République du Sénégal

Sénégal

Loi no 91-22 du 30 janvier 1991 d'orientation
de l'Éducation nationale

Loi no 91-22 du 30 janvier 1991 d'orientation
de l'Éducation nationale

L’Assemblée nationale a délibéré et adopté en sa séance du mercredi 30 janvier 1991 ;

Le président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

TITRE I

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article 1er

L’Éducation nationale, au sens de la présente loi, tend :

1. à préparer les conditions d’un développement intégral, assumé par la nation toute entière : elle a pour but de former des hommes et des femmes capables de travailler efficacement à la construction du pays ; elle porte un intérêt particulier aux problèmes économiques, sociaux et culturels rencontrés par le Sénégal dans son effort de développement et elle garde un souci constant de mettre les formations qu’elle dispense en relation avec ses problèmes et leurs solutions.

2. à promouvoir les relations dans lesquelles la nation se reconnaît : elle est éducation pour la liberté, la démocratie pluraliste et le respect des droits de l’homme, développant le moral et le civique de ceux qu’elle forme, elle vise à en faire des hommes et des femmes dévoués au bien commun, respectueux des lois et des règles de la vie sociale et oeuvrant à les améliorer dans le sens de la justice, de l’équité et du respect mutuel.

3. à élever le milieu culturel de la population : elle permet aux hommes et aux femmes qu’elle forme d’acquérir les connaissances nécessaires à leur insertion harmonieuse dans la communauté et à leur participation active à la vie de la nation ; elle leur fournit les instruments de réflexion, leur permettant d’exercer un jugement ; participant à l’avancée des sciences et des techniques, elle maintient la nation dans le courant du progrès contemporain.

Article 2

L’Éducation nationale contribue à faire acquérir la capacité de transformer le milieu et la société et aide chacun à épanouir ses potentialités :

1. en assurant une formation qui lie l’école à la vie, la théorie à la pratique, l’enseignement à la production, conçue comme activité éducative devant contribuer au développement des facultés intellectuelles et de l’habilité manuelle des enseignés, tout en les préparant à une insertion harmonieuse dans la vie professionnelle ;

2. en adaptant ses contenus, objectifs et méthodes aux besoins spécifiques des enseignés, en fonction des âges, des étapes de l’enseignement, des filières les plus aptes à l’épanouissement optimal de leur possibilités ;

3. en établissant entre les différentes filières et les différents paliers de l’éducation les passerelles permettant les réorientations et les promotions souhaitées et jugées légitimes ;

4. en mettant en place une éducation spéciale qui prend en charge les victimes des différents handicaps ou inadaptations, pour réaliser leur intégration ou réinsertion scolaires et sociales.

TITRE II

PRINCIPES GÉNÉRAUX DE L’ÉDUCATION NATIONALE

Article 3

L’éducation nationale est placée sous la responsabilité de l’État, qui garantit aux citoyens la réalité du droit à l’éducation par la mise en place d’un système de formation. Les collectivités locales et publiques contribuent à l’effort de l’État en matière d’éducation. L’initiation privée, individuelle ou collective, peut, dans les conditions définies par la loi, concourir à l’œuvre d’éducation et de formation. L’État est garant de la qualité de l’éducation et de la formation, ainsi que des titres décernés. Il contrôle les niveaux de l’éducation et de la formation.

Article 4

L’Éducation nationale est laïque : elle respecte et garantit à tous les niveaux la liberté de conscience des citoyens. Par ailleurs, l’Éducation nationale, sur la base des principes de laïcité de l’Etat, est favorable aux établissements privés susceptibles de dispenser un enseignement religieux.

Article 5

L’Éducation nationale est démocratique : elle donne à tous des chances égales de réussite. Elle s’inspire du droit reconnu à tout être humain de recevoir l’instruction et la formation correspondant à ses aptitudes, sans discrimination de sexe, d’origine sociale, de race, d’ethnie, de religion ou de nationalité.

Article 6

L’Éducation nationale est sénégalaise et africaine : développant l’enseignement des langues nationales, instruments privilégiés pour donner aux enseignés un contact vivant avec leur culture et les enraciner dans leur histoire, elle forme un Sénégalais conscient de son appartenance et de son identité. Dispensant une connaissance approfondie de l’histoire et des cultures africaines, dont elle met en valeur toutes les richesses et tous les apports du patrimoine universel, l’Education nationale souligne les solidarités du continent et cultive le sens de l’unité africaine. L’Éducation nationale reflète également l’appartenance du Sénégal à la communauté de culture des pays francophones, en même temps qu’elle est ouverte sur les valeurs de civilisation universelle et qu’elle s’inscrit dans les grands courants du monde contemporain : par là, elle développe l’esprit de coopération et de paix entre les hommes.

Article 7

L'Éducation nationale est permanente et au service du peuple sénégalais : elle vise l’éradication complète et définitive de l’analphabétisme, ainsi que le perfectionnement professionnel et la promotion sociale de tous les citoyens, pour l’amélioration des conditions d’existence et d’emploi et l’élévation de la productivité du travail.

TITRE III

NIVEAUX, STRUCTURES ET OBJECTIFS GÉNÉRAUX DE L’ÉDUCATION

CHAPITRE PREMIER

GÉNÉRALITÉS

Article 8

Le système scolaire et universitaire est organisé en différents cycles, fixés ainsi qu’il suit, selon l’âge des enseignés et le type de formation recherché :- un cycle fondamental ; - un cycle secondaire et professionnel ; - un enseignement supérieur. La durée des différents cycles et de leurs subventions est fixée par décret. Les structures de l’orientation scolaire et professionnelle et de l’éducation spéciale sont organisées en tant que partie intégrantes du système éducatif.

CHAPITRE II

LE CYCLE FONDAMENTAL

Article 9

Le cycle fondamental est subdivisé en une éducation préscolaire et un enseignement polyvalent unique, comprenant successivement un enseignement élémentaire et un enseignement moyen. A l’issue de ce cycle l’élève est muni des éléments essentiels pour son adoption ultérieure à la vie professionnelle. Il accède le cas échéant au cycle secondaire et professionnel.

Article 10

L’Éducation préscolaire accueille les jeunes enfants qui n’ont pas atteint l’âge de la scolarité dans l’enseignement polyvalent. L’objet de l’éducation préscolaire est : - d’ancrer les enfants dans les langues et les valeurs culturelles nationales, en vue de consolider leur identité et de les prémunir contre les risques d’aliénation culturelle ; - de favoriser le développement de leurs différentes aptitudes psychomotrices, intellectuelles et sociales, pour leur permettre d’épanouir leur personnalité propre et construire les bases des apprentissages scolaires.

Article 11

L’Enseignement élémentaire polyvalent a pour objet : - d’éveiller l’esprit de l’enfant par des activités propres à permettre l’émergence et l’épanouissement de ses potentialités sensori-motrices et affectives ; - d’enraciner l’enfant dans la culture et les valeurs nationales;

- de faire acquérir à l’enfant la maîtrise des éléments de base de la pensée logique et mathématique, ainsi que celle des instruments de l’expression et de la communication ;

- de revaloriser le travail manuel et d’initier l’enfant aux techniques élémentaires impliquées dans les activités de production ;

- de veiller aux intérêts et activités artistiques, culturels, physiques et sportifs, pour le plein épanouissement de la personnalité de l’enfant ;

- de contribuer, avec la famille notamment, à assurer l’éducation sociale, morale et civique de l’enfant.

Article 12

L’Enseignement moyen polyvalent a pour objet :

- de parfaire le développement chez l’élève des capacités d’observation, d’expérimentation, de recherche, d’action pratique, de réflexion, d’explication, d’analyse, de synthèse, de jugement, d’invention et de création.

- de renforcer la maîtrise de la pensée logique et mathématique de l’élève, d’enrichir ses instruments d’expression et d’étendre ses capacités de communication ; - d’effacer la hiérarchie entre activités théoriques et activités pratiques, de familiariser l’élève avec les différents aspects du monde du travail et de l’initier aux activités productives ;

- d’approfondir l’intérêt et les dispositions de l’élève pour les activités artistiques, culturelles, physiques et sportives;

- de contribuer à compléter l’éducation sociale, morale et civique de l’élève.

CHAPITRE III

LE CYCLE SECONDAIRE ET PROFESSIONNEL

Article 13

Le cycle secondaire et professionnel reçoit les élèves issus de l’enseignement polyvalent qui désirent poursuivre leurs études et qui sont aptes à le faire. Il comporte un enseignement secondaire et une formation professionnelle entre lesquels existent les passerelles permettant les réorientations éventuelles. À l’issue du cycle secondaire et professionnel, les élèves accédant soit à l’activité professionnelle, soit à l’enseignement supérieur.

Article 14

L’enseignement secondaire, général ou technique, donne aux élèves les connaissances et aptitudes nécessaires pour l’accès aux différentes filières de l’enseignement supérieur, tout en enrichissant et approfondissant la formation acquise antérieurement.

Son objet est :

- de donner aux élèves une formation solide dans les disciplines fondamentales de la science, de la technique et de la culture ;

- de faire acquérir aux élèves une maîtrise suffisante des méthodes de la recherche scientifique et technique ;

- d’approfondir les connaissances qu’ont les élèves des processus de production ;

- de familiariser les élèves avec les grandes œuvres de la culture nationale, de la culture africaine, de la francophonie et de la culture universelle.

Article 15

La formation professionnelle, dispensée dans des écoles professionnelles moyennes ou en apprentissage, prépare à l’entrée dans la vie active en faisant acquérir aux élèves les connaissances, aptitudes et compétences théoriques et pratiques nécessaires à la maîtrise et à l’exercice d’un métier déterminé.

Les formes, contenus et objectifs de la formation professionnelle varient suivant les exigences propres aux différents métiers et les structures où elle est dispensée sont modulées selon les besoins et moyens nationaux.

CHAPITRE IV

L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Article 16

L’Enseignement supérieur vise à former les agents de développement dont le Sénégal et l’Afrique ont besoin pour jouer un rôle significatif dans la création et le développement de la pensée et de la science universelles.

1 – Il a pour mission :

- de former les personnels de haut niveau, scientifiquement et techniquement qualifiés, adaptés au contexte africain et du monde contemporain, conscients de leur responsabilité vis-à-vis de leurs peuples et capables de les servir avec dévouement ;

- de développer la recherche dans toutes les disciplines de la science, de la technique et de la culture ;

- de mobiliser l’ensemble des ressources intellectuelles au service du développement économique et culturel du Sénégal et de l’Afrique, et de participer à la solution des problèmes nationaux et continentaux.

2 – Il est ainsi chargé :

- de faire acquérir aux étudiants les connaissances et méthodes d’investigation les plus avancées dans toutes les disciplines de la science, la technique et de la culture et de les faire participer au développement des connaissances et à la création de nouvelles méthodes d’investigation, en les adaptant aux réalités et aux exigences nationales, et plus généralement africaines ;

- de mener des actions de formation permanente et de recyclage ;

- de travailler avec les praticiens en vue de valoriser les savoirs traditionnels, de favoriser la circulation des connaissances et des informations, de soutenir et coordonner les initiatives propres à contribuer au progrès scientifique ou à accroître la productivité du travail ;

- d’élaborer, de critiquer et de diffuser les nouvelles connaissance se constituant comme lieu d’interaction et de coopération entre le monde du travail et les centres de décisions économiques, techniques, administratifs et scientifiques ;

- d’étudier et d’élaborer les voies d’une stratégie de développement endogène et autocentré, en participant notamment à l’élaboration, l’application et l’évaluation des plans nationaux, sous régionaux et régionaux de développement ;

- d’instituer des modèles d’enseignement, de recherche et de formation qui lient la théorie à la pratique dans le cadre de rapports équilibrés entre la réflexion et l’action ;

- de promouvoir la formation d’une identité culturelle et d’une conscience nationales et africaines en favorisant chez eux qu’il forme la prise de conscience des problèmes liés à l’histoire et au développement des sociétés africaines et de la solidarité des nations et des économies du continent.

CHAPITRE V

L’ÉDUCATION PERMANENTE DE BASE

Article 17

L’Éducation permanente de base, destinée à accueillir ceux qui n’ont pu fréquenter ou qui ont dû quitter, à un moment ou à un autre, les structures proprement scolaires, est organisée selon deux niveaux :

1 – À un premier niveau, elle vise à satisfaire les besoins en formation des communautés de base. Elle a pour objectifs :

- l’alphabétisation de masse ;

- l’information et la formation initiales nécessaires à l’exercice d’un métier ou d’une fonction sociale ;

- l’initiation aux techniques de mise en valeur de production, de gestion et de communication ;

- l’éducation et la formation nécessaires à l’amélioration des conditions d’existence(santé, alimentation, habitat).

2 – À un second niveau : par les écoles professionnelles, les cours du soir, les cours par correspondance, l’éducation permanente vise le recyclage, le perfectionnement et l’élévation du niveau culturel des citoyens dotés d’une formation professionnelle : elle leur permet d’actualisée et d’enrichir leurs connaissances et leur formation en vue de leur promotion sociale. Elle joue en outre un rôle d’information et d’animation dans le processus d’adaptation des profils d’emplois à l’évolution économique et de mise en place de solutions pratiques aux problèmes posés par le développement économique et social.

 CHAPITRE VI

L’ORIENTATION SCOLAIRE

Article 18

L’orientation scolaire et professionnelle, qu’il s’agisse des modalités d’évaluation des procédures de passage d’une classe à l’autre ou d’un cycle à l’autre, des examens et formations, et vers l’éducation spéciale, se fonde, à tous les niveaux, sur le souci permanent de doter chacun des possibilités les plus larges d’éducation, pour l’épanouissement optimal de ses potentialités et de sa personnalité, et sur le respect scrupuleux des exigences démocratiques d’équité et de transparence.

Elle a pour objectifs :

- l’évaluation continue et globale de l’élève tout au long de sa scolarité ;

- la recherche des solutions aux problèmes d’inadaptation ;

- l’éclairage des choix, grâce à une large information adaptée à tous les niveaux, sur les études et les professions accessibles ;

- la participation à l’évaluation objective du système éducatif.

 

CHAPITRE VII

L’ÉDUCATION SPECIALE

Article 19

L’éducation spéciale, partie intégrante du système éducatif, assure la prise en charge médicale, psychologique et pédagogique des enfants présentant un handicap de nature à entraver le déroulement normal de leur scolarité ou de leur formation. Son objet est de dispenser aux jeunes handicapés une éducation adaptée à leurs besoins et à leurs possibilités, en vue de leur assurer l’évolution la meilleur, soit par l’intégration dans les structures scolaires ou de formation communes, soit par une préparation spéciale, adaptée aux activités professionnelles qui leur sont accessibles.

TITRE IV

ADMINISTRATION ET GESTION DE L’ÉDUCATION

Article 20

Les structures centrales chargées d’impulser, d’élaborer, d’organiser et de suivre les actions d’éducation, de formation, d’enseignement et de recherche sont coordonnées au niveau national. Aux différents niveaux décentralisés, des structures de direction et d’administration sont chargées de coordonner, de contrôler et d’assurer la cohérence et l’efficacité des structures et actions d’éducation, en liaison avec les autorités administratives et les collectivités locales intéressées. Cette coordination, accompagnée d’une évaluation régulière dans tous les secteurs et à tous les niveaux du système éducatif, vise à garder à ce dernier la souplesse pour s'adapter constamment aux exigences du développement.

Article 21

La gestion des infrastructures, des moyens et des personnels de l’éducation nationale, est fondée sur les principes de démocratie, d’objectivité et de compétence. A cet effet, des organes consultatifs sont institués pour que soient associés, dans les domaines dont ils sont à connaître, les partenaires de l’éducation nationale : parents d’élèves, enseignants, étudiants et élèves.

Article 22

Les modalités d’application de la présente loi sont fixées par décret.

TITRE V

DISPOSITIONS FINALES

Article 23

Sont abrogées toutes les dispositions contraires à la présente loi et notamment la loi d’orientation de l’éducation nationale n° 71-36 du 03 juin 1971.

La présente loi sera exécutée comme loi de l’état.

Dakar, le 16 février 1991 Abdou DIOUF
 

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