Les mennonites

1    La doctrine

Les mennonites vivent parfois en collectivités ou communautés autonomes. Certains d'entre eux répugnent à voyager; sauf en groupe et pour aller visiter d'autres groupes religieux traditionalistes, mais d'autres n'hésitent pas à le faire. Bien que les différentes communautés aient toutes en commun l'idéal d'une communauté religieuse fondée sur l'enseignement du Nouveau Testament, elles demeurent libres d'être plus ou moins conservatrices ou progressistes, et de choisir leur degré d'intégration par rapport à la société moderne où elles vivent. 

Presque tous leurs principes fondamentaux sont issus de la profession de foi promulguée à Dordrecht (Pays-Bas) en 1632. Du point de vue de la conscience individuelle, la Bible est leur seule autorité en matière de doctrine et ils ne considèrent pas le pasteur comme médiateur entre le croyant et Dieu. Ils refusent le baptême des enfants au bénéfice du seul baptême des adultes (17 ans et plus) comme profession de foi. Ils célèbrent la Sainte-Cène (l'Eucharistie chez les catholiques), bien qu'ils ne la considèrent pas comme un sacrement, et pratiquent parfois le rite du lavement des pieds à cette occasion.

Les mennonites furent parmi les premiers à adopter le principe de la séparation de l'Église et de l'État et à avoir condamné l'esclavage. Ils ont toujours respecté les lois civiles, mais beaucoup d'entre eux refusent de porter les armes ou de cautionner la violence, de prêter serment et d'avoir des fonctions officielles, de pratiquer la contraception et de recourir au luxe (téléphone, musique, électricité, voiture, etc.). Toutefois, la conception du luxe peut varier d'une communauté à l'autre, car même les communautés très conservatrices ont désormais le téléphone, l'électricité et une voiture.

Les groupes mennonites les plus conservateurs se distinguaient auparavant par la simplicité de leur mode de vie et de leurs vêtements noirs (à la mode du XIXe siècle), mais c'est de moins en moins vrai aujourd'hui; la plupart des mennonites se sont adaptés. Chaque fois que les autorités ont tenté de les inciter à l'intégration sociale, les mennonites ont résisté, s'appuyant avec force sur leurs traditions. Ils ne veulent rien devoir à l'État et ne lui demandent rien, que ce soit des policiers ou des médecins, ce qui ne les empêche pas de recourir à leurs services lorsque c'est nécessaire.

La religion occupe une place centrale dans la vie des communautés mennonites. Dans certaines communautés des États-Unis, l'histoire a pu s'arrêter pratiquement au XIXe siècle : aucun journal ni aucune image ne vient concurrencer la Bible. Si certains mennonites ne sont au courant de rien de ce qui se passe dans le monde, alors que le moteur à explosion et l'électricité peuvent même être considérés comme des luxes inutiles, seuls les chevaux pouvant sillonner les pâturages, dans d'autres communautés plus modernistes ne dédaignent au contraire ni l'électricité, ni l'automobile, ni le tracteur, ni l'ordinateur.

Au mois de décembre 2000, la Conférence mennonite mondiale (CMM), dont le siège est à Strasbourg, a publié ses plus récentes statistiques. Le nombre total de membres baptisés dans les Églises mennonites et affiliées s’élèverait maintenant à 1 203 995 individus répartis dans 63 pays. Les Églises de l’hémisphère sud (Afrique, Asie/Pacifique, Caraïbes, Amérique centrale et latine) comptent plus de 702 000 membres, tandis que les Églises de l’hémisphère nord (Europe et Amérique du Nord) totalisent 501 000 membres. On compterait 444 000 mennonites en Amérique du Nord, 112 000 en Amérique latine, 406 000 en Afrique, 184 000 en Asie, 58 000 en Europe Les pays comptant le plus grand nombre de membres sont les États-Unis (319 768), le Congo-Kinshasa (183 040), le Canada (124 150), l'Inde (90 006), l'Indonésie (87 802), et l'Éthiopie (73 219). Le Kenya rejoint maintenant l’Allemagne, le Paraguay, la Tanzanie et le Zimbabwe au rang des pays comptant plus de 20 000 membres.

2    Données historiques 

Le mouvement religieux mennonite apparut en Suisse vers 1520. Ses membres prônaient alors un protestantisme plus radical que celui défendu par le réformateur suisse Huldreich Zwingli, qu'ils quittèrent d'ailleurs à la suite de leur désaccord sur le baptême des enfants (d'où l'origine du terme anabaptiste). À l'origine, ce terme était une insulte, anabaptiste signifiant «rebaptiseur», alors que la Bible enseigne qu' «il n'y a qu'un baptême». Du fait qu'ils rejetaient l'idée d'une Église au service de l'État et se considéraient comme des objecteurs de conscience, les mennonites furent souvent accusés de subversion et persécutés. D'autres trouvèrent refuge en Prusse et l'Ukraine accepta leurs services.

Menno Simons

 

 

 





Au même moment, un mouvement parallèle fut fondé aux Pays-Bas par Menno Simons (1492-1559), d'où le nom de mennonites. Prêtre catholique (il reçut l'ordination en 1524), il prit peu à peu une position radicale, allant jusqu'à prêcher en faveur du seul baptême des adultes. Comme cela s'était produit en Suisse, les anabaptistes hollandais furent persécutés pendant des années. Des groupes similaires se répandirent dans le sud de l'Allemagne et en Autriche, où ils s'appelaient les huttériens, du nom de leur chef Jakob Hutter. 

Au XVIIIe siècle, comme la communauté suisse subissait les persécutions, de nombreux fidèles ont décidé de fuir en Rhénanie, aux Pays-Bas, en Europe de l'Est, aux États-Unis (particulièrement en Pennsylvanie et en Ohio) et même au Canada (surtout en Ontario et, après 1870, au Manitoba).

Aux Pays-Bas, la persécution cessa vers la fin du XVIe siècle, mais les mennonites continuèrent à subir des discriminations de la part de ceux qui étaient en faveur d'une Église officielle d'État. Beaucoup d'entre eux émigrèrent en Pennsylvanie (USA) ou en Prusse, en Pologne et en Russie.

Ce n'est plus le cas aujourd'hui, mais que ce soit en Europe, aux États-Unis ou au Canada, leur vêtements austères noirs (datant du XIXe siècle) et leurs coutumes (dont celles de ne pas payer certains impôts, de refuser le service militaire et l'imposition d'une autre langue, etc.) les placèrent en marge des sociétés où ils vécurent. D'autres vagues d'émigrants mennonites originaires d'Europe arrivèrent au Canada, puis à partir de 1925 vers le Mexique, le Belize, le Paraguay, la Bolivie, le Brésil et l'Argentine. De nombreux mennonites sont arrivés au Canada après la Seconde Guerre mondiale et la chute du mur de Berlin et ont renforcé les mennonites déjà établis depuis 1870 au Manitoba. Les mennonites du Mexique provenaient du Canada après l'imposition de l'anglais au Manitoba; du Mexique, d'autres émigrèrent vers le Belize.

3    La langue

Vivant dans de petites colonies agricoles, les mennonites se caractérisent formellement par leurs vêtements noirs (perçus d'une autre âge) et l’utilisation de leur langue héritée du bas-allemand: le Plautdietsch (Plattdeutsch en allemand) fortement teinté d'influences néerlandaises et flamandes.  Aux États-Unis, le Plautdietsch est parfois appelé Pennsylvania Dutch (ou néerlandais de la Pennsylvanie) ou Pensilfaanisch Deitsch en allemand. Toutefois, le Plautdietsch et le Pennsilfaanisch Deitsch sont bel et bien deux langues totalement différentes. Le Plautdietsch est une langue qui provient des dialectes bas-allemand nord du territoire germanophone, tandis que le Pennsilfaanisch Deitsch (malgré la désignation de Pennsylvania Dutch) est une langue qui ressemble plus au parler du Palatinat (der Pfalz), un dialecte du haut-allemand parlé au sud.

Les mennonites écrivent toujours en allemand standard, une langue qu'ils apprennent et enseignent dans leurs écoles. Les seuls manuels «scolaires» sont l'Ancien et le Nouveau Testament dans des éditions allemandes. Partout, sauf aux États-Unis (Pennsylvanie et Ohio) et au Canada, ils résistent ou refusent de parler la langue officielle du pays où ils résident, que ce soit en Russie ou en Amérique du Sud, principalement au Mexique (40 000), au Belize (6000), au Paraguay (35 000), en Argentine (2000) et au Brésil (6000). Dans ces trois derniers pays, la plupart des mennonites se consacrent à l'agriculture et ont créé leurs propres écoles, banques, hôpitaux, médias, etc., utilisant le Plattdeutsch et parlant peu l'espagnol. Ce ne sont pas les maîtres d'école de la communauté qui enseignent la langue officielle aux enfants mennonites, mais les pères et autres parents mâles. En général, les mennonites ont toujours conservé de bons rapports avec les populations locales, souvent des autochtones amérindiens, généralement peu habituées à la non-violence de ces Blancs aux yeux bleus.

Dernière mise à jour: 03 janv. 2024

Bibliographie

CASSEN, Bernard. «Au Paraguay, la saga des mennonites» dans Le Monde diplomatique, Paris, août 2001, p. 10-11.

CONFÉRENCE CANADIENNE DES FRÈRES MENNONITES. «La Conférence mennonite mondiale révèle ses plus récentes statistiques» dans Le Lien des Frères mennonites, Saint-Laurent (Québec),  février 2001.

MICROSOFT CORPORATION. Art. «Mennonites» dans Encyclopédie Microsoft Encarta, 2002.

ROMANO, Serge. «Les mennonites de la pampa» dans Courrier international, Paris, no 599, du 25 avril au Ier mai 2002, p.  550-51.

 

Amérique du Sud - Pennsylvanie

 

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