Les autochtones du Québec
Distribution géographique
En 1989, le Québec comptait 54 agglomérations autochtones (voir carte 2) : 30
réserves indiennes habitées, 22 villages nordiques (cris et inuit) et 2 villages
amérindiens non reconnus (Grand-Lac-Victoria et Chibougamau). Une bande micmaque
vivait dispersée dans la ville de Gaspé (constituant ainsi une
cinquante-cinquième communauté autochtone), alors que deux réserves appartenant
aux Malécites, celles de Cacouna et de Whitworth étaient inhabitées. Ces
agglomérations regroupaient les trois quarts des autochtones du Québec. Les
autres membres des premières nations vivaient dans des villes et villages à
majorité euro-québécoise (Montréal, Québec, Gatineau-Hull, Val-d'Or, Senneterre,
etc.).
En ce qui concerne la répartition régionale, 17 villages et réserves
autochtones sont situés au Nouveau-Québec, 8 sur le territoire de la baie James,
8 sur la Côte-Nord, 7 en Abitibi-Témiscamingue, 3 en Haute-Mauricie. 3 dans la
grande région montréalaise, 2 dans l'Outaouais québécois, 2 en Gaspésie (sans
compter la bande de Gaspé), 2 dans la région de Nicolet (rive sud du
Saint-Laurent), un au Lac-Saint-Jean et un dans la région de Québec. Une réserve
mohawk, celle d'Akwesasne, est partagée entre le Québec, l'Ontario et l'État de
New York.
Ces agglomérations sont généralement homogènes du point de vue ethnique
(majorité autochtone appartenant à la même nation), avec cependant quelques
exceptions. Le village de Poste-de-la-Baleine, par exemple, dans la baie
d'Hudson, se subdivise en deux quartiers, séparés par une simple piste
d'atterrissage, mais administrativement distincts (et considérés comme deux
entités dans les chiffres qui viennent d'être cités) : Whapmagoostui pour les
Cris, et Kuujjuarapik pour les Inuit. De même, à Schefferville (Nouveau-Québec),
on trouve deux agglomérations sises à quelques kilomètres l'une de l'autre :
Matimekosh (pour les Montagnais) et Kawawachikamach (pour les Naskapis).
Le village cri de Chisasibi abrite une population d'une cinquantaine d'Inuit
(dont très peu parlent encore leur langue), alors que la réserve montagnaise de
Mashteuiatsh compte plusieurs familles d'origine abénakie (toutes de langue
maternelle française) installées là depuis le début du siècle. Quelques
Algonquins vivent à Kanesatake et quelques Ojibwa originaires de l'Ontario
habitent Pikogan, en milieu algonquin. À quelques centaines d'individus près,
les agglomérations autochtones du Québec sont donc ethniquement homogènes.
GOUVERNEMENT DU QUÉBEC. Amérindiens et Inuits - Portrait des nations autochtones du Québec, Secrétariat aux affaires autochtones, Québec, 2009, 62 p.
Les Abénakis
Population et territoire
Odanak et Wôlinak, les deux communautés abénaquises du Québec, sont situées sur la rive sud du Saint-Laurent, près de Trois-Rivières, entre Sorel et Bécancour. On compte plus de 2 091 Abénaquis au Québec, dont environ 400 demeurent à Odanak et à Wôlinak. Des centaines d’Abénaquis vivent en dehors de leur communauté, un peu partout en Amérique du Nord.
Langue
Les Abénaquis appartiennent à la grande famille linguistique et culturelle algonquienne. Au Québec, ils parlent français, et plusieurs d’entre eux connaissent aussi l’anglais. La langue abénaquise est parlée par moins d’une centaine d’aînés.
Histoire
Les Abénaquis sont arrivés au Québec au 17e siècle, à partir des États actuels du Maine, du New Hampshire et du Vermont. Pendant longtemps, la vannerie de frêne et le foin d’odeur ont représenté une source importante de leurs revenus. Chaque été, les familles abénaquises se rendaient aux États-Unis vendre leurs paniers fabriqués durant l’hiver. Puis, au début du 20e siècle, des marchands de Montréal, Toronto et New York venaient directement à Odanak acheter la production des Abénaquis et leur vendre la matière première. Les familles ont alors cessé leurs voyages estivaux vers les États-Unis.
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Les abénakis se sont établis au Québec entre 1676 et 1680 dans la région de Sillery et ont par la suite vécu pendant une vingtaine d'années sur les rives de la rivière Chaudière, à la hauteur des chutes, avant de se fixer à Odanak et à Wôlinak au début du XVIIIe siècle.
Leur nom est dérivé des termes wabun (l’aube) et aKi (la
terre) et signifie «peuple du soleil levant» ou «peuple de l’Est». La légende
raconte qu’au début, alors qu’il n’y avait que des plantes et des animaux sur la
terre, le Grand Esprit aurait sculpté l’Abénaquis et sa compagne dans un grand
frêne droit. Ainsi serait né le peuple de l’Est. Au Québec, la nation abénaquise
compte deux communautés, Odanak et Wôlinak, dont les superficies combinées ne
dépassent pas les sept kilomètres carrés.
Elles sont situées dans la région du Centre-du-Québec, sur les rives de la
rivière Bécancour et de la rivière Saint-François, non loin de Trois-Rivières et
de Sorel. Ces deux rivières font partie des terres ancestrales abénaquises qui
s’étendaient du Nord-Est des États-Unis (incluant les régions des Bois-Francs et
de l’Estrie) jusqu’en Mauricie. Compte tenu de leur emplacement géographique
actuel, l’agriculture a supplanté la chasse, la pêche et la trappe en tant
qu’activité traditionnelle des Abénaquis.
La population abénaquise est composée au Québec de 2 072 membres, dont la grande
majorité demeure hors communauté. Ayant pratiquement perdu l’usage de leur
langue d’origine, ils parlent le français et l’anglais. Ils entretiennent de
bonnes relations avec les Abénaquis aux États-Unis, avec qui ils travaillent à
la revitalisation de la culture et de la langue communes.
Les Algonquins
Les vrais hommes – Le peuple de la Terre
Population et territoire
Des quelque 9 645 Algonquins, 5 500 habitent les neuf communautés de la nation. Sept des communautés algonquines se trouvent dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue : Hunter’s Point, Kebaowek, Lac-Simon, Kitcisakik, Pikogan, Timiskaming et Winneway. Les deux autres, Lac-Rapide et Kitigan Zibi, sont situées dans la région de l’Outaouais.
Langue
La langue algonquine est parlée dans la plupart des communautés, et certains aînés ne connaissent ni l’anglais ni le français. Comme langue seconde, les Algonquins utilisent l’anglais ou le français, et plusieurs sont trilingues.
Histoire
Traditionnellement, le mode de vie des Algonquins s’est articulé autour de la chasse, de la pêche, du piégeage et de la cueillette. Comme chez les autres groupes nomades, les activités de subsistance variaient au rythme des saisons. L’été était l’occasion de grands rassemblements au cours desquels des mariages étaient célébrés. L’automne, les familles repartaient vers leur territoire de chasse pour y passer l’hiver.
La sédentarisation des Algonquins s’est accentuée au début du 20e siècle, lorsque l’Abitibi s’est ouverte à la colonisation. Les colons, les prospecteurs et les bûcherons y ont afflué, perturbant progressivement les activités traditionnelles de la nation. Plusieurs réserves se sont constituées de 1940 à 1974, entre autres celles de Lac-Simon, de Lac-Rapide, de Pikogan et de Kebaowek. Certaines communautés ne sont cependant pas constituées en réserve : Kitcisakik, Winneway et Hunter’s Point.
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Le mot Anishnabe (Anishinabeg), par
lequel les Algonquins se désignent, signifie « être humain issu de cette terre
». Au Québec, les Algonquins sont au nombre de 9 278, et 57 % d’entre eux
résident dans leurs communautés. Leur territoire ancestral, qui s’étendait du
lac des Deux-Montagnes jusqu’en Abitibi-Témiscamingue et en Ontario, se limite
aujourd’hui à neuf communautés, ainsi qu’à des territoires de quelques hectares,
eux-mêmes partiellement occupés par les compagnies forestières et minières et
par les trappeurs non autochtones.
Jusqu’au xixe siècle et même, dans certains cas, jusqu’au 20e siècle, les
Algonquins ont pu conserver leur mode de vie nomade et leurs pratiques
spirituelles ancestrales. Cependant, leur sédentarisation s’est accélérée au
début du xxe siècle, avec l’ouverture de l’Abitibi à la colonisation et
l’arrivée massive de prospecteurs et de bûcherons. Les pensionnats ont également
perturbé le mode de vie ancestral et familial des Algonquins qui en conservent
encore aujourd’hui un souvenir douloureux. Malgré cela, les Algonquins, qui
restent avant tout des chasseurs et des pêcheurs, n’ont cessé d’honorer leur
lien avec la nature, et certaines familles passent encore tout l’hiver dans leur
territoire de chasse, à la façon de leurs ancêtres.
Les deux plus grandes communautés sont également les plus anciennes : Kitigan
Zibi (Maniwaki) en Outaouais et Timiskaming en Abitibi-Témiscamingue. Entre
celles-ci se trouvent les territoires traditionnels des autres communautés :
Hunter’s Point (Wolf Lake), Winneway (Long Point), Eagle Village (Kipawa),
Pikogan (Abitibiwinni), Lac Simon, Kitcisakik (Grand Lac Victoria) et Rapid Lake
(Barrier Lake).
La majorité de ces communautés sont accessibles par le réseau routier, bien que
certaines soient toujours isolées.
Afin
de conserver la culture bien vivante, certaines communautés enseignent la
pratique d’activités ancestrales, telles que l’artisanat, la chasse, la trappe
et la médecine traditionnelle, aux élèves de niveaux primaire et secondaire.
Les Attikameks
Le peuple de l’écorce
Population et territoire
Les Attikameks, au nombre d’environ 6 320, habitent principalement à Manawan, dans la région de Lanaudière, de même qu’à Wemotaci et à Obedjiwan, dans la région de la Mauricie.
Langue
L’attikamek est parlé par toute la population, tandis que le français est utilisé comme langue seconde.
Histoire
Au début des années 1900, l’industrialisation a entraîné l’exploitation intensive du territoire et affecté la société attikamek. Un premier « moulin à bois » a ouvert ses portes à La Tuque, puis le chemin de fer s’est rendu jusqu’à Wemotaci avant d’être prolongé vers l’Abitibi. Le train a provoqué l’afflux d’un grand nombre de travailleurs, de chasseurs et de pêcheurs en Mauricie. Par ailleurs, les Attikameks se sont déplacés à plusieurs reprises, entre 1950 et 1972, en raison de la construction de barrages.
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Uniquement présents au Québec, les Atikamekw, dont le nom
signifie « corégone », sont au nombre de 6 042 et vivent en grande majorité dans
leurs communautés. Leur vaste territoire, qu’ils appellent Nitaskinan, situé
dans la région de la rivière Saint-Maurice, s’étend de la rivière Gatineau
jusqu’au lac Saint-Jean d’un côté, et jusqu’au nord du réservoir Gouin de
l’autre, soit dans les régions de Lanaudière et de la Mauricie.
Les Atikamekw vivent en plein coeur de la forêt boréale, entre les territoires
des Montagnais, des Algonquins et des Cris, dans une région parsemée de nombreux
cours d’eau. L’arrivée des étrangers dans leur territoire, au milieu du xixe
siècle, n’a pas eu d’impact immédiat sur leur mode de vie. Ce n’est qu’au début
du xxe siècle que les effets se sont fait sentir avec la construction du chemin
de fer, la mise en chantier des barrages sur les bassins de la rivière
Saint-Maurice, l’afflux de main-d’oeuvre non autochtone et le refoulement des
Atikamekw dans les réserves.
Les Atikamekw sont répartis en trois communautés : Obedjiwan (Opitciwan) et
Wemotaci en Mauricie, et Manawan dans Lanaudière. Ils possèdent également un
autre lieu de campement ancestral, la communauté inhabitée de Coocoocache (qui
veut dire « hibou »). Loin des centres urbains, les Atikamekw ont pu conserver
leurs coutumes et leur langue, qui est enseignée dans les écoles primaires. Le
français est la langue seconde et certains aînés ne parlent que l’atikamekw.
Parmi toutes les autres collectivités autochtones au Canada, seuls les Inuits
atteignent un taux de conservation de la langue maternelle comparable à celui
des Atikamekw.
Les Cris
Population et territoire
Comptant plus de 16 150 personnes, les Cris forment la troisième nation la plus
populeuse du Québec. Les neuf villages cris sont situés sur les rives de la baie
James (Waskaganish, Eastmain, Wemindji et Chisasibi) et de la baie d’Hudson (Whapmagoostui),
ainsi qu’à l’intérieur des terres (Nemiscau, Waswanipi, Mistissini et Oujé-Bougoumou).
Inauguré en 1993, le village d’Oujé-Bougoumou, à l’architecture moderne, est un
modèle d’intégration du mode de vie des Autochtones. OEuvre de l’architecte
amérindien Douglas Cardinal, ce village a remporté de nombreuses distinctions
sur la scène internationale, dont un prix décerné par les Nations Unies.
Langue
La totalité de la population parle la langue crie, tandis que l’anglais est la
langue seconde de la majorité. Un grand nombre de personnes, des jeunes surtout,
parlent aussi français.
Histoire
Priginaires des plaines de l’Ouest canadien, les Cris habitent la région de la
Baie-James depuis environ 5 000 ans. Dans les années 1950, la présence
grandissante du gouvernement fédéral, l’introduction de l’école obligatoire, la
construction de maisons permanentes et le déclin du commerce des fourrures ont
bouleversé leur mode de vie.
En 1971, l’annonce de la construction de grands barrages hydroélectriques dans
la région de la Baie- James a mobilisé la nation crie. En 1975, à la suite de
négociations tenues avec les gouvernements du Québec et du Canada, les Cris et
les Inuits
signent la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ). En vertu de
cette convention, ils obtiennent des droits particuliers sur un vaste
territoire, notamment la propriété ou l’usage exclusif de territoires ainsi que
des droits exclusifs de chasse et de pêche. Plusieurs organismes ont alors été
créés, dont l’Administration régionale crie, la Commission
scolaire crie, le Conseil cri de la santé et des services sociaux de la
Baie-James et l’Office de la sécurité du revenu des chasseurs et piégeurs cris.
La nation a acquis davantage d’autonomie grâce à la Loi sur les Cris et les
Naskapis du Québec, adoptée par le Parlement canadien en 1984 en remplacement de
la Loi sur les Indiens. Les Cris et les Naskapis ont ainsi obtenu un cadre
juridique différent des autres nations amérindiennes.
Développement socioéconomique
La nation crie a connu un essor économique important à la suite de la signature
de la CBJNQ, ce qui a donné lieu à la création de plusieurs entreprises. Ainsi,
CREECO, la compagnie des entreprises régionales des Cris, est fondée en 1982 ;
elle gère plusieurs entreprises, dont la Compagnie de construction et de
développement crie, classée parmi les chefs de file dans le domaine de la
construction au Québec. La compagnie aérienne Air Creebec, également propriété
des Cris, relie le
territoire de la Baie-James et le nord de l’Ontario à Montréal et à Val-d’Or.
Plusieurs entreprises communautaires et privées existent aussi au sein des
communautés cries.
La mise en oeuvre de la CBJNQ a cependant entraîné certaines difficultés. S’en
sont suivies plusieurs tentatives de négociation et des poursuites judiciaires
jusqu’en 2001, année où le gouvernement du Québec et les Cris ont élaboré une
entente de principe qui a donné lieu, le 7 février 2002, à la signature de
l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et
les Cris du Québec, communément appelée la Paix des braves. Cette entente
garantit la participation des Cris au développement forestier, minier et
hydroélectrique du territoire de la Baie-James.
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Les Cris
Les territoires cris se situent dans la région de la baie James, à la limite
limite de la forêt boréale et de la taïga. Dans la partie la plus nordique du
Québec accessible par la route, on compte neuf communautés cries. Celles qui se
trouvent le long du littoral de la baie James et de la baie d’Hudson sont
désignées par les Cris sous le nom de wiinipakw (« la mer ») : Waskaganish,
Eastmain, Wemindji, Chisasibi et Whapmagoostui, cette dernière étant juxtaposée
à la municipalité inuite de Kuujjuarapik, tandis que les quatre autres villages
sont appelés nuuchimiich (« à l’intérieur des terres ») : Nemiscau (Nemaska),
Waswanipi, Oujé-Bougoumou et Mistissini.
Plus de 88 % des 14 886 Cris présents au Québec vivent dans les communautés. Les
Cris sont des iiyiyuu ou iinuu, ce qui signifie simplement « les gens » ou « le
peuple ».
La langue crie est enseignée autant à la maison qu’à l’école, c’est pourquoi
environ trois Cris sur quatre la parlent quotidiennement. L’anglais demeure la
langue seconde. Après avoir été des acteurs de premier plan dans la traite des
fourrures à l’époque de la colonisation, les Cris se sont également retrouvés au
centre des négociations menées en 1975 avec les gouvernements fédéral et
provincial concernant l’exploitation hydroélectrique de leurs territoires,
marquant ainsi un tournant décisif dans leur mode d’autogestion. La convention
de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ) leur a permis de mettre en place
des structures administratives telles que l’Administration régionale crie, le
Conseil régional de la santé et des services sociaux cris, l’Office de la
Sécurité du revenu des chasseurs et piégeurs cris et la Commission scolaire
crie.
Le Grand Conseil des Cris, mis sur pied avant la CBJNQ, demeure l’organisme
politique principal représentant les Cris auprès des différents gouvernements.
De plus, l’Administration régionale crie gère les services et les programmes
offerts aux collectivités, notamment en matière d’habitation et d’environnement.
Les Hurons-Wendats
Le peuple du commerce
Population et territoire
Les Hurons-Wendats constituent l’une des nations les plus urbanisées du Québec.
Leur unique communauté, Wendake, est adjacente à la ville de Québec. Quelque 1
310 Hurons-Wendats y habitent.
Langue
Les Hurons-Wendats parlent français. La langue huronne est considérée comme
éteinte, mais un projet de recherche est en cours, afin d’en assurer la
revitalisation.
Histoire
Les Hurons-Wendats résident au Québec depuis 1650. Auparavant, ils vivaient près
du lac Huron, en Ontario, où ils formaient une confédération de quatre tribus
réparties en une vingtaine de villages. Sédentaires, les Hurons-Wendats
cultivaient en abondance le maïs et le tabac, dont ils utilisaient les surplus
pour faire du troc avec les autres nations. Au 17e siècle, ils possédaient un
empire commercial et, pendant des années, ils ont été les plus importants
partenaires commerciaux
des Français.
En 1990, un jugement de la Cour suprême du Canada a reconnu la validité d’un
traité signé en 1760 par le général Murray en faveur des Hurons- Wendats. Ce
traité leur assurait le libre exercice de leur religion, de leurs coutumes et du
commerce avec les Anglais sur le territoire qu’ils fréquentaient.
Développement socioéconomique
Wendake se compose de trois secteurs : le vieux village récemment mis en valeur,
le quartier résidentiel développé à partir des années 1970 ainsi qu’une zone
industrielle. Le tourisme constitue un apport économique très important pour
Wendake. En effet, des milliers de visiteurs s’y rendent chaque année. L’église
Notre-Dame-de-Lorette, classée monument historique depuis 1957, la Maison
Arouanne et le nouvel hôtel-musée rassemblent les pièces les plus importantes du
patrimoine huron-wendat.
L’économie de Wendake est florissante, notamment grâce à la
Société de développement wendat, qui procure une expertise technique à
l’industrie locale. Une soixantaine d’entreprises fournissent de l’emploi non
seulement aux Hurons-Wendats, mais aussi à plusieurs non-Autochtones. Les
mocassins, les canots et les raquettes de Wendake sont des produits reconnus à
l’échelle internationale. Le gouvernement du Québec et le Conseil de la nation
huronne-wendate ont signé une entente-cadre en février 2000. L’accord sert de
base à une négociation particulière portant sur des sujets d’intérêt commun tels
que la chasse, la pêche et la fiscalité. À l’été 2008, la communauté a inauguré
un complexe touristique comprenant un hôtel-musée
et un amphithéâtre extérieur.
Les Innus (Montagnais)
Population et territoire
Sept des neuf villages innus du Québec sont répartis le long de la côte nord du
fleuve Saint-Laurent. Ce sont Essipit, Betsiamites, Uashat-Maliotenam, Mingan,
Natashquan, La Romaine et Pakuashipi. Un autre village, Mashteuiatsh, est situé
au Lac- Saint-Jean tandis que Matimekosh–Lac-John est adjacent à Schefferville.
Les Innus, qui comptent près de 16 200 personnes, sont la deuxième nation
autochtone la plus populeuse du Québec.
Langue
L’innu constitue la langue première parlée par la majorité des membres de la
nation, leur langue seconde étant le français. La communauté de Betsiamites
s’est acquis une réputation enviable sur le plan de la promotion de sa culture
et de sa langue. C’est là notamment que le premier dictionnaire innu-français
est né.
Histoire
Jusqu’au 20e siècle, à l’exception de quelques villages non autochtones du
littoral, les Innus ont pratiquement été les seuls habitants de la côte nord du
Saint-Laurent. Au début, ils vivaient de chasse, de pêche et de cueillette sur
cet immense territoire qui s’étendait jusqu’à 600 kilomètres à l’intérieur des
terres. Puis, au 18e siècle, à la suite de l’établissement des comptoirs de
traite, les Innus ont orienté leurs activités vers le piégeage des animaux à
fourrure. L’arrivée d’industries minières et forestières et la construction de
barrages hydroélectriques ont accéléré leur sédentarisation et mené à la
création des neuf villages actuels.
Développement socioéconomique
Les communautés innues sont très différentes les unes des autres, tant par leur
situation géographique et leur taille que du point de vue socioéconomique. La
communauté de Mashteuiatsh, près de Roberval, possède plusieurs commerces et
entreprises, une caisse populaire, un musée ainsi qu’un complexe communautaire
qui abrite une patinoire, un dispensaire et des bureaux. Pour sa part, celle de
Uashat- Maliotenam, près de Sept-Îles, possède notamment un centre commercial,
une maison de transmission de la culture et un musée.
La Romaine et Pakuashipi sont les plus éloignées et les plus petites des
communautés de la Basse- Côte-Nord. Leurs résidents pratiquent la chasse et la
pêche, parlent tous la langue innue et ont conservé leurs traditions bien
vivantes. Il en est de même de Matimekosh–Lac-John, située à 510 kilomètres au
nord de Sept-Îles.
Les Innus de Uashat-Maliotenam ont conclu une entente avec Hydro-Québec
relativement au développement hydroélectrique de la rivière Sainte-Marguerite.
Pour leur part, ceux de Betsiamites ont signé une entente de partenariat avec
Hydro-Québec concernant la réalisation de projets hydroélectriques sur la
Côte-Nord, soit le barrage sur la Toulnustouc et la dérivation des rivières
Portneuf, Manouane et du Saultaux- Cochons.
Une entente similaire a été conclue entre Hydro- Québec et les communautés de Mingan, Natashquan, Pakuashipi et La Romaine concernant un aménagement hydroélectrique projeté sur la rivière Romaine. Essipit, La Romaine, Mingan, Natashquan et Betsiamites gèrent des pourvoiries dont certaines donnent accès à d’importantes rivières à saumons. De plus, plusieurs communautés participent aux activités de pêche traditionnelle et commerciale. Fabrication d’un canot. Répliques de tipis sur les berges du lac Saint-Jean, dans la communauté de Mashteuiatsh. Les Innus ont créé plusieurs organismes et infrastructures, dont l’Institut culturel et éducatif montagnais, pour favoriser l’épanouissement et la diffusion de leur culture. Les communautés innues possèdent une station de radio communautaire reliée au réseau de la Société de communication Atikamekw-Montagnais, qui réalise des émissions en innu et en attikamek. La nation innue est en négociation territoriale globale avec les gouvernements du Québec et du Canada depuis 1980, en vue de la reconnaissance de droits ancestraux et territoriaux, ainsi que du droit à l’autonomie gouvernementale.
Les Inuits
Les Hommes
Population et territoire
Au Québec, les Inuits habitent le Nunavik, un vaste territoire situé au nord du
55e parallèle. La population du Nunavik – environ 10 460 Inuits – se répartit
dans 14 villages comptant entre 100 et 1 700 habitants. Ces villages, distants
de plusieurs centaines de kilomètres les uns des autres, sont situés sur les
littoraux de la baie d’Hudson, du détroit d’Hudson et de la baie d’Ungava. Une
centaine d’Inuits vivent à Chisasibi, un village cri de la Baie-James. Fait à
noter, 40 % de la population inuite a moins de 15 ans.
Langue
La langue des Inuits, l’inuktitut, est riche et souple, capable de s’adapter aux réalités contemporaines. La langue seconde de la majorité des Inuits est l’anglais. Cependant, le français connaît une nette progression comme langue utilisée dans les institutions publiques et comme langue seconde enseignée à l’école. En fait, l’enseignement se fait entièrement en inuktitut jusqu’en troisième année, moment où les jeunes Inuits étudient en français ou en anglais, à leur choix. Jusqu’à la fin des années 1970, ils choisissaient en grande majorité l’anglais, mais, aujourd’hui, environ 50 % d’entre eux optent pour le français.
Histoire
Bien adaptés aux rudes conditions du milieu, les Inuits
règnent depuis fort longtemps sur la région arctique. Ils utilisent l’arc, le
kayak et le traîneau à chiens pour chasser la baleine, les animaux marins et le
caribou. Au 18e siècle, la Compagnie de la Baie d’Hudson a ouvert un comptoir de
traite à Kuujjuarapik. Les
contacts entre Européens et Inuits sont alors devenus plus soutenus. Néanmoins,
le mode de vie des Inuits est demeuré pratiquement inchangé. Ce n’est
qu’au début du 20e siècle que ceux-ci ont abandonné leurs armes traditionnelles
au profit des armes à feu.
Développement socioéconomique
La motoneige et la maison ont remplacé le traîneau à chiens et l’iglou, mais les
Inuits ont conservé leurs valeurs, leur langue et leur culture, tout en
maintenant des liens harmonieux avec le reste du Québec. Au Nunavik, les Inuits
administrent la majeure partie des services publics dispensés à la population.
La signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ) 6 a
en effet mené à la création de plusieurs institutions dirigées par des Inuits.
Travaillant de façon
autonome ou en collaboration avec divers ministères du gouvernement québécois,
ces institutions veillent à l’administration et au développement de la région
dans tous les secteurs d’activité.
L’Administration régionale Kativik, dont le conseil est
formé de représentants des municipalités nordiques, exerce sa compétence dans le
domaine de l’administration publique, principalement le développement
économique, les transports, les services policiers, les télécommunications et la
protection de la faune.
La Société Makivik est la porte-parole des Inuits en ce qui concerne la
protection de leurs droits et de leurs intérêts liés à la CBJNQ. Elle gère les
indemnités et a pour mandat de promouvoir le développement social et économique
du territoire. La Société constitue un levier économique important au Nunavik
par sa participation à plusieurs secteurs d’activité, comme le transport aérien
et maritime, de même que l’alimentation et les pêcheries.
Le mouvement coopératif joue un rôle majeur dans l’évolution économique du
Nunavik, mouvement dont est issue la Fédération des coopératives du
Nouveau-Québec. Celle-ci constitue, avec Makivik, le principal acteur économique
de la région. La Fédération agit notamment dans les secteurs du commerce de
détail, de l’approvisionnement pétrolier et des télécommunications.
En 2002, le gouvernement du Québec et les Inuits ont conclu
une entente de partenariat économique, afin d’accélérer le développement
économique et
communautaire du Nunavik. Cette entente, appelée Sanarrutik, contient des
dispositions concernant les ressources hydroélectriques, l’exploration minière
et le développement de parcs. En 2004, l’entente Sivunirmut est venue bonifier
cet accord en regroupant le financement des programmes gouvernementaux
en une seule enveloppe globale. La gestion des fonds s’en est trouvée simplifiée
et l’Administration régionale Kativik a acquis ainsi une plus grande
autonomie pour établir ses champs prioritaires d’intervention auprès des
villages nordiques.
Les Inuits manifestent un fort désir d’autonomie. En 2007, le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada et la Société Makivik ont signé une entente de principe portant sur la création du gouvernement régional du Nunavik. L’entente prévoyait la fusion de trois organismes (l’Administration régionale Kativik, la Commission scolaire Kativik et la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik) appelés à former une nouvelle entité régionale soumise à l’autorité de l’Assemblée nationale du Québec et du Parlement du Canada.
Les Malécites
Le peuple de la belle rivière
Population et territoire
Plus de 780 Malécites habitent au Québec. Ils ne sont pas regroupés en communauté, mais vivent dispersés sur le territoire québécois. La première nation malécite de Viger est la seule bande malécite du Québec. Elle dispose d’un territoire situé dans le canton de Whitworth, près de Rivière-du-Loup, et d’un petit lot à Cacouna.
Langue
Les Malécites vivant au Québec parlent français et plusieurs connaissent aussi l’anglais. La langue malécite est encore parlée par certains locuteurs du Maine et du Nouveau-Brunswick.
Histoire
Jusqu’au 16e siècle, les Malécites habitaient le long de la rivière Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick. Semi-nomades, ils tiraient principalement leur subsistance de la chasse et de la pêche, mais ils cultivaient aussi le maïs. Culturellement, les Malécites sont proches des Abénaquis et des Micmacs, avec qui ils forment la Confédération Wabanaki. En 1840, les Malécites étaient plus de 200 sur les bords de la rivière Mitis et probablement autant sur d’autres sites entre Lévis et Rimouski, de même que dans la réserve de Viger. Cette réserve, créée en 1827, est l’une des premières concessions foncières accordées à des Amérindiens au Québec. Ces terres ont cependant fait l’objet de contestations de la part de la population avoisinante, qui a demandé au gouvernement canadien de les reprendre pour les mettre en vente. En 1869, après quelques mois de négociation, les Malécites ont accepté de rétrocéder leurs terres à certaines conditions, et les lots ont été vendus aux enchères l’année suivante.
Vers la fin du 19e siècle, le gouvernement canadien a accordé à la nation un territoire dans le canton de Whitworth. Les Malécites ont tenté en vain de cultiver cette terre impropre à l’agriculture. Finalement, ils l’ont abandonnée et se sont installés autour de Cacouna, qu’ils habiteront pendant plusieurs générations, le gouvernement fédéral y ayant acheté un petit lot à leur intention en 1891. Cependant, jamais plus de dix personnes n’y résideront.
Ce n’est qu’en 1987 qu’une centaine de Malécites se sont réunis à Rivière-du-Loup pour y élire un chef et un conseil de la nation. Ils ont alors fait parvenir une demande de reconnaissance officielle de leur nation au gouvernement du Québec. En 1989, l’Assemblée nationale du Québec les a officiellement reconnus comme onzième nation autochtone du Québec. En 1998, les Malécites ont fait construire sur leur lot de Cacouna un édifice qui loge les bureaux de leur conseil de bande.
Les Micmacs
Le peuple de la mer
Population et territoire
La Gaspésie abrite 5 100 Micmacs constitués en trois groupes. La communauté de Listuguj dispose d’un territoire à l’embouchure de la rivière Ristigouche, tandis que celle de Gesgapegiag en possède un à l’embouchure de la rivière Cascapédia, près de la municipalité de Maria. Quant aux quelque 500 Micmacs qui forment la bande de Gespeg, ils n’ont pas de territoire de réserve et vivent principalement à Gaspé et à Montréal.
Langue
La langue micmaque est enseignée à l’école et parlée par plusieurs membres des communautés de Listuguj et de Gesgapegiag, l’anglais étant la langue seconde de ces deux communautés. Les Micmacs de Gaspé parlent surtout français, mais de plus en plus de jeunes Micmacs connaissent aussi bien le français que l’anglais.
Histoire
La grande originalité de la culture micmaque réside dans son adaptation aux activités liées à la vie maritime. En effet, avant l’arrivée des Européens, les Micmacs étaient connus comme des gens de mer. Ils se construisaient des embarcations pouvant les transporter en haute mer, ce qui leur permettait de tirer une partie de leur subsistance des produits marins.
Développement socioéconomique
La pêche au saumon a toujours fait partie du mode de vie des Micmacs. Depuis 1982, la communauté de Listuguj applique son propre plan de pêche, en conformité avec la conservation de la ressource. Elle possède aussi un plan de développement touristique et elle a aménagé un centre d’interprétation de la culture micmaque dans le vieux monastère du village.
De leur côté, les Micmacs de Gesgapegiag coadministrent, avec des non-Autochtones, la Société de gestion de la rivière Cascapédia. Ce partenariat leur procure une trentaine d’emplois liés aux activités de la pêche au saumon sur cette rivière de renommée internationale. Depuis plusieurs générations, les paniers de frêne et de foin d’odeur sont la spécialité des Micmacs. La communauté de Gesgapegiag possède une coopérative d’artisanat dont les produits sont exportés au Canada et aux États-Unis.
Les membres de la bande de Gespeg sont actifs sur plusieurs plans. Ils ont aménagé un centre communautaire dans une ancienne école, à Pointe-Navarre, et reconstitué un village traditionnel micmac. En 1999, ils ont entrepris, avec les gouvernements du Québec et du Canada, une négociation concernant leur autonomie gouvernementale. En 2001, les trois communautés micmaques se sont regroupées en un organisme politique et administratif, le Secrétariat Mi’gmawei Mawiomi. Le mandat de cet organisme est de planifier la prestation de services communs, d’établir des partenariats avec les non-Autochtones, notamment dans les secteurs de la pêche et de la foresterie, et de préparer la négociation des revendications territoriales globales de la nation.
Afin d’améliorer les conditions de vie de leur nation, les Micmacs ont mis sur pied des services à l’intention de leurs communautés. Le centre d’accueil pour jeunes en difficulté et le centre d’hébergement pour femmes violentées, tous deux situés à Listuguj, ainsi que le centre de traitement pour personnes en désintoxication de Gesgapegiag en sont des exemples concrets.
Les Mohawks
Le peuple de la pierre
Population et territoire
Histoire
Les Mohawks constituent l’une des nations iroquoises qui, avant l’arrivée des Européens, formaient la Confédération des Cinq Nations. Le système sociopolitique de la confédération, démocratique et autonome, était très complexe. À l’instar des autres nations iroquoises, la société mohawk était matrilinéaire, c’est-à-dire que les femmes y transmettaient la parenté et les valeurs identitaires du clan.
À partir du 19e siècle, les Mohawks se sont spécialisés dans des métiers recherchés. Plusieurs Mohawks étaient pagayeurs pour des compagnies de transport, à l’époque où, pour aller de Montréal aux Grands Lacs, les bateaux devaient traverser les rapides de Lachine. On considérait alors les Mohawks comme des experts en ce domaine. Nombre de Mohawks pratiquaient aussi le métier de monteur d’acier dans plusieurs grandes villes canadiennes et américaines.
Développement socioéconomique
Située à proximité de Montréal, sur la rive sud du Saint-Laurent, Kahnawake a pris en charge, depuis plusieurs années, la plupart des secteurs de l’activité communautaire. Elle possède un établissement financier, la Caisse populaire de Kahnawake, et de nombreuses entreprises privées. En matière de santé, les Mohawks de Kahnawake ont conclu une entente avec le Québec leur accordant la pleine responsabilité de leur hôpital, le Centre hospitalier Kateri Memorial. Kahnawake gère aussi son propre corps de police. Les écoles de la communauté dispensent un enseignement axé sur la culture et les traditions mohawks.
La réserve d’Akwesasne est située à la fois au Québec, en Ontario et dans l’État de New York. Une entente conclue en 1991, avec les gouvernements du Québec, de l’Ontario et du Canada, a contribué à doter la partie canadienne de la communauté d’infrastructures essentielles en matière de santé, de services sociaux, de loisirs, d’éducation, de formation et d’administration de la justice.
Kanesatake, située à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Montréal, près du lac des Deux Montagnes, se distingue par une situation territoriale assez particulière. Les terres acquises par le gouvernement fédéral au bénéfice des Mohawks ne constituent pas officiellement une réserve. De plus, elles sont imbriquées dans les propriétés des non-Autochtones de la municipalité d’Oka. La question territoriale demeure donc très sensible pour les Mohawks de Kanesatake. Elle est d’ailleurs l’une des causes de la crise de 1990, laquelle a grandement affecté les relations entre Autochtones et non-Autochtones.
Bien qu’ils aient adopté le style de vie nord-américain, les Mohawks demeurent fortement attachés à leurs traditions. Aujourd’hui encore, une part importante de la population observe les modes de fonctionnement religieux, politiques et sociaux de leurs ancêtres.
Les Naskapis
Le peuple chasseur de caribous
Population et territoire
La nation naskapie compte un peu moins de 700 personnes. Le seul village naskapi du Québec, Kawawachikamach, est situé dans le nord du Québec, à environ 15 kilomètres de Schefferville.
Langue
Le naskapi est parlé par toute la population, la langue seconde étant l’anglais.
Histoire
Avant l’arrivée des Européens, les Naskapis vivaient principalement de la chasse au caribou. Cet animal, dont ils tiraient leur nourriture, leurs vêtements et leurs outils, leur permettait de survivre dans les difficiles conditions de la toundra arctique. Ils vivaient en nomades et se déplaçaient au gré de la migration des caribous.
Or, certaines années, le caribou se faisait rare. À partir de 1893, plusieurs famines ont décimé la nation naskapie. Vers 1950, le gouvernement fédéral est intervenu, leur fournissant des soins de santé et faisant transporter des rations alimentaires à Fort Mackenzie, au sud de Kuujjuaq, là où les Naskapis s’étaient installés. Deux ans plus tard, ils ont été relogés à Fort Chimo, là où ils avaient déjà vécu par le passé.
Finalement, en 1956, les Naskapis ont accepté de vivre avec les Innus de Matimekosh, près de Schefferville, dans l’espoir d’améliorer leurs conditions de vie. En 1978, les Naskapis ont signé la Convention du Nord-Est québécois, qui leur a donné les moyens de prendre en main leur avenir. En vertu de cette entente, ils ont maintenant un territoire en pleine propriété. Ils disposent aussi, à leur usage exclusif, d’un territoire de chasse, de pêche et de piégeage.
Développement socioéconomique
En 1983, pour symboliser la renaissance de leur nation, les Naskapis ont entrepris la construction du village de Kawawachikamach, à quelques kilomètres de Matimekosh et de Shefferville. Malheureusement, la fermeture de la compagnie Iron Ore, qui a provoqué le départ des résidents de Schefferville, leur a porté un dur coup. Au moment même où ils intégraient leur nouveau village, ils voyaient leurs possibilités d’emploi disparaître. En effet, la majorité des pères de famille naskapis qui travaillaient à la mine ont été alors mis à pied.
Au fil des ans, grâce à la Société de développement des Naskapis, l’économie de la communauté de Kawawachikamach s’est redressée. La Société gère notamment une pourvoirie, des services d’entretien des routes, un centre commercial, une boutique d’artisanat et une entreprise de construction. En 1984, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec a soustrait la nation naskapie à la Loi sur les Indiens et lui a conféré une grande autonomie administrative. Aujourd’hui, le village est doté d’édifices communautaires bien équipés, dont une école primaire et secondaire, un CLSC, une station de pompier, un poste de police, un centre commercial, un centre communautaire, un centre récréatif et une radio diffusant en langue naskapie.
En 1989, les Naskapis ont fait l’acquisition du célèbre club de chasse et pêche Tuktu, situé sur la rivière George, et de deux entreprises affiliées. Les principales activités économiques de la communauté sont le tourisme d’aventure, la construction, le piégeage d’animaux à fourrure et l’artisanat.
Les Naskapis, conjointement avec les Innus de Matimekosh–Lac-John et de Uashat-Maliotenam, ont mis sur pied une compagnie appelée Transport ferroviaire Tshiuetin inc., qui assure, depuis 2004, le service ferroviaire de passagers entre Ross Bay – près de Labrador City – et Schefferville. En 2009, un premier réseau de téléphonie cellulaire par satellite est implanté à Kawawachikamach, grâce à un partenariat entre l’entreprise Naskapi Imuun et des firmes de haute technologie du Québec. Ce mode de communication moderne devrait contribuer à réduire l’isolement de la population.
LES REVENDICATIONS
À l’arrivée des Européens, les Autochtones occupaient déjà en partie le territoire, ce qui d’emblée leur confère certains droits. En une cinquantaine d’années, à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, des traités ont été signés par presque toutes les provinces canadiennes, plusieurs nations cédant leurs droits sur des terres. Sur le territoire du Québec, deux accords de revendications territoriales ont été conclus avec les nations crie, inuite et naskapie : en 1975, la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, et, en 1978, la Convention du Nord-Est québécois. De plus, la Cour suprême du Canada a reconnu, en 1990, la valeur de traité à un document signé par le général Murray en faveur des Hurons-Wendats. Ainsi, à l’égard des autres nations non signataires de tels accords et afin d’assurer le plein développement du Québec, il s’avère nécessaire de régler le passé et de lever l’incertitude quant à l’exercice et à la prise en considération des droits ancestraux des Autochtones.
Les revendications des Autochtones font l’objet de beaucoup
d’attention. Bien qu’elles touchent à divers aspects, elles visent presque
toujours les buts suivants : la reconnaissance de leurs droits, une plus grande
autonomie, l’agrandissement de leur territoire, la sauvegarde de leur identité
et de leur culture ou encore leur participation à la gestion du territoire et à
son développement.
Les revendications territoriales globales
À compter de 1920, la jurisprudence a reconnu aux Autochtones l’existence de
droits fonciers. En 1973, la Cour suprême du Canada a confirmé l’existence de
ces droits, sans toutefois les définir. Le gouvernement fédéral a alors adopté
une politique portant sur les revendications territoriales des Autochtones.
Selon cette dernière, les revendications territoriales globales se fondent sur
l’utilisation et l’occupation traditionnelles des terres. Les demandes portent
sur la reconnaissance de droits généraux, tels les droits fonciers, les droits
de chasse, de pêche et de piégeage, ainsi que sur certains avantages économiques
et sociaux. Les négociations entourant les revendications territoriales globales
ont pour but ultime de définir des droits concrets par des ententes.
Habituellement, les pourparlers sont tripartites. En effet, les terres et les
ressources étant de compétence provinciale, les provinces sont appelées à
participer aux négociations.
Au Québec, trois nations ont signé des conventions à la suite de la négociation
de leurs revendications territoriales globales : les Cris et les Inuits, en
1975, et les Naskapis en 1978. Depuis plusieurs années, les Attikameks et les
Innus négocient une revendication semblable. En 2004, les Innus du Conseil
tribal Mamuitun et de Nutashkuan ont franchi un pas important dans leur
négociation avec les gouvernements : les trois parties se sont entendues sur une
approche commune en signant l’Entente de principe d’ordre général.
Les revendications particulières
La politique fédérale tient aussi compte des revendications particulières qui
portent sur l’administration des terres de réserve et autres biens des bandes
indiennes ou sur le respect des dispositions des traités. Habituellement, ces
revendications ne sont négociées qu’avec le gouvernement fédéral, les provinces
étant rarement touchées.
L’autonomie gouvernementale
L’autonomie gouvernementale est au coeur des discussions
entre les Autochtones et les gouvernements. Le Québec s’est dit prêt à appuyer
toute modification constitutionnelle touchant la reconnaissance du droit des
Autochtones à cette autonomie, à la condition que des ententes à cette fin
soient négociées avec les gouvernements en cause. Ainsi, les Inuits ont présenté
un projet de gouvernement régional. En décembre 2007, le gouvernement du Québec,
le gouvernement du Canada et les Inuits ont conclu une entente de principe sur
la fusion de certaines institutions publiques et la création d’un gouvernement
régional au Nunavik, une première au Québec et au Canada. La naissance prochaine
d’une telle institution marquera le pas vers une responsabilisation accrue des
collectivités inuites et consolidera la prise en charge de leur propre
gouvernance.
Les Micmacs de Gespeg ont, eux aussi, entrepris des négociations sur leur
autonomie gouvernementale avec les gouvernements du Québec et du Canada. En
1999, les parties ont ratifié une entente-cadre à cet effet.
L'anglais comme langue de travail dans le Nord
(Montréal) L'entente sur le gouvernement régional de la Baie-James auquel participeront les Cris est vue comme un prérequis à la mise en oeuvre du Plan Nord, qui prévoit des investissements de 80 milliards en 25 ans. Or, ce gouvernement pourra utiliser à sa guise l'anglais comme langue de travail, prévoit le texte officiel de l'entente. Le développement économique se fera-t-il au détriment de la préséance du français?
«Le Gouvernement régional peut utiliser soit le français soit l'anglais dans ses communications internes et comme langue de travail», stipule l'article 109 de l'entente signée la semaine dernière entre le Grand Conseil des Cris et le gouvernement du Québec, dont le texte est disponible sur le site internet du Secrétariat aux affaires autochtones.
Le gouvernement régional remplace la Municipalité de Baie-James (MBJ), une institution 100% jamésienne, dont étaient exclus les Cris. Les Jamésiens sont les habitants non autochtones de la Baie-James.
À la MBJ, tout se passe en français. L'entente prévoit une représentation paritaire entre Cris et Jamésiens au sein du gouvernement régional au cours des 10 premières années. Il est aussi prévu que les employés actuels de la MBJ seront transférés au gouvernement régional.
Les Cris parlent majoritairement anglais. Dans les villages cris plus au sud, comme Ouje et Mistissini, une minorité de Cris parlent français, notamment les plus jeunes.
«Le français et le cri sont les langues utilisées, mais il est entendu que, pour la fonctionnalité des choses, l'anglais pourrait également être utilisé, a expliqué au téléphone Marie-Josée Paquette, attachée de presse du ministre responsable des Affaires autochtones Geoffrey Kelley. Mais ce sont vraiment le français et le cri dans la nouvelle structure de gouvernance.»
Ce libre choix de la langue de travail va plus loin que ce que la Charte de la langue française permet aux municipalités dites bilingues, celles dont plus de la moitié de la population est de langue maternelle anglaise.
«Dans les municipalités reconnues, la langue de travail reste le français, mais la municipalité a le droit d'utiliser en plus une autre langue», explique Hélène Bélanger, conseillère en communication à l'Office québécois de la langue française (OQLF).
Pour le Mouvement impératif français, l'article 109 constitue un recul dans le respect de la Charte de la langue française, qui doit s'appliquer sur l'ensemble du territoire du Québec. «Le gouvernement du Québec anglicise le gouvernement régional, même si les Cris ne sont pas de langue maternelle anglaise», déplore Jean-Paul Perreault, son président.
De plus, l'article 108 donne le cri et le français comme «langues principales» du futur gouvernement. Le concept de langue principale n'est pas défini dans la Loi 101.
«La notion de langue principale est utilisée pour ne pas s'embourber dans la notion de langue officielle qui a une portée différente au Canada», explique-t-on au cabinet du ministre.
_____
La nation crie obtiendra donc une plus grande autonomie sur ses ressources et
sur ses terres traditionnelles. Le territoire visé par la nouvelle entente
couvre une superficie de plus de 330 000 kilomètres carrés, soit 10 fois la
taille de la Belgique. Ce nouveau gouvernement régional, qui sera composé
d'Autochtones et de non-Autochtones,
Par ailleurs, les Cris auront l'exclusivité du développement de projets
hydroélectriques de 50 mégawatts et moins, ainsi que des projets éoliens sur
certaines portions du territoire.
L’entente sur le gouvernement régional de la Baie-James auquel participeront les
Cris est vue comme un prérequis à la mise en oeuvre du Plan Nord, qui prévoit
des investissements de 80 milliards en 25 ans. Or, ce gouvernement pourra
utiliser à sa guise l’anglais comme langue de travail, prévoit le texte officiel
de l’entente. Le développement économique se fera-t-il au détriment de la
préséance du français ?
« Le Gouvernement régional peut utiliser soit le français soit l’anglais dans
ses communications internes et comme langue de travail », stipule l’article 109
de l’entente signée la semaine dernière entre le Grand Conseil des Cris et le
gouvernement du Québec, dont le texte est disponible sur le site internet du
Secrétariat aux affaires autochtones.
Le gouvernement régional remplace la Municipalité de Baie-James (MBJ), une
institution 100% jamésienne, dont étaient exclus les Cris. Les Jamésiens sont
les habitants non autochtones de la Baie-James. À la MBJ, tout se passe en
français. L’entente prévoit une représentation paritaire entre Cris et Jamésiens
au sein du gouvernement régional au cours des 10 premières années. Il est aussi
prévu que les employés actuels de la MBJ seront transférés au gouvernement
régional.
a expliqué au téléphone Marie-Josée Paquette, attachée de presse du
ministre responsable des Affaires autochtones Geoffrey Kelley. Mais ce sont
vraiment le français et le cri dans la nouvelle structure de gouvernance. »
XXXXXXXXXXX
Lynn Drapeau
Québec français, n° 90, 1993, p. 44-47. Document téléchargé le 11 septembre 2012
02:44
« Le français et les langues autochtones au Québec : quelle coexistence? »
Bien que la question autochtone occupe aujourd'hui une place importante dans l'agenda politique, la situation des langues autochtones demeure encore largement occultée du débat. Nous tenterons, dans ce qui suit, de dégager le profil sociolinguistique des communautés autochtones du Québec. Un survol du rôle et de l'utilisation des langues autochtones en regard des langues majoritaires (le français et l'anglais) permettra de saisir l'extrême fragilité du patrimoine linguistique autochtone. Enfin, nous ferons état de l'acquisition du français comme langue seconde ou tierce.
La démolinguistique autochtone au Québec
Il se parle au Québec neuf langues autochtones appartenant à trois familles linguistiques distinctes et réparties en une cinquantaine d'agglomérations. Nous estimons qu'il y aurait environ 40 000 autochtones au Québec parlant leur langue ancestrale sur des effectifs globaux d'environ 6l 000 personnes affiliées à une communauté. Cette estimation est cependant sujette à caution. Le relevé des effectifs des nations autochtones est fourni par le Secrétariat aux Affaires autochtones du Gouvernement du Québec à partir de données récentes compilées dans des ministères d'Ottawa et de Québec. Or, l'application de la loi C31 dans la deuxième moitié des années quatre-vingt est venue gonfler le nombre de membres inscrits sur les listes de bande (principalement des indiennes ayant recouvré leur statut et les descendants de ceux-ci) rendant impossible une extrapolation du nombre de locuteurs sur la base des données du recensement de 1986. On devra donc attendre les résultats de celui de 1991 pour connaître avec précision le nombre de locuteurs des langues autochtones au Québec. Les chiffres que nous présentons ici ne sont donc qu'indicatifs.
La famille eskimo-aléoute est représentée par l'inuktitut (qu'on appelait
jadis l'esquimau) qui reste la langue maternelle de plus de 95% des effectifs de
cette ethnie d'environ 7000 personnes. La famille iroquoienne compte un seul
représentant au Québec, soit le mohawk. Il est difficile d'évaluer parmi eux le
nombre de locuteurs du mohawk puisque ils ont refusé de répondre au recensement
de 1986. On estime ce nombre à 12 000 au Québec. Un sondage maison, effectué en
1990 par le Conseil de la langue française à l'occasion de la préparation d'un
ouvrage consacré aux langues autochtones du Québec, indique que le mohawk n'est
plus parlé par les enfants et qu'il est utilisé moins de 50 % du temps entre
parents et grands-parents. Louis-Jacques Dorais rapporte dans le même ouvrage
que plusieurs estiment la proportion de locuteurs de cette langue à environ 35 %,
mais que seulement 15% l'aurait encore comme langue d'usage. Apparenté au
mohawk, le huron est éteint depuis le siècle dernier. La famille algonquienne est
la plus diversifiée; elle comprend au Québec l'abénaki, le micmac, le cri, le
montagnais, le naskapi, l'atikamekw et l'algonquin. L'abénaki n'est plus parlé
que par une poignée de personnes âgées à Odanak (les Abénakis sont au nombre
d'environ 1600). Le micmac est également très menacé puisque parmi
les quelque 3700 personnes qui composent cette nation au Québec, moins de 35%, tous des adultes, parleraient encore la langue
ancestrale. La quasi totalité des quelque 3900 Atikamekw parle
cette langue. Il en va de même pour le cri qui connaît des effectifs d'environ 10 500 personnes
et pour le naskapi représenté par quelques 475 personnes. La langue montagnaise
est parlée par environ les deux tiers des 12 000 personnes inscrites sur les
listes des bandes montagnaises. La situation de l'algonquin est très difficile à
évaluer en raison de la disparité qui prévaut entre les communautés, mais on
estime qu'entre 30% et 60% des effectifs de ce groupe d'environ 6 500 personnes
aurait encore l'algonquin comme langue d'usage.
Selon le recensement de 1986, le taux d'unilinguisme en langue autochtone dans
les agglomérations autochtones (rapporté par Dorais dans l'ouvrage du Conseil de
la langue française) était de 45 % chez les Inuit, 31 % chez les Cris, 28 % chez
les Naskapis, 25 % chez les Atikamekw, 15 % chez les Montagnais, 9 % chez les
Algonquins; 2 % chez les Micmacs et 0 % chez les Abénakis
et, tout probablement, chez les Mohawks. Ces proportions ont sûrement décru depuis. Certaines communautés sont passées au français comme langue d'usage (Abénakis, Hurons,
Montagnais de Pointe-Bleue et des Escoumins), alors que d'autres ont adopté
l'anglais (Algonquins du Témiscamingue, Mohawks et Micmacs). Le français est la
langue seconde chez les Montagnais, les Atikamekw et dans certaines communautés algonquines (Lac Simon et Grand-Lac-Victoria). L'anglais est langue
seconde chez les Inuit, les Cris et les Naskapis. Certains jeunes de ces
territoires conventionnés sont cependant scolarisés aujourd'hui en français
plutôt qu'en anglais. Ceci n'est sans doute pas étranger à l'obligation qui est
faite aux Cris et Inuits, en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord
québécois, d'enseigner le français dans les écoles de leurs commissions
scolaires "afin de permettre à leurs diplômés de poursuivre leurs études en
français". Certaines communautés sont partagées entre les deux langues majoritaires : c'est le cas des .Algonquins de Pigokan et
de Lac-Rapide et des Mohawks de Kanesatake.
Un coup d'oeil à ces statistiques permet de distinguer trois situations types. D'abord, les communautés où la langue autochtone est disparue ; deuxièmement, celles qui sont en voie de transfert d'allégeance linguistique et, en dernier lieu, celles où la langue est encore transmise normalement au sein de la famille. Dans ce dernier groupe, on verra que la progression du bilinguisme dans la population donne cependant lieu à des bouleversements profonds dans la langue ancestrale.
Le transfert au profit d'une des langues majoritaires
Dans les communautés du premier type, la langue autochtone a été ou est sur le point d'être remplacée définitivement par le français ou l'anglais (Hurons, Abénakis, Montagnais des Escoumins, Algonquins du Témiscamingue). Dès qu'une langue n'est plus parlée dans une communauté, il est extrêmement difficile, voire impossible, de la revitaliser. On sait que les cas de revitalisation réussie dans le monde sont rarissimes, le seul exemple connu est l'hébreu. Mais cette langue possédait une vieille et riche tradition écrite et son utilisation comme langue liturgique ne s'était jamais interrompue. Sa résurrection comme langue vernaculaire s'est faite dans des circonstances sociopolitiques exceptionnelles et au prix d'efforts considérables.
Le deuxième type de communautés se caractérise par le bilinguisme généralisé chez les aînés, parfois même chez les adultes d'âge moyen, alors que les jeunes générations pratiquent l'unilinguisme en langue majoritaire. L'anglais prédomine chez les Mohawks, chez les Algonquins de Maniwaki et de Winneway ainsi que chez les Micmacs, alors que le français est sur le point de l'emporter sur le montagnais à Pointe-Bleue. Ces groupes sont en voie de transfert d'allégeance linguistique, ce qui est une façon voilée de dire qu'ils sont en voie d'assimilation linguistique. Le processus est plus ou moins avancé selon la communauté mais la dynamique du transfert linguistique est enclenchée à peu près partout de la même façon. Dès lors que le bilinguisme est presque généralisé chez les adultes (par exemple, un taux d'unilingues en langue autochtone inférieur à 10%), les jeunes générations cessent d'acquérir la langue autochtone comme langue maternelle. Scolarisées de surcroît dans l'une des langues majoritaires, ces jeunes générations n'auront plus une connaissance suffisante de leur langue ancestrale pour la transmettre plus tard à leurs propres enfants. Une fois, cette dynamique de transfert linguistique mise en branle, elle est difficile à endiguer, sinon presque impossible à renverser, les communautés ne prenant conscience du phénomène qu'après s'y être engagées trop pour pouvoir faire marche arrière.
La mort des langues minoritaires dans le monde
S'il est vrai que les langues autochtones sont toutes plus ou moins menacées en territoire québécois, cette situation n'a rien d'exceptionnel. Depuis plusieurs années, les linguistes sont en alerte face à la déperdition catastrophique du nombre de langues du monde. R. Dixon mentionne que la plupart des 250 langues aborigènes d'Australie sont déjà éteintes et que les autres connaîtront le même sort à brève échéance. De plus, il estime que le nombre de langues du monde (de 4000 à 5000) passera à au plus quelques centaines dans les cent prochaines années sans qu'aucun continent ne soit épargné. Il n'y a d'ailleurs pas que les langues autochtones qui soient menacées. Il suffit de songer à la disparition graduelle en Europe du gaélique écossais et irlandais (en dépit de son statut de langue officielle en Irlande), au breton, à l'occitan et au basque en France, de même qu'au romanche en Suisse, pour n'en mentionner que quelques-uns. Plus près de nous, les résultats préliminaires du recensement de 1991 montrent un net recul du français dans les provin~ ces de l'Ouest canadien.
Assimilation linguistique et rapports identitaires
Le transfert au profit d'une langue majoritaire entraîne-t-il une redéfinition de l'identité? Il est courant chez les Québécois " de souche " (nous utilisons cette expression parce qu'elle constitue une étiquette ethnique contrairement à " Québécois " qui sert à marquer l'appartenance à un espace politico-géographique) de penser la langue en rapport de symbiose à l'identité ethnique. Selon cette conception, la langue n'est pas un élément de l'identité parmi d'autres, elle en est le symbole même et un critère définitoire absolu. Ce rapport à première vue naturel entre la langue et l'identité ethnique n'est néanmoins pas un bien nécessaire. Là où d'autres différences culturelles ou raciales manifestes peuvent se substituer à la langue comme symbole d'appartenance, l'abandon de la langue ancestrale n'entraîne pas forcément une dissolution du sentiment d'appartenance ethnique ni même une redéfinition radicale de l'identité. Tout au plus, ce sont les critères d'appartenance au groupe qui sont redéfinis : une fois le transfert à la langue majoritaire complété, le fait de savoir parler la langue ancestrale n'est plus perçu comme un élément définitoire de l'identité.
Néanmoins, l'importance accordée par les sociétés occidentales à la langue comme élément d'enculturation trouve un écho chez les populations autochtones qui ont perdu leur langue ou qui sont sur le point de la perdre. C'est généralement vers l'institution scolaire que se tournent ces communautés pour compenser le défaut de transmission de la langue dans la famille. À cette fin on a mis sur pied des programmes bilingues d'immersion en langue autochtone pour tenter de transmettre aux enfants la langue que leurs parents ne leur parlent plus. L'avenir et le succès de ces programmes est cependant incertain malgré le fait qu'ils soulèvent un enthousiasme certain chez les populations concernées.
Le bilinguisme diglossique dans les communautés septentrionales
Il manque toutefois une pièce centrale à ce portrait sociolinguistique du patrimoine linguistique autochtone. Il s'agit du troisième membre de notre typologie qui regroupe la majorité des communautés autochtones du Québec septentrional. Les Inuit, les Cris, les Naskapis et les Atikamekw font partie de ce groupe, de même que la plupart des Montagnais (exception faite de ceux de Pointe-Bleue et des Escoumins) et certains groupes d'Algonquins (ceux de Lac Simon, Grand Lac Victoria, Lac Barrière et Pikogan). Ces populations sont généralement éloignées des grands centres et, pour certaines, ont été sédentarisées dans un passé récent, vivant jusqu'au milieu du siècle principalement des activités ancestrales de subsistance.
À l'heure actuelle, ces communautés du Québec septentrional ne sont pas en processus de transfert d'allégeance au profit de la langue majoritaire puisque la langue ancestrale y est encore la langue d'usage et, fait crucial, les enfants l'acquièrent encore comme langue première. Elles sont toutefois dans une situation de bilinguisme diglossique. Le concept de diglossie, introduit par le sociolinguiste Ferguson à la fin des années cinquante, décrit la coexistence de deux langues dont le statut est inégal, chacune étant utilisée dans des contextes de communication distincts et possédant ses fonctions propres. Les domaines socialement prestigieux, tels que l'écrit, l'enseignement secondaire et supérieur, l'administration et le travail intellectuel, sont couverts par la langue dominante, alors que la langue vernaculaire sert aux communications informelles.
L'apprentissage systématique de la langue majoritaire se fait au moment de l'entrée à l'école et essentiellement par le biais de celle-ci. L'unilinguisme en langue autochtone est donc l'apanage des enfants d'âge pré-scolaire et d'une proportion décroissante d'aînés. En effet, la bilinguisation de ces populations, quoique relativement récente, se répand très vite sous l'effet conjugué de la scolarisation dans la langue majoritaire et de la pénétration des médias électroniques dans les régions éloignées.
Depuis les vingt dernières années, les autochtones ont voulu rompre avec leur condition diglossique par la promotion de leurs langues dans le milieu scolaire. Dans plusieurs communautés, la langue autochtone est utilisée systématiquement au niveau préscolaire. Il existe ici et là des projets visant à faire de la langue autochtone la langue principale d'enseignement au premier cycle du primaire. Les Inuit sont les plus avancés à ce chapitre. L'inuktitut a d'ailleurs maintenant le statut de langue officielle au Nouveau-Québec. Mais partout, y compris chez les Inuit, la langue autochtone est remplacée par le français ou l'anglais comme langue principale d'enseignement à mesure que l'élève progresse dans sa scolarisation. Rappelons qu'aucun texte de loi n'empêche l'usage d'une langue autochtone dans l'enseignement qui lui est dispensé.
Du côté des médias, on a assisté depuis les dix dernières années au
développement spectaculaire d'un réseau de stations de radios communautaires
qui diffusent jusqu'à huit heures par jour en langue autochtone. Ces radios
alternatives jouis~ sent d'une grande popularité. Les Inuit bénéficient de plus
d'une télé~ vision communautaire qui diffuse de trente-cinq à quarante minutes
de programmation quotidienne en inuktitut. Ces derniers ont égale~ ment une
production relativement abondante de journaux et de magazines dans leur langue,
situation qui ne connaît pas d'équivalent chez les groupes amérindiens.
L'acquisition du français dans les communautés
Le contexte d'acquisition de la langue seconde s'est modifié radicalement durant les dernières décennies dans les communautés septentrionales où la langue ancestrale est encore florissante. Il y a à peine deux décennies, les jeunes autochtones n'étaient scolarisés que par du personnel blanc, souvent à l'extérieur de la communauté. Aujourd'hui, l'acquisition de la langue majoritaire se fait presque exclusivement à l'intérieur de la communauté au contact d'autres autochtones. L'explosion démographique aidant, les communautés dispensent maintenant l'enseignement sur place, souvent jusqu'à la fin du secondaire. Le personnel des écoles primaires est souvent composé à majorité d'autochtones et cette tendance s'amplifiera et s'étendra vraisemblablement à l'enseignement secondaire. Ces maîtres autochtones dispensent leur enseignement en langue majoritaire, langue qui constitue pour eux, comme pour leurs élèves, une langue seconde. Comme les élèves effectuent la presque totalité de leurs études sur place, ils ont moins de chance d'acquérir la langue majoritaire au contact de locuteurs natifs de celle-ci. Les conséquences de ce changement des modalités d'acquisition de la langue seconde seront à mesurer dans les années à venir.
L'avenir du bilinguisme diglossique
Le bilinguisme généralisé de type diglossique saura-t-il se maintenir dans les communautés septentrionales ou l'une des deux langues prendra-t-elle le dessus sur l'autre ? Le retour à l'unilinguisme en langue ancestrale est d'ores et déjà exclu. Il n'est même pas certain qu'il soit possible de créer des aires d'unilinguisme autochtone pour une partie de la population adulte. Les autochtones du Québec septentrional devront donc composer avec le phénomène du bilinguisme chez la quasi totalité de leur population, exception faite des enfants d'âge pré-scolaire.
Comme en fait foi l'essor considérable du " contact linguistique " comme champ d'étude dans les dernières décennies, le bilinguisme généralisé dans une population a inévitablement des effets sur les langues en présence. L'utilisation de (ou l'exposition à) deux langues dans la vie quotidienne entraîne un ensemble de phénomènes caractéristiques du contact des langues: la pratique intensive de l'alternance de code et la fréquence élevée des emprunts à la langue majoritaire. Malgré l'utilisation croissante de la langue autochtone dans les écoles et dans les médias, certains chercheurs ont constaté l'empiétement de la langue majoritaire dans les domaines normalement réservés à la langue vernaculaire et la dégradation des compétences linguistiques des jeunes dans leur langue maternelle. Le problème du bilinguisme généralisé se double de celui de l'inadaptation des langues autochtones au monde moderne. Cette situation favorise elle aussi le recours à l'emprunt et à l'alternance de code. À titre d'exemple, les phénomènes résultant du contact entre le montagnais et le français ne sont pas sans rappeler le cas du méchif, une langue mixte parlée par les Métis de l'Ouest canadien, résultant du contact entre le cri et le français.
Il est amèrement ironique de voir que là où les communautés réussissent à éviter le transfert radical d'allégeance à la langue majoritaire, on assiste par contre à l'hybridation graduelle de la langue ancestrale. Le défi consiste donc non seulement à perpétuer l'unilinguisme chez les enfants d'âge pré-scolaire, mais également à empêcher l'érosion et l'hybridation de la langue maternelle chez les adolescents et les adultes bilingues.
Conclusion
Le Québec peut s'enorgueillir de posséder un patrimoine linguistique autochtone plutôt bien conservé, du moins dans les régions du Québec septentrional. Dans le monde d'aujourd'hui et plus encore dans celui de demain, cela constitue un héritage d'autant plus précieux que rare et fragile. En effet, les maigres effectifs des langues autochtones, leur hétérogénéité et leur éparpillement géographique rendent la survie à long terme de ces langues très incertaine. L'entrée dans la modernité et la promotion collective des autochtones passera-t-elle par l'anéantissement de ce qui constitue l'un des aspects les plus saillants de leur spécificité ? Hélas, le comportement de l'espèce humaine dans un habitat bilingue n'est que trop prévisible. De surcroît, la mort de l'État-providence ne présage rien de bon quant au soutien à espérer du côté de la société majoritaire. Et la langue française dans tout cela ? me direz-vous. En comparaison, elle est, ma foi, resplendissante de santé.
Pour en savoir plus long, consultez Les langues autochtones du Québec, J.
Maurais (réd.). Québec, Les Publications du Québec, 1992.
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Pour chaque langue, le pourcentage d'autochtones ne
connaissant ni le français ni l'anglais est fonction directe de l'importance de
cette langue comme langue d'usage : 44,5 % pour l'inuktitut; 30,8 % pour le cri;
27,7 % pour le naskapi; 25,4 % pour l'attikamek; 15,4 % pour le montagnais; 9,3
% pour l'algonquin; 1,7 % pour le micmac; 0,0 % pour l'abénaki (et sans doute
aussi pour le mohawk).
À l’heure actuelle, seule une minorité de la population autochtone au Canada est
capable de parler ou de comprendre une langue autochtone. Selon les données du
Recensement de 2001, des 976 300 personnes qui se sont déclarées autochtones,
235 000, soit 24 %, ont indiqué qu’elles pouvaient entretenir une conversation
dans une langue autochtone.
Les tendances récentes observées en matière d’acquisition des langues
autochtones comme langues secondes indiquent une reconnaissance accrue de
l’importance de parler une langue autochtone. Selon l’Enquête sur les peuples
autochtones de 2001, les parents de 60 % des enfants autochtones vivant hors
réserve considéraient qu’il était très important ou assez important que leurs
enfants parlent et comprennent une langue autochtone.
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Langues autochtones au Canada : nouvelles tendances et perspectives sur
l’acquisition d’une langue seconde
par Mary Jane Norris
Le Canada bénéficie d’une riche diversité de peuples, de cultures et de langues.
Outre le français et l’anglais, les deux langues officielles du pays, et les
multiples langues parlées par les immigrants, il existe de nombreuses langues
autochtones au Canada. Le Canada compte en effet quelque 50 langues
individuelles appartenant aux 11 familles linguistiques autochtones. Ces langues
reflètent autant d’histoires, de cultures et d’identités distinctes liées à la
famille, à la collectivité, à la terre et à la connaissance traditionnelle. Pour
les Premières nations, les Inuit et les Métis, ces langues sont au cœur même de
leur identité.
Les Autochtones, cependant, sont confrontés au fait que beaucoup de leurs
langues se perdent, ce qui peut avoir de profondes répercussions. Au cours des
100 dernières années ou plus, au moins 10 langues jadis florissantes sont
disparues. Toutefois, ces tendances à la baisse de la transmission
intergénérationnelle des langues sont en partie compensées par l’enseignement
des langues autochtones comme langues secondes.
Seulement un Autochtone sur quatre parle une langue autochtone
Langue parlée à la maison aujourd’hui, langue maternelle de demain
Locuteurs de langue seconde autochtone
Les apprenants de langue seconde influent sur les langues autochtones menacées
Que ce soit dans les réserves ou en dehors de celles-ci, les apprenants en
langue seconde sont plus nombreux
Pour la plupart des parents, l’apprentissage de la langue autochtone est
important
Résumé
Ce qu’il faut savoir au sujet de la présente étude
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Seulement un Autochtone sur quatre parle une langue autochtone
À l’heure actuelle, seule une minorité de la population autochtone au Canada
est capable de parler ou de comprendre une langue autochtone. Selon les données
du Recensement de 2001, des 976 300 personnes qui se sont déclarées autochtones,
235 000, soit 24 %, ont indiqué qu’elles pouvaient entretenir une conversation
dans une langue autochtone1.
Il s’agit d’une baisse marquée par rapport à 29 % en 1996. Cela semble confirmer
la plupart des recherches selon lesquelles une érosion importante de
l’utilisation des langues autochtones s’est produite au cours des dernières
décennies. Un autre indicateur certain de cette érosion est le pourcentage à la
baisse de la population autochtone dont la langue maternelle est autochtone.
Toutefois, la baisse de population de langue maternelle a été en partie
compensée par le fait que de nombreux Autochtones ont appris une langue
autochtone comme langue seconde. En 2001, il y avait plus de personnes pouvant
parler une langue autochtone que d’Autochtones ayant une langue maternelle
autochtone (239 600 contre 203 300), ce qui indique que certains locuteurs ont
dû apprendre leur langue autochtone comme langue seconde. Il semble que ce soit
particulièrement le cas pour les jeunes.
L’apprentissage d’une langue autochtone comme langue seconde ne peut prétendre
se substituer à l’apprentissage d’une langue maternelle autochtone3. Néanmoins,
le nombre croissant de locuteurs de langue seconde s’inscrit dans un processus
de redynamisation de la langue et peut aider à prévenir ou, du moins, à ralentir
l’érosion rapide et la disparition possible de langues menacées. L’acquisition
d’une langue autochtone comme langue seconde peut en effet être la seule option
qui s’offre à de nombreuses collectivités autochtones si la transmission
parent-enfant n’est plus viable.
De plus, en apprenant à parler la langue de leurs parents ou de leurs
grands-parents, les jeunes Autochtones pourront communiquer avec les membres
âgés de leur famille dans leur langue traditionnelle. On estime également que le
processus d’apprentissage d’une langue seconde peut contribuer comme tel à
accroître l’estime de soi et le bien-être de la collectivité et favoriser la
continuité culturelle4.
Langue parlée à la maison aujourd’hui, langue maternelle de demain
Locuteurs de langue seconde autochtone
Selon le Recensement de 2001, 20 % de la population totale qui pouvait parler
une langue autochtone — plus de 47 100 personnes — l’avait apprise comme langue
seconde. Il semble d’ailleurs que l’apprentissage d’une langue seconde soit à la
hausse. L’indice d’acquisition d’une langue seconde indique que pour chaque 100
personnes de langue maternelle autochtone, le nombre de personnes capables de
parler une langue autochtone est passé de 117 à environ 120 locuteurs de 1996 à
2001 (tableau 1). Il semble que le nombre croissant de locuteurs de langue
seconde puisse compenser de plus en plus la baisse des populations de langue
maternelle (graphique 1).
Tableau 1 Les jeunes qui parlent une langue autochtone sont de plus en plus
susceptibles de l'avoir apprise comme langue seconde plutôt que comme langue
maternelle
Fait peut-être encore plus important pour leur vitalité à long terme, les
locuteurs de langue seconde ont tendance à être beaucoup plus jeunes que les
personnes qui ont appris une langue autochtone comme langue maternelle. En 2001,
par exemple, environ 45 % des locuteurs de langue seconde avaient moins de 25
ans, comparativement à 38 % des locuteurs de langue maternelle (graphique 1).
Graphique 1 Les personnes qui apprennent une langue autochtone comme langue
seconde sont beaucoup plus jeunes que celles dont c'est la langue maternelle
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Les apprenants de langue seconde influent sur les langues autochtones menacées
Au cours de la période de 20 ans allant de 1981 à 2001, la plupart des langues
autochtones, qu’elles soient considérées comme viables ou menacées, ont connu
une baisse à long terme de leur continuité (voir « Ce qu’il faut savoir au sujet
de la présente étude » pour obtenir les définitions). Chose non surprenante, les
langues menacées sont celles qui ont été le plus touchées. Ainsi, les langues
menacées parlées en Colombie-Britannique, telles que le haïda et le tlingit, ont
enregistré des niveaux de continuité presque nuls en 2001; de fait, chacune de
ces langues compte moins de 200 locuteurs de langue maternelle. Par ailleurs,
alors que les langues les plus viables, telles que l’inuktitut, conservaient
leur viabilité linguistique, plusieurs langues viables importantes, telles que
le cri et l’ojibway, subissaient une baisse à long terme constante de continuité
au cours des deux décennies.
Selon l’état d’une langue donnée, c’est-à-dire selon qu’elle soit viable ou
menacée, diverses tendances de croissance ont été observées entre 1996 et 2001.
En particulier, les jeunes générations de locuteurs de langue autochtone sont de
plus en plus susceptibles d’acquérir leur langue, particulièrement si elle est
menacée, comme langue seconde plutôt que comme langue maternelle. Par exemple,
la famille linguistique tlingite compte l’une des populations de langue
maternelle les plus âgées, mais l’indice d’acquisition d’une langue seconde et
l’âge moyen des locuteurs indiquent que deux personnes (habituellement jeunes)
parlent la langue pour chaque personne de langue maternelle. Ces indicateurs
donnent à penser que les jeunes générations sont plus susceptibles d’apprendre
le tlingit comme langue seconde.
En général, parmi les langues les plus menacées, on assiste à une baisse
généralisée de la capacité à parler la langue, parce que les gains de locuteurs
de langue seconde ne suffisent pas à compenser les pertes de locuteurs de langue
maternelle. Toutefois, pour certaines langues autochtones menacées, il semble
que la population locutrice puisse augmenter en raison d’un effort concerté
d’apprentissage de ces langues comme langues secondes.
Tel semble être le cas des langues salishennes peu répandues, qui ont enregistré
une diminution de 5 % de la population de langue maternelle de 1996 a 2001, tout
en affichant simultanément une impressionnante progression de 17 % du nombre
total de locuteurs. Par ailleurs, l’âge moyen de tous les locuteurs salishens,
42 ans, était de beaucoup inférieur à celui de la population de langue
maternelle, 50 ans (tableau 2).
Tableau 2 Pour certaines langues autochtones, les locuteurs de langue seconde
parviennent à combler le déclin de locuteurs dont c'est la langue maternelle
Cette tendance s’applique également à diverses langues viables dont les
locuteurs de langue seconde semblent accroître le nombre total de locuteurs. Les
langues qui ont enregistré une tendance à la hausse de 1996 à 2001 comprennent
l’attikamekw, avec une croissance de 21 % de la population capable de parler la
langue, comparativement à 19 % de sa population de langue maternelle. De même,
le nombre de personnes capables de parler le déné a augmenté de 11 %, tandis que
sa population de langue maternelle n’a progressé que de 7 %. Les autres langues
ayant enregistré des gains dans la capacité de parler la langue par rapport aux
gains comme langue maternelle comprennent le micmac, le dakota/sioux, le
montagnais-naskapi et l’inuktitut.
En fait, parmi certaines des langues les plus menacées, les locuteurs de langue
seconde représentent plus de la moitié de la population locutrice. En 2001, par
exemple, 57 % de ceux qui parlaient le tlingit, tout comme 54 % de ceux qui
s’exprimaient en haïda et 52 % de ceux qui employaient une des langues
salishennes peu répandues, étaient des apprenants de langue seconde. De même,
parmi pratiquement toutes les langues menacées, ainsi que pour de nombreuses
langues considérées comme « pas très viables, en voie d’être menacées » ou «
incertaines », au moins un tiers de tous les locuteurs sont des locuteurs de
langue seconde. Ces langues comprennent les langues salishennes peu répandues,
le malécite, le pied-noir, le carrier, le tsimshian, le kutenai, le nishga et le
shuswap.
Il semble également que, dans le cas des langues menacées, les jeunes
représentent une proportion importante des locuteurs de langue seconde
autochtone. En 2001, par exemple, 71 % des jeunes de moins de 15 ans pouvant
parler une langue menacée l’avaient apprise comme langue seconde (graphique2).
Graphique 2 Dans les groupes d'âge plus jeunes, la majorité des locuteurs d'une
langue autochtone menacée l'ont apprise comme langue seconde
Par contre, la prévalence des locuteurs de langue seconde diminue avec l’âge
chez les locuteurs de langues viables et menacées, une tendance qui n’est guère
surprenante, puisque les générations plus âgées d’Autochtones sont plus
susceptibles d’avoir une langue autochtone maternelle. Chez les locuteurs âgés
de 65 ans et plus, la proportion des locuteurs de langue seconde tombe à
seulement 17 % de ceux qui parlent une langue menacée et à 11 % de ceux qui
emploient une langue viable.
Toutefois, pour certaines des langues les plus menacées, les proportions élevées
de locuteurs de langue seconde ne signifient pas toujours la présence de jeunes
locuteurs. En fait, les populations de locuteurs de langue seconde vieillissent
tout comme les populations de langue maternelle. Par exemple, en 2001,
pratiquement aucune des 500 personnes pouvant parler le tsimshian avaient moins
de 25 ans, bien que 32 % d’entre elles étaient des locuteurs de langue seconde.
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Que ce soit dans les réserves ou en dehors de celles-ci, les apprenants en
langue seconde sont plus nombreux
Fait intéressant, il semble également que les jeunes générations vivant hors
réserve, et particulièrement celles habitant dans les régions urbaines, sont de
plus en plus susceptibles d’apprendre une langue autochtone comme langue seconde
plutôt que comme langue maternelle. Parmi les indiens inscrits vivant hors
réserve, 165 enfants de 10 à 14 ans parlent une langue autochtone pour chaque
100 enfants ayant une langue maternelle autochtone5, ce qui indique qu’un nombre
important d’enfants apprennent leur langue traditionnelle comme langue seconde.
Évidemment, la question est encore plus pertinente dans les collectivités
autochtones (c.-à-d. les réserves ainsi que les collectivités et établissements
inuits). En 1996, environ les deux tiers des collectivités comparables ont
déclaré que la majorité des locuteurs autochtones avaient appris la langue comme
langue maternelle; en 2001, la proportion s’élevait à moins de la moitié. Par
contre, le nombre de collectivités où de nombreux locuteurs l’avaient acquise
comme langue seconde a doublé, passant de 8,5 % à 17 %. En tout, environ 33 %
des collectivités recensées en 2001 peuvent être considérées comme en transition
d’une population de langue maternelle à une population de langue seconde6.
Naturellement, les familles exercent une influence sur la transmission d’une
langue autochtone des parents à l’enfant, que ce soit à titre de langue
maternelle ou de langue seconde. La vaste majorité des enfants autochtones de 5
à 14 ans (plus de 90 %) peuvent converser dans la langue de leurs parents ou de
leurs grands-parents, apprise dans beaucoup de cas comme langue seconde. Les
enfants les plus susceptibles d’apprendre une langue autochtone comme langue
seconde proviennent de familles linguistiquement mixtes, vivent dans des régions
urbaines ou parlent une langue menacée7. Par exemple, alors que 70 % des enfants
de filiation linguistique salishenne pouvaient parler la langue de leurs
parents, seulement 10 % l’avaient acquise comme langue maternelle8.
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Pour la plupart des parents, l’apprentissage de la langue autochtone est
important
Les tendances récentes observées en matière d’acquisition des langues
autochtones comme langues secondes indiquent une reconnaissance accrue de
l’importance de parler une langue autochtone. Selon l’Enquête sur les peuples
autochtones de 2001, les parents de 60 % des enfants autochtones vivant hors
réserve considéraient qu’il était très important ou assez important que leurs
enfants parlent et comprennent une langue autochtone.
Les parents ne sont pas les seuls à penser que l’apprentissage d’une langue
autochtone est important. Autant les adultes autochtones que les jeunes, dont
ceux vivant hors réserve, partagent la même opinion. Par exemple, parmi la
population hors réserve en Saskatchewan, 65 % des adultes autochtones et 63 %
des jeunes Autochtones de 15 à 24 ans étaient d’avis que l’apprentissage, le
réapprentissage ou le maintien de leur langue étaient « assez important » ou «
très important ». De même, au Yukon, l’apprentissage de la langue autochtone
était considéré important par des proportions encore plus élevées d’adultes et
de jeunes (78 % et 76 %, respectivement)9.
L’attitude des jeunes est d’une importance capitale pour l’avenir des langues,
particulièrement chez les parents de la prochaine génération. De plus,
contrairement aux générations précédentes, les jeunes Autochtones d’aujourd’hui
doivent contrer l’influence dominante de l’anglais et du français dans les
médias de masse et la culture populaire et dans d’autres aspects de la vie
quotidienne comme l’éducation et le travail. Par ailleurs, leur langue
traditionnelle peut jouer un rôle différent de celui des langues plus courantes
: il peut s’agir d’une façon d’exprimer l’identité des locuteurs d’une
collectivité… de renforcer les liens familiaux, de maintenir des relations
sociales ou de préserver les liens historiques…10.
Une étude approfondie sur les valeurs et les attitudes des jeunes Inuit
relativement à l’inuktitut et à l’anglais a révélé que la plupart de ces jeunes,
même ceux qui se trouvaient « bons » ou « excellents » en inuktitut, ont fait
part de leur inquiétude de perdre leur capacité de bien parler l’inuktitut à
force d’utiliser et d’entendre l’anglais plus souvent11. Beaucoup d’entre eux
déclarent parler davantage en anglais que lorsqu’ils étaient enfants. Par
ailleurs, de nombreux jeunes associent l’inuktitut à leur identité, connaissance
traditionnelle et culture; pour certains, la perte de l’inuktitut peut
fragiliser leur sentiment d’appartenance, provoquant des sentiments de
marginalisation et d’exclusion. Alors que les jeunes font un effort concerté
pour utiliser l’inuktitut dans leurs activités quotidiennes, ils ressentent
également le besoin d’un soutien de la famille, de la collectivité et du milieu
scolaire, afin d’avoir des occasions de l’apprendre, de l’entendre et de
l’utiliser.
Résumé
Même si la majorité des locuteurs de langue autochtone apprennent leur langue
comme langue maternelle, de nombreux facteurs contribuent à l’érosion de la
transmission intergénérationnelle des langues autochtones, dont la migration
croissante entre les collectivités autochtones et les villes, les mouvements en
direction et en provenance des réserves, les mariages linguistiquement mixtes,
l’influence prépondérante de l’anglais et du français dans la vie quotidienne,
et l’héritage négatif laissé par le régime des pensionnats. De plus, pour la
plupart des enfants autochtones, les conditions « idéales » d’acquisition d’une
langue maternelle autochtone — avoir deux parents de langue maternelle
autochtone et résider dans une collectivité autochtone — ne sont pas toujours
possibles.
Ces pressions et les données démographiques accroissent la probabilité qu’une
proportion importante de la prochaine génération de locuteurs de langue
autochtone soit formée de locuteurs de langue seconde. Chose plus importante
encore, toutefois, ce sont le désir et l’intérêt d’apprendre les langues
autochtones aujourd’hui qui contribueront à influencer la croissance des
générations futures de locuteurs de langue autochtone, tant les apprenants de
langue maternelle que ceux de langue seconde.
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Les langues autochtones dans l’histoire
À l’arrivée des Européens au début du XVI
e siècle, les nations autochtones qui occupaient alors le territoire de ce qu’il allait devenir le Québec appartenaient à trois familles linguistiques dont les ramifications couvraient une bonne partie de l’Amérique du Nord1 : esquimau-aléoute, iroquoienne et algonquienne. «Ces familles n’avaient aucune parenté les unes avec les autres. Qui plus est, on ne peut les rattacher que de façon lointaine à d’autres groupes de langues, que ce soit en Amérique, en Asie ou ailleurs.L’iroquoien serait peut-être apparenté aux langues sioux de l’Ouest nord-américain, et l’esquimau-aléoute pourrait avoir certains liens avec les langues ouraliennes (finnois, hongrois, saami [Japon], etc.) et altaïque (turc, mongol, mandchou-toungouse, etc.), mais ce n’est là que pure hypothèse. Même s’ils sont tous venus d’Asie, les peuples autochtones d’Amérique ont quitté leur continent d’origine depuis si longtemps que leurs langues ont eu le temps d’acquérir une spécificité oblitérant toute ressemblance éventuelle.»
2Le tableau 1 présente les familles linguistiques avec leurs langues distinctes et leurs dialectes respectifs
3 avant l’arrivée des Européens. À l’époque de Jacques Cartier, les langues parlées dans la péninsule du Québec-Labrador étaient les suivantes :
inuktitut de l’Est canadien (dialecte du Québec arctique);L’installation progressive des Européens en Amérique du Nord à partir du XVI
e siècle a bouleversé la répartition des langues et de la pratique linguistique sur le territoire du Québec actuel. Les langues autochtones ont été graduellement marginalisées par l’implantation des cultures et sociétés européennes de même que par le développement d’un système d’enseignement excluant les langues autochtones. De plus, l’implantation européenne s’accompagna de nombreux transferts de population. Enfin, les guerres et les épidémies souvent dévastatrices ont également eu pour effet de réduire des deux tiers, sinon des trois quarts, la population autochtone du Canada entre 1600 et 1850. «Entre 1534 (arrivée de Cartier) et 1608 (fondation de Québec), les Iroquoiens quittèrent la moyenne et basse vallée du Saint-Laurent pour se retirer en amont de Montréal. Leur retrait permit aux Micmacs et aux Malécites de remonter vers le nord et de s’installer sur la rive sud de l’estuaire laurentien, ainsi qu’en Gaspésie.»4 Les missionnaires français établirent à l’intention des autochtones qu’ils voulaient christianiser des villages spéciaux, les «réductions», à proximité des établissements européens. Ainsi, au XVIIe siècle, les réfugiés Hurons furent installés dans la région de Québec, des familles chrétiennes mohawks furent installées dans la région de Montréal, et des Abénaquis de l’Est et des Abénaquis de l’Ouest, délogés par l’arrivée des colons britanniques, furent installés près de l’embouchure de la rivière Saint-François.Sur le plan linguistique, le choc européen entraîna au fil du temps la disparition de plusieurs langues et dialectes. Par exemple, l’iroquois laurentien s’est sans doute incorporé à différents dialectes cinq-nations / susquehannock, tandis que le wendat et l’abénaki de l’Est ont totalement disparus
5. Par contre, l’inuit et les langues algonquiennes du Nord-Ouest, géographiquement éloignées de la présence européenne, ont mieux résisté au contact avec les Européens.L’importance des langues autochtones
La langue n’est pas qu’un moyen de communication. Elle est un des symboles les plus tangibles de la culture et de l’identité d’un groupe. La disparition des langues nuit donc à la transmission de la culture et de l’identité d’un peuple de génération en génération. Elle emporte avec elle des façons uniques de percevoir le monde, d’expliquer l’inconnu et de donner un sens à la vie.
Les langues autochtones aujourd’hui
D’après l’UNESCO
6, une langue est considérée en péril si elle n’est pas apprise par au moins 30 % des enfants de la collectivité parlant cette langue. Affaires indiennes et du Nord Canada7 utilise une classification en cinq catégories pour juger de la survie des langues autochtones. Voici la situation actuelle des langues autochtones au Québec8 en fonction de cette classification :1.
Langues disparues :
iroquois laurentien2.
Langues en voie de disparition : considérées comme impossibles à sauver :
abénaki de l’Ouest : parlée au Québec par seulement 2,3 % de locuteurs dans la nation abénaquise3.
Langues menacées : sont encore parlées par un assez grand nombre de personnes pour que leur survie demeure encore possible, à condition que la collectivité manifeste un intérêt suffisant et que des programmes d’enseignement concertés soient mis en oeuvre :
mohawk : environ 15 % de locuteurs dans la nation mohawkpassamaquoddy : aucun locuteur au Québec, mais plusieurs centaines au Nouveau-Brunswick et dans le Maine
4.
Langues viables mais peu répandues : sont parlées par plus de 1 000 personnes, habituellement dans des collectivités isolées ou bien organisées qui sont fortementsensibilisées à l’importance de leur langue :
naskapi : 100 % de locuteurs5.
Langues viables : sont parlées par une population assez nombreuse pour que leursurvie à long terme semble relativement assurée :
inuktitut : 100 %XXXXXXXXXXXX
La population autochtone du Québec en 1534 (p. 57-58)
Le Québec compte aujourd'hui 87 000 Autochtones et Inuits. Sur la base de ce constat, il est raisonnable de concevoir que la population autochtone en 1534 se résumait â une très faible fraction de la population autochtone actuelle. Outre l'accroissement naturel d'une population donnée sur une période de 500 ans, plusieurs évidences naturelles ou sociales incitent à penser que très peu d'autochtones vivaient sur le territoire québécois à l'arrivée des Européens.
1. Quatre nations n'avaient aucune présence sur le territoire québécois
Trois nations, les Abénaquis, les Malécites et les Hurons-Wendats, n'avaient aucun contact avec le territoire québécois en 1534. Elles vivaient respectivement aux États-Unis, au Nouveau-Brunswick et en Ontario, sur les rives des Grands Lacs. Quant aux Micmacs, basés au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, ils auraient fréquenté périodiquement la baie des Chaleurs, le long de la côte Est de la Gaspésie, pour se livrer à des activités de pêche.
C'est dire que, sur les 80 000 Autochtones vivant actuellement sur le territoire du Québec, 11 000 (12,5 %) n'habitaient pas ce territoire en 1534.
2. Les Inuits
Jusqu'à récemment, il a toujours été tenu pour acquis que les Inuits occupaient le Nord-du-Québec depuis près de 5000 ans, soit le début de la civilisation dorsétienne. Or, des fouilles archéologiques récentes laissent entendre que les Inuits seraient plutôt arrivés au Nunavik autour du XIlle ou du XlVe siècle, soit peu avant l'arrivée de Jacques Cartier.
Toujours selon ces mêmes études, la civilisation dorsétienne, que nous croyions jusqu'ici établie en`continu au Nunavik, lequel comprend le Nord-du-Québec, se serait éteinte autour de l'an l000.
Des conditions naturelles extrêmes, notamment un réchauffement du climat, auraient provoqué la fin de cette civilisation dorsétienne et sa possible assimilation par les Inuits*.
En conséquence, il n'y avait probablement que quelques centaines d'Inuits vivant sur le territoire du Québec au début du XVIe siècle. Il faut ainsi retrancher io 500 (12,5 %) Autochtones du nombre actuel de 87 000 pour évaluer la population de 1534• Cela suppose qu'il y aurait, au plus, 6o 000 Autochtones en 2010 dont la généalogie québécoise remonterait à au moins 500 ans.
3. Les Cris, les Naskapis et les Innus
Les Cris et les Innus constituent les deux principales nations nordiques, par leur popu fion et les territoires qu'ils revendiquent. Pourtant, il n'existe aucune démonstration historique de l'occupation de la totalité du territoire de la Baie-James par les Cris en 1534. Au contraire, la logique voudrait que, pour des raisons d'accès aux ressources, de survie, de sécurité et de reproduction, les Cris aient concentré la pratique de leurs activités traditionnelles sur les territoires longeant la Baie James. Cette même logique s'applique chez les lnnus qui n'avaient certainement pas la population suffisante pour couvrir l'ensemble du territoire de la Côte-Nord.
Tant que l'économie marchande ne s'était pas développée, particulièrement avec le commerce des fourrures, les Cris et les Innus avaient peu de raison d'entreprendre des périples de milliers de kilomètres, la pratique du tourisme extrême étant peu développée à cette époque. De plus, ils étaient tellement peu nombreux qu'ils pouvaient facilement se vêtir et se nourrir à partir des ressources offertes par la nature dans un rayon de quelques centaines de kilomètres. C'est probablement seulement à partir du XVIle, mais surtout du XVllle siècle, avec le développement du commerce des fourrures et des modifications au mode de vie traditionnel qui s'en suivirent, que les Cris, les Inuits et les coureurs des bois français, parcoururent systématiquement les grands territoires nordiques du Québec.
En ce qui a trait aux Naskapis, selon les rapports de fonctionnaires canadiens ayant présidé à leur déplacement du Nunavut (Nord-du-Québec) à leur village actuel de Kawawachikamach, ils étaient au maximum quelques centaines de survivants recensés autour de 1940. Il est à peu près certain qu'aucun d'eux n'habitait la Baie-James en 1534, la logique génétique interdisant de concevoir qu'ils se soient reproduits entre eux pendant 50o ans et aient survécu.
4. Les contraintes génétiques
Nous revenons souvent sur cet aspect, mais il apparaît comme une réalité scientifique indiscutable pour comprendre l'histoire autochtone au Québec. En 1534, la population n'était tout simplement pas suffisante pour occuper tout le territoire du Québec. Si cela avait été le cas, des familles se seraient trouvées isolées pendant des années, réduisant ainsi, de manière obligée, la possibilité de reproduction aux relations entre membres de même famille ou de même clan. Comme, de toute évidence, cela n'a pas été le cas puisqu'il y aurait eu dégénérescence ou extinction de certaines nations, les Autochtones avaient certainement des pratiques de société grégaires basées sur la fréquentation de territoires considérables, mais non infinis.
5. En conclusion
Il apparaît qu'au plus quelques milliers d'autochtones vivaient au Québec à l'arrivée des Européens. Les communautés actuelles établies le long des rives du Saint-Laurent ainsi que les communautés situées en forêt nordique, telle, par exemple, Mashteuiatsh
, au Lac-Saint-Jean, n'existaient probablement pas avant le développement du commerce des fourrures. De toute évidence, l'histoire du Québec et les revendications territoriales de plusieurs communautés autochtones apparaissent reposer toutes les deux sur l'imaginaire plutôt que sur la réalité des faits.
Traduction française des termes anglais
First Nations peoples First Peoples Indian Indian settlement Indian status indigenous (adjectif) Indigenous people Inuit Innu Aitun Innu Assi land claims local self-government Métis, Metis Naskapi village native (adjectif) Native community Native person Native people Native peoples Native population Nitassinan non-Aboriginal people non-Aboriginal person non-indigenous (adjectif) non-native (adjectif) non-Native people non-Native person non-Status Indian northern village Nunavik off-reserve oral history reserve |
Premières Nations premiers peuples Indien, ienne établissement indien statut d’Indien indigène population autochtone Inuit, Inuite Innu Aitun Innu Assi revendications territoriales administration locale Métis, isse village naskapi autochtone collectivité autochtone Autochtone Autochtones peuples autochtones population autochtone Nitassinan non-Autochtones non-Autochtone allogène allogène non-Autochtones non-Autochtone Indien non inscrit village nordique Nunavik hors réserve tradition orale réserve |
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