La famille basque

 

La famille basque ne comprend qu'une seule langue, le basque (basque: euskera ; esp.: vascuense) parlé par moins d’un million de locuteurs au nord-ouest de l'Espagne et au sud-ouest de la France. Il s'agit donc en Europe d'un isolat linguistique situé au Pays basque.

Dans la langue basque (l'euskara), le Pays basque est appelé Euskal herria, ce qui signifie «le pays où l'on parle basque»; les habitants sont appelés Euskalduna (en français: «personne qui parle le basque»).  L'origine du mot basque (ou Basque) proviendrait d'une altération du latin Wascone utilisé par les Romains pour désigner le peuple qui occupait à leur époque une grande partie de l'Aquitaine (alors en France) et du nord de l'Espagne.

Le nombre des locuteurs du basque est difficile à déterminer avec précision. Il se situerait à environ 660 000 locuteurs au total, dont plus de 520 000 en Espagne et, en France, plus de 80 000 locuteurs. Mais le groupe ethnique basque lui-même compterait au moins 730 000 Basques en France et plus de quatre millions en Espagne. C'est donc dire que les bascophones ont été victimes d'une assimilation galopante.

- Le Pays basque

Les locuteurs du basque (ou bascophones) sont répartis dans deux pays (Espagne et France), sept provinces historiques et, au plan géo-politique, dans trois entités politico-administratives distinctes. Ces entités politiques sont les suivantes:

1) Le département français des Pyrénées-Atlantiques (nos 5-6-7 sur la carte ci-dessous), qui comprend, outre l'ancienne province occitane du Béarn, les provinces du Labourd (858 km²), de la Basse-Navarre (1312 km²) et de la Soule (807 km²).

2) La Communauté autonome du Pays basque (no 1-2-3 sur la carte), qui comprend les provinces de Vizcaya ou Biscaya (2217 km²), d’Alava (3047 km²) et de Guipúzcoa (1997 km²).

3) La Communauté forale de Navarre (no 4 sur la carte), qui comprend la province de Navarre (esp.: Navarra) ou Haute-Navarre en français: 10 420 km²).

- La langue basque

Les Basques étaient présents dès le IIe millénaire avant notre ère, soit avant l'arrivée des Indo-Européens dans cette région du monde. La langue basque est réputée pour être l'une des langues les plus difficiles qui soient. Sa grammaire apparaît comme très complexe par rapport au français ou à l'espagnol. C'est une langue agglutinante dont les suffixes peuvent se joindre à d'autres suffixes ou radicaux. L'opposition entre le genre féminin et masculin n'existe pas en basque, à l'exception des verbes lorsqu'on emploie le tutoiement.

Le verbe constitue certainement le système le plus original et le  plus complexe de la langue basque. Le verbe le plus important est izan et il sert à la fois pour les auxiliaires être et avoir en recourant à une multitude de formes différentes, soit 175. En regard de la douzaine de formes verbales du français, le basque fait figure d'un «exploit» linguistique. C'est que le verbe basque traduit de nombreuses fonctions syntaxiques qui, dans une langue comme le français, sont exprimées par des prépositions.

Le basque est une langue à déclinaison : le nom, le pronom, l'adjectif et l'infinitif se déclinent, ce qui signifie que leur terminaison varie en fonction du rôle (sujet, attribut ou complément) qu'ils remplissent dans la phrase. On compte de 11 à 16 cas: nominatif, accusatif, actif, génitif, datif, ablatif, locatif, associatif, partitif, etc.

À l'exemple de l'ancien gaulois, de l'ancien français et du breton actuel, le système numérique du basque est vigésimal, c'est-à-dire qu'il est basé sur le nombre vingt. par exemple, le nombre dix se dit hamar en basque et vingt est rendu par hogoi, mais trente devient hogoi ta hamar.

La langue basque privilégie généralement une syntaxe du type SUJET + OBJET + VERBE, contrairement au français qui suit l'ordre SUJET + VERBE + OBJET:
 

  gizonak           umeari          liburua       eman  dio zer      eman    dio   gizonak        umeari?
  homme + le / à enfant + le / livre + un / donné / a ce qui / donné / a / homme + le / à enfant + le
  L'homme a donné un livre à l'enfant. Qu'a-t-il donné à l'enfant?

Par ailleurs, le vocabulaire basque a beaucoup emprunté (dans une proportion autour de 75 %) aux langues voisines telles que le gaulois et le latin, puis le gascon, l'espagnol et le français. Le français n'a emprunté aucun mot directement à la langue basque, mais quelques mots français encore en usage proviennent du basque parce qu'ils sont passés auparavant par le gascon ou l'espagnol. Voici quelques exemples d'emprunts aux langues romanes (dans l'ordre: français/espagnol) : oto (auto/auto), otobus (autobus/autobús), taksi (taxi/taxi), motur (moteur/motor), gara (gare/estación), aira-portu (aéroport/aeropuerto), zopa (soupe/sopa), tomate (tomate/tomate), olio (huile/óleo), luburu (livre/libro), kotoin (coton/algodón), tinbre (timbre/timbre), tratur (tracteur/tractor), bank (banque/banco), prezio (prix/precio), posta (poste/puesto), poliza (police/policía), etc. Ces mots désignent généralement des réalités nouvelles pour lesquelles le basque a fait des emprunts soit à l'espagnol soit au français. Comme il convient, la plupart de ces mots ont été intégrés phonétiquement à la langue basque.
 

Le basque s'écrit avec l'alphabet latin. Contrairement au français, toutes les lettres se prononcent, sauf pour le [h] qui est une lettre muette. En général, les voyelles forment une diphtongue lorsqu'elles se suivent.

Les lettres particulières par rapport au français sont les suivantes: le [e] se prononce comme un [é]; le [u] correspond à un [ou] français; le [z] est prononcé comme un [s]; le [s] se prononce comme un [sh] rétroflexe avec la langue pointée vers le haut; le [x] se prononce comme le [ch] français dans cheval. Le [tz] est prononcé comme [ts].

Voici l'article 1er de la Déclaration universelle des droits de l'Homme:
 

Giza Eskubideen Aldarrikapen Unibertsala

1. atala

Gizon-emakume guztiak aske jaiotzen dira, duintasun eta eskubide berberak dituztela; eta ezaguera eta kontzientzia dutenez gero, elkarren artean senide legez jokatu beharra dute.

 

Déclaration universelle des droits de l'homme

Article 1er

Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

- Les variétés dialectales du basque

Le basque se compose de plusieurs variétés dialectales. En Espagne, les variétés les plus importantes sont le guipúzcoan (guipúzcoano et gipúzkoan), le vizcaino (ou biscayen), l'alto navarro septentrional (ou haut-navarrais du Nord) et l'avalan.

En France, ce sont le labourdin (ou lapurdiera), le bas-navarrais de l'Est (ou bajo navarro oriental), le bas-navarrais de l'Ouest (ou bajo navarro occidental) et le souletin (ou suletino) appelé aussi xiberoera et zuberoera. Il existait auparavant une variante du souletin, le roncalais, appelé aussi le «souletin d'Espagne», qui se parlait dans quelques villages de la vallée du Roncal (Roncal, Garde, Burgui, Isaba, Uztárroz, Vidángoz et Urzainqui). Cette variété du basque est aujourd'hui éteinte, puisque la dernière locutrice est décédée en 1991.

On constate que l'aire bascophone ne concorde pas entièrement avec les limites géographiques des provinces. Ainsi, le biscayen couvre une partie de la Vizcaya, de la Guipúzcoa et de l'Alava (où l'on parle l'«avalan», une variante du biscayen). En Navarre, seul le Nord est bascophone. De plus, selon les provinces, les bascophones sont répartis très différemment :

 

Province Capitale régionale Population totale Bascophones Pourcentage
Alava (E)

Vitoria (Gasteiz)

286 000

20 020  7 %
Guipúzcoa (E)

San Sebastian

680 000

299 200 44 %
Navarre (E)

Pampelune

530 000

53 000 10 %
Vizcaya ou Biscaya (E)

Bilbao

1 216 700

206 840 17 %
Basse-Navarre (F)

Saint-Jean-Pied-de-Port

28 000

17 080 61 %
Labourd (F)

Bayonne

205 000

53 300 26 %
Soule (F)

Mauleon

15 000

9 600 64 %
Total  

2 960 700

659 040  

Bien que l’intercompréhension reste possible entre les différentes variétés linguistiques, la communication peut néanmoins en être gênée considérablement dans certains cas, par exemple, entre le souletin et biscayen, deux aires situées aux extrémités d'est en ouest. Depuis environ 25 à 30 ans, un basque normalisé (euskara batua) — on parle du «basque unifié» — a été adopté, essentiellement à l'écrit, et pour remplir certaines fonctions sociales, particulièrement en Espagne de la part du gouvernement autonome basque et celui de la Navarre. Le basque standard se fonde sur les variétés centrales telles que le guipúzcoan et le navarro-labourdin, mais également sur le labourdin. Cela dit, on constate que l’érosion de la langue basque face au rouleau compresseur de l'espagnol et du français se poursuit encore.

- Une ou plusieurs filiations linguistiques?

De nombreux linguistes sont convaincus que le basque a des liens de parenté avec les langues caucasiennes, d'autres avec les langues finno-ougriennes (ou ouralo-altaïques), voire paléo-asiatiques. Des comparaisons rigoureuses de la part de certains linguistes (Ruhlen, Bengston et Shevoroshkin) entre le basque et les langues caucasiennes montrent qu’elles pourraient appartenir à une seule et même famille, le déné-caucasien, qui comprendrait six branches géographiquement très isolées les unes des autres: le basque, les langues caucasiennes (notamment l'iénisséien), le bourouchaski (Pakistan) et le ket (Sibérie). Pour sa part, l'Américain Edward Sapir (1884-1939) était persuadé que le groupe na-déné comprenait des langues amérindiennes, l'apache et la navajo, et qu'il était à rapprocher des langues sino-tibétaines. Autrement dit, la question n'est pas résolue pour autant, parce qu'il n'existe aucune certitude en ce qui concerne l'origine du basque, sauf le fait qu'il s'agit là de la langue parlée la plus ancienne de l'Europe, peut-être 35 000 ou 40 000 ans.

Tous les spécialistes se perdent en conjonctures. Tout ce que l'on peut dire pour le moment, c'est que le basque possède des caractéristiques communes avec les langues caucasiennes, les langues ouraliennes et les langues altaïques, ainsi que les langues paléo-asiatiques, sans qu'il ne fasse partie pour autant de ces mêmes familles.

Par ailleurs, des études amènent à croire que les Basques auraient conservé les caractères d'une population européenne primitive. En effet, le pourcentage d'individus du groupe sanguin Rhésus négatif apparaît beaucoup plus élevé dans la population basque que dans la plupart des autres populations du monde. En réalité, la langue basque d'aujourd'hui constitue certainement un phénomène unique au monde, pour ne pas dire un «véritable miracle», et la véritable question qui devrait nous préoccuper, c'est son avenir plus que son origine.

- La présence basque au Canada

On sait que les Basques ont parcouru le golfe Saint-Laurent bien avant l'arrivée de Jacques Cartier au Canada (1534). Dès 1500, des Basques sont venus chasser la baleine sur les bancs de Terre-Neuve, dont les îles de Saint-Pierre et de Miquelon. Ces Basques ont donc développé des contacts avec certains Amérindiens, notamment les Innus (ou Montagnais) et les Micmacs (ou Souriquois). Peter Bakker, un chercheur à l'université d'Amsterdam, croit que les Basques et les Amérindiens auraient développé un pidgin pour communiquer entre eux. Ce pidgin est appelé le souriquois, qui compterait un certain nombre de mots basques.

Le terme «souriquois» serait d'origine basque et signifierait «celui de Souris» en référence à un comptoir de l'Acadie (dans l'actuelle île du Prince-Édouard), appelé à l'origine Havre à la Souris et Cap à la Soury, puis Mouse River. Mais les experts ne s'entendent pas sur l'origine exacte de ce mot. On croit aussi que ce terme serait dérivé du basque (zurikoa) signifiant «celui du Blanc» par allusion aux Blancs qui faisaient le commerce avec les Amérindiens. Les Souriquois (aujourd'hui les Micmacs) habitaient la Gaspésie  (d'où les noms de Gaspésiens et de Gaspéïquois) et la péninsule acadienne (l'est du Nouveau-Brunswick). 

Orignal canadien Un Canadien, Michel Usereau, qui s'est intéressé à la question, mentionne qu'en 1616 un missionnaire jésuite de Port-Royal en Acadie (aujourd'hui en Nouvelle-Écosse) a relevé le mot adesquidex (de adiskide signifiant «ami» en basque) utilisé par les Amérindiens lorsqu'ils venaient à la rencontre des Blancs. En 1603, un missionnaire français de Tadoussac mentionne que les Montagnais (aujourd'hui les Innus) employaient le terme ania (de anaia signifiant «frère» en basque) lorsqu'ils abordaient les Français.

Par ailleurs, l'un des exemples d'influence du basque les plus connus sur le français québécois est le mot orignal qui proviendrait du mot oregnac et sert à désigner ce qu'on appelle ailleurs l'«élan du Canada»; les premiers colons français l'ont appris des Basques qui venaient pêcher sur les côtes de l'Atlantique. On peut voir à gauche un timbre du Canada illustrant cet impressionnant cervidé (le plus gros au monde) de plus de 600 kg jouant souvent un rôle emblématique dans ce pays. En anglais, on emploie le mot moose. Dans la langue populaire, les chasseurs québécois peuvent employer le terme anglais buck pour désigner l'orignal mâle.

Le site Internet du ministère fédéral du Patrimoine canadien fait mention d'un interprète du nom de Mathieu Da Costa, le premier Noir à fouler le sol de la Nouvelle-France, qui parlait probablement le français, le hollandais (néerlandais), le portugais ainsi que «le pidgin basque», une langue véhiculaire couramment utilisée avec les peuples autochtones. Da Costa gagnait sa vie comme navigateur et interprète. Il semble que Mathieu Da Costa ait travaillé avec Pierre Dugua de Monts et Samuel de Champlain dans les années 1600. Les compétences d'interprète de Da Costa auraient contribué «à combler le fossé culturel et linguistique qui existait entre les premiers explorateurs français et le peuple micmac».

Beaucoup de Saint-Pierrais de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon sont les descendants de Basques, mais il ont perdu leur langue depuis de nombreuses décennies. D’après certains témoignages, il semble que plusieurs d’entre eux parlaient encore le basque au XIXe siècle, et ce, jusqu’au début du XXe siècle. La plupart des Basques qui se sont établis dans l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon devaient sans doute s'exprimer surtout en labourdin, étant donné qu’ils venaient de la province basque du Labourd. Ces Basques, qui parlaient sans doute également un peu le français à leur arrivée, n'utilisaient leur langue maternelle qu'au sein de leur famille immédiate. Certains Saint-Pierrais portent encore aujourd'hui des patronymes d'origine basque, souvent francisés: Apessetche < Apezetxe, Apesteguy < Apeztegi, Artois < Hardoi, Barnetche < Barnetxe, Bildosteguy < Bildostegi, Darruspe < Arruzpe, Delizarraga < Leizarraga, Jacquachourry < Jakaxuri, etc.  

En matière de toponymie, la Ville de Québec a attribué le nom de Mathieu Da Costa à l'une de ses rues en hommage à ce premier Africain venu au Canada. Il existe aussi un île portant le nom de île aux Basques, située sur la rive sud du Saint-Laurent en face de la ville de Trois-Pistoles, à quelque 250 km à l'est de Québec. Entre les années 1580 et 1630, les pêcheurs basques aménagèrent plusieurs fourneaux sur l'île pour faire fondre la graisse des marsouins et des baleines, dont les Européens se servaient à l'époque pour s'éclairer.

À Terre-Neuve, il existe une localité de 6000 habitants appelée Port-aux-Basques, située à l'extrémité sud-ouest de l'île. On y trouve encore aujourd'hui une petite minorité acadienne qui a conservé le français comme langue maternelle, mais il n'y a plus de trace de la langue basque.

Dernière mise à jour: 04 janv. 2024

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