire face aux pressions des
éléments arabes traditionnels qui rêvaient d’ériger une théocratie au sein de
laquelle les rênes du pouvoir appartiendraient à quelques familles guerrières et
maraboutiques. En même temps, l'élite négro-africaine, en raison de sa plus
grande connaissance du français, avait pu jusqu'alors occuper les postes
importants, réduisant à un rôle second les représentants de la population arabe.
Au moment de l'indépendance, deux choix politiques se présentèrent au
gouvernement du président Moktar Ould Daddah :
1) jouer son rôle d'«État-frontière» et devenir le
trait d'union entre l'Afrique du Nord maghrébine et l'Afrique noire;
2) se proposer comme un pays arabe puisque le pouvoir était confié à
l'ethnie maure.
Au début, le président Moktar Ould Daddah tenta de
concilier le multiculturalisme ethnique en le teintant d'arabité et
d'africanité. En 1957, dans
un discours à 'Atar, Moktar Ould Daddah avait lancé un appel à l'unité nationale
de la Mauritanie: «En un mot, et si nous le voulons, avec l'aide d'Allah, la
Mauritanie sera demain un carrefour où se rencontreront et coexisteront
pacifiquement des hommes de toutes origines.» Lors de l'élaboration de la future Constitution
mauritanienne, le nouveau gouvernement choisit le français comme langue
officielle et l'arabe comme langue nationale:
Article 3 (1959)
La langue nationale de la Mauritanie
est l'arabe. La langue officielle est le français. |
Le gouvernement espérait ainsi concilier les intérêts des Arabo-Berbères et
des Négro-Mauritaniens. Mais la Constitution de 1961 fut révisée à six reprises entre 1964 et 1970
; elle allait régir la Mauritanie jusqu'au 10 juillet 1978. L'article 3 de
1959 fut réintroduit tel quel dans la Constitution de 1961.
T
outefois, la Mauritanie ne
put résister à la vague du panarabisme qui envahit tout le
Maghreb, surtout l'Algérie, mais aussi
l'Égypte et la Libye au début de la décennie de
1960. Ainsi, pour rejoindre les pays arabe, le président
Moktar
Ould Daddah décida dès 1966 d'arabiser
son pays. La Loi
constitutionnelle n° 68-065 du 4 mars 1968 modifiant les articles 3, 47 et 53 de
la Constitution transforma le statut des langues dans la Constitution de 1968 :
Article 1er
(1968)
Les dispositions de l'article 3 de la
loi n° 61.095 du 20 mai 1961, portant Constitution de la République
islamique de Mauritanie, sont abrogées et remplacées par les
dispositions suivantes :«
Art. 3. La langue nationale est l'arabe, les langues officielles
sont le français et l'arabe. » |
Dès cette année-là, l'arabe (sans préciser lequel) est devenu co-officiel avec le français
dans la Constitution. La colonisation française avait eu pour effet de
couper la Mauritanie du Maghreb arabe, dont les pays voisins, le Maroc et
l'Algérie, c'est-à-dire du monde arabe auquel elle appartenait tant au point de
vue ethnique que culturelle. Pendant un siècle, le pays avait été rattaché
complètement à l'Afrique noire française dans le cadre de l'Afrique occidentale
française. Il était normal que les arabophones mauritaniens allaient vouloir
reprendre la place qui leur était due. En fait, la nouvelle politique
linguistique devait faire de l'arabe une langue bénéficiant d’un statut égal à
celui du français, c’est-à-dire non seulement une langue dite officielle qu'on
pouvait utiliser dans l’administration, mais aussi une langue d'usage normal de
l’enseignement moderne. Cependant, si la Loi constitutionnelle n° 068065
reconnaissait l'arabe comme langue nationale, rien dans la loi ne mentionnait
les autres langues telles le poular, le soninké ou le wolof.
- L'arabisation dans
l'enseignement
En 1965, il y eut une première réforme de l’enseignement
décrétée par le président Mokthar Ould Daddah. Mais arabiser peut entraîner des
risques. Cette réforme voulait introduire
plus d'arabe dans le système d’enseignement, car les arabophones se
trouvaient défavorisés dans un système massivement francophone. Convaincu que le bilinguisme franco-arabe
était la meilleure solution, le gouvernement mauritanien émit un décret d'application
prescrivant l'étude
de l'arabe dans l’enseignement secondaire, ce qui provoqua un soulèvement de la
part des ethnies négro-africaines. Les élèves noirs des établissements
d'enseignement de Rosso et de Nouakchott se mirent en
grève contre le décret d'application de la loi du 30 janvier 1965, qui rendait
obligatoire l'enseignement de l'arabe dans le second cycle. Une vingtaine de
hauts fonctionnaires se solidarisèrent avec le mouvement et publièrent un
manifeste accusant le gouvernement de faire basculer la Mauritanie dans
l'arabité; ils furent suspendus et arrêtés, puis finalement libérés.
Cette réforme de l'enseignement se caractérisait par l'instauration d'une
classe d'initiation à l'arabe pour tous les Mauritaniens. Il s'agissait d'une classe
supplémentaire au cycle primaire qui passait alors de six à sept années et qui
était appelée «enseignement fondamental». La rivalité entre les Noirs et les
Arabes s'accentua dans les années qui suivirent, car les Noirs y virent un moyen
de les marginaliser, ce qui pouvait les priver de l’accès aux hauts postes
administratifs. Les Arabes, qui avaient été
méprisés à l'époque coloniale, semblaient vouloir prendre leur revanche sur les Noirs
en leur imposant la langue arabe au mépris de leur langue maternelle africaine.
En même temps, la Mauritanie se détacha de l'Afrique noire en se retirant de
l'Organisation commune africaine et malgache (OCAM), qui regroupait alors 14
États francophones.
Au final, la réforme de l'enseignement ne provoqua que
des insatisfactions : pendant que les Arabes, très attachés à la culture
arabo-islamique, trouvaient que le rythme dans le processus d'arabisation était
beaucoup trop lent, les Négro-Africains refusaient l'enseignement de l'arabe
parce que ce n'était pas leur langue maternelle. Pendant que les partisans du
statu quo avaient à défendre leurs intérêts dans un
système où les postes étaient répartis en fonction de leur connaissance du
français, les militants de l’arabisation, nouveaux venus dans l'administration,
désiraient eux aussi prendre part aux fonctions de l'État. Le 4 janvier 1966,
les élèves noirs des établissements d'enseignement de Nouakchott
déclenchèrent une grève «illimitée» afin de vue de faire supprimer les mesures
rendant obligatoire la langue arabe dans l'enseignement du second degré. Le tout
dégénéra rapidement en conflit ethnique en opposant, d'une part, les
arabophones, d’une part, les Négro-Africains. Dans ces conditions, la réforme de l'enseignement
ne pouvait qu'aboutir à un échec, les Négro-Africains considérant l'arabe comme une langue
d'oppression et d'assimilation, qui menaçait leur identité.
Finalement, le
ministère de l'Éducation se rendit compte que les élèves ne maîtrisaient aucune
des deux langues, ce qui entraîna la raillerie suivante: «Le bilingue est celui
qui ne sait ni le français ni l'arabe!» Suite à une longue période
de sécheresse durant les années 1970, les populations
nomades maures et sédentaires noires durent affluer vers les villes,
ce qui accentua les tensions ethniques. Mais le gouvernement
fit la sourde oreille aux revendications de
la communauté noire. Les instances
dirigeantes du pays, maintenant arabophones, décidèrent d'entreprendre une politique d'arabisation plus
intensive. Pour les dirigeants mauritaniens, l'indépendance politique du pays
devait s'accompagner d'une indépendance culturelle qui passait nécessairement
par la promotion de la seule langue arabe.
- La promotion plus intensive de l'arabe
En juin 1973, ce fut la rupture avec la France et le
rapprochement avec l'Algérie, la Tunisie, la Libye et l'Irak. La même année, la Mauritanie intégrait la
Ligue arabe unie.
Ce fut aussi la création d'une
monnaie nationale, l'ouguiya, et le début de la nationalisation de certaines
grandes entreprises étrangères. Le bilinguisme franco-arabe passa à
l'unilinguisme arabe et tout l'enseignement fondamental fut arabisé, alors que
le français ne fut introduit qu'en troisième année comme langue étrangère. Les
deux tiers de l'enseignement furent attribués à l'arabe, contre un tiers pour le
français. L'enseignement secondaire fut réparti en deux filières: une filière
arabisante et une filière bilingue à dominante française. Dans la filière arabe,
tout l'enseignement devait être donné en arabe, le français y conservant le
statut de première langue étrangère obligatoire avec cinq heures par semaine
durant les trois années du premier cycle, trois heures en 4e
et en 5e année et deux heures en 6e
année. Dans la filière bilingue, l'enseignement devait se faire en français
(dans toutes les disciplines) à raison de 19 heures par semaine dans les trois
premières années et de 24 heures dans les années suivantes, avec respectivement
11 heures et 6 heures d'arabe.
Cette réforme eut pour
effet de renforcer davantage les clivages ethniques entre arabophones et
non-arabophones. Si, pour les populations arabes, le français était perçu comme
un symbole d'aliénation culturelle, il était considéré par les autres comme un
moyen de résistance à l'assimilation arabe. Cette
politique d'arabisation plus intensive fut accompagnée d'une politique de
recrutement massif d'enseignants arabophones. La plupart de ces enseignants
venaient des mahadras où l'on pratiquait un enseignement séculaire du
Coran. La pédagogie consistait à utiliser des moyens très simples et limités
afin de faire réciter le Coran aux élèves en se basant essentiellement sur leurs
capacités mnémoniques. Ce type d'enseignement constituait un facteur d'unité et
d'intégration en Mauritanie du Nord et dans le reste du monde musulman. Cette éducation était
même perçue comme une obligation sans laquelle l'intégration sociale des enfants
devenait difficile.
Encore une fois, la réforme de 1973 fut de courte durée,
car en 1975 le déclenchement de la guerre du Sahara occidental enfonça le pays
dans de graves difficultés. Cette guerre opposait le Maroc et la Mauritanie au
Front Polisario (soutenu par l'Algérie) sur le territoire du Sahara occidental à la suite du retrait de
l'Espagne du Sahara espagnol qu'elle avait convenu de céder au Maroc et à la
Mauritanie lors des accords de Madrid (14 novembre 1975). Cette crise fut fatale
au prestige personnel du chef de l'État mauritanien, Moktar Ould Daddah, qui
maintenait un semblant de cohésion nationale. Finalement, le 10
juillet 1978, les militaires s'emparèrent du pouvoir lors d'un coup d'État
dirigé par le colonel Moustapha Ould Mohamed Salek.
- L'intensification de l'arabisation
par les militaires
À partir de 1978, et jusqu'au mois d'avril 1992, le pays fut
gouverné par un comité d’officiers militaires. Les nouveaux dirigeants, sous la
coupe du Comité militaire de salut national (CMSN),
radicalisèrent la politique
linguistique de la réforme de 1973.
Les autorités mauritaniennes remplacèrent
officiellement le terme «Arabo-Berbère» par le mot «Arabe».
La circulaire n° 002 d'avril 1979 du
ministère de l'Enseignement fondamental et de l'Enseignement secondaire accrut
la place de l'arabe et des disciplines enseignées dans cette langue. Cette politique
d'arabisation entraîna des grèves à répétition.
Afin d'apaiser les tensions, le
Comité militaire de salut national annonça la création d'un institut de
transcription et développement des langues nationales. Ce fut le
décret n° 79.348/PG/MEFS
portant création d'un Institut des langues nationales (1979). Le nouvel
Institut eut pour missions la transcription de langues nationales en caractères
latins, puis la préparation de l'instauration de ces langues (poular, soninké et
wolof) dans le système d'éducation mauritanien :
Article 2
L'Institut des langues nationales a
pour mission d'organiser, de coordonner et de promouvoir
l'ensemble des recherches appliquées dans le domaine de toutes les
langues nationales. Dans ce cadre, il est
chargé, dans une première phase, de préparer l'introduction
dans l'enseignement des langues PULAAR, SONINKÉ et WOLOF, d'assurer la formation du personnel et
l'élaboration du matériel pédagogique, d'étudier les incidences pratiques et financières de
cette introduction et les problèmes posés par l'utilisation de ces langues dans les différentes
fonctions linguistiques (langues de l'enseignement, langues de l'information et des moyens
de communication, langues de l'économie et du travail,
etc.). |
L’Institut des langues nationales (ILN) fut créé afin d'élaborer une
expérimentation des langues nationales pour une durée de six ans avant de mettre
en œuvre cette mesure, le temps d'arrêter l’alphabet de ces langues à tradition
orale. Cette officialisation de la part du Comité militaire de salut national ne
concernait que le système d'éducation sur la base d'un enseignement de toutes
les langues nationales. Quoi qu'il en soit, l'officialisation tomba vite dans l'oubli.
Dès le départ, l'ILN connut des problèmes au point de vue financier et matériel,
ainsi qu'au plan des ressources humaines. D'ailleurs, l’institut sera en 1999 rattaché au Département des langues au sein de
l’Université de Nouakchott, devenant le Département des langues nationales et de
linguistique.
Le Comité militaire de salut national (CMSN) décréta en décembre 1980
l'arabe comme seule langue officielle du pays. Toutefois, pour éviter des réactions
trop violentes de la part des minorités négro-africaines, le Comité reconnut par des
«mesures transitoires» aux trois principales langues négro-africaines le statut
de «langues nationales» et au français celui de «langue étrangère privilégiée»,
ce qui signifiait en principe une forme de bilinguisme de sorte que, si des
parents choisissaient pour leur enfant une première langue d'enseignement,
l'autre devenait nécessairement une langue seconde obligatoire. Évidemment, le hassanya, la variété d'arabe parlée par tous les Mauritaniens arabophones, ne
fut jamais évoqué, puisqu'il était assimilé à l'arabe classique officiel.
Toujours en
1980, la Charte constitutionnelle du Comité militaire
de salut national instituait un pouvoir
collégial. Par la Chartre, le Comité militaire de salut national
détenait le pouvoir législatif, déterminait la politique générale de la
nation, orientait et contrôlait l'action du gouvernement.
En 1981, le décret 81.072 /PG/MEN fixant les alphabets et la transcription des langues
nationales prescrivit l'alphabet latin pour le poular, le soninké et le wolof. Le ministre de l’Éducation
nationale à l’époque, Hasni Ould Didi, présentait ainsi en 1984 la nouvelle
orientation politique du gouvernement devant la Commission nationale de la
réforme de l’enseignement :
Les langues nationales doivent
prendre place dans le système éducatif et être utilisées comme
véhicule du savoir sous toutes ses formes au fur et à mesure que
cela deviendra possible, suivant les progrès qui seront réalisés
dans leur développement. Mais il est indispensable que vous
compreniez tous que cette décision n’est pas une mesure politicienne
qui cache un calcul sordide et sans lendemain. Toutes nos langues
nationales font partie de notre patrimoine culturel et sont le moyen
de communication d’une partie de notre peuple. Nous ne pouvons
retrouver notre identité nationale si une partie de notre culture
est négligée. |
Ce statut officiel se voulait temporaire, car il fallait
attendre aussi une reconnaissance législative qui n'est jamais venue. En fait,
depuis le coup d’État de juillet 1978, la concentration de la plupart des
pouvoirs économiques, politiques et militaires fut entre les mains de la
majorité arabo-berbère (maure). L'armée mauritanienne devint une véritable
fonction publique parallèle qui dirigeait le pays et qui avait réussi à écarter et à
marginaliser la communauté noire de tous les centres de décision. Cette
période militaire constitue parenthèse sombre pour l'histoire politique de la
Mauritanie, car elle est caractérisée
non seulement par une instabilité politique, mais par la cristallisation de la
dictature militaire et les manipulations institutionnelles.
- Les langues nationales
À la rentrée scolaire de 1982, une douzaine de classes
expérimentales en poular, en soninké et en wolof furent mises en place pour
l’enseignement fondamental à Nouakchott et dans la région du fleuve Sénégal où
les populations négro-mauritaniennes étaient les plus nombreuses. Néanmoins, la
politique d'arabisation se poursuivit dans l'enseignement fondamental qui
s'ouvrit en deux filières: l'une en arabe, l'autre bilingue, sur le modèle de
l'enseignement secondaire. Le français fut introduit dans les deux filières en
deuxième année avec 20 heures de français pour l'option «arabe» et 55 heures
d'arabe pour l'option «bilingue». En fait, les enfants maures furent
systématiquement orientés vers la filière «arabe», alors que les enfants
négro-mauritaniens avaient le choix.
Au cours de la même période, soit de 1982 à 1988, le poular, le
soninké et le wolof furent enseignées comme langues secondes aux enfants de la
filière arabe, avec 14 classes à Nouakchott, à Rosso et à Kaédi. Cette politique
présentait l'avantage de calmer les revendications des Noirs qui étaient opposés
à l'arabisation forcée. Quant au français, il conservait son rôle de langue de
résistance chez les Noirs. Par la suite, l'enseignement des langues nationales fut
progressivement délaissé, l'État n'ayant pas les moyens de ses ambitions. En
l'absence de volonté politique, cette expérience allait se terminer sans lendemain et
l'officialisation des langues nationales est demeurée un vœu pieux. Dans les
faits, l'enseignement des langues nationales ne dépassèrent jamais le stade de
l’expérimentation; elles seront définitivement fermées à la fin de 2004. De
toute façon, beaucoup de Négro-Africains ont fini par considérer que cet
enseignement constituait un «ghetto» qui les privait du français.
Le 12 décembre 1984, un nouveau coup d’État renversa Mohamed
Khouna Ould Haidalla et porta Maaouiya Ould Taya au pouvoir.
En 1986, des intellectuels noirs dénoncèrent dans un
document «Le manifeste du Négro-Mauritanien opprimé», le système politique
raciste en Mauritanie. Ils furent aussitôt arrêtés et emprisonnés. Les
autorités mauritaniennes ont procédé ainsi à
l'épuration de
l'administration et
des entreprises
publiques de leurs
éléments noirs dans le
but de «dénégrifier» le
pays. Les
Négro-Mauritaniens du sud ont vu leurs villages détruits, leurs biens confisqués
et ils furent massivement déportés vers le
Sénégal et le Mali, ce qui s'apparente
à une forme de génocide. D'ailleurs, dans un discours prononcé en 1989,
le président Ould Taya
admettait que la Mauritanie était un «pays arabe». De fait, il
a beaucoup œuvré pour rattacher son pays au monde arabe et à
l’éloigner de l’Afrique noire.
En
1989, des revendications pour un meilleur équilibre en faveur des
groupes négro-africains entraînèrent une forte tension
avec le Sénégal : des dizaines de milliers d'éleveurs
noirs furent expulsés vers le Sénégal, qui renvoya
parallèlement dans leur pays quelque 100 000 Mauritaniens vivant au Sénégal.
Pendant ce temps, les communautés maures et négro-africaines
s'affrontèrent violemment et dégénérèrent en émeutes raciales.
À la suite d'incidents demeurés encore obscurs aujourd'hui,
plusieurs centaines de cadres militaires négro-africains furent arrêtés, sinon
torturés, et un grand nombre exécutés. Ces
événements
qui se sont produits
en 1989 et ceux
qui ont suivis
étaient pourtant
prévisibles : ils
sont la suite
logique de la
politique raciste
appliquée en
Mauritanie depuis
l'indépendance et
fondée sur
l'appropriation par
la communauté maure de tous les leviers du pouvoir. Les événements qui se sont déroulés en Mauritanie entre 1989 et
1992 présentent les caractéristiques d'un génocide, selon les termes retenus par
les Nations unies. L'article 2 de la Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide, adoptée par l'Assemblée générale des
Nations unies, le 9 décembre 1948, affirme :
Article 2
Dans la présente Convention, le
génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après commis dans
l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national,
ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe ;
b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du
groupe ;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence
devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe.
|
Critiqué par la communauté internationale
pour son non-respect des droits de l'homme, le gouvernement mauritanien
fit promulguer une nouvelle constitution en 1991 et instaura
officiellement le multipartisme. Le Parti républicain démocratique et social (PRDS),
le parti de Maaouiya Ould Taya, gagna les premières élections multipartites en
avril 1992 avec 67,02 % des voix. Taya fut réélu à la tête de l'État en 1997.
- La réforme de 1999
La question
linguistique revint à l'ordre du jour lors du discours à la nation, le 28
novembre 1998, du président Maaouya Ould Taya. Celui-ci annonç
a
une autre réforme (officiellement la cinquième) menée autour de deux grands
principes : l'un concernait l'unité de la nation, l'autre l'ouverture
au monde.
Cette réforme tentait de
remédier aux lacunes passées en unifiant le système d'éducation par la
suppression d'une des deux filières existantes, soit l'arabe et la bilingue. Au
printemps de 1999, conformément à la
loi n° 99-012 du 26
avril 1999 relative à la réforme du système éducatif
national,
la réforme pouvait être résumée de la manière suivante
concernant l'enseignement des langues :
1) la mise en place d'une filière unique avec l'arabe et
le français devenu «langue d’ouverture» pour l’enseignement des disciplines
scientifiques;
2) le renforcement des langues étrangères avec l’anglais dès la première
année du cycle secondaire;
3) la création d’un département des langues nationales au sein de
l’université de Nouakchott pour la promotion du poular, du soninké et du
wolof.
4) le français bénéficiait du statut de «langue d’enseignement», car toutes
les matières scientifiques devaient être données en français au secondaire.
En décidant de mettre fin au système dualiste qui favorisait une situation de
quasi-apartheid entre les élèves d'origine ethnique différente, le gouvernement
prenait le risque de supprimer la filière bilingue au profit de la filière
arabe.
La réforme prévoyait
l'introduction du français dès la seconde année de l'enseignement fondamental (comme dans
l’ancienne
filière bilingue) et l'adoption progressive du français comme langue
d’enseignement des
matières scientifiques. Cette
réforme se voulait probablement plus équilibrée et plus réaliste, mais les
partisans de l'arabisation intégrale s'y opposèrent de même que les
Négro-Mauritaniens extrémistes.
D'une part, les arabisants désapprouvaient la
«francisation du système éducatif» et s'indignaient du «retour à l'oppression
culturelle», d'autre part, les Noirs considéraient que les «matières
culturelles» (philosophie, langue; histoire, géographie, instruction civique,
morale et religieuse, droit, etc.) les acculturaient par l'enseignement en
arabe. Les Mauritaniens se retrouvaient donc avec un
double échec. Il s'agissait, durant la colonisation, des efforts de
l’administration française pour promouvoir le français, puis après
l'indépendance de l’administration mauritanienne pour favoriser l’arabe.
En même temps, le gouvernement remplaçait l’Institut des langues nationales par
un département chargé des langues nationales et de la linguistique (art. 12 de
la
loi n° 99-012
du 26 avril 1999), directement rattaché à la faculté des Sciences humaines.
Les langues nationales furent ainsi reléguées au statut de «langues de
laboratoire», n'étant enseignées et analysées qu'à l'université.
Les politiques d'arabisation élaborées jusqu'alors en Mauritanie n'ont
jamais tenu compte du pouvoir de résistance des minorités linguistiques
d'origine négro-africaine. C'est d'ailleurs la plus grande lacune de toutes les
politiques d'arabisation tenues ailleurs dans le monde arabe, que ce soit au
Maroc, en Algérie ou en Tunisie.
En août 2005, le Conseil militaire pour la justice et la démocratie, dirigé
par Ely Ould Mohamed Vall, renversa le gouvernement de Taya pendant que le
président se trouvait en déplacement en Arabie Saoudite. La Mauritanie vivait
alors dans une situation de blocage maintenue ainsi par un président qui avait
peur et qui se sentait menacé. Ely Ould Mohamed Vall, le directeur de la Sûreté
nationale et l'un des hommes les plus riches du pays, forma un
gouvernement de transition et engagea certaines réformes, avant de laisser la
place à un gouvernement civil élu démocratiquement. Sidi Ould Cheikh Abdallahi
fut le seul président élu de façon démocratique dans l'histoire du pays.
Conformément à sa promesse électorale, son gouvernement décida d'organiser le
retour des réfugiés négro-mauritaniens installés au Sénégal depuis le conflit
sénégalo-mauritanien de 1989. Le processus fut fortement critiqué par les Forces
de libération des Africains de Mauritanie (FLAM) qui le jugèrent trop lent et
peu généreux. Puis,
lors d'un autre coup d'État militaire en août 2008, le président de la
République et le premier ministre furent arrêtés et déposés. Le général Mohamed Ould Abdel Aziz,
un autre homme aussi riche que Vall, prit le pouvoir avant d'être élu en 2009.
- Le recensement comme pratique discriminatoire
 |
Le général-président Aziz entreprit un recensement national dès sa prise du
pouvoir. L'objectif était de mettre en œuvre un système biométrique
d’identification des citoyens, sur la base de caractéristiques physiques comme
les empreintes digitales. Le gouvernement souhaitait ainsi sécuriser les
documents d'identification nationaux, tels les passeports et les cartes
d’identité, afin de lutter contre la fraude. Le gouvernement voulait distinguer
les «vrais Mauritaniens» des étrangers qui auraient usurpé la nationalité
mauritanienne. Mais en quelques semaines, les représentants des communautés
négro-mauritaniennes se sont élevés pour dénoncer certaines pratiques des agents
de recensement, jugées humiliantes, arbitraires et discriminatoires. Non
seulement la Commission nationale de recensement comptait 18 membres
arabophones sur 19, mais la majorité des enquêteurs ne parlait que
l'arabe, ce qui exacerba le sentiment d’exclusion des populations
noires. Les agents du gouvernement pouvaient, selon leur bon
vouloir, retirer sa nationalité à tout individu et en faire un
apatride dans son propre pays sans aucun recours possible.
|
Ce recensement fut la goutte d’eau qui fit encore déborder le vase et
dégénéra en affrontements violents. Dans ce pays, les Négro-Africains seraient
considérés comme des «étrangers», alors que les Maures blancs seraient perçus comme
des «vrais Mauritaniens». C'est dans un climat trouble qu'est né le mouvement
«Touche pas à ma nationalité», qui dénonçait un «État toujours raciste» et
réclamait la fin des opérations d’enrôlement. Le but non avoué était de
contrôler tous les leviers de l’État en justifiant que les Noirs mauritaniens y
étaient moins représentés dans la mesure où ils ne représenteraient qu'une faible
minorité. Afin de mettre fin à la polémique, le président Ould Abdel Aziz finit
par reculer en précisant qu'il ne s'agissait pas d'un «recensement», mais «d'une
réfection de l'état civil» et que «personne ne
sera exclu».
Lors des élections du 11 mars 2007, un candidat à la présidence, Ahmed Ould
Daddah, avait déclaré à la revue Jeune Afrique :
La
Mauritanie est arabe, africaine et islamique. Cela signifie que
notre dimension africaine doit absolument être préservée et
développée. L'identité arabe, elle, est plus évidente. Si nous
réussissons la symbiose de ces trois éléments, la Mauritanie se
portera bien.
|
Le 4 mars 2010, le premier ministre mauritanien, Moulaye Ould Mohamed
Lagdhaf, animant une conférence de presse à Nouakchott, répondit ainsi à un
journaliste qui se plaignait de n’avoir pas compris ses propos en arabe:
«Que voulez-vous ? Nous sommes en Mauritanie. C’est un pays arabe.»
Manifestement, le message n'a jamais passé, car les politiques mauritaniens
ont toujours cédé aux velléités ethno-tribales qui ont ont le dessus sur
tout projet d’édification d’un État moderne.
- Perpétuation des régimes autoritaires
Depuis 2009, le président Aziz a désigné plusieurs des membres de sa famille,
de ses proches et de sa tribu dans les postes clés de l'État.
Ould Aziz est accusé d'avoir vidé les
caisses de l'État et est soupçonné d'être impliqué dans divers scandales, dont
le bradage des terres agricoles, les affaires de blanchiment d'argent et la
drogue au point d'être cité comme «le parrain de
la drogue». Il a tout fait
pour qu'aucun changement pacifique et démocratique ne soit possible. Dans ces
conditions, il a exposé son pays à l’instabilité perpétuelle. Candidat à sa
réélection, le chef de l'État mauritanien a remporté l'élection présidentielle
du 21 juin 2014, avec 81,9 % des voix. Le scrutin s'est toutefois tenu sans les
principaux partis de l'opposition qui avaient appelé à boycotter les élections.
En raison de leur boycott, les partis de l’opposition, sauf celui des
islamistes, se sont retrouvés sans élus à l’Assemblée nationale et dans les
conseils municipaux.
La Mauritanie demeure un État fragile, tandis que les
institutions démocratiques sont restées rudimentaires.
L'État unitaire mauritanien, tel qu'il se présente aujourd'hui, perpétue le
monopole du pouvoir politique par les Arabo-Berbères et l'exclusion des
Négro-Africains, le pouvoir politique continuant de jouer la carte arabe.
Encore en 2010, la ministre de la culture et de la jeunesse, Mme Cissé Mint
Boide, déclarait que la langue arabe devait servir d’instrument d’échange et
de travail au sein de l’administration mauritanienne. Elle ajoutait aussi:
«Les langues nationales font obstacles à l’émergence de la langue arabe.» On
peut comprendre pourquoi les ethnies négro-africaines sont toujours sous-repré
sentées
dans la vie politique, administrative et militaire du pays. Après plus de quatre
décennies d'existence, la faillite de l'État mauritanien par rapport à la
gestion de la cohabitation raciale est totale.
Parmi les autres problèmes dont souffre la Mauritanie il
convient de mentionner les mauvais traitements et la torture infligés aux
détenus et aux prisonniers politiques — surtout ceux
qui n'ont pas d'argent ni de famille influente —,
l'impunité des forces de sécurité, la durée prolongée de la détention
préventive, les arrestations et les détentions arbitraires, les limites imposées
à la liberté de la presse et à la liberté de réunion, sans oublier les passages
à tabac de manifestants par la police et les arrestations de journalistes, ainsi
que les limites imposées à la liberté de religion et la corruption généralisée
du système. À ces problèmes sont ajoutés l'esclavage et les pratiques qui
y sont assimilées, puis la discrimination envers les femmes, les mutilations
génitales féminines, le mariage d'enfants et, comme toujours, la marginalisation
politique des groupes ethniques de race noire établis dans le sud du pays. En
Mauritanie, les forces de l'ordre et la brutalité
policière semblent faire partie intégrante de la façon de gouverner le pays.
La corruption est particulièrement répandue dans les domaines suivants :
marchés publics, prêts bancaires, attribution des permis de pêche, distribution
de terrains et paiement des impôts.
Non seulement
la gestion politique va mal, mais la Mauritanie demeure l'un des pays les plus pauvres de la planète (152e sur 174)
et les plus endettés, alors que la moitié de la population mauritanienne vit sous le seuil de la pauvreté. Quant à l'alphabétisation, son taux est passé chez les adultes de plus de 60 %
d'analphabètes en 1990 à près de 42 % aujourd'hui. Ce niveau de pauvreté masque
de grandes inégalités entre le milieu urbain et rural (trois pauvres sur quatre
sont en milieu rural) et entre les hommes et les femmes (deux
femmes sur trois sont pauvres). Pourtant, la Mauritanie est rentrée
officiellement dans le club très privé des pays producteurs de pétrole
depuis février 2006; grâce aux revenus de son pétrole, la Mauritanie a
acquis des capacités de financement nouvelles. Mais ce n'est
pas le peuple qui en profite et aucun projet d'envergure n'a été
lancé avec les deniers du pétrole. Le taux de
mortalité infantile demeure considérable, les hôpitaux restent dans un état
dramatique et la corruption constitue le principal fléau dans ce pays. Le
pétrole ne profite qu'à l'élite dirigeante et il accentue davantage
l'instabilité politique et les disparités sociales, plutôt que de contribuer
à promouvoir la prospérité et le développement économique du pays. En
Mauritanie, les citoyens sont ou bien très riches ou bien très pauvres.
Tant
que le pouvoir sera aux mains des militaires, la Mauritanie n'évoluera pas, car
ceux-ci voudront perpétuer leurs privilèges acquis depuis l'indépendance. De
rapides changements seraient nécessaires, mais ce n'est pas encore pour
demain la veille.
4
La politique linguistique darabisation
Au lendemain de l'indépendance,
seul le français avait acquis un statut officiel. En effet, l'article
3 de la Constitution de 1959 reconnaissait le français comme «langue
officielle» du pays, mais l'arabe était retenu avec le statut de «langue nationale». La réforme de l'enseignement de 1959 admettait
aussi le français et l'arabe comme langues d'enseignement dans toutes
les écoles. Comme on peut l'imaginer aisément, l'arabe dont il est question
ici, c'est l'arabe classique et non l'arabe hassanya dont le nom n'est
jamais cité dans un quelconque texte juridique.
4.1 Le statut des langues
Depuis l'indépendance, l'arabe classique
(ou coranique) n'a cessé de bénéficier de la politique
interventionniste de l'État mauritanien. Dans le domaine de la législation,
la loi du 4 mars 1968 fait accéder l'arabe (lequel?) au statut de langue co-officielle avec le français. Dans le domaine de l'éducation,
ce sont les réformes de l'enseignement de 1967, de 1973 et de 1978,
qui ont renforcé la promotion de l'arabe classique. Ces réformes faisaient
suite à une arabisation progressive et consistaient à augmenter
considérablement les horaires d'enseignement et les domaines d'utilisation
de la langue arabe, notamment dans l'administration de l'État.
La politique actuelle est restée
la même, hormis le fait que le statut du français est officiellement
supprimé. Cette politique est résumée essentiellement
à larticle 6 de la Constitution de 1991. Les dispositions constitutionnelles
précisent que les «langues nationales» sont l'arabe, le poular, le
soninké et le wolof, et que larabe (classique?) est la «langue officielle»
(version consolidée de 2012):
Article 6 Les langues nationales
sont l'arabe, le poular, le soninké et le wolof. La langue officielle
est l'arabe.
|
Dans la Constitution de 1959, la langue nationale était
l’arabe et la langue officielle était le français. Dans la Constitution de 1961,
l’arabe est devenu la langue nationale, mais le français et l’arabe restaient
les langues officielles. Dans la Constitution de 1991, le français a perdu son
statut, alors qu'il continue d'avoir une forte présence dans l'administration
publique, dans l'enseignement, dans les médias et dans le monde du travail. Pour
pouvoir accéder à un emploi gratifiant, des milliers de cadres mauritaniens
doivent se résoudre à suivre une formation linguistique en français afin d'en
maîtriser la langue.
La Loi constitutionnelle n° 2012-015 portant révision de la Constitution
du 20 juillet 1991 ajoutait un paragraphe supplémentaire au préambule de la
Constitution:
Article 2
Après le 3e alinéa du Préambule de la
Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
Alinéa 4 (nouveau) : Uni à travers
l’histoire, par des valeurs morales et spirituelles partagées et
aspirant à un avenir commun, le peuple mauritanien reconnait et
proclame sa diversité culturelle, socle de l’unité nationale et de
la cohésion sociale, et son corollaire, le droit à la différence. La
langue arabe, langue officielle du pays, et les autres langues
nationales, le poular, le soninké et le wolof, constituent, chacune
en elle-même, un patrimoine national commun à tous les Mauritaniens
que l’État se doit, au nom de tous, de préserver et promouvoir.
|
La langue arabe, qui est une langue nationale comme le poular, le
soninké et le wolof, bénéficie aussi du statut de langue officielle, alors que
le
hassanya, bien qu'il soit parlé par
80 % de la population, n'a aucun statut.
De plus, le préambule de
la Constitution affirme que «le peuple mauritanien» est un «peuple musulman, arabe
et africain»:
Préambule
Conscient de la nécessité de
resserrer les liens avec les peuples frères, le peuple mauritanien,
peuple musulman, arabe et africain, proclame qu'il
œuvrera à la
réalisation de l'unité du Grand Maghreb, de la nation arabe et de
l'Afrique et à la consolidation de la paix dans le monde. |
Ce document laisse entendre que tous les
Mauritaniens sont arabes, ce qui n'est guère le cas, et ce, d'autant plus que la
dimension berbère est aussi totalement ignorée et exclue. La Constitution
sous-entend également
que l’officialisation de la seule
langue arabe serait motivée par la volonté de construire une nation unie. Si
cela avait été effectivement le cas, le législateur aurait prévu
l'officialisation des trois langues nationales négro-africaines importantes et
de l'arabe hassanya. En
fait, la volonté du législateur répond au seul désir d’imposer la prédominance d’une communauté
et d'une langue sur les
autres.
4.2 Les langues de la
législation
Étant donné que l'arabe est la langue officielle,
on peut s'attendre à ce que ce soit la seule langue admise au Parlement, tant à
l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Pourtant, il existe un service de traduction
et d'interprétariat, ce qui suppose que d'autres langues sont possibles.
L'article 22 du
Règlement administratif de l'Assemblée nationale (2008) décrit ainsi ce
service:
Article 22
Le Service de la traduction et de l'interprétariat est
chargé de :
·
Traduire les débats
des séances plénières et des rapports et procès-verbaux
des travaux des commissions ;
· Assurer la traduction des
documents pouvant être utiles à l’information et l’usage
des députés ou tout autre utilisateur autorisé ;
· Concourir à l’élaboration des bulletins d’information
par la traduction en langues nationales des textes et
tout autre document utile à l’information du public ;
· Assurer l’interprétariat
pendant tous les travaux de l’Assemblée nationale
(séances plénières, commissions, etc.) ;
· Assurer l’interprétariat
des échanges entre les parlementaires et les personnels
administratifs nationaux lors de rencontres avec leurs
homologues étrangers ;
· Assurer la maintenance et l’entretien des équipements
de sonorisation et d’interprétariat de l’Assemblée
nationale.
Le Service de la traduction et de
l’interprétariat comprend deux divisions :
· La division traduction ;
· La division interprétariat.
|
Dans les faits, l'arabe
moderne est la langue des lois, règlements, décrets, arrêtés, etc., mais tous
ces mêmes documents sont traduits en français. Dans les débats parlementaires,
l'arabe
hassanya,
l'arabe moderne et le français sont employés régulièrement, bien devant l'arabe
classique. L'article 11 du
décret n° 45-79 du 24 avril 1979 relatif à l'organisation de la présidence du
gouvernement énonce clairement que la publication et la diffusion du Journal
officiel est «en arabe et en français» :
Article 11
La Direction des études, de la
législation et du Journal officiel est chargée :
— de l'étude des
projets d'actes législatifs et réglementaires ;
— de l'étude de toutes les questions d'ordre juridique qui
lui sont soumises par les ministères ;
— de la publication et de la
diffusion du Journal officiel en arabe et en français.
Cette direction comprend deux
divisions. |
D'ailleurs, tous les ministres
du gouvernement s'expriment en français lorsqu'ils lisent un discours
politique en présence d'interlocuteurs étrangers et francophones,
sinon ils le font en arabe classique. Les
représentants officiels
mauritaniens non arabophones s'expriment généralement en français. Dans la
capitale, à Nouakchott,
l'arabe hassanya, le français et le wolof sont les principales langues véhiculaires.
4.3 Les langues de la justice
Bien que le hassanya n'aie aucun statut, en matière de justice,
c'est cette langue qui la plus couramment
utilisée dans les communications orales, mais le
français est aussi admis. En ce cas, il s'agit presque toujours d'un français
local fortement teinté d'arabismes et d'africanismes. Tous les documents écrits
peuvent être disponibles soit en arabe moderne soit en français, jamais dans
les langues négro-africaines ni en hassanya.
L'article 234 de l'ordonnance
n° 83-163 du 09 juillet 1983 instituant un Code de procédure pénale
autorise le recours à un interprète lorsque l'accusé ne parle pas ou ne comprend
pas la langue utilisée par la cour. Selon les articles 293 et 344, la langue de
la cour est l'arabe, ce qui correspond en fait à l'arabe moderne:
Article 234
Le président de la cour criminelle, ou un magistrat
désigné par lui, interroge l’accusé au moins huit jours
avant le début de la session. Ce délai est réduit à trois
jours en cas de crime flagrant. Il doit être fait appel à un
interprète si l’accusé ne parle ou ne comprend pas la langue
utilisée par la cour.
Article 293
Dans le cas où l’accusé, les témoins ou l’un d’eux, ne
parlent pas suffisamment la langue arabe ou s’il est
nécessaire de traduire un document versé aux débats, le
président nomme d’office un interprète, âgé de dix-huit au
moins et lui fait prêter serment de remplir fidèlement sa
mission.
Le Ministère public, l’accusé et la partie civile peuvent
récuser l’interprète en motivant leur récusation. Le
président se prononce sur cette récusation. Sa décision
n’est susceptible d’aucun recours.
L’interprète ne peut, même du consentement de l’accusé ou
du Ministère public, être pris parmi les juges composant la
cour, les jurés, les parties et les témoins.
Article 344
Dans le cas où le prévenu ne parle pas suffisamment la
langue l’arabe, ou s’il est nécessaire de traduire un
document versé aux débats, le président désigne d’office
un
interprète, âgé de dix-huit ans au moins, et il lui fait
prêter serment de remplir fidèlement sa mission.
Le Ministère public, le prévenu et la partie civile
peuvent refuser l’interprète en motivant leur récusation. Le
tribunal se prononce sur cette récusation et sa décision
n’est susceptible d’aucune voie de recours.
|
En Mauritanie, il existe
aussi des tribunaux religieux habilités à trancher les litiges selon les règles
islamiques. À l'origine, le calife choisissait une personne déléguée, le cadi,
reconnue parmi les connaisseurs du Coran et des mécanismes de son
interprétation. Le cadi devait être un moujtahid, c'est-à-dire une personne
ayant des connaissances particulières non seulement du Coran, mais aussi de la
langue arabe, afin de lui permettre d'interpréter les textes et de trouver des
solutions à cet effet.
En vertu du
décret n° 74-044 du 14 février 1974 portant organisation du concours pour le
recrutement de cadis, les autorités mauritaniennes ont prévu d'organiser
des concours pour recruter des cadis, dont la connaissance de la culture et de
la langue arabes :
Article 5
Le programme du concours comporte:
- Une épreuve de culture générale en langue arabe; - Trois épreuves de culture juridique en langue arabe.
|
En raison de sa connaissance du droit musulman, le cadi est
généralement très respecté en Mauritanie et il joue un rôle important dans la
vie publique. Aujourd'hui, les cadis n'ont plus beaucoup de pouvoirs pour pour
rendre exécutoires les jugements qu'ils rendent. C'est pourquoi les cadis jouent
souvent le rôle d'arbitre dans les litiges dans ou entre les familles.
Malgré l'importance de l'arabe pour les autorités
mauritaniennes dans la vie politique et sociale, l'article 101 de l'ordonnance
n° 83-162 du 09 juillet 1983 portant institution d’un Code pénal
autorise l'emploi d'autres langues lorsque les forces de l'ordre veulent
avertir un attroupement armé de se disperser :
Article 101
Sont interdits sur la voie publique ou dans un lieu
public :
1. Tout attroupement armé;
2. Tout attroupement non armé qui pourrait troubler la
tranquillité publique.
[...]
Dans les autres cas, l'attroupement est dissipé par la
force après que, soit le préfet, soit un commissaire de
police ou tout autre officier de police judiciaire porteur
des insignes de sa fonction :
1. Aura annoncé sa présence par un signal sonore ou
lumineux de nature à avertir efficacement les individus
constituant l'avertissement;
2. Aura sommé les personnes participant à l'attroupement,
dans la langue de la majorité d'entre elles, de se disperser
à l'aide d'un haut-parleur ou en utilisant un signal sonore
ou lumineux de nature également à avertir efficacement les
individus constituant l'attroupement;
3. Aura procédé de la même manière à une seconde
sommation Si la première est restée sans résultat.
La nature des signaux dont il devra être fait usage sera
déterminée par décret. |
Il s'agit d'un cas assez rare où l'emploi d'une langue
négro-mauritanienne peut être employée. C'est ce qu'on appelle un cas de
force majeure.
4.4 Les langues dans l'administration publique
La majorité des fonctionnaires employés dans la fonction publique mauritanienne,
c'est-à-dire plus de 90 % des quelque 31 000 employés, est d'origine arabo-berbère, donc de langue arabe.
De même,
près 90 % des
membres des Forces armées mauritaniennes et dans l’administration territoriale
sont des Maures blancs de culture arabe. En
principe, tous les employés de l'État parlent le hassanya, l'arabe moderne et le français.
En réalité, beaucoup d'employés subalternes et de simples soldats ne connaissent
que le hassanya et un peu d'arabe moderne pour l'écrit. Dans l'ensemble,
l'administration publique est aujourd'hui très arabisée, alors que
les deux tiers des fonctionnaires et des agents contractuels de l'État
travaillent à Nouakchott.
En 2014, le gouvernement a prévu des sessions de
perfectionnement en arabe, en français et en anglais pour plus de 200
fonctionnaires et agents de la Fonction publique au centre d'enseignement des langues de l'École
nationale d'administration
de Nouakchott (ENA). Ces sessions de formation, qui ne coûtent pas très cher
au gouvernement, sont mis en œuvre
en collaboration avec les ambassades de France et des États Unis. De plus,
un projet de décret prévoie
instaurer une nouvelle structure de formation supérieure
dont la vocation serait d'offrir une formation dans le domaine des langues
vivantes, de la traduction et de l'interprétariat. Il s'agit d'un
Institut
supérieur professionnel de langues, de traduction et d'interprétariat.
- La toponymie arabe
Dans la
toponymie, les
autorités Mauritaniennes ont visiblement pris fait
et cause pour l'arabe, surtout depuis 1993. Ainsi, sur les 13 régions du pays, seules deux d'entre
elles portent des noms
négro-africains : le Gorgol et le Guidimakha. Dans tous les autres cas, la
toponymie provient soit de l'hassanya soit de l'arabe. Le gouvernement a adopté
une «politique de
mauritanisation» qui a eu pour effet d'arabiser les
dénominations françaises et africaines. Par exemple,
les dénominations françaises "Port-Étienne" et "Fort-Gouraud" sont
devenues "Nouadhibou" et "Zouérate", alors que les noms africains comme Sélibaby
et Rosso sont devenus respectivement "Ould Ely Babe" et "L’Guareb".
Comme on
pouvait s'y attendre, les «régions» sont devenues désormais en arabe des
"wilayas" et les «départements», des "moughataa". Il est
désormais interdit d'employer les mots «gouverneur» pour wali, «préfet»
pour hakem, «juge» pour qadi, «région» pour wilaya,
«département» pour
moughataa, etc., même dans un journal
parlé ou télévisé en langue française. Ces mots doivent être remplacés par les
termes obligatoires empruntés à l'arabe.
Il en est ainsi dans les noms
de villes. Par exemple, à Nouakchott, tous les noms de quartiers ou
d'arrondissements portent des noms de personnalités arabes importantes: Riad, Bagdad, Arafat, Bouhdida, Teyarett, Tevragh Zeina, Bassorah,
etc. Toutes les appellations négro-africaines et françaises ont été transformées
en arabe. Au moment de l'indépendance, rares étaient les villes qui portaient un
nom arabe. En général, elles avaient une appellation berbère (p. ex. Nouakchott)
ou française (Port-Étienne). Aujourd'hui, seuls les quartiers urbains à majorité
négro-africaine ont conservé leurs noms d'origine.
Bref, l'absence de plus en plus manifeste des langues nationales africaines dans la
toponymie reflète la rivalité ethnique qui a exercé un grand rôle dans les divisions
et les tensions politiques en Mauritanie.
- Le rôle des Négro-Mauritaniens
Dans les régions négro-mauritaniennes, des fonctionnaires sont noirs et parlent,
en plus du français, différentes langues locales (poular, soninké et wolof). De
façon générale, les Négro-Mauritaniens et les Maures noirs sont sous-représentés
aux postes de niveau intermédiaire et supérieur. Évidemment, la connaissance de
l’arabe moderne dans l'administration constitue un puissant outil de
domination et d’exclusion, car l'État a entrepris de s'adresser à toute la population mauritanienne au moyen
de la seule langue arabe. Les tests linguistiques se font toujours en arabe
moderne.
- La langue française
Néanmoins, le français a conservé certaines prérogatives. Ainsi, les
en-têtes des
lettres officielles et de toute la correspondance apparaissent en arabe et
en français. Sur les plaques d'immatriculation des véhicules motorisés, c'est un
système de numération en français qui est employé et aucune inscription
n'apparaît en arabe.
Dans les panneaux d'affichage, les langues
nationales sont nettement défavorisées, puisque la plupart des inscriptions, y
compris la publicité commerciale, sont rédigées en arabe et en français.
En fait, de nombreux ministères, notamment ceux à
vocation économique ou technique (Finances, Affaires économiques, Énergie,
Industrie, etc.) demeurent des bastions pour le français. La plupart des
formulaires administratifs et des études sont rédigés en français. Lorsque les
documents sont bilingues, la version originale est
toujours le français, l'arabe demeurant une
traduction. Même les lois et les règlements sont
souvent rédigés d'abord en français, puis traduits
en arabe.
- La citoyenneté
Au lendemain de l'indépendance,
l'article 19 de la
loi n° 1961-112 portant Code de la nationalité mauritanienne (1961)
admettait comme langues admissible à la citoyenneté mauritanienne le toucouleur,
le saracollé, le ouolof (wolof), le bambara, le hassanya, l'arabe et le français
:
Article 19
(remplacé
par un nouvel article) Nul ne peut être naturalisé:
1. s'il n'est reconnu sain de corps et d'esprit;
2.
s'il ne parle couramment l'une des langues
suivantes: toucouleur, saracollé, ouolof, bambara,
hassania, arabe, francais;
3. s'il n'est de bonne vie et
mœurs, ou s'il a été condamné pour infraction de
droit commun à une peine privative de liberté non
effacée par la réhabilitation ou l'amnistie.
Les peines prononcées à l'étranger pour des délits
politiques pourront toutefois ne pas être prises en
considération pour l'application du présent article. |
En 2010, le même article de la
loi n° 2010 – 023 du 11 février 2010 abrogeant et remplaçant certaines
dispositions de la loi 61–112 du 12 juin 1961 portant code de la nationalité
mauritanienne ne mentionnait plus que l'arabe, le poular, le soninké et
le wolof:
Article 19 (nouveau)
Nul ne peut être naturalisé:
1– s’il n’est reconnu sain
de corps et d’esprit;
2–
s’il ne parle couramment l’une des langues nationales :
l’arabe, le poular, le soninké et le wolof;
3– S’il n’est de bonne vie
et mœurs, ou s’il a été condamné pour infraction de
droit commun à une peine privative de liberté non
effacée par réhabilitation ou l’amnistie.
|
- L'administration
publique
Dans le Code des obligations et des contrats
-
Ordonnance n°89- 126 du 14 septembre (1989), la loi
privilégie nettement l'arabe au lieu du français:
Article 866
Le mandant n'est pas tenu de ce que le mandataire aurait
fait en dehors ou au-delà de ses pouvoirs, sauf dans les cas
suivants :
Article 860. Un seul alinéa comme
le texte en arabe, au
lieu de deux.
1° Lorsqu'il l'a ratifié, même tacitement; 2° Lorsqu'il en a profité; 3° Lorsque le mandataire a contracté dans des conditions
plus favorables que celles portées dans ses instructions ; 4° Même lorsque le mandataire a contracté dans des
conditions plus onéreuses, si la différence est de peu
d'importance, ou si elle est conforme à la tolérance usitée
dans le commerce ou dans le lieu du contrat.
Article 1024
"Synallagmatique" et "bilatéral" couvrent en principe la
même notion . Il s'agit du contrat qui oblige chacune des
parties vis-à-vis de l'autre.
Dans cette disposition, le texte en français ne
correspond pas au texte en arabe, qui vise à juste titre, le
contrat commutatif.
Explications complémentaires en annexe.
Toute obligation ayant pour cause une dette de jeu ou un
pari est nulle de plein droit.
Article 1179
Pour combler les lacunes de cette ordonnance, il est fait
référence au rite malékite.
Pour lever toute équivoque dans la version française de
ce texte la version arabe fait foi. |
Par contre, dans une loi plus récente, la
loi n° 2004-017 portant Code du travail (2004),
toute convention collective doit être obligatoirement écrite en langue arabe et
en français:
Article 71
Forme
La convention collective doit être obligatoirement écrite en
langue arabe et en français.
Elle est établie sur papier libre et signée par les
représentants mandatés des parties contractantes. |
Il faut comprendre que le français remplace en principe les langues
nationales négro-africaines. Dans la
loi n° 2000-05 portant Code de commerce (2000), il n'est fait aucune
mention d'une langue particulière, mais la réalité laisse croire qu'il s'agit
der l'arabe et du français, car dans le monde du travail et des affaires cette
langue est est demeurée importante:
Article 813
La lettre de change contient :
1. la dénomination de lettre de change insérée dans
le texte même du titre et exprimée dans la langue
employée pour la rédaction de ce titre;
2. le mandat pur et simple de payer une somme
déterminée;
3. le nom de celui qui doit payer (tiré);
4. l'indication de l'échéance;
5. celle du lieu où le paiement doit s'effectuer;
6. le nom de celui auquel ou à l'ordre duquel le
paiement doit être fait;
7. l'indication de la date et du lieu où la lettre est
créée;
8. la signature de celui qui émet la lettre (tireur),
cette signature est apposée, soit à la main, soit par
tout procédé non manuscrit.
|
Il en est ainsi dans le
décret n° 2011-180 du 07/07/2011/PM portant application de certaines
dispositions de la loi n° 2010-044 du 22 juillet 2010 portant Code des
marchés publics (2011):
Article 19
Du contenu du dossier d’appel d’offres
Le dossier d’appel d’offres comprend notamment,
- l’avis d’appel d’offres, l’objet du marché, les
conditions auxquelles doivent répondre les offres, le lieu
et les date/heure limites de réception et d’ouverture des
offres, le délai pendant lequel les candidats resteront
engagés par leurs offres, qui doit être compris entre
soixante et quatre
vingt dix jours, les obligations en matière de cautionnement
provisoire et les pièces administratives exigées, les
justifications à produire concernant les qualités et les
capacités exigées des soumissionnaires, éventuellement
d’autres considérations décidées par l’autorité contractante
et notamment les considérations spéciales qui entrent en
ligne de compte pour l’analyse des offres, les indications
relatives à la marge de préférence, la source de financement
;
[...]
Toutes les pièces, écrites, publiées, remises aux ou par
les candidats et titulaires, à quelque titre que ce soit,
sont établies dans la langue fixée par les dispositions du
dossier d'appel d'offres. |
Le
décret n° 45-79 du 24 avril 1979 relatif à l'organisation de la présidence du
gouvernement semble être l'un des rares documents juridiques concernant la
normalisation de la langue arabe:
Article 13
La Direction de la traduction est chargée :
a) de la
traduction des textes législatifs et réglementaires, des
accords, des conventions et des documents officiels de grande
portée ;
b) de l'élaboration d'une terminologie pour
l'utilisation et la normalisation de la
langue arabe en vue de son usage
dans les services publics.
La Direction de la
traduction comprend deux divisions. |
- Le service de la traduction
La Mauritanie s'est dotée de services à la traduction sous
l'appellation de «Direction de la traduction». C'est le
décret n° 68-078 du 7 mars 1968 créant une Direction de la traduction
qui créait la Direction de la traduction:
Article 2
La Direction de la traduction a
pour attribution :
— D'élaborer
les conditions d'utilisation des langues officielles, arabe
et française, dans tous les domaines,
notamment administratif, éducatif, culturel, économique et
technique ;
— De promouvoir, en liaison avec les services intéressés,
l'usage de la langue arabe
dans les programmes de campagne,
d'éducation populaire, d'alphabétisation des masses et
autres actions à caractère social ou culturel.
Article 3
Dans ce but, la direction de
la traduction est chargée :
1° De l'élaboration
d'une terminologie pour
l'utilisation et la normalisation de la langue arabe
en vue de son usage dans les services
publics. Les résultats de ces travaux, sous forme de
lexiques,
par domaines spécifiques, feront l'objet de textes
d'application qui en rendront
l'usage obligatoire.
2° De
la traduction d'une langue dans l'autre de tous textes et
documents officiels, ainsi que
de toute documentation à caractère officiel destinée à la
diffusion.
|
Il faut retenir non seulement la promotion de l'arabe dans les programmes de
campagnes populaires, mais aussi l'élaboration d'une terminologie arabe et
son emploi obligatoire dans les services publics. Ce genre d'intervention
ressemble à ce qui se passe en France avec la langue française. La
circulaire n° 28 du 12 mars 1968 du président Moktar Ould Daddah
ne fait que rappeler le même message:
Il
est créé une Direction de la traduction qui a pour mission,
entre autres tâches, de procéder à
la traduction, d'une langue officielle dans l'autre, de tous les
textes et documents officiels
ainsi
que de toute documentation à caractère officiel destiné à la
diffusion.
Pour ce faire, la Direction doit commencer, en collaboration
avec les services intéressés, à établir et à fixer, par domaines
spécifiques, une terminologie pour
l'utilisation de la langue arabe —
le problème ne se posant pas pour le français — en vue de son
usage dans les services publics.
Aussi, je vous demande
de désigner parmi votre personnel un fonctionnaire méthodique,
ayant une certaine technicité, pour établir, en collaboration
avec la Direction de la traduction,
la liste de mots techniques en usage dans tous les domaines
de votre département.
Les résultats de ces travaux,
une fois achevés et soumis à une commission, feront l'objet de
textes d'application
en
rendant l'usage obligatoire. |
D'après le
décret n° 181-2008 portant organisation des services du premier ministre,
(2008), la Direction de la traduction est devenue la Direction générale de
la législation, de la traduction et de l'édition:
Article 8
La Direction générale de la
législation, de la traduction et de l'édition du Journal
officiel est chargée de :
[...]
- assurer la traduction des
documents à caractère officiel et proposer des solutions aux
problèmes de linguistique juridique ; |
Les documents portant sur le code de la langue arabe sont
relativement rares dans les États arabes, car généralement les interventions
portent davantage sur le rôle symbolique de l'arabe classique que sur con
code.
4.5 La religion d'État
La
Constitution de 1991 énonce que la Mauritanie est une république islamique et
décrète à l'article 5 que l’islam est la religion de ses citoyens et de l’État:
«L'islam est la religion du peuple et de l'État.» C'est
pourquoi à l'article 1er, le prosélytisme est interdit pour les non-musulmans,
mais presque obligatoire pour les musulmans: «Toute
propagande particulariste de caractère racial ou ethnique est punie par la loi.»
Il en est ainsi pour la fabrication et la distribution de bibles et d’autres documents religieux
non musulmans. Cependant, les chrétiens ont le droit de posséder des bibles,
mais pas celui de les produire ni de les propager.
Dans les mosquées, les imans utilisent l'arabe hassanya pour leurs prêches, mais
l'arabe coranique pour les rituels. La plupart des imans sont des Arabes,
rarement des Négro-Africains, sauf dans les régions du Sud. De façon générale, les imans se contentent de
soulever leur auditoire pour prôner la destruction d'Israël, puis de rappeler
aux Mauritaniens qu'ils ont l'obligation de respecter les préceptes d'Allah.
Jamais leurs propos consistent à dénoncer les injustices, le racisme,
l'esclavage et la corruption dont souffre leur pays.
La plupart des imams sont eux-mêmes des commerçants ou des hommes d'affaires
prospères qui représentent en eux-mêmes les travers d’une société inégalitaire.
4.6 Les langues d'enseignement
En Mauritanie, la scolarité est obligatoire pour les six premières années
de l'enseignement primaire, mais la législation portant sur la fréquentation
scolaire obligatoire n’a jamais été appliquée de façon
efficace. L’enseignement public est gratuit jusqu’au niveau universitaire. Les
classes sont mixtes, comprenant garçons et filles de tous les groupes
sociaux et ethniques.
L'enseignement est régi par la loi
n° 2001-054 portant obligation de l’Enseignement fondamental
(2001) et la
loi n° 99012 du 26
avril 1999 relative à la réforme du système éducatif
national (1999). La loi de n° 2001-54 rend responsable
les parents ou les tuteurs de faire inscrire les enfants dont ils ont la charge
dans les quinze jours qui précèdent la date de la rentrée scolaire. En cas d’infraction aux dispositions de la
loi, les autorités administratives compétentes
peuvent demander aux personnes ayant
contrevenu à la loi de s'y conformer dans un délai prescrit, faute de
quoi celles-ci sont passibles des
peines prévues. Or, ces amendes sont lourdes pour les
Mauritaniens quand on sait que le revenu annuel individuel moyen est estimé à
420 € (560 $US) : selon la loi n° 2001-054,
ces amendes varient de 10 000 ouguiyas (25 € ou 33 $US) à 100 000 ouguiyas (258
€ ou 344 $US).
Quant à la
loi n° 99012 du 26
avril 1999 relative à la réforme du système éducatif
national (1999), l'article 2 prescrit l'arabe comme
seule langue d'enseignement en 1re année et, à
l'article 3, l'enseignement du français en 2e
année avec le calcul en 3e année et les
sciences naturelles en 4e année:
Article 2
L'arabe est la seule langue d'enseignement
en première
année pour tous les élèves inscrits dans les établissements
nationaux, publics et privés.
L'instruction civique est introduite à partir de la 1re
année en tant que discipline autonome.
Article 3
L'enseignement du français
est dispensé à partir de la
deuxième année.
L'enseignement du calcul
est assuré en français
à partir
de la 3e année.
L'enseignement des sciences naturelles
est dispensé en français
à partir de la 5e année.
Article 12
Dans le cadre de la poursuite de la promotion et du
développement des langues nationales, poular,
soninké et wolof, il est créé au sein de l’Université de Nouakchott, un
Département des
langues nationales.
Article 13
En attendant que le processus d’unification prévu par la
présente loi aboutisse au supérieur, des dispositions
réglementaires seront prises afin d’améliorer
le niveau
d’apprentissage des langues d'enseignement
et de renforcer
l'enseignement de l'instruction civique. |
Comme on peut le constater, aucun enseignement dans les langues nationales
africaines n'est prévu. Au primaire, l'arabe moderne est enseigné 13 h/semaine
en 1re année, mais 8 h/semaine en 2e,
en 3e et en 4e
année, puis 7 h/semaine en 6e et en 7e
année. Le français est donné à raison de 6 h/semaine à partir de la 2e
année.
Dans l'enseignement secondaire, il faut distinguer le premier cycle (7e,
8e et 9e
année) et le second cycle (10e, 11e
et 12e année). L'arabe moderne est enseigné 5
h/semaine dans le premier cycle et le français 6 h/semaine. Au second cycle, le
nombre d'heures pour l'arabe varie entre 2 et 3 h/semaine, le français entre 2
et 6 h /semaine, et l'anglais entre 2 et 4 h/semaine.
L'enseignement supérieur est assuré à la fois en français et en arabe par
l'université de Nouakchott (fondée en 1981) et ses trois facultés, l'École
normale supérieure, l'École nationale d’administration, le Centre supérieur
d’enseignement technique, l'Institut supérieur d’études et de recherches
islamiques, ainsi que l’Institut national des spécialités médicales. Dans
certains cas, il existe des «filières arabes» et des «filières bilingues».
Les effectifs étudiants sont de l’ordre de 15 400, dont 11 % de filles,
répartis entre la formation supérieure à l’étranger qui profite à environ
2700 étudiants et les établissements nationaux d’enseignement supérieur qui
accueillent quelque 12 700 étudiants. Dans les études supérieures, le nombre
des étudiants dans les filières arabisantes est deux fois plus élevé
que dans les filières francisantes ou bilingues. De plus, les bourses
nationales sont accordées prioritairement aux étudiants arabisants. Les
orientations d'étudiants à l'étranger vont généralement vers les pays arabes
(Maroc, Algérie, Tunisie, Syrie, Koweït, Bahreïn, etc.).
Le seul autre texte juridique portant sur la langue dans le domaine de
l'enseignement concerne l'
arrêté n° 041 du 28 mars 1974 fixant la nature des épreuves de contrôle en
vue du baccalauréat de la série lettres modernes, option arabe (1974).
Dans cet examen, les candidats doivent démontrer leurs connaissances de
l'arabe (quatre heures), du français (trois heures) et d'une langue
étrangère (deux heures):
Article 1er
La nature des épreuves de contrôle en vue du baccalauréat de
la série lettres modernes, option arabe, est fixée comme
suit :
-
Arabe, durée: quatre heures, coefficient 3.
L'épreuve
comporte, à partir d'un texte d'au moins une demi-page du
niveau des programmes étudiés en deuxième année de second
cycle :
- Des questions portant sur le sens du texte, le vocabulaire
et sa grammaire, - Suivies de questions sur la littérature et l'histoire
littéraire et d'un essai répondant à une ou plusieurs
questions se rapportant au texte.
- Français, durée : trois heures, coefficient 1,5. L'épreuve
comporte, à partir d'un texte de vingt à trente lignes, du niveau des programmes étudiés en deuxième année de second
cycle, écrit en français moderne aisément compréhensible
pour des lecteurs contemporains, pleinement intelligible
sans le secours d'une documentation spéciale :
- Des questions de difficulté graduée portant sur le sens
général du texte, sur le vocabulaire et la grammaire; - Suivies d'un essai d'une dizaine de lignes en français
répondant à une ou plusieurs questions se rapportant au
texte.
-
Deuxième langue vivante étrangère, durée: deux heures,
coefficient 0,.5. L'épreuve comporte, à partir d'un texte de
quinze à vingt lignes, du niveau des programmes étudiés en
deuxième année de second cycle, écrit en une langue moderne
aisément compréhensible pour des lecteurs contemporains,
pleinement intelligible sans le secours d'une documentation
spéciale :
|
Pour enseigner en Mauritanie dans une école primaire, il faut avoir suivi une
formation d'instituteur (ou d'instituteur-adjoint) dans l'une des deux écoles
normales du pays, soit à Nouakchott soit à Aïoun El Atrouss dans la région (wilaya)
du Hodh El Gharbi. Pour
enseigner dans un collège au secondaire, il faut détenir une formation de
professeur du premier cycle de l'enseignement secondaire à l'École normale
supérieure (ENS). Afin d'enseigner dans un lycée, il faut posséder une formation
de professeur du second cycle de l'enseignement secondaire à l'ENS, sanctionnée
par un certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement secondaire
(CAPES). La plupart des cours sont donnés en arabe, mais certains sont en
français.
Pour ce qui est du poular, du soninké et du wolof, qui font pourtant partie
intégrante du patrimoine culturel national, elles ne sont guère enseignées, bien
qu'elles devraient l'être au même titre que l'arabe dans le cadre d'une
politique linguistique globale. Pour ce faire, ll faudrait au moins continuer
les recherches en vue de la promotion des langues nationales
négro-mauritaniennes. À l'exception des velléités du régime militaire, rien de
concret n'a été entrepris en vue de la transcription des langues nationales.
4.7 La place des langues dans
les médias
La Constitution garantit la liberté d'expression et la
liberté de la presse. Selon l'organisme
Reporters sans frontière, la
Mauritanie serait le premier pays
arabe en matière de liberté de la presse et l’un des premiers pays
africains. Elle devancerait tous ses voisins, sauf le Sénégal
qui apparaissait en 59e position
en 2013. Pour les autorités mauritaniennes, être
le
premier des pays du monde arabe en matière de liberté de presse
semble constituer une consécration, mais en réalité il s'agit d'une position
très modeste.
- La liberté de presse
Malgré les garanties que présente la Constitution, le gouvernement a fait
adopter une loi à ce sujet: l'ordonnance n° 91-023 du 25 juillet 1991 sur la liberté de la presse.
Cette loi a été abrogée en 2006 par la nouvelle
ordonnance n° 017-2006 sur la liberté de la presse.
Cette loi se veut plus libérale, mais elle contient encore toutes les
mesures qui peuvent entraver la liberté de la presse, soit les articles 21,
32, 35, 36, 39 et 70. Ainsi, l'article 21 énonce que les publications ou
journaux étrangers, quelle que soit leur langue, sont passibles
d'interdiction et de lourdes amendes s'ils portent atteinte à l'islam, au
crédit de l'État, s'ils nuisent à l'intérêt général ou compromettent l'ordre
et la sécurité publics:
:
Article 21
La circulation, la distribution ou la mise
en vente sur le territoire de la République islamique de
Mauritanie de journaux ou écrits périodiques étrangers,
quelle que soit la langue dans laquelle ils sont imprimés
et
quel que soit le lieu de leur impression, peuvent être
interdites par arrêté du ministre de l'Intérieur,
lorsqu'ils
sont susceptibles de porter atteinte à l'islam ou au crédit
de l'État, à nuire l'intérêt général, à compromettre l'ordre
et la sécurité publics.
Lorsqu'elles sont faites sciemment, la mise
en vente, la distribution ou la reproduction de journaux ou
écrits interdits sont punies d'une amende de 200.000 à
500.000 UM. Il en est de même de la reprise sous un titre
différent de la publication d'un journal ou d'un écrit
interdits. Toutefois, en ce cas l'amende est portée au
double.
Il est procédé à la saisie administrative
des exemplaires et des reproductions de journaux ou écrits
interdits, et de ceux qui en reprennent la publication sous
un titre différent.
L'arrêté d'interdiction est susceptible de
recours devant la Chambre administrative du tribunal de
wilaya, dans le ressort duquel se trouve le journal a été
distribué, qui doit statuer dans un délai maximum de 24
heures à compter de la date du dépôt de la requête.
|
Cette disposition de l'article 21 est évidemment sujette à toutes sortes
d'interprétations tout en suspendant une épée de Damoclès sur la presse
étrangère. L'article 35 prévoit qu'une «offense au président de la République»
est passible d'une amende de 200 000 à deux millions d'ouguiyas,
soit de 515 € (ou 687 $US) à 5145 € (ou 6866 $US).
Selon l'article 36, tout journaliste qui publie «de nouvelles fausses» est
passible d'une peine de prison de trois mois ou d'une amende débutant à 500 000
d'ouguiyas (1280 € ou 1708 $US) et pouvant aller jusqu'à
trois millions d'ouguiyas (7715 € ou 10 295 $US). Pire,
si les mêmes faits sont «de nature à ébranler la discipline ou le moral des
armées ou à entraver l'effort de guerre de la Nation», la peine de prison est
portée à six mois de prison en plus d'une amende pouvant s'élever à cinq
millions d'ouguiyas, soit 12 820 € ou 17 110 $US.
Mais ce n'est pas suffisant, car l'article 39 de l'ordonnance n° 017-2006
prévoit des peines pour toute diffamation «envers un ou plusieurs membres du
gouvernement, un ou plusieurs membres de l'une ou l'autre
Chambre, un fonctionnaire public, un employé chargé d'un
service ou d'un mandat public, temporaire ou permanent, un
juré ou un témoin».
Article 39
Sera punie de la même peine la diffamation
commise par les mêmes moyens, à raison de leur fonction ou
de leur qualité, envers un ou plusieurs membres du
gouvernement, un ou plusieurs membres de l'une ou l'autre
Chambre, un fonctionnaire public, un employé chargé d'un
service ou d'un mandat public, temporaire ou permanent, un
juré ou un témoin, à raison de sa déposition.
La diffamation contre les mêmes personnes concernant leur
vie privée relève de l'article 40 ci-après.
|
Enfin, en vertu de l'article 70 de l'ordonnance n° 017-2006, le ministre de l'Intérieur et les
autorités administratives locales peuvent ordonner par arrêté motivé
la saisie administrative de tout numéro d'un journal ou
écrit périodique, imprimés placards, affiches, films ou
dessins dont la publication porte atteinte ou est
susceptible de porter atteinte à l'islam, à nuire l'intérêt
général, à compromettre l'ordre et la sécurité publics:
Article 70
Indépendamment des poursuites et de la
saisie judiciaire opérées en vertu des dispositions de la
présente ordonnance, le ministre de l'Intérieur et les
autorités administratives locales dans les limites de leur
compétence territoriale, pourront ordonner par arrêté motivé
la saisie administrative de tout numéro d'un journal ou
écrit périodique, imprimés placards, affiches, films ou
dessins dont la publication porte atteinte ou est
susceptible de porter atteinte à l'islam, à nuire l'intérêt
général, à compromettre l'ordre et la sécurité publics.
Ces mêmes autorités peuvent interdire, par
arrêté motivé, l'exposition sur les voies publiques et dans
tous les lieux ouverts au public, ainsi que la diffusion par
quelque moyen que ce soit sur la voie publique, de toute
publication contraire à l'ordre et la moralité publics ou
présentant un danger pour les enfants et adolescents.
|
Cette disposition contient également des notions vagues qui laissent le champ
libre à toutes sortes d'interprétation et reprend presque mot à mot les
dispositions de l'article 11 de
l'ordonnance n° 91-023 du 25 juillet 1991 sur la liberté de la presse.
Cette ordonnance de 1991, de même que l'ordonnance n° 017-2006 sur la liberté de la presse,
a servi comme arme de répression contre les médias. Il ne faut jamais oublier
qu'en Mauritanie la liberté d'expression et la démocratie ne doivent pas servir
de prétexte à l'instauration de l'anarchie. Depuis l’indépendance du pays en
1960, les dirigeants politiques se sont toujours évertués à s'assurer le
contrôle des organes d’information.
- La presse écrite
Il existe une centaine de journaux qui
paraissent régulièrement en français et/ou en arabe. Une dizaine d'entre eux
disparaissent chaque année pour laisser la place à d'autres. Deux quotidiens,
Horizon (en français) et Chaab (en arabe) appartiennent au gouvernement et sont
généralement consacrés aux nouvelles officielles. La plupart des journaux privés
sont publiés en arabe avec plus de 45 titres (Akhbar Nouakchott, Al Aqsa,
Al Qalam, Al Shaab, Al Siraj, Sahara Media, etc.), mais près d'une
trentaine sont en français (La Calame, La Tortue, La Tribune, Le
Méhariste, Mauritanie Nouvelle, L'Éveil Hebdo, etc.) et quelques-uns
sont édités à la fois en arabe et en français, dont Rajoul Esharee.
Il n'existe pas de journaux dans les langues nationales ni
en hassanya. La tradition essentiellement
orale liée à ces langues fait qu’elles sont inexistantes dans le domaine de
la presse écrite. La plupart des journaux sont imprimés par
l'Imprimerie nationale, mais quelques-uns le sont par l'Imprimerie nouvelle,
une société privée.
- Les médias électroniques
La plupart des médias électroniques mauritaniens,
c'est-à-dire la radio et la télédiffusion, appartiennent à l’État. La chaîne
Radio-Mauritanie émet vingt-quatre heures sur vingt-quatre à Nouakchott. Le
français est limité à deux éditions de journal dont les temps cumulés ne
dépasseraient pas vingt minutes. Quant aux autres langues, c'est-à-dire les
langues nationales, leur temps d’antenne quotidien se limite à moins d’une
heure. Le temps restant étant partagé entre l’arabe moderne et le hassanya.
Dans les zones rurales du Sud-Ouest, les radios émettent plus de 60 % de
leurs émissions en poular, en soninké et en wolof.
Dans ces régions, le français local est utilisé dans les stations privées.
Créée en 1982, la Télévision mauritanienne demeure
l'unique chaîne nationale. Elle est relayée par satellite afin d’élargir sa
couverture aux principales villes du pays. La Mauritanie est caractérisée
par un contrôle étroit de l’État sur les médias, malgré quelques périodes
ponctuelles d’allégement du dispositif et d’ouverture. À la télévision
nationale les émissions sont quotidiennes en ce qui concerne l'arabe, le
hassanya et le français, mais avec une prépondérance pour les deux
premières. Quant aux langues nationales, elles ne disposent que d'un temps
d'antenne limité par jour. Par exemple, le poular bénéficie de 50 minutes
par semaine; le soninké, de 50 minutes par semaine; le wolof, de 25 minutes
par semaine.
En janvier 2013, la Haute Autorité pour la presse et
l’audiovisuel (HAPA) a autorisé trois nouvelles chaînes de télévisions qui,
jusqu'à présent, émettaient de l'étranger: Mourabitoune, Dava
et Chinguitt TV. Elles peuvent dorénavant être diffusées localement.
Radio France Internationale (RFI) est rediffusée localement et il est
possible de recevoir des émissions télévisées du monde entier grâce à des
récepteurs satellitaires et des antennes paraboliques.
Par ailleurs, le français est très présent sur la scène
médiatique, notamment dans les journaux privés (Le Calame, la Tribune, le
Quotidien de Nouakchott, L’Éveil-Hebdo), le journal gouvernemental
Horizon, ainsi que dans les journaux d’information à la radio et à la
télévision. On se demande si la radio française RFI n’est pas mieux écoutée
que Radio-Mauritanie. Dans la rue, les panneaux routiers et les enseignes
des magasins sont pour la plupart bilingues.
- Les quotas
linguistiques
En 2006, l'ordonnance n° 2006-034 du 20 octobre 2006
créait la Haute Autorité de la presse et de l'audiovisuel connue aussi
sous le sigle HAPA. Cette ordonnance fut abrogée et remplacée par la
loi n° 2008-026
abrogeant et remplaçant l'ordonnance n° 2006-034 du 20 octobre 2006
instituant la Haute Autorité de la presse et de l'audiovisuel. Cette
dernière loi fut elle-même abrogée et remplacée par la
loi n° 2012-018 modifiant certaines dispositions de la
loi n° 2008-026 du 6 mai 2008 abrogeant et remplaçant l’ordonnance n° 2006-034 du 20 octobre 2006 instituant la
Haute Autorité de la presse et de l’audiovisuel (HAPA).
La HAPA est une autorité administrative indépendante
disposant de la personnalité morale et de l’autonomie financière; elle vise
à régulariser les médias en Mauritanie. C'est cet organisme qui accepte,
refuse ou retire les permis pour la création de nouvelles chaînes de radio
ou de télévision. C'est aussi l'HAPA qui fait respecter dans les
programmes les grilles de quotas linguistiques pour la production
audiovisuelle nationale.
En effet, la
loi n° 2010-045 du 26 juillet 2010 relative à la communication audiovisuelle
(2010) impose des quotas de langues aux chaînes de radio et de télévision
dans la production audiovisuelle nationale:
Article 1er
Pour l’application de la présente loi et des textes pris pour
son application, on entend par :
13) Production audiovisuelle nationale : Toute production
audiovisuelle dont le contenu est à fort enracinement
mauritanien, dont la personne morale qui prend l’initiative et
la responsabilité de la réalisation est installée en Mauritanie
et a recours à des compétences majoritairement nationales et
qui est diffusée en langues nationales ou
éventuellement en d’autres langues. |
L'article 8 de la
loi n° 2010-045 oblige les opérateurs de communication audiovisuelle à
respecter la diversité culturelle et linguistique, conformément aux quotas
des langues nationales définis dans les cahiers de charges:
Article 8
Les opérateurs de
communication audiovisuelle doivent :
-
respecter le droit du citoyen à l’information et à
l’expression
- fournir une information pluraliste et fidèle;
- respecter la diversité culturelle et
linguistique de notre société conformément aux quotas des
langues nationales définis dans les cahiers de charges;
|
L'article 25 énumère les langues concernées dans le cahier
de charges, notamment la durée et les caractéristiques générales des
programmes réservés en arabe, en poular, en soninké et en wolof:
Article 25
Les cahiers de
charges des opérateurs de communication audiovisuelle seront
fixés par la HAPA et sont publiés après leur approbation par le
ministre chargé de la communication dans le bulletin spécial de
cette autorité.
[...]
Le cahier des
charges doit préciser notamment :
1. L’objet de la
licence ou de l’autorisation, sa durée ainsi que les conditions
et les modalités de sa modification et de son renouvellement ;
2. Les
engagements de l’attributaire notamment en ce qui concerne :
-
l'établissement du réseau, dont ceux relatifs à la zone de
couverture du service et au calendrier de réalisation ainsi
qu’aux modalités techniques de l'émission ou de la
transmission;
- l’exploitation, notamment la séparation des différents
éléments des programmes, les conditions d'accès aux points
hauts faisant partie du domaine public, les conditions et
modalités de câblage des signaux ;
- la durée et les caractéristiques
générales des programmes, notamment la part de la production
propre, les quotas en langues nationales (arabe, poular,
soninké et wolof), la part et les conditions d’insertion des
messages publicitaires, la part des émissions parrainées ;
- le recours en priorité aux
ressources humaines mauritaniennes;
- les obligations mises à la charge de l’opérateur en
matière de recrutement de personnel qualifié ;
|
Le cahier des charges concernant l'audiovisuel n'est pas
encore totalement connu, mais il impliquerait (art. 21) que la diffusion des
œuvres musicales d’expressions mauritaniennes interprétées dans une langue
régionale en usage en Mauritanie ou par des artistes d’origine mauritanienne
doit atteindre un minimum de pourcentage. À la radio, il est imposé un
maximum de pourcentage pour les programmes diffusées dans une langue
étrangère. Ces quotas fixés par la HAPA sont perçus par certains comme
une contrainte contre l'épanouissement des cultures et des langues non
arabo-berbères, telles le français et les langues nationales africaines.
En Mauritanie, ce sont les élites arabophones qui détiennent le
pouvoir depuis l'indépendance. Elles ont aussitôt élaboré une politique
linguistique axée essentiellement sur l'éducation et l'enseignement des langues.
Tous les gouvernements, tous régimes confondus à l'exception de rares petites
parenthèses, ont fait la promotion du panarabisme issu du
nassérisme égyptien et du baassisme syrien, au point de créer une rupture entre
les deux communautés arabes et négro-africaines qui composent la Mauritanie.
Les principales réformes en éducation pour la promotion de
l'arabe ont eu lieu
en 1967, en 1973, en 1978 et en 1999.
La variété d'arabe choisi a été l'arabe classique aux
dépens de toutes les langues nationales, que ce soit le hassanya, le poular, le
soninké, le wolof, le bambara, le berbère, etc. Cependant, l'arabe classique
n'a pas fait fureur en Mauritanie : les locuteurs lui ont préféré l'arabe
moderne moins éloigné du hassanya que l'arabe coranique. Dans le processus
d'officialisation, toutes les langues nationales ont été écartées, y compris
le hassanya, la langue maternelle de la majorité de la population.
Les courants nationalistes arabes ont tout fait pour que l’on reconnaisse la
Mauritanie comme un pays arabe, alors que l’arabité ne constitue qu’une
partie de son identité.
Il existe en Mauritanie des
lobbys très puissants qui dictent aux différents gouvernements la politique
à suivre en matière culturelle et linguistique.
Si l'État mauritanien a adopté une politique à
l'égard des langues nationales, c'est celle de la non-intervention et de
l'exclusion, voire de l'hostilité.
À la suite de conflits ethniques qui paralysent le
pays depuis plus d'un demi-siècle, les langues nationales n'ont jamais été
officialisées. Normalement, lorsqu'un
État déclare une langue «nationale», il ne
s'engage pas lui-même à utiliser cette langue, mais il en assure la
protection et la promotion, afin d'en faciliter l'utilisation par les
citoyens. L'objet de cette mesure est de reconnaître que le ou les groupes
concernés ne sont pas de simples minorités et qu'ils font partie du
patrimoine national. Par exemple, au Sénégal, le gouvernement facilite
l'enseignement du wolof en tant que «langue nationale», mais il continue
d'utiliser le français comme «langue officielle» dans l'administration.
D'ailleurs, c'est ce que nous pouvons lire dans le préambule de la
Constitution mauritanienne:
La langue
arabe, langue officielle du pays et les autres langues
nationales, le poular, le soninké et le wolof, constituent,
chacune en elle-même, un patrimoine national commun à tous les
mauritaniens que l’État se doit, au nom de tous, de préserver et
promouvoir. |
Cependant, en Mauritanie, le
statut de «langue nationale» ne veut rien dire,
sauf pour l'arabe qui est aussi doté du statut de «langue officielle».
Quant au français, bien qu'il n'ait aucun
statut juridique en Mauritanie, il bénéficie dans les faits (de facto)
de prérogatives d'une langue co-officielle. En effet, il est utilisé dans
les textes de lois, les formulaires administratifs, l'enseignement et les
manuels scolaires, la publicité, les médias, etc.
La politique linguistique de la
Mauritanie est une politique vouée à l'échec parce qu'elle discrimine toutes
les langues parlées par la population, d'abord le hassanya, puis les langues
négro-africaines, au profit de deux langues qui ne sont la langue maternelle
d'à peu près personne, c'est-à-dire l'arabe moderne et le français. La
politique d'arabisation instaurée par l'oligarchie mauritanienne a été
imposées d'en haut par le pouvoir politique à toute la population.
Contrairement à d'autres pays occidentaux, par exemple la Pologne, la
Lituanie ou l'Estonie, qui ont élaboré des politiques linguistiques
réhabilitant la langue du peuple (polonais, lituanien ou estonien) contre
l'omniprésence du russe, l'État mauritanien a voulu d'abord supprimer la
langue du colonisateur, le français, pour ensuite imposer une autre langue,
l'arabe classique en lieu et place de l'arabe mauritanien, le hassanya.
Or, la politique linguistique aurait été
fort différente si elles avaient été orientées vers l'arabe mauritanien et
les langues afro-africaines, plutôt que vers l'arabe moderne que personne ne
parle. Ainsi, il n'apparaît pas ni normal ni rentable que l'arabe hassanya
soit éliminé au profit d'une variété d'arabe strictement académique.
Quoi qu'il en soit, la politique linguistique mauritanienne consiste à
disqualifier les langues maternelles des citoyens, l'arabe hassanya et les
langues nationales, afin de privilégier l'opposition entre deux langues
secondes, l'arabe moderne et le français. Ce genre de politique linguistique
est certainement voué à l'échec.
En Mauritanie, l'arabité s'est révélé un
concept dangereux qui devait être manipulé avec prudence et doigté. On se
demande encore ce qui a bien pu amener tous les gouvernements mauritaniens à
ouvrir cette vilaine boîte de Pandore ou à la laisser ouverte. De nombreux
pays abritent des groupes ou des communautés minoritaires. Faute de statut
officiel pour toutes les langues en présence, ce qui n'est pas
nécessairement souhaitable, des États ont su trouver des pratiques, sur une
base nationale ou régionale, afin d'accorder des droits linguistiques à
leurs minorités aux plans scolaire, administratif et judiciaire. En plus
d'un demi-siècle, la Mauritanie n'a jamais su trouver de solution
satisfaisante. L'exemple de la Mauritanie démontre éloquemment que
l'idéologie nationaliste qui fait fi des minorités peut entraver le
développement économique en suscitant des conflits à perpétuité. Les
dirigeants mauritaniens ne l'ont malheureusement jamais compris, aveuglés
par leurs réflexes d'assimilation et de xénophobie. Décidément, le partage
du pouvoir semble impossible en Mauritanie. De toute façon, aux prises avec
une justice défaillante et des fonctionnaires réputés corrompus, l'État
mauritanien semble incapable de faire respecter ses lois dans le pays.
Dernière mise à jour:
22 avr. 2022
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