United Kingdom

Île Pitcairn

Territoire britannique d'outre-mer



 

Capitale:  Adamstown
Population:  47 (2021)
Langue officielle: anglais (de facto)
Groupe majoritaire:  pitcairnais (100 %)
Groupes minoritaires: aucun
Système politique:  territoire britannique d'outre-mer
Articles constitutionnels (langue):  aucune disposition linguistique dans la Constitution de 1964 (Local Government Ordinance)

Lois linguistiques:  sans objet

1    Situation géographique

Pitcairn est la principale île (la seule habitée) d'un archipel de quatre îles d'origine volcanique : Pitcairn 4,6 km², Henderson 31,1 km², Ducie 3,8 km² (plus une lagune de 4,4 km²) et Oeno 5,1 km². L'île d'Oeno est située à 121 km au nord-ouest de Pitcairn, Henderson à 168 km à l'est et Ducie à 477 km (voir la carte plus bas ''Archipel de Pitcairn''). Pour le Royaume-Uni, la zone maritime exclusive de cet archipel s'étend sur près de 560 000 km². 

L'archipel de Pitcairn est situé à 2200 km à l'est de Tahiti, en plein océan Pacifique-Sud, à mi-distance entre l'Amérique du Sud et l'Australie, plus précisément entre le Chili et la Nouvelle-Zélande (voir la carte du Pacifique).

Pitcairn archipel Au point de vue géographique, l'île de Pitcairn fait partie de la Polynésie française, plus précisément de l'archipel de Gambier (avec l'île de Mangareva), mais Pitcairn constitue politiquement un territoire britannique d'outre-mer (un PTOM) depuis 1902, et tout l'archipel est administré par le haut-commissaire britannique en Nouvelle-Zélande.
L'île Henderson fait partie de la liste du patrimoine mondial établie par l'UNESCO depuis 1988, en raison des quatre espèces d'oiseaux terrestres que l'on ne trouve en nul autre endroit au monde.

L'île de Pitcairn elle-même est entourée de falaises abruptes de 200 à 300 mètres de hauteur; elle ne dispose pas d´aéroport et il n'est possible de s'y rendre que par bateau, et d'y débarquer que par beau temps. La capitale est le village d'Adamstown.

2 Données démolinguistiques

La seule île habitée de l'archipel, Pitcairn, a vu sa population passée, en un demi-siècle, de 250 personnes environ à aujourd'hui 47, soit quelques familles qui se partagent le petit territoire. Ces habitants descendent des mutins du Bounty (en 1790) et de leurs femmes tahitiennes. La langue qu'ils parlent est très particulière: il s'agit du pitcairnais, une sorte de créole anglo-tahitien. Ce même créole est appelé norfuk à l'île Norfolk où ont émigré de nombreux Pitcairnais. Ceux-ci emploient généralement leur langue anglo-polynésienne dans les communications informelles, mais l'anglais britannique à l'écrit et dans les communications plus formelles. Les révoltés du Bounty et leurs descendants ont toujours utilisé l'anglais pour lire la Bible. La langue officielle est l'anglais. Tous les Pitcairnais sont des adventistes du Septième Jour.

Voici quelques exemples illustrant le pitcairnais:

Pitcairnais Anglais Français
Humuch people levan on Pitkern? How many people live on Pitcairn? Combien de gens vivent sur Pitcairn ?
Foot yawly come yah? Why did you come here? Pourquoi êtes-vous venus ici ?
Fetch ah plum down yah. Bring that banana down. Apportez cette banane.
I sa donna school. I have finished school. J'ai terminé l'école.
Cah smoke yah! No Smoking here. Interdit de fumer.

Dans le pitcairnais, beaucoup de mots tahitiens (surtout des verbes) ont survécu, comme d'ailleurs certaines structures grammaticales. La plupart des termes désignant des noms de plantes ou d'animaux sont tahitiens. D'autres mots n'empruntent ni à l'anglais ni au tahitien; par exemple, des noms de poisson comme pick-pick, dotter ou whistlin semblent de réels néologismes. L'usage tahitien de mots redoublés est assez fréquent avec des mots anglais : boney-boney (provenant de bone : «os») est employé pour thin («mince»). On croit que la diaspora pitcairnaise compterait quelque 10 000 personnes répertoriées comme des descendants des mutins de 1790.

3 Données historiques

Selon les archéologues, les îles Pitcairn et Henderson auraient été habitée, vers 800 de notre ère, par des Polynésiens, probablement à partir des îles Marquises, de la Société ou de Gambier (Mangareva). À ce moment-là, les Polynésiens faisaient le commerce dans ce qui est aujourd'hui la Polynésie française, ainsi que les îles Pitcairn et Henderson. Dans cette partie de l'océan Pacifique, seules les îles Mangareva, Pitcairn et Henderson étaient habitables. Malgré la petite taille de Pitcairn (4,6 km²), son sol fertile pouvait assurer le maintien d'une population permanente, soit environ une centaine d'habitants. Au début du XVIIe siècle, l'explorateur espagnol de Quiros a découvert l'île Henderson, alors inhabitée; on croit que Pitcairn était également déjà abandonnée à l'époque. La dégradation de l'environnement sur ces îles (Henderson et Pitcairn) a probablement contribué à leur effondrement, mais il n'existe pas de preuve que des changements climatiques ou des hostilités avec des populations ennemies y aient eu leur part. En réalité, on ignore comment la vie humaine s'est éteinte sur les îles Henderson et Pitcairn.

Il fallut attendre 1767 avant que l'Anglais Philip Carteret, naviguant sur le HMS Swallow (L'Hirondelle), découvrit Pitcairn et lui donna ce nom, car c'était celui du premier homme d'équipage qui l'avait aperçue. 

3.1 Les mutins du Bounty

En 1787, des marins du navire Bounty s'étaient arrêtés à Tahiti durant plusieurs mois; ils étaient chargés de cueillir des fruits de l’arbre à pain dont on voulait faire l’essai dans les plantations du Nouveau Monde; les autorités britanniques comptaient les cultiver à la Jamaïque afin de nourrir à bon compte les esclaves des plantations. Beaucoup de marins s'étaient liés avec des Tahitiennes.  Afin de communiquer, les marins britanniques et les Tahitiennes développèrent une sorte de nouvelle langue, un mélange d'anglais et de mots tahitiens, le tout accompagné sans doute d'une forte gestuelle. Apparemment, les marins britanniques avaient tellement bien appris leur «langue exotique» que plusieurs la parlaient entre eux, ce qui faisait railler le capitaine du navire, William Bligh. Puis celui-ci décida qu'il était temps de repartir. Sitôt en haute mer, William Bligh restaura la discipline habituelle aux navires britanniques, qui consistait à brutaliser l'équipage. Mais les marins, tous des volontaires, ne supportèrent pas ce traitement.  De plus, certains d'entre eux brûlaient du désir de retourner à Tahiti pour retrouver leurs épouses.

Le 28 avril 1789, l'un des marins, Fletcher Christian, prit la tête d’une mutinerie contre le capitaine Bligh, commandant du HMS Bounty. Christian fit descendre Bligh et 18 membres de l’équipage dans une embarcation avec des provisions pour une semaine; on sait que ce dernier réussira à atteindre l'île de Timor, alors une colonie hollandaise, après un périple de 5000 km. Fletcher Christian assuma le commandement du Bounty avec ses 24 marins; après plusieurs tentatives infructueuses pour s'établir dans une île, il revint à Tahiti afin de s'approvisionner. Le Bounty repartit avec à son bord les marins anglais, 18 Polynésiens, dont 12 femmes et quelques enfants.

3.2 Une communauté autarcique

Fletcher Christian aborda l'île Pitcairn et, après discussions avec l'équipage (il ne restait que huit marins), il fut décidé de s'y installer afin d'échapper à la justice anglaise. On incendia le navire afin d'éliminer toute tentative d’évasion. Par la suite, les mutins anglais se sont mis à traiter les Polynésiens comme des serviteurs et cherchaient constamment à s'emparer de leurs terres. Les Polynésiens se révoltèrent en 1794 et Fletcher Christian fut tué. Finalement, les veuves tahitiennes des Anglais assassinés se vengèrent et tuèrent à leur tour tous les Polynésiens qui vivaient encore.  La vie reprit et la petite communauté se développa difficilement, car la fabrication d'un alambic de fortune amena les mutins à s'entretuer jusqu'à ce qu'il ne restât plus qu'un seul (John Adams). En réalité, le nombre inégal d´hommes et de femmes avait souvent été la cause de disputes mortelles. John Adams resta seul avec plusieurs femmes et vingt enfants nés du mariage de ses compagnons avec les Tahitiennes. Les insulaires n'utilisèrent plus que le pitcairnais pour communiquer, sauf pour lire la Bible. En effet, ayant récupéré une Bible et un livre de prières dans les débris du Bounty, Adams avait depuis entrepris d'éduquer la jeune génération en recourant à l'anglais pour les prières et l'écriture.

En 1808, le navire américain Topaz fit escale à l’île Pitcairn; le capitaine du Topaz, Mayhew Folger, retrouva le dernier survivant de la mutinerie, John Adams, et 34 femmes et enfants métis de sang tahitien. Adams décéda en 1829 à l'âge de 65 ans; il laissait une colonie en développement qui allait être annexée par la Grande-Bretagne dix ans plus tard (1838). Auparavant, en 1831, Pitcairn connut une première vague d'émigration; en raison de la surpopulation de l'île, une partie des habitants s'installa à Tahiti, mais plusieurs revinrent sur l'île l'année suivante parce que les maladies les avaient décimés et qu'ils n'avaient pu s'adapter à leur nouvelle vie. En 1853, on dénombrait 170 descendants des révoltés du Bounty.

Puis la population s'accrut et devint même trop nombreuse par rapport à son potentiel agricole; en 1856, le gouvernement britannique évacua 194 Pitcarnais (dont 40 hommes, 47 femmes, 54 garçons et 53 filles) qui durent s'établir sur l'île éloignée de Norfolk (au nord de la Nouvelle-Zélande, aujourd'hui, un «territoire autonome» de l'Australie). En 1858 et en 1863, près d'une cinquantaine quittèrent Norfolk pour retourner à Pitcairn. À partir de 1893, des missionnaires britanniques arrivèrent à Pitcairn et contribuèrent à alphabétiser les enfants, puis à modifier la religion des Pitcairnais tout en introduisant progressivement l'anglais auprès de la population.

Le Royaume-Uni fit de Pitcairn un «établissement britannique» en 1897, puis annexa en 1902 les îles Henderson, Ducie et Oeno. Parfois, des colons britanniques vinrent s'ajouter à la petite communauté pitcairnaise. L'île commença à recevoir plus de visiteurs, désireux de connaître l'exotisme des insulaires. À partir de 1840, des timbres-poste furent émis, ce qui attira de nombreux philatélistes du monde entier. Tous ces événements contribuèrent à maintenir la langue anglaise de Grande-Bretagne sur l'île et à délaisser davantage le pitcairnais.

3.2 La colonie lilliputienne

Pitcairn passa sous l'administration des îles Fidji en 1952, mais juste avant que les Fidji obtiennent l'indépendance en 1975, l'île fut placée en 1970 sous l'autorité d'un gouverneur désigné par le Haut-Commandement de Nouvelle-Zélande. En 1956, la population était de 161 habitants; quelques années pus tard, elle baissait à 126 (en 1961), puis à 96 en 1966 et à 74 en 1976, puis à moins de 60 aujourd'hui. Pitcairn est un territoire d'outre-mer administré par le haut-commissaire britannique en Nouvelle-Zélande. Le Conseil local compte 10 membres, dont un de droit, quatre élus et cinq désignés. L'économie de l'île est tournée vers la pêche, les timbres-poste, les fruits et légumes, mais surtout l'artisanat. Les Pitcairnais ont conservé en partie les lois instituées par John Adams, la répartition des terres est restée celle établie par Fletcher Christian en 1790, et les habitants ne paient pas d'impôts.

Mais la communauté est en péril, car il reste moins de 60 insulaires. De plus, à la fin du mois d'octobre 2004, six hommes (la moitié de la population mâle), dont le maire, ont été condamnés pour viols sur des mineures. Plusieurs femmes de Pitcairn ont accusé la justice britannique de chercher ainsi à vider entièrement Pitcairn de sa population. Il est vrai que la population de Pitcairn constitue sûrement la plus petite communauté du monde à disposer de son propre statut constitutionnel. Pour les autorités britanniques, l'île et ses habitants ne présentent aucun intérêt, sauf celui de garantir au Royaume-Uni une zone maritime exclusive s'étendant sur près de 560 000 km².

Mais la situation est en train d'évoluer énormément sur Pitcairn, car les autorités britanniques tendent à s'impliquer davantage dans l'organisation de la société pitcairnaise ( et en réaction aux scandales sexuelles qui ont secoué l'île). En effet, outre la nomination d'un commissaire ("commissioner") en résidence à Auckland (Nouvelle-Zélande), mais qui se rend à Pitcairn environ deux fois par année (pour des séjours de deux mois), le gouverneur britannique (le "high commissioner" britannique en Nouvelle-Zélande) fait aussi des séjours à Pitcair. De plus, les autorités britanniques ont désigné sur l'île deux policiers (qui viennent de la Métropole), deux représentants des services sociaux, ainsi qu'un(e) diplomate en résidence à Adamstown, ce qui doit faire de Pitcairn la communauté britannique la mieux pourvue en services administratifs au monde.

Par ailleurs, les autorités britanniques cherchent à «désenclaver l'île», en créant un service maritime régulier au départ de Mangareva (Polynésie française) avec des rotations tous les deux mois. Enfin, elles souhaitent, dans très peu de temps, relier Pitcairn par satellite (téléphone et télévision) en créant une station relais sur l'île, et désirent développer le tourisme en installant, entre autre, un port artificiel (une jetée brise-lame qui rendrait le mouillage possible à Pitcairn). Bref, il y aurait prochainement un choc de l'intrusion de la modernité à Pitcairn, ce qui pourrait entraîner à court terme la disparition de la langue pitcarnaise.

4 La non-intervention linguistique

On ne peut guère parler de politique linguistique pour ce territoire britannique lilliputien. Il n'y a pas de télévision sur Pitcairn et le service téléphonique demeure très limité; la radio-amateur constitue l'une des principales sources de communication. En fait, la seule politique réelle, c'est la non-intervention. L'anglais sert de langue officielle de facto, en tant que colonie britannique d'outre-mer. Forcément, il y a peu à dire, dans la mesure où l'administration est à peu près inexistante et la langue parlée (pitcairnais), une «curiosité» historique. Il s'agit néanmoins d'une «terre britannique», où la langue anglaise est théoriquement de rigueur.

Dernière mise à jour: 02 janv. 2024

Bibliographie

DIAMOND Jared. Effondrement - Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie (traduit de l'anglais par A. Botz et J.-L. Fidel), Paris, Gallimard, 2006, 648 p.

GOVERNMENT OF THE ISLANDS OF PITCAIRN. A Guide to Pitcairn, Auckland, Government of the Islands of Pitcairn, Henderson, Ducie and Oeno, 5e édition, 1990.

KERR, Butch. The Saga of HMS Bounty and Pitcairn Island, [http://www.lareau.org/sagaintro.htm].

 

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