République populaire de Chine

4. La politique
à l'égard du chinois officiel

1 Une reconnaissance juridique ambiguë

Quand on analyse les quelques rares textes juridiques concernant le chinois officiel, le putonghua (普通话), force est de constater que les dispositions ne font aucune allusion au caractère officiel de la langue chinoise. En effet, la Constitution de 1982 de la République populaire de Chine ne proclame pas le putonghua langue officielle de l'État. Les articles 4, 19, 120, 121,122 et 139 de la Constitution ne font aucunement mention du chinois officiel. Tout au plus, le paragraphe 5 de l'article 19 précise ce qui suit: «L'État encourage l'emploi de la langue commune dans l'ensemble du pays» (putonghua). On ne précise pas si le putonghua est la langue officielle. 
 
第十九条

国家发展社会主义的教育事业,提高全国人民的科学文化水平。
Guójiā fāzhǎn shèhuì zhǔyì de jiàoyù shìyè, tígāo quánguó rénmín de kēxué wénhuà shuǐpíng.

国家推广全国通用的普通话
Guójiā tuīguǎng quánguó tōngyòng de pǔtōnghuà.
Article 19

1) L'État développe l'éducation socialiste pour élever le niveau scientifique et culturel de tout le peuple.

5) L'État encourage l'emploi de la langue commune dans l'ensemble du pays.

Un second texte législatif, la Loi sur l'autonomie des régions ethniques de 1984 (aujourd'hui abolie), traitait des langues des minorités nationales. Sur les 67 articles de la loi, aucun article ne faisait mention du caractère officiel ou national du putonghua.  L'adjectif officiel n'y apparaissait guère, pas plus que l'adjectif national, sauf dans l'expression «Congrès national du peuple» (art. 19). L'article 49 fait allusion au putonghua en tant que «chinois standard» ou «chinois commun», sans plus.

第四十九条

民族自治地方的自治机关教育和鼓励各民族的干部互相学习语言文字。汉族干部要学习当地少数民族的语言文字,少数民族干部在学习、使用本民族语言文字的同时,也要学习全国通用的普通话和规范文字。

Mínzú zìzhì dìfāng de zìzhì jīguān jiàoyù hé gǔlì gè mínzú de gànbù hù xiàng xuéxí yǔyán wénzì. Hànzú gànbù yào xuéxí dāngdì shǎoshù mínzú de yǔyán wénzì, shǎoshù mínzú gànbù zài xuéxí, shǐyòng běn mínzú yǔyán wénzì de tóngshí, yě yào xuéxí quánguó tōngyòng de pǔtōnghuà hé guīfàn wénzì.

Article 49 [abrogé]

1) Les institutions autonomes d'une zone d'autonomie nationale instruisent les cadres de toute nationalité et les encouragent à apprendre la langue et écriture de chacune. Les cadres de nationalité han doivent étudier les langues et écritures des minorités nationales locales, et les cadres de minorités nationales, en même temps qu'ils étudient et utilisent leur propre langue et écriture, doivent également apprendre le putonghua, le chinois standard, et l'écriture chinoise utilisés dans tout le pays.

La Loi sur l'autonomie des régions ethniques de 1984 a été remplacée en 2001 par la Loi sur l'autonomie des régions ethniques, dont le nouvel article 49 se lit comme suit:

第四十九条

民族自治地方的自治机关教育和鼓励各民族的干部互相学习语言文字。汉族干部要学习当地少数民族的语言文字,少数民族干部在学习、使用本民族语言文字的同时,也要学习全国通用的普通话和规范文字。
Dì sìshíjiǔ tiáo mínzú zìzhì dìfāng de zìzhì jīguān jiàoyù hé gǔlì gè mínzú de gànbù hù xiàng xuéxí yǔyán wénzì. Hànzú gànbù yào xuéxí dāngdì shǎoshù mínzú de yǔyán wénzì, shǎoshù mínzú gànbù zài xuéxí, shǐyòng běn mínzú yǔyán wénzì de tóngshí, yě yào xuéxí quánguó tōngyòng de pǔtōnghuà hé guīfàn wénzì.

民族自治地方的国家工作人员,能够熟练使用两种以上当地通用的语言文字的,应当予以奖励。
Mínzú zìzhì dìfāng de guójiā gōngzuò rényuán, nénggòu shúliàn shǐyòng liǎng zhǒng yǐshàng dàng de tōngyòng de yǔyán wénzì de, yīngdāng yǔyǐ jiǎnglì.

Article 49

1) Les organismes autonomes des régions autonomes ethniques doivent instruire et encourager les cadres de tous les groupes ethniques à apprendre les langues parlées et écrites les uns des autres. Les cadres de la nationalité han doivent apprendre la langue et l'écriture des minorités locales, et tout en apprenant et en employant la langue et l’écriture de leurs propres groupes ethniques, ils devraient également apprendre le putonghua et l’écriture normalisée commune dans tout le pays.

2) Les fonctionnaires de l'État dans les zones autonomes ethniques, qui maîtrisent deux ou plusieurs langues locales couramment utilisées seront récompensés.   

Il faut comprendre que le mot pǔtōnghuà peut se traduire par «mandarin», «langue commune» ou «chinois standard».

Le texte législatif le plus important, la Loi sur la langue et l’écriture communes nationales (2001) ne mentionne pas davantage le caractère officiel du putonghua. Sur les 28 articles, la loi ne parle que du putonghua en tant que «la langue et de l'écriture communes nationales». Voici le libellé de l'article 2 à ce sujet: «La présente loi entend par ''langue et écriture communes nationales'' le putonghua et les caractères chinois normalisés.» Bref, aucun article dans la loi linguistique la plus importante du pays ne proclame le caractère officiel du putonghua.  Or, en 1956, le gouvernement chinois avait défini le putonghua comme la «langue commune» de la Chine, avec comme norme phonétique la prononciation de la capitale (Pékin); l'usage linguistique devait correspondre à celui du nord du pays. Cet usage n'est pas seulement encouragé, il est, dans les faits (de facto), devenu obligatoire. Le putonghua désigne donc la langue officielle de la Chine, mais il n'est pas proclamé selon ces termes.

 Dans la mesure où l'adjectif «nationales» (plur.) fait partie de l'expression «langue et écriture nationales», on peut comprendre que le putonghua est non seulement la langue commune des Han, mais aussi la langue nationale d'usage commun.  Cela dit, la politique linguistique de la République populaire de Chine compte deux volets: l'un concerne le putonghua, l'autre, les langues des minorités nationales. Pour le moment, nous allons nous intéresser au premier volet de cette politique.

2 La réforme et la standardisation de la langue chinoise

Cette politique axée sur le code de la langue a depuis longtemps préoccupé les dirigeants chinois. En effet, dès 1940, celui qui deviendra le président de la République populaire de Chine, Mao Tsé-toung, avait publié un essai intitulé De la démocratie nouvelle, dans lequel il lançait un appel pour que la langue écrite chinoise soit réformée et simplifiée.  La simplification des caractères paraissait nécessaire, car elle visait à mettre fin à l'analphabétisme des Chinois. Étant donné que l'apprentissage des milliers de caractères de base (plus de 6000) nécessitait de nombreuses années d'apprentissage, la simplification de ces derniers ne pouvait que favoriser l'acquisition de la lecture et de l'écriture. En 1951, le président Mao avait fixé son choix sur l'alphabétisation phonétique du chinois: «Notre langue écrite doit être réformée; la direction à prendre est celle de la phonétisation, ce qui est commun à toutes les langues du monde.» Mais il faut comprendre que la simplification de l'écriture est passée par deux systèmes: celle des caractères traditionnels et celle de l'alphabet pinyin.

2.1 La simplification des caractères traditionnels

Comme d'autres écritures anciennes, le chinois écrit provient d'une symbolisation picturale. Il n'a évolué vers une représentation mot à mot de la langue que lorsque ses utilisateurs eurent compris que certains termes trop abstraits pouvaient être indiqués par leur son, plutôt que par leur sens. Toutefois, à l'inverse des autres systèmes d'écriture, qui ont tous évolué vers une représentation alphabétique  des mots — c'est-à-dire essentiellement phonétique —, le chinois fonctionne encore autant de manières pictographiques que phonétique.

En outre, la représentation des sons n'a pas suivi l'évolution de la langue parlée, et reflète toujours la prononciation d'il y a 3000 ans. Chaque idéogramme représente à la fois un mot et une syllabe, et chaque mot dispose d'un signe, ce qui rend le système peu économique: près de 6000 à 8000 caractères; on peut compter jusqu'à 80 000 signes dans certains dictionnaires scientifiques. Cette complexité a rendu nécessaires plusieurs réformes au cours des années. La réforme de 1977 a permis de simplifier le système au point qu'avec 2238 caractères, il est possible de satisfaire aux besoins de l'usage courant. Les caractères dits simplifiés renvoient aux caractères employés maintenant en Chine par opposition aux «caractères complexes» utilisés auparavant et encore en usage à Taiwan et à Hong-Kong.

Dès son arrivée au pouvoir, le président Mao Tsé-toung prôna le réaménagement des caractères chinois, diffusa le putonghua (la «langue commune») en tant que langue officielle et établit le Système d'alphabet phonétique chinois (1958) appelé pynyin. Ces trois grandes réalisations visaient à jeter les bases de modernisation de la langue et de l'écriture afin de les diffuser dans la population. Cette intervention dans la langue chinoise correspondait à l'idéologie des dirigeants qui voulaient répandre la langue auprès du peuple. Cependant, la simplification des caractères ne devait être que provisoire (le nombre des caractères chinois passa de plus de 6000 à 2238 simplifiés), l'alphabet pinyin devant remplacer progressivement les caractères en tant que forme d'écriture du chinois.

Mais il fallait aussi effectuer un énorme travail de réaménagement de l'écriture. Une Première liste pour la réglementation des caractères alternatifs et une Liste des caractères simplifiés furent publiées. Des normes sur les formes à retenir et les fontes à employer dans l'imprimerie furent définies. Furent publiés successivement la Liste des formes des caractères d'usage courant pour l'imprimerie, les Standards des caractères d'imprimerie de la fonte Wi, les Standards des caractères d'imprimerie de la fonte Li, la Liste des caractères d'usage fréquent en chinois moderne et la Liste des caractères d'usage commun en chinois moderne. Mais il reste encore beaucoup de travail à accomplir en raison des nouveaux besoins sociaux en matière de standardisation.

2.2 L'introduction du pinyin

L'alphabet pinyin (mot signifiant littéralement «épellation») fut publié en 1958 sous le nom de Système d'alphabet phonétique chinois. Toutefois, afin de répandre cet alphabet dans la population, il fallait élaborer diverses normes. Plusieurs ont été mises au point et publiées, dont en voici une liste partielle:

- Prononciations des noms en pinyin
- Méthode de rectification des termes en pinyin
- Principes de base pour les méthodes de rectification des mots en pinyin
- Transcription en pinyin des noms de publications en chinois
- Méthode de transcription en pinyin des noms de personnes en chinois
- Règles de transcription en pinyin des noms de lieux en chinois
- Méthode de translittération en pinyin des noms de lieux en langues des minorités ethniques
- Méthode de romanisation et codes d'abréviation des noms de lieux ou langues des minorités ethniques de Chine
- Système d'alphabet chinois pour les sourds
- Braille chinois

Dès le début des années 1950, le putonghua devint obligatoire dans les classes des écoles primaires et secondaires à travers toute la Chine. Il ne faut pas oublier qu'une bonne partie de la population ignorait la langue officielle, les autres langues chinoises et non chinoises et les dialectes étaient demeurés encore très vivants. Pendant ce temps, le Comité pour l'unification du vocabulaire scientifique fut créé le 6 avril 1950. Mais en 1956, le travail d'uniformisation de la terminologie scientifique repassa sous la responsabilité de l'Académie des sciences de Chine. Dans les écoles primaires, les enfants devaient apprendre le pinyin pour commencer et poursuivre avec l'apprentissage des caractères chinois; ils devaient aussi apprendre pour chacun des caractères l'équivalent en pinyin.

Dans les faits, les Chinois continuent toujours d'ignorer le pinyin qui est enseigné à l'école primaire, puis oubliée dès le secondaire où il ne sert plus. En somme, seule l'écriture en caractères (idéographiques) continue d'être systématiquement utilisée en Chine, d'une part, parce que les Chinois y sont demeurés très attachés, d'autre part, parce qu'elle favorise l'unité nationale. En effet, grâce à ce système, tous les Han peuvent lire, par exemple, le même journal, chacun dans sa langue. La généralisation du pinyin mettrait fin à cette possibilité.

2.3 La normalisation linguistique et la terminologie

En cette période de haute technologie et d'explosion des différentes disciplines scientifiques, la compétition est acharnée. Ces facteurs rendent encore plus cruciales la standardisation et l'unification des technologies, notamment en Chie, en raison des caractéristiques particulières de la langue et de l'écriture. À l'heure actuelle, les instances chinoises de normalisation semblent très soucieuses de la gestion terminologique dans leur pays.

En 1985, la Commission technique de normalisation terminologique a été créée et a pris en charge le travail de normalisation pour assurer la responsabilité des travaux de lexicographie, de terminologie technique et appliquée, de terminologie assistée par ordinateur, ainsi qu'un sous-comité spécial pour les langues des minorités ethniques. Dans plusieurs domaines, des normes terminologiques ont été établies par ces différentes instances. Actuellement, diverses normes nationales ont d'ores et déjà été établies. Il s'agit des normes suivantes:

- 1988: Directives pour le travail terminologique. Règles de rédaction pour la normalisation terminologique;
- 1988: Principes et méthodes terminologiques;
- 1989: Symboles lexicographiques;
- 1994: Glossaire abrégé de la terminologie;
- 1994: Terminologie de base de la lexicographie (Première partie);
- 1992: Principes et méthodes pour l'élaboration de banques de données terminologiques et lexicographiques;
- 1992: Format de bande magnétique pour l'échange de données terminologiques et lexicographiques;
- 1994: Guide de la documentation pour la création de banques de données terminologiques;
- 1994: Guide pour la création de banques de données terminologiques;
- 1995: Guide d'évaluation technique de banques de données terminologiques.

En 1993, le Réseau chinois sur le travail terminologique a été créé pour promouvoir l'uniformisation et la diffusion de la terminologie spécialisée, et renforcer les échanges et la coopération tant nationale qu'internationale. La Chine s'est également lancée dans la création et la mise sur pied de banques de données terminologiques. Lors de leurs expériences de création de banques de terminologie, les spécialistes chinois ont mis au point une «théorie de l'ambiguïté potentielle», qui remet en question la distinction «catégorie-occurrence» de la linguistique traditionnelle. Ils ont aussi postulé un principe d'économie pour la formation des termes spécialisés et ont participé à la recherche dans le domaine des normes terminologiques internationales, de même qu'à leur élaboration.

À partir des années 2000, la Commission nationale chinoise de terminologie scientifique et technique a déterminé en assemblée les grandes orientations en matière d'approbation de la terminologie scientifique et technique en Chine.

3 La politique de promotion du putonghua

Au cours de l'année 1997, un projet de loi sur la langue et l'écriture communes (putonghua) nationales avait été élaboré après sollicitation d'avis de diverses parties et après plusieurs ébauches. Le 31 octobre 2000, la 18e session de la IXe Assemblée populaire adoptait la Loi sur la langue et l’écriture communes nationales (2001). Cette loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2001. Intitulée à l'origine Loi nationale sur la langue et l'écriture communes de la République populaire de Chine, elle a pris son nom actuel en février 2000. On peut affirmer que c'est la première loi linguistique de l'histoire de la Chine. Précisons qu'il s'agit d'une loi incitative et non coercitive dans la mesure où elle ne concerne pas l'usage individuel de la langue. Cependant, elle se révèle plus radicale lorsqu'elle s'applique à l'usage public. Sa promulgation témoigne que la Chine a emprunté, elle aussi, la voie de la législation en matière de langue.

Avant la promulgation de cette loi importante, la gestion de la langue et de l'écriture s'appuyait essentiellement sur des documents de nature politique. À ce sujet, le directeur adjoint du Bureau de l'administration et de l'informatisation de la langue du ministère de l'Éducation de Chine, M. Wang Tickun, déclare (2003):

Leur autorité était si mince, leur caractère normatif si défectueux, leur assise juridique si insuffisante qu'un certain retard et une certaine stagnation persistent encore entre la situation de l'usage linguistique et les nécessités du progrès social, et ce, en dépit des nombreux efforts entrepris par l'ensemble des départements chargés du travail sur la langue.

Dans les lieux publics, l'usage du putonghua n'a jamais été une habitude dans certaines régions où d'autres langues ou dialectes sont très répandus. C'est pourquoi le recours à la loi pour diffuser le putonghua et favoriser l'usage des caractères chinois normalisés (simplifiés) paraît d'une grande importance. L'un des objectifs lors de l'élaboration de cette loi était de «promouvoir la normalisation de la langue et de l’écriture communes et à leur assurer un développement sain afin de permettre un accroissement de leur utilisation dans la sphère sociale». La loi, qui compte 28 articles, établit une réglementation pour l'utilisation de la langue et de l'écriture communes dans l'Administration publique, les écoles, la presse, l'édition, la radio, la télévision, la publicité, les technologies de l'information, l'affichage, les raisons sociales, etc.

Les articles 3 et 4 de la Loi sur la langue et l’écriture communes nationales de 2001 obligent l'État et ses organismes à promouvoir et utiliser le putonghua et les caractères normalisés:

Article 3

L’État promeut la généralisation de l’usage du putonghua et des caractères chinois normalisés.

Article 4

1) Le citoyen possède le droit à l'apprentissage et à l'utilisation de la langue et de l'écriture communes nationales.

2) L'État fournit au citoyen les conditions nécessaires à l'utilisation de la langue et de l'écriture communes nationales.

3) Les gouvernements locaux de tous les paliers ainsi que les services concernés doivent prendre des mesures pour promouvoir la généralisation de l'usage du putonghua et des caractères chinois normalisés.

Selon l'article 5 de la Loi sur la langue et l’écriture communes nationales, c'est la construction de «la civilisation spirituelle du socialisme» qui est en jeu, c'est-à-dire l'un des concepts-clés de la nouvelle morale sociale de l'ère post-maoïste:

Article 5

L'utilisation de la langue et de l'écriture communes nationales se doit d'être favorable au maintien de la souveraineté de l’État et de la dignité nationale, à l'unification du pays et à l'union interethnique, à l'édification de la civilisation matérielle et de la civilisation spirituelle du socialisme.

3.1 L'Assemblée populaire nationale

Le pouvoir législatif est un des pouvoirs fondamentaux de l'Assemblée populaire nationale formée de quelque 3000 délégués (députés). Chaque mandat de l'Assemblée populaire nationale a une durée de cinq ans. L'Assemblée se réunit une fois par an en session plénière et la session dure deux semaines. Depuis quelques dizaines d'années, l'Assemblée populaire nationale a élaboré la Constitution, ainsi que toute la législation concernant le Code pénal, le Code civil, les élections, la loi sur l'autonomie des régions des minorités nationales et d'autres lois concernant les différents domaines politique, économique, scientifique et technologique, éducatif, culturel, diplomatique et social. La Loi organique de l'Assemblée populaire nationale (2021) ne traite pas de la langue employée, mais des orientations idéologiques, dont le marxisme-léninisme, la pensée de Mao Tsé-toung, celle de Deng Xiaoping, ainsi que celle du président Xi Jinping sur le socialisme à la chinoise:

Article 2

L'Assemblée populaire nationale est l'organisme suprême du pouvoir de l'État et son organisme permanent est le Comité permanent de l'Assemblée populaire nationale.

Article 3

L'Assemblée populaire nationale et son Comité permanent adhèrent à la direction du Parti communiste chinois et adhèrent aux orientations du marxisme-léninisme, de la théorie de Mao Tsé-toung, de la théorie de Deng Xiaoping, de la pensée importante des «trois représentations», de la vision scientifique du développement et de la pensée de Xi Jinping sur le socialisme à la chinoise de la nouvelle ère pour une nouvelle ère, et exerce leurs fonctions et leurs pouvoirs conformément à la Constitution et aux lois.

Il faut se référer à l'article 2 de la Loi sur la langue et l’écriture communes nationales, qui prescrit l'emploi de la langue nationale commune, le putonghua et les caractères chinois normalisés pour la langue écrite:

 
Article 2

La langue nationale commune, parlée et écrite à laquelle il est fait référence dans la présente loi, est le putonghua et les caractères chinois normalisés.

Article 3

L'État promeut la généralisation de l'usage du putonghua et des caractères chinois normalisés.

Dans les faits, les parlementaires discutent des lois en mandarin et les adoptent dans cette langue les caractères chinois normalisés.

3.2 Les tribunaux chinois

La Chine est un État socialiste de dictature démocratique populaire, dirigé en principe par la classe ouvrière et basé sur l'alliance des ouvriers et des paysans. Son régime politique implique que le pouvoir judiciaire provient du peuple, appartient au peuple et sert le peuple. Les tribunaux populaires constituent les organismes de jugement de l'État, dont la Cour populaire suprême, les tribunaux populaires locaux des divers échelons, et les tribunaux populaires spéciaux, notamment les tribunaux militaires, pour traiter selon la loi les procès civils, criminels et administratifs, et accomplir les tâches d'application des lois relatives à l'exécution civile et administrative.

- L'usage du putonghua
 
Il n'existe aucun texte de loi spécifique pour préciser qu'il faut employer le putonghua dans les procès, hormis les articles 2 et 3 cités précédemment dans la Loi sur la langue et l’écriture communes nationales. Dans la pratique, les justiciables étrangers ne sont pas autorisés à utiliser des langues étrangères dans les tribunaux chinois, mais ils peuvent demander aux tribunaux de fournir des interprètes et/ou des traducteurs pour traduire leur langue en chinois. Selon la Loi sur la procédure civile (1991-2017), lorsque les tribunaux chinois entendent des affaires civiles liées à l'étranger, les langues et les écritures couramment utilisées en Chine par les minorités ethniques doivent être employées, mais les justiciables peuvent demander des services de traduction à leurs propres frais:
 
Article 11

[...]

Le tribunal populaire fournira des traductions
aux parties au litige qui ne connaissent pas la langue et l'écriture communes du groupe ethnique local.

- L'inefficacité des tribunaux
 
De plus, si l'interprète et/ou le traducteur a un conflit d'intérêts avec l'affaire, il doit se retirer de l'affaire. Bien que les tribunaux soient de plus en plus importants dans la société chinoise, l’insatisfaction et les plaintes à leur égard ont, ces dernières années, considérablement augmenté. Les retards dans le traitement des dossiers, le manque de transparence de toute procédure judiciaire, les nombreux cas de comportements répréhensibles, l’importance de la corruption ainsi que la lenteur, la désorganisation et l’inefficacité des réformes ont alimenté un mécontentement croissant dans la population. Bref, le public chinois n’aurait aucune confiance dans les tribunaux du pays. Le manque d’efficacité de la justice tient à deux causes principales: d’une part, de nombreux retards et difficultés dus à un manque de respect des délais; d'autre part, l’incompétence et le bureaucratisme de certains juges chinois. Il existe un proverbe chinois à ce sujet: «Les règles de procédure sont dures pour les parties, mais douces pour les tribunaux et les juges.»
 
- Des tâches à la fois judiciaires et politiques
 
Il ne faut pas oublier que la Chine pratique un régime autoritaire et celui-ci se protège contre toute opposition. Ainsi, en 2018, les tribunaux ont, au terme d’un long simulacre de poursuites, infligé de lourdes peines de prison à plusieurs personnalités importantes pour leur activisme en faveur des droits humains. Ces personnes se retrouvent en prison pour «subversion de l’État» ou elles sont confinées dans des camps de «rééducation par le travail». Par exemple, en juillet 2018, une femme du nom de Dong Yaoqiong a été arrêtée pour avoir versé de l’encre sur une affiche du président Xi à Shanghai; elle a ensuite été détenue à deux reprises dans un hôpital psychiatrique. Les autorités utilisent régulièrement l'emprisonnement dans les hôpitaux psychiatriques comme l'une de leurs méthodes pour réprimer les personnes qui expriment leur mécontentement ou font appel au gouvernement. Il semble normal que les autorités chinoises surveillent, détiennent, torturent, soumettent à de mauvais traitements ou interdisent à divers activistes et avocats de voyager pour les efforts qu’ils ont faits en vue d’engager un dialogue avec les Nations unies.
 
Bref, sous la direction du Parti communiste, le système judiciaire chinois remplit à la fois des tâches à la fois judiciaires et politiques. Autrement dit, le rôle des tribunaux est double: d'une part, apporter une sécurité juridique aux personnes physiques et morales par la mise en place d’institutions judiciaires autonomes. D'autre part, participer à la répression des opposants au régime et de tout individu ou toute organisation qui serait perçue comme une menace pour le régime. Ce processus consiste donc à légitimer par des moyens juridiques les atteintes aux libertés individuelles et aux droits politiques.

- L'anglais et les étrangers

Par ailleurs, pragmatiques, les Chinois reconnaissent que l'anglais est une langue véhiculaire dans le monde. D'après les journaux chinois, tel le China Daily, les tribunaux chinois examinent les moyens qui leur permettraient de fournir des services juridiques en anglais. Les procès en la matière concerneraient les affaires commerciales, immobilières et matrimoniales. Certains tribunaux ont déjà prévu des services de traduction pour aider les étrangers lorsqu'ils déposent des plaintes. Mais il semble difficile de résoudre des causes, car il n'existe que très peu de traduction en anglais des lois chinoises. Des tribunaux dans le district de Pudong à Shanghai et à Yiwu dans la province du Zhejiang, où les investissements étrangers sont de plus en plus importants, ont dû déjà prendre des mesures afin de faire traduire des documents en anglais. De même, certains tribunaux dans ces régions le font pour l'arabe.

3.3 La langue de l'administration publique

Selon les données publiées par le ministère des Ressources humaines et de la Sécurité sociale, à la fin de 2015, il y avait 7,1 millions de fonctionnaires en Chine. Ce nombre réfère principalement au personnel des organismes de l'État, c'est-à-dire au personnel du système gouvernemental, ce qui inclut les assemblées du peuple, les tribunaux et tout le personnel des services publics. Selon les statistiques du Bureau national des statistiques, en 2008, il y avait 13,2 millions de personnels gouvernementaux, 26,1 millions d'institutions publiques et 39,4 millions de personnels de soutien financier. Après 2008, le Bureau national des statistiques n'a pas établi de statistiques sur le nombre total de personnels de soutien financier, mais en 2016, il y avait environ 50 millions de personnels de soutien financier en Chine.

Comme le précise la Loi sur la fonction publique (2018), tout ce beau monde doit adhérer au Parti communiste ainsi qu'aux orientations du marxisme-léninisme, de la pensée de Mao Tsé-toung, de celle de Deng Xiaoping et de celle de Xi Jinping sur le socialisme à la chinoise de la nouvelle ère:

Article 4

Le système de la fonction publique adhère à la direction du Parti communiste chinois, adhère aux orientations du marxisme-léninisme, de la pensée de Mao Tsé-toung, de la théorie de Deng Xiaoping, de la pensée importante des «trois représentations», de la vision scientifique du développement et de la pensée de Xi Jinping sur le socialisme à la chinoise de la nouvelle ère, et met en œuvre la première étape du socialisme, la ligne de base du Parti communiste chinois dans la nouvelle ère, et adhère au principe de la gestion des cadres par le Parti.

Article 59

Les fonctionnaires doivent respecter la réglementation et les lois, et ne doivent pas commettre les actes suivants:

1) Diffuser des propos préjudiciables à l'autorité de la Constitution, à la réputation du Parti communiste chinois et du pays, et organiser ou participer à des rassemblements, des défilés, des manifestations et tout autre activité visant à s'opposer à la Constitution, à la direction du Parti communiste chinois et du pays;

2) Organiser ou participer à
des organisations illégales, organiser ou participer à des grèves ;

3) Provoquer ou saboter des relations ethniques, participer à des activités séparatistes ethniques ou organiser ou utiliser des activités religieuses pour saper l'unité ethnique et la stabilité sociale ;

Bref, les fonctionnaires doivent être loyaux envers l'État, la Constitution et le marxisme-léninisme, ainsi qu'à la pensée de Mao, à  la théorie de Deng Xiaoping et à la pensée de Xi Jinping. Au plan intérieur, le Parti communiste chinois, craignant que la liberté politique n'ébranle son régime, a construit un État de surveillance draconien et un système sophistiqué de censure afin de surveiller et de réprimer toute critique publique. Face au régime répressif de leur pays, les fonctionnaires doivent se taire et approuver en silence les débordements autoritaires des dirigeants.  De plus, aucun employé de l'État ne peut se permettre d'ignorer les ordres du Parti communiste chinois, ce qui signifie que, lorsque celui-ci ordonne une sanction contre un individu ou un groupe ethnique, un employé ne peut que choisir de se conformer.
 

L'application de la «pensée de Xi Jinping» sur le socialisme «à la chinoise de la nouvelle ère» consiste en plusieurs actions appelant à la solidarité nationale, au développement et au maintien au pouvoir du PCC. Au besoin, le gouvernement enverra des fonctionnaires dans des «camps de rééducation» afin qu'ils répondent aux critères du marxisme-léninisme «à la chinoise», c'est-à-dire une combinaison des principes de bases du marxisme et de la réalité chinoise. Dans ces conditions, il s'agit d'appliquer le marxisme avec souplesse aux conditions réelles de la Chine, ce qui revient à privilégier la paysannerie et non le prolétariat, ainsi que le développement économique et le développement culturel. C'est ainsi que les dirigeants chinois peuvent intégrer, dans le corps même du marxisme, les concepts, ainsi que les relations entre les concepts et les valeurs logiques témoignant de cette intégration. Finalement, le marxisme chinois est un «marxisme institutionnalisé», non pas un marxisme individuel.

Au lieu d'être d'une quelconque nature prolétarienne, le marxisme-léninisme «à la chinoise» n'est pas considéré comme une théorie révolutionnaire du prolétariat, mais un ensemble de formules et de mots pour rééduquer les mentalités. C'est ainsi que les documents officiels, comme les manuels scolaires, doivent contenir des citations du président sur le patriotisme ou encore sur les responsabilités des citoyens, sans oublier le rôle du Parti dans la lutte contre la pauvreté. Dans l'intérêt du Parti, les employés de l'État, incluant les enseignants, doivent inculquer l’amour du Parti, du pays et du socialisme.

Voici un exemple de formules couramment utilisées par le Comité central du Parti communiste chinois et le Conseil d'État (décembre 2019):

爱国主义是中华民族的民族心、民族魂,是中华民族最重要的精神财富,是中国人民和中华民族维护民族独立和民族尊严的强大精神动力。爱国主义精神深深植根于中华民族心中,维系着中华大地上各个民族的团结统一,激励着一代又一代中华儿女为祖国发展繁荣而自强不息、不懈奋斗。中国共产党是爱国主义精神最坚定的弘扬者和实践者Le patriotisme est le cœur et l'âme nationaux de la nation chinoise, la richesse spirituelle la plus importante de la nation chinoise et une puissante force motrice spirituelle pour le peuple chinois et la nation chinoise pour sauvegarder l'indépendance nationale et la dignité nationale. L'esprit de patriotisme est profondément enraciné au cœur de la nation chinoise, il maintient l'unité et l'unité de tous les groupes ethniques sur la terre de Chine et inspire des générations de filles et de fils chinois à lutter pour le développement et la prospérité de la patrie. Le Parti communiste chinois est le plus ardent promoteur et praticien de l’esprit de patriotisme.

Forcément, les fonctionnaires doivent prendre part à cette propagande gouvernementale, mais ils doivent aussi le démontrer en portant haut l'étendard du marxisme et du socialisme aux caractéristiques chinoises, et recourir sans relâche à la pensée de Xi Jinping sur le socialisme aux caractéristiques chinoises d'une nouvelle ère afin d'armer l'ensemble du Parti, éduquer le peuple et promouvoir la doctrine et le marxisme du XXe siècle pour les enraciner profondément dans le cœur des gens. Au besoin, le bureau local de la Sécurité publique doit veiller au grain afin d'intercepter tout «crime politique».

- La langue de l'administration

La loi vise les termes et caractères qui doivent être utilisés dans l'administration publique, mais elle ne s'immisce pas dans l'usage individuel de la langue. L'article 9 de la Loi sur la langue et l’écriture communes nationales précise que le putonghua et les caractères normalisés sont la langue et l'écriture de l'administration publique (à l'exception des cas autrement stipulés par les lois):

Article 9

Le putonghua et les caractères normalisés sont la langue et l'écriture de l'administration publique, à l'exception des cas autrement stipulés par les lois.

L'article 13 de la même loi reprend ces dispositions:

Article 13 

1) Les caractères normalisés constituent l'écriture principale que doit utiliser le secteur des services au public. Lorsque l'utilisation conjointe d'une langue étrangère et du chinois sur des enseignes, publicités, avis ou emblèmes s'avère nécessaire pour les services au public, les caractères normalisés doivent être utilisés pour le chinois.

2) L'utilisation du putonghua comme langue de service doit être encouragée dans le secteur des services au public.

Parmi les cas d'exception, mentionnons les cas prévus par les dispositions de l'article 17 de la Loi sur la langue et l’écriture communes nationales:

1) Le patrimoine culturel et les sites historiques;
2) Les caractères variés utilisés dans les patronymes ;
3) La calligraphie, la gravure sur sceau et toute autre œuvre d'art;
4) Les inscriptions et enseignes manuscrites;
5) Les caractères nécessaires à l'édition, à l'enseignement ou à la recherche;
6) La situation particulière ayant reçu l'approbation des services concernés du Conseil d'État.

L'article 19 de la Loi sur la langue et l’écriture communes nationales stipule que les employés des services publics «doivent une compétence en putonghua pour tous les postes où c'est la langue de travail». Le paragraphe 2 du même article prévoit des «niveaux définis» (sans les préciser) de connaissance du putonghua:

Article 19

1) Les employés doivent posséder une compétence en putonghua pour tous les postes où c'est la langue de travail.

2) Le niveau de putonghua des présentateurs de radiotélévision, des acteurs de théâtre, de cinéma ou de télévision, des enseignants et du personnel de l'Administration publique, pour lesquels le putonghua constitue la langue de travail, doit atteindre respectivement les niveaux définis dans les normes stipulées par l'État. Ceux qui ne satisfont pas à ces exigences doivent suivre une formation appropriée.

Dans l'avenir, on peut présumer que la connaissance du putonghua devient l'une des conditions obligatoires pour l'obtention d'un poste dans toute administration publique. Grâce au développement économique, les 78 000 employés temporaires répartis dans le pays entier sont devenus le plus gros contingent de la propagation du putonghua.

Les articles 21, 22 et 23 de la Loi sur la langue et l’écriture communes nationales prescrivent bel et bien l'emploi de la langue et de l'écriture communes nationales dans tous les organismes du gouvernement chinois:

Article 21

1) La planification, la direction, l'administration et le contrôle du travail sur la langue et l'écriture communes nationales sont du ressort des organismes de la langue et de l'écriture relevant du Conseil d'État.

2) Les départements concernés du Conseil d'État gèrent l'usage de la langue et de l'écriture communes nationales chacune dans leur domaine.

Article 22

Au niveau local, les services de la langue et de l'écriture et les autres départements concernés assurent l'administration et le contrôle de l'utilisation de la langue et de l'écriture communes nationales à l'intérieur de leur région administrative.

Article 23

Les départements d'administration de l'industrie et du commerce des gouvernements de niveau égal ou supérieur au district administrent et contrôlent, en conformité avec la loi, l'utilisation de la langue et de l'écriture dans les raisons sociales d'entreprises, dans les noms de produits commerciaux et dans la publicité.

- La langue de la carte d'identité

En Chine, la carte d'identité de résident est un document officiel pour tout citoyen chinois (hors Hong Kong et Macao) doit posséder. Selon la Loi sur la carte d'identité de résident (2003), les informations doivent utiliser des caractères chinois standard et des symboles numériques conformes aux normes nationales:

 
Article 3

Les informations enregistrées sur la carte d'identité de résident comprennent : le nom, le sexe, l'origine ethnique, la date de naissance, l'adresse où se trouve la résidence permanente, le numéro d'identification du citoyen, la photo personnelle, la période de validité du certificat et l'autorité émettrice.

Le numéro d'identification de citoyen est un code d'identité unique et à vie pour chaque citoyen, compilé par les organismes de la sécurité publique, conformément à la norme nationale pour les numéros d'identification d'un citoyen.

Article 4

La carte d'identité de résident doit être remplie en utilisant des caractères chinois standard et des symboles numériques conformes aux normes nationales.

[...]

En fait, le texte présenté ci-dessus en lecture laisse entendre que seul le chinois mandarin est autorisé, alors que la loi autorise l'usage d'une langue locale couramment utilisée. La loi permet aux cartes d'identité de résident dans les régions désignées de minorités ethniques d'avoir un texte bilingue et, selon la région, les cartes peuvent contenir un texte d'accompagnement en zhuang, en ouïghour, en yi, en tibétain, en mongol ou en coréen. Cependant, les noms ethniques non chinois et les noms étrangers sont translittérés en chinois. Les cartes d'identité de première génération contenaient des noms manuscrits pour les caractères chinois rares, tandis que les cartes de deuxième génération utilisaient exclusivement du texte imprimé par ordinateur dans une police plus grande que celle de la première génération et ne prennent pas en charge les caractères plus rares. Depuis le 1er janvier 2013, un passage obligatoire aux cartes de deuxième génération est entré en vigueur ; toutes les cartes de première génération sont devenues nulles et inutilisables.

- La langue de la publicité

La publicité commerciale est de plus en plus courante en Chine. Si la Loi sur la publicité de 1994 ne contient aucune disposition sur la ou les langues, il n'en est pas ainsi dans le Règlement provisoire sur la gestion de la langue parlée et écrite dans la publicité (2016). Selon l'article 5, le langage publicitaire doit utiliser le putonghua et des caractères chinois normalisés. L'article 6 prescrit l'emploi obligatoire des caractères chinois standardisés,  lorsqu'on a recours au pinyin chinois dans la publicité. Enfin, l'article 8 interdit l'emploi unique des langues étrangères.

Article 1er

Afin de promouvoir la normalisation et la standardisation de l'usage du langage et des mots dans la publicité, de garantir que l'expression du langage et des mots dans la publicité est claire, précise et complète, et d'éviter d'induire les consommateurs en erreur, le présent règlement est formulé conformément à la
Loi sur la publicité de République populaire de Chine et aux lois et réglementations nationales pertinentes.

Article 2

Le présent règlement s'applique à toutes les langues employées dans les publicités publiées sur le territoire de la République populaire de Chine.

Les langues parlées et écrites mentionnées dans la présente réglementation se réfèrent au putonghua et aux caractères chinois standardisés, aux langues des minorités ethniques approuvées par l'État pour un usage général, ainsi qu'aux langues et caractères étrangers utilisés sur le territoire de la République populaire de la Chine.

Article 3

Le langage et les textes utilisés dans la publicité doivent être clairs et exacts, et les mots doivent
être normalisés et standardisés.

Article 4

La langue et les caractères utilisés dans la publicité doivent être conformes aux exigences de la construction de la civilisation spirituelle socialiste et ne doivent pas contenir de contenus culturels défavorables.

Article 5

Le langage publicitaire doit utiliser le putonghua et des caractères chinois normalisés.

Selon la réglementation nationale, les stations de radio et de télévision peuvent utiliser des dialectes pour diffuser des émissions et des publicités; les stations de radio et de télévision diffusent des émissions dans les langues des minorités, et leurs publicités doivent être dans les langues de ces minorités ethniques.

Dans
les zones ethniques autonomes, la langue et l'écriture utilisées
dans les publicités doivent être mises en œuvre, conformément au Règlement distinct sur les langues et l'écriture dans les zones ethniques autonomes.

Article 6

Le pinyin ne peut pas être utilisé séparément dans la publicité. Lorsqu'on emploie le pinyin chinois dans la publicité, celui-ci doit être correct, standardisé et utilisé en même temps que les caractères chinois standardisés.

Article 7

L'emploi et les unités de mesure des chiffres et des signes de ponctuation dans la publicité doivent être conformes aux normes nationales et aux réglementations applicables.

Article 8

La publicité ne peut pas employer uniquement des langues étrangères.

Si des langues et des caractères étrangers sont utilisés conjointement avec des besoins particuliers dans la publicité, ils doivent être
sous la forme du mandarin et des caractères chinois standard, et complétés par des langues et des caractères étrangers, mais les langues et les caractères étrangers ne doivent pas être mélangés dans le même message publicitaire. Si le sens exprimé dans la langue étrangère et les mots de la publicité est incompatible avec le sens chinois, le sens chinois prévaudra.

Article 9

Les dispositions de l'article 8 ne s'appliquent pas aux langues et aux caractères étrangers utilisés dans la publicité dans les cas suivants :

1) Les
noms communs des biens et services, des marques déposées, des signes internationaux communs reconnus par les services nationaux compétents, les normes techniques professionnelles, etc. ;

2) Approuvé par les départements d'État compétents, les langues et les caractères étrangers utilisés dans la publicité dans les médias principalement par des langues et des caractères étrangers.

Dans les faits, il existe certains écarts entre les prescriptions et la pratique. Il est vrai que le putonghua est systématiquement employé avec les caractères chinois. L'ajout de l'alphabet pinyin n'est pas très fréquent dans les affiches. Cependant, les inscriptions en anglais ne sont pas rarissimes, surtout lorsqu'elles peuvent s'adresser à des touristes (hôtels, aéroports, parkings, etc. La question est plus préoccupante quand il s'agit d'une pizzeria, d'une pharmacie, d'une clinique vétérinaire, d'une station de radiotélévision.

Compte tenu de cet état de choses, seule la langue anglaise semble s'être insérée quelque peu dans le paysage des publicités et des panneaux de signalisation routière.

- La langue des médicaments

La législation chinoise porte aussi sur les instructions inscrites sur les emballages et l'étiquetage des médicaments. Ainsi, quelques articles du Règlement sur les instructions d'emballage et l'étiquetage des médicaments (2010) imposent l'usage des caractères chinois normalisés sur les emballages et les étiquettes des médicaments:
 

Article 4

Pour tous les médicaments vendus et utilisés en Chine, les caractères utilisés dans l'emballage, les étiquettes et les instructions doivent être principalement en chinois et les caractères chinois normalisés publiés par le Comité de travail sur la langue et les caractères nationaux doivent être utilisés.

Article 5

Le nom générique d'un médicament doit être bien mis en évidence en chinois. S'il y a un nom commercial du produit en même temps, le rapport du nom générique au nom commercial ne doit pas être inférieur à 1:2. Il devrait y avoir un certain espace entre le nom générique et le nom de la marchandise, et ils ne doivent pas être utilisés ensemble.

Article 6 

Le texte des instructions et des étiquettes d'un médicament doit être clair et facile à lire, et les étiquettes doivent être claires et bien visibles, et il ne doit y avoir aucun phénomène tel que la disparition de l'étiquette ou son décollement, et les instructions ne doivent pas être modifiés ou complétés par un collage, une coupure ou une modification.

Article 7

Les instructions et les étiquettes des médicaments doivent
utiliser les caractères chinois normalisés publiés par le Comité de travail sur la langue et les caractères de l'État. Si d'autres caractères sont ajoutés à des fins de comparaison, les caractères chinois prévaudront.

De façon générale, la Chine cherche à protéger sa langue, comme le font aussi de nombreux autres pays.

- Les langues étrangères

En tant que nation avec la plus grande population du monde, les problèmes importants liés à la Chine ne peuvent être ignorés par d'autres parties du globe, en particulier dans le contexte de la croissance économique rapide de la Chine et de son influence mondiale croissante au cours des dernières décennies, et du développement de l'anglais; la Chine ne fait pas exception. Avec autant de personnes apprenant et utilisant l'anglais avec l'influence interlinguistique inévitable de leur langue maternelle, le chinois, il est raisonnable de croire qu'une variété localisée de l'anglais en Chine voie le jour et finisse par être plus ou moins reconnue.

Dans les faits, c'est le ministère chinois des Affaires étrangères qui exigent de ses employés de maîtriser l'anglais ou toute autre langue étrangère. Les candidats qui postulent un emploi aux Affaires étrangères doivent subir des tests de compétence. Outre l'anglais, il faut mentionner le japonais, le français, le russe, l'espagnol, l'arabe, l'allemand, le coréen, le portugais, l'italien, le vietnamien, la lao et le birman.

En raison de sa grande diversité linguistique, on peut affirmer qu'en Chine presque chaque région a sa propre façon de parler anglais. De plus, il faut distinguer l'anglais en tant que langue maternelle (rare en Chine), l'anglais comme langue supplémentaire appliquée dans les affaires internationales et intra-nationales et l'anglais en tant que langue véhiculaire.

 3.4 La langue nationale en éducation

Comme dans la plupart des pays, la Chine possède un système d'éducation comprenant des écoles maternelles, primaires, secondaires, professionnelles, ainsi que des établissements d'enseignement supérieur.  En Chine, l'enseignement est obligatoire durant les neuf premières années scolaires. C'est la Loi sur l'enseignement obligatoire, adoptée en 1986, puis modifiée en 2018, qui en a précisé les dispositions, mais le décret d’application n’a été promulgué que le 14 mars 1992. Ce n'est en réalité qu'en seulement 2000 que l’application du principe de l’enseignement obligatoire de neuf années a été imposée à tous les jeunes de 6 à 15 ans. Cependant, les faits démontrent que les familles peuvent facilement contourner la loi, surtout dans les campagnes aux prises avec une grande pauvreté. 

La Chine a signé, le 2 mars 1992, la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989. Les autorités centrales se sont engagées à faire bénéficier tous leurs citoyens d’un enseignement primaire gratuit. Toutefois, malgré les efforts du gouvernement central, les écoles publiques continuent d’imposer des frais de scolarité, qui rendent l’éducation primaire parfois inabordable, notamment pour les enfants des minorités et ceux provenant de l'immigration.

- Les structures du système d'éducation

Universités / Études supérieures
Gaokao (baccalauréat chinois)

Lycée 
général / professionnel

Lycée 3 (terminale)
Lycée 2
Lycée 1
Zhongkao (brevet chinois)

Collège

Collège 3
Collège 2
Collège 1

École primaire 
(à partir de 6 ou 7 ans)

École Niveau 6
École Niveau 5
École Niveau 4
École Niveau 3
École Niveau 2
École Niveau 1

Maternelle 
(à partir de 4 ans)

Grande section
Moyenne section
Petite section
Les écoles maternelles ou préscolaires sont accessibles vers l'âge de trois ans et demi, mais le gouvernement croit que ce niveau d'éducation doit être financé par des organisations individuelles et des entreprises.  Avant 1949, seuls 20% des jeunes de sept ans pouvaient fréquenter l'école primaire; quarante ans plus tard, en 1985, ce pourcentage était monté à 96%. Toutefois, seulement 30% des élèves terminent et réussissent leurs études primaires, principalement ceux qui résident dans les villes. Dans les régions rurales, il existe beaucoup d'enseignants itinérants, qui donnent des cours le matin dans une école et des cours en après-midi dans une autre. La Loi sur l'enseignement obligatoire (2018) met en œuvre un système d'enseignement d'une durée de neuf ans, ce qui implique des écoles gratuites et situées dans des endroits accessibles aux enfants. Dans les faits, les parents doivent généralement payer des frais pour les livres, le transport et la nourriture; les familles les plus pauvres reçoivent une allocation.

Les écoles secondaires comprennent deux cycles: le niveau inférieur (collège) et le niveau supérieur (lycée). Le cycle inférieur (collège) compte trois niveaux et débute vers l'âge de 12 ans ; le cycle supérieur (lycée) compte deux à trois 3 niveaux et débute vers l'âge de 15 ans. Le programme scolaire inclut des cours de chinois, de mathématiques, de physique, de chimie, d'anglais (d'autres langues comme le russe, le coréen, le japonais sont enseignées dans certaines régions), d'histoire, de géographie, de politique, de sciences, de musique et des arts, de technologie, d'éducation physique et d'éducation civique et société. Au niveau inférieur, les mathématiques et la langue chinoise correspondent à 38 % du programme scolaire, la langue seconde pour 16%. Au niveau supérieur, 50% du programme se fait dans des cours de sciences et de mathématiques, et 30% en langues. L'entrée au lycée est sur concours ("Zhongkao"). Cependant, très peu d’enfants issus des campagnes pauvres vont au-delà du lycée, car cela représente souvent une perte de main-d’œuvre importante pour la famille.

- L'idéologie du marxisme-léninisme

L'éducation en Chine est basée sur l'idéologie du marxisme-léninisme, telle qu'imposée jadis par le président Mao Tsé-toung. L'article 3 de la Loi sur l'éducation (2015) en  fait une obligation:

Article 1er

La présente loi est promulguée conformément à la Constitution en vue de développer l'éducation, d'améliorer la qualité de la nation tout entière et de promouvoir la civilisation matérielle est spirituelle socialiste ainsi que le progrès culturel et éthique.

Article 2

La présente loi s'applique à l'enseignement de tous types et à tous les niveaux offerts sur le territoire de la République populaire de Chine.

Article 3

L'État adhère aux orientations du marxisme-léninisme, à la pensée de Mao Tsé-toung et à la théorie de l'édification du socialisme à la chinoise, et respecte les principes de base déterminés par la Constitution pour développer l'éducation socialiste.

Article 4

L'éducation est le fondement de la modernisation socialiste et l'État garantit le développement prioritaire de l'éducation.

L'ensemble de la société doit se préoccuper et soutenir le développement de l'éducation.

La société tout entière doit respecter les enseignants.

Voici en plus explicite la pensée du «camarade» Mao :

La grande force du marxisme-léninisme réside précisément dans sa fusion avec la pratique révolutionnaire concrète de chaque pays. Cela signifie pour le Parti communiste chinois qu’il faut savoir appliquer le marxisme-léninisme en fonction des conditions concrètes de la Chine. Si les communistes chinois, qui sont des membres de notre grande nation et lui appartiennent comme sa chair et son sang, parlaient du marxisme sans tenir compte des particularités de la Chine, ce ne serait qu’un marxisme abstrait et vidé de tout son contenu. Ainsi, la question que tout le Parti doit comprendre et résoudre de toute urgence, c’est d’appliquer le marxisme de manière concrète en Chine, afin qu’il reflète en toutes circonstances les traits spécifiques de notre pays; en d’autres termes, il s’agit de l’appliquer en tenant compte des particularités de la Chine. Il faut en finir avec le style stéréotypé étranger, passer moins de temps en bavardages creux sur des notions abstraites et mettre le dogmatisme au rancart, pour faire place à un air et à un style chinois, plein de fraîcheur et de vie, qui plaisent à l’oreille et à la vue des simples gens de chez nous.

- La pensée de Xi Jinping

Au moyen du contrôle de l'éducation, le régime impose à sa population une perception unique du monde et une image idéalisée d’une Chine «sans failles». Depuis l’arrivée de Xi Jinping à la tête de la présidence en 2013, l’idéologie marxiste connaît un regain d’intérêt certain. Pour beaucoup de Chinois, le président actuel est un «nouveau Mao» qui mise sur l’importance du nationalisme et du communisme dirigés contre l’extérieur, c'est-à-dire contre l’ennemi occidental «qui veut du mal» à la population chinoise. La pensée de Xi Jinping (en pinyin: "Xíjìnpíng sīxiǎng") correspond à ses propres idéologies politiques et économiques qu'il veut imposer à la population chinoise. Depuis le 24 octobre 2017, la «pensée de Xi Jinping» est inscrite dans la Charte du Parti communiste chinois à côté de la «pensée de Mao Tsé-toung» et de la «théorie de Deng Xiaoping». L'un des principes de Xi, c'est de pratiquer les valeurs socialistes fondamentales, y compris le marxisme, le communisme et le socialisme «à la chinoise», auxquels il faut ajouter le «renforcement de la sécurité nationale».

L’apprentissage des sages paroles du président chinois est désormais obligatoire dès l’école primaire. Les élèves du primaire sont tenus d’apprendre par cœur «les phrases d’or de grand-père Xi Jinping», qui sont «pleines de sens profond».  Les manuels scolaires comptent de nombreuses photos du président Xi, ces manuels constituant un support important pour que les jeunes apprennent «l'histoire correcte» du pays, de la nation et de la culture. Ainsi, les futures générations de jeunes contribueront à répandre la mission originale du Parti communiste et à perpétuer «le sang spirituel» des communistes chinois. Les manuels sont aussi parsemés de citations de Xi Jinping sur de nombreux de sujets, dont le patriotisme le rôle du Parti communiste et l’importance de l’armée. Dès l’âge de six ans, tous les élèves doivent s'imprégner de la pensée du président, désormais présentée comme la référence absolue. La religion n’a pas sa place dans les établissements d'enseignement en Chine. De l’école primaire à l’université, au sein du parti et dans toutes les administrations, la «pensée Xi Jinping» est enseignée partout en Chine.

Bien sûr, des opposants croient que les écoles publiques devraient être neutres et que la politique ne devrait pas servir à des fins partisanes dans l'éducation, mais le Parti ne voit pas les choses de la même façon.

Lors d'un discours de cérémonie d'ouverture de «l'Année de la langue chinoise», le 10 mars 2010 à Moscou, Xi Jinping affirmait que «le chinois et le russe sont les plus belles langues du monde» (en chinois : 汉语和俄语都是世界上最优美的语言). Depuis ce temps, Xi Jinping a multiplié les instituts Confucius à travers le monde, ainsi que les «centres de langue chinoise» dans les universités de nombreux pays.

- Le patriotisme chinois
 

Le patriotisme est très marqué en Chine parce que le gouvernement a déclaré qu'il s'agissait d'une valeur fondamentale. Ainsi, tous les élèves du primaire et du secondaire assistent, tous les lundis, à la cérémonie du lever du drapeau rouge («teint avec le sang des martyrs») et chantent l’hymne national en uniforme avec un foulard rouge («symbole des Jeunes Pionniers»), le tout suivi de la rentrée en rang dans les classes. Le patriotisme est entretenu avec les cours obligatoires sur l’idéologie communiste et sur la morale. De plus, un représentant du Parti communiste est obligatoire dans toutes les écoles secondaires; son rôle est de superviser le respect de la morale et de la vie politique dans les écoles. L'éducation chinoise doit servir à la construction et à la modernisation socialiste. Tout cela doit correspondre à la production du travail, à satisfaire les besoins des entrepreneurs et à développer la moralité, l’intelligence et la forme physique pour la grande cause du socialisme chinois.

Ces activités d'éducation patriotique trouvent leur origine dans le «Schéma pour la mise en œuvre de l'éducation patriotique» rédigé le 23 août 1994 par le Département de la propagande du Comité central du Parti communiste chinois et promulgué par le Comité central du Parti communiste chinois. La nouvelle version de promulguée en 2019 regorge des exposés de Xi Jinping et intègre ses «idées» sur la nouvelle ère, le rêve chinois et le grand rajeunissement de la nation chinoise.

L'éducation patriotique se poursuit dans les nouvelles, le divertissement, la publicité, les bandes dessinées, les films et les émissions de télévision.

- L'imposition de la langue chinoise commune en éducation

L'article 12 de la Loi sur l'éducation (2015) impose l'usage du chinois standard dans l'enseignement de base:

Article 12

1) La langue chinoise parlée et écrite commune doit être la langue de base utilisée par les écoles et autres établissements d'enseignement dans l'éducation et l'enseignement, et les écoles et autres établissements d'enseignement doivent utiliser la langue chinoise parlée et écrite standard dans l'éducation et l'enseignement.

L'article 10 de la Loi sur la langue et l’écriture communes nationales oblige aussi les écoles et autres établissements d'enseignement (sauf exception) à utiliser le putonghua et les caractères normalisés:

Article 10

1) Le putonghua et les caractères normalisés sont la langue et l'écriture de base de l'éducation et de la pédagogie dans les écoles et autres établissements d'enseignement, à l'exception des cas autrement stipulés par les lois.

2) Les écoles et autres établissements d'enseignement enseignent le putonghua et les caractères chinois normalisés par l'intermédiaire des cours de langue et d'écriture chinoises. Les manuels de chinois utilisés à cet effet doivent être conformes aux normes et standards de la langue et de l'écriture communes nationales.

Article 20

L'enseignement du chinois langue étrangère doit passer par l'enseignement du putonghua et des caractères normalisés.

Pour les autorités chinoises, l’écriture constitue un élément incontournable de la propagande chinoise. Le président Xi Jinping recourt à la même voie que Mao en utilisant la langue chinoise comme un instrument pour façonner un comportement correspondant au cadre idéologique imposé par le régime.

L’instrumentalisation des mots permet également au régime de distinguer les «bons» Chinois des «mauvais» Chinois. Ainsi, la propagande gouvernementale fait grandement usage du vocabulaire marxiste-léniniste (prolétaire, prolétariat, classe ouvrière, classe prolétaire, classe prolétarienne, culture populaire, culture révolutionnaire, petit-bourgeois, transformation sociale, etc.). C'est pourquoi Xi Jinping se fait désigner par le mot «camarade», afin de renforcer le lien entre lui-même et la société chinoise. À l'exemple de tous les dirigeants chinois depuis 1949, il existe deux instruments pour exercer le contrôle sur une population: les armes et la langue. Le contrôle de la pensée au moyen de la langue apparaît comme indispensable aux dirigeants chinois pour se maintenir au pouvoir. En partie héritée du modèle soviétique et du modèle maoïste, la propagande chinoise a pour but de remporter la «victoire décisive» du «socialisme à la chinoise».

Il en résulte une distinction nette entre les revenus des centres urbains et ceux des zones rurales. Les habitants des villes bénéficient de revenus beaucoup plus importants que ceux des campagnes. En conséquence, pour avoir accès à l'instruction, il est souvent exigé de la part des parents habitant les campagnes qu'ils paient des droits d'inscription plus élevés, parfois difficilement supportables, ou qu'ils achètent les fournitures scolaires, les manuels et certains services, tandis que tous les enfants des villes les reçoivent gratuitement.

Il arrive aussi que les enfants des régions éloignées soient dans l'obligation d'effectuer certains travaux domestiques dont les enfants des villes sont exemptés, comme laver les toilettes, balayer le parquet de la classe, faire la cuisine, etc. Dans les campagnes, la rareté des écoles oblige les élèves à effectuer de fort longs trajets à pied. Les familles des nationalités, qui ont le droit d'avoir deux enfants, ont tendance à scolariser les garçons aux dépens des filles. Les jeunes qui ne peuvent pas parler le mandarin sont généralement retenus quelques années en arrière et commencent en première année jusqu'à ce que leurs compétences linguistiques s'améliorent. Cependant, les documents d’admission dans les écoles locales sont généralement en chinois et les familles et les élèves qui ne parlent pas chinois reçoivent peu d’aide.

-  La décentralisation administrative de 1993

Deux instances, le Comité central du Parti communiste chinois et le Conseil des affaires de l’État, ont élaboré conjointement un nouveau système de répartition des responsabilités en matière d’éducation: la Décision pour la réforme des structures de l’éducation et le Programme de réforme et de développement de l’éducation. Les deux documents ont été promulgués respectivement le 27 mai 1985 et le 13 février 1993. Selon ce système, les autorités locales se sont vu attribuer un rôle considérable dans le développement de l’éducation obligatoire (d'une durée de neuf ans), ainsi que dans l’enseignement supérieur. Cette fameuse décentralisation dont on a tant parlé dépasse le seul cadre des relations entre les autorités centrales et les autorités locales. Depuis lors, Pékin définit les grandes orientations directrices et les règlements généraux, pour laisser le pouvoir de gestion et de décision aux administrations locales des provinces ou des régions autonomes. Dans les zones rurales, les administrations peuvent déléguer une partie de leur autorité aux responsables des cantons (xiang). Il est même précisé que les revenus de ces cantons doivent être principalement consacrés à l’éducation.

- L'enseignement des langues étrangères

L'enseignement des langues étrangères en Chine est relativement développé, mais axé sur l'enseignement de l'anglais, la langue de la mondialisation. D’une part, l’anglais occupe une position unique en raison de son statut obligatoire dans l’enseignement secondaire et supérieur. Au secondaire, seuls certains établissements d'enseignement, par exemple les écoles de langues étrangères, sont autorisés à enseigner d'autres langues que l’anglais dès la première année. Cet enseignement concerne surtout le russe, le japonais, le français, l'allemand, etc., et ne touche qu'une faible partie des élèves chinois.

Au niveau supérieur, l’anglais constitue une matière obligatoire sanctionnée par des examens nationaux. Selon le China Daily, il y aurait plus de 30 000 écoles d'anglais en Chine. Les écoles de langues ne sont pas gratuites. Un cours privé d'anglais coûte environ 12 000 yuans par année, soit 2000 dollars ou 1480 euros. Au total, les Chinois dépensent donc plus de quatre milliards de dollars (près de trois milliards d'euros) annuellement pour apprendre l'anglais. Un fabuleux marché pour les entreprises américaines et britanniques! Il existe des entreprises, telle la New Oriental, à capital ouvert dont les actions sont inscrites à la Bourse de New York (depuis 2006). New Oriental comptait en 2010 quelque 405 800 étudiants inscrits à ses cours, un nombre en augmentation de 32 % chaque année. Même Disney s'est mis de la partie et est devenue la première entreprise occidentale à entrer dans le marché des cours d'anglais en Chine, avec 17 centres d'apprentissage pour les enfants âgés entre 2 et 12 ans à Shanghai et à Beijing, avec l'intention d'en augmenter encore le nombre au cours des prochaines années.  Quant à l'enseignement du français, il est assuré par plus de 700 professeurs chinois et 167 lecteurs financés par les établissements chinois. Au total, on compte environ 50 000 étudiants chinois qui apprennent le français, ce qui est minime par rapport à l'anglais.

La moitié des 500 plus grosses entreprises américaines sont déjà présentes en Chine; elles ne demandent pas mieux que de prendre de l'expansion. De leur côté, les entreprises chinoises se multiplient dans le monde et elles ont de plus en plus besoin de dirigeants qui maîtrisent des langues étrangères, surtout l'anglais. Il existe actuellement plus de 300 millions de Chinois qui apprennent l'anglais, c'est-à-dire le quart de la population totale du pays. Au rythme de croissance actuel de l'apprentissage de l'anglais, on comptera plus d'anglophones en Chine que dans tous les pays du monde (hormis les États-Unis) où l'anglais est une langue officielle (voir le tableau des 54 pays et 63 États). De plus, le gouvernement chinois oblige tous les employés de l'État âgés de moins de 40 ans à maîtriser au moins 1000 phrases en anglais.

Malgré tous les efforts du gouvernement chinois pour faire apprendre l'anglais aux Chinois, les résultats semblent généralement décevants. Comme c'est souvent le cas, les Chinois ne peuvent pratiquer leur anglais; ils n'ont guère d'occasions pour pratiquer la langue, une fois qu'ils ont réussi leurs examens. Ils ne trouvent personne à qui parler anglais. Néanmoins, l'histoire de la Chine démontre que plus les Chinois ont pratiqué les langues étrangères, plus leur propre langue s'est répandue non seulement dans l'Empire, mais au-delà de ses frontières. Aujourd'hui encore, cette tendance semble gagner rapidement du terrain, le mouvement vers l'apprentissage du chinois apparaissant irrésistible. Néanmoins, l’éducation des enfants en Chine dans une famille est une question d’honneur, ce qui signifie que les parents sont prêts à investir des fortunes pour que leur progéniture parle au moins trois langues, déjà au cours du primaire, sinon avant.

- L'enseignement supérieur

La Chine compte plus de 2500 établissements d’enseignement supérieur, parmi lesquels plus de 1200 sont des universités dites «ordinaires», plus de 250 sont des collèges indépendants et environ 1400 sont des collèges professionnels supérieurs. Les établissements supérieurs ordinaires sont des universités financées par l'État chinois et gérées par les autorités locales, ainsi que par les ministères et agences centrales de l’éducation en Chine. Ces universités proposent des programmes permettant aux étudiants d’obtenir un diplôme reconnu, ainsi que des formations pour améliorer leurs compétences afin d’être utiles à l’économie chinoise.

Les universités chinoises n'offrent en principe aux étudiants que des cours en chinois. Bien sûr, certains cours sont offerts en anglais ou dans d'autres langues, mais ils sont principalement destinés aux étudiants étrangers. Certaines universités peuvent avoir des programmes d'anglais plus étendus, mais en dehors de Hong Kong et des campus étrangers, la langue de base de l'université est toujours le chinois. De façon générale, la Chine n'est pas le pays idéal pour apprendre l'anglais, comme d'ailleurs cela peut être le cas dans tout autre pays non anglophone.  Le contenu des cours en anglais a souvent tendance à être simplifié afin de répondre aux besoins des étudiants ayant de faibles compétences en anglais; cet enseignement est également souvent entravé par la faible maîtrise de l'anglais des professeurs. Cela ne signifie pas qu'il est impossible d'étudier dans une université chinoise sans parler chinois. Bien que certains cours et certains programmes soient disponibles en anglais, en particulier pour les études à court terme, entreprendre des études sans connaître le chinois semble un peu difficile.

En Chine, une année universitaire coûte entre 5000 et 10000 yuans, soit entre 650€ à 1400€ (ou 650 $US et 1400 $US), ce qui représente une somme considérable dans un pays où le salaire minimum annuel est en moyenne – il varie selon les régions – de 1500€. Cette disparité crée ainsi un réel contraste entre les très riches qui dépensent énormément pour des études, tandis que les populations pauvres, représentant un plus large pourcentage de la population globale, n’en ont même pas les moyens.

- L'enseignement privé

Les établissements d'enseignement privés ont connu beaucoup de succès ces dernières années. Jusqu'en 2021, la Chine comptait près de 190 000 écoles privées, instruisant plus de 56 millions de jeunes, soit un cinquième de tous les élèves, selon les chiffres officiels. Par définition, ces établissements ne sont pas financés par l'État, tandis que les frais de scolarité peuvent être très élevés. De nombreux parents sont prêts à payer des sommes exorbitantes — des dizaines de milliers de dollars par année — pour que leurs enfants soient scolarisés dans ce type d'établissement. Malgré tout, ces établissements sont recherchés, car ils sont considérés comme offrant une formation supérieure à celle du secteur public. C'est principalement parce que l'environnement matériel et physique, et les ressources pédagogiques des écoles privées sont perçus supérieurs que ceux des écoles publiques. Les parents veulent créer un bon environnement éducatif pour leurs enfants et ne pas laisser leurs enfants perdre au départ. Jusqu'à récemment, il existait un large éventail d'écoles où les cours étaient offerts surtout en anglais (mais aussi d'autres langues comme le français, l'allemand, le japonais, etc.) ou du moins l'anglais ou une autre langue était enseigné comme langue étrangère, que ce soit dans les jardins d'enfants, les écoles primaires et secondaires, les académies spécialisées, les écoles bilingues, etc.

Les écoles internationales privées et étrangères étaient particulièrement recherchées: ce type d'écoles offrait un environnement d'enseignement bilingue, voire multilingue, et des méthodes d'enseignement qui intégrait le chinois et les langues étrangères. La plupart de ces écoles internationales recrutaient des étudiants de différentes nationalités. Différentes politiques et mécanismes pédagogiques ont créé différents environnements d'acquisition des langues. Même si ces écoles mettaient en place des cours bilingues, la première langue des étudiants devait être le chinois. La Loi sur la promotion de l'enseignement privé (2002) ne fait aucune allusion au chinois comme langue d'enseignement, probablement parce que les autres lois suffisent pour imposer cet enseignement.

Cependant, depuis 2021, l'année où a été adopté le Règlement d'application de la Loi sur la promotion de l'enseignement privé, le gouvernement chinois a commencé à racheter de nombreux établissements privés. L'article 4 énonce clairement les obligations de ces établissements privés en matière de moralité et d'idéologie socialiste:

Article 4 

Les écoles privées doivent
adhérer à la direction du Parti communiste chinois, adhérer à la direction socialiste de la gestion scolaire, adhérer à la nature du bien-être public de l'éducation, adhérer à l'éducation des valeurs fondamentales socialistes pour les apprenants et mettre en œuvre la tâche fondamentale en vue d'instruire les citoyens dans la moralité.

Les organisations de base du Parti communiste chinois dans les écoles privées
doivent mettre en œuvre les principes et les politiques du Parti, participer aux principales décisions scolaires et exercer une supervision, conformément aux lois, aux règlements administratifs et aux réglementations nationales applicables.

À plus ou moins long terme, toutes les écoles privées à travers la Chine doivent être nationalisées. L'objectif est de réformer le secteur de l'éducation privée afin de l'aligner sur l'objectif de la «prospérité commune» du président Xi Jinping. Dans le cadre de ces réformes, tous les établissements d'enseignement privés doivent être placés sous le contrôle direct du Parti communiste chinois. Celui-ci craint que le maintien des écoles privées et le statut social qui leur est attaché ne se révèlent «corrosifs» pour la société chinoise égalitariste.

Cette politique gouvernementale entraîne une refonte radicale du secteur chinois des technologies de l'information, d'une valeur de 100 milliards de dollars, interdisant aux entreprises qui enseignent ce programme scolaire de faire des bénéfices, de lever des capitaux ou de devenir publiques (art. 5 du Règlement). En outre, la Loi sur la promotion de l'enseignement privé maintient l'interdiction d'avoir recours à du matériel pédagogique étranger dans l'enseignement obligatoire et les programmes par matière. Entre le rachat d'écoles privées et l'interdiction pour les enseignants particuliers de réaliser des bénéfices, le régime chinois montre ainsi sa volonté de contrôle sur l'éducation et ses revenus. La circulaire envoyée par le gouvernement central aux autorités locales se veut tout aussi claire : «Nous devons nous assurer que les écoles publiques sont le principal fournisseur d'éducation obligatoire.»

Les autorités locales tentent de réduire à 5% le nombre d'étudiants inscrits dans les écoles privées en plafonnant le nombre d'étudiants autorisés à s'inscrire. Parmi les autres changements que les écoles privées devront envisager, mentionnons le transfert de propriété de certaines écoles, la modification des conseils scolaires et la transformation de certaines écoles en établissements à but non lucratif. En outre, les écoles peuvent être tenues de modifier radicalement leur programme d'études, ce qui pourrait avoir une incidence sur le nombre total d'élèves inscrits. Par exemple, le nombre d’apprenants de français dans les Alliances françaises en Chine, qui fluctue autour de 23 000, risque d'être de se réduire davantage.

Une remarque importante: les écoles privées qui ont été créées de manière indépendante, ainsi que les écoles privées fondées conjointement par les écoles publiques et les gouvernements locaux peuvent continuer à être conservées, mais les écoles privées fondées par des organisations individuelles et des organismes sociaux ayant des qualifications indépendantes de gestion scolaire doivent être converties du privé au public.

3.5 L'enseignement des autres langues chinoises

Il est utile de rappeler que les langues chinoises, dont fait partie le mandarin (putonghua), sont nombreuses. Ces langues sont appelées par les autorités chinoises des «dialectes»: en putonghua: 中国方言 ; en pinyin: "Zhōngguó fāngyán", ce qui désigne les «dialectes chinois», bien que ce soit des langues, comme le mandarin. Justement parce que ce sont des langues chinoises, elles ne sont pas considérées comme des langues minoritaires ethniques, comme le tibétain, le mongol, l'ouïghour, le mandchou, etc. Les locuteurs des langues chinoises sont des Hans comme ceux parlant le mandarin, hormis le fait que leurs langues n'ont aucun statut. De plus, ces langues ne sont pas mutuellement intelligibles. Par exemple, les différences qui opposent le mandarin, le wu, le gan, le xiang, etc., sont similaires à celles qui distinguent les langues romanes (français, espagnol, portugais, italien, catalan, etc.) les unes des autres. Les principales langues chinoises sont les suivantes:

Langue Nombre (2010) Pourcentage de la population
Mandarin 920 millions 65,7 %
Cantonais (yu) 84 millions 6,6 %
Wu 77 millions 6,1 %
Min 60 millions 6,2 %
Jin (jinyu) 45 millions 5,2 %
Xiang 36 millions 3,0 %
Hakka (kejia) 34 millions 3,5 %
Gan 31 millions 3,9 %
Huizhou 3,2 millions 0,3 %
Le mandarin (ou putonghua) est la langue chinoise la plus importante avec 920 millions de locuteurs (65,7% de la population). Il est suivi du cantonais (85 M.), du wu (77 M.), du min (60 M.), du jin (45 M.), du xiang (36 M.), du hakka (34 M.), du gan (31 M. et du huizhou (3,2 M.); on peut y ajouter le ping (200 000 locuteurs) souvent assimilé au cantonais.

Même si on les appelle des «dialectes», ce sont bel et bien des langues comme le mandarin, sauf qu'elle n'ont pas le statut d'officialité et qu'elles ne sont pas valorisées, et ce, d'autant plus qu'elle sont fragmentées en une multitude de sous-variétés locales.

 Ces langues, parlées par plus de 400 millions de locuteurs dans la vie courante, ne disposent d'aucun statut en Chine, si ce n'est d'être des langues vernaculaires locales appelée «dialectes». La base constitutionnelle des «dialectes chinois» est pratiquement nulle. L'article 4.4 de la Constitution déclare que «toutes les nationalités jouissent de la liberté d'utiliser et de développer leur langue et leur écriture, de conserver ou de réformer leurs usages et coutumes». En matière de protection, la Constitution ne mentionne clairement que le putonghua et les langues des minorités ethniques. 

De plus, la promotion de ces langues est également inscrite dans la Loi sur la langue et l’écriture communes nationales, la Loi sur l'autonomie des régions ethniques et la Loi sur l'éducation, tandis que les dialectes ne font pas vraiment partie de la politique linguistique officielle du gouvernement.

En principe, la promotion du mandarin standard national par les autorités chinoises n'a pas pour but d'éliminer les «dialectes», qui existeront encore longtemps dans certains domaines et dans certaines régions. Cette promotion du putonghua consiste à obliger les habitants des zones dialectales à apprendre le putonghua à partir de la connaissance de leur propre dialecte, afin qu'ils puissent l'employer lors des occasions de communication publique. Cependant, depuis que le gouvernement chinois favorise le mandarin commun et a obtenu des résultats remarquables, le déclin des dialectes ou langues vernaculaires est devenu un fait indéniable. À l'heure actuelle, les milieux universitaires discutent principalement de la protection des «dialectes» sous l'angle de la sociologie, des sciences politiques et de l'économie, mais il n'est jamais fait mention de la «protection juridique» de ces dialectes. 

La législation linguistique actuelle est concentrée sur la promotion du putonghua et restreint nécessairement l'usage des dialectes chinois afin de maintenir le statut du putonghua comme langue officielle, ce qui entraîne un contrôle administratif jugé parfois «excessif» dans la promotion de cette langue. Ainsi, l'administration nationale a interdit en 2004 la diffusion de films traduits «en dialecte». Ce genre d'interdiction dans l'univers médiatique a eu un effet d'entraînement en éducation, car les écoles en sont venues à sanctionner l'emploi des dialectes dans leurs établissements. On peut à l'occasion voir des affiches portant une inscription telle «Parlez mandarin!» (普通话). De nombreux parents demandent à leurs enfants d'apprendre d'abord le mandarin, d'une part, parce que celui-ci bénéficie d'un plus large éventail d'applications, d'autre part, parce que les enfants connaissent déjà leur langue locale; pourquoi apprendre ce que l'on sait?

Quant à la législation linguistique actuelle, elle est concentrée sur la promotion du putonghua en restreignant nécessairement l'usage des dialectes chinois afin de maintenir le statut du putonghua en tant que langue officielle, ce qui entraîne un contrôle administratif excessif dans le processus de promotion de cette langue. Ainsi, l'administration nationale a interdit en 2004 la diffusion de films traduits «en dialecte». Ce genre d'interdiction dans l'univers médiatique a un effet d'entraînement en éducation, car les écoles en sont venues à sanctionner l'emploi des dialectes dans leurs établissements. Même l'accent cantonais en putonghua, par exemple, est mal perçu par les Chinois.

Dès 2015, le ministère de l'Éducation et la Commission de la langue d'État ont lancé un projet de protection des ressources de la langue chinoise («Projet de protection de la langue») pour enquêter, préserver, afficher, développer et employer les dialectes chinois. Le projet a abouti à certaines réalisations locales et a permis des expériences dans certaines régions, sans lendemain. En fait, l'enseignement des variétés de chinois est découragé par les lois de la République populaire de Chine en faveur du putonghua. Depuis la fin des années 1990, la langue maternelle est complètement évacuée des écoles primaires en Chine continentale. Au mieux, certaines écoles tendent de préserver les coutumes folkloriques locales en présentant des comptines, des contes, des commentaires sur les arts populaires dans une langue véhiculaire». Celle-ci n'est alors pas enseignée, mais présentée comme un objet du patrimoine immatériel au nom de «la culture dialectale dans la salle de classe». Il existe de rares écoles qui, sur une base volontaire, donnent des cours en cantonais, en min ou en gan, mais en dehors des heures de classe. Étant donné que les enfants restent à l'école de 8h à 19 h, les horaires demeurent limitées pour d'autres activités. En revanche, une vingtaine d'universités offrent des «cours de dialecte» à leur étudiants en philologie chinoise; ces cours destinés à des spécialistes ou à des linguistes sont entièrement payés par l'État.

Dans la pratique, ce sont les familles qui transmettent leur langue vernaculaire locale à leur progéniture, car elle permet aux enfants de communiquer avec leurs grands-parents. Néanmoins, la plupart des parents sont réticents à ce que leur enfant prennent «trop de temps» à apprendre une langue qu'il sait déjà plutôt qu'employer son énergie à maîtriser la langue nationale commune, voire l'anglais. Compte tenu que la plupart des régions ont leurs propres variétés de chinois, il peut être difficile de communiquer avec les locuteurs d'une autre région et d'être compris, d'où le très grand avantage de pouvoir parler le putonghua commun dans tout le pays. Le prix à payer, c'est l'inexorable déclin des «dialectes chinois».

 
3.6 Les médias
 
Comme le gouvernement chinois estime qu'il convient de donner des modèles et des exemples au peuple dans la promotion du putonghua, le secteur des médias est devenu une cible de choix. Mais ce n'est pas tout: le président Xi Jinping est omniprésent dans tout le pays. Des portraits du leader chinois sont affichés dans les bureaux, ainsi que des photos à la Une des quotidiens, sans oublier les reportages dans tous les journaux télévisés du soir. Depuis son arrivée au pouvoir en 2012, Xi s’est construit un culte de la personnalité inégalé depuis Mao Tsé-toung. En plus des écoles, l'emprise idéologique du leader doit maintenant se généraliser à toute la population, du berceau jusqu'au cercueil, afin de s’assurer que la «pensée de Xi Jinping» soit bien intégrée dans la culture chinoise.

Évidemment, tous les médias, quels qu'ils soient, se doivent d'utiliser le putonghua, le chinois commun. Par exemple, les présentateurs de radio et de télévision ne peuvent pas travailler avant d’avoir passé un examen de putonghua ou de chinois langue commune. L'article 12 de la Loi sur la langue et l’écriture communes nationales oblige les stations de radio et de télévision à utiliser le putonghua:

Article 12

1) Les stations de radio et de télévision doivent utiliser le putonghua comme langue principale de diffusion de base.

2) Lorsqu'il est nécessaire d'utiliser une langue étrangère comme langue de diffusion, une approbation doit être obtenue auprès des services de la radiotélévision du Conseil d'État.

À l'heure actuelle, les médias de radio et de télévision de la Chine continentale emploient généralement le putonghua comme langue de diffusion. Selon des enquêtes officielles, la Chine s'efforce actuellement de faire en sorte que plus de 80% de la population maîtrise le mandarin; mais dont 92% des Chinois résidant dans les centres urbains peuvent communiquer dans cette langue.

- La presse écrite

La presse chinoise s'est particulièrement développée depuis les dernières décennies. Si en 1968, les journaux étaient au nombre d'une quarantaine, ils étaient passés à plus de 380 dans les années 1980, et à plus de 2200 aujourd'hui; on compte aussi près de 8000 magazines et revues sont également dénombrés dans le pays. Par conséquent, l'accroissement du nombre de titres s'est accompagné d'une certaine libéralisation de la presse, bien que les principaux journaux puissent rester aux mains de l'État et/ou du Parti communiste chinois. De façon générale, afin d'éviter la censure, les publications chinoises s'emploient à ne pas aborder les sujets trop litigieux vis-à-vis de l'État. Par précaution, la plupart des journaux puisent leurs informations de la firme China Neican (内参), une publication interne de l'État, exclusivement éditée par et pour les responsables du régime. Le principal journal du pays, le Renmin Ribao (人民日报), c'est-à-dire Le Quotidien du peuple (en français), a été créé en 1948 en tant qu'organe principal du Parti communiste chinois.

Il est pertinent de citer d'autres titres tels que le Gongren Ribao (工人日報), Le Quotidien des travailleurs ; le Nongmin Ribao (农民日报), Le Quotidien des agriculteurs affilié au ministère de l'Agriculture; le Zhongguo Qingnian Bao (中青在线), le journal de la Ligue de la jeunesse, etc., sans oublier le China Daily, qui est lié au Parti communiste chinois et le plus important journal en anglais du pays, mais qui pratique l'autocensure. Parmi d'autres journaux importants, on peut mentionner également le Jiefang Ribao (解放日报) ou La Libération quotidienne, le Nanfang Ribao (南方日报) ou Le Journal quotidien, ainsi que l'hebdomadaire Nanfang Zhoumo (南方周末) ou Week-end du Sud.

Il faut aussi ajouter que la Chine compte plusieurs agences de presse. La Xinhua News Agency (新华社), la plus ancienne et la plus importante agence chinoise. La Xinhua est rattachée au Conseil d'État et est tenue de donner le point de vue officiel du gouvernement chinois. L'autre grande agence est la China News Service (中国新闻社), également détenu par l'État chinois. Internet est par ailleurs fortement censuré, ce qui limite l'accès du public aux médias internationaux et aux médias chinois non sanctionnés.

Au point de vue linguistique, la Chine interdit depuis 2010 aux journaux, aux magazines, aux auteurs de livres et aux sites Internet d'employer des termes anglais au milieu de textes en chinois afin de préserver la «pureté» de la langue. L'interdiction a été émise par l'Administration générale de la presse et des publications, l'organisme directeur des publications écrites. La directive indique que l'usage croissant d'expressions anglaises et semi-anglaises nuit à la «pureté de la langue chinoise» et perturbe «l'environnement culturel harmonieux et sain» de la nation. Cependant, certaines exceptions sont possibles, notamment pour l'utilisation de mots et d'abréviations en anglais s'ils sont immédiatement suivis d'une traduction ou d'une explication en chinois, mais il faut que les traductions soient conformes aux principes et pratiques de base de la traduction. En cas d'infraction, les contrevenants sont passibles d'amendes.

- La presse électronique

Les médias audiovisuels sont très développés en Chine. La radio est un média particulièrement populaire parce qu'elle est écoutée dans les régions rurales les plus éloignées. Les stations de radio, du fait qu'elle sont très nombreuses (plus de 1000) et installées dans tout le pays, permettent en dépit de la censure un échange de vues beaucoup plus libre que les autres médias. La radio est dominée par la CNR China National Radio (中央人民广播电台), la radio publique. De façon générale, chaque province, chaque région autonome et presque chaque municipalité possède sa propre station de radio locale. Par conséquent, non seulement le mandarin est employé, mais également les autres langues chinoises telles que le wu, le cantonais (ou yu), le min, le xiang, le hakka, le gan, etc., ainsi que des langues minoritaires comme le tibétain, le coréen, le kazakh, le mongol, etc.

En termes de langue, China Radio International diffuse en 43 langues, avec le plus grand nombre de langues de propagande étrangères. En termes de zones couvertes, les stations de radio internationales ont la plus grande zone de couverture et peuvent essentiellement couvrir efficacement le monde entier. Parmi les émissions de radio en 43 langues et 211 heures par jour, l’anglais et le mandarin (y compris le mandarin et le cantonais) sont diffusés dans le monde entier. Il y a des émissions en 20 langues en Asie, dont le japonais, le coréen, le mongol, le russe et le vietnamien; des émissions en huit langues, dont le haoussa (vers l’Afrique de l’Ouest) et le swahili (vers l’Afrique de l’Est) vers l’Afrique et l’Asie occidentale; des émissions en deux langues en Amérique latine, en portugais et en espagnol; les émissions sont disponibles en 14 langues en Europe, dont le français, l'allemand, l'italien et le russe.

Le secteur de la télévision est dominé par la CCTV (China Central Television / 中国中央电视台), le principal réseau de télévision d'État; il compte 30 chaînes gratuites et près d'une vingtaine de chaînes payantes (en 2021). Au total, la Chine compte plus de 3000 chaînes de télévision, parmi lesquelles on distingue 1000 chaînes nationales, régionales ou locales et près de 2000 chaînes sur le câble.

La Loi sur la radio et la télévision (2021) autorise l'usage du putonghua et impose des balises interdisant certains contenus:
 

Article 19

Les émissions de radio et de télévision ne doivent pas contenir les contenus suivants :

1) Violer les principes fondamentaux établis par la Constitution, inciter à la résistance ou saper l'application de la Constitution, des lois et des règlements, déformer ou nier la culture socialiste avancée ;

2) Mettre en danger l'unité nationale, la souveraineté et l'intégrité territoriale, divulguer des secrets d'État, mettre en danger la sécurité nationale, porter atteinte à la dignité, à l'honneur et aux intérêts nationaux, et prôner le terrorisme et l'extrémisme ;

3) Calomnier l'excellente culture traditionnelle chinoise, inciter à la haine ethnique, à la discrimination ethnique, enfreindre les coutumes ethniques, déformer l'histoire ethnique ou les personnages historiques, blesser les sentiments ethniques et saper l'unité ethnique ;

Deux stations de CCTV (China Central Television) sont diffusées dans des langues étrangères : CCTV-9 (CCTV International) en anglais et CCTV-E&F qui diffuse en français et en espagnol. Cette station présente non seulement les nouvelles importantes de la Chine et du monde, mais diffuse également au monde certaines émissions qui intéressent les étrangers, en particulier les locuteurs du français et de l'espagnol.

Étant donné le régime autoritaire de la Chine d'aujourd'hui, ce pays est devenu le plus grand geôlier de journalistes au monde, selon Reporters sans frontières, avec au moins 115 détenus. Les autorités chinoises continuent de harceler et de détenir des journalistes qui couvrent les questions relatives aux droits de la personne, ainsi que leurs interlocuteurs. Malgré l'émergence d'une certaine autonomie des médias, des courants de résistance s'organisent en même temps qu'augmentent les organismes de contrôle sur les médias. En 2021, la Chine se classée 177e sur 180 pays dans le classement de la liberté de la presse. Bien que l'article 35 de la Constitution chinoise garantisse la liberté d'expression et de la presse, le gouvernement viole régulièrement en toute impunité cette disposition dans la pratique.

- Le cinéma

La législation chinoise ne mentionne pas expressément quelle langue employée dans la production ou la diffusion des films. En effet, la Loi sur le cinéma chinois (2016) ne fait que présenter les motifs pour soutenir le cinéma, dont celui de faire avancer les «valeurs fondamentales du socialisme»:

Article 14

L'État soutient la création et la production des films suivants :

1) Les films qui font avancer les valeurs fondamentales du socialisme ;
2) Les films propices à la croissance saine des mineurs ;
3) Les films montrant les réalisations de l'innovation artistique et promouvant le progrès artistique.

La Chine constitue le plus grand marché cinématographique au monde, dépassant l'Amérique du Nord avec 47 milliards de yuans (7,4 milliards de dollars) de recettes au box-office.

Alors que la production cinématographique et l'exploitation des cinémas dans le monde ont connu des perturbations massives en raison de la pandémie de COVID-19, les salles de cinéma ont commencé à rouvrir en Chine à partir de juillet 2020. Même avant l'émergence de la pandémie, la Chine était au coude à coude avec les États-Unis, collectant plus de neuf milliards de dollars américains au box-office.

La Chine produit environ 750 films par année. Les Chinois consomment leurs films nationaux dans une proportion de 80%, les 20% restant sont généralement des films américains, sud-coréens et indiens. En raison des différences linguistiques, les films étrangers introduits en Chine doivent être traduits en chinois commun. Dans la pratique, le gouvernement suspend parfois l'importation de films étrangers, notamment américains, sud-coréens, pour des raisons de représailles politiques.

La Chine protège son industrie nationale en n'autorisant qu'un certain nombre de films étrangers à être projetés annuellement, ce qui rend difficile pour les studios étrangers de capitaliser sur la demande croissante de la classe moyenne émergente du pays. Le gouvernement chinois impose une multitude de règles et de réglementations aux films étrangers projetés en Chine et aux sociétés cinématographiques étrangères opérant en Chine. Néanmoins, les films étrangers, principalement hollywoodiens, sont généralement les films les plus rentables parce qu'ils dominent le box-office chinois.

Ci-contre, une publicité du film biographique titré en chinois 守岛人 (littéralement «Les Gardiens de l'île»; en anglais "Island Keeper"), lequel fut présenté en Chine le 18 juin 2021, pour commémorer le 100e anniversaire du Parti communiste chinois.

- L'Administration générale de la presse et des publications

L'Administration générale de la presse et des publications (称新闻出版总署; en pinyin: Xīnwén chūbǎn zǒng shǔ) est principalement responsable de la mise en œuvre des directives de travail de propagande du Parti communiste chinois, de la formulation et de la supervision de la mise en œuvre des politiques de gestion de la presse et de l’industrie de la publication, de la gestion des affaires administratives de la presse et de la publication, de la supervision et de la gestion du contenu, ainsi que de la qualité des publications et de la gestion de l’importation des publications.

Diverses publications telles que les journaux, les livres, les produits audiovisuels, les livres électroniques et l'Internet, en tant que médias importants pour le public, sont des praticiens et des propagandistes de la normalisation linguistique. Ils apportent, selon les autorités, des contributions importantes et jouent un rôle positif dans l'usage correct de la langue. Cependant, avec le développement de l'économie et de la société, l'usage des langues et des caractères étrangers dans diverses publications comme les journaux, les périodiques, les livres, les produits audiovisuels, les livres électroniques et l'Internet a fortement augmenté. Les mots et les abréviations en anglais, la création de certains mots non chinois, non étrangers et peu clairs, ainsi que d'autres problèmes d'abus de la langue et des mots, ont gravement endommagé la normalisation et la pureté de la langue et des mots chinois, et détruit «une langue harmonieuse et saine» et causé «un impact socioculturel négatif».

Le 10 novembre 2010, l'Administration générale de la presse et des publications a publié un «avis» demandant de normaliser davantage le texte des publications chinoises. L'avis prescrit que, dans les publications chinoises, il est dorénavant interdit d'utiliser arbitrairement des mots ou des abréviations en anglais et en d'autres langues étrangères; qu'il est interdit de créer des mots qui ne sont pas chinois ou dont le sens n'est pas clair, qu'il est interdit d'ajouter arbitrairement des lettres étrangères, d'inverser l'ordre des mots, etc.

Voici un extrait de l'Avis sur la réglementation plus poussée de l’usage des textes dans les publications (2010):

3. Attacher une grande importance à la standardisation dans l'emploi des langues étrangères. Les médias d'édition et les unités d'édition doivent renforcer davantage la normalisation dans l'usage des langues et des caractères étrangers, ainsi que respecter et suivre les règles structurelles, le vocabulaire et les règles de grammaire de la langue chinoise et des langues et caractères étrangers utilisés. Dans les publications chinoises, il est interdit d'entraîner et d'employer arbitrairement des langues étrangères telles que des mots ou des abréviations anglais; il est interdit de créer des mots qui ne sont pas chinois, non étrangers ou dont le sens n'est pas clair; il est interdit d'ajouter ou d'ajouter arbitrairement ou de supprimer les lettres étrangères, inverser l'ordre des mots, etc., qui violent les normes linguistiques. Lorsqu'une langue ou une écriture étrangère doit être employée dans les publications chinoises, les annotations nécessaires doivent être faites dans la langue nationale commune. La traduction des langues et des caractères étrangers doit être conforme aux principes et aux conventions de base de la traduction. Les noms étrangers, les noms de lieux et autres noms propres, ainsi que les termes scientifiques et techniques doivent être traduits dans la langue nationale commune, conformément à la réglementation en vigueur.

- L'interdiction de l'anglais

Pourtant, depuis 2010, il est interdit aux médias d'employer de façon aléatoire des mots anglais dans les textes oraux ou écrits. Le journal USA Today mentionne dans un rapport que les médias chinois ne sont plus autorisés à utiliser des mots et des phrases en anglais, en particulier le "chinglish". Selon les autorités chinoises, le "chinglish", ce mélange de mots mi-anglais et mi-chinois, aurait gravement nui à la normalisation et à la pureté de la langue chinoise et détruirait l’environnement linguistique et culturel harmonieux et sain, causant ainsi un impact social négatif. Si la réglementation est strictement appliquée, de nombreux acronymes anglais couramment utilisés tels que DNA, GDP, CEO, etc. disparaîtront ou seront remplacés par des mots équivalents en chinois.

Après la publication du rapport sur le site Web NBC News aux États-Unis, des journalistes ont attiré un grand nombre d’internautes étrangers pour laisser des commentaires. Certains d'entre eux approuvent la réglementation de l’Administration générale de la presse et des publications de Chine, déclarant : «Protéger la langue, c’est protéger la culture unique de la Chine.» Par contre, d'autres ont écrit: «J’apprécie l’approche de la Chine pour protéger sa langue. Les Philippines sont un exemple négatif. Ce pays avait autrefois une langue philippine, mais maintenant ce n’est plus une langue pure parce qu’elle est diluée avec l’espagnol et l’anglais.» Par ailleurs, il y a aussi des internautes qui estiment qu’il est difficile pour la Chine d’éviter l’anglais dans un monde de plus en plus mondialisé.

Les médias s’inquiètent également de la polémique suscitée par ce règlement.

La politique chinoise sur la langue commune nationale, le putonghua ou chinois standard en est une de valorisation de la langue officielle. Cette politique était rendue nécessaire en raison des difficultés particulières du code linguistique propre au chinois. La question des idéogrammes rendait l'intervention de l'État urgente parce qu'elle favorisait l'apprentissage de la langue écrite rendue difficile et réservée aux initiés, voire aux savants. En ce sens, les premiers dirigeants de la Chine communiste ont eu l'heure juste lorsqu'ils ont perçu la nécessité de simplifier les caractères chinois et d'inventer un alphabet basé sur les lettres latines.

La politique développée à l'égard de la langue officielle en est une de standardisation de la langue commune. Des travaux colossaux ont été réalisés au plan terminologique. Les nombreux ouvrages de normalisation en matière de langue ont fait avancer la cause du putonghua plus que les impositions du temps de la Révolution culturelle. Pour ce faire, il fallait intervenir sur deux aspects de l'écriture: la simplification des caractères traditionnels et la développement de l'alphabet pinyin. La Loi sur la langue et l’écriture communes nationales (2001) poursuit un objectif principal louable, qui consiste à promouvoir la généralisation de l’usage du putonghua et des caractères chinois normalisés. Il semble que, même si son application reste récente, la loi ait permis des avancées appréciables.

Cependant, la politique linguistique destinée à promouvoir le chinois standard a également des effets négatifs sur les populations minoritaires, surtout depuis la Révolution culturelle du milieu des années 1960. Après avoir développé une approche à la fois plus conciliante et plus respectueuse des droits des minorités au cours des années 1980, les autorités actuelles ont retrouvé les anciennes habitudes, celles qui consistent à assimiler les minorités dans le but de mieux unifier le pays. Comme nous le savons, la Chine est une nation multiethnique, où coexiste à l’intérieur de ses frontières une majorité sinophone de 94%, constituée par les Hans, ainsi que 55 minorités qui occupent plus de la moitié du territoire. L'un des effets pervers possibles de l'unification linguistique est de se réaliser aux dépens des peuples minoritaires. Dans les faits, la Chine pratique un nationalisme excessif qui met l’accent sur les dimensions ethniques et culturelles de la nation en réhabilitant le confucianisme et un système de valeurs étranger, par exemple, aux Tibétains, aux Mongols et aux peuples musulmans comme les Ouïghours. La politique de standardisation de la langue chinoise, aussi légitime qu'elle soit, peut se faire à contre-courant d’une constitution qui proclame à l'article 4 que «toutes les nationalités sont égales en droits en République populaire de Chine». C'est l'objet du prochain article (La politique linguistique à l'égard des minorités nationales).

 

Dernière mise à jour: 22 déc. 2023
  Chine  
(1) Situation géopolitique

(2) Données démolinguistiques


(3) Histoire de la Chine et ses incidences linguistiques

 
(4) La politique linguistique à l'égard du chinois officiel
(5) La politique linguistique à l'égard des minorités nationales (6) Bibliographie Les cinq régions autonomes
Loi sur la langue et l’écriture communes nationales (2001)

 

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