Tanzanie

United Republic of Tanzania
Jamhuri ya Muungano wa Tanzania

République unie de Tanzanie
 

Capitale: Dodoma 
Population: 34,8 millions (2003)
Langues officielles: anglais (de facto) et swahili (de facto)   
Groupe «majoritaire»: swahili comme langue seconde ( 93,4 %) 
Groupes minoritaires: sukuma (15,5 %), gogo (4,1 %), haya (3,7 %), tumbuka (3,1 %), nyamwezi (2,8 %), makondé (2,8 %), hehe (2,3 %), nyakyusa-ngondé (2,3 %), chagga (1,8 %), nyaturu (1,7 %), maasaï (1,3 %), nilamba (1,3 %), yao (1,2 ), makhuwa-meetto (1,1), swahili (1 %), etc. 
Langue coloniale: anglais 
Système politique: république unitaire
Articles constitutionnels (langue): aucune disposition dans la Constitution de 1977 
Lois linguistiques: Loi sur les autorités locales (1979); Loi sur les juges de paix (1984)
; Loi sur la procédure pénale (1985); Loi sur les brevets d'invention (1987); Loi sur la citoyenneté de la Tanzanie (1995); Loi sur les assurances (1996); Loi sur les entreprises (2002); Loi d'interprétation des lois (2002); Loi sur les marchés publics (2011); Loi sur l'administration fiscale (2015); Loi sur l'aide juridique (2017).

1 Situation géopolitique

La Tanzanie, appelée officiellement République unie de Tanzanie, est un pays d'Afrique orientale, ouvert sur l'océan Indien. La Tanzanie continentale partage ses frontières avec huit pays: le Kenya au nord-est, l'Ouganda au nord, le Burundi, le Rwanda et le Congo-Kinshasa à l'ouest, la Zambie, le Malawi et le Mozambique au sud (voir la carte du pays).  Par ailleurs, trois lacs constituent des frontières naturelles en Tanzanie: le lac Victoria (séparant la Tanzanie de l'Ouganda), le lac Tanganyika (partagé entre la Tanzanie, le Burundi et le Congo-Kinshasa) et le lac Malawi (séparant le Malawi du Mozambique). La Tanzanie couvre une superficie totale de 945 100 km² (presque deux fois la France).

Le pays compte également une partie insulaire (d'une superficie de 2634 km²) sur l'océan Indien, à quelque 40 km de la côte tanzanienne: les îles de Zanzibar, Pemba et Mafia (voir la carte détaillée). Le terme de Zanzibar désigne trois entités: un archipel, son île principale et sa capitale (Zanzibar Town).

Cependant, le véritable nom de l'île Zanzibar est Unguja. Zanzibar, officiellement République autonome de Zanzibar, constitue un État insulaire de la République unie de Tanzanie. Cet État non souverain possède son propre gouvernement semi-autonome formé d’un Conseil révolutionnaire et d’une Chambre des représentants. Autrefois pivot commercial de l’ensemble de l’Afrique orientale, Zanzibar a attiré les Sumériens, les Assyriens, les Phéniciens, les Arabes, puis les Chinois et les Malais. On l’appelle souvent «l’île aux épices» en raison des clous de girofle, cannelle, muscade, vanille, cardamome, poivre et autres qui l’ont rendu célèbre. On compte aussi plus de 50 petites îles dans l'archipel de Zanzibar.

La capitale était Dar-es-Salaam (située sur la côte) jusqu'en 1990, puis ce rôle échut à la ville de Dodoma (au centre du pays), sur la voie ferrée Kigoma - Dar-es-Salaam. Toutefois, la ville de Dar-es-Salaam, qui compte le port le plus important du pays, constitue encore le principal pôle commercial de la Tanzanie et joue le rôle de capitale économique.  Les autres villes d'importance sont Arusha, Moshi, Mwanza, Tabora, Mbeya, Iringa, Morogoro, Tanga et Zanzibar Town.

Au point de vue administratif, le pays compte 21 régions (voir la carte des régions): Arusha, Dar-es-Salaam, Dodoma, Iringa, Kagera, Kigoma, Kilimanjaro, Lindi, Mara, Mbeya, Morogoro, Mtwara, Mwanza, Pwani, Rukwa, Ruvuma, Shinyanga, Singida, Tabora, Tanga, Zanzibar-et-Pemba. Le territoire continental est divisé en vingt régions, mais l'État autonome de Zanzibar est divisé administrativement en cinq districts: North Unguja (Unguja-Nord), South Unguja (Unguja-Sud), Urban West (Ville-Ouest), North Pemba (Pemba-Nord) et South Pemba (Pemba-Sud). Les administrations régionales sont dirigées par un commissaire, tandis que l'île de Zanzibar est dirigée par un président élu et possède un parlement (Chambre des représentants).

2 Données démolinguistiques

La population de la Tanzanie était estimée à 34,8 millions en 2003. Les régions les plus peuplées sont celles d'Arusha (au nord-est), Dar-es-Salaam (sur la côte), Mbeya (au sud-ouest) et, au nord, Mwanza et Shinyanga.

Division administrative Population 2003 Superficie
Arusha 2125,7 82 306 km2
Dar-es-Salaam 2669,7 1 393 km2
Dodoma 1796,6 41 311 km2
Iringa 1786,0 56 864 km2
Kagera 1968,6 28 388 km2
Kigoma 1260,5 37 037 km2
Kilimanjaro 1563,7 13 309 km2
Lindi 843,9 66 046 km2
Mara 1461,4 19 566 km2
Mbeya 2273,6 60 350 km2
Morogoro 1863,8 70 799 km2
Mtwara 1117,7 16 707 km2
Mwanza 2721,9 19 592 km2
Pwani 868,5 32 407 km2
Rukwa 1254,1 68 635 km2
Ruvuma 1227,1 63 498 km2
Shinyanga 2655,9 50 781 km2
Singida 1131,2 49 341 km2
Tabora 1495,6 76 151 km2
Tanga 1781,8 26 808 km2
Zanzibar-et-Pemba 960,4 2 460 km2
Total Tanzanie

34 827,6

 945 088 km2

Les îles de Zanzibar et de Pemba comptent ensemble plus de 960 000 habitants.

2.1 Les ethnies

Plus de 120 groupes ethniques sont représentés en Tanzanie. Le plus grand groupe ethnique, les Sukuma, forme plus de 15 % de la population totale; les autres groupes représentent moins de 5 % chacun.  La très grande majorité des Tanzaniens sont des Bantous (95 %).
 

Ethnie

Pourcentage

Localisation
Sukuma 15,5 % Mwanza, Shinyanga
Gogo 4,1 % Dodoma
Haya 3,7 % Kagera
Tumbuka 3,1 % Ruvuma
Nyamwezi 2,8 % Mbeya (nord)
Makondé 2,8 % Lindi, Mtwara
Hehe 2,3 % Iringa
Nyakyusa-Ngondé 2,3 % Mbeya (sud)
Chagga 1,8 % Kilimimanjaro
Nyaturu 1,7 % Tabora, Singida
Maasaï 1,3 % Arusha
Nilamba 1,3 % Tabora, Singida
Yao 1,2 % Ruvuma
Makhuwa-Meetto 1,1 % Mtwara
Total 45 %  

L'appartenance ethnique reflète en général la région géographique. Pendant la domination coloniale, les subdivisions administratives étaient souvent dessinées à partir des zones ethniques; cette situation a continué après l'indépendance malgré les efforts véritables du gouvernement pour minimiser les critères ethniques. Moins de 1 % de la population de la Tanzanie est composé de non-Africains, c'est-à-dire des Européens, des Asiatiques et des Arabes.

Les conflits interethniques n'ont jamais été fréquents en Tanzanie. Il est possible que cette absence de conflits ait été favorisé par le grand nombre des ethnies, dont aucune ne prédomine. Néanmoins, ces dernières années, des rapports plus tendus se sont développés entre des chrétiens et des musulmans, un problème qui peut menacer l'unité entre le continent et Zanzibar. En Tanzanie, environ 45 % des gens sont de religion chrétienne (dont le tiers est catholique, les autres, protestants), 35 % de religion musulmane et 20 % de diverses religions animistes.

À Zanzibar, la population d'origine est composée des Washirazi qui résident au nord de Ugunja, alors qu'à Pemba ce sont les Wahadimu qui vivent au centre et au sud de l'île. Plus tard, des immigrants venus d'Asie et d'Afrique se sont installés dans les îles au cours des siècles, ce qui permit un mélange considérable entre les différents groupes. La quasi-totalité des Zanzibarais (95 % des 960 000 habitants) est de religion musulmane (sunnite).

2.2 Les langues tanzaniennes

Ce pays de 34 millions d'habitants, dont environ 960 000 habitants dans les îles de Zanzibar et de Pemba, compte autant de langues que d'ethnies. En réalité, les langues sont beaucoup nombreuses dans la mesure où beaucoup de langues tanzaniennes sont fragmentées en plusieurs variétés dialectales. La majorité des Tanzaniens parlent d'abord leur langue locale comme langue maternelle, puis généralement le swahili comme langue seconde.

Les langues tanzaniennes numériquement les plus importantes et comptant au moins 300 000 locuteurs sont les suivantes: le sukuma (15,5 %), le gogo (4,1 %), le haya (3,7 %), le tumbuka (3,1 %), le nyamwezi (2,8 %), le makondé (2,8 %), le hehe (2,3 %), le nyakyusa-ngondé (2,3 %), le chagga (1,8 %), le nyaturu (1,7 %), le maasai (1,3 %), le nilamba (1,3 %), le yao (1,2 ), le makhuwa-meetto (1,1) et le swahili (1 %). À l'exception du maasaï (famille nilo-saharienne), toutes ces langues appartiennent à la grande famille bantoue. Seules quelques langues parlées dans le nord-est du pays font partie des langues nilo-sahariennes, khoïsane (sadawe), couchitiques (gorowa et iraqw). Certaines ethnies sont originaires de l'Inde et du Pakistan, comme les Goujarats (250 000); ils parlent une langue indo-iranienne (le goujarati).

La plupart des 960 000 Zanzibarais, contrairement aux Tanzaniens du continent, parlent le swahili comme langue maternelle, mais cette langue est appelée le kiunguja par les insulaires.  Comme ils sont musulmans dans leur très grande majorité, ils apprennent l'arabe à l'école. Cette langue ne peut pas être considérée comme langue seconde dans la mesure où elle n'est utilisée que dans la madrasa et à la mosquée; elle n'est pas utilisée dans les échanges et ce n'est pas une langue de communication. Beaucoup ne savent que répéter par cœur les sourates, prières, etc., apprises à la madrasa.

Sur le continent, l'anglais est parlé, ou plutôt «baragouiné», par les guides, les employés des agences et des hôtels, c'est-à-dire par tous ceux qui ont affaire, de près ou de loin, avec les touristes ou les étrangers. Les petits commerçants ignorent l'anglais, même s'ils savent quelques mots utiles pour les touristes.

2.3 Le swahili, l'anglais et l'arabe

Les langues officielles sont l'anglais, la langue de l'ancien colonisateur, parlé comme langue seconde par 1,5 million de locuteurs (4,5 % de la population), et le swahili (appelé kiswahili) qui, langue maternelle de seulement 1 % de la population, est parlé par près de 95 % des Tanzaniens comme langue seconde.

- Le swahili

Le swahili (ou kiswahili), proclamé comme langue co-officielle avec l'anglais au moment de l'indépendance, est devenu la véritable langue véhiculaire orale du pays au point où l'anglais a sans cesse reculé depuis, sauf à l'écrit où dans les universités et certains services administratifs il conserve une place privilégiée. Pour le reste, contrairement aux autres pays bantouphones, le swahili joue un rôle prédominant en Tanzanie. 

Le swahili s'écrit avec l'alphabet latin. On peut consulter une description sommaire de la langue swahilie en cliquant ICI, s.v.p.

À l'origine, la «côte swahilie» (voir le tracé en rouge indiquant un «couloir») s'étendait du sud de la Somalie au Mozambique en incluant l'archipel des Comores. Au cours du XIXe siècle, le swahili pénétra le continent tout au long des pistes marchandes et esclavagistes. La colonisation européenne favorisa encore son extension. Le swahili est aujourd'hui la langue africaine la plus enseignée dans le monde. 

En Tanzanie, cette langue qui était déjà en grande partie utilisée dans la plupart des échanges sociaux semble avoir encore pris de l'expansion depuis l'indépendance. C'est la langue qui assure la communication entre les différentes communautés linguistiques de Tanzanie, que ce soit dans les marchés, les bus qui sillonnent le pays ou lors des réunions qui rassemblent des gens ou les entreprises.

C'est également la langue parlée au sein des familles, de plus en plus nombreuses, dont les conjoints sont issus de deux communautés linguistiques différentes: ils parlent swahili (ou kiswahili) entre eux, alors que les enfants ignorent bien souvent la langue maternelle de leurs parents. Bref, le swahili est parlé sur tout le territoire et la plupart des Tanzaniens s'identifient à cette langue. Il faut surtout retenir que, pour le moment encore, le swahili est bien plus une langue véhiculaire (dans plusieurs pays, dont la Tanzanie continentale) que vernaculaire (seulement à Zanzibar).

- L'anglais

L'anglais est la langue officielle au même titre que le swahili en Tanzanie. Elle n'est une langue maternelle que pour une minorité de la population. L'anglais n'est abordé qu'en fin des études primaires et devient malheureusement «langue d'enseignement» dans les écoles secondaire, alors que ni les élèves ni les professeurs ne maîtrisent cette langue. N'oublions pas qu'environ 10 % de la population est scolarisée dans cette langue qui est très mal maîtrisée par ceux et celles qui terminent leur secondaire. La population tanzanienne est donc swahiliphone, contrairement à ce qu'écrivent la majorité des guides touristiques qui affirment, sans aucune nuance, que la Tanzanie est un «pays anglophone» ou bien que «l'anglais est parlé partout».

Il suffit d'arriver dans n'importe quel village et de demander son chemin en anglais pour avoir de désagréables surprises. On peut essayer de faire ses courses en anglais, mais il faudra aussi choisir soigneusement son interlocuteur pour comprendre combien on doit! Certains Tanzaniens dans les agences touristiques, les hôtels, les gros commerces, etc., savent des mots, mais ne peuvent pas construire des phrases. Les gros commerçants parlent l'anglais, mais pas les petits vendeurs qui constituent ce qu'on appelle le «secteur informel», véritable moteur du commerce; en réalité, les commerçants qui parlent anglais sont généralement les gros commerçants qui sont à 75 % environ d'origine indienne. Les guides et employés des agences touristiques, qui représentent un infime pourcentage de la population, «baragouinent» l'anglais dans la plupart des cas. Ils ne s'expriment généralement que dans un anglais extrêmement simple; pour la majorité d'entre eux, il ne faut surtout pas leur demander quelque chose qui dépassent le strict cadre de leurs attributions.

Pour résumer, on pourrait dire que, outre le secteur touristique où l'on peut avoir l'impression que les gens parlent un peu l'anglais, seuls les gros commerçants (à majorité indienne) et les fonctionnaires ayant fait de solides études supérieures parlent vraiment l'anglais. Cela représente donc un tout petit pourcentage de la population.

- L'arabe

La langue arabe n'est apprise que dans les écoles coraniques (les madrasa), surtout à Zanzibar, et n'est utilisée que dans les mosquées. C'est pourquoi l'arabe (classique) n'est même pas une langue seconde en Tanzanie. Ce n'est pas non plus une langue utilisée pour les échanges inter-ethniques, ni dans les relations commerciales. L'arabe n'est parlé comme langue maternelle que par une minorité dans l'archipel de Zanzibar et c'est l'arabe omanais, pas l'arabe classique.

3 Données historiques

Les premiers occupants de la région furent les Sabaki (du nom du fleuve), un groupe bantou qui pratiquait l'agriculture il y a au moins 1500 ans. Pendant environ sept siècles, cette population se déplaça lentement vers le sud. Puis une partie du groupe se détacha et s'établit le long des vallées, alors qu'un autre se dirigea vers la côte de l'océan Indien. Le littoral atteint, ceux qui donneront plus tard naissance aux Swahilis s'installèrent tout en adoptant un nouveau mode de vie adapté à un environnement maritime.

3.1 La culture arabo-musulmane

Au début du IXe siècle, certains Sabaki se fixèrent dans les îles avoisinantes de Pemba et d'Unguja (Zanzibar), d'autres aux Comores. Cette population sabaki développa une spécificité nettement maritime. Mais elle n'était pas seule à avoir abordé les îles et la côte maritime. Des Indiens et des Arabes avaient déjà accosté sur ces rivages, probablement au début du premier millénaire. Des récits de voyageurs arabes du Xe siècle témoignent d'une installation arabo-musulmane sur la côte. Puis, au cours de la période d'expansion de l'islam, les relations commerciales entre l'Arabie, le golfe Persique et la côte orientale africaine s'intensifièrent.

L'Afrique orientale entra dans l'orbite de la civilisation musulmane qui favorisa la naissance d'une société puissante dont la classe dirigeante islamisée présentait une double culture, d'une part, en parlant l'arabe, d'autre part, également la langue locale. Malgré sa composante arabo-musulmane, la région donna naissance à une société profondément africaine: les Swahilis. Autrement dit, si la religion venait d'Arabie, la langue restait africaine, tant par sa structure que par son lexique majoritairement bantu, bien que celui-ci ait été enrichi par des apports arabes dans les domaines de la religion, du droit, du commerce et de la navigation.

Entre les XIIIe et XVe siècles, des cités-États indépendantes furent construites à partir de la Somalie jusqu'au sud de la Tanzanie actuelle. Au XVe siècle, l'activité et la prospérité de ces villes reposèrent sur les relations commerciales avec l'Arabie, mais aussi avec le golfe Persique et l'Inde. Chacune de ces cités-États représentait une entité particulière, distincte de ses voisines, avec ses rivalités permanentes. Il en résulta des guerres continuelles qui rendirent ces cités-États vulnérables aux visées coloniales des Européens.

3.2 La colonisation portugaise

Vasco de Gama, un explorateur portugais, fut le premier européen à entrer en contact avec ces civilisations en 1498. Les Portugais se rendirent compte très vite que certaines cités-États swahilies (Kilwa, Mombassa, Lamu, etc.) se livraient à un important commerce de l'or. Ils voulurent s'approprier ce commerce de la côte orientale de l'Afrique et créer des escales sur la route de l'océan Indien. Incapables de combattre les Portugais qui arrivèrent à la fin du XVe siècle sur la côte orientale africaine, plusieurs de ces cités-États dépérirent et certaines disparurent, dont Kilwa, la plus importante. La domination portugaise s'étendit de 1498 à 1698. Les Portugais tentèrent une politique de colonisation et d'appropriation des terres, mais la cohabitation ne fut pas très heureuse, les Portugais étant détestés par les populations locales qui les surnommaient les afriti, c'est-à-dire «les démons».

Au cours du XVIe siècle, la cité de Mombasa (aujourd'hui au Kenya) opposa une résistance incessante aux Portugais et, à partir du début du XVIIe siècle, suscita une série de soulèvements sporadiques dans les principales villes swahilies; les cités-États les plus violemment opposées aux Portugais furent Manda, Lamu et Pate. À partir de 1660, elles firent appel au sultanat d'Oman afin de lutter contre l'envahisseur.

3.3 L'occupation omanaise

Les Omanais finirent par prendre la place des Portugais, puis installèrent une garnison dans chaque ville et se conduisirent comme leurs prédécesseurs portugais. Les Portugais se firent chassés des îles de Zanzibar, Pemba et Mafia. L'année 1729 marqua la fin de la présence portugaise sur la côte swahilie.

À la fin du XVIIIe siècle, le sultanat d'Oman devint une puissance maritime de la péninsule arabique et contrôlait les routes maritimes vers l'Afrique orientale. Toutefois, le sultanat se heurta aux intérêts britanniques. Or, la Grande-Bretagne était soucieuse de protéger la route des Indes. Le sultanat signa des traités commerciaux avec les grandes puissances commerciales de l'époque: les États-Unis en1833, la Grande-Bretagne en 1839 et la France en 1854.  En 1840, le sultan d'Oman, Sayyid Saïd (1804-1856), transféra la capitale de son sultanat de Mascate (golfe Persique) à l'île d'Unguja (Zanzibar) où il s'établit définitivement.

Le sultanat zanzibarite comprenait alors les îles d'Unguja et de Pemba, ainsi qu'une bande côtière qui s'entendait de Lamu au cap Delgado (en portugais: Cabo Delgado). Sayyid Saïd fit d'Unguja le grand entrepôt de l'océan Indien, qui devint le principal marché d'échanges de toute la région. Il développa, entre autres, la production de girofle et d'huile de palme, et pratiqua de manière intensive la traite des Noirs avec le continent. Durant tout le XIXe siècle, entre 8000 et 50 000 esclaves furent acheminés chaque année du continent vers l'île. Cependant, le commerce zanzibarite resta protégé par la Grande-Bretagne qui se servait de l'île comme relais vers le golfe Persique et l'Inde. Le consul britannique fixé à Zanzibar joua progressivement le rôle d'un gouverneur général sans qui aucune décision n'était prise au palais du sultan.

Le successeurs de Sayyid Saïd ne purent empêcher en 1890 la Grande-Bretagne d'établir sa domination sur l'île. Le sultan ne fut pas destitué, mais les décisions politiques et économiques étaient prises pour l'essentiel par la Couronne britannique. À la fin du XIXe siècle, l'abolition de l'esclavage, l'installation progressive des protectorats par les nations coloniales européennes et la construction de la ligne de chemin de fer entre Kampala (en Ouganda) et la ville côtière de Mombasa (au Kenya) ruinèrent l'économie de Zanzibar. À partir de ce moment, l'exploitation des esclaves et le développement du commerce s'étendirent sur la côte tanzanienne. La Tanzanie continentale (le Tanganyika) a été vidée de l'essentiel de sa population par l'esclavage organisé à partir du sultanat de Zanzibar. Par voie de conséquence, la Tanzanie continentale a hérité en partie de la religion musulmane et de l'influence de la langue arabe sur le swahili, dont le prestige augmenta pendant cette période. Parallèlement, on assista aussi à l'installation progressive d'Indiens attirés par l'essor économique de l'île.

3.4 La colonisation européenne du XIXe siècle

Vers 1840, des missionnaires anglais et français s'intéressèrent à la côte tanzanienne orientale. Ils apprirent le swahili au contact des populations locales. Comme l'objectif avoué de ces religieux était d'évangéliser les populations africaines, la tâche était grandement facilitée s'ils utilisaient les langues locales et, d'abord, le swahili, la première langue qu'ils connaissaient. Cependant, beaucoup optèrent pour d'autres langues locales, car ils considéraient que le swahili était le véhicule de l'islam.

Lancées dans la révolution industrielle, les grandes nations occidentales retrouvèrent de l'intérêt pour les richesses locales. Ce fut le cas des Français, des Britanniques et des Allemands au cours des années quatre-vingt. En 1886, un traité anglo-allemand détermina le partage de la région. La côte passait sous le contrôle de la Somalie au nord de la Rift Valley et sous le contrôle du Portugal au sud, tandis que le territoire compris entre ces deux zones géographiques passait sous le contrôle de Zanzibar. De plus, une clause précisait que la part allouée à Zanzibar était partagée en trois: Grande-Bretagne, Allemagne et Zanzibar. On ne laissait au sultan que les îles de Pemba et d'Unguja (Zanzibar) et une petite bande côtière qui incluait l'archipel de Lamu. Pour ce qui est de l'intérieur des terres, revenaient à l'Allemagne le Tanganyika, le Rwanda et le Burundi, alors que l'Ouganda et le Kenya passaient sous le contrôle de la Grande-Bretagne.

- La colonisation allemande

Un problème subsistait: la bande côtière appartenait toujours au sultanat de Zanzibar, ce qui empêchait les colons allemands d'accéder librement à «leurs» terres. C'est pourquoi, en 1888, l'Empire allemand négocia avec le sultan un bail qui donnait aux Allemands le droit d'exploitation de la côte. Mais l'Allemagne se comporta en propriétaire et les Swahilis se révoltèrent. Le chancelier Bismarck riposta par l'envoi de troupes au Tanganyika et annexa unilatéralement la côte.

En 1890, le traité d'Héligoland entre la Grande-Bretagne et l'Empire allemand reconnut la souveraineté britannique sur Zanzibar (annulant le traité de 1888) et celle de l'Allemagne sur la partie continentale du pays, alors connue sous le nom d'Afrique orientale allemande (en allemand: Deutsch-Ostafrika) et regroupant le Tanganyika (l'actuelle Tanzanie), le Rwanda et le Burundi.  Le sultan de Zanzibar dut céder la propriété de la bande côtière swahilie.

Après avoir brisé avec brutalité la résistance africaine — p. ex., la révolte des Maji-Maji en 1902 et 1903, avec près de 120 000 morts au total —, les colons de la Compagnie allemande de l'Afrique de l'Est (Ostafrikanische Gesellschaft) de Carl Peters s'installèrent sur les territoires qu'ils contrôlaient, instituèrent les travaux forcés et développèrent les plantations de café et de thé dans le Nord, puis de coton dans le Sud. Les Allemands recrutèrent les autorités locales parmi les minorités arabes et swahilies. Ils décidèrent de favoriser un enseignement en swahili. C'est donc naturellement que les religieux continuèrent d'utiliser le swahili. Comme le swahili était la seule langue africaine qui commençait à s'écrire en caractères latins, son expansion en fut favorisée. Dans sa préface de l'édition de 1891 du Dictionnaire français-swahili, Charles Sacleux, un missionnaire français de la Congrégation du Saint‑Esprit, écrivait à propos du swahili: «[...] les missionnaires catholiques enseignent le swahili à leurs néophytes, qui apprennent à le lire et à l'écrire avec les caractères européens.»

Dans ces conditions, les premiers ouvrages didactiques en swahili furent l'œuvre des missionnaires. Puis, parallèlement aux manuels d'apprentissage et aux traductions de la Bible, apparurent les premiers journaux écrits en swahili. Toutefois, le rôle des missionnaires catholiques et protestants ne se limita pas à la diffusion du kiswahili parmi les populations locales, car plusieurs devinrent linguistes et commencèrent à recueillir des données linguistiques, à composer des dictionnaires et des grammaires, qui devinrent rapidement indispensables à ceux qui désiraient étudier les langues africaines de la région. Ainsi, le swahili devint non seulement une langue d'enseignement et une matière enseignée dans les rares écoles gouvernementales ainsi que dans les nombreuses écoles des missions, mais devint également nécessaire pour occuper un emploi dans l'administration coloniale. Les Allemands avaient vite compris qu'il était illusoire d'imposer la langue allemande aux Africains. Il se tournèrent donc vers le swahili, déjà largement répandu, afin de communiquer avec la population et former des Africains pour servir dans l'Administration. Ainsi, au cours de cette période, le swahili servit de langue administrative de la part de la Deutsch-Ostafrika. Finalement, les Allemands ne furent pas bien perçus de la part des populations locales en raison de la brutalité de leurs méthodes adoptées, ce qui provoqua continuellement des révoltes dans la Deutsch-Ostafrika.

- Le protectorat britannique

[Flag of Tanganyika, pre 1961]
Drapeau du Tanganyika

À la fin de la Première Guerre mondiale, les Allemands durent céder leur colonie aux Britanniques (sous mandat de la Société des Nations), qui en firent un territoire de la Couronne en 1920 et qu'ils appelèrent le Tanganyika

En ce qui a trait à Zanzibar, les Britanniques n'en firent pas une colonie de peuplement et accordèrent à l'île une certaine autonomie politique; c'est ainsi que Zanzibar continua d'être gouverné par un sultan arabe. Le principal événement dans les îles eut lieu en 1897, lors de l'abolition définitive (?) de l'esclavage. Toutefois, c'est l'anglais qui remplaça le swahili comme langue de l'administration. Il en fut ainsi sur le continent.

Dans les écoles, les autorités coloniales continuèrent d'inclure le swahili dans les programmes scolaires, surtout en milieu urbain où il fut enseigné pendant les quatre premières années du primaire. Cependant, la langue anglaise remplaça le swahili au secondaire, les Britanniques jugeant que cette langue ne pouvait transmettre les valeurs occidentales, plus précisément le modèle anglais. Pour les Britanniques, seul l'anglais devait permettre d'assurer la promotion sociale, non le swahili. Comme on pouvait s'y attendre, cette politique réussit parfaitement: le swahili perdit de son prestige et de son rayonnement au profit de l'anglais. Le swahili fut généralement perçu par les Britanniques comme très inférieur à l'anglais; dans certaines écoles secondaires, il fut même interdit de parler swahili. Dans son mémoire Création lexicale en kiswahili, Mme Agnès Viellard rapporte (1999) que beaucoup de jeunes lycéens, surpris à se parler en kiswahili, eurent à porter un écriteau portant ces mots: I am a fool («Je suis un imbécile»).

Il n'en demeure pas moins que les Britanniques contribuèrent, peut-être malgré eux, au développement du swahili. En effet, à l'exemple des Allemands, les Britanniques constatèrent qu'il fallait qu'une langue locale puisse assurer une communication au moins verticale au sein de l'Administration. Il fallait donc permettre aux employés subalternes africains de l'Administration de communiquer et de faire «passer» l'information vers les administrés. C'est pourquoi il fallait également enseigner cette langue.

Or, pour l'enseigner, il fallait choisir aussi choisir l'un des dialectes swahilis afin d'harmoniser l'enseignement de la langue sur tout le territoire du protectorat. En 1928, une conférence inter-territoriale se tint à Mombasa au Kenya: elle eut pour effet d'entériner le choix du dialecte de la ville de Zanzibar, le kiunguja, comme devant être à la base de la normalisation de la langue swahilie.

Après la Seconde Guerre mondiale, en 1947, le Tanganyika fut placé sous la tutelle directe de l'Organisation des Nations unies. La TANU (Tanganyika African National Union ou Union nationale africaine du Tanganyika), créée en 1954 et dirigée par Julius Nyerere, celui que l'on surnommait le Mwalimu («le maître d'école»), devint l'interlocuteur privilégié de l'ONU. Lorsque le Tanganyika obtint l'indépendance le 9 décembre 1961, Nyerere prit la tête du gouvernement avant de devenir, l'année suivante, président de la république du Tanganyika.

Durant tout le processus menant à l'indépendance, lorsque Julius Nyerere s’adressait au peuple, c'est en swahili qu'il le faisait, cette langue étant devenue le symbole de la libération, sans aucune connotation coloniale. Pour les responsables africains du TANU, il paraissait probablement illogique d'utiliser la langue des colonisateurs pour les combattre. Bien que l'anglais soit alors la langue la plus prestigieuse, le swahili ou kiswahili se plaçait au second rang après l'anglais et, surtout, il servait à à véhiculer des idées de liberté et de nationalisme. De fait, à la fin de la période coloniale, la langue swahilie paraissait déjà comme un symbole d'union et d'unité nationale au Tanganyika. Elle supplantait toutes les autres langues locales et apparaissait déjà comme une éventuelle «langue nationale». Il ne faut pas oublier que, à ce moment, même si l'anglais était alors enseigné dans les écoles, beaucoup de Tanganykais surtout dans les campagnes, ne le parlaient pas. Le swahili était beaucoup plus répandu et compris, même comme langue véhiculaire.

3.5 La Tanzanie unie

Le 12 décembre 1963, Zanzibar devint indépendante de la Grande-Bretagne et resta sous l'autorité du sultan (soit un sultanat indépendant). Zanzibar resta, durant trente-trois jours, une nation souveraine, membre du Commonwealth britannique. Puis, le 12 janvier 1964, éclata une révolution visant à renverser le sultan. À l'issue de cette révolution de quelques jours, le sultan partit en exil et Abeid Karumé devint président de Zanzibar.

Après avoir échappé à un coup d'État en 1964, Julius Nyerere engagea des pourparlers avec Abeid Amani Karumé, alors président de Zanzibar. Ces négociations aboutirent, le 26 en avril de la même année, à la création de la Tanzanie unie, le terme de Tanzanie étant né de la fusion de Tanganyika et de Zanzibar (Tan + Zan = Tanzania ou Tanzanie). L'accord entre les deux parties était motivé par des intérêts encore aujourd'hui assez vagues, tant les ambitions et les objectifs des protagonistes différaient. De plus, depuis l'ouverture des archives américaines concernant cette question (1988), il est reconnu que les puissances occidentales auraient joué un rôle non négligeable dans cette histoire, avec comme fond de scène la guerre froide, les marxistes purs et durs à Zanzibar, la menace d'une contre-révolution arabe, etc.

Ce n'est pas pour rien que les livres d'histoire tanzaniens sont eux-mêmes extrêmement vagues sur cette période marquant la naissance de la Tanzanie. Nyerere devint président de l'Union, Karumé étant désigné au poste de vice-président.

Au sein de l'Union, deux gouvernements coexistèrent légalement: le gouvernement national ou central, d'une part, le gouvernement de Zanzibar, d'autre part, avec chacun son parlement et sa fonction publique. Le gouvernement tanzanien conserva la pleine autorité sur l'ex-Tanganyika et une autorité partielle sur Zanzibar. Cette autorité sur l'Union concernait des domaines spécifiques mentionnés dans le traité de l'Union (Constitution, affaires étrangères, défense, immigration, police, nationalité, commerce extérieur, impôts, douanes, postes, aviation civile, etc. ). Les autorités de Zanzibar gardèrent toutefois des compétences décisionnelles et exercèrent librement leurs pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, pour tout ce qui ne relève pas de l'Union, comme le développement économique des îles, l'éducation (partiellement, car les examens sont nationaux). Retenons que cette Union s'est faite sans consultation de la population et que cette question demeure, aujourd'hui encore, toujours d'actualité (brûlante), l'Union étant contestée de façon récurrente et les disfonctionnements régulièrement commentés dans les journaux locaux. Au début des années 1960, le Tanganyika (Tanzanie) était demeuré un pays pauvre, disposant de peu de ressources exportables, d'une industrie à l'état embryonnaire et dont l'agriculture était fondée sur les cultures vivrières.

3.6 Le socialisme tanzanien et la swahilisation

Le 26 avril 1964, le Tanganyika et Zanzibar fusionnèrent pour former la République unie de Tanzanie. Julius Nyerere devint le président de l’État nouvellement créé, tandis que Karumé, restant président de Zanzibar, devint le vice-président de la Tanzanie. Dans les faits, même si l’union est bien célébrée avec le reste du pays, Zanzibar conserva une grande autonomie. En pratique, c’est le gouvernement central tanzanien qui s’occupe des domaines «nationaux» de la politique à Zanzibar : la défense, l'Intérieur, les affaires étrangères, tandis que le gouvernement local zanzibarite traite des sujets comme l’éducation, l’économie, etc.

En février 1967, Julius Nyerere, lors de la célèbre «déclaration d'Arusha», posa les principes fondateurs d'une nouvelle politique économique, visant notamment à atteindre l'autosuffisance alimentaire et jetant les bases d'un socialisme à la tanzanienne: «Un gouvernement honnête, l'égalité entre les riches et les pauvres, l'indépendance économique». Il déclara aussi: «La Tanzanie est engagée dans une guerre contre la pauvreté et l'oppression; cette lutte est à la base de notre projet d'amener le peuple tanzanien et tous les Africains de l'état de pauvreté à celui de prospérité.» Malheureusement, cet idéal ne s'est jamais matérialisé.

Du point de vue politique, le président Nyerere tenta d'unifier le pays en dépassant les clivages ethniques, entre autres, par l'usage du kiswahili (ou swahili). L'introduction du kiswahili constitua l'un des supports les plus ambitieux de la politique linguistique tanzanienne. Nyerere imposa la «swahilisation» de tous les domaines de l'État. Alors qu'en 1960 les candidats à l’Assemblée nationale devaient, aux termes de la loi, lire et parler couramment l’anglais, cette prescription disparut en 1965, et la campagne électorale se fit en kiswahili. Dès le début des années soixante-dix, le Parlement tanzanien siégea presque uniquement dans cette langue.  Parallèlement, le kiswahili devint la langue officielle des tribunaux de première instance (1964). En septembre 1967, Julius Nyerere réaffirma l'importance du swahili dans Education for Self-Reliance, et expliqua les raisons qui favorisaient le bannissement de l'anglais: cette langue était le symbole du monde capitaliste et de valeurs opposées à la philosophie de l'Ujamaa, ce qui signifie «socialisme» en swahili. Le kiswahili devait être la langue des Tanzaniens, de l'Ujamaa et des valeurs africaines.

L'usage du kiswahili s’étendit progressivement à des fonctions officielles de plus en plus nombreuses. Il devint la langue d'enseignement obligatoire au primaire et son introduction était prévue au secondaire (années quatre-vingt) et à l'université (années quatre-vingt-dix). Ainsi, le kiswahili acquit à la fois le statut de «langue nationale» et de «langue officielle» (Lugha ya Taifaî).

De plus, des organismes linguistiques, dont le Bakita et l'Institute of Swahili Research de l’University College de Dar-es-Salaam, furent prévus afin de faire appliquer la politique de swahilisation linguistique; ils avaient pour mission de standardiser le kiswahili et d'assurer sa promotion. De très nombreuses commissions ou associations privées devaient ensuite travailler sur la modernisation de la langue. La swahilisation de la société tanzanienne fut sans doute facilitée par le fait que la promotion du kiswahili ne pouvait pas être assimilée à la prise de pouvoir d’un groupe ethnique sur les autres. On pourrait affirmer aussi que Julius Nyerere a eu presque la chance d'appartenir à l'une des plus petites des 120 ethnies tanzaniennes, les Zanakis, ce qui implique qu'on ne pouvait l'accuser de défendre des intérêts tribaux. Enfin, le kiswahili avait le très grand avantage de ne représenter aucune ethnie particulière et de ne privilégier ni défavoriser aucune des quelque 120 langues maternelles parlées sur le territoire, même si le kiswahili était la langue maternelle d'une petite minorité de Tanganyikais vivant sur la côte est du pays. L'objectif ultime de la politique linguistique de Nyerere était sans doute de remplacer l'anglais par le swahili dans tous les domaines.

Puis, l'État exerça progressivement son contrôle sur tous les secteurs de la vie économique. Les banques et les sociétés privées furent nationalisées et des coopératives d'État furent créées afin de subvenir aux besoins de la population. La propriété agricole fut exploitée selon un système communautaire, et les agriculteurs, jusque-là dispersés, furent regroupés au sein de villages appelés Ujamaa («socialisme»). Mais les regroupements ethniques en villages, l'entraide obligatoire et le travail en commun suscitèrent aussi l'hostilité de certains paysans, ainsi qu'une certaine réticence de la part des investisseurs occidentaux. Les réformes de Julius Nyerere furent également entravées par une conjoncture économique internationale défavorable, une mauvaise gestion publique marquée par la corruption généralisée, ainsi que par la résistance des habitants et des gouvernements locaux. En 1973, la TANU décida de transférer la capitale de Dar-Es-Salaam (face à Zanzibar) à Dodoma, située plus au centre du pays.

En 1977, la TANU devint la Chama Cha Mapinduzi (CCM ou Parti révolutionnaire de Tanzanie) à la suite de sa fusion avec l'Afro-Shirazi Party de Zanzibar. Entre 1970 et 1980, la Tanzanie joua un rôle important par son appui à divers mouvements africains de libération. Les nationalistes du Mozambique y trouvèrent refuge pour organiser leur guérilla contre les Portugais. En 1979, les troupes tanzaniennes entrèrent en Ouganda afin de renverser le régime dictatorial d'Idi Amin Dada et maintinrent leur présence dans le pays jusqu'en 1981. Le président Nyerere devint aussi l'un des représentants africains les plus actifs dans les négociations visant à mettre fin à la domination blanche sur la Rhodésie (devenue ensuite le Zimbabwe).

Tout en conservant de bonnes relations avec l'Ouest, la Tanzanie reçut une aide substantielle en provenance de la Chine qui l'aida, ainsi que la Zambie, à construire le Tanzam, un train permettant d’évacuer le minerai de cuivre zambien par le port de Dar-es-Salaam. Cependant, à partir de 1983, la crise économique rendit nécessaire la libéralisation de l'économie tanzanienne.

3.7 L'après-Nyerere

Nyerere fut réélu une dernière fois en 1980 pour son ultime mandat présidentiel. On peut affirmer, surtout en comparaison des autres pays africains, que le leadership de Julius Nyerere fut en quelque sorte remarquable, car son régime (1961-1985) a posé les bases d'un État démocratique uni, alors que les pays voisins furent ravagés par des guerres tribales et des dictatures.

En novembre 1985, Ali Hassan Mwinyi, musulman, originaire de Zanzibar et président (et vice-président de l'Union), succéda à Nyerere comme président de l'Union. Mais Nyerere se maintint toutefois à la tête du parti unique jusqu'en août 1990. À partir de ce moment, la politique de l'Ujamaa (socialisme s'affaiblit et la politique linguistique de swahilisation qui en découlait a commencé à régresser. Par exemple, la complète swahilisation de l'enseignement secondaires et de l'enseignement universitaire, prévue vers 1980, a été remise aux calendes grecques. Pourtant, le gouvernement avait déclaré introduire le kiswahili au secondaire en 1982 et à l'université en 1992: «The Ministry proposes to use Kiswahili in Form 1 in 1982 and then continue to use it up to University level by 1992.» Réélu en 1990, le président Mwinyi accéléra le programme de réformes pour le passage à une économie de marché et au multipartisme, mais n'osa modifier la politique linguistique. Durant ce temps, l'ancien président Julius Nyerere conserva son rôle d'éminence grise en Tanzanie et celui de «sage» appelé à régler des conflits régionaux en Afrique.

L’élection présidentielle du 29 octobre 1995 fut remportée avec une majorité de 61,8 % des suffrages par le candidat du CCM (Parti révolutionnaire de Tanzanie), Benjamin Mkapa, chrétien originaire de la partie continentale du pays. Les résultats des élections de 1995 n'ont pas été contestés sur le continent; Mkapa a bel et bien été élu démocratiquement, bien que l'opposition (ou le multipartisme) ne soit qu'une parodie. Par contre, les résultats pour Zanzibar donnant Salmin Amour gagnant furent contestés. Étant donné que l'histoire de Zanzibar, de ses conflits internes, de sa politique, est extrêmement compliquée, il vaut mieux en rester sur cette brève présentation, ce site étant, après tout, un site sur les politiques linguistiques, non sur l'histoire politique elle-même.

En matière de politique extérieure, la Tanzanie s'est efforcée de maintenir son influence dans la région des Grands Lacs. Sa politique est symbolisée par l'installation à Arusha, en mars 1996, du Tribunal pénal international chargé de juger les responsables du génocide commis au Rwanda en 1994; les langues officielles du Tribunal sont l'anglais et le français.

Le 14 octobre 1999, le décès de Julius Nyerere, considéré comme le «père de la nation», a fait craindre un éclatement de la Tanzanie, mais la réélection du président Mkapa en octobre 2000, avec 71 % des suffrages, apparut comme une volonté de sauvegarder l’héritage de la République unie de Tanzanie, tandis que Aman Abeid Karumé, fils de Karumé, premier président de Zanzibar, a succédé à Salmin Amour à la présidence de l’île, dans une élection boycottée par l’opposition. Le président tanzanien doit faire face à une situation difficile marquée par une forte crise économique, une épidémie de sida qui touche près de 1,3 million de citoyens et la présence de près de 300 000 réfugiés en provenance du Burundi. Depuis la mort de Julius Nyerere, la Tanzanie n'apparaît peut-être plus maintenant qu'un pays banalement pauvre, mais, comparativement à la plupart de autres pays d'Afrique, il aura connu une paix civile très appréciable depuis son indépendance.

Comparativement à un grand nombre d'autre pays d'Afrique, la performance de la Tanzanie en matière de respect des droits humains fondamentaux est plutôt positive. Néanmoins, il existe des problèmes fondamentaux qui empêchent l'État d'améliorer sa situation, sinon de réprimer les violations de ces droits. À cause d'une formation déficiente, les policiers et autres membres des forces de l'ordre recourent encore à la torture comme méthode d'interrogatoire et d'enquête.

4 La politique linguistique de la Tanzanie

Depuis l'indépendance, la politique linguistique de la Tanzanie a généralement été favorable à la swahilisation du pays. Mais ce qui est surprenant, c'est que la Constitution de 1984, pas plus que les précédentes, ne contient de disposition linguistique à ce sujet. L'anglais est une langue officielle dans les faits (de facto) depuis la colonisation britannique; quant au kiswahili, il est une autre langue officielle de par les pratiques linguistiques en vigueur. Autrement dit, la Tanzanie est probablement l'un des rares États bilingues au monde à avoir deux langues officielles non reconnues juridiquement par la Constitution ni par aucune loi: il s'agit de deux langues officielles reconnues simplement dans les faits (de facto).

4.1 Les langues de la législation

Dès la proclamation de la République, le gouvernement tanzanien a dû composer avec la langue anglaise qui avait toujours été la langue courante de la législation, de l'Administration et de la justice. C'est ainsi que l'anglais a continué à jouir de ses privilèges de langue officielle pendant plusieurs décennies. C'était la seule langue du Parlement, de la justice, de l'Administration et de l'école. À l'heure actuelle, le Parlement tanzanien (appelé le Bunge), comme d'ailleurs les réunions du Conseil des ministres, fait usage du kiswahili dans les débats, l'anglais étant réservé aux détails techniques de procédure et à la rédaction des lois. Les dirigeants du pays, dont le président tanzanien, s'adressent à la population en kiswahili et les campagnes électorales se déroulent en kiswahili. Quant au Parlement de Zanzibar, les députés discutent en kiswahili et rédige leurs textes en cette même langue.  L'article 84 de la Loi d'interprétation des lois (2002) traite ainsi de la question concernant la langue des lois de la Tanzanie:

Article 1er

Titre abrégé et commencement

1) Titre abrégé: Loi d'interprétation des lois.

Article 84

Langue des lois de la Tanzanie

1) La langue des lois de la Tanzanie doit être l'anglais ou le kiswahili, ou les deux.

2) Lorsqu'une loi écrite est traduite d'une langue dans une autre et qu'elle est publiée dans les deux langues, en cas de conflit ou de doute sur le sens d'un mot ou d'une expression, la version de la langue dans laquelle la loi a été adoptée doit prévaloir.

3) Lorsqu'une loi écrite est adopté dans les deux langues et qu'il existe un conflit ou un doute quant à la signification d'un mot ou d'une expression, la version anglaise doit prévaloir.

Les lois sont rédigées dans les deux langues officielles, l'anglais et le swahili. Le journal officiel existe en deux versions: la Official Gazette (en anglais) et la Gazeti Rasmi (en kiswahili). Les lois sont systématiquement publiées en deux langues. Cependant, il existe un sentiment de la prédominance de l'anglais écrit du fait que ce genre de texte est souvent manipulé par des gens qui en font usage par l'anglais: par exemple, les magistrats, les avocats, les conseillers juridiques, les hommes d'affaires ou dans les relations internationales.

4.2 Les langues de la justice

Les tribunaux de première instance, pour leur part, bien qu'ils administrent des lois rédigées exclusivement en anglais, se déroulent généralement en kiswahili, parfois en une langue régionale, rarement en anglais. Les cours de seconde instance utilisent les deux langues, l'anglais ou le kiswahili, mais la Cour d'appel de l'État tanzanien privilégie encore l'anglais, bien que le kiswahili commence à concurrencer sérieusement cette langue. L'article 13 de la Loi sur les juges de paix (1984) décrit ainsi la procédure:

Article 13

Langue des tribunaux

1)
La langue des tribunaux de première instance doit être le
kiswahili.

2) La langue des tribunaux d'un juge résidant et des tribunaux de district doit être l'anglais ou le kiswahili, ou celle que le juge de la cour peut en décider; cependant, dans l'exercice d'un appel, d'une révision ou d'une confirmation de juridiction par un tribunal de district (auquel cas le procès-verbal et la sentence peuvent être rendus en anglais ou en kiswahili), le procès-verbal et la sentence doivent être en anglais.

Dans toutes les cours de justice, le kiswahili demeure omniprésent dans les délibérations, car les employés, les avocats et les témoins utilisent exclusivement cette langue à l'oral. Si le kiswahili reste la langue d'expression orale du tribunal, les jugements sont prononcés en fonction des lois rédigées en anglais. Le juge rend souvent sa sentence en anglais, quitte à la traduire en kiswahili pour l'accusé. De fait, les documents sur lesquels repose le fonctionnement de la justice sont tous rédigés en anglais. Tous les ouvrages émanant de la Tanzania Law Society sont rédigés uniquement dans cette langue.

Cependant, la Loi sur la procédure pénale de 1985 apporte beaucoup de précision sur l'emploi des langues en matière de justice.  Selon l'article 10, un agent de police qui procède à une arrestation doit enregistrer les déclarations de l'individu arrêté en kiswahili ou en anglais ou encore dans une autre langue; si cet individu comprend pas la langue dans laquelle la déclaration est rédigée, celle-ci doit lui être traduite dans une langue qu'il comprend afin qu'il ait la liberté d'expliquer ou de modifier sa déclaration. L'article 53 énonce que toute personne doit être informée par un policier, dans une langue qu'elle parle couramment, par écrit et, si c'est possible, oralement, du fait qu'elle est sous arrestation, ainsi que des motifs de l'infraction en relation avec son arrestation. L'article 135 précise que la déclaration d'infraction doit décrire brièvement l'infraction dans un langage simple en évitant autant que possible l'emploi de termes techniques. Selon l'article 211 de la Loi sur la procédure pénale, lorsqu'un témoignage est présenté dans une langue que ne comprend pas un accusé, il lui sera traduit dans une langue qu'il comprend; il en est ainsi pour l'avocat :

Article 211

Interprétation du témoignage pour l'accusé ou son avocat

1)
Lorsqu'un témoignage est présenté dans une langue qui n'est pas comprise par l'accusé et qu'il est présent lui-même, ledit témoignage lui sera traduit en audience publique
dans une langue qu'il comprend.

2) S'il apparaît selon l'avocat que le témoignage est donné dans une autre langue que celle du tribunal et qu'elle n'est pas comprise par l'avocat, le témoignage doit être traduit dans la langue du tribunal.

3) Lorsque les documents sont présentés comme preuve formelle, il relève de la discrétion de la cour de les faire traduire si c'est nécessaire.

Dans tous les cas, il est prescrit que la cour doit toujours utiliser un «langage simple ("ordinary language"), sans termes techniques, lorsqu'elle s'adresse à l'accusé ou à un témoin. Autrement dit, les deux langues admises au tribunal sont l'anglais et le kiswahili. Dans tous les autres cas, le tribunal a recours à la traduction.

Enfin, l'article 20 de la Loi sur l'aide juridique (2017) ouvra la porte à l'emploi des langues locales africaines:

Article 20

Services d'aide judiciaire offerts par des assistants juridique

1)
Un assistant juridique peut offrir des services d’aide juridique conformément aux dispositions de la présente loi.

2) Sans préjudice de la portée générale du paragraphe 1, l'assistant juridique a les obligations suivantes:

a) réaliser des programmes éducatifs dans les langues nationales ou locales sur des questions juridiques et des procédures intéressant la communauté;

Cependant, il ne s'agit que de programmes éducatifs portant sur des questions juridiques destinés à la communauté.  

4.3 Les langues de l'Administration

Dans l'Administration gouvernementale, l'anglais et le swahili sont les langues légalement admises, mais le swahili est pratiquement seul à être utilisé dans les communications orales avec les citoyens parce qu'il demeure la langue la plus connue dans tout le pays. Dans les municipalités, certaines autres langues sont aussi employées à l'oral, en plus du swahili, comme le sukuma, le gogo, le hya, le chaga, le nyamwezi, le ha, etc.

Cependant, le gouvernement emploie toujours l'anglais dans la documentation officielle destinée à l'ensemble des citoyens, avec en en‑tête la seule appellation suivante: The United Republic of Tanzania. Les rares textes rédigés en kiswahili semblent être les courriers internes des employés au service de l'Administration, car tout le système administratif repose sur des textes rédigés et imprimés en anglais. Ainsi, l'anglais écrit demeure le support de toutes les structures de l'État et tout citoyen tanzanien est forcément confronté un jour ou l'autre à l'anglais. L'affichage gouvernemental est généralement bilingue, parfois uniquement en kiswahili.

À Zanzibar, la situation est différente. Même les lettres signées des ministres sont en kiswahili, quand elles s'adressent à des Tanzaniens. Une nomination, une directive, c'est en kiswahili avec en en-tête Serikali ya Mapinduzi ya Zanzibar. Le recrutement par voie de petites annonces pour la fonction publique se fait en kiswahili et en anglais pour les deux parties, continent et Zanzibar.

Pour bien montrer le caractère co-officiel de l'anglais et du kiswahili, la Loi sur la citoyenneté de la Tanzanie (1995) prescrit comme l'une des conditions pour obtenir la citoyenneté tanzanienne est d'avoir une une connaissance adéquate du kiswahili ou de l'anglais:

ANNEXE II

Article 9

Conditions pour l'obtention de la citoyenneté par naturalisation

1) Sous réserve des dispositions du paragraphe suivant, les qualifications applicables pour la naturalisation d'un étranger sont:

(a) qu'il ait résidé dans la République unie au cours de la période de douze mois précédant immédiatement la date de la demande; et

(b) que, pendant les dix années précédant immédiatement ladite période mentionnée, il ait résidé dans la République unie pour des périodes s'élevant au total à au moins sept ans; et

(c) qu'il ait une connaissance adéquate du kiswahili ou de l'anglais; et

(d) qu'il soit de bon caractère; et

[...]

Selon la Loi sur les autorités locales de 1979, tout candidat à une élection locale doit avoir publié dans les journaux un avis en kiswahili et en anglais indiquant la nature du contrat et son intérêt pour l'entreprise ou la société contractante:
 

Article 40

Disqualification pour l'élection à une collectivité locale

1)
Toute personne doit être disqualifiée lors de l'élection comme membre
d'une autorité locale :

(d) Si elle est partie ou partenaire dans une entreprise ou gestionnaire d'une société qui est partie à un contrat existant avec l'autorité locale pour laquelle elle cherche à être élue et qu'elle n'a pas, un mois avant la date de l'élection, diffusé dans les journaux publiés dans le secteur de l'autorité concernée un avis en kiswahili et en anglais indiquant la nature du contrat et son intérêt pour l'entreprise ou la société contractante;

Article 125

Règlements

1)
Le Ministre peut édicter des règlements pour la meilleure mise en
œuvre des objectifs et dispositions de la présente loi.

2) a) Le Ministre peut prévoir des règles prescrivant les formulaires et déclarations devant être utilisées aux fins de la présente loi.

b) Là où un formulaire a été prescrit en vertu du présent article, il doit être employé pour les fins visées et pour lesquelles il peut être adapté
et traduit et utilisé dans une langue que les autorités peuvent employer directement.

L'article 29 de la Loi sur l'administration fiscale (2015) désigne très clairement le kiswahili et l'anglais comme les langues officielles de l'administration fiscale: 

Article 29

Langues officielles

1)
Les
langues officielles aux fins de l'administration fiscale sont le kiswahili et l'anglais.

2) Lorsqu'une communication ou un document pertinent pour l'application d'une loi fiscale à un contribuable n'est pas dans une langue officielle, le commissaire général peut, par écrit, exiger du contribuable qu'il fournisse
une traduction officielle de la communication ou du document.

En somme, on peut affirmer que l'anglais et le kiswahili sont les langues admises et employées dans l'administration tanzanienne.

4.4 Les langues de l'enseignement

Du côté du monde de l'éducation, les écoliers tanzaniens sont scolarisés pendant tout le cycle primaire en kiswahili. Toutefois, l'usage du kiswahili ne s'est jamais répandu aux cycles supérieurs, bien que cela ait été envisagé dès 1967. Jusqu'à présent, à partir du secondaire, la langue d'enseignement est uniquement l'anglais, sauf pour le kiswahili en tant que matière et l'éducation civique, qui sont enseignés en kiswahili. À l'université, le kiswahili est inexistant, car seul l'anglais sert de véhicule de transmission des connaissances.  À Zanzibar ainsi que dans les écoles coraniques du continent, l'arabe est également enseigné comme langue seconde avec l'anglais.

Le système d'enseignement tanzanien n'est pas exempt de problèmes liés à l'emploi des langues. Dans les écoles primaires, où l'on enseigne pourtant en kiswahili, il est fréquent que les manuels en kiswahili ne suivent pas. Autrement dit, des cours peuvent se donner en kiswahili accompagnés de manuels en anglais. Au secondaire, même si l'anglais est omniprésent dans l'enseignement, la formation en anglais des professeurs devant enseigner dans cette langue laisse souvent à désirer. Cette situation entraîne des conséquences à l'université où beaucoup d'étudiants éprouvent des difficultés importantes à suivre les cours en anglais. Or, la pénurie de professeurs formés en kiswahili et de manuels en cette langue, et la présence de nombreux manuels en anglais mal adaptés à la population africaine sont en train de faire régresser l'usage du kiswahili et de compromettre le niveau général de l'éducation et de la culture générale des Tanzaniens. Curieusement, la loi scolaire de la Tanzanie (Law School of Tanzania Act, 2007) ne contient aucune disposition d'ordre linguistique.

Au moment de l'Indépendance, il existait une volonté politique de soutenir une politique de swahilisation, mais après quarante ans il faudrait songer à redéfinir cette politique qui se limite souvent à des discours et des prises de positions officielles, sans conséquences. Il faudrait, d'une part, développer davantage le lexique technique et scientifique du kiswahili, d'autre part, former des professeurs aptes à enseigner adéquatement l'anglais en tant que langue d'enseignement. 

D'ailleurs, les opposants à la promotion du kiswahili dans l'enseignement dénoncent justement cette prétendue incapacité de la langue swahilie à exprimer des idées et des concepts par manque de vocabulaire. Ils estiment que l'usage de l'anglais doit être plus étendu afin que les Tanzaniens puissent participer de plein droit à la «communauté internationale». Ils craignent que la promotion du kiswahili se fasse au détriment de l'anglais et en arrive à «couper la Tanzanie» du reste du monde.

Par contre, les partisans de la promotion du kiswahili croient que cette langue peut satisfaire à tous les besoins et être utilisée à tous les niveaux d'enseignement, incluant l'université. Ils soutiennent que l'usage du kiswahili à tous les niveaux de l'éducation ne peut que favoriser un meilleur développement cognitif pour les enfants tanzaniens. De fait, une étude tanzanienne (de P. Mlama et M. Materu, 1978) portant sur le niveau secondaire démontre depuis assez longtemps la supériorité de l'enseignement en swahili par rapport à l'anglais dans le développement des fonctions cognitives; par exemple, lorsqu'une question est posée en anglais, les réponses des élèves dénotent un défaut de compréhension et/ou d'inaptitude à répondre en anglais. Or, lorsque la même question est posée en swahili, les réponses sont pertinentes et clairement exprimées. Enfin, ceux qui préconisent un enseignement en swahili précisent aussi que, à l'heure actuelle, l'enseignement n'étant plus gratuit depuis 1993, seule une minorité favorisée de Tanzaniens accéderont au secondaire et à l'anglais.

Cela dit, le gouvernement tanzanien a fait connaître sa position officielle lors d'un colloque international tenu en 2000 à l'Université de Dar-es-Salaam. Le vice-président Omar Ali Juma a déclaré que le gouvernement s'est engagé à faire employer le kiswahili comme langue d'instruction à tous les niveaux : «Nous, en Tanzanie, sommes fiers que la langue kiswahilie nous aie unis et soit connue par tous les gens. Nous devons défendre et protéger cette langue.» La politique culturelle de 1997 précise qu'un programme spécial doit être préparé pour faire du kiswahili la langue d'enseignement à tous les niveaux d'éducation. Dans son discours donné en kiswahili, Omar Ali Juma a déclaré que la politique culturelle de 1997 incarne la vision du gouvernement sur le développement des langues nationales au pays. Il a incité les organismes responsables du développement de la langue nationale à préparer des terminologies et des manuels pour réaliser la mise en oeuvre du kiswahili comme véhicule d'enseignement dans le système éducatif tanzanien. Toutefois, il a précisé aussi que le passage au kiswahili ne doit pas signifier le rejet de l'enseignement de l'anglais: «La politique stipule clairement que les langues étrangères, incluant l'anglais, ne doivent pas être sous-évaluées, mais doivent être apprises et employées là où elles sont nécessaires. Nous attendons que les experts de la langue nous aident à atteindre ce but.»

En réalité, la politique culturelle de 1997 veut promouvoir le développement des langues nationales pour qu'elles puissent être utilisées dans l'enseignement, à partir de l'école primaire jusqu'à l'université. Cette politique mentionne également que les programmes spéciaux seront prévus pour développer le kiswahili et s'assurer en même temps que d'autres langues étrangères ne soient pas négligées. Jusqu'ici, le gouvernement n'a fait aucun pas pour mettre en application cette décision, ni pour inclure les questions linguistiques dans la Constitution. En dépit des déclarations d'intentions, le gouvernement tanzanien n'est peut-être pas prêt à donner au kiswahili la place qui lui fut promise par la TANU (Tanganyika African National Union ou Union nationale africaine du Tanganyika) avant l'indépendance, car appliquer une telle politique linguistique coûte beaucoup d'argent (trop!) pour un pays avec de maigres ressources financières.

Pour ce qui est de Zanzibar, l'anglais, comme sur le continent, reste un parent pauvre dans l'enseignement, bien que la swahilisation y soit plus poussée. Comme dans tout le pays, à l'université, l'anglais reste la langue d'enseignement. Dans les faits, il est impossible pour la plupart des Zanzibarais de discuter en anglais dès qu'ils se retrouvent entre eux. L'anglais demeure une langue scolaire, alors que l'administration universitaire fonctionne en kiswahili. La question linguistique, à Zanzibar comme sur le continent, est loin d'être réglée.

4.4 La langue des entreprises

La Tanzanie a prévu certaines mesures concernant l'emploi des langues de la part des entreprises. Ainsi, la Loi sur les entreprises (2002) oblige les entreprises à prévoir que leurs documents soient rédigés en anglais (art. 9 et 439). Dans le cas où les documents sont dans une langue étrangère, une traduction certifiée conforme doit être annexée aux documents (art. 132, 434 et 438):

Article 4

Exigences en ce qui concerne les notes de commande

1) Les notes de commande de chaque entreprise doivent être imprimées en anglais et indiquer :

a) le nom de l'entreprise avec "société publique à responsabilité limitée" comme derniers mots du nom dans le cas d'une société publique ou avec "limitée" comme dernier mot du nom dans le cas d'une société en commandite par des actions ou par garantie (non une société publique); et

Article 9

Documents prescrivant des règlements pour les entreprises

2) Les documents doivent être: 

a) en anglais;
b) imprimés;

Article 132

Comptes et d'autres documents à être annexés aux revenus annuels

1)
Doivent être annexés à la déclaration annuelle :

a) Dans le cas de toutes les entreprises autres que des sociétés privées exemptées de l'obligation de nommer des vérificateurs en vertu de l'article 171 et des entreprises illimitées exonérées de l'obligation de préparer des déclarations en vertu de l'article 16:

(i) Une copie autorisée par un directeur et le secrétaire de l'entreprise comme étant une copie authentique, des déclarations déposées par l'entreprise lors d'une assemblée générale pendant la période à laquelle les revenus sont rapportés (incluant chaque document exigé, conformément à la loi pour être annexé à la déclaration); et

(ii) Une copie certifiée, comme il est prévu ci-dessus, du rapport des vérificateurs et de celui des directeurs accompagnant chacun de ces bilans; et lorsque les déclarations ou documents exigés en conformité avec la loi pour être annexés, sont dans une langue étrangère, une traduction certifiée conforme doit être annexée;

Article 434

Documents devant être remis au greffier par les entreprises étrangères

1) Les entreprises étrangères qui, après le jour désigné, ont une place d'affaires en Tanzanie doivent, dans les trente jours de l'instauration de la place d'affaires, remettre au greffier pour fins d'enregistrement:

a) Une copie certifiée conforme à la charte, aux statuts ou règlements de l'entreprise ou tout autre instrument établissant ou définissant la constitution de l'entreprise et, si les documents ne sont pas rédigés en anglais, une traduction certifiée conforme.

Article 438

Obligation des sociétés étrangères de classer ses comptes

1)
Toute entreprise étrangère doit, pour chaque année civile, présenter des déclarations annuelles selon une forme précise et contenant ces indications en incluant ces documents, conformément aux dispositions de la présente loi (sous réserve toutefois des exceptions prescrites par le Ministre par règlement); s'il s'agit d'une société aux termes de la présente loi, l'entreprise est tenue d'inscrire et de déposer à son assemblée générale et de remettre, dans les trois mois après la date à laquelle les déclarations sont présentées, des copies de ces documents au greffier à des fins d'enregistrement.

2) Si ces documents, tels qu'ils sont mentionnés au paragraphe 1, ne sont pas rédigés en anglais, une traduction certifiée conforme doit y être annexée.

Article 439

Obligation de mentionner le nom de l'entreprise étrangère, si elle est à responsabilité limitée et le pays d'incorporation

1) Toute entreprise étrangère doit:

d) Si la responsabilité des membres de l'entreprise est limitée, le motif de l'avis de ce fait doit être présenté en anglais avec des caractères lisibles pour chacun de ces documents d'offre et dans toutes les en-têtes de facture, le papier de lettre, des avis et autres publications officielles de l'entreprise en Tanzanie et doit être fixé à chaque endroit où l'entreprise exerces ses activités.

Cette Loi sur les entreprises de 2002 ne fait aucune allusion au kiswahili, mais la Loi sur les assurances (1996) mentionne la possibilité d'utiliser l'anglais OU le kiswahili ou encore les deux à la fois:

Article 24

Registres et conservation des documents


1)
Toutes les entrées dans les livres et tous les comptes d'un assureur doivent être rédigés
en anglais ou en kiswahili, ou dans les deux langues.

Article 56

Droits des courtiers

1)
Toutes les entrées dans les livres et les comptes d'un courtier doivent être
en anglais ou en kiswahili ou dans les deux langues.

Dans la Loi sur les brevets d'invention (1987), la protection accordée par la loi (art. 33) ne vaut que si le texte est rédigé en anglais ou accompagné d'une traduction anglaise:

Article 33

Sécurité provisoire des publications internationales

1)
L'exonération mentionnée à l'article 66 peut être demandée à l'égard des actes commis avant l'émission du brevet d'invention, mais après la date de de la publication internationale en vertu de l'article 21 du Traité de coopération en matière de brevet, à la condition que ladite publication internationale ait été rédigée
en anglais.

2) Lorsque la publication internationale a été rédigée dans une autre langue que l'anglais, le paragraphe 1 s'applique à la condition que le requérant ait transmis une traduction anglaise de ladite publication internationale à un tiers et seulement dans le respect des actes commis par ce dernier après qu'il ait reçu ladite traduction.

L'article 57 de la Loi sur les marchés publics (2011) semble accorder une certaine prédominance à la langue anglaise:

Article 57

Langue

1)
Les documents de pré-qualification et les cahiers de charge doivent être rédigés
en anglais, ainsi que les appels d'offres sont demandés formellement dans cette langue, sous réserve des dispositions du paragraphe 2).

2) Lorsqu'une entité contractante participe de façon limitée aux cahiers de charge nationaux ou uniquement aux ressortissants tanzaniens, les documents d'appel d'offres peuvent être rédigés
en kiswahili ou en anglais, et les appels d'offres peuvent être exigés dans l'une ou l'autre des langues.

Ces quelques exemples suffisent à démontrer que l'anglais occupe une place incontournable en Tanzanie, supérieure à celle du kiswahili, du moins dans les entreprises.

4.6 Les médias et les activités économiques

En Tanzanie, la langue des médias est manifestement le swahili (ou kiswahili). La radio nationale et des stations privées émettent dans cette langue toute la journée. La presse écrite, qui s'est considérablement développée depuis 1993, utilise massivement le kiswahili. Le nombre de journaux publiés en anglais est minime, comparativement au nombre de journaux paraissant tous les jours en kiswahili. En somme, les médias témoignent d'un pays plus swahiliphone qu'anglophone:
Arusha
Dar-es-Salaam
Dar-es-Salaam
Dar-es-Salaam
Dar-es-Salaam
Dar-es-Salaam
Dar-es-Salaam
Dar-es-Salaam
Dar-es-Salaam
Dar-es-Salaam
Dar-es-Salaam
Dar-es-Salaam
Dar-es-Salaam
Dar-es-Salaam
Dar-es-Salaam
Dar-es-Salaam
Dar-es-Salaam
Dar-es-Salaam
Dar-es-Salaam
Dar-es-Salaam
Zanzibar
Arusha Times
African
Alasiri
Business Times
Dar Leo
Express
Financial Times
Guardian
IPP Media
ITV
Kasheshe
Komesha
Maisha
Majira
Rai
Nipashe

Mtanzania
Radio 1
Rockers
Tanserve
anglais
anglais
SWAHILI
anglais
SWAHILI
anglais
anglais
anglais
anglais
SWAHILI
SWAHILI
SWAHILI
SWAHILI

SWAHILI
SWAHILI
SWAHILI
anglais
SWAHILI
anglais
anglais
SWAHILI

Pour les activités économiques, la plupart des communications orales se font en kiswahili, même si presque tous les documents écrits sont en anglais. On peut dire que les langues de l'activité économique sont le kiswahili pour les affaires ordinaires (commerces locaux, banques, postes et autres services publics) et l'anglais pour les affaires importantes (grandes entreprises et commerce international). En ce sens, l'anglais a surpassé le kiswahili dans la mesure où la connaissance de l'anglais constitue un facteur de prestige dans les milieux de travail où l'instruction est importante. Par ailleurs, le bilinguisme anglais-kiswahili est fréquent dans l'affichage commercial et les raisons sociales, mais la publicité se fait majoritairement en kiswahili. 

La politique linguistique officielle de la Tanzanie est de favoriser le swahili, tout en maintenant encore l'anglais dans certaines fonctions. C'est là le discours officiel qui est démenti dans les faits. Le swahili ou kiswahili n'a pas encore la place qui lui avait été promise par la TANU (Tanganyika African National Union ou Union nationale africaine du Tanganyika) en 1967 et que sa situation quarante ans après l'indépendance laisse encore à désirer. Le kiswahili a bien remplacé l'anglais dans certains domaines et il est effectivement présent oralement sur tout le territoire, dans les lieux publics et administratifs, mais il reste d'un usage restreint dans des domaines de prestige, dont l'enseignement secondaire et universitaire, ainsi que dans la plupart des textes administratifs, politiques et judiciaires, qui régissent la vie publique de ce pays. Le swahili occupe la place prépondérante à l'oral et les médias, mais est négligé à l'écrit et jusque dans les symboles de l'État.

De plus, on peut se demander comment il se fait que l'État a favorisé le swahili parlé par seulement 1 % de la population plutôt que le sukuma (15 %) dont le nombre des locuteurs dépasse les cinq millions. Le swahili possède l'avantage d'être une langue parlée dans tout le sud-est de l'Afrique par 30 à 40 millions de personnes (comme langue seconde), qu'il dispose d'une écriture et d'une littérature, et qu'il est devenu une langue d'enseignement jusqu'à l'université.

Les autres langues tanzaniennes sont limités aux communications orales, elles ne sont pas enseignées et restent trop localisées au point de vue géographique. Beaucoup de jeunes des villes refusent souvent de parler leur langue locale pour éviter de se marginaliser; ils connaissent souvent mieux le swahili que leur langue maternelle. Il faut ajouter aussi que la plupart des langues locales sont fragmentées en une multitude de variantes dialectales; elles sont donc très limitées dans leurs fonctions sociales. C'est pourquoi le swahili paraît avoir tous les atouts pour devenir la langue véhiculaire importante en Tanzanie. De plus, le swahili demeure l'une des rares langues autochtones en Afrique, avec l'arabe, à pouvoir tenir tête à l'anglais. C'est déjà une grande victoire pour les langues africaines. Cependant, l'anglais détient encore un rôle incontournable dans les entreprises.

Dernière mise à jour: 19 déc. 2023
 
L'auteur désire remercier Mme Agnès Viellard pour sa précieuse collaboration (voir la bibliographie). On peut communiquer (en français, en anglais ou en swahili) avec Mme Viellard, de la State University of Zanzibar, à l'adresse suivante: agnesviellard@yahoo.fr.

Bibliographie

BRANN, Conrad B. Official and national Languages in Africa: Complementary of Conflict?, Québec, CIRB, Université Laval, 1985, 56 p.

ENCYCLOPÉDIE MICROSOFT ENCARTA, 2004, art. «Tanzanie», pour la partie historique.

HALFANI, Mohamed et Maria NZOMO. «Réconcilier l'État et la société: démocratie et droits de la personne en Tanzanie» dans Libertas - le bulletin d'information du CIDPDD, février 1995, http://www.ichrdd.ca/PublicationsF/ddtan_rf.html

LAPONCE, Jean A. Langue et territoire, Québec, Presses de l'Université Laval, CIRB, 1984, 265 p.

PRUNIER, Gérard. «Zanzibar à l'heure du multipartisme» dans Le Monde diplomatique, Paris, juillet 1996, p. 21

RUBAGUMYA, Casmir M. «Language Planning in the Tazanian Educational System: problems and prospects» dans Journal of Multilingual and Multicultural Development, vol. 7, no 4, 1986, p. 283-300.

LE MONDE DIPLOMATIQUE - JUILLET 1996 - Page 21
http://www.monde-diplomatique.fr/md/1996/07/PRUNIER/5141.html

Institut d'études sur le développement. «Réconcilier l'État et la société» dans Démocratie et droits de la personne en Tanzanie, Dar es-Salam (Tanzanie), février 1995, 
[http://www.ichrdd.ca/PublicationsF/ddtan_rf.html].

VIELLARD, Agnès. Création lexicale en kiswahiliDéveloppement, dynamisme et richesse d'une langue, analysés à travers une étude de la presse swahiliphone tanzanienne de 1995 à 1999»), Paris, Institut national des langues et civilisations orientales, mémoire pour l'obtention du Diplôme de recherche et d'études appliquées, études africaines, mention swahili, 1999.

 

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