Province de la Saskatchewan
Saskatchewan

(Canada)

Capitale: Regina 
Population: 1,1 million (2021) 
Langue officielle: anglais 
Groupe majoritaire: anglais (81,6 0 %) 
Groupes minoritaires: français (116 %), autres langues (14,3 %) 
Système politique: province de la fédération canadienne depuis 1905 
Articles constitutionnels (langue): art. 14, 16-23, 55, 57 de la Constitution de 1982 
Lois linguistiques: Loi sur l'élection du gouvernement local (1982); Loi linguistique (1988); Loi sur les testaments (1996); Loi sur le jury (1998); Loi sur l'éducation (1995); Loi sur la mariage (1995); Loi électorale (1996); Politique de services en langue française (2003).
 

1 Situation générale

Cette province du Canada d'une superficie de 651 903 km² est située dans les Prairies. La Saskatchewan est limitée au nord par les Territoires du Nord-Ouest, à l’est par le Manitoba, au sud par les États-Unis (Dakota du Nord et Montana), et à l’ouest par l’Alberta (voir la carte). La capitale de la Saskatchewan est Regina.

Cette province a intégré la Confédération canadienne le 1er septembre 1905, devenant ainsi la neuvième province du Canada.

Son nom est dérivé de celui de la rivière Saskatchewan, ainsi baptisée par les Cris : Kisiskatchewani Sipi signifiant «rivière au cours rapide». L'explorateur Anthony Henday a utilisé l'orthographe Keiskatchewan, dont la version moderne Saskatchewan a été adoptée officiellement en 1882, lorsqu'une portion de la province actuelle a été désignée «district provisoire des Territoires du Nord-Ouest». 

2 Données démolinguistiques

Comme plusieurs autres provinces canadiennes, la Saskatchewan est une province très anglophone, puisque 84 % de la population parle l'anglais comme langue maternelle: 
 

Province (2016)

Population totale
(en milliers)

Anglais

Français

Autres langues

Saskatchewan

1 116 045
911 765
(81,6 %)
12 565
(1,1 %)
160 390
(14,3 %)

2.1 La minorité francophone

La minorité francophone ne compte que 17 700 locuteurs (1,6 %), dont environ 6000 seulement utilisent encore le français à la maison. Pourtant, comme en Colombie-Britannique et en Alberta, les francophones ont déjà constitué la majorité linguistique de la province. Les francophones de la Saskatchewan, appelés les Fransaskois, constituent aujourd'hui l'une des plus petites minorités au Canada. Bien que disséminés un peu partout, ils forment des communautés plus importantes à Saskatoon (3235), Regina (2495), Prince Albert (1675), Saint-Louis (1155) et Gravelbourg (env. 1000). La ville de Saint-Louis constitue, avec les villes de Batoche, de Saint-Laurent de Grandin, de Domremy, de Hoey et de Saint Isidore de Bellevue, la municipalité rurale de Saint-Louis n°431 peuplée majoritairement de francophones Fransaskois. Néanmoins, il devient difficile pour une communauté minoritaire aussi fragile d'obtenir des droits linguistiques qui se transposeront dans la réalité. L'Association culturelle franco-canadienne (ACFC) s'occupe des intérêts des Fransaskois dans la province.

2.2 Les autochtones

La Saskatchewan est la quatrième province comptant le plus d'autochtones. Au recensement de 2016, quelque 172 800 habitants de cette province se sont identifiés comme des autochtones (selon le recensement de 2006: tableaux 1 à 4). Ils représentent 10,6 % de la population autochtone du Canada, mais 15,9 % de la population de la Saskatchewan. Sur ces 172 800 autochtones, 73 % avaient l'anglais comme langue maternelle, et seulement 31 370 personnes, soit 18 %, ont conservé une langue autochtone :
 

Province 2016 Population provinciale totale Indiens Métis Inuits Total des autochtones Pourcentage Langue autochtone
Saskatchewan 1 083 235 114 570 57 880 360 172 810 10,60 % 31 370

Les langues autochtones les plus parlées sont le cri (17 700 locuteurs), le déné (8240), le cri des plaines (2355), l'objibwé (1045), le crid es bois (885), le mitchif (330), le crid des marais (310), le dakota (225), le sioux (40), l'inuktitut (25), le pied-noir (15), etc.

2.3 Les langues immigrantes

En Saskatchewan, les langues immigrantes les plus courantes étaient en 2016 le filipino (24 000), l'allemand (22 700), l'ukrainien (12 300), l'ourdou (7500), le mandarin (7400), le panjabi (5700), l'espagnol (4600), l'arabe (4400), le cantonais (4000), le russe (3200), le bengali (3000), le gujarati (2700), le vietnamien (2500), le polonais (2000), l'hindi (1800), etc.

3 Données historiques

Avant la création de la Saskatchewan (1905) et avant l'arrivée des Européens, la région était occupée par les Amérindiens, notamment les Athabascans, les Algonquiens et les Sioux. L'un des premiers Européens à explorer la Saskatchewan fut Henry Kelsey en 1690, un agent de la Compagnie de la Baie d'Hudson, qui descendit la rivière Saskatchewan à la recherche des fourrures pour la traite avec les autochtones. Le premier établissement européen fut un comptoir de la Compagnie de la Baie d'Hudson à Cumberland House, fondé par Samuel Hearne en 1774. Au même moment, quelques Français s'établirent également dans la région afin d'y installer des postes de traite, mais le territoire ne faisait pas partie de la Nouvelle-France. Néanmoins, le français était une langue européenne parlée dans la région, comme dans tout l'Ouest canadien.
 

La Terre de Rupert restait sous contrôle britannique, mais le territoire était administré par une compagnie privée, la Hudson Bay Compagny. Le monopole commercial de la CBH fut aboli en 1859, alors que le marché de cette immense région s'ouvrit à tous les entrepreneurs.

Durant près de deux siècles, la Compagnie de la Baie d’Hudson assura le bon ordre sur le territoire et veilla au fonctionnement des établissements d'ordre administratif, religieux, éducatif, commercial, etc. La CBH avait établi, à partir de 1835, un gouvernement civil, centralisé dans le district d’Assiniboine, aux environs de la ville actuelle de Winnipeg, et composé d’un gouverneur, d’un greffier ("recorder") et d’une dizaine de conseillers. La CBH a pratiqué un bilinguisme anglais-français dans le respect des communautés anglophones et francophones, et ce, peu importe la confession religieuse. De nombreux  Blancs, tant francophones qu'anglophones, s'étaient établis de façon permanente sur ce territoire que l'on nommait à l'époque le «Territoire du Nord-Ouest». Beaucoup de francophones avaient épousé des Amérindiennes, ce qui avait donné naissance aux communautés de Métis, francophones et anglophones.

3.1 Le bilinguisme de la Compagnie de la Baie d'Hudson

En 1867, la Terre de Rupert était encore une «colonie privée» depuis 1670 et comprenant toutes les terres arrosées par la baie d'Hudson, ce qui incluait une partie de l'ouest du Québec, la plus grande partie du nord-ouest de l'Ontario, tout le Manitoba, presque toute la Saskatchewan et l'Alberta, ainsi que la partie orientale des Territoires du Nord-Ouest. Ces territoires s’étendaient de l’Alaska jusqu’au Labrador et couvraient une superficie estimée à 7,2 millions de kilomètres carrés, c’est-à-dire à 79 % de la superficie actuelle du Canada.

Le français et l'anglais jouissaient d’un statut officiel au Conseil d’Assiniboine (colonie de la rivière Rouge) et à la Cour générale. Les lois étaient lues à haute voix dans les deux langues, au moins deux fois par année; le Conseil a adopté en 1852 et en 1863 des consolidations de lois révisées, et ce, en anglais et en français. En 1838, le gouverneur de la Terre de Rupert signala au premier greffier qu’une maîtrise du français constituait une condition préalable à l’exercice de ses fonctions judiciaires : «Je présume que vous êtes capable de vous exprimer en français avec une parfaite facilité, étant donné qu’on peut, dans une large mesure, le considérer comme la langue du pays et que vous ne seriez pas qualifié pour le poste si vous ne le possédiez pas.» (Lettre de George Simpson à Adam Thom, le 5 janvier 1838, Archives de la Compagnie de la Baie d’Hudson, Winnipeg). La CBH a même congédié le juge Adam Thom en 1852 du fait qu'il ne maîtrisait pas suffisamment le français; il fut remplacé par un greffier bilingue formé en France. 

Le Conseil d’Assiniboine exigeait du greffier qu'il prenne la parole à la Cour générale en français et en anglais toutes les fois impliquant des intérêts canadiens ou métis. Dans un procès où les intimés et les appelants étaient francophones, la procédure se déroulait habituellement en français, alors que les jurys étaient composés uniquement de francophones. C'était le cas en anglais lorsque les intimés et les appelants étaient anglophones. Il y avait aussi des procès bilingues; dans ces cas, la procédure à la Cour générale se déroulait dans les deux langues, avec interprétation en anglais et en français, tandis que les jurys étaient composés à égalité d’anglophones et de francophones. En somme, la Terre de Rupert était un «pays bilingue» à la plus grande satisfaction de tous les habitants.

3.2 L'achat des Territoires du Nord-Ouest par le Canada

Avant la création de la Confédération canadienne en 1867, la Grande-Bretagne et le gouvernement canadien entreprirent le processus d'annexion des Terres de Rupert et des Territoires du Nord-Ouest. Toutefois, le Canada déclara sa prise de possession des terres avant que la population locale ne soit consultée, ce qui représentait quelque 100 000 personnes, pour la plupart des Inuits, des Amérindiens (Cris, Tchippewayans, Couteaux-Jaunes, Slavey, Flancs-de-Chien, Lièvres et Kaskas) et des Métis. Les Métis des territoires du Nord-Ouest, appelés aussi les «Sang-Mêlés», formaient le groupe le plus revendicateur et constituait trois groupes linguistiques distincts: les Métis de langue française (majoritaires), les Métis anglophones d'origine écossaise, dits «de la baie d'Hudson», et les Métis assimilés aux Amérindiens et parlant leur langue autochtone. Les habitants de ces territoires résistèrent agressivement à la transaction imposée. 

En 1869, dans le but de réduire les tensions et de rassurer les habitants des territoires, le gouverneur général (1869-1872), sir John Young, émit la Proclamation royale du 6 décembre 1869 (voir le document original), qui déclarait que les droits civils et religieux conférés aux résidents avant l’entrée dans la Confédération seraient respectés par le gouvernement du Canada après l’entrée dans la Confédération:
 

[...] By Her Majesty’s authority I do therefore assure you, that on the Union with Canada all your civil and religious rights and privileges will be respected, your properties secured to you, and that your Country will be governed, as in the past, under British laws, and in the spirit of British justice. [...] [...] Par l’autorité de Sa Majesté, Je vous assure donc que sous l’Union avec le Canada, tous vos droits et Privilèges civils et religieux seront respectés, vos propriétés vous seront garanties, et que votre Pays sera gouverné, comme par le passé, d’après les lois anglaises et dans l’esprit de la Justice Britannique. [...] Traduction

Cette proclamation, adressée aux habitants des Territoires du Nord-Ouest, se révèle la seule qui soit rédigée à la fois en français.et en anglais, et enregistrée au registre officiel du Canada entre 1867 et 1874. Le texte, en faisant allusion aux «droits civils et religieux» ("civil and religious rights"), comprendrait aussi les droits linguistiques pour les habitants de la Terre de Rupert et du Territoire du Nord-Ouest.

Le gouvernement canadien a finalement accepté une liste de droits adoptée en 1870 par une convention constitutionnelle formée de 20 délégués anglophones et de 20 délégués francophones du territoire. Dans la liste des droits, figurait  la garantie constitutionnelle du bilinguisme dans l’ensemble des instances constitutionnelles de l’époque (législature et tribunaux) et de l’enseignement confessionnel. Le 7 février 1870, la convention avait présenté à Donald Alexander Smith, alors président du conseil du département du Nord de la Compagnie de la Baie d’Hudson, une charte comprenant 19 droits, dont deux en matière linguistique :
 

- «Que l’anglais et le français soient d’usage à l’Assemblée législative et dans les tribunaux et que l’ensemble des documents publics et des lois de l’Assemblée législative soient publiés dans les deux langues »;

- «Que le juge de la Cour suprême parle français et anglais».

À l'égard des deux revendications linguistiques, Donald Alexander Smith avait répondu : «À ce sujet, je dois dire que leur justesse est si évidente qu’on y donnera suite indiscutablement.» Par la suite, la liste des droits fut garantie par le gouvernement du Canada. La résistance des habitants du territoire fut calmée et ils acceptèrent l’entrée dans la Confédération.

La Compagnie de la Baie d'Hudson avait estimé à 400 millions de dollars la valeur de son territoire (terre de Rupert). C'est que les Américains venaient d'acheter l'Alaska de la Russie, un territoire beaucoup plus petit, pour 7,2 millions de dollars. Après des pressions de la part du gouvernement britannique auprès des dirigeants de la Compagnie de la Baie d'Hudson, le Canada réussit à conclure un marché très avantageux. Pour seulement 1,5 million de dollars, le Canada signait en 1869 la plus grosse transaction immobilière de son histoire et devenait propriétaire d'un immense territoire de sept millions de kilomètres carrés. L'ensemble de ces nouveaux territoires allait être désigné comme les Territoires du Nord-Ouest (Northwest Territories) le 15 juillet 1870, jour de l'entrée officielle dans le Canada.

3.3 L'entrée des Territoires dans la Confédération (1870)
 

Lors du recensement de 1871, la population des Territoires du Nord-Ouest était évaluée à quelque 48 000 habitants, dont environ 33 % de francophones. C’est surtout après 1885 que de nombreux colons francophones (principalement du Québec) sont arrivés dans l’Ouest. Cette colonisation est le fruit de compagnies de colonisation, d’individus et de l’Église catholique. Malgré les efforts de l’Église catholique, la population de langue française demeura minoritaire. Au XIXe siècle, la capitale, aujourd'hui Yellowknife, portait le nom de Couteau-Jaune (du nom d'une tribu amérindienne), lequel désignait un minerai de cuivre, et non d'or.

Mais les Territoires du Nord-Ouest furent redécoupés pour donner naissance au Manitoba (le 15 juillet 1870), puis en 1874 pour permettre l'extension de l'Ontario et en 1876 pour créer le district de Keewatin à partir d'une bande centrale des Territoires du Nord-Ouest (voir les cartes à ce sujet).  

En vertu de la Loi des Territoires du Nord-Ouest de 1875, un système d'écoles publiques fut mis sur pied, qui permit aux minorités religieuses (catholiques ou protestantes) d'établir des écoles séparées financées indépendamment par une taxe. En 1875, le Parlement fédéral adopta la Loi constitutionnelle des Territoires du Nord-Ouest, officiellement "The North-West Territories Act of 1875", laquelle fut modifiée en 1877 pour inclure l’article 110 imposant l'obligation constitutionnelle contenue dans l’article 133 de la Constitution canadienne, soit le droit à une législature et des tribunaux entièrement bilingues. Par la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest de1877, la Constitution de ces territoires garantissait le bilinguisme à l'Assemblée législative et dans les tribunaux.

Article 110

Toute personne pourra faire usage soit de la langue anglaise, soit de la langue française, dans les débats de l'Assemblée législative des territoires, ainsi que dans les procédures devant les cours de justice; et ces deux langues seront employées pour la rédaction des procès-verbaux et journaux de l'Assemblée; et toutes les ordonnances rendues sous l'empire du présent acte seront imprimées dans ces deux langues; néanmoins, après la prochaine élection générale de l'Assemblée législative, cette Assemblée pourra, par ordonnance ou autrement, réglementer ses délibérations et la manière d'en tenir procès-verbal et de les publier; et les règlements ainsi faits seront incorporés dans une proclamation qui sera immédiatement promulguée et publiée par le lieutenant-gouverneur en conformité de la loi, et ils auront ensuite plein effet et vigueur.

Par la suite, le Conseil des Territoires du Nord-Ouest a adopté ses projets de loi en anglais et en français et il les a fait publier dans les deux langues dans la Gazette de Manitoba. Puis, avec les années, l'article 110 de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest fut moins appliqué de sorte que les francophones perdirent graduellement la plupart de leurs droits. Les autorités des Territoires avaient fini par trouver onéreux ce bilinguisme officiel (au coût de quelque 400 $ par année); ils trouvèrent toutes sortes de complications pour mettre fin à ce système. Au cours des années suivantes, apparut le terme Alberta pour désigner ce district des Territoires du Nord-Ouest, ainsi désigné par le marquis de Lorne, gouverneur général du Canada entre 1878 et 1883. En 1885, les Franco-Ténois ne représentaient plus déjà que 10 % de la population totale, composée surtout d'Indiens, d'Anglais, d'Écossais, d'Irlandais, de Canadiens français et de Métis francophones. En 1888, le Parlement canadien créa une assemblée législative élue pour les Territoires du Nord-Ouest. .  

Le 22 janvier 1890, un député conservateur, D'Alton McCarthy, présenta un projet de loi à la Chambre des communes pour modifier la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest et abolir le caractère bilingue de cet territoire fédéral. Il précisait ainsi son objectif:

My only desire is to work for the public good, and I believe that we will see that our truest interest in this country is to work to establish racial unity through national and language uniformity. [Mon seul désir est de travailler au bien général et l'on verra, je crois, que notre intérêt le plus véritable est de travailler à établir dans ce pays l'unité de race avec l'unité de la vie nationale et l'unité de langage.]

D'autres députés partagèrent le même point de vue, notamment le député de Norfolk-Nord:

The stated goal of the Anglo-Saxon is to make his race the greatest race on Earth, and the hope of the Anglo-Saxon is that the day will come, before too many more decades are out, when the English language is the normal means of communication between all the races of the Earth, and that the English race is the dominant race of the world, so that the Anglo-Saxon may fulfill the destiny that God has obviously assigned him on this Earth. [Le but avoué de l'Anglo-Saxon est de faire de sa race la plus grande race de la terre, et l'espoir de l'Anglo-Saxon est que le jour viendra, et il viendra avant que plusieurs décennies ne s'écoulent où la langue anglaise sera le moyen ordinaire de communication entre toutes les races de la terre, et que la race anglaise sera la race dominante du monde, de manière que l'Anglo-Saxon accomplira la destinée que Dieu lui a évidement assignée sur cette terre.]

Le premier ministre du Canada, John Macdonald, intervint et recommanda de laisser la Législature locale de décider elle-même de la question linguistique. Le Parlement fédéral adopta, le 12 février 1890, une motion permettant à la Législature des Territoires du Nord-Ouest de réglementer elle-même les procédures de l'Assemblée en matière linguistique. Mais il fallut attendre deux ans avant que la Législature des Territoires du Nord-Ouest ne se décide à abolir l'usage du français dans les publications officielles. Une ordonnance de 1892 fit de l'anglais la seule langue admissible dans les écoles et les tribunaux. Le Conseil des Territoires du Nord-Ouest abolit ensuite les écoles séparés, c'est-à-dire catholiques et françaises.

Au début du XXe siècle, la population des Territoires du Nord-Ouest était surtout d'origine britannique, mais il y avait encore une forte présence des Métis. On comptait aussi des Canadiens d'origine allemande, russe, française, austro-hongroise et scandinave. La majorité des gens professait la religion protestante (anglicans, presbytériens, méthodistes, luthériens), d'autres étaient catholiques, orthodoxes, doukhobors, etc.

3.4 La création de la province de la Saskatchewan (1905)
 

La fondation de la Saskatchewan comme province fut rendue possible en grande partie à sir Frederick William Alpin Gordon Haultain (1857-1942), un avocat membre du Conseil des Territoires du Nord-Ouest et de l'Assemblée législative des T.N.-O., puis président du conseil exécutif (1897 à 1905), ce qui équivalait au titre de premier ministre. Frederick Haultain a négocié pour que le statut de province soit octroyé pour tout l'Ouest canadien. Son objectif était de créer une grande province de l'Ouest qui se serait appelée «Buffalo». Mais le premier ministre fédéral de l'époque, sir Wilfrid Laurier (1841-1919), voulut éviter d'accorder trop de pouvoir à l'Ouest Canadien; il a donc préféré un scénario dans lequel il y aurait deux provinces dans l'Ouest  l'Alberta et la Saskatchewan. En juin 1905, l'Alberta et la Saskatchewan devinrent officiellement des provinces, avec leurs limites actuelles. La décision fédérale fut critiquée parce que la ligne qui divisait l'Alberta et la Saskatchewan était un méridien de longitude et ne tenait pas compte des particularités géographiques de la région. La création de la Saskatchewan entraîna un réajustement des frontières du district du Keewatin qui devint une partie des Territoires du Nord-Ouest.

La Grande loge provinciale de l’Ordre d’Orange de la Saskatchewan ("Orange Order") préconisa la prédominance anglo-saxonne et s’opposa à la politique «malavisée» de faire venir plus d’immigrants qu’il n’était possible d’assimiler à «ces valeurs morales britanniques si fondamentales pour notre existence nationale». Entre 1925 et 1930, le Ku Klux Klan connut beaucoup de succès en Saskatchewan qui connut des campagnes contre les francophones, les catholiques ("papistes") et les immigrants non protestants et non blancs, notamment la «menace jaune».

En matière de langue, la Saskatchewan, pas plus que l'Alberta, n'a voulu appliquer les dispositions de l'article 110 de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest prévoyant l'utilisation facultative du français et de l'anglais à l'Assemblée législative dans les textes de lois et dans les tribunaux. La loi prescrivait aussi l’usage obligatoire de l’anglais et du français dans la rédaction des décisions des tribunaux, des lois, des procès-verbaux et des archives de l’Assemblée des Territoires. Le législateur a reconnu les droits confessionnels des citoyens, mais pas les droits linguistiques. En fait, le français fut banni (illégalement) des domaines de la législation et de la justice, car la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest était une loi constitutionnelle. En 1905, la population de langue française atteignait 6 % en Saskatchewan. Cette population était originaire du Québec, de la France, de la Belgique, de la Suisse et des États-Unis où des Canadiens français avaient immigré avant de prendre le chemin des Prairies canadiennes. Pendant plusieurs décennies, les francophones de la Saskatchewan allaient devoir vivre dans un environnement politique et social presque hostile au fait français.

En 1902, le français fit l'objet d'une première interdiction en tant que langue d'enseignement dans les écoles, alors que la Saskatchewan était encore sous juridiction fédérale; puis à nouveau en 1918 de la part du gouvernement provincial. La Saskatchewan n'avait pas davantage appliqué qu'en Alberta les dispositions de l'article 110 de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest. Or, en Saskatchewan, tout le monde avait même fini par «oublier» cette loi constitutionnelle qui s'appliquait à la Saskatchewan. En conséquence, le français a donc été exclu des domaines de la législation et de la justice (comme en Alberta).

Dans le domaine de l'enseignement, la Loi scolaire de la Saskatchewan (ou School Act) de 1909 faisait de l'anglais la seule langue d'enseignement, tout en permettant un usage limité du français dans les classes primaires. Le 22 février 1918, les commissaires d'école de la Saskatchewan adoptèrent une série de résolutions mettant fin au bilinguisme dans les écoles:
 

No person shall be elected as commissioner unless he is a British subject able to read and write the English language; this agreement immediately requires the provincial government to take the necessary measures to ensure that all children in the province receive proper instruction, adapted to their individual needs, in the English language; English shall be the sole language of instruction in all schools in the province; no language other than English shall be taught during school hours at any school subject to the provisions of the School Act. [Nul ne peut être élu commissaire à moins qu'il ne soit sujet britannique et en mesure de lire et écrire la langue anglaise; cet accord demande instamment au gouvernement provincial de prendre les mesures nécessaires pour assurer que tous les enfants dans la province reçoivent une instruction adéquate, adaptées à leurs besoins personnels, en anglais; l'anglais doit être la seule langue d'instruction dans toutes les écoles de la province; aucune autre langue que l'anglais ne doit être enseignée durant les heures scolaires dans les écoles, lesquelles tombent sous le coup des dispositions de la Loi sur les écoles.]

En 1929, une troisième abolissait encore le français dans les écoles; cette loi reprenait et explicitait celle de 1918. En 1931, une modification à la Loi scolaire imposait l'anglais comme unique langue d'enseignement dans les écoles publique de la province. Le français étant interdit durant les heures scolaires normales, il était cependant permis d'offrir des cours de français après la classe. Enfin, une modification de 1967 à cette même loi scolaire autorisait l'emploi du français comme langue d'enseignement en raison d'une heure par jour. Néanmoins, durant plusieurs décennies, la province avait adopté de nombreuses lois anti-françaises.

Autrement dit, le français n'avait presque aucun droit en Saskatchewan, sauf aux concessions consenties à certaines écoles primaires. Puis la Saskatchewan a dû, elle aussi, se conformer aux jugements des tribunaux qui l'obligeaient à concéder des écoles françaises aux francophones.

4 Les contestations judiciaires

En Saskatchewan, les nombreuses contestations judiciaires commencèrent en 1981 avec l'affaire Mercure. Un prêtre francophone, le père André Mercure, reçut une contravention rédigée uniquement en anglais. Il porta sa cause devant les tribunaux en réclamant le droit de subir son procès en français. Il réclama également la remise en version française et officielle de certaines lois de la Saskatchewan. Ces demandes étaient fondées sur l'article 110 de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest, qui reconnaît l'usage du français et de l'anglais à la Législature et dans les tribunaux.

4.1 La langue des tribunaux

Selon la Cour d'appel de la Saskatchewan (1985), en vertu de l'article 110 de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest de 1891, le droit de s'exprimer en français ou en anglais devait continuer de s'appliquer, mais il ne comprend pas le droit de l'accusé à un procès entièrement en français. La Cour ne doit pas être tenue de connaître les deux langues, mais elle peut recourir à un interprète. Ce n'est qu'en 1987 qu'aura lieu le premier procès criminel en français depuis 1905 dans cette province.

La même année, la Cour d'appel de la province maintenait le droit d'utiliser le français dans les tribunaux de juridiction pénale; l'usage de ce droit permit seulement à l'accusé de s'adresser au tribunal en français, mais n'impliquait pas qu'il devait nécessairement être compris. Autrement dit, le justiciable a le droit d'employer le français; le juge, celui de ne comprendre que l'anglais. Certains trouveront que la justice canadienne est bien curieuse, mais les juges ne font qu'interpréter les textes de lois!

4.2 La langue de la législature

Dans son arrêt fort attendu et rendu le 25 février 1988, la Cour suprême du Canada concluait que l'article 110 de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest (adoptée en 1877) demeurait en vigueur au moment où la Saskatchewan est devenue province en 1905 et que, cette loi n'ayant jamais été formellement abrogée, l'usage de l'anglais et du français devait être permis dans les débats de l'Assemblée législative ainsi que dans les cours de justice. En fait, il s'agit du même jugement rendu à la fois pour l'Alberta et pour la Saskatchewan.

En conséquence, toutes les lois de la Saskatchewan, adoptées depuis 1905, ont été déclarées invalides parce qu'elles avaient été rédigées uniquement en anglais. Mais l'Assemblée législative de la Saskatchewan pouvait, comme celle de l'Alberta, adopter une loi, bilingue celle-là, qui abrogerait les restrictions imposées par l'article 110 et qui déclarerait valides toutes les lois existantes, même si elles ont été adoptées et publiées uniquement en anglais. En l'absence d'une telle loi bilingue abrogeant l'article 110, toutes les lois rédigées en anglais en Saskatchewan devront dorénavant l'être également en français. La Cour suprême du Canada reconnaissait donc que l'article 110 de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest était toujours en vigueur et garantissait des droits en français à la minorité francophone.

On connaît la suite: l'Assemblée législative a aussitôt adopté sa loi bilingue abrogeant l'article 110 de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest, a supprimé ainsi les droits fraîchement restaurés des francophones et a rétabli l'unilinguisme anglais à la Législature de la Saskatchewan. Précisons que, dans le cas présent, que tout changement législatif de ce genre nécessite l'accord du Parlement fédéral, car cet article 110 touchait la question des langues officielles, domaine protégé par la Constitution canadienne. C'est pourquoi les Fransaskois ont parlé de complicité de la part du gouvernement fédéral.

La Cour a confirmé aussi que, selon l'article 110 de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest, un accusé a le droit de parler français dans les tribunaux de la Saskatchewan, bien que cela n'implique pas le droit d'être compris dans cette langue. Les personnes comparaissant en justice ne peuvent se prévaloir des services d'un interprète que si le procès ne peut se dérouler sans cette assistance; elles ne peuvent non plus exiger que la procédure se déroule dans la langue du justiciable. À l'exemple de l'Alberta, les autorités judiciaires, y compris les juges, peuvent utiliser le français ou l'anglais selon leur choix. Le même scénario se répète: les lois existantes peuvent temporairement rester en vigueur pour permettre leur traduction, leur réadoption, leur impression et leur publication en français.

4.3 L'éducation

Quant à ce qui concerne le domaine scolaire, les décisions des tribunaux ont été plus ambiguës. Un premier jugement portait sur l'une des contraintes des droits octroyés par l'article 23 de la Charte des droits et libertés: la suffisance du nombre, c'est-à-dire la désormais célèbre clause du «là où le nombre le justifie». La Cour du Banc de la reine de la Saskatchewan a jugé en 1988 qu'un nombre minimal de 15 élèves était acceptable. La Cour a, en même temps, jugé invalide un règlement de la province exigeant la démonstration qu'un programme d'instruction dans la langue de la minorité soit viable pour une durée minimale de trois ans. 

En avril 1991, la Cour d'appel de la Saskatchewan reconnaissait qu'une décision de la Cour suprême du Canada concernant la gestion des écoles françaises de l'Alberta s'appliquait en Saskatchewan. Mais la Cour d'appel a refusé d'ordonner à la province d'amender ses textes législatifs en conséquence et d'obliger le gouvernement provincial à se conformer dans les plus brefs délais aux exigences établies par la Cour suprême, alléguant que cela ne relevait pas de sa compétence. Une dizaine d'organisations fransaskoises en ont appelé de la décision auprès de la Cour suprême; elles voulaient que le plus haut tribunal du pays impose à la province un calendrier de modification des lois afin de permettre aux francophones de gérer leurs écoles. Les Fransaskois n'ont pu compter sur la Cour suprême du Canada pour mettre leur gouvernement au pas, car celle-ci a décidé (le 15 août 1991) de ne pas entendre l'appel. En fait, les cours de justice semblent se laver les mains des problèmes fransaskois. Comme les francophones ont épuisé tous les recours pour obliger la Saskatchewan à respecter les jugements des différentes cours, ils ne s'attendent plus à de grands changements pour le moment.

Cela dit, la Loi sur l'éducation de 1995 compte 371 articles. L'article 134.2 prévoit la composition des conseils d'école fransaskois. Les articles 143 et 144 précisent les conditions dans lesquelles un enfant peut fréquenter gratuitement l’école fransaskoise de la région scolaire francophone.  L'article 180 traite de la langue d'enseignement dans les écoles fransaskoises et dans les programmes d’études en langue minoritaire:
 

Article 180

Langue d’enseignement

(1) Sous réserve des paragraphes (2) à (4), l’anglais est la langue d’enseignement dans les écoles.

(2) Sous réserve des règlements, une langue autre que l’anglais doit être utilisée comme langue d’enseignement dans des écoles déterminées relevant de son autorité dans les cas où la commission scolaire adopte une résolution en ce sens.

(3) Sous réserve des conditions que peuvent prévoir les règlements, le lieutenant-gouverneur en conseil désigne les écoles où le français est la première langue d’enseignement dans un programme désigné.

(4) Le français est la langue d’enseignement dans les écoles fransaskoises et dans les programmes d’études en langue minoritaire.

(5) Par dérogation à l’alinéa 85(1)g), l’élève a droit, à la demande de son père, de sa mère ou de son tuteur, de fréquenter une école désignée mentionnée au paragraphe (3) et de recevoir l’enseignement dans un programme désigné pour l’année d’enseignement où il est inscrit.

(6) Dans les cas où une langue autre que l’anglais est la langue d’enseignement, est exempté de l’enseignement dans cette langue l’élève dont le père, la mère ou le tuteur a demandé par écrit l’exemption.

(7) L’élève visé au paragraphe (6) reçoit un programme d’instruction distinct, compatible avec le programme d’études de l’année d’enseignement où il est inscrit.

Quant à l'article 181, il énonce qu'un adulte de langue minoritaire, qui ne réside pas dans la division scolaire francophone et qui est le père ou la mère d’un enfant qui n’a pas encore atteint l’âge de 22 ans, peut demander au conseil scolaire de fournir un programme d’études en langue minoritaire à son enfant.

5 La législation linguistique de la province

Afin de se conformer à la décision de la Cour suprême (1988), le gouvernement de la Saskatchewan a adopté la loi 2 de 1988 intitulée Loi relative à l'utilisation de l'anglais et du français (en abrégé: Loi linguistique). Le paragraphe 3.1 de la Loi linguistique est formulé comme suit:

Article 3

1) Il est déclaré que les lois, règlements et ordonnances édictés antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi sont tous valides, qu'ils aient fait ou non l'objet d'une proclamation de mise en vigueur et indépendamment du fait qu'ils ont été édictés, imprimés et publiés en anglais seulement.

En conséquence, les lois et règlements peuvent tous être adoptés, imprimés et publiés en anglais seulement ou en français et en anglais (article 4). C'est par règlement ou par résolution que l'on peut désigner, parmi les lois et règlements déjà adoptés et publiés en anglais seulement, celles qui doivent l'être en français et en anglais (articles 5 à 9 et article 12). L'article 12 de la loi rend officielle l'utilisation de l'anglais et du français à l'Assemblée législative: «Chacun a le droit d'employer le français ou l'anglais dans les débats de l'Assemblée» (paragraphe 1).

Article 12

Langue: travaux de l'Assemblée

1) Chacun a le droit d'employer le français ou l'anglais dans les débats de l'Assemblée.

2) Il est déclaré que les archives et comptes rendus et le règlement de l'Assemblée établis antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi sont valides indépendamment du fait qu'ils ont été établis, imprimés et publiés en anglais seulement.

3) Ils peuvent être établis, imprimés et publiés en anglais seulement.

4) L'Assemblée peut toutefois, par résolution, décider de faire établir, imprimer et publier tout ou partie de ses archives et comptes rendus et de son règlement en français et en anglais.

5) Les versions française et anglaise de toute partie des archives et comptes rendus et du règlement de l'Assemblée établie, imprimée et publiée en français et en anglais ont la même valeur.

En ce qui a trait aux tribunaux, l'article 11 de la Loi linguistique stipule que chacun a le droit d'employer le français ou l'anglais devant les tribunaux suivants de la Saskatchewan: la Cour d'appel, la Cour provinciale, la Cour du Banc de la reine, le tribunal des successions, le tribunal de la sécurité routière, le tribunal de la famille.
 

Article 11

Tribunaux et autorités administratives

1) Chacun a le droit d'employer le français ou l'anglais devant les tribunaux suivants de la Saskatchewan:

a) la cour d'appel;
b) la cour provinciale;
c) la cour du banc de la Reine;
d) le tribunal des successions;
e) le tribunal de la sécurité routière;
f) le tribunal de la famille.

2) Ces tribunaux peuvent établir des règles en vue de donner effet aux dispositions du présent article ou de préciser ou compléter soit celles-ci, soit leurs règles déjà en vigueur.

3) Les règles établies en conformément au paragraphe (2) sont à imprimer et publier en français et en anglais.

4) Il est déclaré que les règles des tribunaux, ainsi que celles des autorités administratives, sont valides indépendamment du fait qu'elles ont été établies, imprimées et publiées en anglais seulement.

5) Les règles des tribunaux sont à imprimer et publier en français et en anglais pour le 1er janvier 1994.

6) Avant cette date, les tribunaux peuvent faire imprimer et publier leurs règles en anglais seulement, à l'exception des règles visées au paragraphe 2).

7) Les versions française et anglaise des règles des tribunaux imprimées et publiées en français et en anglais ont la même valeur.

Le paragraphe 11.5 de la loi précise aussi que les règles des tribunaux sont à imprimer et à publier en français et en anglais pour le 1er janvier 1994. Avant cette date, les tribunaux peuvent faire imprimer et publier leurs règles en anglais seulement (paragraphe 11.6). En somme, le droit d'utiliser le français dans les tribunaux est limité à six cours et la garantie de comparaître devant un juge bilingue est refusée (mais possible), exception faite des cours criminelles qui sont de juridiction fédérale et où le bilinguisme est reconnu.

Enfin, l'article 13 de la Loi linguistique abroge les dispositions de l'article 110 de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest (version de 1905), qui reconnaissait l'usage du français devant les tribunaux et à la Législature, et exigeait l'adoption et la publication de toutes les lois dans les deux langues officielles.

Comme on peut le constater, la Loi relative à l'usage du français et de l'anglais (ou Loi linguistique) en Saskatchewan est, à l'exemple de l'Alberta, une loi ponctuelle, uniquement destinée à rendre la législation provinciale conforme au jugement de la Cour suprême du Canada.

D'ailleurs, au lendemain de l'adoption de la Loi linguistique, l'ACFC (Association culturelle franco-canadienne) déclarait que cette loi était «une insulte», car elle laissait mensongèrement sous-entendre que le fait français n'avait jamais existé en Saskatchewan. Le commissaire aux langues officielles de l'époque, quant à lui, affirmait que la loi 2 de la Saskatchewan était «une bien triste journée pour le Canada».

6 Les droits réels des Fransaskois

La Saskatchewan a dû donner suite aux jugements des tribunaux et se doter d'une politique linguistique moins réfractaire aux intérêts de la minorité francophone. À l'exemple de l'Alberta, tous les droits accordés aux francophones par la Saskatchewan ont été imposés d'une façon ou d'une autre par les tribunaux, que ce soit par la Cour d'appel ou la Cour du Banc de la reine de la province, ou par la Cour suprême du Canada.

6.1 La Législature

En ce qui a trait à la Législature, l'anglais est la seule langue officielle de la Saskatchewan, mais le français dispose occasionnellement ­ lorsque le gouvernement adopte de très rares lois bilingues ­ de droits qui lui ont été préalablement reconnus par la Cour suprême du Canada en 1988. Cependant, tout en permettant l'usage du français, le Parlement peut décider, par simple résolution, d'adopter et de faire imprimer ses lois uniquement en anglais. Tout député a aussi le droit de parler français à la Législature, mais il n'a pas légalement celui d'être compris, puisqu'il n'existe aucun service de traduction simultanée. Une entente-cadre a été conclue avec Ottawa afin de traduire 45 lois importantes de la province.

Par ailleurs, le gouvernement de la Saskatchewan s'est engagé à ce que les interventions en français à l'Assemblée législative soit transcrites en français dans le Hansard (journal officiel). L'Assemblée législative doit publier en français et en anglais les documents impliquant la communauté francophones et maintenir le Rule Book (règlement) de la Chambre en format bilingue.

6.2 Les tribunaux

Dans le domaine des services juridiques, les francophones ont le droit de subir un procès en français en matière criminelle parce que la Cour suprême du Canada leur a reconnu le droit de s'exprimer en français devant un juge, mais pas celui d'être compris; de plus, la loi n'accorde pas le droit à un justiciable d'exiger que le jugement soit rendu dans la langue officielle qui est la sienne. Toutefois, le personnel judiciaire est tenu de transcrire les déclarations dans la langue choisie par le justiciable. En matière civile, le bilinguisme est permis mais non obligatoire dans six principaux tribunaux. Dans la Loi sur le jury (1998), l'article 6  énonce que toute personne qui ne peut comprendre la langue dans laquelle le procès doit être tenu ne peut servir ce juré.
 

Article 6

Exclusions


Sont inhabiles à remplir les fonctions de juré:

j) les personnes qui ne peuvent comprendre la langue dans laquelle le procès doit être tenu.

Ce que le texte ne dit pas, c'est qu'un procès civil ne peut se faire qu'en anglais, ce qui signifie qu'il faut maîtriser l'anglais pour faire partie d'un jury. Dans la pratique, nous pouvons dire comme le juriste (et ancien juge de la Cour suprême du Canada) Michel Bastarache: «Cela signifie que le droit d'utiliser le français dans les tribunaux civils correspond au droit de communiquer avec la cours par l'intermédiaire d'un interprète.» Ainsi, les Fransaskois ont obtenu ce que les Franco-Albertains n'ont pas pu acquérir: un certain bilinguisme dans les tribunaux et au Parlement. En 2009, on comptait deux juges bilingues à la Cour provinciale.

Par ailleurs, l'article 42 de la Loi sur la mariage de 1995 prévoit qu'il est interdit de célébrer un mariage dans une langue que ne parlent pas les parties, sans la présence d'un interprète:
 

Article 42

Présence d'un interprète

Il est interdit aux ecclésiastiques et aux commissaires aux mariages de célébrer un mariage dans une langue que ne parlent pas les parties ou l'une d'elle, sauf si un interprète indépendant est présent afin de traduire clairement le sens de la cérémonie à l'intention des parties.

Si le célébrant ne parle pas la langue des époux, il doit faire assister d'un interprète.

3.3 Les services administratifs

Quant aux services gouvernementaux dans la langue de la minorité, ils restent très limités. Le gouvernement a manifesté son intention de les améliorer dans la mesure ou les ressources financières sont disponibles. En attendant, les Fransaskois ne reçoivent que fort peu de services en français. Il n'existe aucune politique linguistique en ce qui a trait aux services sociaux et aux services de santé; les offres de service en français sont donc à peu près inexistants.

Du côté des services fédéraux, la plupart des quelque 275 bureaux désignés pour fournir des services en français se trouvent à Regina, à Saskatoon et à Prince-Albert. Cependant, trop souvent, la clientèle francophone est obligée d'insister pour se faire servir en français et les services spécialisés dans cette langue sont normalement offerts par un tiers qui agit comme interprète. Aussi, selon le Commissaire aux langues officielles du Canada, il n'est «guère possible de parler de service comparable en français et en anglais».

La Direction des affaires francophones (DAF) sert néanmoins de liaison entre le gouvernement provincial et la population d'expression française dans la province. En 2003, la Saskatchewan a adopté une politique de services en langue française qui s'applique à tous les ministères provinciaux, sociétés d'État et organismes gouvernementaux. En vertu de cette politique, la Saskatchewan a mis sur pied des services en français dans certains secteurs. En mai 2009, le gouvernement a publié sa politique. Pour l'essentiel, les éléments importants sont les suivants:
 

INTENTION (2009)

Le gouvernement de la Saskatchewan reconnaît que la dualité linguistique constitue une caractéristique fondamentale du Canada et que la communauté francophone de la Saskatchewan est une composante importante de cette dualité. Nous reconnaissons la contribution continue et de longue date de la communauté francophone de la Saskatchewan au développement social, culturel et économique de notre province.

Le gouvernement de la Saskatchewan s’engage à améliorer les services offerts à la communauté francophone de la Saskatchewan afin d’appuyer le développement et la vitalité de cette communauté.

BUTS VISÉS EN MATIÈRE DE SERVICE

Communication

- Que la correspondance avec des personnes ou des groupes s’effectue dans la langue officielle préférée par le client.

- Que les documents d’information et les formulaires, y compris les pièces d’identité et les certificats, fournis par écrit et par voie électronique et destinés au grand public, soient disponibles en format bilingue, lorsque c’est approprié. Le choix des documents sera déterminé en consultation avec la communauté francophone, sous réserve de contraintes relatives aux coûts et à la diffusion.

- Que les enseignes et les avis au public soient affichés dans les deux langues officielles, lorsque c’est approprié.

- Que les campagnes d’information publique tenues en anglais soient également tenues en français lorsque c’est approprié. Le choix des campagnes d’information publique sera déterminé en consultation avec la communauté francophone, sous réserve de contraintes relatives aux coûts et à la diffusion.

Développement et prestation de services

- Que la désignation de postes bilingues soit considérée comme un moyen de fournir plus efficacement des services en langue française.

- Que l’inclusion d’un volet de services en français soit envisagée quand de nouveaux programmes et services sont développés au sein du gouvernement de la Saskatchewan.

- Que l’approche «d’offre active» soit utilisée quand des services sont offerts en français. (Le concept de «l’offre active» signifie que le service est manifesté aux utilisateurs potentiels, que le grand public est encouragé à l’utiliser et se sent à l’aise de le faire, et que la qualité des services est comparable à ceux qui sont offerts en anglais.)

MISE EN ŒUVRE

Cette politique s’applique au gouvernement, aux ministères, aux sociétés d’État et à autres organismes gouvernementaux de la province.
Sous la direction du ministre responsable des Affaires francophones, la Direction des affaires francophones (DAF) au sein du Bureau du secrétaire provincial est chargée d’orienter et de surveiller la mise en œuvre de cette politique.

En consultation avec les ministères, les sociétés d’État et les autres organismes gouvernementaux de la province, la DAF établira un échéancier pratique pour réaliser les buts visés en matière de service.

En plus de fournir des services de consultation et de traduction, la DAF rédigera des lignes directrices réalistes en consultation avec les ministères, les sociétés d’État et les autres organismes gouvernementaux de la province afin d’atteindre les buts visés par cette politique, tout en tenant compte des contraintes financières.

Dans un souci de transparence à l’égard du public, la DAF publiera un rapport annuel sur les services en langue française détaillant les progrès accomplis.

ÉVALUATION

Cette politique sera évaluée dans les cinq années qui suivent la date d’implantation. La Direction des affaires francophones effectuera cette évaluation en consultation avec le Comité consultatif en matière d’affaires francophones.
 

Le gouvernement a modifié ses aux règlements afin de permettre l’accès public aux formulaires en français du changement de nom et du certificat de naissance.

Lors des élections, l'article 78 de la Loi électorale (1996) autorise la présence d'un interprète auprès d’un électeur qui ne comprend pas l’anglais:
 

Article 78

Les interprètes

3)
Sous réserve des dispositions du paragraphe 4 et à la demande d’un électeur qui ne comprend pas l’anglais et qui est accompagné d’un ami ou d’une amie, un scrutateur adjoint peut permettre à cet ami ou cette amie d’accompagner l’électeur dans l’isoloir et de l'aider à apposer sa marque sur son bulletin de vote.

Il en est ainsi à l'article 90 de la Loi sur l'élection du gouvernement local (1982):

Article 90

Interprètes

1)
Si un personne, qui a l’intention de voter, ne comprend pas la langue anglaise, le scrutateur adjoint peut permettre à un interprète, exception faite de la personne qui est candidate ou de l'agent d'un candidat, de traduire une déclaration et une question légitime forcément posée à cette personne et les réponses que cette dernière y donne.

Quand la loi permet l'accès à un interprète pour recevoir des services publics, il ne s'agit pas d'un droit linguistique, mais d'un droit à comprendre ou à se faire comprendre.  

3.4 L'éducation

Quant au domaine de l'éducation, seul l'anglais est garanti comme langue d'enseignement en vertu de l'article 23 de la Charte des droits et libertés, mais l'enseignement du français est possible lorsque le nombre le justifie. C'est pourquoi on ne comptait, en 1992, que trois écoles primaires francophones, plus neuf écoles rurales qui offrent un enseignement en français de la maternelle à la sixième année et en anglais de la septième à la douzième année. Pour ce qui est du niveau secondaire, il n'existe qu'une seule école francophone et elle est privée. Toutefois, en 1994, la situation avait changé radicalement: près de 1200 élèves fréquentaient 10 écoles fransaskoises. Malheureusement, les Fransaskois n'ont pu obtenir de conseil scolaire francophone, même si la Charte des droits et libertés leur reconnaît implicitement ce droit, qu'en 1994. Le Conseil général des écoles fransaskoises (CGEF) administrait, en 1996, un réseau de dix écoles.

La Loi sur l'éducation de 1995 est venue préciser certaines modalités. L'article 2 définit ainsi une «école fransaskoise»:
 

Article 2

École située dans une région scolaire francophone relevant du conseil scolaire et dans laquelle:

a) l’enseignement se donne principalement en français;
b) la langue de communication avec les élèves et les parents est surtout le français;
c) la langue française est utilisée et valorisée comme première langue de communication dans les activités pédagogiques et scolaires. ("fransaskois school").

 L'article 143 de la Loi sur l'éducation précise les conditions de fréquentation des écoles française:
 

Article 143

(1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, toute personne âgée d’au moins six ans, mais de moins de vingt-deux ans, dont le père ou la mère est un adulte de langue minoritaire a le droit:

a) de fréquenter l’école fransaskoise de la région scolaire francophone où elle, son père ou sa mère — à la condition d’être un adulte de langue minoritaire — ou son tuteur réside;

b) de recevoir l’instruction approuvée par le conseil scolaire qui correspond à son âge et à son niveau scolaire:

(i) soit dans l’école fransaskoise de la région scolaire francophone,
(ii) soit, sous réserve des principes directeurs établis par le conseil scolaire, de ses exigences et des conditions par lui fixées, dans les écoles ou autres établissements d’enseignement situés à l’extérieur de la division scolaire francophone avec lesquels le conseil scolaire a conclu des accords en vue de fournir certains services aux élèves de la région scolaire francophone.

(2) Sauf disposition contraire de la présente loi, les services d’éducation fournis en conformité avec le paragraphe (1) le sont aux frais du conseil scolaire; il est interdit d’exiger des frais de scolarité, des frais de transport ou d’autres frais liés à la fréquentation d’une école fransaskoise à l’égard d’un élève dont le père ou la mère est un adulte de langue minoritaire et dont le père, la mère ou le tuteur réside dans la division scolaire francophone.

(3) Par dérogation au paragraphe (2), le conseil scolaire peut faire payer la totalité ou une partie des frais engagés en matière de transport dans le cas des projets spéciaux ou à l’égard de l’équipement spécial ou des fournitures qui ne sont pas remis habituellement aux élèves en application des principes directeurs du conseil scolaire.

L'article 180 de la Loi sur l'éducation édicte que «l'anglais est la langue d'enseignement dans les écoles», sous réserve des règlements qui prévoient une autre langue. Dans les écoles fransaskoises, le français est la première langue d'enseignement (par. 4):

Article 180

Langue d’enseignement

(1) Sous réserve des paragraphes (2) à (4), l’anglais est la langue d’enseignement dans les écoles.

(2) Sous réserve des règlements, une langue autre que l’anglais doit être utilisée comme langue d’enseignement dans des écoles déterminées relevant de son autorité dans les cas où la commission scolaire adopte une résolution en ce sens.

(3) Sous réserve des conditions que peuvent prévoir les règlements, le lieutenant-gouverneur en conseil désigne les écoles où le français est la première langue d’enseignement dans un programme désigné.

(4) Le français est la langue d’enseignement dans les écoles fransaskoises et dans les programmes d’études en langue minoritaire.

(5) Par dérogation à l’alinéa 85(1)g), l’élève a droit, à la demande de son père, de sa mère ou de son tuteur, de fréquenter une école désignée mentionnée au paragraphe (3) et de recevoir l’enseignement dans un programme désigné pour l’année d’enseignement où il est inscrit.

(6) Dans les cas où une langue autre que l’anglais est la langue d’enseignement, est exempté de l’enseignement dans cette langue l’élève dont le père, la mère ou le tuteur a demandé par écrit l’exemption.

(7) L’élève visé au paragraphe (6) reçoit un programme d’instruction distinct, compatible avec le programme d’études de l’année d’enseignement où il est inscrit.

De plus, le gouvernement de la province a créé le Bureau de la minorité de langue officielle, qui est responsable de l'éducation française en Saskatchewan. Son rôle principal consiste en l'élaboration, la mise à l'essai, l'implantation et l'actualisation des programmes d'études pour le programme de français de base, pour les écoles d'immersion et pour les écoles fransaskoises. En automne 2000, le Document d’orientation portant sur les mesures spéciales d’accueil et de francisation dans les écoles fransaskoises a été distribué aux écoles fransaskoises. Ce rapport présente les quatre principes sur lesquels se base le besoin d'un programme de francisation en Saskatchewan:

- la promotion du français en Saskatchewan;
- le développement d'un sentiment d'appartenance à la communauté fransaskoise;
- la valorisation de la contribution personnelle à la communauté fransaskoise;
- l'enrichissement culturel de la communauté fransaskoise. Les auteurs du rapport insistent aussi sur le partage de la responsabilité pour toute mesure de francisation. On souligne l'importance de la conception d'une stratégie commune d'intervention et de la «création d'un réseau interactif d'interventions.»

Néanmoins, il ne faut quand même pas oublier qu'en Saskatchewan on compte plus d'écoles assurant un enseignement en français à la majorité anglaise désirant devenir bilingue que d'écoles françaises pour la minorité francophone. La communauté fransaskoise est dispersée et n'a accès à l'éducation en français qu'en fréquentant, sauf dans un cas, des écoles d'immersion à l'intention des anglophones. Dans les faits, seulement 7 % des Fransaskois reçoivent effectivement un enseignement dans une école francophone. Pendant ce temps, 74 écoles offrent des programmes d'immersion en français à l'intention des anglophones.

3.5 Les médias

Les médias en Saskatchewan ne sont pas régis par une loi provinciale. La province dispose d'une soixantaine de stations de télévision, presque autant de stations de radio AM et FM, de quatre quotidiens et de plus de 90 hebdomadaires. Les quotidiens sont The Times-Herald (Moose Jaw), Prince Albert Daily Herald (Prince Albert), The Leader-Post (Regina ) et The Star Phoenix (Saskatoon). Tous ces médias sont en anglais. Les francophones, quant à eux, bénéficient d'un hebdomadaire, L'Eau vive, et des émissions radiophoniques et télévisées de la Société Radio-Canada.

Dans les médias électroniques, il existe une cinquantaine de stations de radio et de télévision en langue anglaise. La Société Radio-Canada diffuse en français des émissions québécoises en provenance des studios de Montréal et de quelques studios locaux (Regina, Saskatoon). L'avènement du câble et du satellite a facilité l’accessibilité des Fransaskois à la radio et à la télévision en ajoutant des stations françaises commerciales, dont TV5, deux stations radiophoniques en bandes AM de Radio-Canada, la station FM Espace Musique.
 

La politique linguistique de la Saskatchewan se révèle peu généreuse à l'égard de sa minorité francophone. Étant donné que cette province se voit interdire de pratiquer sa traditionnelle politique d'assimilation, elle accorde donc des droits limités, ceux-ci ayant d'ailleurs été exigés par les tribunaux. Les Fransaskois se retrouvent dans la même situation que les Franco-Albertains: les tribunaux se contentent de proclamer leurs droits linguistiques tout en remettant à la province la responsabilité ultime de mettre ceux-ci en application. Les droits réels de la minorité s'en trouvent ainsi extrêmement réduits. Pire! Non seulement ces droits sont réduits, mais parfois supprimés. Ainsi, en a-t-il été de l'adoption de la Loi linguistique de 1988 qui, dix ans plus tard, constituait, selon les Fransaskois, «un ethnocide continu de la part de l'État provincial saskatchewanais sous le regard complice de l'État canadien». Néanmoins, ces dernières années, le gouvernement semble pratiquer un politique plus accueillante à l'égard de sa minorité francophone. Mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres.

Dernière mise à jour: le 09 février, 2024

 

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