République bolivarienne du Venezuela

Venezuela

(2) Données historiques


1 L'es origines

À l'origine, plusieurs peuples indigènes, dont des Caraïbes, des Arawaks et des Cumanagatos, habitaient le territoire de l'actuel Venezuela. Christophe Colomb fut le premier navigateur européen à atteindre cette région en 1498, lors de son troisième voyage. En 1520, les Espagnols commencèrent à coloniser les îles et les régions côtières. Caracas, fondée en 1567, fut la première colonie d'importance. Les habitations des autochtones construites sur pilotis inspirèrent aux premiers explorateurs européens le nom de Venezuela, c'est-à-dire «Petite Venise». 
 

Simón Bolívar Jusqu'à l'établissement du vice-royaume de la Nouvelle-Grenade en 1717, le territoire qui correspond aujourd'hui au territoire vénézuélien fut divisé entre le vice-royaume du Pérou et l'Audience de Saint-Domingue (Audiencia de Santo Domingo). En 1777, le pays fut érigé en «capitainerie générale», tandis que l'économie de la région se développa à partir des exploitations de café, de cacao, de tabac et de coton, ainsi que sur le commerce de ces produits. Les richesses du pays restèrent aux mains d'une aristocratie créole.  

L'histoire de la guerre d'indépendance contre l'Espagne mit en scène deux personnages incontournables: Simón José Bolívar (1783-1830) et Francisco de Miranda (1750-1816), qui prirent la tête des mouvements insurrectionnels. La première rébellion eut lieu en 1809 et fut dirigée par le général Miranda, qui avait combattu en Amérique aux côtés de George Washington et en France pendant la Révolution française. 

2 L'indépendance du Venezuela

L'indépendance fut officiellement proclamée le 5 juillet 1811, mais Miranda fut battu par les Espagnols et incarcéré jusqu'à sa mort dans une prison de Cadix. Simón Bolívar reprit alors le combat. Des années d'affrontements s'ensuivirent, avant que les forces menées par Bolívar, avec l'aide des Britanniques, puissent libérer la Colombie en 1829 et que le "Libertador" ne fonde la République de Grande-Colombie (comprenant le Venezuela, l'Équateur, le Panama et la Colombie appelée "Nueva Granada" ou Nouvelle-Grenade), dont Bolívar devint le premier président.

C'est la victoire décisive de Carobobo, le 24 juin 1821, qui assura l'indépendance du pays. Bolivar libéra successivement le Venezuela, la Colombie, l’Équateur et le Pérou, et notamment le Haut-Pérou. Bolivar choisit le nom de «Colombie» afin de rendre hommage à Christophe Colomb:

Esta nación se llamaría Colombia como tributo de justicia y gratitud al creador de nuestro hemisferio. [Cette nation s’appellera Colombie, afin de rendre justice et gratitude au créateur de notre hémisphère.]
Depuis cette époque, les Vénézuéliens ont toujours voué un véritable culte pour Simón José Bolívar, dont la statue équestre trône à Caracas. Le  "Libertador" abandonna le pouvoir en mai 1830 et mourut quelques mois plus tard. La monnaie du Venezuela est le bolivar.

3  Révolutions et contre-révolutions

Les débuts de l'histoire du Venezuela indépendant furent marqués par une série de dictatures, de révolutions et de contre-révolutions. De 1830 à 1848, le pouvoir fut détenu par les conservateurs, avant de devenir une dictature sous la dynastie des Monagas. La Colombie, le Pérou et le Venezuela se firent la guerre. Le général José Antonio Páez gouverna le pays durant dix-huit ans. C'est lui qui, en 1830, scinda la Grande-Colombie en trois pays: la Colombie ou Nouvelle-Grenade (dont faisait alors partie le Panama), l'Équateur et le Venezuela. Puis le Venezuela fut déchiré par une guerre civile entre 1858 et 1870 avant d'être dirigé, de 1870 à 1888, par un autre despote, Antonio Guzmán Blanco.  Sa politique s'orienta vers une laïcisation de l'État et une modernisation de l'économie.

Entre-temps, soit depuis 1864, le pays prit comme nom officiel États-Unis du Venezuela. Se succédèrent ensuite plusieurs dictatures militaires, dont celle de Cipriano Castro (de 1899 à 1908). En 1902, celui-ci s'opposa à la Grande-Bretagne et à l'Allemagne, qui bloquèrent les ports vénézuéliens en raison des nombreuses dettes non remboursées de la part du gouvernement vénézuélien. Le conflit fut réglé en 1904 par le tribunal de La Haye, qui trancha en faveur des Européens, mais en juillet 1907 le Venezuela finit par s'acquitter de ses obligations. L'année suivante, Castro fut déposé par le général Juan Vicente Gómez, qui conserva le pouvoir de 1908 à 1935. C'est sous son régime que commença l'exploitation du pétrole (1922) qui transforma le pays en favorisant l'essor économique.

À la suite des pressions de l'armée, qui avait exigé d'avoir un militaire originaire du Táchira à la présidence, Isaías Medina Angarita fut élu sans surprise comme président du Venezuela en 1941. Medina Angarita avait servi comme ministre de la Guerre et la Marine entre 1936 et 1941. Il exerça la présidence de son pays de 1941 jusqu'en 1945, sans avoir terminé son mandat. Il fut renversé par un coup d'État perpétré par une section de l'armée et des militants alliés au Parti de l'action démocratique. Medina Angarita eut néanmoins le temps d'introduire des réformes audacieuses qui ont transformé le Venezuela en une république moderne et pleinement intégrée au XXe siècle.

Après le renversement de la dictature de Medina Angarita, ce fut Rómulo Betancourt qui s'empara du pouvoir en devenant président du Venezuela. Ce fut une autre dictature, qui devint la république du Venezuela. L'ancien président Betancourt fut élu en 1958, puis instaura un processus démocratique en faisant adopter une nouvelle constitution (1961). Il mena une politique de réformes et de modernisation de l'agriculture et du secteur industriel.

4 L'époque contemporaine

En dépit des guérillas menées par des mouvements d'extrême-gauche révolutionnaire, le Venezuela connut une période de stabilité politique avec l'alternance au pouvoir des deux grands partis politiques: l'Action démocratique et le Parti démocrate-chétien. En raison de la croissance économique due aux revenus du pétrole, le pays connut une modernisation rapide. Mais le modèle économique ne permit ni la diversification ni une répartition équitable des richesses. Le malaise social s'accrut dès la fin des années 1980.  En février 1989, l'augmentation brutale des prix à la consommation dans le cadre d'un programme d'austérité et de mesures de rigueur déclencha de vives protestations et des émeutes sanglantes à Caracas et dans plusieurs villes. 

En 1992, deux tentatives de coup d'État militaire furent réprimées, mais le pouvoir resta fragilisé. Le président Carlos Andrés Pérez Rodríguez (mandats de 1974 à 1979 et de 1989 à 1993) fut suspendu de ses fonctions en mai 1993, après que le Sénat eût décidé de le faire passer en jugement pour détournements et abus de fonds publics. En décembre 1993, Rafael Caldera fut élu à la présidence du pays (pour une seconde fois): il suspendit les garanties constitutionnelles dans l’intention d'enrayer la crise financière et économique et de mettre fin à l'agitation sociale.

En juin 1996, le Venezuela signa avec le Fonds monétaire international (FMI) un accord de réajustement économique impliquant la hausse des prix des produits de première nécessité et la privatisation de certaines entreprises comme la Corporación de Guyana, l'un des grands complexes industriels publics du pays. La croissance redémarra en 1997 grâce à la hausse des cours du pétrole et l'inflation se maintint autour de 40 %. Mais le pays traversait une crise politique majeure et la paupérisation de la population s'accentuait.

4.1 La république bolivarienne de Hugo Chavez

En décembre 1998, l’ex-lieutenant-colonel Hugo Chávez Frías, auteur d'un coup d’État raté en février 1992 (ce qui lui avait valu deux années de prison) et devenu «héros» des défavorisés, remporta facilement l’élection présidentielle, alors que les deux partis qui se partageaient le pouvoir depuis plus de quarante ans furent liquidés. Sa propre coalition, le Pôle patriotique (une dizaine de partis de gauche et nationalistes), obtint 32 % des voix lors des élections législatives de novembre 1998. Investi des pouvoirs de président de la République en février 1999, il annonça le début du «processus révolutionnaire démocratique et pacifique» et affirma son intention d’en finir avec la corruption et le «néolibéralisme sauvage», de redresser l’économie du pays et de «refondre la République». Chavez promit de rendre le pouvoir au peuple en mettant fin au système corrompu accaparé par les deux grandes formations qui avaient signé un accord dans les années soixante pour se partager les responsabilités à la tête de l'État.

Lors de son serment d'investiture, le nouveau président refusa de jurer fidélité sur l'ancienne Constitution (1961) et annonça la convocation d'une assemblée constituante, qui devait donner naissance à la Ve République. Malgré l’opposition qui en dénonçait l’illégitimité, les Vénézuéliens approuvèrent massivement par référendum la convocation de l'Assemblée constituante chargée de rédiger la loi fondamentale de la Ve République. 

Quelque 70 % des Vénézuéliens approuvèrent, le 15 décembre 1999, la nouvelle Constitution qui fut promulguée le 30 décembre 1999. Le Venezuela a ainsi institutionnalisé la «révolution bolivarienne» de son président, Hugo Chavez. Pour les partisans du OUI, il s'agissait de balayer un ancien régime inefficace et corrompu, et d'offrir «un certificat de naissance au nouveau Venezuela» en tant que «démocratie populaire et participative» inspirée de l'exemple de Simon Bolivar, héros du pays et "Libertador" de l'Amérique latine. Dans la nouvelle Constitution, la torture, la séquestration et les atteintes aux droits de l'homme furent prohibées, tandis que les droits des indigènes (autonomie territoriale, éducation appropriée, interprète dans les procès, etc.) furent enfin reconnus et institutionnalisés. 

Pour marquer cet attachement aux idéaux de Simon Bolivar, le Venezuela s'est dorénavant appelé la République bolivarienne du Venezuela (República Bolivariana de Venezuela).

4.2 Le bolivarisme ou néo-bolivarisme

Le nom de Bolivar est constamment rappelé à la mémoire collective, comme l'illustre le grand «Plan Bolivar 2000», qui a permis la scolarisation de centaines de milliers d'enfants, la construction de logements ou la réfection de routes. Au Venezuela, tout est prétexte à utiliser les mots «Bolivar» et «bolivarien/bolivarienne». Hugo Chavez a manifestement tendance à tout «bolivariser» : 

Republica Bolivariana de Venezuela
Gobierno Bolivariano de Venezuela
Patria Bolivariana
Revolución Bolivariana
Constitución Bolivariana
République bolivarienne du Venezuela
Gouvernement bolivarien du Venezuela
Patrie bolivarienne
Révolution bolivarienne
Constitution bolivarienne
Guardia Nacional Bolivariana
Policía Nacional Bolivariana
Milicia Bolivariana
Aviación Militar Nacional Bolivariana
Armada bolivariana de Venezuela
Garde nationale bolivarienne
Police nationale bolivarienne
Milice bolivarienne
Aviation militaire nationale bolivarienne
Marine bolivarienne du Venezuela
Misiones Bolivarianas
Universidad Pontificia Bolivariana
Biblioteca Bolivariana
Radio Bolivariana
Agencia Bolivariana
Missions bolivariennes
Université pontificale bolivarienne
Bibliothèque bolivarienne
Radio bolivarienne
Agence bolivarienne
Alternativa Bolivariana para América Latina y El Caribe
reflexió bolivariana
movimiento bolivariano revolucionario
escuela bolivariana
círculos bolivarianos
Alternative bolivarienne pour l'Amérique latine et les Caraïbes
Réflexion bolivarienne
mouvement révolutionnaire bolivarien
école bolivarienne
cercles bolivariens
raíz bolivariana
corriente bolivariana
ideas bolivarianas
educación bolivariana
Venezuela bolivariana
Bolivarianismo
origine bolivarienne
courant bolivarien
idées bolivariennes
éducation bolivarienne
Venezuela bolivarien
bolivarisme

En réalité, si le mot «Bolivar» tire son origine du «libérateur» Simon Bolivar, il se rapporte désormais à l'idéologie «libératrice» de Hugo Chavez et de sa «révolution bolivarienne». En fait, il s'agit plutôt de la «révolution de Chavez» appelée habilement «révolution bolivarienne». Le président Chavez a effectivement repris les idées du "Libertador" en prônant ce qu'on pourrait appeler le néo-bolivarisme: d'une part, par la volonté d'indépendance plus grande vis-à-vis des grandes puissances, surtout les États-Unis, d'autre part, par les tentatives d'unification ou de rapprochement des ex-colonies espagnoles en essayant d'organiser les principales organisations régionales sud-américaines. Chavez voulait apparaître comme une «rassembleur» des peuples dominés d'Amérique latine, ce qui le légitimait dans son rôle de «nouveau Bolivar» (d'où le néo-bolivarisme). Toutefois, cette appropriation de Chavez comme «défenseur des idées de Simon Bolivar» ou comme «héritier de la pensée politique du Libertador» a fait l'objet de multiples contestations ailleurs en Amérique du Sud.  

En août 2004, Hugo Chavez a dû se soumettre avec réticence à une procédure constitutionnelle visant à le destituer. Sa victoire du référendum l'a placé plus solidement au pouvoir, mais elle n'a pas effacé les divisions de la société vénézuélienne. En mars 2006, Chavez a fait modifier le drapeau constitué de sept étoiles représentant les sept provinces signataires de l'acte d'indépendance en 1811: Barcelona, Barinas, Caracas, Cumaná, Margarita, Mérida et Trujillo. La huitième étoile désigne désormais celle de Bolivar qui décréta le rattachement des provinces «royalistes» (Coro, Maracaibo et Guayana). Cette modification se voulait une autre adaptation des nombreux symboles de la «révolution socialiste» ou bolivarienne du président Hugo Chavez.

En effet, le président Chavez utilisait généralement un langage qui ferait honte à certaines classes de la société. Voici à ce sujet le témoignage d'un Vénézuélien de haut rang : «Chavez ne respecte pas le protocole. Il fait exprès de mal parler. Beaucoup de Vénézuéliens ne l'aiment pas par pur snobisme. [...] Il leur fait honte, ils ont peur que le monde entier s'imagine que tous les Vénézuéliens sont comme ça.» Le recours à un langage faubourien (''lenguaje barriobajero''), plus proche de la marginalité que de celui d'un homme d'État, a permis à Hugo Chavez de nourrir l'illusion qu'il n'était pas un usurpateur du pouvoir, mais plutôt la voix des masses populaires. Le président vénézuélien semblait adorer recourir à un langage scatologique (''lenguaje escatológico'') assorti de métaphores insultantes destinées à décrire ses adversaires politiques comme des «ennemis mortels dignes d'être pulvérisés» (''enemigos mortales dignos de ser pulverizados'') plutôt que des adversaires avec lesquels il était possible de dialoguer. Voici à ce sujet un commentaire du jésuite José Gramunt de Moragas, lauréat du Premio Libertad 2009 («prix Liberté 2009») de l'Association nationale de la presse ("Asociación Nacional de Prensa") pour sa contribution à la liberté d'expression et la poursuite de la vérité:

Una de las ventajas de las que Chávez se beneficia es su oratoria populista, su lenguaje barriobajero, el uso y abuso de razonamientos simplones pero de gran eficiencia, su versatilidad teatral, muy eficaz para un público mayormente conformado por sectores populares.
Diariocrítico de Bolivia
[L'un des avantages dont Chavez bénéficie est son éloquence populiste, son langage faubourien, l'emploi et l'abus d'arguments simplistes, mais d'une grande efficacité, sa polyvalence théâtrale, fort efficaces pour un public composé essentiellement de secteurs populaires.
Journal critique de Bolivie (30 nov. 2007)]

L'article porte comme titre : "Populismo degradante" («Populisme dégradant»).

4.3 Le bilan de la présidence de Chavez

Qu'on l'accuse de populiste ou non, Hugo Chavez a tout de même mis en place des programmes sociaux qui ont contribué réellement à sa popularité, dont plusieurs programmes en éducation tels que les "Misión Robinson" (une campagne d’alphabétisation), "Misión Ribas" (pour les exclus du système scolaire) et "Misión Sucre" (pour les élèves du secondaire), destinés à l'alphabétisation, avec la participation de plusieurs milliers d'enseignants cubains. Ainsi, la Misión Robinson, pour l’alphabétisation des adultes, en fonction depuis le mois de juin 2003, est parvenue à alphabétiser près d’un million et demi de personnes, selon les chiffres du gouvernement vénézuélien. Pour le président Chavez, la Misión Ribas était un acte de libération: «La Misión Ribas es un acto de liberación.» Cependant, certains reprochent aux «missions» en éducation leur faible niveau d’enseignement, notamment en raison des qualifications peu exigeantes chez les «facilitateurs» et du peu de contrôle des apprentissages. Néanmoins, pour Chavez, ces classes créaient des dynamiques communautaires susceptibles de se transformer en appuis politiques non négligeables. Hugo Chavez s’était donné jusqu’en 2021 pour construire son «socialisme du XXIe siècle». Il est décédé le 5 mars 2013 (emporté par un cancer), soit huit ans avant cette échéance, en laissant derrière lui un pays profondément divisé et un héritage controversé. L'ancien président Chavez a voulu redonner leur voix aux pauvres de son pays. Il a voulu convaincre des gens qui n'avaient pas le sentiment d'être des Vénézuéliens que l'État était le leur. Toutefois, pour atteindre cet objectif, il a décidé qu'il fallait diminuer la valeur des voix des autres Vénézuéliens, celles de riches et de la classe moyenne, ainsi que celles des  entrepreneurs. Chavez a instauré un processus arbitraire de suspension des droits civiques et des droits de vote et de se porter candidat. Bref, la plus grande erreur de Chavez aura été de gouverner seulement pour une portion de la population, les plus pauvres. Pour lui, c’était la seule manière pour que tous les citoyens aient une voix égale. Il n'en demeure pas moins que le président Chavez n'a jamais cherché à représenter tous les Vénézuéliens.

En quatorze ans de règne, l’homme «au béret rouge», porte-étendard de la gauche latino-américaine, aura réussi à réduire de moitié le taux de pauvreté dans un des pays les plus inégalitaires de la planète. Grâce aux revenus du pétrole, il a financé de généreux programmes sociaux, il s’est attaqué aux bidonvilles, il a fait reculer la mortalité infantile et il a réussi à diminuer substantiellement le niveau d’analphabétisme. Mais, pour avoir accès à ces programmes sociaux, les pauvres devaient posséder une carte d’identité, ce qui a eu pour effet d'augmenter considérablement l'enregistrement des électeurs dans les classes les plus favorables au président Chavez. Tout en soulageant l’extrême misère à grands coups de pétrodollars, Hugo Chavez a laissé sombrer l’économie de son pays. Malgré tout l’argent récolté, la dette publique du pays est passée sous Chavez de 28 milliards à 130 milliards de dollars et le déficit public atteint 7,5 % du PIB. Chavez a exproprié massivement des terres agricoles et il a laissé les infrastructures dans un état lamentable.

Les Vénézuéliens doivent continuellement faire face à des pannes électriques récurrentes, ils conduisent sur des routes défoncées et ils souffrent de pénuries alimentaires chroniques, sans parler de la corruption généralisée, ce qui rend moins confortable le fameux «paradis du socialisme» promis par Hugo Chavez. Ce n'était probablement pas régime idéal, mais il portait néanmoins un idéal.

Le cercle rapproché de Hugo Chavez affirme depuis longtemps que le cancer diagnostiqué en juin 2011 chez le président aurait été inoculé par des «ennemis historiques de la nation» ("enemigos históricos"), c'est-à-dire les États-Unis. En effet, le vice-président Nicolas Maduro, qui assure l'intérim à la tête de l'État, a déclaré ce qui suit:

Nosotros no tenemos ninguna duda, llegará el momento indicado de la Historia en que se podrá conformar una comisión científica que revelará que el comandante Chávez fue atacado con esta enfermedad [...], los enemigos históricos de esta patria buscaron el punto para dañar la salud de nuestro comandante. [Nous n'avons aucun doute que, un jour il arrivera le moment indiqué de l'Histoire où il se formera une commission scientifique qui révèlera que le commandant Chavez a été attaqué par cette maladie [...] par les ennemis historiques de ce patrie qui ont cherché un point faible pour atteinte à la santé de notre commandant.]

Évidemment, l'obsession du régime de Hugo Chavez à l'endroit des États-Unis frisait la paranoïa, alors qu'il continuait à fournir des quantités de pétrole au pays qu'il prétendait mépriser. Dans les faits, les États-Unis sont restés les principaux clients et fournisseurs du Venezuela pour la période de 1999-2013. D’un point de vue économique, Hugo Chavez n'a pas fondamentalement remis en cause le système capitaliste dominant au Venezuela. C'est pourquoi il faut savoir faire la part des choses entre la provocation et l'anti-américanisme; Chavez a même affirmé soutenir le président américain Barack Obama.

Bien qu'il ait dirigé son pays à coups de décrets, qu’il ait concentré le pouvoir entre ses mains, qu'il ait muselé les médias, qu'il ait laissé libre cours à sa mégalomanie, Hugo Chavez est resté, jusqu’à la fin, un président aimé par son peuple. Il apparaissait comme un homme charismatique, doué d’une facilité de communication avec les classes populaires. Son discours se nourrissait des héros et des mythes fondateurs de la nationalité vénézuélienne tels le «Libertador» Simon Bolívar, l'éducateur Simon Rodriguez et le général Ezequiel Zamora. Lorsque Chavez a voulu mettre fin à cette injustice qui consistait à ne s'occuper traditionnellement que des riches et des nantis, ceux-ci, frustrés et habitués à voir le gouvernement être à leur seul service, se sont mis à le combattre. Hugo Chavez aura appris aux autres gouvernements du continent qu'ils ne devaient pas continuer à favoriser seulement une petite clique de bien-nantis au dépriment de tout un peuple.  Il restait à savoir si le «chavisme» allait lui survivre. Bref, si le modèle vénézuélien a souvent mis mal à l'aise, ce n'était pas parce que Chavez est un mégalomane dérangé, mais parce que son parcours politique était dérangeant. Hugo Chavez est décédé le 5 mars 2013. Les jours qui ont suivi l’annonce de son décès ont été marqués par un dénigrement, voire des critiques acerbes, de la part des médias contre cet homme régulièrement présenté comme un «dictateur», alors qu’il s’était fait élire à chaque fois par une large majorité de Vénézuéliens. Hugo Chavez se sentait libre et pouvait s'adresser à tous les dirigeants du monde, y compris et surtout à ceux diabolisés par Washington et l’OTAN; il le faisait souvent avec bonhommie, voir avec des débordements de truculence. Ses funérailles ont drainé des foules immenses. Il a été surnommé à tort ou à raison le «de Gaulle latino-américain»

4.4 L'après-Chavez

Le président Nicolas Maduro, au pouvoir depuis avril 2013, a continué d'appliquer le modèle chaviste, c'est-à-dire un socialisme de contrôle et de planification centralisée, mais Maduro a dû faire face à un effondrement général de l'économie. Depuis la mort de Hugo Chavez le 5 mars 2013, une crise politique, née de la victoire de l'opposition aux législatives, s'est ajoutée à une situation économique catastrophique. Le Venezuela a beau posséder les plus grandes réserves de pétrole au monde, son économie n'en est pas moins très mal en point. Les convulsions qui secouent le Venezuela n'ont cessé de s'aggraver. En effet, le pays est aux prises avec les pénuries alimentaires et de médicaments, une hyperinflation et une baisse dramatique des revenus pétroliers, principale ressource de ce pays d'Amérique du Sud. Le président Maduro a jusqu'ici répondu aux manifestations par une surenchère autoritaire. Un décret a même autorisé explicitement l'usage des armes par les forces de l'ordre au cours des manifestations. Selon Nicolas Maduro, les maux de l'économie vénézuélienne doivent être attribués «à la bourgeoisie et à l'impérialisme», qui ont décidé de lui livrer une véritable «guerre économique». Malheureusement pour lui, Maduro n'a pas hérité du charisme de Chavez, son maître. Il est impossible pour lui d'égaler le talent oratoire d'Hugo Chavez qui savait haranguer les foules dans ses discours fleuves.

Le manque de charisme de Maduro fait en sorte que les tendances structurelles du pays empirent, tandis que les mauvaises décisions du président ne font rien pour arranger les choses. Celui-ci n'a réussi jusqu'ici qu'à maintenir l’émancipation économique et géopolitique de la sphère latino-américaine vis-à-vis des États-Unis. Aujourd'hui, les gens n’ont plus qu’un sujet à la bouche : la nourriture. De plus, le pays manque de médicaments; l'inflation, la misère et la corruption minent le pays et la liste des plaies du Venezuela pourrait s’allonger. Le pays de 31 millions d’habitants, riche en pétrole, est au bord du précipice. Si la descente aux enfers a débuté avec la chute des prix de l’or noir — une ressource qui a longtemps permis au régime populiste de gauche de créer les programmes sociaux —, la crise atteint aujourd’hui son paroxysme. La baisse des cours de brut, amorcée en 2009 et accentuée en 2014, a frappé de plein fouet le Venezuela, qui tire 96 % de ses revenus du pétrole, une dépendance dont il paie aujourd’hui le prix.

À la fin de 2018, l’inflation avait atteint 1 000 000 %, avec comme conséquence que près de 90 % des Vénézuéliens vivent sous le seuil de la pauvreté, la mortalité infantile explose, et plusieurs sont réduits à fouiller dans les poubelles pour manger. Le Venezuela connaît depuis 2013 un exode peu commun qui ne fait que s'accélérer. En effet, plus de deux millions de Vénézuéliens ont fui leur pays. Il s'agit là d'un mouvement migratoire au moins aussi intense que celui qu’a connu l’Europe en 2015. Les premiers à partir sont les Vénézuéliens les plus instruits et ceux des classes moyennes. Ils se sont dirigés d’abord vers le nord, les États-Unis et le Canada. Puis le mouvement a commencé à s'étendre aux classes défavorisées; les gens sont partis à pied ou dans des autobus de fortune vers la frontière la plus proche, mais cette fois c'est vers la sud, le Brésil, la Colombie, la Bolivie, le Pérou, etc. Les pays voisins sont submergés. À la différence des réfugiés syriens qui fuyaient la guerre en emportant toutes leurs économies, les migrants vénézuéliens de la dernière vague fuient le ventre et les poches vides.

Le seul à ne pas voir l’exode dont souffrent les Vénézuéliens est président Nicolás Maduro qui assure que seules 600 000 de ses citoyens ont quitté le pays, alors qu’un grand nombre d’entre eux ne rêveraient que de rentrer au bercail. Campé sur sa position, le successeur d’Hugo Chavez prétend que tout va bien et refuse toute aide internationale. Ce qui est sûr dans ce pays, c’est qu’il n’y aura pas une élection que l’opposition remporterait et qui lui permettrait d’assumer le pouvoir. Évidemment, les questions linguistiques passent nécessairement au second plan!

Dernière révision en date du 04 janv. 2024

Le Venezuela


(1) Généralités & données démolinguistiques
 
(2) Données historiques (3) Politique linguistique
de l'espagnol

(4) Politique linguistique
destinée aux indigènes

 
(5) Bibliographie Carte linguistique