République populaire de Chine
2. Données démolinguistiques

Remarque:

Toutes les données chiffrées contenues dans cette page sont tirées d'une source chinoise (la China Statistical Information Network, en chinois et en anglais) et d'une source suisse (la SinOptic, Services et études du monde chinois, en français). 

1 La population chinoise

La Chine demeure le pays le plus peuplé au monde, avec 1,4 milliard d'habitants. La densité moyenne du pays atteint 133 habitants au km², mais c'est une mesure qui masque de très fortes disparités régionales. En effet, la répartition de la population montre une forte opposition entre la Chine de l’Ouest, où la densité moyenne n’excède pas 10 habitants au kilomètre carré (p. ex.: Tibet avec 1,8 hab./km²) et la Chine de l'Est, très densément peuplée, avec plus de 360 habitants au kilomètre carré (p. ex., près de 2200 hab./km² à Shanghai).

Ainsi, 43 % des Chinois vivent sur 18 % de la superficie totale du pays. Il s’agit des régions côtières orientales où se concentrent les richesses, les grandes villes et les grandes plaines agricoles: Hebei avec Pékin et Tianjin; Fujian; Guangdong; Hainan; Heilongjiang; Jiangsu avec Shanghai; Jilin; Shandong; Zhejiang; Liaoning avec Shenyang. Environ 44 % de la population occupent les provinces du centre de la Chine (Anhui, Guizhou, Hubei, Henan, Hunan, Jiangxi, Shaanxi, Shanxi, Sichuan), ce qui représente 20,6 % du territoire. Enfin, 13 % seulement de la population réside en Chine occidentale et près des frontières mongoles (Gansu, Guangxi, Mongolie intérieure, Ningxia, Qinghai, Tibet, Xinjiang, Yunnan) qui couvrent 61,4 % du pays.

Soulignons aussi que la Chine est, depuis très longtemps, un pays d’émigration. On estime à 50 millions le nombre de Chinois, appelés «Huaqiao», ayant émigré à l’étranger dont 2,5 millions en Amérique du Nord, 600 000 en Europe et 160 000 en Océanie. L’essentiel de cette émigration concerne en fait l’Asie, et principalement Taiwan (21 millions), l’Indonésie (6,15 millions), la Thaïlande (4,8 millions), la Malaisie (4,1 millions), Singapour (1,85 million), et, jusqu’à un passé très récent, Hong-Kong (5,7 millions) et Macao (0,47 million), ces derniers territoires étant maintenant rétrocédés à la Chine.

Rappelons que la Chine est non seulement le troisième plus grand pays du monde, mais c'est aussi le plus populeux (1,5 milliard d'habitants). Pour la plupart des Occidentaux, tous les citoyens de la Chine, de quelque origine qu'ils soient, sont des «Chinois». La Constitution (1982) s'inspire à la fois du «droit du sol» et du «droit du sang» en faisant du pays une «République socialiste unitaire et multinationale» dont les citoyens sont tous égaux en théorie, mais sont néanmoins différenciés selon leurs origines ethniques. C'est aussi le cas de la Constitution russe et, avant elle, de la Constitution soviétique de 1936, dont toutes les deux s'inspirent. On compte ainsi en Chine quelque 200 langues, 24 ethnies chinoises et 55 minorités non chinoises officiellement répertoriées. Ces minorités non chinoises représentent une population équivalant, par exemple, à près de deux fois et demie celle du Canada et habitent des régions qui forment ensemble un territoire aussi vaste que l'Europe de l'Ouest. En raison de son territoire immense et de sa population multilingue, la République populaire de Chine a traditionnellement pratiqué une politique linguistique énergique de sinisation pour favoriser l'unité nationale. Cependant, depuis le début des années 1980, les minorités nationales ont vu leurs droits linguistiques considérablement élargis, tout en subissant, sur le plan religieux, un contrôle de plus en plus strict et la répression de toute tendance incompatible avec le communisme d'État (notamment chez les lamaïstes du Tibet et les musulmans du Xinjiang).

On trouvera la liste complète des ethnies reconnues officiellement par les autorités chinoises en cliquant ICI, s.v.p.

2 Les Hans comme ethnie dominante

Ceux que l'on nomme les Hans  — la dynastie des Hans régna de -206 jusqu'à +220, comptant 28 empereurs — constituent l’immense majorité de la population (92 %), les 8 % restants (selon le recensement de 2000) regroupent quelque 55 minorités ethnolinguistiques. Le mot Han est le terme officiellement utilisé en Chine pour désigner «les populations ethniquement chinoises». Les Hans se caractérisent surtout par une culture et une civilisation commune, principalement agricole, et moins par des traits physiques communs. La majorité des Han vivent dans les bassins des cours moyens et inférieurs des fleuves Huanghe (fleuve Jaune), Changjiang (fleuve Yangtze) et Zhujiang (fleuve Perle), et dans la plaine du Song-Liao du Nord-Est (Mandchourie). Comme on le constate sur la carte des peuples de la Chine, les Hans sont concentrés surtout à partir du centre du pays, puis vers le nord-est et le sud-est. Ces régions couvrent 40 % de la superficie totale de la Chine et elles correspondent au territoire de la Chine historique; il y a eu par la suite des migrations vers le sud, c'est-à-dire vers la vallée du Yang Tsé et ensuite vers l'extrême sud, puis vers l'ouest et le nord. Récemment, un certain nombre de Hans se sont implantés plus massivement dans les provinces périphériques, dans le cadre de la colonisation des «zones pionnières»; il s’agissait, pour la plupart, de migrations forcées.

Les Hans constituent aujourd’hui la majorité de la population dans 20 provinces  chinoises sur 22, à l’exception du Xinjiang et du Tibet. Dans la région autonome de la Mongolie intérieure par exemple, ils représentent 84,5 % de la population. En 1949, les Hans représentaient à peine 5,5 % de la population du Xinjiang. Aujourd’hui, ils en constituent plus de 40 %. La politique de «colonisation» pratiquée depuis des décennies par la Chine au moyen de transferts massifs de populations chinoises au Tibet a largement contribué à ce que les Tibétains soient aujourd’hui minorisés dans leur propre patrie: six millions de Tibétains contre sept millions de Chinois dans le Grand Tibet (ou Tibet historique), pas seulement la région autonome d'aujourd'hui où ils sont encore largement majoritaires. Pour les dirigeants chinois, il s'agit, selon le vocabulaire consacré, d'«ajouter du sable», autrement dit d'«épaissir le ciment», une façon subtile de parler de minorisation ou de sinisation, dont l'objectif final est d'assimiler ces minorités.

Cela étant dit, on distingue deux catégories de Hans: les Hans parlant le chinois officiel (putonghua) et les Hans parlant d'autres langues chinoises que le putonghua.

1) La première catégorie de Hans, qui représente environ 67 % des Chinois, parle le chinois mandarin ou putonghua comme langue maternelle. La langue chinoise est appelée zhongwén ou 中文 , et elle est également dénommée Hànyŭ ou 汉语, c'est-à-dire la «langue des Han» ou le «parler han».

2) La seconde catégorie de Chinois hans est concentrée dans le Sud-Est. Elle compte 380 millions (27 %) de locuteurs parlant l'une des 24 langues chinoises autres que le mandarin (ou putonghua): wu, cantonais (ou yu), min, xiang, hakka, gan, etc. Ces langues chinoises, qu'on s'obstine souvent à appeler «dialectes», sont des langues au même titre que le mandarin ou chinois officiel. Certaines de celles-ci sont parlées par des dizaines de millions de locuteurs: wu (77,1 millions), cantonais (52 millions), jinyu (45 millions), hakka (36 millions), gan (20,5 millions), etc.

Qu'ils parlent le mandarin ou l'une des autres langues chinoises, les locuteurs de ces langues sont considérés comme des sinophones. Ce sont, dans les deux cas, des Han. Il est à noter que, d'une langue chinoise à l'autre, la compréhension est la plupart du temps difficile, voire impossible, les différences étant aussi grandes, par exemple, qu'entre le français et l'espagnol ou le portugais. On peut consulter la carte des langues chinoises en cliquant ICI, s.v.p. Les Chinois han désignent comme des «minorités nationales» les peuples considérés non sinophones, c'est-à-dire les non-Han.

3 Les minorités nationales (non hans)

Les minorités nationales (shaoshu minzu) sont en principe des non-sinophones (les non-Han), mais il existe néanmoins deux groupes sinophones: les Hui et les Jing. Ces minorités regroupent au moins 80 millions de personnes (8,4 % de la population) et parlent quelque 55 langues différentes pour près de 200 ethnies.

En dépit de leur faible poids démographique, de leur diversité ethnique et de leur dispersion territoriale, les minorités nationales revêtent une importance géopolitique certaine, car elles occupent plus de 60 % du territoire alors que certaines aires d’habitat constituent des zones particulièrement sensibles au point de vue géopolitique. Il existe au-delà de 80 millions de représentants des minorités vivant dans les régions autonomes de la Chine, formant 78 % du total (incluant les provinces) de la population minoritaire dont le nombre s'élève à quelque 106 millions d'individus. 

Cependant, il faut bien comprendre que le nombre des membres d'une ethnie ne correspond pas nécessairement à celui des locuteurs d'une langue. Par exemple, si 90 % des 16 millions de Zhuang parlent le zhuang, à peine 60 locuteurs (sur une population de 10,6 millions) peuvent encore s'exprimer en mandchou. Les Hui présentent aussi un cas extrême d'assimilation (sinisation). Tous les Hui parlent aujourd'hui le chinois et on ignore même quelle langue ils parlaient auparavant; pratiquement tous les Mandchous ont perdu leur langue, à l'exception d'une soixantaine de locuteurs et les Xibe du Xinjiang, qui parlent une langue très proche.  On trouvera la liste complète des minorités nationales en cliquant ICI, s.v.p.

3.1 Les minorités numériquement importantes

Les minorités les plus importantes au point de vue du nombre de leurs membres comptent plus d'un million de personnes et constituent quelque 90 % de la population totale englobant toutes les minorités de la Chine. Ce sont les 18 groupes suivants: les Zhuangs, les Hui, les Mandchous, les Ouïghours, les Miao, les Yi, les Tujia, les Mongols, les Tibétains, les Bouyei, les Dong, les Yao, les Coréens, les Bai (ou Minjia), les Hani, les Kazakhs, les Li et les Dai (voir la carte). Parmi ces groupes, neuf d'entre eux comptent au moins cinq millions de membres: les Zhuangs, les Hui, les Mandchous, les Ouïghours, les Miao, les Yi, les Tujia, les Mongols et les Tibétains.

3.2 Les minorités numériquement moins importantes

Les 15 minorités dont le nombre se situe entre 100 000 et moins d'un million de membres représentent 7,5 % des minorités nationales: les She, les Lisu, les Gelao, les Lahu, les Dongxiang, les Wa, les Sui, les Naxi, les Qiang, les Tu, les Kirghiz, les Daur, les Jingpo, les Mulam et les Xibe (voir la carte). 

À ce nombre s'ajoutent 14 nationalités dont la population est supérieure à 10 000, mais inférieure à 100 000, c'est-à-dire 1,1 % de la population totale des minorités nationales: les Salar, les Blang, les Maonan, les Tadjiks, les Pumi, les Achang, les Nu, les Évenki, les Jing, les Jino, les De'ang, les Ouzbeks, les Russes, les Yougour et les Bonan.

Enfin, il existe huit nationalités dont la population est inférieure à 10 000 personnes (soit 0,05 % des populations minoritaires): les Monba, les Oroqen (ou Oroqin, Orochen ou Orochon), les Drung, les Tatars, les Hezhe, les Gaoshan et les Lhoba.

Certaines minorités n'existent quasiment plus que sur papier, ce qui permet à leurs membres de conserver quelques privilèges comme celui d'avoir plus d'un enfant par famille. Évidemment, les Han voient d'un mauvais œil ce privilège inacceptable. Il n'en demeure pas moins que, de façon générale, les ethnies ou les nationalités ne pèsent pas lourd avec leurs 106 millions (en 2000) de représentants, face au milliard de Hans. Dans ce pays, il n'y a pas beaucoup de place pour ceux qui refusent de se mouler dans le conformisme chinois: c'est l'assimilation ou la sinisation tant linguistique que culturelle des uns (Miao, Zhuang, etc.) et la colonisation massive des autres (Mongols, Tibétains, Mandchous, etc.). Pourtant, réunies, les nationalités forment un ensemble supérieur à la population de la France ainsi que des francophones du Canada, de la Belgique et de la Suisse.  

L’ensemble des langues parlées en Chine couvre les familles linguistiques suivantes: 

famille sino-tibétaine chinois, yi, tujia, tibétain, bai, hani, lisu, lahu, naxi, qiang, jingpo, maonan, pumi, achang, nu, jing. jino, monba, drung, lhoba;
famille altaïque mandchou, ouïghour, mongol, kazakh, tu , kirghiz, daur, xibe, salar, évenki, ouzbek, yougour, bonan, oroqen, tatar et herzhe;
famille thaï-kadai zhuang, bouyei, dong, li, dai, gelao et sui;
famille hmong-mien miao, yao et she;
famille austro-asiatique va (ou wa), blang et de'ang,
famille indo-européenne tadjik et russe;
famille coréenne coréen
famille austronésienne diverses langues formosanes

3.3 Les régions minoritaires

Bien que présentes un peu partout dans le pays, les minorités se localisent principalement dans les régions périphériques frontalières du Nord-Est, du Nord, du Nord-Ouest, de l’Ouest, ainsi que dans les provinces du Sud. En soi, le nombre relativement faible des minorités (8,4 % en 2006) ne constituerait pas un problème en Chine si ce n'était le fait que les Han (tant ceux du Nord que ceux du Sud), malgré leur forte majorité de 92 %, n'occupent que 40 % du territoire chinois, alors que les minorités non sinophones en occupent 60 %.

De plus, ces minorités habitent des territoires riches en ressources naturelles et elles sont localisées près des frontières considérées comme stratégiques par Pékin pour une question de sécurité nationale. De plus, ces minorités ont des liens ethniques avec des peuples frères de l'autre côté des frontières. Toutes les nationalités turques (Ouïghours, Kazakhs, Tatars, Kirghiz, Ouzbeks, etc.) occupent des frontières communes avec les nations turques de l'ex-URSS, de l'Afghanistan et du Pakistan; les Tibétains de Chine partagent également une frontière avec les Tibétains de l'Inde; les Miao, les Li et les Zhuang entretiennent des liens avec leurs semblables au Laos et au Vietnam; il en est de même pour les Mongols de Chine relativement à leurs frères en Mongolie et en Russie; les Coréens, eux aussi, partagent une frontière avec les Coréens de la Corée du Nord. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les minorités non sinophones rendent les frontières chinoises poreuses et peu sûres.

4 Les langues chinoises

L'Académie des sciences sociales de Chine (ASSC) a dénombré 129  langues parlées en Chine. De ce nombre, 24 sont des langues chinoises appartenant à la famille sino-tibétaine. Les langues chinoises modernes (c'est-à-dire postérieures au XIe siècle de notre ère) sont toutes issus du chinois archaïque qui possède une longue histoire de plus de trois mille ans. Le chinois archaïque était déjà monosyllabique, mais subissait cependant des flexions grammaticales. L'étape suivante, qui a fait l'objet d'analyses approfondies, fut celle du chinois moyen ou chinois ancien (jusqu'au XIe siècle de notre ère). À cette époque, le système phonologique remarquablement riche du chinois archaïque avait déjà évolué vers la simplification extrême connue dans les langues chinoises modernes.

On distingue deux types de langues chinoises: il faut différencier les langues chinoises et les dialectes mandarins. Les langues chinoises sont non compréhensibles entre elles, comme le français et l'espagnol, alors que les dialectes mandarins sont aisément intelligibles entre eux. Quoi qu'il en soit, qu'on les appelle «langues» ou «dialectes», ce sont linguistiquement tous des langues. 

4.1 Le putonghua comme langue officielle

Le chinois officiel est appelé putonghua (普通話 ou pǔtōnghuà en pinyin) en République populaire de Chine, non «mandarin». C'est une langue très normalisée, et basée sur la variante locale du parler de Pékin. Plusieurs termes sont utilisés pour désigner le chinois officiel: hanyu (han-yu) («langue des Hans»), zhongwen («écriture de l'empire du Milieu»), putonghua («langue commune» et à Taiwan guoyu («langue nationale»).

Le mot mandarin correspond à la langue utilisée par les fonctionnaires lettrés qui subissaient les examens de recrutement dans cette langue; sous l'ère Yongzheng des Qing (1723-1735), l'empereur exigeait que les fonctionnaires parlent le mandarin («langue des fonctionnaires»), l'expression n'étant plus beaucoup en usage en Chine. Maintenant, le terme officiel est putonghua, conformément à ce qui est inscrit dans la Loi sur la langue et l’écriture communes nationales de 2001.

Plus précisément, les Chinois vont employer les sinogrammes 普通話 pour désigner leur langue officielle, mais en pinyin ce sera le mot pǔtōnghuà que les étrangers auront tendance à transcrire par «mandarin» (dans la plupart des langues occidentales). Bref, parmi les 50 dialectes chinois, c'est le putonghua qui est devenu la variété la plus prestigieuses parce qu'elle sert de langue nationale commune. Jusqu'à un certain point, dans un contexte précis, les termes «putonghua», «mandarin» et «chinois» peuvent être synonymes.

4.2 Les langues chinoises non officielles

On distingue huit grandes langues chinoises autres que le putonghua, lesquelles sont toutes parlées dans le sud-est de la Chine. Ces langues ne sont pas mutuellement intelligibles. Par exemple, les différences qui opposent le mandarin, le wu, le gan, le xiang, etc., sont similaires à celles qui distinguent les langues romanes (français, espagnol, portugais, italien, catalan, etc.) les unes des autres. Il faut préciser également que chacune des grandes langues chinoises est fragmentée en plusieurs variétés dialectales. Le mandarin lui-même se subdivise en huabei guanhua, xibei guanhua, xinan guanhua, jinghuai guanhua (jiangxia guanhua, bas-yangze); le wu connaît les variétés comme le taihu, le jinhua (kinhwa), le taizhou, l'oujiang, le wuzhou, le chuqu, le xuanzhou. Outre le putonghua, les plus importantes langues chinoises, c'est-à-dire celles qui comptent plus de 10 millions de locuteurs, sont les suivantes:
 

Langue Pourcentage Locuteurs (2010) Localisation Variétés dialectales
Mandarin (putonghua)

65,7 %

920 millions

Centre et Nord-Est

huabei guanhua, xibei guanhua, xinan guanhua, jinghuai guanhua (jiangxia guanhua, bas-yangze mandarin)
Cantonais (yu) 6,6 %84 millions

Guangdong

yuehai (guangfu, hong-kongais, cantonais, shatou, shiqi, wancheng), siyi (seiyap, taishan, toisan, hoisan, schleiyip), gaolei (gaoyang), qinlian, guinan
Wu 6,1 %77 millions

Anhui, Jiangsu, Zhejiang

taihu, jinhua (kinhwa), taizhou, oujiang, wuzhou, chuqu, xuanzhou

Min
 
6,2 % 60 millions

Fujian, Hainan, Taiwan

 

xiamen, leizhou (lei hua, li hua), chao-shan, hainan (hainanese, qiongwen hua, wenchang), longdu, zhenan min
Jin (jinyu) 5,2 %45 millions Shanxi

bingzhou, lüliang, shangdang, wutai, datong-baotou, zhangjiakou-hohhot, handan-xinxiang, zhidan-yanchuanet bayan-nao'er

Xiang 3,0 %36 millions Hunan

sous-groupe chángyì (32 variétés), sous-groupe lóushào (21 variétés) et sous-groupe jíxù (8 variétés)

Hakka (kejia) 3,5 %34 millions

Guangdong, Fujian, Jiangxi, Guangxi, Hunan, Sichuan

yue-tai (meixian, raoping, taiwan kejia), yuezhong, huizhou, yuebei, tingzhou (min-ke), ning-long (longnan), yugui, tonggu
Gan 3,9 %31 millions Jiayu, Chongyang, Anhui, Hunan, Fujian chang-jing, yi-liu, ji-cha, fu-guang, ying-yi
Huizhou 0,3 % 3,2 millions

Ouïghour, Gansu, Qinghai et Ningxia

jixi, xiuyi, qide, yanzhou, jingzhan

Parmi les langues chinoises non officielles, six d'entre elles apparaissent comme majeures: le cantonais ou yu (84 millions de locuteurs), le wu (77 millions), le min (60 millions), le jin (45 millions), le xiang (36 millions), le hakka (34 millions) et le gan (31 millions); on peut y ajouter le ping (200 000 locuteurs) souvent assimilé au cantonais. Voir la carte linguistique

Le wu  est parlé dans les provinces du Jiangsu et du Zhejiang, ce qui inclut la variété locale de Shanghai. Parlé par quelque 68 millions de locuteurs, le min est en usage dans la province du Fujian et à Taiwan; très diversifié, le min est fragmenté en diverses variétés (min nan, min dong, min bei, min zhong, puxian, qiong wen et shao jiang). Le cantonais (ou yu) est parlé dans la province du Guangdong, dans la Région autonome du Guangxi, ainsi qu'à Hong Kong et à Macao. Le hakka est employé dans les provinces du Guangdong, du Fujian, du Jiangxi et dans la Région autonome du Guangxi. Le xiang est employé dans la province du Hunan, alors que le gan est parlé dans la province du Juangxi.

Il existe aussi d'autres langues chinoises dont la classification a fait l'objet de controverses. Ainsi, le hui, parlé dans la province du Anhui, est classé comme appartenant au gan. Le jin (ou jinju) est considéré comme une variante du mandarin et est parlé dans les provinces du Shanxi, du Shaanxi et du Henan, ainsi qu'en Mongolie intérieure.

Le huizhou, pour sa part, est considéré également comme une autre variante du mandarin; il est parlé par des locuteurs musulmans — les Hui — dans la Région autonome du Xinjiang, ainsi que dans les provinces du Gansu, du Qinghai et la Région autonome du Ningxia.

Classé généralement avec le cantonais, mentionnons le ping ou pinghua parlé par quelque 200 000 locuteurs dans certaines régions du Guangxi. On peut relever aussi certaines variétés plus ou moins classées telles que le danzhouhua parlé dans la région de Danzhou et dans l'île de Hainan par environ 400 000 locuteurs; le shaozhou tuhua utilisé dans certains comtés des provinces du Guangdong, du Hunan et du Guangxi; le xianghua en usage dans l'ouest de la province du Hunan.

Enfin, on peut rappeler la langue doungane parlé par environ 100 000 locuteurs dans le Kirghizistan et apparenté aux dialectes mandrins du Nord-Est, mais parce que le doungane est écrit en alphabet cyrillique il n'est pas considéré par plusieurs comme une langue chinoise. Historiquement, les Dounganes proviennent des descendants des musulmans hui, lesquels écrivaient leur langue avec ce qui pourrait être un alphabet arabe; mais celui-ci fut proscrit par les autorités soviétiques à la fin des années vingt, pour passer à l'alphabet latin avant de devoir utiliser l'alphabet cyrillique dans les années 1940.

Dans la vie quotidienne, les langues chinoises non officielles (autres que le putonghua) demeurent des langues employées couramment  chez quelque 400 millions de locuteurs. En général, le fait de parler le putonghua constitue un effort pour une grande partie de la population chinoise. Même la variété du pékinois, base du putonghua, est une langue riche en expressions argotiques et à l'accent prononcé. Ainsi, au moins la moitié des Chinois parlent, en plus de leur langue maternelle, voire leur dialecte local, la langue standard que les Occidentaux appellent le mandarin, mais que les Chinois appellent le putonghua («langue commune»).

Une remarque importante: les langues chinoises non officielles ne sont pas considérées comme des langues minoritaires au sens de la législation chinoise, puisqu'elles sont parlées par des Chinois hans. Les minorités nationales parlent des langues non chinoises et ne font pas partie des Hans.

4.3 Les dialectes mandarins/chinois

Ce qu'on appelle les «dialectes mandarins», ce sont des variantes locales du chinois, dont fait partie aujourd'hui le putonghua, mais qui est devenue une langue nationale commune. On dénombre en principe huit grandes variétés dialectales du mandarin:

Numéro
(carte)

Variété
dialectale

Nom chinois
en pinyin

Littéralement

Nombre
de locuteurs (2019)

Nombre
de sous-variétés

1

mandarin de Pékin

北京官话 (Běijīng guānhuà) «mandarin de Beijin» 35 000 000 7
2

mandarin jilu

冀鲁官话 (Jì lǔ guānhuà) «mandarin du Hebei-Shandong» 110 000 000 4
3

mandarin jianghuai

江淮官话 (Jiānghuái guānhuà) «mandarin du Bas-Yangzi» 80 000 000 6
4

mandarin jiaoliao

胶辽官话 (Jiāo liáo guānhuà) «mandarin du Jiaodong et de Liaoyang» 35 000 000 4
5

mandarin lanyin

兰银官话 (Lán yín guānhuà) «mandarin du Lanzhou et du Yinchuan» 10 000 000 3
6

mandarin du Nord-Est

东北官话 (Dōngběi guānhuà) «mandarin du Nord-Est» 100 000 000 4
7

mandarin du Sud-Ouest

西南官话 (Xīnán guānhuà) «mandarin du Sud-Ouest» 280 000 000 11
8

mandarin zhongyuan

中原官话 (Zhōngyuán guānhuà) «mandarin des Plaines centrales» 200 000 000 11

Total

Mandarin

普通话 (pǔtōnghuà)

«langue commune»

850 000 000

50

Il faut aussi comprendre que chacun de ces grands dialectes comprend plusieurs sous-variétés locales. Au total, on en compte 50.  Prenons comme seul exemple les variétés sous-dialectales du mandarin de Pékin: on aura alors le «dialecte de Pékin», le «putonghua», le «mandarin des Philippines», le «mandarin de Malaisie», le «mandarin de Chengde», le «mandarin de Chifeng» et le «mandarin de Hailar». Tous ces sous-dialectes sont des variétés locales du «mandarin de Pékin», sauf que le putonghua est devenu la forme du chinois officiel, à l'oral et à l'écrit.

La carte ci-dessous indique la localisation de ces variétés dialectales:

Le chinois mandarin, appelé officiellement «putonghua» en chinois standard, est parlé par au moins 867 millions de locuteurs dans la majorité des provinces du pays, notamment dans tout le Centre, ainsi que le Nord-Est: Qinghai, Ningxia, Gansu, Shaanxi, Sichuan, Yunnan, Guizhou, Hubei, Shanxi, Henan, Anhui, Shandong, Tianjin, Pékin, Liaoning, Jilin, etc.

4.4 L'écriture chinoise

Pour la transcription écrite, les locuteurs sinophones, peu importe la langue chinoise (mandarin, min, cantonais, wu, hakka, etc.), utilisent tous pour écrire un système idéographique, une écriture très ancienne (certains diront «archaïque») qui ne repasse pas par les sons de la langue, comme c'est le cas des écritures alphabétiques (latin, arabe, hébreu, arménien, etc.). Chaque idéogramme représente à la fois un mot et une syllabe, et chaque mot dispose d'un signe, ce qui rend évidemment le système peu économique, car près de 6000 à 8000 caractères sont généralement nécessaires. On peut compter jusqu'à 80 000 sinophones dans certains dictionnaires scientifiques.

Pour comprendre un peu ce système qui paraît impénétrable pour les Occidentaux, il est possible de le comparer avec notre façon d'indiquer les nombres. Ainsi, le chiffre [ 8 ], tel un pictogramme, peut prendre une forme différente selon la langue employée: en français (huit), en anglais (eight), en allemand (acht), en espagnol (ocho), en grec (októ), en russe (vosem'), en basque (zortzi), en finnois (kahdeksan), en maori (waru), en malais (lapan), en turc (sekiz), en indonésien (delapan), etc.

Pour ce qui est de la prononciation des chiffres, c'est déjà plus compliqué, car il faut tenir compte du système phonétique de la langue employée. Pour un anglophone, prononcer correctement le mot français «huit» ne va pas de soi, si celui-ci ne connaît pas le français, il va le prononcer à l'anglaise, ce qui devrait ressembler à [wit].

Grâce au système des pictogrammes, tous les sinophones (mandarin, min, cantonais, wu, hakka, etc.) de la Chine ou d'ailleurs dans le monde peuvent lire, par exemple, le même journal, chacun dans sa langue. Bref, le chinois écrit, le putonghua, a l'avantage d'être compatible avec toutes les langues chinoises parlées, qui ne sont pas mutuellement intelligibles. Les individus dans tout le pays peuvent donc échanger et commercer en s'écrivant, même s'ils ne le peuvent pas en se parlant. Néanmoins, un Chinois de la République populaire de Chine pourra avoir certaines difficultés à lire un journal de Hong Kong si celui-ci utilise les caractères classiques ou traditionnels (encore en usage à Hong Kong) plutôt que les caractères simplifiés, et ce, même s'il parle le cantonais. 

- L'écriture traditionnelle et l'écriture simplifiée

Si un francophone regarde les sinogrammes [ 房子] signifiant «maison», il lui sera impossible de découvrir la prononciation de ce mot simplement en l'examinant. Mais en pinyin, ce mot s’écrit "fángzi", ce qui est déjà plus aisé pour trouver une certaine prononciation. Cependant, il faut aussi apprendre la prononciation des consonnes, des voyelles et surtout la distinction entre les quatre tons du mandarin avant de pouvoir prononcer correctement le mot!

En chinois mandarin, il existe deux formes de chinois écrit : simplifié et traditionnel. Ces deux formes comportent certaines différences importantes. En raison de la complexité de l'écriture chinoise traditionnelle, plusieurs réformes furent entreprises, mais la dernière plus importante en Chine date de 1977. On a simplifié le système au point qu'avec 2238 caractères il est possible de satisfaire aux besoins de l'usage le plus courant. Quant aux Macanais, ils écrivent le cantonais en utilisant un système similaire au chinois mandarin (putonghua). Depuis 1986, on dénombre alors 2235 caractères simplifiés.

Le chinois traditionnel, sous sa forme actuelle, tire son origine à l'époque de la dynastie des Hans, donc vers l'an 220 de notre ère, mais il est encore employé de nos jours.

Tandis que la forme écrite du chinois traditionnel comprend de nombreux traits et fioritures, le chinois simplifié paraît minimaliste par comparaison. C'est au moment de la révolution culturelle chinoise des années 1950 que la réforme des sinogrammes fut implantée auprès du peuple chinois comme une étape importante du développement social. Il fut ensuite enseigné dans les écoles et employé dans les médias. En même temps, étant donné que les sinogrammes traditionnels n'ont jamais été interdits, ils ont pu continuer à être employés.

Les sinogrammes simplifiés (简体字 / 簡體字, jiǎntǐzì) sont employés officiellement en Chine continentale, en Malaisie et à Singapour. Les sinogrammes traditionnels sont encore utilisés à Taïwan, à Hong Kong et à Macao. Cette écriture qu'on appelle «traditionnelle», est désignée en chinois soit par le terme 繁体字 / 繁體字, fántǐzì, «caractères compliqués», soit par le terme 正体字 / 正體字, zhèngtǐzì, «caractères normaux», cette deuxième appellation étant principalement en usage à Taïwan.

- Les caractères chinois

La langue chinoise écrite avec des idéogrammes est d'un type très ancien; depuis la disparition des hiéroglyphes égyptiens, seules les langues chinoises possèdent un tel système idéographique. Dans l'Antiquité, un idéogramme attribuait un symbole ou un caractère distinctif unique pour chaque mot de vocabulaire. Étant donné que les mots étaient nombreux, les idéogrammes l'étaient aussi.

Aujourd'hui, on utilise encore des idéogrammes ou des pictogrammes, c'est-à-dire des représentations illustrées, des signes iconographiques qui expriment des idées complexes, non pas par des mots ou des sons, mais en recourant à des contenants visuels de signification.   

En Chine actuelle, la connaissance de 2000 ou 3000 caractères est suffisante pour lire les journaux, mais un dictionnaire peut comprendre plus de 40 000 caractères, lesquels sont classés en fonction de leur forme ou du son du mot qu'ils représentent. Généralement, on devrait en connaître un millier vers l'âge de dix ans, 3000 à la fin des études secondaires, environ 6000 pour un niveau d'instruction supérieur. En principe, il n'y a pas de limites au nombre d'idéogrammes.

Dans certains dictionnaires scientifiques, on peut compter jusqu'à 80 000 idéogrammes. Cette complexité a rendu nécessaires plusieurs réformes au cours des années (ou des siècles). La réforme de 1977 a permis de simplifier le système au point que, avec environ 2235 caractères, il est possible de satisfaire aux besoins de l'usage courant.

Les caractères chinois ne sont pas tous des idéogrammes, car tous n'ont pas pour finalité d'évoquer une idée. Il existe aussi des pictogrammes, qui représentent directement un objet ou une scène, et des idéo-phonogrammes (ou caractères phono-sémantiques), où le choix de la composition est conditionné par la phonétique. Concrètement, cela signifie qu'il y a une partie du caractère qui va référer au sens du caractère et qu'une autre va donner une indication sur la prononciation.

Dans les temps anciens, l'écriture chinoise s'écrivait toujours verticalement, et devait être lue de haut en bas, les colonnes se succédant de droite à gauche. Les panneaux indicateurs horizontaux ne comprenaient généralement qu'une ligne et devaient être lus de droite à gauche. À partir des années 1950 et 1960, les sous-titres au cinéma et à la télévision ont été normalement être lus de droite à gauche.

Aujourd'hui, bien que l'écriture verticale soit encore employée, notamment dans les enseignes des commerces et des restaurants, elle tend à diminuer rapidement, et ce, d'autant plus le format HTML des publications sur l'Internet ne propose actuellement pas de solution adaptée pour publier un texte vertical.

De plus, les écritures verticales comme le chinois sont devenues très rares. Cette tendance à recourir à l'écriture horizontale a atteint d'autres langues connues tels le japonais, le coréen, le mandchou et l'ouïghour.

Les caractères chinois fonctionnent un peu comme un jeu «lego». Chaque caractère est constitué de radicaux élémentaires qui s’assemblent de façon précise (voir la figure de la LTL Mandarin School, ci dessous). On compte plus de 200 radicaux différents, mais réussir à les apprendre permet ensuite de comprendre peut-être 90% des caractères chinois.

Radical Pinyin Traduction
un (chiffre 1)
人  rén homme
jiōng étendue
 mì toit, couvrir
force
gōng  travail
kǒu bouche
dāo  couteau
 tǔ terre
grand
 hù porte
 rì soleil
 fù  père
 mǐ riz

Ces radicaux sont très utiles, puisqu'en plus de permettre de classer les caractères dans un dictionnaire ils nous donnent également des indices sur leur sens. Par exemple le caractère («ne pas», négation) est constitué des radicaux («bouche»), (puissance/force) et (couteau). Donc, on pourrait faire référence à des sentiments de violence et de peur là où un voleur ferait usage de la force (力) en menaçant (口) avec un couteau (刂 ) une vieille dame pour lui voler son sac, cette dernière lui criant : «non, ne me tue pas» (别 / négation). Cependant, l’image représentée par la plupart des pictogrammes n’est pas immédiatement évidente. Par exemple, le radical peut indiquer la bouche, une fenêtre comme dans qui représente un grand bâtiment comme symbole de l’idée de «grandeur» ou la lèvre d’un récipient comme dans un pot de vin sous un toit comme symbole de richesse. Évidemment, tout cela a l'air mystérieux pour des non-sinophones, mais les caractères sont des unités que l’on peut assembler pour former des mots en chinois. Avec les siècles, les pictogrammes ont été de plus en plus standardisés, simplifiés et stylisés dans le but de les rendre plus faciles à écrire. Quoi qu'il en soit, il existe une logique derrière ces sinogrammes, car ils n’ont pas été inventés par hasard! 

La signification des caractères peuvent être déduites simplement en les regardant; plus de 80% de tous les caractères chinois sont phono-sémantiques ou picto-phonétiques (形声字 ou Xíngshēng zì): cela signifie qu'il y a une partie du caractère qui va référer au sens du caractère et qu'une autre va donner une indication sur la prononciation. La composante sémantique suggère la signification générale du caractère composé, tandis que la composante phonétique suggère la prononciation du caractère composé.

- Le syllabisme

Toutes les langues chinoises (mandarin, cantonais, hakka, min, wu, etc.) possèdent des caractéristiques communes: elles sont monosyllabiques (chaque mot ne comportant qu'une seule syllabe), ignorent pratiquement la flexion (préfixes et suffixes) et demeurent tonales (ce sont des langues «à tons»). Le système de tons demeure l'une des difficultés majeures pour un Occidental, la seconde étant évidemment l'écriture.

Les mots les plus usuels (être, grand, homme, etc.) ont généralement une seule syllabe et sont représentés par un seul caractère, mais ces mots, très fréquents, ne représentent guère que 10 % de la totalité des mots en chinois. À des fins d'illustration, voici un tableau présenté dans le site de Vincent Ramos (2001) intitulé «La langue chinoise (le mandarin). 

Sinogrammes
Syllabes en pinyin men péng you de ér zi shi hěn měi de hái
Morphèmes (éléments grammaticaux) «je» pluriel «ami» «ami» possessif «fils» nom «être» adj. absolu «beau» adj. non attributif «enfant»
Lexèmes (vocabulaire) nous amis fils être beau enfant
Traduction « Les fils de nos amis sont de beaux enfants. »

En regardant ce tableau, la phrase ci-dessus («Le fils de nos amis sont de beaux enfants») s'analyse ainsi:

- les termes en italique représentent des éléments grammaticaux du chinois, soit des suffixes ou des particules (en pinyin: men, de, zi, hěn, de);
- il faut deux syllabes pour «nous» (je + pluriel), «amis» (péng + you), «fils» (ér + zi), «beau» (hěn + měi), «enfant» (de + hái);

Lorsqu'on affirme que le chinois est une langue monosyllabique, c'est quelque peu réducteur dans la mesure où tous les mots chinois n'auraient ainsi qu'une seule syllabe. Il faut savoir qu'une «syllabe» chinoise n'est pas égale à un «mot». La plupart des mots chinois se composent de deux syllabes, mais il y a aussi des mots qui se composent d'une ou de plus de deux syllabes. De plus, chacune des syllabes possède un sens.

Dans tous les cas, nous pouvons affirmer que l'unité phonique minimum naturelle en chinois est la syllabe (et non pas le phonème, comme dans les langues indo-européennes). Une syllabe comporte elle-même deux constituants pertinents: des phonèmes, d'une part, un ton, d'autre part.

L'avantage du syllabisme du chinois va de pair avec l'invariabilité radicale des éléments de la phrase. Il n'y a ni genre (masculin ou féminin), ni nombre (singulier ou pluriel) et le verbe ignore les temps, les modes et les conjugaisons. Cette invariabilité peut surprendre, dans une langue réputée pour sa richesse et sa subtilité : elle est en fait compensée par l'insertion d'adverbes et de particules.

- Les tons

Les langues dites tonales utilisent les différences de hauteur musicale de façon pertinente au plan lexical, c'est-à-dire qu'elles peuvent distinguer deux mots constitués de deux séquences de phonèmes identiques, mais prononcés à une hauteur différente. Ces différences de hauteur peuvent être statiques (tons haut, moyen et bas) ou dynamiques (tons montant et descendant). Si le putonghua compte quatre tons, le cantonais, par exemple, en utilise sept (peut-être neuf?).

Le chinois est une langue à ton : chaque syllabe est accentuée. Ainsi, en chinois la syllabe [ma] peut avoir le sens de «maman», de «cheval», de «chanvre», d'«insulter» ou être une particule de syntaxe suivant son intonation. Si l'on observe la tableau ci-dessous, on constatera que le chinois standard compte quatre tons, un cinquième étant «neutre».

Ainsi, le mot MA peut être prononcé avec quatre variables tonales différentes, ainsi qu'un ton neutre :

1) Ton élevé et égal (trait horizontal): []: signifiant «mère»;
2)
Ton montant (trait montant ou accent aigu): []:  signifiant «engourdi»;
3)
Ton descendant puis montant (trait en v): []: signifiant «cheval»;
4)
Ton descendant (trait descendant ou accent grave): []: signifiant «gronder»;
5) Ton léger (neutre, sans marque): [ma]: relatif à l'interrogation.

麻      吗
[mā]  [má]  [mǎ] [mà] [ma]
mère engourdi cheval gronder est-ce que

Ces tons sont phonologiquement pertinents, car ils modifient le sens du mot MA, selon qu'il sont prononcés [mā] («maman»), [má] («chanvre»), [mǎ] («cheval»), [mà] («injurier») ou [ma] («est-ce que?»).

Toutes les langues chinoises possèdent une structure syntaxique et des usages de caractères différents. Cependant, comme la pratique chinoise est d'écrire en langue unifiée, donc en caractères chinois normalisés, les différences sont complètement effacées à l'écrit. Il ne s'agit pas d'une impossibilité à écrire ces langues, mais d'un choix issu d'un concept linguistique particulier, c'est-à-dire la séparation de l'oral et de l'écrit.

- L'alphabet pinyin

En 1951, le gouvernement chinois a introduit un alphabet appelé pinyin. Le président Mao Tsé-toung (1893-1976) avait entrepris cette gigantesque réforme linguistique dans le but de faciliter l'alphabétisation des masses, de favoriser l'apprentissage du chinois chez les jeunes enfants, de créer des langues écrites pour les minorités et de permettre l'informatisation des banques de données. La politique officielle du gouvernement chinois est de poursuivre la romanisation de l'écriture (l'alphabet pinyin étant calqué pour l'essentiel sur l'alphabet latin) et d'orienter les langues chinoises (et non chinoises) existantes vers l'alphabet pinyin. L'alphabet dit Hanyu Pinyin comporte 30 formes qui permettent de représenter 26 lettres de l alphabet latin. On peut cliquer ICI pour pour avoir une idée des consonnes cet alphabet qui a pour titre officiel: Système d'alphabet phonétique chinois.

Le 11 février 1958, la 5e session plénière de l'Assemblée nationale de la République populaire de Chine de la première législature adoptait le Projet de transcription phonétique de la langue chinoise (le pinyin). Par cette loi, l'Assemblée rendait officiel l'alphabet phonétique chinois basé sur l'alphabet latin élaboré par le Comité de réforme de la langue chinoise. Il devenait ainsi possible d'utiliser une norme chinoise pour écrire phonétiquement les caractères chinois de la langue commune, le putonghua ou «langue des Han». Cet alphabet fut par la suite reconnu en 1982 comme norme d'épellation de la langue chinoise par l'Organisme international de normalisation (OIN).

L'alphabet phonétique pinyin se révèle être un outil indispensable pour les étrangers qui désirent apprendre le chinois. Il est d'abord utilisé par les enfants des écoles primaires de Chine pour apprendre le caractères chinois. Il se retrouve maintenant dans la plupart des éditions des dictionnaires chinois, principalement ceux destinés aux étrangers.  Il est également de plus en plus utilisé comme base dans des applications diverses: le braille chinois, le télégraphe, le sémaphore marin, la signalisation routière et les méthodes de saisie informatique. 

Dans les faits, les Chinois continuent d'ignorer largement cette écriture alphabétique (pinyin) qui est enseignée à l'école primaire, puis oubliée dès le secondaire où elle ne sert à peu près plus. En somme, seule l'écriture en caractères (idéographique) continue d'être systématiquement utilisée en Chine, d'une part, parce que les Chinois y sont demeurés très attachés, d'autre part, parce qu'elle favorise l'unité nationale. En effet, grâce à ce système, tous les Han peuvent lire, par exemple, le même journal, chacun dans sa langue. La généralisation du pinyin mettrait fin à cette possibilité. L'adoption systématique du pinyin aurait plongé les sinophones dans le multilinguisme et la «tour de Babel». Malgré les nombreuses langues chinoises parlées en Chine, un texte écrit avec des sinogrammes reste très compréhensible par toute la population, alors que le même texte écrit en pinyin nécessite la connaissance du mandarin. Aujourd'hui, le pinyin est surtout utilisé à l'intention des touristes, ainsi que dans certains dictionnaires, l'apprentissage du mandarin et la saisie de sinogrammes sur ordinateur.

Sinogrammes

Alphabet pinyin

Traduction

你好
 

nǐ hǎo
 

Bonjour

我是挪威人
 

Wǒ shì nuówēi rén
 

Je suis norvégien

再见
 

zài jiàn
 

Au revoir

谢谢
 

Xièxie
 

Merci

Les exemples du tableau ci-dessus présentent des mots en caractères chinois (sinogrammes), en pinyin et en français (traduction). Pour un non-sinophone, il est impossible de savoir comment prononcer les sinogrammes, mais leur transcription en pinyin permet certaines possibilités à l'exception des signes diacritiques au-dessus de certaines lettres (voyelles) qui indiquent les tons en chinois mandarin (il y en a quatre). À l'intention des touristes, par exemple dans les panneaux routiers à Hong Kong, les signes diacritiques en pinyin peuvent être supprimés parce que, de toute façon, ils ne seraient pas utiles pour eux. 

Pour terminer, voici l'article premier de la Déclaration universelle des droits de l'homme en trois versions:

Chinois simplifié Chinois pinyin Version française
第 一 条

人 人 生 而 自 由, 在 尊 严 和 权 利 上 一 律 平 等。

他 们 赋 有 理 性 和 良 心, 并 应 以 兄 弟 关 系 的 精 神 相 对 待。

Dì yī tiáo

rén rén shēng ér zìyóu, zài zūnyán hé quánlì shàng yīlǜ píngděng.

Tāmen fùyǒu lǐxìng hé liángxīn, bìng yīng yǐ xiōngdì guānxì de jīngshén xiāng duìdài.

Article 1er

Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits.

Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

Les pays participants à l'origine de la Déclaration sont le Canada, les États-Unis, la France, la Belgique, le Chili, la Chine et le Liban. Cependant, c'est en Chine que la situation des droits de l'homme laisse le plus à désirer.

5 Les langues des minorités nationales

Il existe quelque 55 minorités ethniques non chinoises, mais les langues sont beaucoup plus nombreuses: au moins 150. Comme plusieurs de ces langues sont fragmentées en différentes variétés dialectales, le nombre des parlers non chinois doit dépasser le nombre de 300 ou 400. Précisons aussi que plusieurs de ces minorités non chinoises sont réunies en groupes compacts dans des régions périphériques du pays ou des districts ethniques, ce qui leur permet de conserver généralement leurs langues locales. L'une des caractéristiques de la distribution de ces populations vient du fait qu'une bonne partie vit dans les campagnes et que seulement une petite fraction relative de cette population habite les milieux urbains; il en résulte que la plupart des langues maternelles sont utilisées dans les campagnes et quelques-unes seulement, comme le tatar et l'ouzbek, par les autochtones qui vivent éparpillés dans les villes et villages.

La conjoncture des langues des minorités nationales en Chine permet de constater que la répartition des langues est fondamentalement liée à celle des nationalités. Si l'on constate que plusieurs nationalités n'utilisent qu'une seule langue, d'autres en utilisent plusieurs. Cette situation s'explique par le fait des migrations des peuples à travers l'histoire, du développement continu des sociétés et des contacts de plus en plus nombreux des différentes nationalités entre elles. C'est ce qui a amené certaines nationalités à utiliser, au cours des temps, des langues d'autres groupes et certaines autres à abandonner, en partie ou presque entièrement, leur langue maternelle pour adopter la langue d'autres nationalités.

5.1 Les familles linguistiques

Les langues de la Chine des minorités appartiennent à huit familles linguistiques. La parenté des langues peut s'établir de la façon qui suit:
 

(1) La famille sino-tibétaine, comptant environ 40 langues, qui peuvent se subdiviser en quatre groupes:

i) le groupe chinois: chinois (mandarin ou putonghua), wu, min ou minnan, hakka, cantonais, xiang, gan, wu, etc.

ii) le groupe tibéto-birman:

- le sous-groupe tibétain: tibétain, aka, buyi, gyarong, cona monba, canglo monba, benghi-bogar lhoba, yidu lhoba, darang deng, geman deng, naxi, lisu, lahu, bai, jino, nusu, anong, rouruo, jingpo, zaiwa, derung et pumi.
- le sous-groupe birman:
kachin (ou jingpo), karène, chin, achang, naga, yi, hani, jino, etc.
- le sous-groupe qianguique:
rgyalrong, qiang du Nord, qiang du Sud, ergong, zhaba, guiqiong, muya, ersu (ou tosu), queyu (ou choyo), namuyi, shixing, pumi.
- un isolat
linguistique: tujia

● On compte environ 12 411 000 locuteurs utilisant les langues du groupe tibéto-birman;

Toutes ces langues sont généralement parlées dans les provinces du Yunnan, du Guizhoun et du Guangxi.

(2) La famille altaïque comprend 19 langues qui se subdivisent en trois groupes:

i) le groupe turcique: ouïghour, kazakh, kirghiz, ouzbek, tatar, salar, yugur oriental et touva.
● On compte 7 067 000 locuteurs pour les langues de ce groupe;

ii) le groupe mongol: mongol, daur, monguor, dongxiang, bao'an et yugur occidental.
● On dénombre quelque 3 172 000 locuteurs pour les langues de ce groupe;

iii) le groupe mandchou-toungouze: mandchou, xibe, hezhen, oroqen et évenki.

● On compte quelque 47 000 locuteurs pour les langues de ce groupe. La plupart de ces langues sont concentrées dans les régions autonomes de Mongolie et du Xinjiang, ainsi que dans les provinces du Gansu et du Qinghai.

(3) La famille austro-asiatique comprend quatre langues appartenant au même groupe:

i) le groupe mon-khmer: va, de'ang, blang et kemu.

● On dénombre quelque 349 000 locuteurs pour les langues de ce groupe. Toutes les ethnies de la famille austro-asiatique habitent la province du Yunnan

(4) La famille thaï-kadai compte une cinquantaine de langues:

i) le groupe hlai: li, jiamao;

ii) le groupe kadai: jierong, buyang, cun ;

iii) le groupe kam-thaï: zhuang du Sud, zhuang du Nord, lingao, e, bouyei, lü, tai nüa, tai hongjin, tai ya, ai-cham, cao miao, dong du Nord, dong du Sud, mak, maonan, mulam, sui, ten, lakkia.

On dénombre plus de 20 millions de locuteurs de ces langues, pratiquement toutes parlées dans la province du Yunnan.

(5) La famille hmong-mien compte 32 langues:

i)  le groupe hmong: baheng, bunao, jiongnai, wunai, younuo, daw, njua, huishui, mashan, chonganjiang, dian, guiyang, mashan, giandong de l'Est, giandong du Nord, giandong du Sud, xiangxi de l'Est, xiangxi de l'Ouest.

ii) le groupe mien: biao-jiao mien, biao mien, Iu mien, kim mun, ba pai

iii) le groupe ho-nte: she

On dénombre environ sept millions de locuteurs de ces langues, pratiquement toutes parlées dans la province du Yunnan.

(6) La famille austronésienne compte 14 langues appartenant au même groupe:

i) le groupe indonésien comprenant les langues: atayal, amis, paiwan, bunun, rukai, puyuma, tsou, sedeq, saisiat, saaroa, kanakanavu, thao, yami et huihui.

● On compte quelque 275 000 locuteurs pour les langues de ce groupe.

(7) La famille coréenne

Le coréen appartient à la famille coréenne qui compte environ 1,9 million de locuteurs en Chine. Les Coréens sont concentrés dans la province du Jilin, près de la frontière coréenne.

(8) La famille indo-européenne compte deux langues, auxquelles appartiennent les deux groupes suivants:

i) le groupe indo-iranien: tadjik avec ses 23 000 locuteurs;
ii) le groupe slave: russe avec ses 3000 locuteurs;

● Les Tadjiks habitent à l’ouest de la Région autonome ouïghoure du Xinjiang, alors que les Russes sont concentrés dans la province du Heilongjiang, à la frontière russe.

5.2 Les langues numériquement les plus importantes

De façon plus ou moins arbitraire, considérons que les langues minoritaires numériquement importantes comptent plus de 100 000 locuteurs. Dix langues sont parlées par au moins un million de locuteurs (toutes variétés dialectales confondues): le zhuang, l'ouïghour, le yi, le mongol, le tibétain, le buyi, le coréen, le dong, le bai et le kazakh. Au total, 37 langues sont parlées par au moins 100 000 locuteurs, dont plusieurs langues sino-tibétaines, thaï-kadai et hmong-mien. Le tableau ci-dessous illustre la situation de ces langues:

Rang Langue Locuteurs Famille/groupe
1 zhuang 14 millions thaï-kadai
2 ouïghour 7,2 millions altaïque (turcique)
3 yi6 millions tibéto-birman
4 mongol 3,3 millionsaltaïque (mongol)
5 tibétain
(dialectes confondus)
3,3 millions tibéto-birman
6 buyi (bouyei)2,0 millions thaï-kadai
7 coréen 1,9 million coréenne
8 dong 1,4 millionthaï-kadai
9 bai 1,2 milliontibéto-birman
10 kazakh 1,1 million altaïque (turcique)
11 yao (yiu mien) 884 000hmong-mien
12 hmong 710 000 hmong-mien
13 li (hlai) 667 000thaï-kadai
14 lingao 600 000 thaï-kadai
15 atuentse 590 000tibéto-birman
16 lisu 580 000 tibéto-birman
17 hani 500 000tibéto-birman
18 kirghiz443 20 altaïque (turcique)
19 lahu 411 400tibéto-birman
20 naxi308 800 tibéto-birman
21 waxianghua 300 000 isolat
22 bunu 287 200hmong-mien
23 va (wa) 280 000 austro-asiatique (mon-kher)
24 dongxiang250 000 altaïque (mongol)
25 250 000thaï-kadai
26 thaï nüa 250 000thaï-kadai
27 sui 200 000thaï-kadai
28 kim mun200 000 hmong-mien
29 parauk 180 000 austro-asiatique (mon-kher)
30 tu 152 000 altaïque (mongol)
31 jyarong 151 200tibéto-birman
32 thaï hongjin 150 000thaï-kadai
33 kalmik-oirat 139 000 altaïque (mongol)
34 akha 130 000tibéto-birman
35 kado 100 000tibéto-birman
36 honi 100 000tibéto-birman
37biyo 100 000tibéto-birman

De façon générale, le nombre des locuteurs d'une langue est moindre que celui des membres de l'ethnie concernée. On trouvera la liste complète des minorités nationales en cliquant ICI, s.v.p.

5.3 Les langues et les nationalités

Parmi les nombreuses langues minoritaires de Chine, la plupart portent le même nom que celui de leur nationalité. Il s'agit des langues suivantes: zhuang, buyei, dai, dong, shui, mulam, maonan, li, gelao, miao, she, tibétain, yi, hani, naxi, lisu, lahu, bai, jino, derung, achang, jingpo, qiang, pumi, tujia, ouïghour, kazakh, kirghiz, ouzbek, tatar, salar mongol, daur,  monguor, dongxiang, bao'an, xibe, mandchou, hezhen, oroqen, évenki, va (ou wa), blang, de'ang, tadjik, russe, coréen et gin.

D'autres langues ont des appellations différentes de celle de la nationalité de leurs locuteurs. Par exemple, plus de 90 000 Tibétains utilisent le gyarong comme langue maternelle, les Monba parlent deux langues, le cona monba et le canglo monba. Les Lhoba s'expriment en bengni-bogar et en yidu ihoba; la branche zaiwa des Jingpo parle le zaiwa, les Nu parlent le nusu, l'anong et le rouruo; les Yao emploient le mian, le bunu et le lakkia, tandis que des Ouïghours ont recours au yugur oriental et au yugur occidental. On compte 2000 Mongols parlant le touva et approximativement 4000 Hui s'exprimant en huihui et en cinq variétés dialectales (jixi-shexian, xiuning-yixian, qimen-dexing, yanzhou et jingde-zhanda).

Fait inusité, on a même repéré 13 langues parlées par les Gaoshan qui, par le fait même, n'ont pas de langue nationale propre: l'atayal, l'amis, le paiwan, le bunun, le rukai, le tsou, le puyuma, le sedeq, le saisiat, le saaroa, le kanakanavu, le thao et le yami. Quelque 1600 Kemu parlent le kemi et quelque 1000 Deng utilisent les langues darang deng et geman deng.

5.4 Les régions autonomes

Rappelons que la Chine compte cinq régions autonomes «égales en statut à la province»: la Mongolie intérieure, le Guangxi, le Tibet, le Ningxia, le Xinjiang (Ouïghour). En principe, le statut de région autonome s'applique aux provinces comptant historiquement d'importantes minorités nationales à population compacte, telles que les Hui (Ningxia), les Mongols (Mongolie intérieure), les Zhuang (Guangxi), les Tibétains (Tibet) et les Ouïghours (Xinjiang). Le tableau ci-dessous donne un portrait sommaire de la situation:

Région autonome Dénomination chinoise Capitale Population (2003) Langue ethnique principale Superficie
Guangxi Guangxi Zhuang Nanning 50,1 millions zhuang    220 400 km2
Mongolie intérieure Obor Mongol Hohhot  24,0 millions mongol 1 177 500 km2
Ningxia Ningxia Hui Yinchuan    7,2 millions chinois mandarin     66 400 km2
Tibet Xizang Lhasa    3,6 millions tibétain 1 221 600 km2
Xinjiang Xinjiang Ürümqi  25,8 millions ouïghour / kazakh 1 646 800 km2

Cela étant dit, il faut comprendre que le statut de «région autonome» en Chine ne confère pas de pouvoirs particuliers aux minorités nationales. Il s'agit d'une autonomie factice confinée dans les faits à une simple gestion administrative assurée en général par des Chinois ou des autochtones sans réel pouvoir. Par exemple, l'autonomie régionale chinoise n'a rien de comparable avec celle dont bénéficient les régions ou communautés autonomes en Espagne ou en Italie, ou encore le Québec au sein du Canada. La Chine n'est pas une fédération, mais un «État multinational unifié». L'administration régionale ou provinciale n'a pas de réels pouvoirs et toute politique linguistique doit être conforme à l'idéologie chinoise et approuvée par Pékin. Les seuls pouvoirs sont assurés par le gouvernement central et, localement , par le Parti communiste chinois et l'Armée populaire de libération.

Location of Guangxi province

La Région autonome de Ningxia (7,2 millions), abritant les Hui, est de langue chinoise. Tous les Hui, y compris ceux qui habitent dans dans la Région autonome du Xinjiang, ainsi que dans les provinces de Gansu et Qinghai, parlent le chinois mandarin appelé le huizhou, considéré comme une variante du chinois standard. Les Hui constituent 33,9 % de la population du Ningxia, les Hans formant 66 %, alors que les autres groupes ethniques réunis  — une vingtaine  — n'atteignent que 0,51 du total. Les Hui sont les descendants de marchands arabes et perses, mais au cours des siècles, en raison des mariages mixtes avec les Hans, ils ont perdu l'usage de leur langue ancestrale. On ignore quelle langue ils parlaient avant leur assimilation linguistique.

Location of Guangxi province

La Région autonome de Mongolie intérieure (par opposition à la Mongolie «extérieure»: la république de Mongolie au nord) est la patrie des Mongols, mais la région autonome (24 millions) ne compte que 10 % de Mongols, les autres ethnies étant composés de Han, de Hui, de Mandchous, de Daur, d'Évenki, d'Orogen, de Coréens, de Zhuang, de Tibétains, de Tu, etc. Beaucoup de Mongols vivent dans les provinces ou régions de Liaoning, Jilin, Heilongjiang, Xinjiang, Qinghai, Gansu, Ningxia, Hebei, Henan, Sichuan, Yunnan et Pékin. C'est pourquoi le chinois mandarin est d'usage courant dans les villes de la Mongolie intérieure, tant de la part des sinophones que de la part des Mongols et autres non-sinophones.

Localisation du Guangxi

Dans la Région autonome du Guangxi (50 millions), située au sud de la Chine, on compte quelque 48 groupes ethniques, dont des Han, des Zhuang, des Yao, des Miao, des Dong, des Mulao, des Maonan, des Hui, des Jing, des Yi, des Shui, des Gelo, etc. Les Hans sont les plus nombreux, car ils forment 62 % de la population du Guangxi. Or, le Guangxi est la patrie historique des Zhuang, mais ils ne comptent aujourd'hui que pour 36 % de la population. On constate que le chinois mandarin est couramment utilisé dans les villes de moyenne et de grande importance, tandis que le bilinguisme zhuang-chinois se pratique dans les petites villes. D'autres Zhuang habitent les provinces de Guizhou, de Hunan et de Guangdong. En plus du chinois mandarin et du zhuang, les habitants de cette région autonome parlent le cantonais, le xiang, le hakka, le miao, le yao, le thaï du Nord, etc.
Dans la Région autonome ouïghoure du Xinjiang (25,8 millions), les Ouïghours ne sont plus majoritaires: ils représentent 47 % de la population, alors que les Hans forment maintenant 39 %, résultat de la colonisation du territoire par Pékin. Il reste 14 % pour l'ensemble des  Kazakh (5 %), Hui, Kirghiz, Mongols, Tatars, Daurs, Xibe, Russes, Tadjiks et Ouzbeks. Non seulement le bilinguisme chinois-ouïghour est étendu dans la plupart des villes (surtout dans la capitale, Ürümqi), mais également un multilinguisme courant où s'enchevêtrent les principales langues en usage: le chinois, l'ouïghour, le kazakh, le kirghiz et le xibe. Malgré son statut particulier de région autonome, le Xinjiang ne dispose d'aucune autonomie politique. Les Ouïghours se distinguent beaucoup des Han du fait qu'ils parlent une langue turque et pratiquent l'islam. Les Ouïghours ne reconnaissent pas l'autorité de Pékin et aspirent à l'autonomie de leur territoire sous le nom de Turkestan oriental.
Location of Guangxi province

La situation est un peu différente dans la Région autonome du Tibet, car la tentative de minorisation chinoise n'a pas réussi, les Hans n'aimant pas vivre à 4000 mètres d'altitude dans cette région himalayenne. En 2004, la région autonome comptait qu'une population de 3,6 millions d'habitants, dont 92,8 % étaient des Tibétains, 4 % des Han, tandis que d'autres ethnies représentaient 1% (les Menba, les Luoba, les Hui, les Deng et les Xiarba). Le Tibet est la région de Chine où la concentration de Tibétains est la plus forte: ils représentent 45 % de la population tibétaine de tout le pays.

Les Tibétains parlent trois dialectes : le tibétain d’Amdo au nord-est, le tibétain de Kham au sud-est et le tibétain de Lhassa (ou d'U-Tsang) au sud du Tibet. C'est le dialecte de Lhassa qui sert de langue véhiculaire entre les locuteurs des différentes formes de tibétain.

Rappelons que le Tibet a été envahi (ou libéré?) en 1950 par l'armée chinoise et annexé unilatéralement, le 23 mai 1951, par la République populaire de Chine, qui imposa sous la contrainte à la délégation tibétaine un Accord en 17 points, lequel entérinait l’annexion du Tibet. Les Tibétains revendiquent encore leur indépendance, pendant que l'armée chinoise maintient une présence massive et permanente de quelque 300 000 à 600 000 soldats.

5.4 Les transferts linguistiques

Si la plupart des minorités ont su conserver leur langue maternelle, d'autres nationalités l'ont perdue et ont adopté le chinois des Han. C'est le phénomène de l'assimilation linguistique. Par exemple, les Hui ont, depuis leurs origines, utilisé le chinois, tandis que d'autres, ayant eu des contacts prolongés avec les sinophones et ayant même partagé leur vie, sont devenus progressivement bilingues, pour abandonner ensuite leur propre langue et adopter le chinois ou même la langue d'une autre nationalité non chinoise.

Ainsi, plus de 99 % des Mandchous et des She ont adopté le chinois, ce qui fait que cette langue est devenue la véhicule normal des nationalités hui, mandchoue et she. Il semble que plus de 18 millions de membres appartenant à des minorités nationales parlent le chinois (putonghua).  On sait que 90 % des Mandchous, des She et des Tujia ont adopté le chinois; plus de 50 % des Gelao, des Hezhen et des Xibe ont fait de même. C'est également le cas, entre 10 % et 45 % d'entre eux, des Oroqen, des Qiang, des Bao'an, des Gin, des Monguor, des Ouïghours, des Dong, des Miao, des Mongols, des Achang, des Évenki, des Dongxiang, des Maonan et des Pumi. Par ailleurs, 22 nationalités comptent des locuteurs qui ont, dans une proportion inférieure à 10 %, opté pour un changement de langue vers le chinois: les Li, les Salar, les Daur, les Buyei, les Bai, les Blang, les Yi, les Nu, les Shui, les Va, les Dai, les De'ang, les Naxi, les Lahu, les Zhuang, les Yao, les Tibétains, les Kirghiz, les Lisu, les Coréens, les Hani et les Ouïghours. Enfin, on estime à quelque 900 000 le nombre d'individus appartenant à des minorités pouvant parler la langue d'une autre minorité. Évidemment, ce phénomène de transfert linguistique est largement répandu dans le pays et est appelé à augmenter considérablement dans l'avenir, essentiellement au profit du chinois standard.

D'autres cas de transferts linguistiques concernent des Han eux-mêmes. Par exemple, dans le nord de la province de Hainan, on trouve quelque 500 000 Han locuteurs du lingao, alors que sur la côte ouest de cette même province, on relève 60 000 Han locuteurs du cun. La province du Guangdong compte 100 000 locuteurs du biao.  De plus, dans la province du Guangxi, quelque 500 Han sont des locuteurs du lai et, dans la province du Yunnan, plusieurs centaines parlent le pubiao. Or, rappelons-le, ces 660 000 individus sont des Han.

5.5 Les écritures des minorités nationales

La République populaire de Chine entend favoriser la création d'une langue écrite chez toutes les minorités qui n'en possèdent pas et qui en ont besoin. Lors du Symposium de Beijing de décembre 1955 portant sur les langues parlées et écrites des minorités, il a été décidé de fournir une aide aux membres des minorités qui auraient besoin d'un système d'écriture pour leur langue. Avant 1949, seulement 19 minorités nationales bénéficiaient de leur propre écriture.

Puis des systèmes d'écriture ont ainsi été élaborés pour le zhuang (1955), le xishuangbanna dai et le dehong dai (1955), le buyei, le yi, le lisu, le xiangxi miao, le qiandong miao et le chuanqiandian miao (1955), le diandongbei miao (1956), le hani, le va, le naxi, le dong, le zaiwa (1957), le monguor (1979), etc. Dans l'ensemble, 14 systèmes d'écriture basés sur l'alphabet latin ont pris naissance au profit de douze minorités, et cinq systèmes d'écriture ont été développés pour quatre minorités. Aujourd'hui, il existe probablement plus d'une trentaine d'écritures propres aux nationalités, dont le mongol, le tibétain, l'ouïghour, le kazakh, le coréen, le kirghiz, le xibe, le russe, le dai, le yi, le jingpo, le lahu, le lisu, le miao, le zhuang, le buyi, le dong, le wa, le naxi, le hani et le li. Les autres ethnies doivent recourir à l'écriture des Han. 

Les systèmes d'écriture de Chine peuvent se diviser en différents types, selon leur forme et leur origine:

1) L'écriture syllabique: le yi traditionnel, le yi sichuannais standard;

2) L'alphabet latin:

i) basé sur l'ancien alphabet indien: tibétain, xishuangbanna dai, dehong dai, jinping dai et daibeng dai;
ii) basé sur l'alphabet ouïghour: mongol et xibe;
iii) basé sur l'alphabet arabe: ouïghour, kazakh et kirghiz;
iv) basé sur l'alphabet latin standard: zhuang, buyei, dong, diandongbei miao, xiangxi miao, qiandong miao, chuanqiandian miao, lisu, naxi, lahu, jingpo, zaiwa, hani, va et monguor;
v) basé sur l'alphabet original des langues telles que le coréen et le diandongbei miao.

En règle générale, c'est l'alphabet latin — à l'aide du pinyin — qui doit être la base de la création de l'écriture des langues minoritaires. Lorsqu'on se sert des lettres du système phonétique nouvellement conçu pour développer l'écriture d'une langue déjà existante, on doit aussi recourir à l'alphabet latin. Les sons qui, dans les langues minoritaires sont identiques ou similaires aux sons chinois (han), doivent, autant que possible, être exprimés en lettres appartenant à l'alphabet phonétique chinois. Le putonghua (mandarin) est néanmoins enseigné dans les écoles, généralement comme deuxième langue, et sa connaissance est exigée dans toute la Chine.

Les langues minoritaires écrites sont utilisées uniquement par des populations nombreuses, ce qui exclut les petites minorités. Celles qui comptent un nombre important de locuteurs (p. ex., plus de 100 000) sont utilisées dans l'administration provinciale ou au sein du gouvernement central dans les régions où sont concentrées certaines minorités. Les écritures qui réunissent un nombre plus restreint de locuteurs sont le plus souvent employées dans les départements et les cantons autonomes. Les alphabets tibétain, mongol, kazakh, coréen et zhuang sont les plus courants; ils sont même utilisés à l'échelle nationale, car il existe des bureaux de traduction et de publication au gouvernement central pour le traitement de ces langues.

6 Les religions

Lors de l'instauration du Parti communiste en 1949, tous les lieux de culte furent fermés. Jusqu'en 1966, l'État chinois se prêta à détruire les monastères (environ 3500!) et à arrêter les religieux, la religion étant considérée comme un pouvoir concurrent de l'État. Lors de la période de la Révolution culturelle (1966-1976), l'État combattit à outrance les religions et les superstitions: les moines bouddhistes furent «rééduqués par le travail» dans les champs, les religieuses, violées. Il fallut attendre la nouvelle Constitution de 1982 et son article 88 pour que la liberté de culte soit garantie. Néanmoins, le Parti communiste continue de préconiser l'athéisme, les religions pour lui n'étant qu'un «produit de l'oppression naturelle et sociale». Les Chinois peuvent pratiquer les religions de leur choix à la condition qu'ils se «déclarent» à l'État.

C’est aujourd’hui le bouddhisme, introduit au Ier siècle, qui exerce la plus forte influence en Chine. Le bouddhisme dit Hinayana (ou «Petit Véhicule») est pratiqué par certaines minorités (Dai, Bulang, De’ang, etc.).  Le bouddhisme lamaïque (Tibétains, Mongols, Luoba, Menba, Tu, Yugur) est pratiqué dans de nombreux monastères. Apparu en Chine au VIIe siècle, l’islam est pratiqué ouvertement par dix minorités nationales (Hui, Ouïghours, Kazakhs, Kirghiz, Tatars, Ouzbeks, Tadjiks, Dongxiangs, Salars, Bao’ans) et compte une trentaine de millions d’adeptes.  Quant au catholicisme, il ne rassemble que quatre millions de pratiquants, notamment dans le Sud, parmi lesquels de nombreux Miao, des Yao et des Yi. Le protestantisme concerne également trois millions de Chinois. Ces deux religions, moins influentes que le bouddhisme et l’islam, ont été surtout propagées dans les grandes villes (Shanghai, Pékin, etc.).

On estime que la Chine compte 150 millions de bouddhistes, 30 millions de taoïstes et 35 millions de musulmans (158 millions, selon les religieux). Cela dit, le bouddhisme tibétain est encore qualifié de «secte» par les organismes officiels chinois. Les catholiques connaissent également des difficultés: ils ne possèdent pas encore d’église propre et ne se reconnaissent vraisemblablement pas dans celle qu’a imposée le Parti communiste, l’Association catholique patriotique chinoise. Quant aux musulmans du Xinjiang (Ouïghours), ils demeurent hostiles au maintien colonial de leur situation et cherchent leur identité dans l'islam; en 1950, seulement 5 % de Chinois vivaient dans le Xinjiang musulman, mais en 2003 cette proportion était montée à 50 %.

 

Dernière mise à jour: 22 déc. 2023
  Chine  
(1) Situation géopolitique

(2) Données démolinguistiques


(3)
Histoire de la Chine et ses incidences linguistiques
 

(4) La politique linguistique à l'égard du chinois officiel

 
(5) La politique linguistique à l'égard des minorités nationales (6) BibliographieLes cinq régions autonomes
Loi sur la langue et l’écriture communes nationales (2001)

 

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Accueil: aménagement linguistique dans le monde