Les problèmes
liés à la promotion du français au Québec
au cours des années 2020

- L'affichage commercial

Selon une étude réalisée en 2017 par l’Office québécois de la langue française (OQLF), la conformité à la Charte de la langue française (loi 101) de l’affichage commerciale sur l’île de Montréal est stable, voire en légère progression par rapport à 2010. D’une façon générale, environ le cinquième de l’affichage ne respecte pas la loi 101. Sans surprise, dans la zone ouest de l’île toutefois, c’est le tiers des affiches qui ne sont pas conformes. C’est beaucoup, et on peut y voir une conséquence du laxisme du gouvernement libéral de Philippe Couillard. Cette situation a sans doute contribué à l’impression que les marques de commerce et les raisons sociales anglaises se sont multipliées, un phénomène mondial sur lequel la Charte de la langue française a peu de prise. Ainsi, depuis quelques années, le visage français de Montréal a reculé. Or, si l’affichage en français est important, ce n'est pas nécessairement l'élément le plus significatif, car le français, langue de travail, compte davantage puisque c'est la langue qu’adoptent les immigrants allophones.

- La reconnaissance des diplômes étrangers

Selon les engagements électoraux du gouvernement caquiste de François Legault, il conviendrait d'améliorer la reconnaissance des diplômes étrangers et rendre l’évaluation des compétences plus rapide et plus flexible; rendre la francisation obligatoire et gratuite pour tout nouvel arrivant qui désire obtenir un Certificat de sélection du Québec; renforcer l’Office québécois de la langue française, afin de coordonner un vigoureux effort de francisation au Québec; créer un poste de commissaire à la langue française pour recevoir les plaintes du public et présenter des recommandations visant à assurer le statut du français comme langue commune au Québec.

Si ses préoccupations sont sincères, le gouvernement Legault devait déployer une nouvelle politique nationale de la langue française, moderne et imaginative. Par voie de conséquence, le gouvernement crée ainsi un sentiment d'inquiétude parmi la population anglophone du Québec.

- La langue de travail

Le premier ministre Legault a aussi annoncé une refonte «costaude» de la Charte de la langue française (loi 101), surtout en ce qui concerne la langue de travail. Mais l'échéance fut constamment reportée, de semaine en semaine, de mois en mois. L'un des principaux enjeux réside dans les petites et moyennes entreprises (PME) de 25 à 49 employés, où l'on trouve beaucoup d’immigrants. Le gouvernement voudrait forcer les entreprises de compétence fédérale installées au Québec, comme les banques ou VIA Rail par exemple, à se conformer à la loi 101, en se dotant de certificats de francisation.

Il reste à savoir comment Ottawa accueillerait ce projet de voir les entreprises de charte fédérale assujetties désormais à la Charte de la langue française. Dans la région montréalaise, le gouvernement voudrait étendre l’usage du français et mieux faire respecter le droit de travailler en français, sans devoir maîtriser nécessairement l’anglais.

La langue de service dans les commerces, où on observe «un recul inquiétant», devrait également être abordée dans le futur projet de loi, lequel a finalement été adopté le 24 mai 2022 sous le titre de Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.

- Les personnes morales

Dans les faits, il faudra sûrement attendre probablement longtemps avant de voir le gouvernement du Québec communiquer exclusivement en français avec les personnes morales. Il faudrait au moins décréter l'entrée en vigueur de l'article 1 de la loi 104, la Loi modifiant la Charte de la langue française du 13 juin 2002 qui voulait moderniser les mandats et les structures des trois organismes de la Charte de la langue française. Cette loi avait été adoptée par un gouvernement péquiste en 2002, mais depuis aucun gouvernement n'a proclamé son entrée en vigueur. On devrait pouvoir lire ce qui suit à l'article 16 de la Charte le mot «uniquement»: «Dans ses communications écrites avec les autres gouvernements et avec les personnes morales établies au Québec, l'Administration utilise [uniquement] la langue officielle.» 

- Les municipalités à «statut bilingue»

La loi québécoise de 1977 accordait à 89 municipalités «reconnues» (d'où la notion de «municipalités bilingues», notion qui n'existe pas dans la loi) d’avoir droit à des services en anglais. Pour ce faire, il faut que 50 % des citoyens d’une municipalité aient l’anglais comme langue maternelle. Évidemment, exiger 50% comme critère de base, c’est extrêmement élevé. Normalement, cela devrait se situer entre 15% et 20%.

Au recensement de 2011, il ne restait plus que 41 municipalités au-dessus de 50% d’anglophones. Or, la Charte de la langue française de 1977 ne prévoyait pas à l'article 29 de révocation automatique de statut reconnu en fonction des recensements décennaux, sauf sur demande de la municipalité concernée. Bien sûr, aucun des municipalités concernée n'a eu intérêt à demander de révoquer leur statut «bilingue». Ce nombre de 41 a encore baissé du tiers en 2021; il devrait en rester une trentaine. Il aurait été normal de prévoir une disposition dans la loi concernant la révocation d'un droit ou l'acquisition d'un droit en fonction d'un recensement décennal. L'idéal, ce serait d'abaisser ce quota de 50 % à 25%, mais d'inclure une disposition automatique de révocation à moins de 15%. Autrement dit, la minorité anglophone gagnerait ce droit à 25%, mais le perdait automatiquement, sans intervention politique, à moins de 15%.

Le problème, c'est que le gouvernement ne va pas risquer d'éliminer des «droits acquis»! Il existe une règle morale non écrite : on ne s’attaque pas à l’anglais dans le monde de 2023! Encore moins au Québec. Le seul pays au monde qui le fait impunément, c’est le Cameroun.

- Les collèges d'enseignement général et professionnel

Le Québec dispose d'un réseau unique en son genre: les collèges d'enseignement général et professionnel, appelés CEGEPS (cégeps). Or, les cégeps ne sont pas assujettis à la Charte de la langue française, comme c'est le cas pour les écoles primaires et secondaires. N'importe quel francophone ou allophone a le droit de s'inscrire dans un cégep anglophone. Beaucoup de Québécois aimeraient fermer la porte de ces établissements aux francophones et aux allophones qui n’ont pas transité par l’école primaire ou secondaire anglophone. C’est ainsi qu’on trouve des établissements anglophones avec un jeune anglophone montréalais sur quatre, qui avoue ne pas parler le français.

Bref, si cette tendance se maintenait, les cégeps anglophones enseigneront à plus de francophones que d'anglophones. D'ailleurs, l'effet pervers, c'est que les francophones peuvent finir par prendre la place des anglophones, privant ainsi ces derniers de leur droit d'être instruits dans leur langue, tout en anglicisant les francophones!

- Les universités anglaises

En examinant le financement et la fréquentation universitaire, on constate qu'il existe un déséquilibre marqué entre les établissements francophones et anglophones. En effet, les citoyens québécois ayant l'anglais comme langue maternelle représentent environ 8,3% de la population. Néanmoins, 25% des étudiants fréquentent les universités de langue anglaise au Québec et 18% suivent une formation collégiale en anglais. Ainsi, les établissements anglophones reçoivent 29% de l'ensemble des revenus qui sont alloués aux universités. En comparaison, au Canada anglais, les établissements francophones sont financés en deçà du poids démographique des francophones.

Sur cette lancée, il faut faire en sorte que les étudiants québécois des universités anglophones maintiennent leur niveau de français et en démontrent une maîtrise minimale pour obtenir leur diplôme. On n'a jamais pensé exiger des étudiants anglophones et des étudiants étrangers d'avoir une connaissance minimale en français pour obtenir leur diplôme! C'est une pratique courante dans certains pays non anglophones notamment les anciennes républiques soviétiques devenues indépendantes qui acceptent des établissements universitaires de langue anglaise (ou russe) à la condition de connaître aussi la langue officielle du pays d'accueil.

- La bilinguisation de la fonction publique québécoise

Étant donné que les personnes morales ne sont pas tenues de communiquer en français avec l'administration publique, les fonctionnaires sont donc obligés de maîtriser l'anglais pour répondre aux besoins de celles-ci. Cette situation est particulièrement préoccupante à Revenu Québec, à la Régie du logement, à la Commission des normes du travail, au ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles, là où le bilinguisme est de mise, même avec des personnes dont la langue maternelle n’est pas l’anglais. Dans les faits, le personnel de première ligne est dans l'obligation de fournir des services en anglais sous la pression des citoyens. De plus en plus, on demande aux fonctionnaires de maîtriser une autre langue, c'est-à-dire l'anglais.

Dans ces conditions, on ne se surprend pas que le Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ), qui représente 40 000 employés de l'État, réclame l'instauration d'une prime au bilinguisme, à l'exemple de la fonction publique fédérale.

Il faudrait que le Québec n'accepte l'anglais que dans les bureaux d'accueil et certaines sections le personnel de première ligne des ministères comme l'Éducation, la Sécurité et l'Immigration. Sinon il n'est pas nécessaire de maîtriser le français, le gouvernement étant entièrement bilingue.

 
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