Empire colonial français

1534-1763

1830-1962



L’Empire colonial français désigne l'ensemble des territoires d'outre-mer colonisés par la France. Cet empire colonial a existé de 1534 à 1763, donc durant 229 ans, puis de 1830 à 1962, soit durant 132 ans, si l'on fait abstraction de l'Empire napoléonien en Europe. Au total, l'Empire colonial français a duré plus ou moins quatre siècles, précisément 361 ans. Les historiens distinguent généralement deux périodes concernant les empires coloniaux français.

1. Le premier empire colonial (1534-1763)

La première colonisation s'est constituée à partir du XVIe siècle; il comprenait des territoires nord-américains (Nouvelle-France: Canada, Acadie, Louisiane, Terre-Neuve) et des Antilles (Martinique et Guadeloupe), puis l'archipel des Mascareignes (Maurice, Rodrigues et La Réunion) dans l'océan Indien, ainsi que des comptoirs dans les Indes et en Afrique. Dès 1534, la France tenta d'installer des colons français au Canada, mais il fallut attendre Samuel de Champlain en 1608 pour commencer la véritable colonisation en Nouvelle-France, surtout eau Canada et en Acadie. C'est Henri IV qui donna à la colonie le nom de Nouvelle-France.

Au XVIIe siècle, la France poussa plus loin ses ambitions territoriales en occupant la Louisiane (1682), puis dans les Antilles La Dominique, la Grenade, Sainte-Croix (aujourd'hui les îles Vierges américaines), Sainte-Lucie et Saint-Vincent. Bien que Louis XIV ait fait beaucoup pour sa colonie du Canada, il n'a jamais conçu la moindre vision d'un empire français en Amérique, parce que deux ou trois places fortes en France lui paraissaient plus dignes de sa gloire que toutes ses colonies réunies. Au cours de cette même période, des colons français s’installèrent en Afrique (Sénégal) et dans l’océan Indien (l’île de La Réunion), ainsi que dans quelques comptoirs dans les Indes.

La présence française en Amérique s'effondra après la guerre de Sept Ans et, au moment du traité de Paris de 1763, la France renonça au Canada et à ses établissements dans les Indes et au Sénégal. Cependant, la situation économique des Antilles demeura florissante pendant les années qui suivirent, et ce, jusqu'à la Révolution française.

2. L'épisode de l'Empire napoléonien (1804-1814)

Après la Révolution, Napoléon créa un véritable empire en Europe. Il conquit la majeure partie de l'Europe continentale, de l'Espagne à la Pologne. Ce n'était pas un empire «colonial», car il ne s'agissait pas de colonisation, mais d'annexions et de protectorats!

Ainsi, il ne faudrait pas confondre le premier empire colonial français qui s’est déployé à partir du XVIe siècle et le Premier Empire qui est celui sur lequel Napoléon Bonaparte a régné entre 1804 et 1814. Il comprenait comme États vassaux — appelés aussi des «protectorats» — le Royaume d’Italie, le Royaume de Naples, le Royaume de Westphalie et le Royaume d'Espagne.

Selon l'idéologie napoléonienne, l'Europe devait s'organiser autour de «l'Empire français», non en tant que qu'empire universel, mais comme un centre régulateur des relations internationales sur le continent. Toutefois, s'opposèrent à Napoléon la Grande-Bretagne, la Prusse, la Russie et l'Autriche.

La défaite de Waterloo et l’abdication de Napoléon en 1815 marquèrent à la fois la fin du premier empire colonial français et celle du Premier Empire. Les guerres napoléoniennes qui marquèrent l'Europe au début du XIXe siècle correspondent en même temps à un recul de la domination coloniale française.

En effet, au congrès de Vienne de 1815, la France perdit l'essentiel des colonies acquises depuis le XVIe siècle. En Afrique, elle ne conserva que ses possessions sénégalaises, dont l'îlot de Gorée, les villes de Rufisque et de Saint-Louis; en Amérique, la France sauvegarda Saint-Pierre-et-Miquelon, la Guyane et la Guadeloupe. De plus, elle disposait encore de cinq comptoirs en Inde (Pondichéry, Karikal, Yanaon, Mahé et Chandernagor).

La Grande-Bretagne allait devenir, pour longtemps, la seule superpuissance mondiale. Ce fut Londres qui devait assurer la paix durant plusieurs décennies par ses interventions et ses alliances. Ce siècle de paix allait se faire au détriment du «rêve français». 

3. Le second empire colonial (1830-1962)

Le second empire colonial français débuta en 1830, sous Louis-Philippe (roi des Français), par la prise de possession d’Alger en 1830. Cette première phase expansionniste fut suivie par la conquête rapide de la Tunisie et celle plus lente du Maroc. Progressivement, la France conquit de nouveaux territoires, dont le Gabon, la Côte-d’Ivoire et la Guinée. Les autorités françaises annexèrent des îles dans le Pacifique, telles la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie, et Wallis-et-Futuna. Pour ne pas se faire damner le pion par la Grande-Bretagne, la France s'établit en Indochine (Vietnam, Cambodge et Laos). En quarante ans, la France se retrouva ainsi la deuxième puissance coloniale au monde, derrière la Grande-Bretagne.

Le Second Empire commença en 1852 lorsque Louis-Napoléon Bonaparte devint Napoléon III (empereur des Français). Il se termina en 1870 avec la défaite de Sedan contre les Prussiens. En 1867, le Second Empire comprenait la Martinique, la Guadeloupe, La Réunion, le Sénégal, les mêmes comptoirs en Inde, la Guyane, l'île Maurice, Saint-Pierre-et-Miquelon, l’Algérie, Mayotte, la Polynésie française, les Comores, la Nouvelle-Calédonie, Djibouti, la Cochinchine française (sud du Vietnam) et le Cambodge. Le Second Empire marqua ainsi une étape importante dans le développement du second empire colonial français.

- L'Afrique

Après la défaite française de 1870, la IIIe République multiplia les efforts pour restaurer l'honneur national en se lançant dans une politique de colonisation. En 1881, un protectorat fut imposé à la Tunisie, mais le congrès de Berlin (1884-1885) limita la zone d'influence française à l'Afrique équatoriale (Congo français). Cependant, le gouvernement français créa en 1895 l'Afrique-Occidentale française qui regroupait une fédération les territoires du Sénégal, de la Mauritanie, du Soudan français (aujourd'hui le Mali), de la Haute-Volta (aujourd'hui Burkina), de la Guinée française, du Niger, de la Côte-d'Ivoire et du Dahomey (aujourd'hui Bénin). Sa capitale était Dakar. Madagascar fut annexée en 1896.

L'AOF (Afrique-Occidentale française) correspond à un gouvernement colonial créé en 1895 et groupant en une fédération les territoires du Sénégal, de la Mauritanie, du Soudan français (aujourd'hui le Mali), de la Haute-Volta (aujourd'hui Burkina), de la Guinée française, du Niger, de la Côte-d'Ivoire et du Dahomey (aujourd'hui Bénin). Sa capitale était Dakar. L'AEF (Afrique-Équatoriale française) est le nom donné au gouvernement général créé en 1910 et regroupant en une fédération les quatre territoires français de l'Afrique équatoriale: le Gabon, le Moyen-Congo (aujourd'hui Congo-Brazzaville), l'Oubangui-Chari (aujourd'hui Centrafrique) et le Tchad. Voir la carte de l'Afrique française en 1914. En 1946, le statut de ces colonies fut changé pour celui de Territoires français groupés dans l'Union française. Après avoir été placé sous mandat français en 1919, puis sous tutelle en 1945, le Cameroun rejoignit les États constituant l'Afrique-Équatoriale française. Cette fédération, dont la capitale était Brazzaville, fit place en 1958 à quatre États qui allaient obtenir leur indépendance. En 1958, la décolonisation entraîna l'éclatement de la fédération.

- L'Indochine

En 1862, l'Indochine française comptait trois millions de Cambodgiens, plus deux millions de Laotiens bouddhistes de civilisation hindoue et, sur les côtes, environ vingt millions de Vietnamiens, bouddhistes de civilisation chinoise, en pleine expansion démographique. Ainsi, l'Indochine regroupait ces trois pays de l'Asie du Sud-Est que sont aujourd'hui le Cambodge, le Laos et le Vietnam, sans oublier une portion de territoire chinois située dans l'actuelle province du Guangdong, le Kouang-Tchéou-Wan.

En 1868, un journaliste et essayiste français, Lucien-Anatole Prévost-Paradol (1829-1870), obsédé par la déchéance française, il préconisa dans La France nouvelle que la déchéance menace la France et que, pour s'y opposer, elle devait accroître son poids dans le monde afin d'éviter qu'elle ne laisse «autre chose qu'un souvenir honorable» et qu'elle ne tombe dans «une honteuse insignifiance».

Son raisonnement était le suivant:

Il n'y a que deux façons de concevoir la destinée future de la France; ou bien nous resterons ce que nous sommes, nous consumant sur place dans une agitation intermittente et impuissante, au milieu de la rapide transformation de tout ce qui nous entoure, et nous tomberons dans une honteuse insignifiance, sur ce globe occupé par la postérité de nos anciens rivaux, parlant leur langue, dominé par leurs usages et rempli de leurs affaires [...] ou bien de quatre-vingts à cent millions de Français, fortement établis les deux rives de la Méditerranée, au cœur de l'ancien continent, maintiendront à travers le temps, le nom, la langue et la légitime considération de la France.

Pour Prévost-Paradol, l'expansion coloniale constituait le seul moyen d'accroître durablement le poids de la France dans le monde et de l'arracher aux rivalités du continent européen. Toutefois, près d'un siècle plus tard, l'Empire colonial français se désintégrait. La défaite française de 1940 bouleversa l’équilibre des forces au profit de l'empire du Japon qui envahit l'Indochine française en 1941 et proclama l'indépendance des trois pays en mars 1945.

L’arrivée au pouvoir du général de Gaulle en 1958 fit craquer définitivement le système colonial français. Le 24 août 1958, il déclara à Brazzaville: «Il est naturel et légitime que les peuples africains accèdent à ce degré politique où ils auront la responsabilité entière de leurs affaires intérieures, où il leur appartiendra d’en décider eux-mêmes.» Dès lors, il entama la décolonisation de toutes les colonies d'Afrique.

De l’Empire français ne subsistent aujourd'hui que les plus anciennes colonies insulaires qui sont graduellement devenues des départements et des territoires d’outre-mer (DOM-TOM). Néanmoins, la France est parvenue à conserver des liens étroits avec la plupart de ses anciennes possessions africaines, notamment grâce à une politique de coopération économique et culturelle.

4 La résilience d'un phénix

Bien que la décolonisation soit en principe achevée, la France maintient une emprise territoriale importante. Autrement dit, si l'Empire a vécu, il n'a pas totalement disparu. Depuis les années 1960, le pays a conservé un grand nombre de territoires insulaires:

- dans les Antilles: Guadeloupe, Martinique, Saint-Barthélemy; Saint-Martin;
- en Amérique du Sud: Guyane française;
- en Amérique du Nord: Saint-Pierre-et-Miquelon
- dans le Pacifique: Nouvelle-Calédonie, Polynésie française; Wallis-et-Futuna;
- dans l'océan Indien:  Mayotte, La Réunion, Terres australes et antarctiques françaises.

La réforme constitutionnelle de 2003 a remplacé la vieille distinction entre les DOM-TOM (départements et territoires d’outre-mer) par une nouvelle classification en 2015 appelée collectivités d'outre-mer (COM). Grâce à celles-ci, la France agrandit ses eaux territoriales et assure la pérennité de la langue française dans de nombreuses régions du monde.

Ce n'est pas tout, comme pour l'ex-Empire britannique, il existe un autre élément majeur pour la continuité de l'ex-Empire français: l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF). C'est un organisme intergouvernemental composée, selon les années, de 88 États et gouvernements participants, dont 54 membres de plein droit. Plusieurs de ces États membres ont déjà fait partie de l'ancien Empire français, notamment en Afrique, mais on compte aussi sept États associés et 27 États observateurs, dont la plupart des des pays du «Bloc de l'Est».

L'OIF perpétue une sorte de réminiscence de l'ex-Empire français, qui s'est modifiée en passant du contrôle et de la domination en zones d'influence et d'interdépendance.  Avec ses 321 millions de locuteurs francophones et d'au moins 1,5 milliard de locuteurs plus ou moins associés au français, on y trouve un formidable réservoir de locuteurs francophones ou certainement «francophonisables». À tout le moins, l'OIF permet de promouvoir la langue française et la diversité culturelle et linguistique.

5. La langue française

Hors de France, les conquêtes impérialistes de Napoléon achevèrent de discréditer le français dans toutes les cours européennes, tandis que les nationalismes étrangers s'affirmèrent partout. L'Empire napoléonien s'écroula complètement après la défaite de Waterloo en 1815, toute l'Europe s'étant coalisée contre la France. Si ce n'était que de l'Empire napoléonien, le français n'aurait fait que reculer comme langue de prestige en Europe. Le français continua d'être utilisé à la cour du tsar de Russie, dans les traités de paix et dans les milieux scientifiques jusqu'au traité de Versailles de 1919.

Pourtant, le français s'est maintenu dans les départements et les territoires d’outre-mer (DOM-TOM), ainsi que dans les anciennes colonies d'Afrique, incluant les pays du Maghreb. Ce sont les anciens empires français qui ont répandu le français dans le monde. On constate que le nombre de francophones, toutes catégories confondues, est de 321 millions de locuteurs, selon l'OIF. Près de la moitié des francophones sont situés en Europe (47%), mais ils sont suivis par l'Afrique subsaharienne (30 %). Plus loin derrière, c'est le Maghreb et le Proche-Orient arabes avec 12 %. L'Amérique (7%) et l'Océanie (2 %) comptent moins de francophones, alors que le nombre de ceux-ci en Asie est limité (0,1%).

Le français est une langue d'enseignement de grande importance dans le monde. En fait, son enseignement aux non-francophones constitue une donnée fondamentale dans le concept de francophonie. Là où le français a acquis le statut de langue officielle, de langue co-officielle ou de langue administrative, il est enseigné comme langue seconde; là où le français ne dispose d'aucun statut officiel, comme aux États-Unis, en Colombie, au Royaume-Uni ou au Laos, il est enseigné comme langue étrangère. Précisons que, dans les pays où le français est l'unique langue officielle, il est enseigné à tous les élèves dès le primaire. En tant que langue seconde, il est principalement enseigné au primaire, parfois au secondaire.

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Aujourd'hui, le français est la langue officielle ou co-officielle dans 42 États. Selon une estimation crédible des francophones réels, c'est-à-dire qui utilisent le français quotidiennement comme langue maternelle ou seconde, se situerait autour de 321 millions, ce qui placerait le français au cinquième rang des langues les plus parlées comme langue maternelle ou seconde. Cependant, il faut préciser que la grande majorité de ces «francophones» ne sont pas de langue maternelle française; puisqu'ils se servent du français comme langue véhiculaire. Cela signifie que le français, à l'exemple de l'anglais a conservé un pouvoir d'attraction dans le monde, notamment en Afrique. Ce ne sera plus la France qui assurera l'avenir du français, mais l'Afrique. En 2050, la francophonie comptera 607 millions de francophones, dont 85% en Afrique. Le 20 mars 2019, Emmanuel Macron, le plus anglophile des présidents français, déclarait: «La France n’est qu’une partie de la francophonie agissante, consciente de ne pas porter seule le destin du français.»

 

Dernière mise à jour: 17 févr. 2024

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