République togolaise

Togo


 

Capitale: Lomé
Population:  7 millions (2014)
Langue officielle: français 
Groupe majoritaire: aucun 
Groupes minoritaires: environ 50 langues, dont l'éwé (21 %), kabyè (14,7 %), ouatchi (10,0 %), mina (5,8 %), tem (5,8 %), moba (5,4 %), gourmantché (3,5 %), lama (3,3 %), ikposso (2,7 %), aja (2,7 %), bassar ou ntcham (2,3 %), nawdum (2,2 %), ifè (1,8 %), yorouba (1,4 %), peul (1,3 %), etc.
Langue coloniale: français
Système politique: république unitaire
Articles constitutionnels (langue): article 3 de la Constitution du 14 octobre 1992
Lois linguistiques: Décret n° 68-195 dû 11-11-68 portant création du Comité national d'alphabétisation (1968);  Arrêté n° 46-MEN du 13-9-74 autorisant la création d'une école privée française (1974)Ordonnance n° 75-016 du 6 mai 1975 sur la réforme de l'enseignement (1975); Arrêté n° 29/MEN du 16 juillet 1975 portant organisation du concours du CAP — allemand (1975); Loi sur la nationalité togolaise (1978); Arrêté n° 1 METODRS portant création d'une option de langue nationale au sein de l'École normale supérieure d'Atakpamé (1982); Arrêté n° 141 METQD-RS MEFDD du 30 mars 1984 portant création d'un comité de coordination des activités sur les langues nationales (1984);  Arrêté n° 42/MENRS du 8 juin 1988 portant création d'une Commission d'étude de création de l'Institut des langues au Togo (1988); Arrêté n° 27/MEN-RS du 19 février 1988 portant création d'une Commission de production de manuels scolaires (1988); Décret n° 89-46 PR du 16 mars 1989 portant création et statuts du Centre de recherches et d'études de langues : «village du Bénin» (1989); Décret n° 89-155 PR du 19 septembre 1989 portant création d'une Commission nationale de préparation et de suivi des actes de la conférence des chefs d'État et de gouvernement des pays ayant en commun l'usage de la langue française (1989); Loi n° 90-24 du 23 novembre 1990 relative à la protection du patrimoine culturel national (1990); Arrêté n° 13/METFP du 14 août 1990 rendant obligatoire l'enseignement de l'anglais dans les établissements de l'enseignement technique (1990); Décret n° 92-162/PMRT du 17 juin 1992 portant création de la Commission nationale de la Francophonie (1992); Décret n° 97- 228/PR du 3 décembre 1% fixant le cahier des missions et charges des sociétés nationales de programmes de radiodiffusion sonore et de télévision (1997); Code de procédure pénale (2000); Arrêté n° 001 /01/PAN modifiant et complétant certaines dispositions de l'arrêté n° 001/94 du 11 octobre 1994 portant règlement administratif de l'Assemblée nationale (2001); Loi n° 2006 portant Code du travail (2006); Arrêté n° 11/MD-PR/ETPTIT/ANAC-TOGO du 12 février 2007 relatif aux compétences linguistiques du personnel de l'aviation civile (2007); Règlement intérieur de l'Assemblée nationale (2007).

1 Situation générale

La République togolaise est un pays de l’Afrique de l’Ouest, ouvert sur le golfe de Guinée, limité au nord par le Burkina Faso, à l’est par le Bénin et à l’ouest par le Ghana. C’est l’un des plus petits États africains avec 56 790 km², s’étirant sur 550 km du nord au sud avec une largeur n’excédant pas 130 km. Géographiquement, le Togo apparaît comme une étroite bande de terre de 90 km de large inséré avec le Bénin entre deux géants anglophones de l’Afrique occidentale: le Nigeria à l’est et le Ghana à l’ouest. La capitale du Togo est Lomé. Le pays doit son nom au petit village de Togodo signifiant «situé sur l'autre rive», aujourd'hui appelé «Togoville». C’est une localité située en bordure du grand lac Togo.

Au point de vue administratif, le Togo est divisé en cinq régions administratives (du nord au sud):  les Savanes, la Kara, le Centre, les Plateaux et la région Maritime (voir la carte détaillée). Ces régions sont elles-mêmes découpées en 30 préfectures. Les principales villes sont la capitale Lomé (837 000 habitants), Sokodé (95 000 habitants), Kara (94 800 habitants), Kpalimé (75 000 habitants) et Atakpamé (69 000).

2 Données démolinguistiques

En 2014, la population du Togo était estimée à sept millions d'habitants répartis une mosaïque de peuples, mais au recensement de 2010 elle était de 5,3 millions d'habitants. 

Région Capitale Population 2010 Pourcentage Superficie
Maritime (incluant Lomé) Lomé 2 599 955 48,7 %   6 100 km²
Plateaux Atakpamé 1 375 165 25,7 % 16 975 km²
Savanes Dapaong    828 224 15,5 %   8 470 km²
Kara Kara    769 940 14,4 % 11 738 km²
Centre Sokodé    617 871 11,5 % 13 317 km²

Total 2010

- 5 337 000 100,0 % 56 600 km²

Ce sont les régions du Sud, qui sont les plus peuplées, soit la région des Plateaux et la région Maritime.

2.1 Les ethnies

On compte plus d'une cinquantaine d'ethnies différentes, dont aucune n’est majoritaire, mais les Éwés (prononcé [évé] au sud et les Kabyès au nord sont les plus représentés. Dans le Sud, vivent les ethnies du groupe kwa, notamment les Éwés (21 %) et les Ouatchis (10 %). Dans le Centre et le Nord, moins peuplés, vivent des ethnies du groupe gur, dont les Kabyès (14,7 %). Aux deux grands foyers démographiques, celui des Kabyès-Losso au nord, celui des Éwés, des Minas et des Ouatchis au sud, s'ajoute une quarantaine de groupes différents; les deux noyaux de peuplement sont séparés par des régions centrales peu occupées. Dans l’extrême nord (Savanes), les Tamberma comptent parmi les plus anciennes populations du pays. Comme au Bénin, on trouve sur la côte des descendants d’anciens esclaves revenus du Brésil et portant des noms portugais. 

Ethnie Population Pourcentage Langue Affiliation linguistique
Éwé 1 477 000 21,0 % éwé

famille nigéro-congolaise

Kabyè 1 032 000 14,7 % kabyè

famille nigéro-congolaise

Ouatchi 740 000 10,0 % gbé (ouatchi) famille nigéro-congolaise
Mina (Gen) 413 000 5,8 % gen ou mina famille nigéro-congolaise
Tem (Kotokoli) 408 000 5,8 % tem famille nigéro-congolaise
Moba 379 000 5,4 % moba (ben) famille nigéro-congolaise
Gourma 248 000 3,5 % gourmantché famille nigéro-congolaise
Lama 235 000 3,3 % lama famille nigéro-congolaise
Akposso 196 000 2,7 % ikposso famille nigéro-congolaise
Aja 190 000 2,7 % aja famille nigéro-congolaise
Bassar (Ntcham) 166 000 2,3 % bassar (ntcham) famille nigéro-congolaise
Nawdum 161 000 2,2 % nawdum famille nigéro-congolaise
Ifè 129 000 1,8 % ifè famille nigéro-congolaise
Yoruba 105 000 1,4 % yorouba famille nigéro-congolaise
Peuls (Fulfuldé) 95 000 1,3 % peul (fulfuldé) famille nigéro-congolaise
Konkomba 87 000 1,2 % konkomba famille nigéro-congolaise
Anoufo 73 000 1,0 % anoufo famille nigéro-congolaise
Kébou (akébou) 71 000 1,0 % kébou famille nigéro-congolaise
Akan, Ashanti, Twi 70 000 1,0 % akan famille nigéro-congolaise
Fon 61 000 0,8 % fon famille nigéro-congolaise
Akasselem 60 000 0,8 % akaselem famille nigéro-congolaise
Gangam 58 000 0,8 % ngangam famille nigéro-congolaise
Kambolé 51 000 0,7 % kambolé famille nigéro-congolaise
Gbé 44 000 0,6 % gbé (maxi) famille nigéro-congolaise
Ga (Amina) 42 000 0,5 % ga famille nigéro-congolaise
Tamberma 40 000 0,5 % ditammari famille nigéro-congolaise
Mossi 34 000 0,4 % mossi (mooré) famille nigéro-congolaise
Xwla 27 000 0,3 % gbé (xwla) famille nigéro-congolaise
Bariba 21 000 0,2 % baatonum famille nigéro-congolaise
Lolo, Adele 20 000 0,2 % adele famille nigéro-congolaise
Haoussa 19 000 0,2 % haoussa famille chamito-sémitique
Lukpa 18 000 0,2 % lukpa famille nigéro-congolaise
Waama, Yoabu 18 000 0,2 % waama famille nigéro-congolaise
Anyanga 17 000 0,2 % ginyanga famille nigéro-congolaise
Anii 16 000 0,2 % anii famille nigéro-congolaise
Kusasi 14 000 0,1 % kusaal famille nigéro-congolaise
Mamprusi 14 000 0,1 % mampruli famille nigéro-congolaise
Bago-Koussountou 11 000 0,1 % bago-kusuntu famille nigéro-congolaise
Dagomba 11 000 0,1 % dagbani famille nigéro-congolaise
Bogo, Ahlon 9 500 0,1 % igo famille nigéro-congolaise
Hwe 8 100  0,1 % aja famille nigéro-congolaise
Ntrubo 7 700  0,1 % delo famille nigéro-congolaise
Arabes libanais 7 100  0,1 % arabe libanais famille chamito-sémitique
Buem, Lelemi 7 000  0,1 % lelemi famille nigéro-congolaise
Français 5 400 0,0 % français langue romane
Bissa 5 200 0,0 % bissa famille nigéro-congolaise
Kpessi 5 100 0,0 % kpessi famille nigéro-congolaise
Krache 4 900 0,0 % krache famille nigéro-congolaise
Créoles togolais 3 500 0,0 % pidgin pidgin
Piyobe 3 000 0,0 % miyobe famille nigéro-congolaise
Métis 2 800 0,0 % allemand langue germanique
Adan, Adangbe 2 500 0,0 % adangbe famille nigéro-congolaise
Woudou 2 200 0,0 % woudou famille nigéro-congolaise
Autres 62 000

0,8 %

  -
Total 2014 7 007 000

100 %

  -

Les groupes numériquement les plus importants, ceux comptant plus de 100 000 locuteurs, totalisent 5,8 millions de personnes, soit 83 % de la population togolaise: Éwé, Kabyè, Ouatchi, Mina, Tem (Kotokoli), Moba, Gourma, Lama, Akposso, Aja, Bassar (Ntcham), Nawdm, Ifè et
Yorouba. Toutes les ethnies peuvent être regroupées en cinq grands groupes : les Adja-Ewé (44 %), les Kabyè-Tem (26,7 %), les Para-Gourma (16,1%), les Akposso-Akébou (4 %) et les Ana-Ifé (3,3 %).

2.2 Les langues

La langue officielle du Togo est le français. Les deux langues nationales «protégées» sont l'éwé (21 %) et le kabyè (14,7 %), cette reconnaissance ayant été en principe adoptée en 1975. Il existe d'autres langues, dont le ouatchi, le mina, le moba, le peu et le tem, qui servent de langue véhiculaire dans certaines régions du pays. La quasi-totalité des langues togolaises parlées appartient à la famille nigéro-congolaise, dont le groupe kwa (comme l'éwé), le groupe gur (comme le kabyè), le groupe mandingue et le groupe ouest-atlantique (le peul). Les langues kwa (au sud) et gur (au nord) représentent à elles seules plus de 90 % des langues parlées au Togo.  

Les langues kwa se subdivisent en deux sous-groupes: gbé et agnibaoulé.  Les langues du sous-groupe gbé sont l'éwé, le kwasi, le kwin, l'aja, le fon, l'enlo, parlées par environ la moitié de la population. Quant aux langues gur, elles se subdivisent en langues lama, où l'on retrouve le kabyè et le tem, ainsi que le lamda, parlées au total par environ le tiers de la population.  Pour ce qui est du Togo central, les langues importantes sont le kposso, l'higo, le ginyianga , le kékpéké, le gidéré , le yisébé, parlées par moins de 4 % de la population.   

Les seules langues n'appartenant pas à la famille nigéro-congolaise sont le haoussa et l'arabe libanais (famille chamito-sémitique), ainsi que le français (langue romane) et l'allemand des Métis (langue germanique), ainsi que le pidgin camerounais. Dans ce dernier cas, il s'agit d'une sorte de créole à base d'anglais comparable à ceux utilisés aux Antilles, mais il est surtout pratiqué au Cameroun dans les zones à forte diversité linguistique, ainsi qu'à Douala où le cosmopolitisme de la ville a imposé cette langue véhiculaire dans les transactions commerciales.

Nous pouvons constater trois faits dans la mosaïque linguistique du pays:

1) Aucune des langues nationales n'est présente sur tout le territoire, mais il y a des langues qui sont utilisées dans plusieurs préfectures, voire plusieurs régions: l'éwé, le kabyè, le tem, le moba et l'ikposso.

2) Il existe un déséquilibre dans la distribution spatiale des langues. Ainsi, la région des Savanes, la région de la Kara et la région du Centre (voir la carte) abritent au moins neuf langues chacune. Mais la région des Plateaux et la région Maritime  (voir la carte) comptent à elles seules neuf langues.

3) Certaines parties du pays, notamment au nord et au centre, constituent de véritables damiers linguistiques avec un grand nombre d'ethnies et de langues. 

Selon la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, 30 % de la population serait francophone, mais selon le ministère français des Affaires étrangères ce serait plutôt 37 % (en 2007). D'après le ministère de l'Éducation nationale et de la Recherche, 95 % des élèves de 2e année et 92 % des élèves de 5e année parlent leur langue maternelle à la maison. Peu d'élèves s'expriment en français chez eux. En effet, le français, langue d’enseignement est parlé à la maison par 6 % d'élèves de 2e année et par 8 % d'élèves de 5e année. Quant à l’anglais et l’arabe, ce sont des langues presque totalement absentes par l’élève à la maison. Les langues maternelles sont majoritairement privilégiées dans la communication en famille, même si les élèves sont contraints de parler le français dans leur salle de classe ou à l’école.

Les religions pratiquées au Togo sont également multiples: la majorité est restée attachée à la religion ancestrale (59 %), mais les catholiques sont très nombreux (22 %), suivis par les musulmans (12 %) et les protestants (6%).

3 Données historiques

Nous savons peu de choses sur l'histoire du Togo ancien. Depuis le Ier millénaire, le Togo fut parcouru par des vagues de migrations successives, qui ont donné au pays sa configuration ethnique actuelle. Des royaumes, comme l'Atakpamé et le Notsé, existaient avant l'arrivée des Européens. Toutefois, l'histoire moderne du Togo fut essentiellement marquée, à partir du XVIIe siècle, par le royaume du Dahomey et le royaume des Ashanti à l'ouest. Les Bassari, les Tamberma et les Kabyès habitaient les régions montagneuses lorsque des populations arrivèrent, poussées par les événements qui déstabilisèrent l’Afrique occidentale : la traite négrière, l'introduction des armes à feu et l'islamisation de la savane.

Dans le Centre- Nord, les Gourma islamisés et les Kotokoli se sont installés autour de Sokodé (région Centre); les Tyokossi se sont établis dans la région de Mango. Le centre et le sud du pays ont subi les soubresauts de la montée des Bariba du Bénin, ainsi que du royaume du Dahomey et des Ashanti du Ghana. Réfugiées dans leurs montagnes, les populations locales ont résisté aux razzias de leurs voisins. Également dans le Sud, les populations venues de l’Est (Bénin actuel et Nigeria) se sont installées en vagues successives à partir du XVe siècle, lors de l’arrivée des Portugais sur la côte. Les Éwés se sont établis dans le Sud autour de Tado, près de Notsé (sud de la région des Plateaux), au siècle suivant. Au XVIIe siècle, parce qu'ils étaient devenus trop nombreux, les Éwés se sont dispersés dans l’Ouest, jusqu'à la rive gauche de la Volta.

Du côté des Européens, à partir du XVIe siècle, les Portugais pratiquèrent un commerce actif pendant que la traite négrière se développait au siècle suivant autour du comptoir de Petit-Popo (actuel Anécho). Au XVIIIe siècle, les Danois venus de Christianenborg (l'actuelle Accra), s'implantèrent à leur tour; ils furent suivis, à partir des années 1780-1800, par des Hollandais et de nombreux «Brésiliens», des anciens esclaves libérés et rapatriés du Brésil ou des descendants de Portugais installés au Togo, qui participèrent aux échanges côtiers.

Certains comme Francisco Felix da Souza, établi à Petit-Poto (futur chacha du Dahomey, l'actuel Bénin), firent fortune dans le commerce du tabac, du rhum, des tissus et la traite des esclaves. Puis le commerce européen de l’huile de palme, succédant à celui des esclaves, prit pied lors de la seconde moitié du XIXe siècle »: les Français s’installèrent à Anécho et à Porto-Seguro, les Anglais à Keta, tandis que les Allemands, dont les frères Viëtor de Brême, commerçants et missionnaires protestants œuvraient chez les Éwés à partir de 1847.

3.1 Les entreprises d'évangélisation

Avant que les grandes puissances de l'époque, notamment la Grande-Bretagne, l'Allemagne et la France, n'investissent la région, les populations de ces régions avaient déjà reçu la visite des missionnaires européens. Les missionnaires portugais était même apparus dès le XVIe siècle. Nous savons que l'évangélisation missionnaire a souvent précédé la colonisation effective, ce qui place les missionnaires et les colonisateurs sur le même pied en tant que «conquérants», chacun à sa manière. Ainsi, lorsque le gouvernement du IIe Reich allait commencer son protectorat sur le Togo en 1884, les missions suivantes étaient déjà installées dans la région:

- la Mission méthodiste de Wesley : protestants britanniques.
- la Société des missions évangéliques de Bâle : protestants calvinistes allemands.
- la Mission de Brême ou Société missionnaire de l'Allemagne du Nord: protestants allemands luthériens et calvinistes;
- la Congrégation romaine de la propagation de la foi : catholiques français.

La mission la plus importante était la Mission de Brême (en all.: "Bremer Mission"), qui avait son siège à Brême ("Bremer") et appartenait à la Société missionnaire de l'Allemagne du Nord (all.: "Norddeutsche Missions-Gesellschaft"). Ce fut seulement en 1847, avec le débarquement de quatre missionnaires de la Mission de Brême sur la côte ouest-africaine (appelée à l’époque «Côte des esclaves») que cette mission s’y installa de façon durable dans le pays éwé. La Mission augmenta graduellement le nombre de ses paroisses; elle allait fonder l'Église évangélique éwé, devenue aujourd'hui l'Église évangélique presbytérienne du Togo.

Profitant de l'absence d'intervention coloniale dans le domaine scolaire, toutes les missions utilisèrent les langues locales pour évangéliser les populations africaines. En général, dans les écoles primaires, les missionnaires utilisèrent l'éwé, mais devant le nombre élevé des variations dialectales (adan, agu, anglo ou anlo, aveno, bé, gbin, ho, kpelen, togo, vlin et vo), ils optèrent pour l'anlo. Cependant, d'autres missionnaires employèrent le gen-mina. Dans l'enseignement dit «supérieur», les missionnaires eurent recours à l'anglais, rarement à l'allemand. Les missionnaires méthodistes préférèrent l'anglais, ce qui a entraîné l'usage de cette langue par les missionnaires catholiques du Verbe divin.

Comme il fallait s'y attendre, cette activité évangélique se trouva concurrencée par l'action des commerçants anglais, français et allemands. La ville de Lomé devint un grand entrepôt d'huile de palme pour cette région productrice et une plaque tournante pour la contrebande d'alcool avec la Côte d'or ("Gold Coast") voisine.  En 1874, les commerçants allemands, installés à Petit-Popo, demandèrent la protection du tout jeune Empire allemand, mais le chancelier considéra que cette intervention en Afrique était prématurée et il préféra consolider la position européenne du IIe Reich. En 1878, les Mina adressèrent des lettres pour demander au gouvernement français de se placer sous sa protection. Un décret est pris le 19 juillet 1883 déclarant établir le protectorat français sur les comptoirs situés le long du littoral à l'est de l'actuel Togo: Petit-Popo, Grand-Popo, Porto Séguro et Agoué. Devant ce fait, les commerçants allemands se sentirent menacés et demandèrent l'intervention de la Marine impériale qui envoya deux navires de guerre.

En 1883, le Togo tel qu'on le connaît aujourd'hui n'existait pas. Les Britanniques et les Français, occupant respectivement la «Gold Coast» à l'ouest (l'actuel Ghana) et le Dahomey à l'est (l'actuel Bénin), avaient installé des postes douaniers à leurs frontières, d'où ils tiraient l'essentiel de leurs ressources, prélevées sur le tabac et l'alcool. Depuis le XVe siècle, l’anglais s’était imposé comme langue commerciale dans toute la région et c'est cette langue qui a pu préserver cette situation qui allait se poursuivre sous la colonisation allemande et durant les premières années de la présence française.

3.2 La colonisation allemande (1884-1916)

C'est avec la naissance du IIe Reich (Empire allemand) en 1871 que commencèrent les ambitions coloniale de l'Allemagne. Selon la doctrine impérialiste du XIXe siècle, tout État prospère et puissant avait besoin d'un territoire d'expansion afin d'augmenter ses capacités de production. Pour l'Allemagne de l'empereur Guillaume Ier (1871-1888) et du chancelier Otto von Bismarck (1871-1890), la colonisation apparaissait un moyen de détourner la social-démocratie qui menaçait l'empire. L'Allemagne souffrait alors d'une surproduction et envoyait chaque année plus de 200 000 Allemands à l'étranger. Friedrich Schleiermacher (1768-1834), théologien protestant et philosophe allemand, croyait en 1870 qu'il fallait une collaboration étroite entre les colonisateurs et les missions chrétiennes:

Il est naturel que ceux qui veulent répandre une religion supérieure soient obligés de répandre aussi un degré supérieur de culture. C'est bien pour cela que la Mission n'est vraiment florissante que par une colonisation effective.

Bref, religion et colonisation allaient de pair pour Schleiermacher, mais il ne s'était jamais imaginé que la prétendue «collaboration» attendue
entre l'administration coloniale et les missionnaires chrétiens pouvait se transformer en conflits d'intérêts où la vénalité, l'immoralité et la corruption prendraient le pas sur la «mission civilisatrice». De fait, la cohabitation entre les administrations coloniales et les missions chrétiennes s'est révélé le plus souvent tumultueuse et parsemée d'incidents violents.

En 1883, le chancelier allemand Otto Eduard Leopold von Bismarck décida d'imposer un protectorat sur le Togo, alors un territoire d'une superficie de 85 000 km². L'année suivante, l’explorateur allemand Gustav Nachtigal signait un «traité de protectorat» avec le chef du lac Togo, M'lapa III de Togodo, et donnait son nom actuel au pays. En 1885, au congrès de Berlin, durant lequel ont été délimitées les zones d’influence économiques européennes en Afrique, la côte togolaise fut officiellement attribuée à l’Allemagne sous le nom de Togoland, ("Deutsch-Togoland") ainsi que le Cameroun ("Kamerun"). L'Allemagne s'empressa aussitôt de mettre en valeur le sud du pays.

Comme les autres puissances coloniales, l’Empire allemand s’empressa de faire valoir ses droits sur l’arrière-pays. Puis les Allemands se lancèrent à la conquête dans une véritable course contre la montre et annexèrent en quelques années le reste du territoire. Ils fondèrent le port de Lomé et mirent en place une économie de plantations, notamment dans la région de Kpalimé (région des Plateaux), propice à la culture du cacao et du café.

Ce n'est qu’en 1890 que s’effectua le partage du «pays éwé» entre les Allemands et les Britanniques. Dès lors, les Éwé occidentaux furent rattachés à la colonie anglaise de la "Gold Coast" (Côte d'or), tandis que les Éwé orientaux devinrent des citoyens du Togoland allemand. Les premiers postes missionnaires fondés à Peki et à Keta se trouvèrent intégrés dans la "Gold Coast" (aujourd'hui le Ghana), et les autres dans le Togoland (aujourd'hui, le Togo).

L'arrivée des Allemands se heurta à de fortes résistances chez les populations africaines. Des accords furent signés avec certains royaumes, mais la révolte des Kabyès (1890) et celle des Konkomba (1897-1898) furent matées brutalement. Les révoltes augmentèrent en intensité au fur et à mesure que les occupants allemands s'enfonçaient à l'intérieur des territoires du Togoland.

L'Allemagne encouragea ses citoyens à s'installer dans la nouvelle colonie togolaise, en leur offrant des concessions à des conditions très avantageuses. Elle fit également construire les infrastructures nécessaires à l'exploitation du Togoland, comme des lignes de chemin de fer, en recourant massivement aux travaux forcés. Les Allemands en firent une Musterkolonie (une «colonie modèle») où devaient régner l’équilibre, la prospérité et la bonne gestion, mais où la langue allemande n'était pas imposée aux populations locales.

- La langue éwé des indigènes

Les missionnaires, tant catholiques que protestants, étaient convaincus que l'identité culturelle des communautés togolaises trouverait son expression la plus simple dans la langue maternelle, surtout l'éwé. L'un de ces missionnaires fut sans contredit Diedrich Hermann Westermann (1875-1956), également linguiste et ethnologue. Il fut probablement le plus grand linguiste et africaniste allemand de son temps. C'est lui qui a su décrire avec précision les particularités de la langue éwé en plus d'avoir produit un dictionnaire bilingue allemand/éwé et éwé/allemand de quelque 30 000 mots, publié en 1905-1906. À partir de ses travaux sur la langue éwé, Westermann en tirait cette conclusion générale :

Une langue telle que l'éwé est riche en elle-même ; elle convient parfaitement, dans une large mesure, à développer la civilisation (la culture) et le commerce et le plus grand préjudice que les Européens puissent porter à ces peuples, c'est de remplacer ce précieux héritage maternel par des langues européennes ou d'en réduire la portée. Si nous voulons que l'homme éwé conserve aux yeux des Européens sa véritable valeur intellectuelle, il faudra que nous veillions honnêtement à sauvegarder sa langue pour que la jeunesse grandissante de ce pays puisse jeter un regard sur la beauté et la valeur de sa langue maternelle. Elle perd progressivement l'estime et l'usage fondamental de sa langue dès qu'on met fortement l'accent sur les langues européennes. Mais la langue européenne convient si peu aux Éwés moins doués exactement comme les habits européens qu'ils portent.

Mais Westermann constituait une exception en Allemagne. Il pensait en homme de science et, malgré son bref séjour au Togo de 1900 à 1903, il était convaincu que la langue éwé des Togolais demeurait l'un des éléments de l'identité culturelle de ce peuple. Cette idéologie «d'ouverture» vers les indigènes allait rencontrer de fortes résistances, car elle ne correspondait pas à l'idéologie coloniale de l'époque.

- La concurrence de l'anglais

Le premier problème des Allemands au Togoland fut la présence de la langue anglaise. Bien que l'administration coloniale allemande soit installée sur le territoire depuis une vingtaine d'années, l'usage de l'anglais était plus important que l'allemand dans les relations avec les indigènes, y compris avec les autorités officielles. Pour les autorités allemandes, il fallait extirper de la colonie togolaise l'influence de l'anglais à la fois dans l'administration et dans l'instruction des indigènes, sinon la langue allemande ne s'imposerait jamais. Il paraissait impensable qu'une colonie allemande utilise l'anglais comme langue véhiculaire. Aucune puissance coloniale n'était prête à sacrifier sa propre culture ou sa propre langue au profit d'une autre.

Pendant ce temps, les missionnaires de Brême, qui voyaient ainsi leur champ d’évangélisation partagé, ne s’empressèrent guère de se mettre au service de l’Allemagne. De même, la mission méthodiste installée dans la région d'Aného (ville au sud-est du Togo à 50 km de Lomé près du Bénin), jusqu’alors composée exclusivement de catéchistes anglophiles de l'ethnie mina, accueillit avec réticence l’arrivée des Allemands. Les catholiques des Missions africaines de Lyon durent, quant à eux, quitter le Togo sous la pression du gouvernement colonial afin de laisser la place à la société allemande du Verbe divin. L'une des premières décisions des autorités coloniales fut donc d’organiser le partage de la nouvelle colonie entre les trois missions chrétiennes et de n’autoriser que la présence de missionnaires de nationalité allemande, alors que beaucoup de notables africains anglophiles souhaitaient une éducation en anglais pour leurs enfants.

- La conception européenne des langues indigènes

La seconde résistance à l'idéologie d'ouverture aux langues indigènes provenait de la conception que les Européens avaient de ces langues. En effet, la plupart des Européens considéraient les langues indigènes comme des dialectes «inférieurs». Certains responsables allemands ne désiraient pas transmettre la langue et la culture allemandes, car ils considéraient que les Noirs n'étaient ni dignes ni capables de bénéficier d'une telle instruction. En 1894, le commissaire impérial de la colonie, Jesko von Puttkamer (1889-1895), déclarait que l'éwé était «un dialecte nègre sauvage» et «primitif» :

La langue éwé est et reste un dialecte nègre sauvage, extrêmement primitif, qu'il est utile d'apprendre [...] pour pouvoir se faire comprendre avec ses travailleurs. Toutefois, la langue d'un peuple civilisé est bien supérieure aux balbutiements de tous ces Nègres, à mi-chemin entre la langue des hommes et celle des singes. 

Ce genre de jugement de valeurs était courant à l'époque; il était largement partagé par la plupart des Européens, y compris les Britanniques, les Français, les Espagnols, les Italiens, les Portugais, etc. 

- Les enfants métis

À cette époque apparut aussi le problème posé par l'augmentation vertigineuse des enfants métis nés de pères allemands et de mères togolaises. Devant le nombre important des unions germano-africaines, il fut interdit en 1905 de célébrer légalement des mariages civils entre Allemands et Togolaises. La loi allemande ne reconnut pas les enfants nés de pères allemands et de mères togolaises et interdit aux pères de donner leur nom de famille à leur progéniture «illégitime».

En vertu de l'article 2 de l'ordonnance impériale du 3 juin 1908 relative à la création de l'administration et aux usages coutumiers dans les colonies africaines et du Pacifique (Reichsgesetzblatt ou Journal officiel du Reich, p. 397), il fut décrété avec l'accord du chancelier impérial (Bernhard von Bülow), ce qui suit:

Artikel 1

Eingeborene dürfen ohne Genehmigung des Gouverneurs einen deutschen Namen als Familiennamen sich oder ihren Angehörigen nicht beilegen oder führen.

Artikel 2

Zuwiderhandlungen werden mit Geldstrafe bis zu 150 Mark bestraft, an deren Stelle, falls sie nicht beigetrieben werden kann, Gefängnisstrafe mit Zwangsarbeit bis zum Höchstbetrage von 6 Wochen tritt.

Lomé, den 18. Oktober 1913.

Der Gouverneur, Herzog zu Mecklenburg.

Article 1er

Les indigènes ne sont pas autorisés à porter ou à ajouter à leur nom, un nom allemand comme nom de famille, pour leur propre compte ou pour le compte de leurs parents, sans l'autorisation du gouverneur.

Article 2

Tout acte contraire à cette disposition sera puni d'une amende allant jusqu'à 150 marks, et si cette somme ne peut pas être payée, il sera infligé en compensation une peine de prison maximale de six semaines avec travaux forcés.

Fait à Lomé, le 18 octobre 1913.

Le gouverneur, duc de Mecklenburg.

Même les Métis allemands reconnus par un père allemand en vertu des coutumes africaines n'étaient pas des «citoyens allemands» au sens de la loi allemande. Selon le Code civil allemand, un enfant mulâtre né d'une mère blanche devait porter le nom de la mère. En juillet 1913, la Société de Mission de l'Allemagne du Nord adressait une lettre à l'administration coloniale impériale de Berlin. La Société dénonçait le fait qu'au Togo le nombre des Métis était devenu plus important que celui de la population masculine européenne. Cette affaire eut des échos au Parlement allemand. Par la suite, l'administration coloniale allemande au Togo adopta un règlement pour réprimer la vague de Métis, c'est-à-dire «die braunen Kinder der weißen Herren» ("les enfants bruns des maîtres blancs"). Les autorités ecclésiastiques allemandes désignaient les mères noires par les termes «prostituées» ou «concubines», et leurs enfants comme de «mauvaises plantes» ou des «herbes sauvages».

Dans une circulaire datée du 9 juillet 1909, le gouverneur du Togoland faisait état de la décision prise lors de la conférence annuelle des administrateurs locaux tenue à Bassari au mois de mars précédent au sujet des enfants «mulâtres» (ou métis) :

Runderlass betreffend die Fürsorge für Mulattenkinder

Für den Unterhalt und die Erziehung derjenigen Mulattenkinder, für welche nicht in angemessener Weise gesorgt wird, haben die Leiter der Bezirksämter und Stationen die Fürsorge zu übernehmen, und dabei folgende Grundsätze zu befolgen:

- Bis zur Vollendung des 6. Lebensjahrs sind die Mulattenkinder bei der Mutter zu belassen.

- Alsdann sind die Knaben der Regierungsschule als Kostschüler, die Mädchen den Missionsanstalten zuzufüren.

- Sind diese Massnahmen ohne Aufwand von Kosten nicht durch führ-bar [sic!] oder stellen sich ihrer Durchführung sonst Schwierigkeiten entgegen, so ist unter Darlegung des Sachverhalts an das Gouvernement zu berichten.

- Die Leiter der Bezirksämter und Stationen haben sich persönlich von dem Wohlergehen der unter ihrer Obhut stehenden Mulattenkinder zu überzeugen, bis diese das 15. Lebensjahr vollendet haben.

- An dem Prinzip, dass Mulatten als Farbige zu gelten haben soll durch obige Anordung nichts geändert werden.

Lome,den 9. Juli 1909

Der Gouverneur gez. Graf Zech.

Circulaire relative à l'assistance aux enfants mulâtres

L'entretien et l'éducation des enfants mulâtres qui ne reçoivent pas d'aide convenable, doivent être pris en charge par les chefs de Districts et de Stations selon les principes suivants :

- Jusqu'à l'âge de six ans révolus, les enfants mulâtres doivent être laissés à leurs mères.

- Ensuite, les garçons doivent être envoyés comme pensionnaires à l'école gouvernementale et les filles, dans les établissements missionnaires.

- Au cas où ces mesures ne peuvent pas être appliquées sans encourir des frais, ou bien si l'application de ces mesures entraîne quelques autres difficultés, un rapport doit être adressé au gouvernement, en y exposant les faits.

- Les chefs de Districts et de Stations doivent s'assurer personnellement du bien-être des enfants mulâtres placés sous leur garde jusqu'à ce que ceux- ci atteignent l'âge de 15 ans révolus.

- Les dispositions ci- dessus énoncées ne doivent rien changer au principe selon lequel les mulâtres sont à considérer comme des gens de couleur.

Fait à Lomé, le 9 juillet 1909.

Le gouverneur, Von Zech.

Voici l'un des textes juridiques de 1913 parmi les plus importants concernant l'interdiction faite aux Métis de porter le nom de leur père allemand:

Verordnung des Gouverneurs betreffend die Namen-Gebung
und Führung seitens Eingeborener

Auf Grund des § 2 der Kaiserlichen Verordnung betreffend die Einrichtung der Verwaltung und die Eingeborenen-Rechtspflege in den afrikanischen und SüdseeSchutzgebieten vom 3. Juni 1908 (Reichsgesetzblatt S. 397) wird mit Zustimmung des Reichskanzlers verordnet, was folgt:

Artikel 1

Eingeborene dürfen ohne Genehmigung des Gouverneurs einen deutschen Namen als Familiennamen sich oder ihren Angehörigen nicht beilegen oder führen.

Artiekl 2

Zuwiderhandlungen werden mit Geldstrafe bis zu 150 Mark bestraft, an deren Stelle, falls sie nicht beigetrieben werden kann, Gefängnisstrafe mit Zwangsarbeit bis zum Höchstbetrage von 6 Wochen tritt.

Lome, den 18. Oktober 1913.

Der Gouverneur. Herzog zu Mecklenburg.

Décret du gouverneur relatif à l'attribution
et au port des noms par les indigènes

Vu l'article 2 du décret impérial du 3 juin 1908 (Code Civil du Reich, p. 397), portant installation d'une administration et d'un droit pour les indigènes dans les protectorats africains et ceux des mers du sud, il est décrété, en accord avec le Chancelier du Reich, ce qui suit:

Article 1
er

Les indigènes n'ont pas le droit de porter ou de donner à leurs proches un nom allemand comme nom de famille sans l'autorisation du Gouverneur.

Article 2

Toute infraction à cette loi entraîne une amende financière allant jusqu'à 150 marks, ou en cas d'impossibilité de recouvrement de cette amende, une peine d'emprisonnement avec travaux forcés jusqu'à une durée maximale de 6 semaines.

Lomé, le 18 octobre 1913.

Le gouverneur, duc de Mecklenburg.

En fait, les «mariages» entre Allemands blancs et «femmes de couleur» ne furent pas considérés comme des mariages par le droit allemand, car il s'agissait d'une forme de concubinage ("Konkubinat"). Voici à ce propos une autre circulaire de 1911:

Konkubinat zwischen Weissen und farbigen Frauen

Das Zusammenleben eines Europäers mit einer Farbigen kann auch dann nicht als Ehe im deutschrechtlichen Sinne angesehen werden, wenn die für den Abschluss der Ehen von Farbigen nach Stammesrecht üblichen Gebräuche und Formalitäten beobachtet worden sind. Es kann daher, wenn die mit einem Europäer zusammenlebende farbige Frau von einem Farbigen geschlechtlich gebraucht wird, auch keine Bestrafung wegen Ehebruchs, sondern, sofern die übrigen Begleitumstände dies rechtfertigen, nur eine Bestrafung wegen Beleidigung oder Achtungsverletzung von bezw. gegenüber einem Europäer erfolgen.

Lome, den 19. Juli 1911

Der Gouverneur i. A. gez. Hermans.

Concubinage entre Blancs et femmes de couleur

La vie commune d'un Européen avec une femme de couleur ne peut pas être considérée comme un mariage au sens du droit allemand, même si les coutumes et formalités habituelles pour la conclusion des unions des gens de couleur selon le droit coutumier ont été respectées. Pour cette raison, lorsqu'une femme de couleur vivant avec un Européen a été utilisée pour des relations sexuelles par un homme de couleur, il ne peut y avoir de sanction pour adultère, mais plutôt une punition pour outrage, ou pour atteinte à l'honneur d'un Européen, pour autant que le permettent tous les autres faits liés à ces relations.

Lomé, le 19 juillet 1911.

Pour le gouverneur et p.o. Hermans.

Reconnaître un adultère aurait été comme reconnaître au préalable un «mariage»; il était donc préférable de parler d'une «atteinte à l'honneur d'un Européen». Ces enfants des Métis (ou de Mulâtres) allaient plus tard créer un pidgin particulier, qui sera en fait une langue mixte faite d'allemand et d'une langue africaine, souvent l'éwé.

- L'éducation allemande

En matière de formation scolaire, le Togo allemand mit en place des écoles gérées par des missions catholiques et protestantes. Vers 1910, le pays comptait 163 établissements scolaires évangéliques et 196 établissements catholiques. De plus, les catholiques avaient créé un centre de formation pour les enseignants. Les missionnaires, tant catholiques que protestants, privilégiaient l'enseignement «en langue indigène» pour mieux convertir les «païens» à la «religion civilisatrice» chrétienne. Par exemple, la Mission de Brême assurait l'enseignement primaire entièrement en éwé, tandis que la formation supérieure était surtout donnée en anglais, très rarement en allemand. Ainsi, dans l'ensemble, les missionnaires n'imposèrent jamais la langue allemande. C'est ce qui explique que l'influence de la langue allemande soit demeurée minime chez les Togolais. 

Les autorités allemandes, rappelons-le, ont bien tenté d'organiser le partage de la colonie entre les missions chrétiennes et de n’autoriser que la présence de missionnaires de nationalité allemande, mais les missionnaires se sont rapidement désintéressés de la question. En 1913, on ne comptait que quatre écoles publiques (Regierungschulen), qui rassemblaient 341 élèves, comparativement à 348 écoles confessionnelles qui en recevaient plus de 14 000. Ce furent les seuls établissements d'enseignement où l'on enseignait en allemand. Dans les petites écoles primaires, l’enseignement en éwé est toujours resté prépondérant, concurremment à l'anglais

- La politique linguistique

Dans un rapport présenté en 1903 en vue d’une évaluation officielle, les conséquences de la politique linguistique ("Sprachenpolitik") alors en vigueur furent mises en évidence:

Selon le rapport de plusieurs observateurs sur place, la colonie du Togo a jusqu’ici, bien qu’elle soit depuis près de 20 ans une possession allemande, davantage un caractère anglais qu’un caractère allemand, notamment dans les échanges avec les indigènes, où la langue anglaise est employée de façon tout à fait prépondérante non seulement dans l’activité privée, mais aussi par les autorités. [...] Dans le domaine monétaire, on a de même essentiellement recours à la monnaie anglaise.(Rapporté par P. SEBALD, Togo 1888-1914).

Parfois, des administrateurs allemands s'inquiétaient des idées véhiculées par les missionnaires. Ces derniers furent accusés de répandre des «idées subversives» du type «Liberté, Égalité, Fraternité». Des commerçants allemands exprimaient leurs crainte de la façon suivante: «Les jeunes Togolais qui ont pu faire leur éducation dans les classes supérieures du territoire anglais [...] répandent des idées démocratiques et révolutionnaires dans le Protectorat.» (cité par SEBALD, 1988). L’administration coloniale pouvait ainsi constater les «effets pervers» d'un système d'éducation qu'elle ne contrôlait pas. De guerre lasse, le 9 janvier 1905, le gouverneur de la colonie (1904-1910), le comte Graz Zech, promulgua une ordonnance interdisant l’emploi de l’anglais ou de toute autre langue: 

Dans toutes les écoles du territoire, ne sera autorisée comme enseignement de langue non indigène aucune autre langue vivante que l’allemand.

Les missions chrétiennes finirent pas se soumettre, mais la querelle au sujet de l’anglais se poursuivit jusqu’en 1914. Dans les faits, cet enseignement s'est révélé un enseignement bilingue donné en éwé (dans les premières classes), puis à la fois en anglais et en éwé (dans les classes supérieures). Puis les Missions firent la concession de supprimer l'instruction en anglais et de remplacer l'anglais par l'allemand. Ainsi, pendant toute la période coloniale allemande, l'enseignement  fut un enseignement bilingue africano-européen. Quoi qu'il en soit, les Togolais furent tiraillés du fait qu'ils étaient à la fois éwésés, anglicisés et germanisés, avant d'être plus tard francisés. La colonisation allemande a ainsi eu pour résultat de diviser de nombreux peuples africains et d'ajouter d'autres peuples à des ensembles dans lesquels ils ne se retrouvèrent jamais.

- La partition du Togoland

Après l’éclatement de la Première Guerre mondiale en 1914, une opération conjointe franco-britannique força les Allemands, retranchés à Atakpamé (capitale de la région des Plateaux), à capituler dès le mois d’août 1914. Les troupes franco-britanniques avaient fait tomber le gouvernement colonial en cinq jours. Le gouverneur allemand Herzog Adolf Friedrich zu Mecklenburg, ou Adolphe-Frédéric de Mecklembourg (1912-1914), dut quitter précipitamment le Togo.

Après le conflit (1919), la Société des Nations attribua deux mandats distincts:

1) Le Togo occidental (ou Togoland britannique ou British Togo) fut adjugé au Royaume-Uni ;
2) Le Togo oriental (ou Togoland français) fut alloué à la France, qui devint par la suite le Togo.

Le Togo français obtint une superficie de 56 600 km² et le Togo britannique, 33 800 km².  On peut dire que le Togo est le seul pays d'Afrique à avoir vécu sous colonisation allemande, sous domination anglaise et enfin sous mandat français. Dès lors, les Togolais occidentaux furent rattachés à la colonie britannique, tandis que les Togolais orientaux devinrent des sujets français. 

3.3 La colonisation française

Par crainte que les Togolais restent loyalistes à l'Allemagne, les Français firent en sorte de supprimer toute trace de la colonisation allemande. Les autorités interdirent aux missionnaires allemands, alsaciens et lorrains d'avoir accès à leurs écoles dans la zone administrative placée sous leur juridiction.

L'usage de la langue allemande fut simplement interdit et le français devint la seule langue officielle du Togo; l'enseignement public se fit uniquement en français.

À l'inverse des Allemands qui n'avaient pu définir ni appliquer une politique linguistique cohérente, les Français imposèrent sans ambiguïté la langue française. Bien que, dès 1915, l'allemand avait été interdit, ce fut le retour de l'anglais à partir de 1920. L'arrêté de 1922, qui organisait le secteur scolaire public et assurait le contrôle des écoles confessionnelles, imposa le français comme seule langue admise dans les écoles. L'arrêté de 1922, publié dans le Journal officiel du Togo, stipulait à l'article 5 cette disposition sans équivoque:

Article 5

L'enseignement doit être donné exclusivement en français. Sont interdits les langues étrangères et les idiomes locaux.

Les langues étrangères visées étaient l'allemand et l'anglais, les «idiomes locaux» (qui n'avaient pas droit au titre de «langue») étaient les langues togolaises. 

Ce système comprenait trois catégories d'enseignement:

- un enseignement primaire élémentaire, destiné à familiariser les indigènes avec la langue française et à les préparer à devenir de bons travailleurs dans leurs milieux);
- un enseignement primaire supérieur, destiné à préparer les élèves dotés du Certificat d’études primaires élémentaires [CEPE] aux carrières de l’enseignement, de la santé, de l’administration générale et du commerce;
- un enseignement primaire professionnel préparant, en quatre années, à un enseignement général, complété par une formation pratique en menuiserie, maçonnerie, ajustage, fonderie, etc.

- La langue d'enseignement

Les Français croyaient que, en raison du grand nombre des langues togolaises, il était inutile et impossible d'en choisir une comme «langue de communication» au détriment des autres, sans provoquer des conflits de préséance entre les ethnies. Ils croyaient surtout que les langues indigènes étaient trop «primitives» et «inaptes à l'enseignement», c'est-à-dire tout le contraire du français décrit comme «supérieur». D'ailleurs, le gouverneur Auguste Bonnecarrère (de janvier 1922 à décembre 1931) déclarait non sans un certain orgueil : 

Notre génie national, que des juges impartiaux à l'étranger ont reconnu plus particulièrement apte à guider les peuples arriérés vers un mieux être social, matériel et intellectuel, ne saurait jeter tout son éclat si la langue nationale n'était pas généralisée.

Les autorités françaises durcirent même leur position par la suite, comme en témoigne cet arrêté de 1928 qui précisait:

Le français est seul en usage dans les écoles. II est interdit aux maîtres de se servir entre eux ou avec les élèves, en classe ou en récréation, des idiomes du pays.» (Société des Nations, 1928).

De leur côté, les Togolais n'ont pas semblé à ce moment-là porter un grand intérêt au problème de leurs langues nationales. Seules les communautés religieuses restaient préoccupées par l'enseignement en éwé dans les écoles. 

- Le débat linguistique

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les Nations unies reprirent à leur compte le mandat de la Société des Nations sur le Togo et désignèrent un conseil de tutelle chargé de contrôler l'administration française. Les partis politiques togolais travaillèrent activement à l'évolution du statut du pays, mais ils se divisèrent en deux camps, opposés dans leurs objectifs: le Comité de l'unité togolaise (CUT) était partisan d'un État réunifié et autonome, alors que le Parti togolais du progrès (PTP), qui devint le Mouvement populaire togolais (MPT), demandait l'abolition de la tutelle et réclamait une association plus étroite avec la France.

Pendant ce temps, le débat linguistique avait atteint l’opinion publique togolaise. Dans le journal L’Écho du Togo, on a pu lire ce qui suit au sujet de l'éwé: «La culture des Éwé étant supérieure, lorsque le pays sera indépendant, tout le Togo devra avoir l’éwé comme langue nationale.» Dans l'état actuel des choses, la France, qui ne pouvait pas accepter les particularités linguistiques sur son propre territoire, ne pouvait pas davantage tolérer l'émergence d'une langue africaine dans ses colonies. 

En 1956, à l’issue d’un référendum, le Togo britannique fut incorporé à la Côte d'or (ou «Gold Coast»), qui devint le Ghana au moment de son indépendance en 1957. Les Éwés refusèrent ce choix qui consacrait la partition de leur peuple, dont le territoire s’étendait avant la colonisation européenne de Notsé (région togolaise des Plateaux) aux rives de la Volta (aujourd'hui au Ghana). Cet éclatement nourrira par la suite des tensions périodiques entre le Ghana et le Togo.

En 1958, un nouveau référendum, organisé sous l’égide de l’ONU, permit au Togo français d’accéder à l’autonomie, en tant que république, au sein de la Communauté française. L’Union des forces du changement, qui militait pour une indépendance totale, dirigea le premier gouvernement autonome. Sylvanus Olympio, leader du parti, originaire du Sud, devint chef du gouvernement (premier ministre). L’un des premiers soucis de Sylvanus Olympio fut de s’affranchir de la tutelle économique de la France. En mai 1958, M. Olympio, proche de l'élite anglo-saxonne du Togo, aurait déclaré à l’Agence France-Presse : «Je vais faire tout mon possible pour que le Togo se passe de la France.» Les autorités françaises paniquèrent à l’idée de ne pas trouver leur compte dans ce genre de politique. En février 1960, Olympio refusa l’offre du président ghanéen, Kwame Nkrumah, un panafricaniste, d’unir les deux pays pour en former un seul.

3.4 Le Togo indépendant

Le 27 avril 1960, Sylvanus Olympio proclama l’indépendance officielle du Togo. Le 9 avril 1961, il fut élu président de la République. Il mit alors en place un régime présidentiel autoritaire qui suscita le mécontentement populaire. Sylvanus Olympio avait fait son école primaire en allemand à Lomé, puis avait fréquenté l’école secondaire anglaise à Kpando (Togo britannique) avant de poursuivre sa formation à Londres, à Lyon et à Vienne; il parlait donc l'allemand, l'anglais et le français.

En janvier 1963, le président Olympio fut assassiné, lors d’un putsch militaire auquel participait le sergent Étienne Eyadéma, futur président du pays. On raconte qu'il aurait lui-même tué avec un couteau Sylvanus Olympio. Cet assassinat fut le point de départ de l’emprise de l’armée togolaise sur la vie politique.

Fils d'un officier allemand et d'une mère congolaise, beau-frère d’Olympio, Nicolas Grunitzky, appelé de Cotonou (Bénin) pour assurer la relève, fut alors chargé par l’armée de former un gouvernement provisoire et d'assumer les fonctions de président afin de régler les affaires courantes. Pro-français, il dirigea le pays de façon libérale. Mais son autorité d'éroda au fur et à mesure que le pays traversait crise après crise. Se sentant menacé, le chef de l'État prit des mesures impopulaires. Puis les militaires reprirent le pouvoir le 13 janvier 1967; la Constitution fut suspendue et l'Assemblée nationale dissoute. Sur l’incitation de Paris, Nicolas Grunitzky, pourtant ami et défenseur des intérêts de la France, fut déposé par l'armée afin de mettre un terme «à la confusion politique» qui avait créé «la psychose d'une guerre civile imminente».

Les militaires mirent alors en place une instance dirigeante : le «Comité de réconciliation nationale» dirigé par l’officier Kléber Dadjo. Le chef d’état-major, le lieutenant-colonel Étienne Eyadéma, se tint encore temporairement en retrait, handicapé par son niveau scolaire relativement peu élevé (de niveau primaire). Cependant, fort du soutien des militaires et de celui de la France qui avait compris qu'il valait mieux avoir un militaire peu instruit mais docile comme allié, Eyadéma prit le pouvoir et, le 5 avril, devint officiellement président de la République, chef du gouvernement et ministre de la Défense. 

En 1969, Eyadéma fonda le Rassemblement du peuple togolais (RPT), le parti unique du pays. En janvier 1972, Étienne Eyadéma, originaire de la Kara, fut confirmé à la tête de l'État par un plébiscite. Pratiquant une dictature militaire, il allait être inévitablement réélu à cinq reprises: en 1979, en 1986, en 1993, en 1998 et en 2003. De 1967 à 1979, le Togo n'eut aucune constitution, l'État étant gouverné par arrêtés, décrets et ordonnances.

- Le culte de la personnalité

Le 14 janvier 1974, l'avion présidentiel, un DC3, s'écrasait à Sarakawa, dans le nord du Togo. Or, le président Eyadéma sortit seul survivant avec seulement de légères blessures, mais cet accident devint un motif supplémentaire de mobilisation nationale autour du général Eyadéma. Beaucoup de Togolais crurent alors que leur président avait des pouvoirs surnaturels: il fut désigné comme le «miraculé de Sarakawa» et le «Timonier national». La petite ville de Sarakawa servit alors de symbole de la «victoire» d’Eyadéma sur les «impérialistes français» qui ne songeraient qu’à priver le peuple togolais de sa richesse : le phosphate. Le président togolais développa un culte de la personnalité et devint un «personnage de légende». Plus tard, les Togolais allaient apprendre que cet accident n'était due qu'à une simple défaillance technique, car l'avion aurait été surchargé de victuailles et de bonnes bouteilles afin de but de poursuivre la fête de la Libération (le 13 janvier) dans le village natal (Pya) du président Eyadéma.

- La politique de l'authenticité

C’est au cours de cette période de «victoire sur l’impérialisme» que fut officialisée la «politique de l’authenticité». Ce concept d’authenticité consistait, grosso modo, en une recherche de sauvegarde de la culture africaine, selon le modèle zaïrois du président Mobutu. Les liens d'amitié entre le président Eyadéma et le président  Mobutu du Zaïre ont beaucoup influencé la politique togolaise. Voici ce que déclarait Joseph Désiré Mobutu à ce sujet::

L’authenticité est une prise de conscience du peuple zaïrois de recourir à ses propres sources, de rechercher les valeurs de ses ancêtres afin d’apprécier celles qui contribuent à son développement harmonieux et naturel. C’est le refus du peuple zaïrois d’épouser aveuglément les idéologies importées.

En 1974, la question linguistique n'avait jamais réellement préoccupé le président Étienne Eyadéma qui maintenait ses distances avec l'ethnie éwé pour une raison évidente : il était issu de l'ethnie kabyè. C'est alors qu'il lança une campagne pour un «retour à l'authenticité», lequel prit la forme par l'adoption obligatoire de prénoms d'origine africaine. Pour donner l'exemple, le président changea, le 3 février 1974, son «prénom importé» d'Étienne pour un prénom africain, Gnassingbé qui, en principe, correspondrait à son nom de famille. Quant à son «frère et ami» du Zaïre, Joseph Désiré Mobutu, il s'appelait désormais Mobutu Sese Seko Kuku Ngbengdu Wa Zabanga. 

Les personnalités importantes du Togo emboîtèrent aussitôt le pas au «Guide éclairé». Ils abandonnèrent eux aussi leurs «prénoms importés» au profit des prénoms «locaux». En 1976, le président Gnassingbé Eyadéma rendit obligatoire pour tous les Togolais l’adoption des «prénoms authentiques»: Grace > Madjé, Lumière > Kékéli, etc. Dès lors, toute émission de passeport fut soumise à la présentation de documents ne comportant que des «prénoms authentiques».  Étant donné que le nombre des prénoms africains disponibles dans les «registres traditionnels» togolais était assez limité, beaucoup de Togolais se retrouvèrent avec un nom et un prénom identiques. C'est pourquoi certains rivalisèrent d'ingéniosité pour harmoniser prénom et nom de famille :

Prénom «importé» > prénom togolais Prénom «importé» > prénom togolais
Théodore Laclé > Kpotivi Têvi Djidjogbé Laclé
Polycarpe Johnson > Kwaovi Béni Johnson
Marthe Bodjona > Mébinêsso Palapapawi Bodjona
Gervais Djondo > Koffi Gbondjidè Djondo
Robert Casimir Anyron >  Dosseh Anyron
Dénis Djakpah > Amouzou Djakpah

Roublards, les Togolais trouvèrent des prénoms pour ridiculiser la corruption qui régnait dans la fonction publique:

- Ganke = «le jour du fric est arrivé»
- Gale = «il y a du fric»
- Ganyo = «le fric est bon»
- Edemo = il a donné l'exemple»
- Adekowole = ils ne savent que bavarder»
- Amekpono = «on aura tout vu»
- Mitimi = on en a marre de vous»

Ces trouvailles furent vite réprimées par les autorités. Quant à l'Église catholique, elle se montra critique du fait que le gouvernement obligeait les Togolais à abandonner leur nom de baptême. Puis l'idéologie de l'authenticité atteignit aussi le nom des villes et villages. C'est au cours de cette période que furent instituées la torture et l’élimination physique, ce qui coïncidait avec les détournements de fonds publics.

- Le réforme de l'éducation de 1975

Le gouvernement togolais entreprit une réforme de l'éducation en 1975. Ce fut l'objet de l'ordonnance n° 75-016 du 6 mai 1975 sur la réforme de l'enseignement, qui imposait une rupture par rapport à l'époque coloniale. Parmi les objectifs fixés, la question de la «réhabilitation des langues et des cultures africaines» apparut comme essentielle, car elle cadrait bien avec la politique de l'authenticité. Ainsi, la revalorisation des langues africaines apparaissait presque comme une obligation, alors que la notion de Francophonie était associée à l’«impérialisme culturel» de l’ancienne métropole. Mais seul l'article 7 de l'ordonnance de 1975 faisait mention des langues nationales et africaines, sans aucune autre précision. Voici le point de vue officiel du ministère de l'Éducation nationale en 1973: 

Au Togo, l’argument utilisé pour assurer la suprématie du français, l’argument de la diversité de nos dialectes, n’est que pure mystification [...]. Notre pays, certes, compte une quinzaine de parlers locaux, dont l’apprentissage serait lent a réaliser, mais, dans l’ensemble, le Togo à une vocation «éwéphone» et «témophone», car ces deux langues regroupent de grands ensembles et sont parlées en principe respectivement de Lomé à Blitta, et de Blitta à Dapango.  (Ministère de l'Éducation nationale,1973).

La politique du Ministère privilégiait deux langues: l'éwé et le tem. Si le choix de l'éwé dans le sud du pays semblait aller de soi, le choix du tem dans le Nord paraissait presque arbitraire. Le tem, une langue utilisée par les commerçants musulmans de l'ethnie kotokoli, jouait effectivement le rôle de langue véhiculaire le long des axes routiers dans le Nord, mais cette langue n'était guère employée dès qu'on s’éloignait des centres commerciaux. Le choix de deux langues, dont l'une était originaire du Sud (l'éwé), l'autre (le tem) du Nord, reposait sur des considérations d'ordre politique. Imposer partout la seule langue éwé aurait pu être perçu comme une hégémonie linguistique du «Sud favorisé» sur le «Nord délaissé», ce qui aurait été refusé par les dirigeants politiques, le président Gnassingbé Eyadéma étant originaire du Nord. Or, le président Eyadéma avait exigé, comme objectif prioritaire «le rééquilibrage entre le Sud favorisé et le Nord délaissé durant la période coloniale». 

Le problème qui se posait était que ce choix des deux langues mettait nécessairement au rancart les autres langues nationales. L'unité nationale, au nom de l'intérêt supérieur de la nation, fut alors invoqué par le ministère de l'Éducation nationale: 

Bien entendu, l’idéal serait d’enseigner toutes les langues locales du premier degré au quatrième degré, mais le souci de l’unité nationale nous impose ces deux langues: l’éwé et le tem (kabrê).

Dans cette déclaration, on peut lire, entre parenthèses, le mot kabrê. Or, il s'agit d'une autre façon d'écrire kabyè, la langue du groupe ethnique du même nom, dont est originaire le président Eyadéma. Il est apparu plus facile de proposer le terme de kabrê plutôt que celui de tem associé à la langue des Kotokoli, lesquels lors de la colonisation allemande furent des alliés des militaires pour soumettre les groupes kabyès.

Quoi qu'il en soit, les artisans de la réforme éducative proposèrent que l’éwé et le tem soient enseignés sur l’ensemble du territoire togolais selon le schéma suivant:

- Zone 1 (Sud): première langue, l’éwé; seconde langue, le tem;
- Zone 2 (Nord): première langue, le tem; seconde langue, l’éwé.

La zone 1 s’étendait de Lomé à Blitta (couvrant la région Maritime, la région des Plateaux et une partie de la région Centrale) où l’enseignement de l’éwé était prévu dès la première année du primaire, puis celui du tem, à partir de la sixième année. Dans la zone 2 (de Blitta à Dapango: une partie de la région Centrale, la Kara et les Savanes), le tem devenait la première langue et l’éwé la seconde. Toutefois, dans une première étape, le français devait être maintenu comme langue d’enseignement, alors que les deux langues togolaises étaient introduites comme «matières d'enseignement» (ou comme «disciplines»). Dans la seconde étape, l’enseignement devait être dispensé en éwé et en tem, et le français devait acquérir le statut de «langue étrangère». 

La réforme scolaire fut promulguée en 1975, mais le tem avait été entre-temps remplacé par le kabyè, la langue de l'ethnie du général-président du Togo, Gnassingbé Eyadéma. Comme le kabyè était aux prises avec plusieurs variétés dialectales, la variante de la région de Pya (à 10 km de Kara, capitale de la Kara), comme par hasard le village natal du président Eyadéma, fut retenue comme norme standard. En 1978, l'éwé et le kabyè firent leur apparition dans les écoles, mais l'essentiel de la réforme ne fut jamais appliqué. Compte tenu des coûts élevés de la réforme, le gouvernement abandonna la plupart des mesures préconisées, dont l'école gratuite et obligatoire jusqu'à l'âge de 15 ans, le passage automatique du primaire au secondaire, les avantages et conditions de travail des enseignants, etc. Toutefois, les châtiments corporels sont demeurés.

- Le pouvoir et l'armée

La Constitution du 30 décembre 1979 fut adoptée lors d'un référendum. Cette constitution proclamait la «Troisième République» dans le cadre du parti unique: le Rassemblement du peuple togolais (RPT) créé en 1969. Elle visait avant tout à conférer aux yeux du monde une façade démocratique au pouvoir en place, après plusieurs années de régime autoritaire, alors que le pays était dirigé sans constitution aucune depuis 1967. En janvier 1980, ce fut l'installation solennelle de l’Assemblée nationale. 

En 1986, un attentat manqué contre le président Eyadéma, organisé par un commando infiltré depuis le Ghana, déclencha de violentes manifestations à Lomé contre le président, tandis que celui-ci faisait appel au Zaïre et à la France. Les troupes restées fidèles au président Eyadéma, composées à 70 % de Kabyès, tentèrent à plusieurs reprises de protéger le régime, ce qui amena le pays au bord de la guerre civile et entraîna un conflit avec le Ghana accusé de protéger les opposants. En 1990, la majeure partie de la population se souleva contre le régime de Gnassingbé Eyadéma. L'armée du président s'opposa sans concession à la destruction de son régime autoritaire. En mars 1993, le président échappait à un assassinat, alors que plusieurs officiers supérieurs trouvaient la mort. La réaction fut immédiate et les exactions de l’armée à l’encontre de la population de Lomé, comptant de nombreux Éwés, entraînèrent un exode massif vers le Ghana (où auraient trouvé refuge 100 000 personnes) et le Bénin (130 000 personnes). 

Contraint et forcé par la situation internationale, Gnassingbé Eyadéma finit par accorder certaines libertés et accepta à contrecœur une Ligue des droits de l’Homme. Néanmoins, celui-ci fut réélu président de la République en juin 1998 pour un nouveau mandat de cinq ans.

L'année suivante, les partis politiques soutenant le président et ceux de l'opposition signèrent un accord pour mettre fin à la crise politique qui sévissait depuis le début des années 1990. Le texte de l'accord prévoyait la création d'une commission électorale indépendante et d'un code de bonne conduite précisant les devoirs et les droits respectifs de l'opposition et de la majorité. Le président annonça qu'il allait dissoudre l'Assemblée nationale et organiser des élections législatives pour que d'autres formations politiques puissent entrer au Parlement. Il s’engageait à respecter la Constitution et à ne pas se présenter pour un troisième mandat. 

Devenu doyen des présidents du continent africain, le général Gnassingbé Eyadéma continua de diriger d'une main de fer le Togo qu'il terrorisait. Ce n'est pas un hasard si plus de 80 % des 12 300 soldats de l'armée togolaise provenaient des régions du Nord et appartenaient à 70 % à l’ethnie kabyè, celle du président Eyadéma; la moitié de ces soldats étaient originaires du village natal du président (Pya). Et il en est de même des officiers qui appartenaient presque tous à la famille du président, dont son fils Ernest, ses cousins et autres membres directs de la famille.

Pour beaucoup de Togolais, sous le régime du président Gnassingbé Eyadéma, le pays ne vivait plus en tant qu’État souverain et leur président n’était pas élu depuis 1967, les différentes élections ayant été systématiquement entachées de fraudes massives. De plus, ce président était imposé par la France, alors que tout le pays était contrôlé par l'ethnie kabyè. Au cours de la décennie de 1990, c'est un Français qui dirigeait l'école militaire de Pya, et qui recrutait et formait des éléments issus de l'ethnie présidentielle kabyè. Par dérision, on disait que le Togo était l'«enfant chéri de la Françafrique».  De plus, l'organisme Amnesty International avertissait les autorités togolaises et l'opinion internationale sur la permanence des graves atteintes aux droits de la personne. Mais rien évidemment ne fut été entrepris pour mettre un terme à cette situation. On ne se surprendra pas que, dans ces conditions, le Togo soit devenu l'un des pays les plus pauvres de la planète avec un PIB annuel de moins de 330 US $ par habitant (inférieur à celui de 1988). Le Togo que l'on représentait jadis, en raison de ses ressources physiques et humaines, comme la «Suisse de l'Afrique», se retrouvait classé au même indice de développement humain que le Bangladesh ou le Cambodge. 

Le Togo est demeuré incapable d'effectuer des investissements importants dans de nombreux domaines, notamment dans les transports et les industries; il n'a jamais su profiter de la croissance économique mondiale des années 2000. Coincé entre le Ghana qui apparaît comme un géant à côté du Togo et le Bénin, un autre pays très pauvre, le Togo n'a disposé que de faibles moyens de développement et est resté tributaire de l'aide extérieure.

Le président Gnassingbé Eyadema est décédé le 5 février 2005 des suites d'une crise cardiaque à bord de l'avion présidentiel qui l'évacuait pour des soins vers la France. Il avait dirigé le Togo durant trente-huit ans. Néanmoins, le pouvoir n'était pas perdu, il est resté dans la famille comme un héritage paternel.

- Le régime de Faure Gbassingbé

Par un tour de passe-passe, c'est-à-dire un autre coup d'État, l'un des fils du président Gnassingbé Eyadéma, Faure Essozimna Gnassingbé, a succédé à son père le 7 février 2005, ce qui lui a valu le surnom de «Bébé Gnass».

En décembre 2002, l'ancien président Gnassingbé Eyadéma avait fait modifier la Constitution afin d'abaisser l'âge nécessaire pour être président, soit de 45 à 35 ans, âge qu'avait son fils à cette époque. L'Assemblée nationale a pu élire Faure Gnassingbé au poste de président de l'Assemblée pour restaurer un semblant de légitimité constitutionnelle.

Sous la pression de la communauté internationale, Faure Gnassingbé démissionna de son poste de président de l'Assemblée nationale et Abbas Bonfoh devint alors président de l'Assemblée, ce qui signifiait «président par intérim» du Togo. Ce dernier conserva ce poste jusqu'à l'élection présidentielle du 24 avril 2005. Faure Gnassingbé reprit son poste de président le 4 mai suivant, tandis que Abbas Bonfoh redevenait président de l'Assemblée. Faure Gnassingbé fut réélu le 4 mars 2010.

Les performances politiques du président Faure Gnassingbé sont très mineures, alors que sa vie princière est remarquable. Ce président possède des propriétés luxueuses et entretient ses nombreuses maîtresses dans des villas gardées par les forces de l’ordre. Ses maîtresses auraient coûté aux Togolais une somme moyenne de 30 milliards de francs CFA  par an, soit 5 % du budget national. Il est aussi de notoriété publique que Faure Gnassingbé distribue de l’argent par dizaine de milliers d’euros afin de convaincre des interlocuteurs récalcitrants, y compris des journalistes. Beaucoup de Togolais reçoivent de l'argent pour manifester publiquement en sa faveur.

Pour de nombreux Togolais, le régime éyademao-gnassingbéen, légué de père en fils, conduirait inexorablement la nation togolaise à la dérive. Les conseillers français continuent d’être présents auprès de l’armée et des forces de l’ordre togolaises, pilier du régime. Au Togo comme dans plusieurs autres pays, les dirigeants ne se servent pas de l'armée pour défendre les intérêts de la population, mais plutôt leurs propres intérêts. Ces dirigeants savent aussi qu'en maintenant la population dans la pauvreté celle-ci accourra machinalement à la vue de la moindre carotte.

4 La politique linguistique du Togo

La politique linguistique du Togo n'est pas très élaborée, et les textes juridiques sont peu nombreux à ce sujet. Outre la Constitution de 1992, mentionnons la loi n° 88-20  (sur l'adaptation et la rénovation de l'apprentissage), la loi n° 88-16 modifiant la loi n° 83-20 du 20 juin 1993, le décret n° 90-68/PR sur le Fonds national d'apprentissage, de formation et de perfectionnement professionnels et l'arrêté n° 89/014/ portant création d'un Comité de coordination des activités sur les langues nationales (CCALN) du ministère de l'Enseignement technique, de la Formation professionnelle et de l'Artisanat (METFPA) et le décret no 68-195 du 11-11-68 portant création du Comité national d'alphabétisation. 

La Constitution de 1992 ne compte qu'une disposition à caractère linguistique. Il s'agit de l'article 3 qui déclare que le français est la langue officielle: «[...] La langue officielle de la République togolaise est le français.» En 1992, une nouvelle constitution fut promulguée le 14 octobre 1992 à la suite du référendum du 27 septembre 1992. Nous reproduisons l'article 3 au complet, bien que la disposition sur le français comme langue officielle n'apparaisse que dans une seule phrase au paragraphe 6:

Article 3

1) L'emblème national est le drapeau composé de cinq bandes horizontales alternées de couleurs verte et jaune. Il porte à l'angle supérieur gauche une étoile blanche à cinq branches sur fond carré rouge.

2) La fête nationale de la République togolaise est célébrée le 27 avril de chaque année.

3) Le sceau de l'État est constitué par une plaque de métal en bas relief de forme ronde de 50 millimètres de diamètre et destiné à imprimer la marque de l'État sur les actes. Il porte à l'avers pour type, les armes de la République, pour légende,

«Au nom du Peuple togolais.»

4) Les armoiries de la République togolaise sont ainsi constituées :

- Écu d'argent de forme ovale et à la bordure de sinople, en chef l'emblème national, deux drapeaux adossés et devise sur banderole ; en cœur de sable les initiales de la République togolaise sur fond d'or échancré ; en pointe, deux lions de gueules adossés.

- Les deux jeunes lions représentent le courage du peuple togolais. Ils tiennent l'arc et la flèche, moyen de combat traditionnel, pour montrer que la véritable liberté du peuple togolais est dans ses mains et que sa force réside avant tout dans ses propres traditions. Les lions debout et adossés expriment la vigilance du peuple togolais dans la garde de son indépendance, du levant au couchant.

5) L'hymne national est «Terre de nos aïeux».

6) La langue officielle de la République togolaise est le français.

4.1 Le statut des langues

La Constitution de 1992, qui déclare que «la langue officielle de la République togolaise est le français», ne fait aucune mention des langues nationales. Les écoles expérimentales issues de la réforme de 1975 ont été abandonnées. L'alphabétisation dans les langues nationales est demeurée inachevée, même si elle se poursuit aujourd'hui. Cependant, le français demeure obligatoire pour pouvoir lire, car il n'existe que peu de textes ou de documents pour lire dans ces langues. Bref, les langues nationales sont confinées à l'oral et évoluent à la périphérie dans les espaces de communication du pays, le français occupant toute la place dans un tel système. Autrement dit, la politique linguistique togolaise est avant tout une «politique d'accommodement» plutôt qu'une politique globale intégrant toutes les langues.  

Le français, en tant que langue officielle, est utilisé principalement dans le domaine politique (Exécutif, Parlement, etc.), dans l’administration, l'éducation, les médias et le commerce. Il faut comprendre que la politique linguistique à l'égard du français en est une de non-intervention. Elle consiste à perpétuer les pratiques utilisées par l'ancien colonisateur.

4.2 Les langues de la législation et de la justice

À l'Assemblée nationale, les lois sont rédigées et promulguées seulement en français; les débats se déroulent en français, même s'il n'est pas interdit d'employer l'éwé ou le kabyè. Le Règlement intérieur de l'Assemblée nationale (2007) ne mentionne aucune langue et n'en interdit aucune:

Article 82

Dépôt des projets et propositions

9) Les projets de lois et propositions de lois doivent être formulés par écrit, précédés d'un titre succinct et d'un exposé des motifs.

Article 118

Comment poser une question orale

1) Les questions orales sont posées par un député au gouvernement, soit sur sa politique générale, soit sur les dossiers ou affaires relevant d'un département ministériel donné.

2) Les questions doivent être sommairement rédigées et se limiter aux éléments strictement indispensables à leur compréhension.

Elles peuvent être posées sous la forme de questions orales avec débat ou de questions orales sans débat, conformément aux dispositions de l'article 96 de la Constitution.

3) Tout député qui désire poser une question orale en remet le texte au président de l'Assemblée nationale qui le notifie au gouvernement.

4) Les questions orales sont publiées, durant les sessions et hors sessions, au Journal officiel de la République togolaise.

L'arrêté n° 001 /01/PAN modifiant et complétant certaines dispositions de l'arrêté n° 001/94 du 11 octobre 1994 portant règlement administratif de l'Assemblée nationale (2001) ne pas pas davantage allusion à une quelconque langue à l'Assemblée nationale.

Dans les Tribunaux, la seule langue écrite admise est le français. Dans les communications orales, les langues nationales comme l'éwé et le kabyè sont autorisées devant le juge qui rend sa sentence en français; il peut recourir à un ou plusieurs interprètes. L'article 280 du Code de procédure pénale (2000) admet qu'un justiciable ou un prévenu ne parle pas suffisamment la langue officielle ou toute autre langue nationale:

Article 280

Dans le cas où le prévenu ne parle pas suffisamment la langue officielle ou toute autre langue nationale, ou s’il est nécessaire de traduire un document versé aux débats, le président désigne d’office un interprète, âgé de 21 ans au moins et lui fait prêter serment de remplir fidèlement sa mission.

L'article 283 prévoit qu'un prévenu sourd-muet et qui ne sait pas écrire doit être assisté d'un interprète.

4.3 Les langues de l'administration

Dans l’Administration publique, les langues togolaise sont employées dans les communications orales avec les fonctionnaires parlant la ou les mêmes langues, mais cette pratique ne constitue pas un droit. Puisque le français est la langue de l’État, c’est cette dernière langue qui obtient ce droit d’être utilisé. Toutefois, des documents peuvent occasionnellement bénéficier d'une version dans certaines langues nationales (éwé et kabyè).

Le gouvernement du Togo a peu d'exigences en matière linguistique, mais nous allons en énumérer quelques-unes. L'article 11 de la Loi sur la nationalité togolaise (1978) impose comme condition «une connaissance suffisante d'une langue togolaise», sans même faire mention ni de la langue officielle ni d'une langue togolaise particulière:
 

Article 11

Nul ne peut être naturalisé togolais:

- s'il n'a pas atteint l'âge de vingt-et-un ans révolus;
- s'il ne peut justifier d'une résidence habituelle au Togo pendant les cinq années qui ont précédé le dépôt de sa demande;
- s'il n'a pas au Togo le centre de ses principaux intérêts au moment de la signature du décret de naturalisation;
- s'il n'est pas de bonnes vie et mœurs ou s'il a fait l'objet d'une condamnation supérieure à deux années d'emprisonnement non effacée par la réhabilitation ou l'amnistie pour infraction volontaire contre les personnes, les biens, les mœurs, la famille ou contre la paix publique;
- s'il n'a pas été reconnu sain de corps et d'esprit;
- s'il n'a pas expressément renoncé à sa nationalité d'origine;
- s'il ne justifie de son assimilation à la communauté togolaise,
notamment par une connaissance suffisante d'une langue togolaise.

Cependant, l'article 47 de la loi n° 2006 portant Code du travail exige que tout contrat de travail au Togo soit «entièrement rédigé dans la langue officielle»:
 

Article 47

La demande d’autorisation d’embauchage et la demande de visa faites par lettre recommandée et avis de réception incombent à l’employeur.

Le visa est valable pour une durée maximale de deux ans, renouvelable une fois.Cependant, des dérogations peuvent être accordées par le ministre chargé du travail sur demande de l’employeur.

La demande de renouvellement de visa doit intervenir au moins deux mois avant l’expiration du délai de validité du visa en cours.

L’autorité compétente vise le contrat entièrement rédigé dans la langue officielle en République togolaise après, notamment :

1. avoir constaté que le travailleur est muni d’un certificat attestant qu’il est apte pour l’emploi sollicité ;
2. avoir constaté l’identité du travailleur, son libre consentement et la conformité du contrat aux dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles en vigueur au Togo ;
3. avoir vérifié que le travailleur est libre de tout engagement antérieur et qu’il a satisfait aux conditions exigées par les règlements d’immigration ;
4. avoir donné aux parties lecture et éventuellement, traduction du contrat.

Il en est ainsi pour les conventions collectives (art. 100):

Article 100

À peine de nullité, la convention collective doit être écrite dans la langue officielle de la République togolaise. Elle est établie sur papier libre et
signée par chacune des parties contractantes.

Ce sont là les seules exigences linguistiques imposées à des citoyens togolais en matière linguistique. Les exigences suivantes ne concernent que le personnel de l'aviation civile. L'arrêté n° 11/MD-PR/ETPTIT/ANAC-TOGO du 12 février 2007 relatif aux compétences linguistiques du personnel de l'aviation civile (2007) prescrit des compétences linguistiques en anglais, conformément aux règlements de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI.
 

Article 1er

Les pilotes d'avions et d'hélicoptères, les contrôleurs de la circulation aérienne, les mécaniciens navigants, les pilotes de planeur et les pilotes de ballon libres doivent parler et comprendre la langue utilisée dans les communications radiotéléphoniques, au niveau prescrit dans les spécifications relatives aux compétences linguistiques figurant dans l'annexe 1 de l'OACI.

Article 3

Les compétences linguistiques des pilotes d'avions et d'hélicoptères, des navigateurs qui doivent utiliser le radiotéléphone de bord, des contrôleurs de la circulation aérienne et des opérateurs radio de station aéronautique dont le niveau de compétences démontré est inférieur au niveau expert (niveau 6) seront formellement évalués à des intervalles conformes au niveau de compétence démontré comme suit :

- au moins une fois tous les trois ans pour les personnes ayant démontré un niveau de compétence égal au niveau fonctionnel (niveau 4);
- une fois tous les six (06) ans pour les personnes ayant démontré un niveau de compétence égal au niveau avancé (niveau 5).

Article 4

Les pilotes de vols internationaux doivent prouver qu'ils sont capables de parler et de comprendre l'anglais ou la langue utilisée par la station au sol.

Les Spécifications relatives aux compétences linguistiques pour les communications radiotéléphoniques de l’OACI portent sur la manière d’acquérir et de maintenir des compétences dans toutes les langues employées dans les communications radiotéléphoniques. Cependant, étant donné que l’anglais est la langue la plus communément utilisée par l’ensemble de la communauté aéronautique mondiale et que son utilisation est obligatoire, c’est l’amélioration de l’anglais parlé qui recueille actuellement le plus d’attention de la part de la communauté aéronautique.

4.4 Les organismes linguistiques

Le Togo a créé un certain nombre d'organismes linguistiques, dont le Centre international de recherche et d’étude de langues, l'Institut des langues au Togo, la Commission d'études de création de l'institut des langues au Togo et la Commission nationale de la Francophonie.

Le Centre international de recherche et d’étude de langues a été créé par décret en 1968. Il est sous la responsabilité du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du Togo. Cet organisme assure principalement l’enseignement du français langue étrangère (FLE), la recherche dans l’étude des langues, les cours d’anglais et la formation professionnelle. En 1989, le décret n° 89-46 PR du 16 mars 1989 portant création et statuts du Centre de recherches et d'études de langues : «village du Bénin» a précisé ce qui suit:
 

Article 1er

Il est créé un Centre de recherches et d'études de langues, établissement public, scientifique et culturel, à vocation régionale et internationale dénommé «village du Bénin» dont les statuts sont annexés au présent décret.

Son siège est à Lomé, République togolaise.

Cet organisme, également appelé «village du Bénin», a évolué pour offrir des stages d'été et des sessions de recyclage aux enseignants, le tout pour faciliter l'apprentissage des langues, principalement le français, mais aussi l'anglais, l'allemand, l'arabe et le chinois, ainsi qu'un programme d'enseignement des langues nationales togolaises.

De plus, l'arrêté n° 42/MENRS du 8 juin 1988 portant création d'une Commission d'étude de création de l'Institut des langues au Togo (1988) instituait une Commission d'études de création de l'Institut des langues au Togo (CECILT), laquelle est chargée de l'étude des conditions générales destinées à la création de l'Institut des langues au Togo:

Article 1er

Il est créé au sein du ministère de l'Éducation nationale et de la Recherche scientifique une commission permanente de réflexion dénommée «Commission d'études de création de l'Institut des langues au Togo (CECILT)».

Article 2

La CECILT est chargée de l'étude des conditions générales destinées à la création de l'Institut des langues au Togo. À ce titre, elle a pour mission l'élaboration des éléments de termes de référence visant à établir une étude de factibilité (sic) couvrant la situation linguistique, les objectifs à atteindre, les structures à mettre en place. les investissements à réaliser, les financements à mobiliser, le budget de fonctionnement, les effets attendus du projets.

Mais cet institut n'a jamais fonctionné, faute de budget.

L’alphabétisation date depuis la période coloniale, car elle fut instaurée par les missions catholiques et protestantes dans le but d'aider les populations à lire les textes sacrés, c'est-à-dire les Saintes Écritures. En 1968, le Comité national d'alphabétisation a été créé par le décret n° 68-195 dû 11-11-68 portant création du Comité national d'alphabétisation:

Article 1er

Il est créé auprès du ministère des Affaires sociales un Comité national chargé d'élaborer un programme national d'alphabétisation dénommé «Comité national d'alphabétisation».

Article 4

Les principales tâches du Comité national d'alphabétisation doivent être :

a) examiner et évaluer l'ampleur du problème de l'alphabétisation en fonction des perspectives du plan de développement économique du pays ;

b) élaborer un projet de programme d'alphabétisation fonctionnelle et sociale à l'échelle nationale en définissant clairement les objectifs à atteindre, en proposant des méthodes à appliquer, les services à instituer et le personnel à employer ;

[...]

Article 5

Le Comité est chargé de remettre le projet de programme d'alphabétisation fonctionnelle à la Direction des affaires sociales dans un délai de deux mois à partir de la date de sa réunion constitutive.

Le service responsable de l’alphabétisation des jeunes et des adultes est aujourd'hui la Direction de l’alphabétisation et de l’Éducation des adultes (DAEA). Il est rattaché à la Direction générale du développement social (DGDS) placée sous la tutelle du ministère des Affaires sociales, de la Promotion de la femme et de la Protection de l’enfance (MASPFPE).

Il existe aussi une Commission nationale de préparation et de suivi des Actes de la Conférence des chefs d'État et de gouvernement des pays ayant en commun l'usage de la langue française. Il s'agit donc d'un organisme lié à la Francophonie. C'est l'objet du décret n° 89-155 PR du 19 septembre 1989 portant création d'une Commission nationale de préparation et de suivi des actes de la conférence des chefs d'État et de gouvernement des pays ayant en commun l'usage de la langue française (1989):
 

Article 1er

Il est créé une Commission nationale de préparation et de suivi des Actes de la Conférence des chefs d'État et de gouvernement des pays ayant en commun l'usage de la langue française, placée sous la tutelle du ministère de l'Éducation nationale et de la Recherche scientifique.

Article 2

Attributions

La Commission nationale est chargée de la préparation et du suivi des actes, résolutions et recommandations des sommets de la Francophonie.

Elle suit les travaux travaux au sein des réseaux créés par la conférence des chefs d'État et de gouvernement et participe, par l'intermédiaire de ses représentants, aux activités du comité international de suivi et du comité international préparatoire des sommets.

Elle assure en outre la préparation matérielle de la participation du Togo aux sommets.

Elle établit un rapport annuel de ses activités.

En 1992, le décret n° 92-162/PMRT du 17 juin 1992 portant création de la Commission nationale de la Francophonie (1992) créait la Commission nationale de la Francophonie (CNF):
 

Article 1er

Il est créé une Commission nationale de la Francophonie (CNF), placée soue la tutelle du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération.

Article 2

La Commission nationale de la Francophonie est l'organe permanent de la Francophonie, au plan national.

Elle anime et coordonne les initiatives dans le cadre de la Francophonie.

Elle est chargée de la préparation et du suivi des actes, résolutions et recommandations des sommets de la Francophonie, et participe, par l'intermédiaire de ses représentants, aux activités des différentes instances et institutions créées par la conférence des chefs d'État et de gouvernement.

Elle assure, en outre, la préparation matérielle de la participation du Togo aux sommets.

Elle établit un rapport annuel de ses activités.

La Commission nationale du patrimoine culturel (CNPC) du Togo a été créée en 1991 et mise à jour en 2010. Sa mission consiste à aider le gouvernement à élaborer une politique nationale de mise en valeur de tous les biens culturels, de procéder à leur inventaire systématique et complet, de proposer des solutions relatives aux problèmes de mise en œuvre et enfin de préparer des textes législatifs et réglementaires définissant et organisant la politique culturelle nationale. Aux termes de la loi n° 90-24 du 23 novembre 1990 relative à la protection du patrimoine culturel national (1990)  on entend par patrimoine culturel, l'ensemble des biens, meubles ou immeubles au sens du code civil, religieux, artistique, littéraire ou touristique et dont la conservation et la protection revêtent une importance majeure pour la communauté nationale:
 

Article 1er

L'État assure la protection et la sauvegarde du patrimoine culturel national. Il en favorise la mise en valeur et l'exploitation.

Article 2

Aux termes de la présente loi, on entend par patrimoine culturel, l'ensemble des biens, meubles ou immeubles au sens du code civil, religieux, artistique, littéraire ou touristique et dont la conservation et la protection revêtent une importance majeure pour la communauté nationale.

Entrent notamment dans ces catégories de biens culturels, des sites, monuments, des objets et documents archéologiques, historiques et ethnologiques, des édifices et ensembles architecturaux, des œuvres d'art, d'artisanat et de littérature tombés dans le domaine public, des collections et spécimens scientifiques des trois règnes animal, végétal ou minéral.

Nous ignorons si les langues nationales font partie du patrimoine culturel national, mais les œuvres littéraires peuvent en principe en faire partie. Des réunions de travail ont été organisées dans les cinq régions administratives du Togo, mais, comme dans de nombreux pays en voie de développement, la culture est souvent négligée sous prétexte que la population a des préoccupations plus immédiates que de découvrir un nouveau chanteur, écouter un musicien ou s’émerveiller devant les œuvres d’un écrivain, d'un peintre ou d’un sculpteur.

4.5 La politique en matière d'éducation

Le Togo distingue deux catégories d'enseignement: le système formel et le système non formel. Le système d'éducation formel (ou «éducation formelle») désigne l’enseignement donné dans les écoles, les collèges, les lycées, les universités et tout autre établissement d’enseignement organisé. Il est constitué normalement en une échelle continue de formation à temps complet pour les enfants et les jeunes. Il débute en général à l’âge de six ans et se poursuit jusqu’à l’âge de 21 ou 25 ans.

Quant au système d'éducation non formel (ou «éducation extrascolaire», il concerne toutes les activités pédagogiques structurées, mais conçues pour inculquer des types des connaissances à des groupes particuliers. Ainsi, Il comprend des programmes pédagogiques destinés à alphabétiser des adultes, à offrir une instruction de base à des enfants non scolarisés ou déscolarisés, à transmettre des connaissances utiles, des compétences professionnelles et une culture générale. Ce type d'enseignement est souvent donné hors du cadre scolaire et, lorsqu'il est réalisé en milieu scolaire, il se déroule à des heures non réglementaires.

- Les langues d'alphabétisation

Au Togo, comme dans d'autres pays d'Afrique, l’alphabétisation est devenue une composante essentielle dans le domaine de l'éducation, en ayant pour cible surtout les adultes. Le principe de l'alphabétisation consiste à apprendre à lire, à écrire et à calculer dans la langue de l'élève ou de l'apprenant afin de devenir autonome. Pour ce faire, il convient de mettre en place et d'organiser minutieusement un calendrier de formation. Les experts considèrent que si l’enseignement peut être offert dans la langue maternelle de l'apprenant, celui-ci a plus de chances de le retenir de façon permanente. Cette alphabétisation permet notamment d’accéder plus facilement à la communication et à une culture valorisées par les programmes. C'est pourquoi le programme «l'Éducation pour tous» s'est donc révélé un outil indispensable.

Au début, quatre langues nationales ont été retenues pour l'alphabétisation des jeunes et des adultes. Ce sont les suivantes:

1) l'éwé dans les régions Maritime, des Plateaux et de Lomé (ou Lomé-Commune) ;
2) le kabyè dans la région de la Kara et la partie sud de la région Centrale (plus précisément les préfectures de Blitta et de Sotouboua) ;
3). le tem dans la région Centrale et une partie de la région de la Kara (préfecture d’Assoli) ;
4) le ben, communément appelé moba, dans la région des Savanes.

L’alphabétisation peut être donnée dans d’autres langues à la condition que celles-ci soient suffisamment élaborées et écrites, qu'elles aient fait l'objet d'études lexicologiques, qu'elles disposant d'un alphabet propre, de documents didactiques appropriés, d'une littérature écrite et d'un personnel qualifié dans le domaine. Cela fait beaucoup d'exigences à la fois. Actuellement, grâce aux efforts accomplis par la Société internationale de linguistique (SIL), d'autres langues se sont ajoutées: l'ifè à Atakpamé dans la région des Plateaux, le bassar ou ntcham à Bassar, le konkomba à Dankpen, le nawdum à Doufelgou, le lamba à Kanté dans la région de la Kara, l'anoufo et le gourma dans la région des Savanes.

En plus de ces langues nationales, qui ont l'avantage d'être déjà connues et parlées par les apprenants, il faut ajouter le français, la langue officielle. Normalement, celle-ci est plutôt destinée à l'enseignement, car elle est mal connue des Togolais et nécessite plus de temps pour son apprentissage, ce qui exige des efforts constants et permanents de la part des apprenants. Au Togo, les langues d'alphabétisation sont avant tout l'éwé (87 %, selon l'UNESCO 2004-2005), puis le kabyè et le français. 

En 1990, le taux d'alphabétisation était de 44,6 %. En 2000, il était passé à 53,0 %, comme le démontre le tableau ci-dessous, ce qui signifie que 47 % des Togolais ne savent ni lire ni écrire.

Population alphabétisée âgée de 15 ans et plus (2000)
 

  MASCULIN MASCULIN FÉMININ FÉMININ TOTAL TOTAL
  Sait lire et écrire Sait lire et écrire Sait lire et écrire Sait lire et écrire Sait lire et écrire Sait lire et écrire
  OUI NON OUI NON OUI NON

Lieu de résidence

           
Zone urbaine 85,9 % 14,1 % 59,8 % 40,2 % 72,8 % 27,2 %
Zone rurale 56,9 % 43,1 % 25,1 % 74,9 % 40,3 % 59,7 %

Âge

           
15-24 83,1 % 16,9 % 63,3 % 36,7 % 74,0 % 26,0 %
25-34 76,9 % 23,1 % 40,0 % 60,0 % 56,7 % 43,3 %
35-44 68,9 % 31,1 % 35,3 % 64,7 % 51,5 % 48,5 %
45-54 50,2 % 49,8 % 20,0 % 80,0 % 33,7 % 66,3 %
55-64 42,6 % 57,4 % 09,7 % 90,3 % 24,7 % 75,3 %
65 et plus 22,7 % 77,3 % 06,3 % 93,7 % 13,9 % 86,1 %
Total 68,5 % 32,5 % 38,3 % 61,6 % 53,0 % 47,0 %

Source : UNICEF Togo 2000, Rapport final, Enquête par grappe à indicateurs multiples (MICS2), Lomé.

Le tableau ci-dessus montre aussi que les hommes et les femmes qui habitent en milieu urbain ont environ deux fois plus de chances de savoir lire et écrire que ceux et celles des milieux ruraux (72,8 % contre 40,3 %). Si parmi les tranches de 15 à 24 ans, près de 75 % savent lire et écrire, seuls 25 % de la tranche d’âge de 55 à 64 ans savent lire et écrire. De plus, le tableau démontre que plus l’âge est avancé, plus la population analphabète est importante, et ceci, de façon plus problématique chez les femmes. De 35 à 54 ans, lorsque les femmes sont très actives au plan économique et qu'elles vivent des étapes importantes de leur vie, les résultats montrent un taux largement au-dessus de la moyenne, soit 57,4 %. En conséquence et de manière générale, plus la population est âgée, plus le taux d’analphabètes semble élevé.

Si ce même tableau ne révèle pas les fortes disparités régionales du Togo, le "Plan sectoriel de l’éducation 2010-2020" adopté en 2010 nous en donne quelques indications. En effet, le taux d’analphabétisme varie considérablement en fonction des régions, c'est-à dire de la région méridionale du pays vers les régions septentrionales. Cette variation, selon la figure de gauche, se traduit par un écart très sensible allant de 12,4% pour Golfe-Lomé tout au sud à 69,1% pour la région des Savanes au nord. Les taux d'analphabétisme dans les autres régions sont tous au-dessus de la moyenne nationale (53 %) : 47 % pour la Maritime, 45 % pour les Plateaux, 49 % pour le Centre et 51 % pour la Kara.

En outre, il ressort que, dans les zones rurales, le taux d’analphabètes est plus élevé que dans les centres urbains : 72,8 % dans les zones urbains contre 40,3 % dans les zones rurales. Pire, 74,9 % des femmes sont analphabètes dans les zones rurales contre 40,2 % dans les zones urbaines. Il est aussi établi que le nombre des analphabètes pauvres (45 %) est trois fois plus élevé que celui des analphabètes qui ne vivent pas dans la pauvreté (19 %).

- L'enseignement formel et les langues enseignées

L'enseignement formel comprend le préscolaire (ou préprimaire), le primaire, le secondaire (deux cycles) et le supérieur.

L'enseignement préscolaire formel est donné dans les jardins d’enfants, qui accueillent les enfants à partir de deux ans révolus à un «enseignement» de trois ans, lequel n’est pas obligatoire. Dans le système non formel, l’éducation préscolaire est assurée généralement dans les crèches, les garderies, les pouponnières et les centres d’éveil de la petite enfance. L'enseignement se fait généralement dans la langue maternelle de l'enfant, surtout en éwé ou en kabyè, mais aussi en français. .

L'enseignement primaire concerne les enfants âgés de 5-6 ans révolus. D'une durée de six ans, cet enseignement est sanctionné par le certificat d’études du premier degré (CEPD). C'est un enseignement organisé en trois cycles d’une durée de deux ans pour chacun. Cet enseignement est offert en français, en éwé et en kabyè. La langue d'enseignement dans les écoles publiques est le français, alors que l'éwé et le kabyè sont des matières d'enseignement. Les écoles confessionnelles privées peuvent choisir l'éwé ou le kabyè comme langue d'enseignement, voire uniquement le français.

L'enseignement secondaire (au second degré) est donné dans les collèges d’enseignement général et les collèges d’enseignement technique (soit des collèges d’enseignement agricole, d’enseignement artistique et artisanal, ou des centres régionaux d’enseignement technique et de la formation professionnelle). Cet enseignement reçoit les diplômés du premier degré pour un enseignement de quatre ans sanctionné soit par le brevet d’études du premier cycle du second degré (BEPC), soit par le certificat d’aptitude professionnelle (CAP). Le premier cycle du secondaire général comprend un cycle d’observation d’une durée de deux ans qui est le tronc commun de toutes les sections de cet ordre d’enseignement, et un cycle d’orientation. L’enseignement du troisième degré est sanctionné par le baccalauréat ou diplôme de bachelier de l’enseignement du troisième degré et le baccalauréat technicien ou diplôme de bachelier de l’enseignement technique. L'enseignement n'est donné qu'en français. Par décret gouvernemental, l’enseignement de la langue seconde est obligatoire pour les élèves du secondaire et ceux-ci doivent choisir entre l’anglais, l’arabe, l’allemand et l’espagnol. Seulement 60 % des élèves du primaire poursuivent leur scolarité au secondaire; le nombre des élèves qui fréquentent le lycée demeure donc peu élevé par rapport au primaire.

D'après l'ordonnance n° 75-016 du 6 mai 1975 sur la réforme de l'enseignement, qui régit l'enseignement au Togo, les programmes scolaires doivent tenir compte des «préoccupations nationales» par l'introduction de nouvelles disciplines, «en particulier des langues nationale et africaine» :

Article 7

Les programmes de l'école nouvelle seront conçus de manière à lui permettre de procéder à la formation intégrale du citoyen togolais conformément aux objectifs définis dans le titre I.

Pour ce faire, ils doivent tenir compte des préoccupations nationales par l'introduction de nouvelles disciplines, en particulier des langues nationale et africaine.

Nous savons aujourd'hui ce qu'il en est : la langue d'enseignement dans les écoles publiques est le français, alors que l'éwé et le kabyè sont des matières d'enseignement, sauf dans les écoles privées. Mais la plupart des écoles privées préfèrent enseigner le français.

Il existe aussi au sein du ministère de l'Éducation nationale et de la Recherche scientifique une commission permanente appelée «Commission de production de manuels scolaires (CPMS). C'est l'arrêté n° 27/MEN-RS du 19 février 1988 portant création d'une Commission de production de manuels scolaires qui la créait :
 

Article 1er

Il est créé au sein du ministère de l'Éducation nationale et de la Recherche scientifique une commission permanente de travail dénommée «Commission de production de manuels scolaires » (CPMS).

Article 2

La Commission de production de manuels scolaires est chargée, sur instructions du ministre de l'Éducation nationale et de la Recherche scientifique, de la rédaction, de l'édition, de la distribution des manuels scolaires ainsi que de leur évaluation et éventuelle remise à jour.

D'après cet arrêté, il n'y a aucune disposition concernant la langue des manuels scolaires, ce qui peut être surprenant, mais c'est bel et bien le cas.

Dans certains établissements scolaires offrant un enseignement technique, l'anglais est obligatoire. L'arrêté n° 13/METFP du 14 août 1990 rendant obligatoire l'enseignement de l'anglais dans les établissements de l'enseignement technique ne précise pas le nombre d'heures, mais fait mention d'une «épreuve d'anglais»:

Article 1er

L'enseignement de l'anglais est rendu obligatoire dans l'enseignement technique à partir de la rentrée scolaire 1990 - 1991.

Article 2

À cet effet, l'épreuve d'anglais sera obligatoire à compter des sessions de l'année 1992 aux examens ci-après :

Certificats d'aptitude professionnel (CAP), brevets d'études professionnelles (BEP) et brevets professionnels (BP) de l'enseignement technique.

Beaucoup d'enseignants critiquent la manière dont les cours d’anglais sont donnés dans les établissements scolaires du Togo. Cette langue étrangère, qui est considérée aujourd’hui comme la langue véhiculaire mondiale, devrait être enseignée au Togo avec une méthodologie pouvant permettre aux élèves et aux étudiants non seulement de s’y intéresser, mais aussi de la maîtriser, ce qui ne semble pas être le cas.

- Les langues nationales

La politique linguistique togolaise ne serait pas complète sans le volet portant sur les langues nationales. Comme instruments juridiques, citons l'arrêté de 1984 no 14/METQD-RS/MEPD portant création d'un Comité de coordination des activités sur les langues nationales (CCALN) et le décret no 68-195 du 11-11-68 portant création du Comité national d'alphabétisation. Contrairement au «volet langue française», cette politique sur les langues nationales se révèle peu interventionniste. Elle a débuté au cours des années 1970. Le français est toujours demeuré l'unique «langue d'enseignement», alors que les deux langues nationales sont restées des «matières d'enseignement». De plus, l'introduction de la «seconde» langue nationale (l'éwé dans le Nord et le kabyè dans le Sud) n'a jamais été réalisée. Quant à la «première» langue (éwé dans le Sud et kabyè dans le Nord), elle n'est assurée que dans un nombre restreint de classes du primaire. 

Il faut dire que l'enseignement de l'éwé et du kabyè se heurte au problème du faible niveau des connaissances linguistiques des enseignants. Bien que la place des langues nationales à l’école demeure encore marginale, la formation des enseignants semble se poursuivre, de même que la production de manuels scolaires. Aujourd’hui, les objectifs fixés par le ministère de l'Éducation nationale et de la Recherche ne visent plus à remplacer le français en tant que langue d’enseignement, mais à généraliser l’apprentissage des deux langues nationales à l’ensemble des élèves et dans la totalité des cours du primaire.

Selon un fascicule (diffusé en 1991) de la Direction de la formation permanente, de l'action et de la recherche pédagogique (DIFOP), l'éwé et le kabyè seraient enseignés au primaire dans plus de 60 % des établissements d'enseignement primaires et dans un tiers des collèges. Les mêmes problèmes se sont perpétués depuis des décennies, à savoir la pénurie d'enseignants compétents, l'insuffisance du matériel didactique, l'hétérogénéité des classes, les mauvaises conditions de travail, l'attitude négative de certains enseignants, parents et élèves, etc., à l'égard du système scolaire. Les parents qui le peuvent envoient leurs enfants dans les écoles privées où l'on enseigne uniquement en français. Cette situation n'empêche pas l'éwé de se répandre dans tout le Sud en tant que principale langue véhiculaire au détriment du français.

En 1984, le gouvernement créait le Comité de coordination des activités sur les langues nationales (CCALN). L'arrêté n° 141 METQD-RS MEFDD du 30 mars 1984 portant création d'un Comité de coordination des activités sur les langues nationales indiquait ce qui suit:

Article 1er

Il est créé auprès des ministères de l'enseignement un Comité de coordination des activités sur les langues nationales (CCALN).

Article 2

Le Comité de coordination des activités sur les langues nationales a pour mission de coordonner tous les projets de recherche, de publication et de formation qui se font dans le domaine des langues nationales.

Article 3

Le Comité de coordination des activités sur les langues nationales est implanté au sein du Conseil supérieur de l'éducation nationale.

Ledit comité ne semble pas avoir fait fureur, car il n'a pas laissé beaucoup de trace de ses activités.

Pour l'École normale supérieure, une option «langues nationales» a été prévu dans l'arrêté n° 1 METODRS portant création d'une option de langue nationale au sein de l'École normale supérieure d'Atakpamé (1982) :

Article 1er

Il est créé à l'École normale supérieure d'Atakpamé une option langues nationales kabye ou éwé.

Article 2

L'inscription en option langues nationales se fait à l'initiative des élèves ou à la suite d'une orientation d'office prononcée par le ministre de l'Enseignement des troisième et quatrième degrés et de la Recherche scientifique au vu des besoins de l'État et de la capacité d'accueil à l'École normale supérieure  d'Atakpamé.

 

Le problème, c'est que les langues nationales ont presque toutes été abandonnées par le gouvernement dans les établissements d'enseignement.

- Les écoles privées

On distingue les écoles privées confessionnelles (catholiques, protestantes et islamiques) et les écoles privées laïques, auxquelles s'ajoutent les «écoles d'initiative locale» appelées aussi EDIL, ce qui correspondrait à des «écoles communautaires».  Une école dite communautaire est une école créée par une communauté locale afin de pallier à l’absence d’offre scolaire normalement proposée par l’État. Issue d'une initiative collective, l’école communautaire est gérée par la communauté locale, organisée et représentée par les associations des parents d’élèves (APE). À l'origine «clandestines», les EDIL sont présentes aujourd'hui sur toute l’étendue du territoire togolais au primaire. La Constitution de 1992 reconnaît le droit à l'enseignement privé confessionnel et laïc:
 

Article 30

1) L’État reconnaît et garantit dans les conditions fixées par la loi, l’exercice des libertés d’association, de réunion et de manifestation pacifique et sans instruments de violence.

2)
L’État reconnaît l’enseignement privé confessionnel et laïc.

En 2002-2003, la situation présentait l'aspect suivant:
 

  Préscolaire Primaire Secondaire Ier cycle Secondaire IIe cycle
Public 5 283 - 41,3 % 578 017 - 59,2 % 220 646 - 77,3 % 38 731 - 78,2 %
Privé 7 490 - 58,6 % 91 615 -   9,3 %   64 710 - 22,6 % 10 777 - 21,7 %
EDIL - 305 431 - 31,3 % - -

Dans la catégorie du préscolaire, le réseau privé (58,6 %) est plus important que le public (41,3 %). Par contre, au primaire, c'est le réseau public (59,2 %) qui accueille le plus d'élèves par rapport au privé (9,3 %) et aux EDIL (31,1 %). Il en est ainsi pour le réseau public au secondaire avec 77,3 % au premier cycle et 78,2 % au second cycle. Rappelons que dans le secteur privé les établissements peuvent choisir leur langue d'enseignement, mais dans la plupart des cas ils choisissent le français. Cependant, dans les EDIL, les programmes spécifiques comprennent presque toujours l'usage de la langue maternelle comme langue d’enseignement.

L'arrêté n° 46-MEN du 13-9-74 autorisant la création d'une école privée française est intéressant, car il témoigne de la marge de manœuvre et des contraintes que peut avoir un établissement d'enseignement privé, en l'occurrence l'École privée française de Lomé. 
 

Article 3

Les programmes d'études, les horaires et instructions de l'École privée française de Lomé sont rigoureusement conformes aux programmes, horaires et instructions en vigueur en France.

Article 4

L'École privée française de Lomé n'est pas autorisée à recevoir des élèves de nationalité togolaise.

Toutefois, elle peut utiliser les services du personnel enseignant et du personnel de bureau de nationalité togolaise. À diplôme égal, les traitements et autres avantages sociaux offerts au personnel susvisé seront semblables à ceux définis par la fonction publique togolaise.

L'article 3 précise que les programmes d'études, les horaires et instructions de cette école sont «rigoureusement conformes aux programmes, horaires et instructions en vigueur en France». L'article 4 énonce que «l'École privée française de Lomé n'est pas autorisée à recevoir des élèves de nationalité togolaise». Autrement dit, c'est fait pour les Français ou les étrangers.

- Les établissements supérieurs

L’enseignement supérieur est offert dans deux universités publiques (l'Université de Lomé et l'Université de Kara), dans les écoles nationales et les établissements privés. La formation d’une durée de deux ans conduit à l’obtention du diplôme d’études universitaires générales (DEUG), du diplôme universitaire d’études littéraires (DUEL), du diplôme universitaire d’études scientifiques (DUES), du diplôme universitaire de techniques juridiques (DUTJ) ou encore du diplôme de technicien supérieur (DTS) dans les filières professionnelles.

À part l'Université de Lomé et l'Université de la Kara, il existe d'autres écoles ou établissements publics : l'École nationale d'administration (centres de Lomé et de Kara), l'École africaine des métiers de l'architecture et de l'urbanisme, l'Institut national de formation agricole (INFA), l'Institut togolais de recherche agronomique (ITRA) et l'Institut national de la recherche scientifique (INRS).

Quant aux principaux établissements privés d'enseignement supérieur togolais, ce sont les suivants : l'Institut africain d'administration et d'études commerciales, l'Institut supérieur de philosophie et des sciences humaines Don Bosco, l'Université catholique de l'Afrique de l'Ouest (Unité universitaire du Togo), l'Université des sciences et technologies du Togo, etc.

Des cours d'allemand ont été prévus par l'arrêté n° 29/MEN du 16 juillet 1975 portant organisation du concours du CAP — allemand avec un certificat d'aptitude pédagogique et des épreuves écrites et orales: 
 

Article 1er

Il est institué au Togo, un certificat d'aptitude pédagogique allemand (CAP — allemand) dont la possession est requise pour la titularisation dans le cadre des instituteurs, des maîtres chargés de l'enseignement de l'allemand dans les collèges d'enseignement général.

Les épreuves de ce certificat d'aptitude pédagogique peuvent être subies sous forme d'examen par les candidats recrutés sur titre (baccalauréat — allemand ou Abitur) et sous forme de concours pour les instituteurs-adjoints titulaires du CEAP — allemand.

Article 2

l'examen comporte :

1°) des épreuves écrites comprenant :

a) une composition littéraire en langue allemande consistant en un commentaire en allemand d'un texte présentant un intérêt pédagogique et ayant une portée générale.

- une ou plusieurs questions (selon le texte) permettant d'orienter les candidats vers le sujet â traiter —

Durée : 4 heures ; coefficient 2

b) des épreuves de traduction

- une composition de thème : durée : 2 h ; coeff. 2
- une composition de version : durée 2 h ; coeff. 2

Cette dernière épreuve ne, sera pas suivie de questions.

2°) des épreuves pratiques et orales qui comprennent :

- une leçon d'allemand dans une classe --

Il s'agit de présenter une leçon complète comportant obligatoirement une explication grammaticale en français et une traduction du texte en français.
- une leçon de dessin ou de musique au choix du candidat;
- une interrogation portant sur la législation et l'organisation scolaire du Togo.

Cette interrogation se fera en français ou en allemand au choix, du candidat.

Au Togo, tous ces établissements publics et privés offrent leurs cours normaux en français, mais certains peuvent être en anglais, en allemand ou en espagnol, notamment les cours de langue.

4.5 Les médias togolais

Toutes les langues togolaises ont droit de cité dans les médias et beaucoup d'entre elles sont effectivement utilisées, surtout à la radio. La loi n° 90-025 du 30 novembre 1990 sur la presse a favorisé l'apparition de la presse indépendante. Aujourd'hui, l'espace médiatique est de plus en plus libéralisé avec plusieurs titres, bien que certains aient une existence éphémère et paraissent de façon irrégulière au gré de leurs
ressources financières et de leur propriétaire.

- La presse écrite

Le quotidien gouvernemental est Togo Presse. La presse d'opposition est représentée par La Tribune des Démocrates, bihebdomadaire. La plupart des autres titres sont hebdomadaires, bimensuels ou mensuels. Parmi ceux-ci, on peut noter Crocodile, Forum Hebdo, Carrefour, L'Éveil du peuple, Kpakpa Désenchanté (journal satirique), proches des partis d'opposition; ainsi que Le Patriote, Le Démocrate, Le Dérangeur, proches du président. Le premier quotidien privé indépendant du Togo, Les Échos du matin a commencé à paraître en janvier 2000. Ainsi, la presse écrite est très massivement francophone.

Langues Quotidien national Quotidien privé Hebdomadaires Mensuels Total
Français 1 1 52 31 85
Anglais 1 0 0 0 1
Éwé 1 0 0 0 1
Kabyè 1 0 0 0 1
Total 2013 1 1 52 31 85

Sur 85 titres, le français est omniprésent. La presse nationale, Togo Presse, utilise le français, l'anglais, l'éwé et le kabyè. Si le français est présent dans 100 % des titres, soit 85/85, l'anglais, l'éwé et le kabyè ne sont présents chacun que dans 1,02 % des titres, soit 1/85.

- La presse électronique

Le décret n° 97- 228/PR du 3 décembre 1% fixant le cahier des missions et charges des sociétés nationales de programmes de radiodiffusion sonore et de télévision (1997) prévoient certaines contraintes auprès de diffuseurs, mais aucune ne concerne les langues.

Article 2

Aux termes du présent décret, les sociétés nationales de programmes, ci-après désignées «sociétés», sont celles du secteur public de communication audiovisuelle chargées de la conception, de la programmation et de la diffusion d'émissions de radiodiffusion sonore ou de télévision à l'intention du public.

Article 4

Les sociétés conçoivent, produisent et diffusent des émissions éducatives et sociales qui ouvrent sur les arts et métiers, la formation technique et professionnelle, l'éducation civique, la protection sociale, la promotions féminine, le dialogue politique et social.

La programmation de ces émissions doit favoriser une meilleure connaissance de la société, du marché de l'emploi, de l'évolution du monde du travail et de la vie de l'entreprise. Cette programmation doit également favoriser l'expression et l'échange des points de vue des différents acteurs (employés, salariés, demandeurs d'emploi, administrations, partenaires sociaux, organismes consulaires et formation).

Article 6

Les sociétés diffusent régulièrement des émissions culturelles, notamment celles consacrées à la littérature, à l'histoire, au cinéma et aux arts plastiques.

Article 7

Les sociétés programment des spectacles lyriques, chorégraphiques et dramatiques produits par les théâtres, festivals et organismes d'action culturelle. A cette fin, elles contribuent à la production d'œuvres originales spécialement destinées à l'exploitation audiovisuelle.

Dans leurs émissions culturelles, les sociétés font connaître les diverses formes de l'expression théâtrale, lyrique (chorale et opéra) ou. chorégraphique (moderne et/ou traditionnelle) et rendent compte de leur actualité.

Il faut se rabattre sur les pratiques en cours au Togo à ce sujet.
 

Langues Radio nationale Radio privées Radio rurales Total
Français 2 73 3 78
Éwé 2 48 1 51
Kabyè 2 23 1 26
Gen (mina) 2 21 0 23
Tem 1 19 0 20
Anglais 2 15 0 17
Moba 2 8 1 11
Ifè 2 4 0 6
Gourmantché 2 3 0 5
Haoussa 2 3 0 5
Mossi (mooré) 0 4 1 5
Ntcham 2 3 0 5
Peul 2 2 1 5
Aja 2 2 0 4
Anufo 2 2 0 4
Konkomba 2 2 0 4
Nawdum 2 1 0 3
Arabe 0 3 0 3
Kusaal 0 0 2 2
Allemand 0 2 0 2
Bissa 0 0 1 1
Fon 0 1 0 1
Lama 0 1 0 1
Total 2013 2 73 3 78

Sur 78 chaînes radiophoniques, deux sont publiques, et toutes ces chaînes utilisent le français. Suivent dans l'ordre l'éwé (72,6 %), le kabyè (31,5 »%), le gen ou mina (23,6 %), le tem (23,6 %), l'anglais (17,1 %) et le moba (10,5 %). L’espace radiophonique est ouvert avec de nombreuses radios privées : Radio Nostalgie FM ; Radio Tropic FM ; Radio Évangile. La présence des langues nationales, surtout l'éwé, le kabyè et le mina, est très présente.

La Télévision togolaise (TVT) est le nom de l'unique chaîne de télévision publique du pays.

Langues Télévision publique Chaînes privées Total
Anglais 1 3 4
Arabe  0 1 1
Espagnol  0 1 1
Éwé  1 11 12
Français 1 11 12
Gen (mina) 0 1 1
Ifè 0 1 1
Ikposso 0 0 0
Kabyè 1 2 3
Tem 0 1 1
Total 2013 1 11 12

La chaîne nationale TVT utilise à la fois le français, l'anglais, l»'éwé et le kabyè. Les onze chaînes privées emploient, outre les mêmes quatre langues, les six langues suivantes: l'arabe, le gen (mina), l'ifè, l'espagnol, l'ikpasso et le tem. Toutes les chaînes télévisées utilisent le français (100 %), mais toutes les autres langues ne comptent que pour 10,10 % des chaînes.

La télévision reste encore peu ouverte aux langues nationales. La télévision d’État TVT émet sur l’ensemble du pays, surtout en français, avec quelques émissions en éwé et en anglais. Depuis 1995, Media Plus, un canal «à péage» diffuse à Lomé des programmes de plusieurs télévisions étrangères (en français, anglais, portugais, allemand, arabe).

La politique linguistique du Togo n'est pas exempte d'ambiguïté, comme dans bien d'autres pays africains. Par rapport au français, langue officielle, c'est la non-intervention qui consiste à perpétuer les pratiques françaises du temps de la colonisation. En même temps, l'État togolais préconise une politique interventionniste des langues nationales en matière d'éducation, mais celle-ci s'est révélée très modeste dans les faits. Deux langues nationales seulement ont été choisies, l'une en vertu du nombre de ses locuteurs (l'éwé), l'autre (le kabyè) en tenant compte de l'appartenance ethnique du général-président togolais de l'époque. De plus, cette politique d'introduction de deux langues nationales, qui se fait au détriment des autres langues, ne consiste qu'à introduire l'éwé et le kabyè en tant que matière d'enseignement. Pour le reste, il n'existe pas de politique linguistique, si ce n'est la non-intervention en matière de justice, d'éducation ou d'économie. Pour résumer la situation, on pourrait parler de politique linguistique de non-intervention équivalant à une valorisation de la langue officielle (le français) et de politique sectorielle limitée de façon très restreinte à l'éducation (l'éwé et le kabyè).

Dernière mise à jour: 19 déc. 2023

Bibliographie

APATI, BASSAH. «Coup d'oeil sur la nouvelle administration territoriale togolaise» dans Revue juridique et politique - Indépendance et coopération, Paris, vol. 45, no 3-4, 1991, p. 335-345.
 
CORNEVIN, R., Le Togo: des origines à nos jours, Paris, 1988, Académie des sciences d’outre-mer, 556 p.
 
ENCYCLOPÉDIE MICROSOFT ENCARTA, 2004, art. «Togo», pour la partie historique.
 
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