République de Biélorussie

Biélorussie

La politique linguistique
sous le régime soviétique

Sous le régime soviétique, le russe était la langue officielle la langue officielle de l'Union, alors que chacune des langues dites «titulaires» l'était dans chacune des républiques. Même si le russe n'a jamais été déclaré formellement langue officielle, ni par l'Union ni par aucune république, pas même pas en Russie (1978), il a toujours joui dans les faits du statut de langue officielle jusqu'en 1991.

1    L'égalité des langues titulaires et du russe

Quand on lit la Constitution du 14 avril 1978 de la Biélorussie, force est de constater que l'accent est mis sur l'égalité de toutes les langues de l'ex-URSS. En réalité, la politique linguistique de la Biélorussie soviétique était tout axée sur l’égalité des droits linguistiques de tous les citoyens, surtout ceux des russophones, et sur le développement harmonieux de toutes les nations et ethnies de l’URSS. C'était une façon de banaliser toutes les langues nationales (ou tutélaires) et d'accorder un statut privilégié au russe. C’est ainsi qu’on pouvait lire aux articles 32 et 34:

Article 32

1) Les citoyens de la République socialiste soviétique (RSS) de Biélorussie sont égaux devant la loi indépendamment de leur origine, de leur situation sociale et de leurs biens, de leur appartenance raciale et nationale, de leur sexe, de leur niveau d'instruction, de leur langue, de leur attitude vis-à-vis de la religion, du genre et du caractère de leurs occupations, de leur lieu de résidence et autres circonstances.

2) L'égalité en droit des citoyens de la RSS de Biélorussie est garantie dans tous les domaines de la vie économique, politique, sociale et culturelle.

Article 34

1) Les citoyens de la RSS de Biélorussie de races et de nationalités différentes jouissent de droits égaux.

2) L'exercice de ces droits est garanti par la politique de développement harmonieux et de rapprochement de toutes les nations et ethnies de l'URSS, par l'éducation des citoyens dans l'esprit du patriotisme soviétique et de l'internationalisme socialiste, par la possibilité d'utiliser sa langue maternelle et la langue des autres peuples de l'URSS

3) Toute restriction directe ou indirecte des droits, tout établissement de privilèges directs ou indirects pour les citoyens en raison de la race ou de la nationalité, de même que toute propagande d'exclusivisme racial ou national, de haine ou de mépris sont punis par la loi.

À cette époque bénie, la vie était facile pour tous les russophones vivant dans les républiques de l'Union, en Biélorussie plus qu'ailleurs. En effet, ces derniers bénéficiaient de tous les avantages d’une majorité fonctionnelle qui n’avait pas besoin d’être bilingue; ils détenaient les clés de la domination économique, sociale, culturelle, etc. 

2    L'éducation et la justice

En éducation, les Russes pouvaient exiger que leurs enfants reçoivent leur instruction uniquement en langue russe (art. 43 de la Constitution de 1978):

1) Les citoyens de la RSS de Biélorussie ont droit à l'instruction.

2) Ce droit est garanti par la gratuité de tous les types de formation, par la réalisation de l'enseignement secondaire obligatoire universel de la jeunesse, par le vaste développement de l'enseignement secondaire spécialisé, de l'enseignement professionnel et technique et de l'enseignement supérieur sur la base du rapport de l'enseignement avec la vie et avec la production; par le développement des cours par correspondance et des cours du soir; par l'octroi de bourses du gouvernement et d'avantages aux élèves et aux étudiants; par la possibilité d'un enseignement à l'école dans la langue maternelle; par la création de conditions pour l'autodidaxie.

 En matière de justice, il en était ainsi dans la procédure judiciaire (art. 157): 

La procédure judiciaire dans la RSS de Biélorussie est conduite dans les langues biélorusse ou russe ou dans la langue de la majorité de la population de la localité donnée. Les personnes participant au procès et ne possédant pas la langue dans laquelle se fait la procédure judiciaire ont le droit de prendre pleinement connaissance du dossier, de prendre part aux actions judiciaires par l'intermédiaire d'un interprète et de s'exprimer durant l'audience dans leur langue maternelle.

Selon les données du ministère de l'Éducation biélorusse de 1994, il existait presque autant d'établissements préscolaires dont la langue d'enseignement était le russe plutôt que le biélorusse, alors que les russophones ne constituaient que 13 % de la population totale. Dans la plupart des écoles primaires et secondaires, le biélorusse était considéré comme une «matière facultative». En 1988, le premier secrétaire du Comité central du Parti communiste de Biélorussie présentait un rapport au plénum du Parti communiste et faisait le constat suivant:

Beaucoup d'élèves ne maîtrisent pas à un degré suffisant l'écriture en biélorusse, la langue parlée; et ne font pas preuve d'un intérêt soutenu pour la lecture de la littérature. Le niveau de l'enseignement de la langue et de la littérature biélorusse reste peu élevé. (Cité par Jeantheau, 2001, p. 69) 

D'ailleurs, beaucoup de parents se plaignaient de pas pouvoir trouver, surtout dans les centres urbains, des établissements d'enseignement où l'on enseignait le biélorusse. Par exemple, pour l'année scolaire 1987-1988, les statistiques révélaient que seulement 23 % des écoliers (de la première année à la dixième année) étaient scolarisés en biélorusse. La plupart des enseignants étaient incapables d'enseigner en biélorusse des matières comme les mathématiques, la physique ou l'anglais, sans compter la pénurie effarante des manuels en langue biélorusse. Les établissements d'enseignement professionnel et supérieur étaient demeurés exclusivement russes. Enfin, la plupart des fonctionnaires ne s'exprimaient qu'en russe, y compris aux biélorussophones. Ajoutons aussi que le biélorusse n'était à peu près pas utilisé comme langue de travail, sauf dans les régions rurales. On comprendra que, dans ces conditions, les milieux nationalistes aient trouvé un terrain propice à leurs revendications.  

Le cas de la Biélorussie ne demeure pas une exception. La situation était identique dans toutes les républiques, y compris celles de l'Asie centrale (Ouzbékistan, Turkménistan, Kirghizistan, Tadjikistan, etc.). Cependant, la russification en Biélorussie semble avoir été plus avancée qu'ailleurs, encore plus qu'en Ukraine, ce qui est peu dire. Il est probable que les similitudes linguistiques avec le russe aient joué aux dépens du biélorusse. Rappelons que le russe, le biélorusse et l'ukrainien font partie du groupe des langues slaves de l'Est, ces dernières ayant déjà constitué une seule et même langue pour se fragmenter vers le XIIe siècle.

La situation commença à changer vers la fin du régime soviétique, notamment avec l'arrivée de Mikhaïl Gorbatchev au pouvoir et la perestroïka, puis la chute du mur de Berlin, l'effondrement des régimes communistes, la fin du monopole politique des partis communistes, etc. 

3    La biélorussification

Le 26 janvier 1990, alors que la Biélorussie n'était pas encore indépendante et que le Parti communiste dominait le pays, le Soviet suprême de Biélorussie adopta une modification constitutionnelle qui accordait au biélorusse le statut de «langue officielle de la RSS de Biélorussie» (art. 68): 

1) La langue biélorusse est la langue officielle de la RSS de Biélorussie.

2) La RSS de Biélorussie garantit le libre emploi de la langue russe comme langue des relations interethniques des peuples de l'Union soviétique.

3) Les modalités d'emploi du biélorusse, du russe et des autres langues de la RSS de Biélurussie sont déterminées par la législation de la RSS de Biélorussie.

Toutefois, le paragraphe 2 de la loi venait tempérer ce statut privilégié du biélorusse afin d'accorder au russe la position sociale qu'il avait toujours eue. Le même jour, le Soviet suprême de la RSS de Biélorussie adopta, dans le même esprit, la loi no 46 sur les langues de la république de Biélorussie, appelée plus simplement la Loi sur les langues. Dans la mouvance des mouvements nationalistes de l'époque, les communistes biélorusses adoptèrent cette loi afin de calmer les ardeurs nationalistes, mais ils surent composer avec l'antagonisme linguistique russe-biélorusse. En effet, la nouvelle loi linguistique affirmait la prééminence du biélorusse sans toucher aux droits acquis des russophones, ce qui constituait apparemment un compromis acceptable pour tout le monde.

Dernière mise à jour: 09 décembre, 2015  

Biélorussie


(1) Considérations générales

 

(2) Politique linguistique sous le régime soviétique
 

(3) Politique des langues officielles

 

(4) Politique des minorités nationales

 

(5) Bibliographie

 

Loi sur les langues
Loi sur les minorités nationales

 

      

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