République d'Autriche

Les lois linguistiques
autrichiennes fédérale

Dans les districts bilingues de Carinthie et du Burgenland, le slovène, le croate et le hongrois sont admis comme langues officielles. En plus des Slovènes, des Croates et des Hongrois, les Tchèques et les Slovaques (dans l’agglomération de Vienne) ainsi que les Rom/Tsiganes du Burgenland sont reconnus comme minorités.

1 La législation linguistique fédérale

Contrairement au Canada où le domaine de l'éducation est du ressort exclusif des provinces, le gouvernement fédéral autrichien partage ce champ de compétence avec les provinces, c’est-à-dire les Länder. C'est le gouvernement fédéral qui détermine le cadre juridique de l'éducation, mais ce sont les Länder qui restent responsables de l'organisation pédagogique. Afin de rendre plus concrètes les clauses du Traité d’État de 1955, le gouvernement fédéral autrichien a adopté plusieurs lois et décrets à l'égard des minorités. À titre d'exemples, mentionnons les textes législatifs suivants:

- la Loi scolaire relative aux minorités de Carinthie (14 avril 1959);
- la Loi fédérale relative aux langues admises devant les tribunaux (14 avril 1959);
- la Loi fédérale sur la situation juridique des minorités en Autriche (7 juillet 1976);
- le Règlement du gouvernement fédéral relatif aux commissions consultatives des minorités (18 janvier 1977);
- le Décret du gouvernement fédéral fixant les noms de lieux en langue slovène (31 mai 1977);
- le règlement 306 du gouvernement fédéral du 31 mai 1977 fixant la désignation en langue slovène des localités visées;
- la Loi fédérale portant amendement de la Loi scolaire relative aux minorités de Carinthie (28 juin 1990).

De façon générale, la législation fédérale vise à assurer aux minorités en Autriche la protection dont elles ont besoin pour la sauvegarde, le maintien et le respect de leur langue et de leurs traits culturels. Généralement, les lois fédérales ont trait aux domaines scolaire et judiciaire ainsi qu'à la toponymie; certains articles de loi traitent aussi des services gouvernementaux, de la police, des registres d'état civil, des télécommunications, de la poste, des chemins de fer. Mentionnons également une loi relativement contestée par certaines organisations slovènes, la Loi fédérale régissant les recensements linguistiques, qui dans les faits fixe des conditions numériques minimales pour appliquer le Traité d’État à l'égard des minorités.

2 La langue des activités parlementaires

Aucun statut n'est reconnu aux minorités autrichiennes dans le domaine des activités parlementaires. Les députés autrichiens ne s'expriment qu'en allemand tant au Parlement fédéral qu'aux parlements des Länder de Carinthie, du Burgenland et de Styrie. Les lois sont rédigées et promulguées exclusivement en allemand, même celles concernant les minorités. Celles-ci ne jouissent donc d'aucun droit dans le domaine de la législature.

3 Les droits en matière de justice

Le dernier paragraphe de l'article 66 du traité de Saint-Germain reconnaissait le principe pour les minorités d'utiliser leur langue maternelle (orale ou écrite) dans les tribunaux. La loi fédérale du 14 avril 1959 et le décret du gouvernement fédéral du 31 mai 1977 (avec le règlement du 31 mai 1977) sont venus préciser les modalités d'application. D'un point de vue strictement juridique, seul le slovène est permis, car il n'est fait mention dans aucune loi d'une autre langue que le slovène.

Dans les cours de justice fédérale, la minorité slovène de Carinthie peut utiliser sa langue dans les seuls districts d'Eisenkappel, de Bleiburg et de Ferlach (ce qui représente 55% de la population slovène). Les requêtes peuvent être libellées en langue slovène; dans ce cas, le tribunal doit traduire ou faire traduire immédiatement celles-ci en allemand. Au cours des audiences, débats et interrogatoires, les parties et les personnes interrogées peuvent s'exprimer en langue slovène; à la requête d'une partie, le juge doit alors mener le débat en langue allemande aussi bien qu'en langue slovène. Si le juge ne connaît pas la langue slovène, il doit se faire assister d'un interprète. Lorsque la langue slovène est utilisée au cours des débats, le procès-verbal doit être établi à la fois en allemand et en slovène. Toutefois, si le greffier ne connaît pas le slovène, le tribunal doit traduire ou faire traduire immédiatement le procès-verbal en langue slovène. Pour le prononcé des sentences, le tribunal doit utiliser la langue allemande. Si la langue slovène a été également employée au cours des débats, la sentence doit être prononcée à la fois en allemand et en slovène. Dans leurs rapports avec l'administration interne, les juges et autres auxiliaires de justice, ainsi que le procureur, doivent utiliser la langue allemande.

En ce qui concerne les cours d'appel, seul l'allemand est permis, sauf dans des cas exceptionnels. Il en est de même dans les cours "provinciales" (les Länder) qui ne fonctionnent qu'en allemand. Ajoutons que, dans les faits, la minorité croate bénéficie à peu près des mêmes droits, mais ceux-ci ne sont pas expressément reconnus dans un texte de loi. Quant aux Tchèques de la région de Vienne, aucun droit ne leur est reconnu dans le domaine de la justice.

Selon l'article 7 (alinéa 4) du Traité d'État de 1955, il devrait y avoir une participation égale des membres des minorités dans les organisations judiciaires. Or, soutiennent les Slovènes, il n'y a jamais eu d'institutions judiciaires slovènes ni de juges d'une langue minoritaire. Les seules instances existantes sont d'ordre culturel et, dans la pratique, elles ne peuvent pas fonctionner.

4 Les droits scolaires

Le droit pour les minorités autrichiennes à un enseignement primaire et à un nombre approprié d'écoles secondaires est reconnu dans tous les traités internationaux: à l'article 68 du traité de Saint-Germain (1919), à l'article 20 (par. 3) du traité de 1920 et à l'article 7 (par. 2) du Traité d’État de 1955. En vertu de ces traités, les minorités ont droit à un enseignement en slovène, en croate, en hongrois ou en tchèque.

Depuis le lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, les minorités disposent effectivement d'écoles primaires – il s'agit principalement du premier cycle – où l'on enseigne en slovène, en croate, en hongrois ou en tchèque. Cependant, les écoles en langue minoritaire ne fonctionnent pas toutes; seuls les Slovènes disposent d'un réseau quelque peu étendu. 

4.1 Les écoles maternelles

Les écoles de niveau maternel ne sont pas garanties parce qu'elles ne sont pas prévues dans les traités internationaux. C'est pourquoi les Länder se refusent à les créer et à les entretenir. On en compte cependant plusieurs, mais ce sont les communes ou les entreprises privées qui les ont organisées. Depuis 1990, la nouvelle loi scolaire permet au gouvernement fédéral de subventionner ces écoles dans la mesure où on compte au moins sept inscriptions. Les Slovènes de Carinthie contrôlent présentement cinq écoles maternelles privées.

4.2 Les types d’écoles primaires

On distingue deux types d'écoles à l'intention des minorités: les écoles primaires bilingues et les écoles primaires complémentaires. Dans les écoles primaires bilingues, l'ensemble de l'enseignement doit être donné approximativement à parts égales dans chaque langue durant tout le premier cycle (trois premières années); à partir de la quatrième année (second cycle), l'enseignement doit être donné en langue allemande, la langue minoritaire constituant cependant une matière d'enseignement obligatoire à raison de quatre heures par semaine.

Pour ce qui est des écoles complémentaires, l'enseignement est normalement donné en allemand, mais la langue minoritaire est enseignée en tant que matière obligatoire dans toutes les années à raison de quatre heures par semaine. On le voit, le régime du second cycle des écoles primaires bilingues correspond à celui des deux cycles des écoles complémentaires. Ces écoles sont établies conformément à la Loi scolaire du 14 avril 1959 (art. 16), laquelle a été modifiée par la Loi fédérale du 28 juin 1990. Même si les lois scolaires ne concernent que la minorité slovène, les autres minorités bénéficient d'un traitement analogue.

Ce système est très critiqué par les organisations minoritaires. Pour accéder à un enseignement bilingue ou complémentaire, il faut que les élèves aient été inscrits préalablement comme Slovènes, Croates, Hongrois, etc. Or, étant donné que l'inscription est facultative, beaucoup d'enfants minoritaires se retrouvent dans les écoles allemandes; et s'inscrire comme minoritaire, c'est avouer sa marginalité. De plus, le passage de premier cycle au second cycle, de même que le passage de l'école bilingue à l'école complémentaire, exige une nouvelle inscription. De nombreuses familles en profitent alors pour faire passer leurs enfants à l'école allemande. Il en résulte que de moins en moins d'enfants s'inscrivent aux écoles minoritaires. Dans l’état actuel des choses, on compte 82 écoles primaires en Carinthie (toutes bilingues).

4.3 Les études secondaires et universitaires

Pour ce qui est de l'enseignement de niveau secondaire, il n'est possible que pour les Slovènes, et ce, dans une seule école: le lycée fédéral slovène de Klagenfurt. Il faudrait ajouter également l’école fédérale de commerce de Klagenfurt, l’école secondaire du commerce de Saint-Jakob im Rosental et l’École d’agriculture de Völkermarkt. Au lycée fédéral de Klagenfurt, l’instruction est donnée aussi en anglais en plus de l’allemand; un examen de fin d’études en allemand est obligatoire pour l’obtention du diplôme. Quant aux études universitaires, elles ne sont possibles qu'en allemand, bien qu'un système d'équivalence soit prévu, pour permettre aux quelques étudiants qui le désirent d'aller étudier à l'Université de Ljubljana en république de Slovénie (ex-Yougoslavie).

5 Les services gouvernementaux

Quelques textes juridiques traitent de la question des services gouvernementaux. L'article 66 du traité de Saint-Germain (1919) abordait en des termes plutôt obscurs cette question en stipulant qu'il ne sera édicté aucune restriction contre le libre usage d'une langue quelconque dans les relations privées ou commerciales. La Loi sur les groupes ethniques de 1976 allait beaucoup plus loin. L'article 13 (paragraphe 2) précisait que «devant les pouvoirs publics» et autres institutions prévues par la loi «toute personne est en droit d'employer la langue de la minorité en autant que son usage en soit autorisé devant lesdits pouvoirs publics [...]». Le paragraphe 3 spécifie même que les instances autres que les pouvoirs publics «doivent, dans la mesure où ils la maîtrisent, se servir de la langue de la minorité ethnique pour faciliter la communication orale». De plus, il est énoncé au paragraphe 4 que «dans les communes où la langue de la minorité est reconnue comme langue officielle, l'usage additionnel de cette langue est autorisé pour les annonces et avis officiels».

Le décret du gouvernement fédéral du 31 mai 1977 est encore plus explicite quant aux services gouvernementaux accordés en langue minoritaire. Toutefois, le décret ne reconnaît que l'usage de la langue slovène dans les pouvoirs publics et administratifs: 

Article 1er

L'emploi de la langue slovène comme langue officielle en plus de l'allemand devant les autorités et les services publics où elle est autorisée par le présent décret ne s'applique qu'aux citoyens autrichiens.

Article 5

Conformément à l'article 4, la langue slovène est autorisée comme langue officielle en plus de l'allemand dans les affaires administratives des postes et télécommunications ainsi que dans les services ferroviaires.

De façon plus précise, l'article 5 énonce que «la langue slovène est autorisée comme langue officielle en plus de l'allemand dans les affaires administratives des postes et télécommunications ainsi que dans les services ferroviaires». Cette reconnaissance s'étend également aux postes de gendarmerie et aux autorités militaires.

Cela dit, il y a loin de la coupe aux lèvres, car les minorités ne reçoivent des services gouvernementaux dans leur langue que dans quelques districts désignés, et ce, à la condition de l'exiger. Ces services ne valent que pour le slovène dans certains arrondissements de Carinthie, le croate dans quelques arrondissements du Burgenland, le hongrois dans deux arrondissements du Burgenland. Dans les faits, les services gouvernementaux sont rarement donnés en langue minoritaire, faute de demande expresse à ce sujet. Les minorités ont compris: il est fastidieux d'exiger des services qu'on n'accordera qu'au compte-gouttes. De toute façon, les minorités savent l'allemand...

Précisons aussi que, selon la Loi sur les groupes ethniques (art. 13, paragraphe 5), les dispositions se rapportant à l'usage de la langue d'une minorité comme langue officielle ne s'appliquent pas à l'usage interne que pourraient en faire les pouvoirs publics et institutions. Autrement dit, même si les communications avec les citoyens, tant orales qu'écrites, se font éventuellement en slovène ou en croate dans les arrondissements désignés, la langue de travail des fonctionnaires demeure uniquement l'allemand. D'ailleurs, tous les ministères fédéraux ne communiquent avec les citoyens que dans la langue officielle de la République.

Ajoutons que l’État «provincial» (le Land) met à la disposition des Slovènes quelque 30 minutes par jour d’émissions en slovène à la radio et quelque 30 minutes par semaine à la télévision.

6 L'affichage

L'article 7 (par. 3) du Traité d’État de 1955 formule certaines dispositions en matière d'affichage. Dans les circonscriptions administratives et judiciaires de Carinthie, du Burgenland et de Styrie, le slovène ou le croate (selon le cas) est admis comme langue officielle en plus de l'allemand. Les inscriptions toponymiques doivent être en langue slovène ou croate aussi bien qu'en allemand.

On n'a appliqué cet article qu'après une vingtaine d'années de retard. On ne compterait guère qu'une soixantaine d'écriteaux bilingues. Cet état de choses est d'ailleurs vivement contesté par les organisations slovènes. L'affichage bilingue demeure très rare, qu'il s'agisse des bâtiments publics ou des commerces. Il arrive que les communes mixtes à majorité allemande préfèrent tout simplement enlever les inscriptions unilingues allemandes pour éviter qu'on pose, à la place, des inscriptions bilingues. Voilà un cas intéressant où les lois linguistiques fédérales, voire les lois constitutionnelles et les traités internationaux, ne sont pas toujours appliquées.

7 Les médias

Il existe trois journaux hebdomadaires publiés en slovène: Nas tednik, Nedelja et Slovenski Vestnik. On compte aussi quelques mensuels: Druzina, Mladi Rod (magazine scolaire), Celovski Zvon (péridodique culturel) et Punt (magazine éudiant). Deplus, la radio locale diffuse 50 minutes/jour d’émissions en slovène et la télévision, 30 minutes/semaines.

On peut consulter la Loi sur les groupes ethniques de 1976 dont l’entrée en vigueur était prévue pour le 1er février 1977.

 
Malgré l'éventail de lois destinées à protéger les minorités d'Autriche, les autorités démontrent une certaine tiédeur à les protéger de façon efficace. Seule la minorité slovène semble relativement bien traitée; c'est la seule à bénéficier de recours juridiques contre les autorités autrichiennes. En raison de circonstances historiques et de leur nombre 45 000, les Slovène ont bénéficié d'une meilleure protection au niveau juridique. Les Slovènes de Carinthie sont politiquement représentés par deux organisations: le Conseil des Slovènes de Carinthie (Narodni svet koroskih Slovencev) et l’Union centrale des organisations slovènes (Zveza slovenskih organizacij). Néanmoins, les organisations slovènes se plaignent beaucoup du sort qui leur est réservé, notamment dans les domaines de la justice, de l'école, des services gouvernementaux et des inscriptions toponymiques.

Il n'est pas surprenant que ce manque d'empressement à protéger la minorité slovène ait des répercussions en Slovénie. Cette ancienne république yougoslave, qui partage une frontière commune avec l'Autriche, a tendance à réserver le même sort (peu enviable) à sa minorité autrichienne de langue allemande. Celle-ci, en effet, ne dispose à peu près d'aucun droit en Slovénie, alors que les minorités italiennes et hongroises bénéficient de droits assez considérables dans cette ex-république yougoslave. 

Quant aux autres minorités, croates, hongroises et tchèques, elles manquent d'assises juridiques, car les traités internationaux ne semblent pas suffire à les protéger. Beaucoup de minoritaires s'assimilent et ne s'affichent plus comme "minoritaires" lors des recensements. On peut espérer que l'attitude du gouvernement fédéral, apparemment plus favorable à l'égard des minorités depuis quelques années, ait des répercussions sur leur sort.
 

Dernière mise à jour: 24 mai 2023

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