République du Soudan du Sud

Soudan du Sud

(Republic of South Sudan)

Capitale: Djouba
Population: 10,3 millions (2011)
Langue officielle: anglais
Groupe majoritaire: aucun
Groupes minoritaires: environ 80 langues: nuer, dinka, zande, bari, arabe soudanais, shilluk, toposa, otuho, luwo, mandari, moru, murle, jur modo, kakwa, anuak, lopit, reel, mabaan, didinga, acholi, lokoya, päri, mündü, etc.
Langue coloniale: anglais
Système politique: république à régime semi-présidentiel formé de dix États fédérés
Articles constitutionnels (langue): article 6 de la Constitution provisoire de 2011
Lois linguistiques:  Loi sur la nationalité (2011); Code de la Loi sur la procédure pénale (2008); Loi sur la procédure civile (2003); Loi sur les assurances (2003); Loi sur les compagnies (2003); Loi sur les organisations non gouvernementales (2003); Loi générale sur l'éducation (2012).

1 Situation géographique et politique

Situé au nord-est de l'Afrique, à la charnière des mondes arabo-musulman et africain, le Soudan du Sud (en anglais: "Republic of South Sudan") est un pays de 619,745 km², ce qui en fait un pays plus grand que la France (547 030 km²) et l'un des pays africains les plus importants par sa superficie (Somalie: 637 657 km²; Zambie: 752 614 km²; Mozambique:801 590 km²; Namibie: 825 418 km²; Tanzanie: 948 087 km²; Nigeria: 923 768 km².

En Afrique, l'Algérie couvre une superficie de 2,3 millions de km², le Congo-Kinshasa, 2,3 millions de km², la Libye, 1,7 million de km². Toutefois, le tracé des frontières du Soudan du Sud est contesté en en moins cinq secteurs par le Nord, dont plusieurs sont occupés illégalement soit par les sudistes soit par les nordistes.

Le Soudan du Sud est limité au nord par  le Soudan, à l'ouest par la Centrafrique, au sud par le Congo-Kinshasa, l'Ouganda et le Kenya, à l'est par l'Éthiopie (voir la carte de l'Afrique). Parmi les pays voisins, la Centrafrique et le Congo-Kinshasa sont des pays «francophones».

Le 9 juillet 2011, le Soudan du Sud a déclaré son indépendance, séparant en deux le Soudan, la partie sud devenant le Soudan du Sud (8,2 millions d'habitants); la partie nord, la république du Soudan.

Le Soudan du Sud forme un État fédéral, une fédération, composé de 10 États fédérés créés à partir des trois provinces historiques du Bahr el-Ghazal, de l'Équatoria et du Nil supérieur :

- Bahr el Ghazal du Nord (Northern Bahr el Ghazal)
- Bahr el Ghazal occidental (Western Bahr el Ghazal)
- Équatoria central (Central Equatoria)
- Équatoria occidental (Westerne Equatoria)
- Équatoria oriental (Eastern Equatoria)
- Jonglei
- Lacs (Lakes)
- Nil supérieur (Upper Nile)
- Unité
-
Warab


Le Soudan du Sud est officiellement le 193e État membre de l'ONU et le 54e pays membre de l'Union africaine.

En 2011, les Soudanais du Sud ont fêté en grande pompe leur accession à l’indépendance après près d’un quart de siècle de combats contre Khartoum, qui ont fait près de deux millions de morts. Malheureusement, la fête fut de courte durée. Deux ans après l’accession à l’indépendance, les partisans du président Salva Kiir (de l’ethnie dinka) et ceux du vice-président Rick Machar (de l’ethnie nuer) se sont tournés les uns contre les autres. Le pays a été plongé dans cinq ans de guerre civile. Au moment de l’obtention d’un accord de paix en septembre 2018, on estimait qu’entre 380 000 et 400 000 personnes avaient perdu la vie dans les affrontements. En dépit du processus de paix, plus de quatre millions de Soudanais du Sud, qui ont fui la violence, sont toujours soit déplacés dans le pays (1,9 million d’entre eux), soi se sont réfugiés (2,2 millions) dans les pays avoisinants. Depuis 2011, la proportion de la population vivant sous le seuil de la pauvreté a grimpé de 50 % à 82,3 %. Par voie de conséquence, la famine guette près de sept millions des quelque dix millions de personnes qui se trouvent toujours dans le pays. Le Soudan du Sud vit une véritable catastrophe humanitaire.

2 Données démolinguistiques

Avec une population de 10 millions d'habitants, le Soudan du Sud compte au moins 80 langues réparties en trois grandes familles linguistiques: la famille nilo-saharienne, la famille nigéro-congolaise et la famille afro-asiatique (sémitique), auxquelles s'ajoute un créole avec l'arabe soudanais. Théoriquement, il existe une langue par tranche de 125 000 habitants. Le tableau qui suit présente les ethnies et les langues ayant au moins 10 000 locuteurs.

Ethnie SOUDAN DU SUD Langue maternelle Affiliation linguistique Population %
Nuer

nuer

nilo-saharienne

1 021 000

12,3 %
Dinka de l'Ouest

dinka du Sud-Ouest

nilo-saharienne

900 000

10,8 %
Zande

zande (azande)

nigéro-congolaise

706 000

8,5 %
Dinka du Sud-Est dinka du Sud-Est nilo-saharienne 648 000 7,8 %
Dinka du Nord-Est dinka du Nord-Est nilo-saharienne 586 000 7,0 %
Dinka du Centre-Sud dinka du Centre-Sud nilo-saharienne 516 000 6,1 %
Bari

bari

nilo-saharienne 503 000 6,0 %
Arabe soudanais arabe soudanais parlé langue sémitique 400 000 4,8 %
Shilluk shilluk nilo-saharienne 377 000 4,5 %
Taposa toposa nilo-saharienne 205 000 2,4 %
Lotuko (Latuka) otuho nilo-saharienne 205 000 2,4 %
Luo luwo nilo-saharienne 169 000 2,0 %
Mondari mandari nilo-saharienne 160 000 1,9 %
Moru moru nilo-saharienne 151 000 1,8 %
Murle murle nilo-saharienne 129 000 1,5 %
Jur Modo jur modo nilo-saharienne 118 000 1,4 %
Kakwa

kakwa

nilo-saharienne

98 000

1,1 %
Anuak anuak nilo-saharienne 86 000 1,0 %
Lopit lopit nilo-saharienne 77 000 0,9 %
Reel reel nilo-saharienne 76 000 0,9 %
Maaban mabaan nilo-saharienne 70 000 0,8 %
Di'dinga didinga nilo-saharienne 66 000 0,7 %
Dinka du Nord-Ouest dinka du Nord-Ouest nilo-saharienne 61 000 0,7 %
Acholi acholi nilo-saharienne 58 000 0,7 %
Lokoya lokoya nilo-saharienne 56 000 0,7 %
Päri päri nilo-saharienne 52 000 0,6 %
Mündü mündü nigéro-congolaise 50 000 0,6%
Avukaya avokaya nilo-saharienne 49 000 0,6 %
Lugbara des Montagnes lugbara nilo-saharienne 49 000 0,5 %
Belanda Viri belanda-viri nigéro-congolaise 48 000 0,5 %
Dinka du Centre Dinka du Centre-Sud nilo-saharienne 43 000 0,5 %
Lango lango nilo-saharienne 42 000 0,5 %
Baka baka nilo-saharienne 40 000 0,4 %
Bari-Kuku bari nilo-saharienne 34 000 0,4 %
Ndogo ndogo nigéro-congolaise 32 000 0,3 %
Lolubo olubo nilo-saharienne 22 000 0,2 %
Ma'adi ma'di nilo-saharienne 22 000 0,2 %
Banda-Ndélé banda-ndélé nigéro-congolaise 22 000 0,2 %
Berta berta nilo-saharienne 22 000 0,2 %
Ageer dinka du Nord-Est nilo-saharienne 20 000 0,2 %
Arabe mongallais arabe de Djouba créole 19 000 0,2 %
Belanda Bor belanda bor  nilo-saharienne 17 000 0,2 %
Komo komo nilo-saharienne 17 000 0,2 %
Feroge feroge nigéro-congolaise 17 000 0,2 %
Nyamusa-Molo nyamusa-molo nilo-saharienne 15 000 0,1 %
Bongo bongo nilo-saharienne 14 000 0,1 %
Beli beli  nilo-saharienne 14 000 0,1 %
Gbaya gbaya nilo-saharienne 13 000 0,1 %
Kacipo-Balesi kacipo-balesi nilo-saharienne 12 000 0,1 %
Kaliko keliko  nilo-saharienne 11 000 0,1 %
Autres langues - - 122 000 1,4 %
 Population totale : 8 260 000 (2008)

2.1 Les principales langues

En regroupant les variétés linguistiques quasi identiques (dinka du Sud-Est, dinka du Nord-Est, dinka du Centre-Sud, etc.), le dinka, avec ses  2 190 000 locuteurs, occupe la première place: 26,5 %. Le dinka est suivi par le nuer (12,3 %), le zande (8,5 %), le bari (6 %), l'arabe soudanais (4,8 %), le shilluk (4,5 %), le taposa (2,4 %) et l'otuho.

Presque toutes les langues parlées dans l'est du Soudan du Sud appartiennent à la famille nilo-saharienne (ou nilotique). Dans l'Ouest, on trouve des langues nigéro-congolaises (zande, mündü, banda-ndélé, etc.). Le mélange des langues est plus évident dans cette partie du Soudan du Sud. Beaucoup de langues appartenant au groupe Chari-Nil des langues nilo-sahariennes comptent peu de locuteurs, soit moins de 5000, souvent moins de 1000.

2.2 La langue arabe

Contrairement au Soudan situé au nord, la langue arabe n'est la langue maternelle que d'une infime partie de la population. Il s'agit de l'arabe soudanais parlé surtout dans le Nord par 4,8 % des Sud-Soudanais. À Djouba, la capitale, il existe un arabe créolisé appelé «arabe de Djouba» ("Arabic Sudanese Creole"), dérivé de l'arabe soudanais parlé au nord. L'arabe de Djouba est souvent utilisé comme langue véhiculaire dans le sud du pays, notamment en Équatoria. Ce créole arabe est incompréhensible à un locuteur de l'arabe soudanais et totalement inaccessible à un locuteur de l'arabe standard.

Quant à l'anglais, il a été déclaré la langue officielle de l'État, bien que très peu d'individus puissent parler cette langue de l'ancien colonisateur, une langue étrangère dans ce pays.

2.3 La question religieuse

L'histoire du Grand Soudan a toujours été houleuse en raison des nombreux conflits ethniques et religieux. En effet, avant 2011, les Soudanais du Sud se distinguaient traditionnellement de ceux du Nord par la langue, la religion et la race: le Nord abritait surtout des Arabes musulmans (70 %), le Sud, des Noirs chrétiens (15 % dont 3,5 millions de catholiques) ou animistes (15%). De plus, l'État central n'avait reconnu jusqu'en 2005 qu'une seule langue officielle (l'arabe classique) et qu'une seule religion d'État (l'islam).

Depuis l'indépendance du Soudan du Sud, contrairement au Soudan situé au nord massivement musulman, la plupart des habitants du Sud sont de confession chrétienne, soit 76,8 %; mais les animistes représentent 21 % de la population et les musulmans 2,2 %. Précisons aussi que les animistes du Soudan du Sud sont fortement imprégnés par le christianisme. Bien que les plantes et les animaux aient un caractère sacré, la figure de Jésus-Christ demeure fondamentale.

3 Données historico-linguistiques

L'histoire du Soudan du Sud se confond avec celle de la république du Soudan au nord. En ce sens, elle tient compte des Arabes et de l'islam, mais aussi de la Grande-Bretagne qui a joué un rôle important dans la situation actuelle de ce pays, lequel fut aux prises avec une guerre civile qui a duré pratiquement quarante ans.

Pendant plusieurs siècles (du VIe au XVIe siècle), la nation soudanaise s'est façonné une double identité, d'abord chrétienne, puis arabo-musulmane. En effet, deux royaumes chrétiens se constituèrent vers le VIe siècle: le royaume de Dongola qui s'étendait d'Assouan à Khartoum et celui d'Aloa, au sud de Khartoum. Vers 640, la conquête de l'Égypte par les Arabes coupa ces royaumes du reste du monde chrétien. Les catholiques continuèrent cependant de subsister au sud du Soudan, alors que les autres communautés disparurent partout au Maghreb (Algérie-Maroc-Tunisie) et dans la péninsule Arabique.

Dans la région du centre-nord de l'ancien Soudan (avant 2011), l'apparition au XVIe siècle d'un sultanat fort, musulman et arabisé, ébaucha le noyau politique, économique et culturel de ce qui allait devenir le Soudan. Cette entité arabo-musulmane n'englobait pas encore le sud du pays, de religion catholique, qui restait alors inaccessible.

En 1821, le Soudan fut envahi par les armées de Mehemet-Ali, le vice-roi d'Égypte. La conquête égyptienne unifia le pays pour la première fois et entreprit «l'ouverture au sud», car les Égyptiens avaient besoin de soldats noirs pour leurs projets de conquête de la Syrie et des esclaves pour leurs grands travaux hydrauliques. L'Égypte imposa l'arabisation dans cette partie du pays, mais la centralisation autoritaire finit par provoquer des réactions anti-égyptiennes qui dégénérèrent en conflits armés. Puis, s'ouvrit la période dite turque, la Turkiyya, qui dura jusqu'en 1885 et vit l'unification de l'espace soudanais sous un pouvoir étranger de plus en plus soumis aux intérêts occidentaux.

3.1 La politique linguistique coloniale (1898-1956)

En 1898, le Soudan passa sous contrôle de l'Empire britannique, qui hérita alors de la violence et des conflits entre Arabes (au nord) et Négro-Africains (au sud). C'est ainsi que naquit le Condominium anglo-égyptien sur le Soudan. La colonisation britannique, qui perdura jusqu'en 1956, adopta une politique destinée à éviter les tensions entre le Nord et le Sud, et administra le pays comme deux entités distinctes. C'est pourquoi la colonisation britannique fut essentiellement militaire. Le pouvoir fut exercé par le Soudan Political Service, qui adopta une politique en s'appuyant sur les chefferies locales.

 - Le Soudan du Nord

Dans le Nord, les Britanniques gérèrent la région selon le modèle connu de l'«administration directe» (Direct Rule), telle que développée dans les colonies du Proche-Orient et en Égypte. Ils mirent en place une structure centralisée et unificatrice, notamment dans l'Administration, la formation des cadres locaux, les réseau de chemin de fer, de télégraphe, etc. Ils imposèrent bien l'anglais dans l'Administration, mais se gardèrent de combattre l'arabe et la religion musulmane. Les cadres soudanais apprirent l'anglais, bien que toute la vie sociale nord-soudanaise continuât de se dérouler en arabe. Les écoles coraniques en arabe furent maintenues. L'anglais ne fut jamais imposé comme seule langue officielle, les membres du Sudan Political Service devaient obligatoirement être arabisants, bien que l'anglais fût la seule langue utilisée par l'Administration. Seule une petite élite soudanaise formée pour servir de cadres à la nation apprenait l'anglais. Les Britanniques favorisèrent le renforcement des relations entre le nord du Soudan et l'Égypte, de telle sorte que la culture égyptienne s'incorpora dans la vie nord-soudanaise.

Cependant, la politique linguistique des Britanniques ne donna pas les résultats escomptés, dans la mesure où, pour l'élite nordiste arabophone et musulmane, l'imposition de l'anglais heurta certaines susceptibilités, car elle voyait en l'arabe et en l'islam des valeurs authentiquement soudanaises.

- Le Soudan du Sud

Les Britanniques se désintéressèrent du Soudan du Sud, mais voulurent néanmoins assurer un minimum d'ordre au moindre coût possible. Cette fois-ci, les administrateurs britanniques gérèrent la région de façon «minimaliste», selon le modèle de l'«administration indirecte» (Indirect Rule). Londres laissa ses gouverneurs administrer cette région du pays comme ils l'entendaient, c'est-à-dire de façon strictement personnelle. Ceux-ci devinrent de véritables «bog barons» (des «barons des marais») qui régnaient en maître sans rendre vraiment de compte à leur gouvernement impérial. En autant qu'ils faisaient respecter l'autorité de l'Empire...  Les Britanniques en vinrent à isoler totalement le sud du nord du pays par une politique appelée «closed districts», qui interdisait l'activité économique des commerçants arabes du Nord vers le sud. Le Sud resta donc totalement coupé du Nord.

Les Britanniques en poste laissèrent le système d'éducation aux mains des missions chrétiennes, surtout protestantes, ce qui suscita la concurrence entre les catholiques et les protestants. On estime que les missionnaires protestants convertirent environ 15 % des Soudanais à l'époque. De plus, les gouverneurs britanniques maintinrent la région dans un certain état de dépendance infantile à l'égard des missionnaires et de l'Administration, ce qui eut pour effet d'entraîner la population sudiste dans un sous-développement économique, social et intellectuel. Cette situation n'ira pas sans causer des préjudices graves à la future unité du pays, surtout lors de l'accession du Soudan à l'indépendance.

Par crainte de provoquer le réveil des sensibilités religieuses et nationalistes, la politique linguistique des Britanniques (préconisée dans la Southern Policy) fut d'imposer, du moins symboliquement, l'anglais comme langue officielle et d'enrayer complètement l'arabisation et l'islamisation dans la région du Sud. Par ailleurs, six langues locales furent utilisées pour servir de langues administratives, éducatives et religieuses: le dinka, le bari, le nubien, le latuko, le shilluk et le zande. L'arabe était tout à fait exclu au Soudan du Sud.

Dans la pratique, cette politique linguistique s'est révélée destructrice. Non seulement cette politique n'a guère modifié les habitudes linguistiques des populations sud-soudanaises, mais elle a cristallisé les attitudes linguistiques conflictuelles entre le Nord et le Sud. Pour les sudistes chrétiens qui ont continué à utiliser leurs langues, ce maintien des langues locales favorisa l'émergence d'un arabe pidginisé (l'arabe de DJouba ou «Juba arabic») qui deviendra une langue véhiculaire, tandis que la méconnaissance de l'anglais aura pour effet de sous-scolariser la population sudiste.

- Vers l'intégration politique

Après la Seconde Guerre mondiale, pressentant l'accession du pays à l'indépendance, les Britanniques voulurent aider le Sud à rattraper le niveau de développement du Nord. Afin de favoriser le principe de l'intégration du Soudan du Sud et de constituer un nouvel État avec le Nord, le gouvernement colonial adopta une nouvelle politique linguistique et rendit l'arabe officiel dans tout le pays. Dans le Sud, un «système local» s'implanta: les enfants utilisaient leur langue maternelle (locale) comme langue d'enseignement, l'anglais comme matière d'enseignement, l'arabe en troisième année du primaire. Dans le Nord, le «système national» favorisa l'arabe comme seule langue d'enseignement jusqu'en quatrième année et l'anglais comme matière d'enseignement à partir de la cinquième année.

Pour certains observateurs, cette stratégie fut une erreur de la part des Britanniques qui ne comprirent pas que les peuples négro-africains du Sud n'avaient jamais voulus être politiquement liés aux peuples arabophones du Nord. D'ailleurs, les représentants sudistes avaient plutôt proposé une solution de type fédéral. Toutefois, mal préparés, les délégués sudistes furent incapables de défendre les intérêts de leurs nations au sein du futur État en gestation. Les partis sudistes furent marginalisés et le pouvoir fut monopolisé par les partis nordistes.

En 1954, l'agitation anti-nordiste se répandit dans tout le Sud, surtout lorsque les Britanniques commencèrent à remplacer dans le Sud les fonctionnaires anglais par des fonctionnaires nordistes. En août 1955, les sudistes de la 2e compagnie de l'Equatoria Corps (voir la carte) se mutinèrent et massacrèrent leurs officiers nordistes nommés en remplacement des officiers anglais. À la veille de l'indépendance, le Soudan se retrouvait avec deux élites sociales culturellement très différentes: le Nord était constitué d'une élite arabophone et musulmane; le Sud, d'une élite anglophile et chrétienne. Tout était en place pour un déclenchement des conflits linguistiques et d'une guerre civile qui, sauf pour la parenthèse de 1972-1983, n'a jamais cessé depuis.

3.2 L'indépendance du Soudan et la politique d'arabisation

Le Soudan devint un État indépendant le 1er janvier 1956. L'élite nordiste, plus nombreuse et mieux formée, s'empara de l'appareil administratif du pays et imposa ses options politiques au nom d'une «unité nationale» qui n'avait jamais existé. En vertu de l'idéologie unitaire, une seule langue nationale parut alors nécessaire. Le Nord prônait l'intégration par l'arabisation et l'islamisation de toute la société soudanaise, mais le Sud préconisait le pluralisme culturel et religieux du Soudan (incluant l'abolition de la Charia), tout en favorisant un système fédéral dans un État laïc.

Mais les régimes autoritaires qui se succédèrent après l'indépendance favorisèrent naturellement l'idéologie nordiste: le projet constitutionnel s'est orienté sur un Soudan unitaire, avec l'arabe pour langue officielle et l'islam pour religion d'État. À partir de 1965, l'arabe remplaça progressivement l'anglais, même dans l'enseignement supérieur. La dictature militaire du régime du général Abboud (1958-1964) imposa l'arabisation et l'islamisation dans tout le Sud: l'enseignement de l'arabe et de l'islam devint obligatoire. Toutes sortes de mesures furent instaurées pour accélérer le processus d'arabisation et d'islamisation, y compris les menaces, les arrestations et les massacres. Le répression systématique envers le Sud aggrava les tensions jusqu'à ce que les conflits armés aboutissent à une véritable guerre civile. En 1964, une «révolution populaire» mit fin à la dictature et installa un gouvernement de coalition, qui ne parvint pas cependant à rétablir la paix au sud.

3.3 L'accord d'Addis-Abeda (1972) et la fédéralisation du Soudan

En 1969, un autre coup d'État militaire instaura un nouveau régime d'inspiration plus socialiste. Le gouvernement décida de s'orienter vers une politique progressiste qui tenait compte des aspirations politiques et culturelles du Sud. Entre 1972 et 1983, sous le gouvernement du général Nimeiry, le Soudan a tenté une expérience de large autonomie avec une dévolution des pouvoirs législatif et exécutif à la région du Sud. 

En 1972, la signature entre la rébellion sudiste et le gouvernement de Khartoum de l'accord d'Addis-Abeba conféra un statut d'autonomie au Sud. Cet accord instaurait un État fédéral au Soudan, ainsi que, pour le Sud, une Assemblée régionale élue au suffrage universel et un Haut-Conseil exécutif, tous deux installés à Djouba, qui devenait la capitale de la région autonome du Sud. Les forces rebelles du Sud furent intégrées dans l'armée nationale et un effort particulier de développement dut être consenti en faveur du Sud.

Sur le plan linguistique, l'article 6 du chapitre II de la Southern Regional Self Government Act («Loi sur l'autonomie régionale des provinces du Sud») proclamait ce qui suit:

Article 6

Arabic shall be official language for the Sudan and English the principle language for the Southern Region without prejudice to the use of any language or languages, which may serve a practical necessity for the efficient and expeditious discharge of executive and administrative functions of the Region.
Article 6 [traduction]

L'arabe est la langue officielle du Soudan et l'anglais la langue principale de la région du Sud, sans préjudice de l'utilisation d'une ou de plusieurs autres langues, si celle(s)-ci contribue(nt) au fonctionnement efficace et rapide du gouvernement et de l'administration de la région.

L'accord d'Addis-Abeba ne comportait aucune indication supplémentaire sur la langue, mais laissait toute latitude quant à l'interprétation d'une politique linguistique. Dorénavant, la question linguistique ne relevait plus du seul gouvernement central. Le gouvernement régional du Sud (High Executiv Council) pouvait fixer les grandes lignes de sa propre politique linguistique.

Le Soudan fédéralisé adopta une nouvelle constitution en 1973. Celle-ci contenait trois dispositions à caractère linguistique. L'article 10 proclamait l'arabe comme seule langue officielle:

Article 10

The Arabic language shall be the official language of the Democratic Republic of the Sudan.

Article 10 [traduction]

La langue arabe sera la langue officielle de la République démocratique du Soudan.

La Constitution ne faisait pas mention de l'anglais. L'article 38 précisait que les Soudanais étaient égaux, quelles que soient leur origine, leur langue ou leur religion.

Article 38

All persons in Democratic Republic of the Sudan are equal before Courts of law. The Sudanese have equal rights and duties, irrespective of origin, race, locality, sex, language or religion.

Article 38  [traduction]

Quiconque vit dans la République démocratique du Soudan est égal devant les tribunaux. Les Soudanais ont des droits et des devoirs égaux, indépendamment de leur origine, de leur race, de leur localité, de leur sexe, de leur langue ou de leur religion.

La troisième disposition (art. 139) déclarait que l'arabe était la langue officielle du Parlement, mais que l'on pouvait faire usage d'une autre langue: «Néanmoins, toute langue autre que l'arabe pourra être utilisée avec la permission du président de l'Assemblée ou des présidents des comités.»

Article 139

The deliberations of the People's Assembly, business of its Committees and its correspondence shall be conducted in Arabic. Nervertheless, any language other than Arabic may be used with the permission of the Speaker or Chairmen of Commission.

Article 139  [traduction]

Les délibérations de l'Assemblée du peuple, de affaires de ses comités et de sa correspondance doivent se découler en arabe. Néanmoins, toute autre langue que l'arabe peut être utilisée avec l'autorisation du président de l'Assemblée ou des présidents de commission.

Dans les faits, l'anglais redevint la langue administrative et judiciaire du Soudan du Sud, même si l'arabe continuait d'être utilisé concurremment. Le ministère de l'Éducation nationale opta pour une politique bilingue, afin de permettre une meilleure intégration des élèves sudistes dans le système national et de préserver l'accord d'Addis-Abeba (reconnaissance des langues locales et de l'anglais).

Dans le Sud, bien que la politique d'arabisation et d'islamisation ait été rejetée, les tentatives de promouvoir les langues locales n'ont pu aboutir. Dès 1980, le gouvernement régional a dû admettre l'échec de ses politiques linguistiques: faute de moyens financiers suffisants, la situation scolaire s'est dégradée et les élèves n'ont reçu une instruction adéquate ni en anglais ni en arabe. La politique de récupération des langues locales n'a pu être menée à terme. Les réalités socio-économiques (exode rural, mariages mixtes, mouvements de population nord-sud, suprématie des marchands arabophones, etc.) ont plutôt contribué à déstabiliser les sociétés traditionnelles et à faire régresser les langues locales.

Au lieu d'implanter l'anglais et les langues locales du Sud, la politique linguistique a eu pour effet de favoriser l'arabe sud-soudanais, une variété dialectale distincte de l'arabe nord-soudanais et de l'arabe officiel, et une langue véhiculaire appelée le Juba-arabic (l'«arabe de Djouba», ex-capitale du Soudan du Sud), une variété d'arabe créolisé.

La guerre entre le Nord et le Sud prit fin en 2005. Au terme du conflit, le Soudan du Sud obtint de Khartoum une certaine autonomie politique, économique et religieuse. En majorité chrétiens, les Soudanais du Sud se sont affranchis du régime islamique et de sa Charia. En janvier 2011, les quelques neuf millions de Sud-Soudanais se sont prononcés par référendum sur l'indépendance de leur région. Le OUI  l'a emporté avec plus de 98 % des votes. L'indépendance du Sud était donc désirée par la quasi-totalité des Sud-Soudanais, appuyés notamment par les États-Unis. Juba est devenue la capitale du nouveau pays qui s'appellera le Soudan du Sud (forme longue: république du Soudan du Sud ou Republic of South Sudan). Quant au président de la république du Soudan, Omar el-Béchir, depuis le mois de mars 2009, il est sous le coup d'un mandat d'arrêt international, à la suite d'une décision de la Cour pénale internationale (CPI). Le président soudanais a décidé de ne faire aucun cas de ce mandat qui n'est «qu'un complot néocolonialiste». Pour Khartoum, la CPI ne serait «qu'un instrument d'une guerre» contre le Soudan. 

3.4 Le Soudan du Sud et l'indépendance (2011)

Après cinquante ans de luttes contre le pouvoir central de Khartoum, le Soudan du Sud a accédé à l'indépendance le samedi 9 juillet 2011. Mais le nouveau pays devait faire face à des défis énormes. Après des décennies de guerre, les indicateurs sociaux étaient au plus bas, les infrastructures, telles que les routes, demeuraient embryonnaires et les finances de ce nouvel État, qui n'avait pas encore de monnaie, dépendaient des revenus du pétrole et de la bonne volonté des bailleurs de fonds internationaux. De plus, le Soudan du Sud reste parmi les pays les plus pauvres de la planète. Selon l'article 6 de la nouvelle Constitution (provisoire), l'anglais est la seule langue officielle, les autres étant des langues nationales (dont le dinka, le bari, le toposa, le zande et les langues moro-madi) :

Section 6

Language

1)
All indigenous languages of South Sudan are national languages and shall be respected, developed and promoted.

2) English shall be the official working language in the Republic of South Sudan, as well as the language of instruction at all levels of education.

3) The State shall promote the development of a sign language for the benefit of people with special needs.
Article 6

Langue

1)
Toutes les langues indigènes du Soudan du Sud sont des langues nationales et elles doivent être respectées, promues et développées.

2) L'anglais est la langue officielle de travail dans la république du Soudan du Sud, ainsi que la langue d'enseignement à tous les niveaux de l'éducation.

3) L'État doit promouvoir le développement d'une langue des signes pour le bénéfice des personnes ayant des besoins spéciaux.

Dans les écoles, l'anglais a déjà commencé à remplacer l'arabe imposé par Khartoum. Le gouvernement s'est engagé à traduire la Constitution «dans les langues nationales» et de diffuser aussi largement que possible les différentes versions. Évidemment, les cartes de la région devront être redessinées. Le Soudan du Sud compte dix États, eux-mêmes subdivisés en 86 comtés.

- Les affrontements

Les affrontements avec la république du Soudan ne sont pas nécessairement terminés, en raison des points non encore résolus comme le tracé des frontières, le partage des ressources pétrolières et la question de la dette. Précisons que le Soudan du Sud détient désormais 75 % de la production pétrolière soudanaise, alors que les infrastructures pour acheminer le pétrole sont dans le Nord. Or, le tracé des frontières est un problème de taille, car le pétrole se trouve justement près de la frontière qui sépare les deux États, celui du Nord et celui du Sud. On peut comprendre pourquoi le gouvernement de Khartoum tient à des frontières qui lui accorderaient le plus de revenus dus au pétrole. Les régions comme comme Heglig, près de l'État d'Unité, et Kaka, dans l'État du Nil supérieur, là où il y a une forte production pétrolière, sont des zones hautement disputées. De plus, des Des responsables soudanais ont indiqué que le Soudan prélèverait une part du pétrole sud-soudanais destiné à l'exportation en compensation (23 % des recettes) de l'utilisation par Djouba des infrastructures pétrolières de Khartoum. Pour le Soudan, il s'agit de compenser la perte des trois quarts de ses recettes pétrolières après la partition. Actuellement, 98 % des recettes du Soudan du Sud proviennent du pétrole.

D'ailleurs, un rapport publié le 17 septembre 2011 par la CEPO ("Community Empowerment for Progress Organization"), révélait que les communautés situées sur la frontière entre la république du Soudan et le Soudan du Sud étaient fortement militarisées et qu'elles étaient constamment confrontées à une grande insécurité et à la violence. Autrement dit, cette situation pourrait finalement conduire à une autre guerre.

- La reconstruction

Comme si cela ne suffisait pas, le Soudans du Sud est un pays extrêmement démuni, malgré ses réserves pétrolières. Non seulement les revenus du pétrole sont exploités par des entreprises étrangères, mais les écoles et les hôpitaux sont rares, l'industrie inexistante, l'économie limitée à l'agriculture familiale. De plus, Il n'existe aucune route en dehors de la capitale, Djouba. Finalement, l'administration du gouvernement dans les régions (ou les États fédérés) se résume souvent à un petit poste militaire. Après des décennies de guerre sanglante et brutale, presque tout doit être construit ou reconstruit. Pour un gouvernement déjà bien établi, ces problèmes représenteraient des défis écrasants. Pour le Soudan du Sud, aux prises avec un disfonctionnement de l'État et faisant face à des accusations de mauvaise gouvernance, de corruption et d'autoritarisme, c'est une tâche plus qu'herculéenne.

Mais le pays n'était pas au bout de ses peines. Le 31 août 2012, le gouvernement sud-soudanais annonçait la création d'une nouvelle capitale qui coûterait dix milliards de dollars US, la dépense étant étalée sur vingt ans, et ce, alors que la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté. Une année plus tard, le 23 juillet 2013, le président Salva Kiir congédiait son vice-président, Riek Machar, après que celui-ci eut manifesté son intention de postuler pour la fonction de président de la République lors des prochaines élections prévues en 2015. Un nouveau conflit éclata le 15 décembre 2013, tandis que de violents combats éclataient dans la capitale, Djouba, entre les partisans du président Salva Kiir et ceux du vice-président Riek Machar.

En somme, le pays est encore déchiré par des tensions ethniques : d'un côté, les Dinkas, l'ethnie majoritaire de Salva Kiir, de l'autre, les Nuers, l'ethnie de Riek Machar. Les rebelles appuient Machar qui est maintenant un fugitif recherché par l'armée. Comme si ce malheureux pays avait besoin d'un conflit aussi futile que coûteux ! Des médiateurs africains tentent de réunir à la même table les représentants des deux rivaux. De son côté, l'ONU a déclaré avoir découvert au moins un charnier et annoncé que 120 000 Soudanais du Sud ont déjà été déplacés par le conflit. Les problèmes linguistiques ne constituent certainement pas l'une des priorités de l'État sud-soudanais.

Il y a trois ans, les Sud- Soudanais votaient leur indépendance après plus de cinquante ans de guerre civile contre leur voisin du Nord, le Soudan. En 2011, lors de l'annonce du résultat du vote d'indépendance, tous les médias du monde étaient présents à Djouba, et tous s'attendaient à des scènes de chaos dans ce pays nouvellement né. Les Sud-Soudanais pouvaient prouver au monde entier qu'ils étaient un peuple pacifique prêt à gouverner leur pays. Quatre ans après l'indépendance, la plus jeune nation du monde n’a plus rien à célébrer. 

- Les rivalités ethniques

Guerre, viol et pillage, le bilan est sombre pour le Soudan du Sud, indépendant depuis 2011 et en proie à une guerre fratricide. Les combats au Soudan du Sud ont fait 20 000 morts et deux millions de déplacés. Le conte de fées du pays opprimé par le Soudan du Nord, qui devient enfin libre, a tourné au cauchemar, alors que les tensions ethniques continuent de ravager les espoirs d'un avenir meilleur pour ce pays récemment qualifié d'«État le plus fragile du monde» par le "Fund for Peace". Au lieu de se développer, le Soudan du Sud s'est embourbé dans une guerre futile.
 

Avant même de pouvoir toucher les avantages de l’indépendance, la lutte de pouvoir entre le président Salva Kiir et le vice-président Riek Machar a précipité de nouveau le pays vers l’abîme. En décembre 2013, la guerre a éclaté entre les partisans des deux «héros de l'indépendance», le président Salva Kiir et les partisans de l'ex-vice-président, Riek Machar, entraînant avec eux la population des ethnies dinka (proche de Salva Kiir) et nuer (de Riek Machar). Les deux principaux rivaux politiques, issus de ces deux principales ethnies, se font la guerre et prétendent tenir des discussions pour un accord de paix qui n'aboutit jamais. La querelle d’ego et la lutte pour le pouvoir ont ainsi dégénéré en conflit ethnique.  En réalité, chacun se bat sans trop savoir pourquoi. Après s'être battus pour l'indépendance pendant vingt ans, les Sud-Soudanais se battent aujourd'hui pour édifier un clivage ethnique, qui n'avait jamais eu lieu auparavant. Pendant que Riek Machar est qualifié de «nullité intellectuelle», Salva Kiir est qualifié d'«imbécile heureux» et d'«alcoolique au dernier degré».

Il y a lieu de citer ce proverbe africain: «Quand il y a deux éléphants qui se battent, c'est l'herbe qui prend.» C'est ce qui se passe au Soudan du Sud : Riek Machar et Salva Kiir se font la guerre, mais c'est toute la population qui en paie les frais. Ces violences démontrent la difficulté de la part du gouvernement central de maintenir la paix parmi la cinquantaine d'ethnies qui composent le plus récent pays du monde.

Le plus triste de cette déplorable histoire, c'est que les Sud-Soudanais n'ont jamais voulu cette guerre ethnique ou plutôt clanique, entre les Dinka et les Nuer. La rivalité se joue davantage au niveau des clans pour le contrôle de territoires d’élevage. Les Sud-Soudanais espéraient sans doute pouvoir vivre en paix après vingt ans de guerre civile, sans avoir peur d'être coincés dans un champ de bataille. Aujourd'hui, l'ethnie la plus importante du pays, les Dinka, est accusée de confisquer le pouvoir à son profit. Évidemment, les massacres ethniques et claniques sont commis par les deux camps.

C'est pourquoi des milliers de Sud-Soudanais se sont réfugiés au Soudan (Nord), en Éthiopie et en Ouganda, alors que des milliers d'autres se sont placés sous la protection des Nations unies dans des camps de protection de civils. Cette tragédie ne compte plus ses morts. Les déplacés s'élèvent à 1,5 million, soit 10 % de la population totale. Comme si ce n'était pas suffisant, la récente apparition du choléra fait craindre une épidémie et la pénurie alimentaire, sinon la famine. Près de 4,6 millions de personnes souffrent de faim aiguë et sont menacées par la famine, soit 40 % de la population. De plus, la violence contre les enfants au Soudan du Sud a atteint un nouveau sommet dans la brutalité et la cruauté. Les enfants sont violés, châtrés et brûlés. Plus de 13 000 enfants-soldats ont été enrôlés de force par les belligérants.

Selon le Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), environ 32 000 Sud-Soudanais ont trouvé refuge au Soudan depuis le début de l’année 2017 et des dizaines de milliers d’autres devraient les imiter dans les mois à venir. Plus de trois millions de personnes ont été déplacées. Aujourd'hui, les informations qui émanent désormais de ce pays ravagé par la guerre civile sont plus horrifiantes les unes que les autres. Il est évident que dans ces conditions les questions linguistiques vont passer à l'arrière-plan.

4 La politique linguistique du Soudan du Sud

Il est encore bien tôt pour décrire de façon convenable la politique linguistique du Soudan du Sud. À la lumière des dispositions constitutionnelles de 2011, on sait que l'anglais va remplacer l'arabe imposé par le Nord (république du Soudan). Bien que l'anglais ne soit pas parlé par la population, il a été choisi comme langue officielle dans le but de s'opposer à l'arabe et à l'islam, et de se rapprocher de ses voisins anglophones, soit l'Ouganda et le Kenya. Les nouveaux dirigeants du pays croient aussi que l'anglais les rendra différents et modernes. Ils croient aussi que le Soudans du Sud peut devenir une seule nation en nivelant les différences tribales et communiquer ainsi avec le reste du monde.

Quoi qu'il en soit, le pays est dévasté, les villages demeurent éloignés les uns des autres avec principalement des chemins de terre pour les relier. Il n'existe pas d'industrie, à peu près pas de banques, alors que l'électricité est offert sur une base irrégulière et que 85% des gens sont analphabètes avec une système d'éducation très déficient. Comment réussir à faire apprendre l'anglais dans de telles conditions? À l'ouest du pays, on trouve deux États «francophones», la Centrafrique et le Congo-Kinshasa. Le nouvel État aurait pu théoriquement choisir le français, mais l'anglais, la  langue de l'ancien colonisateur britannique, s'est révélé un choix plus approprié.

4.1 La législation sud-soudanaise

Les lois du pays demeurent pour l'essentiel celles adoptée en 2003, alors que le Soudan du Sud faisait encore partie de la république du Soudan. La "Southern Sudan Legislative Assembly" (ou Assemblée législative du Soudan du Sud) ne fut créée que le 9 janvier 2005 et, en 2011, elle fut désignée comme la "National Legislature of South Sudan" (ou Assemblée législative nationale du Soudan du Sud). Depuis l'indépendance, il existe un parlement national à deux chambres, constitué de l'Assemblée législative nationale et du Conseil des États, une sorte de Chambre haute équivalant à un Sénat.

Les lois sont toutes rédigées et promulguées en anglais, mais les députés peuvent s'exprimer oralement en arabe soudanais. Le Soudan du Sud a laissé tomber le Code pénal soudanais basé sur le droit islamique (Charia). Dans tous les tribunaux, l'anglais et l'arabe sud-soudanais sont admis dans les tribunaux, ce qui inclut la Cour suprême, les cours civiles normales et les cours criminelles, les tribunaux militaires et les cours tribales. En cas de nécessité, les juges font appel à des interprètes. La langue écrite des cours de justice est généralement l'anglais ou l'arabe sud-soudanais (parfois certaines langues locales).

4.2 Les services publics

Depuis sa fondation le 9 juillet 2011, le Soudan du Sud n'a adopté aucune loi traitant de la langue, hormis la Constitution provisoire. Même la Loi sur la nationalité de 2011 dans son article 8 ne fait pas mention de la langue, mais de l'appartenance pour un individu «à l'une des communautés ethniques autochtones du Soudan du Sud» pour être considéré comme un ressortissant du pays:  

Article 8

Conditions d'admissibilité

1) Toute personne née avant ou après l'entrée en vigueur de la présente loi est considérée comme un ressortissant soudanais du Sud par la naissance si celle-ci satisfait aux conditions suivantes :

a) tous les parents, grands-parents ou arrière-grands-parents de cette personne, de descendance masculine ou féminine nés au Soudan du Sud; ou

b) cette personne appartient à l'une des communautés ethniques autochtones du Soudan du Sud.

2) Toute personne doit être considéré comme un ressortissant du Soudan du Sud par la naissance, si au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi:

a) elle a été domiciliée au Soudan du Sud depuis le 1er janvier 1956 ; ou

b) si l'un de ses parents ou grands-parents a été domicilié au Soudan du Sud depuis le 1er janvier 1956.

3) Toute personne née après l'entrée en vigueur de la présente loi doit être un ressortissant du Soudan du Sud par la naissance si son père ou sa mère était un ressortissant du Soudan du Sud par la naissance ou par naturalisation au moment de la naissance cette personne.

4) Toute personne qui est ou a été d'abord trouvé au Soudan du Sud comme enfant abandonné de parents inconnus est, jusqu'à preuve du contraire, réputée pour être un ressortissant du Soudan du Sud par la naissance

Il ne semble donc pas nécessaire de connaître la langue officielle (l'anglais), ni une quelconque langue nationale, pour être citoyen sud-soudanais. Dans les services publics, l'anglais est la langue normale de l'Administration, mais l'arabe sud-soudanais et certaines langues locales (nuer, dinka, zande, shilluk, etc.) sont couramment utilisées. Il faut aussi souligner que beaucoup de fonctionnaires ignorent l'anglais ou sont incapables de soutenir une conversation dans cette langue, y compris à l'aéroport international de Juba.

4.3 Le système judiciaire

En vertu de l'article 66 de la Loi sur la procédure civile (2003), la langue officielle des tribunaux est l'anglais, mais un tribunal peut autoriser l'emploi d'une autre langue par l'intermédiaire d'un interprète assermenté, sous réserve d'une loi prévoyant des dispositions à ce sujet dans certains cas ou dans certaines localités:

Article 66

Langue officielle des tribunaux

La langue officielle des tribunaux est l'anglais, mais un tribunal peut entendre des parties ou des témoins qui ignorent l'anglais dans une autre langue grâce à un interprète assermenté, sous réserve d'une loi prévoyant des dispositions à ce sujet dans certains cas ou dans certaines localités.

Dans les faits, la plupart des citoyens du Soudan du Sud ne connaissent pas l'anglais. Par conséquent, le recours à un interprète demeure encore incontournable. Cela signifie que le droit à l'usage de la langue maternelle n'existe pas sans la présence d'un interprète et que le juge n'est pas tenu de connaître la langue du justiciable. 

En matière pénale, le Code de la Loi sur la procédure pénale (2008) prévoit plusieurs dispositions concernant l'emploi des langues. Ainsi, l'article 196 prescrit normalement l'usage de l'anglais de la part des témoins et des accusés:

Article 196

Saisie et enregistrement de la preuve

(1) Sauf disposition contraire prévue dans la présente loi, tous les éléments de preuve dans les procès doivent être pris en présence de l'accusé ou, lorsque sa présence personnelle est autorisée, en présence de son défenseur ou de son avocat.

(2) Sauf disposition contraire prévue dans la présente loi, le témoignage de chaque témoin ainsi que l'examen et la déclaration (le cas échéant) de l'accusé doivent être enregistrée par écrit en anglais, ou lorsqu'il est nécessaire, dans une autre langue courante dans le Soudan du Sud.

Cependant, dans un pays où la quasi-totalité de la population ignore l'anglais, il est peu probable qu'un tribunal puisse se restreindre à cette unique langue. C'est pourquoi l'article 203 du Code de la Loi sur la procédure pénale prévoit un système de traduction afin que l'accusé comprenne les témoignages qui le concernent:

Article 203

Langue incomprise par l'accusé

Lorsqu'un témoignage est donnée dans une langue incomprise par l'accusé et que celui-ci est présent dans la cour, il doit lui être traduit dans une langue qu'il comprend.

L'article 233 du Code de la Loi sur la procédure pénale impose que l'acte d'accusation soit rédigé en anglais ou, lorsque c'est nécessaire, dans une autre langue qui prévaut dans la région:

Article 233

Accusation à une infraction de l'État

(4)  L'acte d'accusation doit être rédigé en anglais ou, lorsque c'est nécessaire, dans une autre langue qui prévaut dans la région.

Cela ne signifie pas que le personnel judiciaire connaisse la langue du justiciable, mais qu'un traduction à partir de l'anglais soit faite de façon à ce que ce dernier comprenne les motifs de l'accusation. Il en est ainsi pour le prononcé de la sentence qui doit être rendue en anglais; mais si c'est nécessaire, le jugement peut aussi être rendu dans une autre langue qui prévaut dans la région (art. 248 de la même loi):

Article 248

Langue et modalité de rendre un jugement

(1) En vertu de la présente loi, le jugement doit être rédigé en anglais dans chaque procès ; en cas de nécessité, il peut cependant être rendu aussi dans une autre langue qui prévaut dans la région.

Enfin, l'article 256 du Code de la Loi sur la procédure pénale précise que, à la demande de l'accusé, une copie du jugement doit lui être donnée avec, si possible, une traduction dans sa propre langue, sans délai et gratuitement:

Article 256

Copie du jugement à donner à l'accusé sur demande

À la demande de l'accusé, une copie du jugement ou, lorsqu'il le désire et cela est possible, une traduction de celui-ci dans sa propre langue doit lui être transmise sans délai. Cette copie doit être offerte sans frais.

Compte tenu du nombre considérable des langues dans le pays, il est peu probable que la traduction soit toujours possible.

De toute façon, la mise en application de ces lois au Soudan du Sud constitue un véritable défi pour le nouvel État, car le système judiciaire est présentement quasi inexistant. En effet, les juges manquent de formation, de matériel, de place, tandis que la majorité de la population a recours à la justice traditionnelle pour régler les conflits, notamment familiaux. Ainsi, dans le centre ville de Djouba, un vieux bâtiment abrite à la fois la Cour suprême, la plus haute juridiction du pays, ainsi que la Cour d'appel, la Haute Cour de justice et les tribunaux de première instance de l'État d'Equatoria-occidental. Après des décennies de guerre civile, la mise en place d'un système judiciaire ne semble pas, dans ce situation désolante, faire partie des priorités du gouvernement, du moins pour l'instant.

4.4 L'éducation

En éducation, la guerre civile a provoqué l'effondrement complet du système d'éducation. Les seules écoles encore debout durant la guerre civile étaient celles dirigées par les Églises chrétiennes, car le gouvernement soudanais interdisait de construire de nouveaux bâtiments. On estime que le taux d'analphabétisme dans le Sud était de 85 % à 90 % chez les femmes et de 80 % chez les hommes. Une génération complète de Soudanais du Sud a été sacrifiée, faute d'avoir pu s'instruire suffisamment. Aujourd’hui, près des trois quarts des adultes du plus jeune pays du monde sont incapables de lire ou d’écrire. De plus, l'état des établissements scolaires s'est considérablement dégradé durant les années de guerre civile; la plupart des villages du Sud (et du Darfour) manquent d'enseignants. 

Sous l'ancien régime, lorsque les écoles fonctionnaient, les élèves des deux premières années du primaire recevaient un enseignement dans leur langue maternelle (locale). Par la suite, l'arabe ou l'anglais devenaient des matières d'enseignement. Au secondaire, la langue qui n'avait pas été enseignée comme comme matière d'enseignement devenait un sujet d'enseignement. Environ, la moitié des classes du secondaire recevait un enseignement moitié en arabe et moitié en anglais. Cependant, l'emploi de l'arabe comme un matière d'enseignement dans les écoles du Sud reste un problème d'ordre politique, car beaucoup de sudistes considèrent l'arabe comme un élément de la domination culturelle du Nord.

En 2011, selon le National Statistical Booklet, le taux net de scolarisation était le suivant 42,9 % au primaire et 2,36 % au secondaire:

Niveau Garçons Filles Moyenne
Primaire 48,05 % 37,13 % 42,91 %
Secondaire 2,73 % 1,94 % 2,36 %

C'est l'un des plus bas taux de scolarisation au monde, sinon le plus bas. Selon un rapport publié par le bureau sud-soudanais du Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), 70% des enfants de 6 à 17 ans n’ont jamais mis les pieds dans une salle de classe et seul un enfant sur 10 termine ses études primaires. Bref, seuls 10 % des enfants scolarisés en première année terminent le cycle primaire.

La situation semble encore plus complexe depuis que les autorités du Soudan du Sud ont décidé d’adopter l’anglais comme langue d’enseignement et ont abandonné l’arabe associé avec le Nord. Ce changement pose un défi pour la plupart des enseignants et des élèves, car l'anglais n'est la langue maternelle de personne au Soudan du Sud. Or, la plupart des experts en éducation croient que les enfants devraient d’abord apprendre à lire et à écrire dans leur langue maternelle. Malgré l'imposition de l'anglais dans les écoles, faute d'enseignants et selon les régions, certaines langues nationales sont enseignées comme langue première dans les écoles. L'anglais est aussi devenu une langue seconde enseignée aux deux cycles du secondaire et un véhicule d'enseignement dans certaines universités. Il est probable aussi que le français devienne une langue étrangère obligatoire dans l'enseignement secondaire. En vertu de la Loi générale sur l’éducation de 2012, l’apprentissage précoce de la lecture doit être pratiqué dans les langues indigènes. Cette disposition semble se retrouver par les nouveaux programmes scolaires, la langue maternelle étant le mode d’instruction pour le développement de la petite enfance et de la 1re à la 3e année scolaire.

L'article 9 de la Loi générale sur l'éducation énonce aussi que le but du système d'éducation st de «fournir des possibilités d'apprentissage aux apprenants qui ont raté leur éducation formelle dans le système d'éducation de base et à ceux qui n'ont jamais rejoint l'éducation primaire». La loi a enfin pour objectifs spécifiques d'éradiquer l'analphabétisme, d'améliorer l'employabilité des jeunes et des adultes, et de promouvoir l'apprentissage tout au long de la vie pour tous les citoyens.

D'ailleurs, beaucoup de Soudanais du Sud considèrent que le gouvernement devrait élaborer une politique plus ouverte aux langues indigènes nationales comme moyens d'enseignement, au lieu d'adopter une langue étrangère, l'anglais, une politique qui est loin d'avoir réussi dans la plupart des pays africains. Des études récentes démontreraient que les taux d'instruction en Afrique sont parmi les plus bas au monde en raison de l'utilisation des langues étrangères comme l'anglais ou le français comme moyens d'instruction dans les écoles. Pour plusieurs Africains, ces politiques linguistiques, comme celle du Soudan du Sud, constituent un héritage du colonialisme, une héritage que les gouvernements locaux n'ont pas voulu changer.

4.5 Les entreprises privées

Depuis plusieurs années, le Soudan du Sud a prévu des dispositions législatives afin d'assurer l'usage de la langue anglaise de la part des entreprises privées: Loi sur les assurances (2003); Loi sur les compagnies (2003); Loi sur les organisations non gouvernementales (2003).

L'article 23 de la  Loi sur les assurances impose l'usage de l'anglais dans l'enregistrement des livres et des comptes des institutions financières:

Article 23

Livres et comptes

Toutes les entrées dans les livres et tous les comptes, qui sont détenus par une institution financière, doivent être conservés et enregistrés en anglais en utilisant le système de numération employé dans les systèmes de compte fermés de notification (CANS).

En vertu de l'article 36 de la Loi sur les organisations non gouvernementales, tout document provenant d'une organisation non gouvernementale doit être rédigé en anglais et, si un tel document est dans une autre langue, il doit être accompagné d'une traduction conforme certifiée, la version anglaise prévalant en cas de conflit d'interprétation:

Article 36

Si un document ou une constitution d'une ONG est dans une autre langue que l'anglais, une traduction authentifiée en langue anglaise doit être prévue, et la version anglaise prévaudra en cas de contradiction.

Enfin, la Loi sur les compagnies compte de nombreuses dispositions concernant la langue anglaise auprès des compagnies locales ou étrangères. En réalité, tout ce qui peut économiquement fonctionner au Soudan du Sud appartient à des entreprises étrangères, notamment dans l'industrie pétrolière et dans le domaine du transport aérien. Les compagnies étrangères sont donc extrêmement présentes dans le pays. Elles sont en principe tenues d'employer l'anglais dans leurs documents officiels. Ainsi, l'article 365 de la Loi sur les compagnies impose aux compagnies étrangères l'usage de l'anglais dans leur charte, leurs statuts ou les circulaires et les dispositions concernant la compagnie ou tout autre instrument constituant ou définissant la constitution de ladite compagnie:

Article 365

Documents devant être envoyés au greffier par les compagnies étrangères faisant affaire au Nouveau Soudan

(1) Les sociétés étrangères qui, après le jour désigné, établissent une place d'affaires au sein du Nouveau Soudan doivent, dans les trente jours de la création de la place d'affaires, envoyer au greffier d'enregistrement:

(a) une copie certifiée conforme de la Charte, des statuts ou des circulaires et des dispositions concernant la compagnie ou tout autre instrument constituant ou définissant la constitution de ladite compagnie et, si le texte n'est pas rédigé en anglais, une traduction certifiée conforme à celui-ci.

Il en est de même pour les comptes rendus (art. 369):

Article 369

Comptes rendus d'une société étrangère

(2) Si lesdits documents mentionné au paragraphe 1 ne sont pas rédigés en anglais, une traduction certifiée conforme doit être annexée à ceux-ci.

Il faut comprendre que, selon l'article 370, l'usage de l'anglais est étendu au nom des compagnies, ainsi que dans les imprimés à en-tête, les papiers à lettre, les avis et toute autre publication officielle :

Article 370

Obligation du nom de l'entreprise étrangère, là où elle est limitée et incorporée dans un pays

(1) Toute société étrangère doit:

(c) produire le nom de la compagnie et du pays dans lequel l'entreprise est constituée et utiliser des lettres romaines lisibles dans tous les imprimés à en-tête et papiers à lettre, ainsi que dans tous les avis et autres publications officielles de la compagnie ; et

(d) si la responsabilité des membres de la compagnie est limitée, elle doit produire des avis rédigés en anglais avec des lettres romaines lisibles dans tous les notes d'information, tel qu'il est susmentionné, ainsi que dans les imprimés à en-tête, les papiers à lettre, les avis et toute autre publication officielle de la compagnie au Nouveau Soudan et les afficher en chaque lieu où elle exerce ses activités.

Le plus difficile pour le gouvernement sud-soudanais, c'est de faire respecter la loi, car il ne dispose d'aucun moyen réel pour vérifier si les compagnies étrangères se soumettent à cette loi.

4.6 Les médias

Dans les médias, la presse écrite est surtout d'origine étrangère. Elle paraît en anglais dans la plupart des cas: Afrik, All Africa, EIN News, Gurtong. Moreover, News Now, etc. Il existe des versions en français et en espagnol de Afrol News et d'Afrik. Le Juba Post est un journal local en anglais. La Soudan Radio Service (SRS) est le premier fournisseur de diffusion du Soudan indépendant; les émissions sont diffusées en anglais et dans onze langues nationales (arabe et arabe de Djouba, dinka, zande, moru, nuer, bari, shilluk, toposa, fur, masalit et zagawa. La South Sudan Television présente généralement ses émissions en anglais, mais certaines émissions sont en arabe soudanais et dans une dizaine de langues nationales.

Au Soudan du Sud, on ne peut pas parler encore d'une véritable politique linguistique, puisqu'elle est en phase d'élaboration. Il est certain que l'anglais remplacera l'arabe, mais il semble tout aussi probable que l'arabe sud-soudanais soit là pour rester. Cette variété d'arabe est employée dans les commerces et même par des représentants des partis politiques lorsqu'ils s'adressent à des auditoires urbains mixtes qui ne pourraient pas être comprendre l'anglais ou l'arabe classique. Par ailleurs, certaines langues nationales africaines devraient être protégées, bien qu'on ne sache pas encore jusqu'où cette protection pourrait s'étendre et surtout comment la politique linguistique serait appliquée.

Le Soudan du Sud est un pays en construction, qui pourrait profiter de l'occasion pour s'affranchir du colonialisme linguistique du passé, y compris l'anglais. Mais il est fort à parier que le gouvernement sud-soudanais ne fera rien en ce sens, tellement peut être grande la force de l'inertie en matière de langue, car toute politique linguistique est aussi une question de gros sous. Or, le Soudan du Sud est l'un des pays les plus pauvres de toute l'Afrique. Au cours des prochaines années, les priorités seront ailleurs. Il n'en demeure pas moins que le Soudan du Sud risque de frapper un mur en aménagement linguistique, s'il ne fait pas plus de place à ses langues nationales. Des conflits sont à prévoir entrer les principales ethnies du pays. Il est évident que le Soudan du Sud a choisi l'anglais pour s'opposer au Soudan (du Nord) qui a choisi l'arabe (l'arabe classique), en espérant que le poids de l'anglais sera plus fort que celui de l'arabe. Dans les deux pays, ce sont deux langues officielles que personne ne parle.
 

Dernière mise à jour: 27 déc. 2023
 

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