Flag of Saint Vincent and the Grenadines

Saint-Vincent-
et-les-Grenadines

Saint Vincent and the Grenadines
 

Capitale:  Kingstown
Population:  116 394 habitants (est. 2002)
Langue officielle: anglais (de facto)
Groupe majoritaire: créole (98 %)
Groupes minoritaires:  anglais et langues immigrantes
Système politique: monarchie constitutionnelle de type britannique
Articles constitutionnels (langue): art. 3, 8, 15 et 25 de la Constitution du 26 juillet 1979 
Lois linguistiques:
 Loi sur les sociétés (1994); Loi sur les fiducies internationales (1996); Loi sur les banques internationales (1996); Loi sur les assurances internationales (modification et consolidation) (1998); Loi sur la marine (2004); Loi sur l'éducation (2005); Loi sur les sociétés d'affaires internationales (modification et consolidation) (2007).

1 Situation géographique

Saint-Vincent-et-les-Grenadines (SVG : angl. Saint Vincent and the Grenadines) est un petit État indépendant des Antilles; il est constitué de l'île de Saint-Vincent (la plus grande du pays) et des îles septentrionales de l'archipel des Grenadines (une trentaine de petites îles, dont moins d'une douzaine sont habitées).

Les îles des Grenadines les plus importantes sont Bequia, Canouan, Moustique, Mayreau et Union. La superficie totale du pays est de 389 km², l'île de Saint-Vincent représentant 344 km², les Grenadines, seulement 45 km². 

Le pays fait partie des Îles-du-Vent dans la mer des Caraïbes du Sud-Est et se situe au sud de Sainte-Lucie et au nord de La Grenade (voir la carte des Antilles). La Grenade, Sainte Lucie, la Dominique et les Antilles françaises font également partie des Îles-Sous-le-Vent.  La capitale et port principal, Kingstown, est située sur la côte sud-ouest de l'île de Saint-Vincent. Le pays est divisé en six paroisses (parishes): Charlotte, Grenadines, Saint Andrew, Saint David, Saint George et Saint Patrick.

2 Données démolinguistiques

La population de Saint-Vincent-et-les-Grenadines comprenant des Saints-Vincentais et des Grenadins , qui représentait 115 942 habitants en 2001, est composée de Noirs (66 %), de Mulâtres (19 %), d'Indiens (6 %), d'Amérindiens (2 %), de Blancs (3,5 %) et d'autres groupes (3,5 %). La majorité de la population (92 %) est concentrée dans l'île de Saint-Vincent, notamment près de la côte sud où se trouve Kingston, les Grenadines ne comptant que pour environ 8 % de la population totale.

L'anglais est la langue officielle et parlée par presque tous les habitants comme langue seconde. Dans leur vie quotidienne, la plupart des Saint-Vincentais parlent un créole à base d'anglais appelé anglais vincentais (anglais: Vincentian Creole) ou «English Vincy». Le créole vincentais respecte les règles de grammaire dérivées à la fois de l'anglais et des langues africaines; son vocabulaire comprend des mots anglais, mais aussi français, espagnols, caraïbes et africains.

Le créole vincentais n'est plus senti comme une langue dévalorisée, car il correspond à l'identité nationale du pays, en particulier chez les jeunes. Les écoles qui, depuis toujours, interdisaient l'usage du créole, encouragent maintenant son usage dans des activités théâtrales, littéraires et oratoires, tout en maintenant l'unilinguisme anglais comme langue d'enseignement. 

Il y a encore quelques décennies, on comptait beaucoup de Saint-Vincentais parlant le French patois, un créole à base lexicale de français, mais il est aujourd'hui pratiquement disparu, comme ce fut la cas à La Grenade et à Trinité-et-Tobago. La langue caraïbe des Amérindiens est également éteinte.

3 Données historiques

L'île de Saint-Vincent fut d’abord habitée par les Amérindiens cibonay (Cigayos) en provenance d’Amérique du Sud il y a environ 5000 ans avant notre ère. Un autre peuple amérindien venu du Venezuela, les Arawaks,  leur succéda vers le IIIe siècle de notre ère avant d’être à son tour supplanté par les Caraïbes, un  peuple guerrier venu au XIVe siècle d’Amérique du Sud par le nord. 

3.1 Le pays des Caraïbes

L'île de Saint-Vincent fut probablement explorée par Christophe Colomb qui lui a donné le nom de Saint-Vincent en 1498. Cependant, la colonisation du pays ne débuta qu'au XVIIIe siècle, les Caraïbes ayant réussi à protéger Saint-Vincent (alors le Yurumein) de la présence européenne. En 1660, un traité franco-anglo-caraïbe garantit aux Caraïbes l’entière propriété des îles de la Dominique et de Saint-Vincent

En 1675, un bateau hollandais chargé d'esclaves fit naufrage au large des côtes de Saint-Vincent. Les Caraïbes permirent aux survivants africains de rester sur l'île. Beaucoup d'entre eux épousèrent des Caraïbes, adoptèrent leur langue de la famille arawak, leurs coutumes et s'intégrèrent à leur nouvelle société, provoquant ainsi un métissage afro-amérindien. 

3.2 La patrie des Garifuba

Puis la nouvelle que Saint-Vincent (alors l'île de Yurumein) était devenue un «paradis» pour les esclaves fugitifs (ou marrons) se répandit parmi les Noirs. D'autres évadés arrivèrent et se marièrent avec des Caraïbes, ce qui créa un peuple appelé les Garifuna ou «Caraïbes noirs» ou «Caraïbes rouges» — Black Karibs en anglais; en espagnol: Caribes Negros, par opposition aux Arawaks appelés traditionnellement par les Français Caraïbes rouges; en anglais et en espagnol, les autochtones sont associés aux Asiatiques, d'où le nom de Yellow Karibs en anglais et de Caribes Amarillos ou jaunes en espagnol, mais Caraïbes rouges en français sans doute par association aux Peaux-Rouges du Canada. Mais la tension finit par monter entre les «Caraïbes jaunes» amérindiens (Yellow Karibs), ce qui divisa l'île en 1700. Les Caraïbes jaunes s'installèrent à l'Ouest et les Caraïbes noirs à l'Est. Redoutant d'être dominés par les Caraïbes noirs, les Caraïbes jaunes autorisèrent les Français à s'établir 1719. Les Français envoyèrent des missionnaires parmi les Caraïbes noirs et finirent par établir des relations pacifiques avec les deux peuples caraïbes. Le French patois fit son apparition à cette époque.

Entre 1763 et 1783, la Grande-Bretagne et la France se disputèrent le contrôle de l'île Saint-Vincent, bien que le traité de Paris de 1763 ait reconnu les îles Saint-Vincent et la Dominique comme des îles «neutres». Les Britanniques tentèrent à plusieurs reprises d’occuper Saint-Vincent, mais les Caraïbes noirs se révélèrent de forts bons guerriers et réussirent à les repousser. Ils infligèrent même une cuisante défaite aux Anglais qui durent leur reconnaître le droit d’exister comme «nation indépendante».

3.3 Les Britanniques et la déportation des Garifuna

En 1782, le second traité de Versailles accorda aux Britanniques la possession de Saint-Vincent. Les Caraïbes et Garifunas furent alors livrés à leurs pires ennemis. Les Britanniques fondèrent des plantations de canne à sucre et firent venir des esclaves africains pour y travailler, ce qui contribua à l'élaboration du créole à base d'anglais. Cependant, les Français encouragèrent les Caraïbes noirs à s'opposer à la colonisation britannique. En 1797, les tribus caraïbes noires, réunies sous le commandement du chef Joseph Chatoyer, repoussèrent les Britanniques le long de la côte ouest vers Kingstown. Toutefois, lorsque Chatoyer fut tué pendant que les Français laissaient tomber leurs alliés, les Caraïbes noirs se rendirent aux Britanniques. Chatoyer est devenu aujourd'hui le premier héros national de Saint-Vincent-et-les-Grenadines.  

Les Britanniques de l'époque ne pouvaient accepter que des Noirs soient libres sur une île vaincue et puissent continuer de vivre parmi eux, comme des Blancs. Comme c’était la coutume anglaise à l’époque, il leur fallait liquider ces populations jugées indésirables. Les Anglais pourchassèrent tous les Garifunas pour les emprisonner, brûlant au passages les maisons, prenant le bétail et tuant dans la mêlées des centaines de résistants. Puis, le 15 juillet 1796, Henry Dundas, le secrétaire d’État britannique à la guerre, ordonna au major-général sir Ralph Abercromby de transporter les 4300 prisonniers garifunas sur une petite île déserte, l'île de Baliceaux (env. 100 km²) dans les Grenadines, en attendant qu’une décision soit prise sur leur sort. Mais la moitié des Garufinas mourut de la fièvre jaune en raison des mauvaises conditions de détention et d'alimentation. Pendant ce temps, les Britanniques continuèrent la chasse à l'homme et détruisirent toutes les cultures de façon à affamer les survivants. 

Afin d’empêcher toute nouvelle résistance, le gouvernement britannique décida finalement de déporter la plupart des Garifunas. Le 26 octobre 1796, les Britanniques embarquèrent sur des bateaux 5080 d’entre eux et, après avoir chassé la garnison espagnole qui occupait l’endroit, ils les larguèrent sur l'île hondurienne de Roatán.  Toutefois, le 11 avril 1797, les Anglais ne laissèrent sur l’île de Roatán que 2248 Garifunas, les autres ayant péri au cours du long voyage. Les Garifunas qui étaient restés à Saint-Vincent furent conduits dans des colonies pour travailler dans le nord de l’île, où leurs descendants demeurent toujours. 

Rappelons que cette pratique de la déportation massive était courante à l’époque, et les Acadiens de la Nouvelle-Écosse au Canada avaient connu le même sort en 1755. En effet, Charles Lawrence, le lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse, avait justifié la déportation des Acadiens dans une lettre adressée en 1754 aux autorités britanniques:

Comme les Acadiens possèdent les plus belles et les plus grandes terres de cette province, nous ne pourrons nous y installer pour de bon tant que ce sera le cas. […] Je ne puis m'empêcher de penser qu'il serait préférable […] qu'on les chasse.

Comme les Acadiens n’étaient pas des Noirs, on peut croire que la déportation n'était pas justifiée politiquement pour une simple question de race, mais pour accaparer gratuitement des terres. Cela dit, les Garifunas ne restèrent pas plus d’une décennie sur l'île de Roatán. En bons navigateurs, ils se fabriquèrent des pirogues, puis se dispersèrent sur les côtes du Belize, du Honduras et du Nicaragua, pour devenir dorénavant non plus une nation libre, mais de petites communautés minoritaires. Les Caraïbes restants furent conduits vers des colonies dans le nord de Saint-Vincent, mais leurs descendants ont perdu leur langue ancestrale.

3.4 La colonisation britannique

Les Britanniques imposèrent l'anglais comme langue officielle et ignorèrent le créole des insulaires saint-vincentais. En 1812, sur l'île Saint-Vincent, une éruption du volcan la Soufrière détruisit les récoltes et des bâtiments de la colonie. Après l'abolition de l'esclavage en 1834, les propriétaires de plantation firent venir des travailleurs de l'Inde orientale comme ouvriers agricoles et comme domestiques. Au cours du XIXe siècle, de nombreux Portugais s'établirent sur l'île comme négociants ou commerçants. En 1898, un cyclone endommagea des cultures et, en 1902, une éruption massive de la Soufrière détruisit des fermes et tua plus de2000 personnes. 

Au début du XXe siècle, Saint-Vincent demeurait encore sous contrôle britannique, mais l'île obtint la maîtrise croissante de ses affaires internes. En 1925, le gouvernement britannique autorisa la création du Conseil législatif, puis le suffrage universel fut accordé aux adultes en 1951. De 1958 à 1962, Saint-Vincent adhéra à la Fédération des Antilles. En 1969, elle devient un membre autonome des États associés des Antilles.

3.5 Un État indépendant

En 1979, une revendication sécessionniste vit le jour dans l'archipel des Grenadines et provoqua un bref mouvement de révolte dans l'île de l'Union.  Le 27 octobre 1979, à la suite d'un référendum, Saint-Vincent-et-les-Grenadines est devenu la dernière des îles-du-Vent à obtenir son indépendance dans le cadre du Commonwealth, sous le nom de Saint-Vincent-et-les-Grenadines. Le pays est relativement stable depuis lors. En 1984, c'est James F. Mitchell, le dirigeant du Parti national démocratique, qui accéda au pouvoir et dirigea le pays. Malgré de nombreux scandales qui ternirent l’image de son gouvernement, accusé de corruption, James Mitchell fut réélu jusqu'en 2000.

Le 26 septembre 2007, le premier ministre Ralph Gonsalves a lancé un appel aux Nations unies pour la réparation du génocide perpétré par les Britanniques contre les Garufinas. En octobre 2009, il déclairait:

In order to impose its authority and power, the armed forces of British colonialism were not satisfied with merely defeating the Garifuna and killing their leaders including the indomitable Garifuna Chief, Joseph Chatoyer. They went much further. The British launched an unrestrained criminal campaign against the Garifuna men, women and children. Thousands of the Garifuna were slaughtered […]. It was violence in its natural state against innocent defenseless people […]. The British have not acknowledged their genocidal crime against humanity, and neither have they consequentially offered compensation to St. Vincent and the Grenadines for substantially obliterating the Garifuna nation. [Afin d'imposer leur autorité et leur pouvoir, les forces armées du colonialisme britannique ne se sont pas contentés de vaincre les Garifunas et de tuer leurs dirigeants, y compris le chef garifuna indomptable, Joseph Chatoyer. Ils sont allés beaucoup plus loin. Les Britanniques ont lancé une campagne criminelle effrénée contre les Garufinas, hommes, femmes et enfants. Des milliers des Garifunas ont été massacrés [...]. C'était de la violence dans son état naturel contre des innocents sans défense [...]. Les Britanniques n'ont pas reconnu leur crime génocidaire contre l'humanité, et ils n'ont pas, par voie de conséquence, offert de compensation à Saint-Vincent-et-les-Grenadines pour le quasi-effacement de la nation garifuna.]

Le 25 novembre 2009, un référendum fut organisé dans lequel les électeurs furent appelés à approuver une nouvelle constitution qui prévoyait le remplacement de la monarchie anglaise (et la reine Elizabeth II comme chef d'État) par une république. Puisqu'une majorité des deux tiers était nécessaire, alors que 43 % des électeurs s'étaient prononcés en faveur, la proposition a été défaite. La reine d'Angleterre est encore représentée par un gouverneur-général.

4 La politique linguistique

Comme pour la plupart des autres petits États issus des anciennes colonies britanniques (Jamaïque, Belize, Honduras, Saint-Christophe-et-Niévès, Sainte-Lucie, Dominique, etc.), la politique linguistique de Saint-Vincent-et-Grenadines s'avère simple et correspond à la non-intervention en matière linguistique. De fait, l'anglais n'est même pas proclamé juridiquement parlant (de jure) comme langue officielle, ni dans la Constitution ni dans une loi. Il a acquis ce statut dans les faits (de facto). L'anglais demeure la langue de l'État saint-vincentais. Cependant, étant donné que la majorité des Saint-Vincentais parlent le créole comme langue maternelle, des «adaptations» sont nécessaires. Les services gouvernementaux sont tous offerts en anglais, mais le créole est largement utilisé dans les communications orales, tant par les fonctionnaires que par les citoyens, surtout dans les zones rurales. L'affichage public est uniquement en anglais. 

4.1 La langue de l'État

L'anglais est la langue des activités parlementaires, de la rédaction et de la promulgation des lois. Le pays étant membre du Commonwealth, le gouverneur général est le représentant du souverain britannique, mais le pouvoir réel est exercé par le premier ministre, responsable devant le Parlement (House of Assembly). De plus, l'article 25 de la Constitution du 26 juillet 1979 précise que pour pour être élu député ou sénateur il faut être «capable de parler et, à moins d'être aveugle ou handicapé physiquement, de lire l'anglais avec une compétence suffisante pour prendre une part active aux travaux de la Chambre»:

Article 25

Conditions pour être élu député et sénateur

1) Sous réserve des dispositions de l'article 26 de la présente Constitution, quiconque pourra se qualifier pour être élu représentant si et seulement si:

a) il est citoyen du Commonwealth et âgé de vingt-et-un ans ou plus;

b) il a habité à Saint-Vincent pendant douze mois immédiatement avant la date de sa nomination en vue des élections ou y a son domicile et sa résidence à cette date; et

c) il est capable de parler et, à moins d'être aveugle ou handicapé physiquement, de lire l'anglais avec une maîtrise suffisante pour prendre une part active aux travaux de la Chambre.

De là à se demander si parler une autre langue correspond à être aveugle ou handicapé physiquement, il n'y a qu'un pas... Cela signifie au moins que le créole saint-vincentais n'est pas autorisé. 

4.2 Les tribunaux

L'anglais demeure la langue officielle des tribunaux, mais l'usage oral du créole est admis. Les documents écrits et la sentence doivent être en anglais. La Constitution du 26 juillet 1979 prévoit trois articles en ce qui a trait aux arrestations et aux détentions. L'article 3 énonce que quiconque est arrêté ou détenu doit être informé dans une langue qu'il comprend des motifs de son arrestation:

Article 3

Protection du droit à la liberté individuelle

1) Nul ne sera privé de sa liberté individuelle, sauf si la loi l'y autorise comme dans les cas qui suivent.

2) Quiconque est arrêté ou détenu sera, dans un délai raisonnable et en tout cas pas plus tard que vingt quatre heures après une telle arrestation ou détention, informé dans une langue qu'il comprend des motifs de son arrestation ou de sa détention et muni des services acceptables pour les contacts privés et la consultation avec un avocat de son choix et, dans le cas d'un mineur, avec ses parents ou tuteur.

L'article 8 reprend les mêmes dispositions:

Article 8

Dispositions pour garantir la protection de la loi

2) Quiconque est accusé d'un délit:

a. sera présumé innocent avant qu'il ne soit prouvé coupable ou ait plaidé coupable;

b. sera informé, aussitôt qu'il est raisonnable de le faire, dans une langue qu'il comprend et en détail, de la nature de l'accusation portée;

Bien que ce soit quelque peu redondant, il en est ainsi à l'article 15 de la Constitution

Article 15

Protection des personnes retenues sous la loi d'urgence

1) Quiconque est retenu en vertu d'une loi telle que mentionnée à l'article 14 de la présente Constitution est soumis aux dispositions suivantes:

a) après un délai raisonnable et en tout cas pas plus de sept jours après le début de sa détention, toute personne est informée dans une en langue qu'elle comprend et en détail des motifs pour lesquels elle est retenue et muni d'une déclaration écrite en anglais précisant lesdits motifs en détail;

Bien sûr, les procès se déroulent normalement en anglais, mais la présence des interprètes est autorisée lorsqu'un témoin ou un accusé ne comprend pas la langue de la procédure.

4.3 L'éducation

Le système d'éducation publique a été institué à Saint-Vincent en 1849 par la Grande-Bretagne. Les manuels et les leçons présentaient l'histoire et la culture d'un point de vue britannique. Les examens étaient définis et notés en Grande-Bretagne. La langue anglaise était utilisée exclusivement dans les écoles, ce qui créait un problème pour les élèves qui étaient plus à l'aise en créole vincentais. Depuis l'indépendance, des réformes éducatives ont été introduites, mais l'anglais est resté la langue à tous les niveaux d'enseignement. Le gouvernement finance toutes les écoles publiques et prescrit des programmes communs dans tous les établissements d'enseignement. L'instruction primaire et secondaire est gratuite, mais non obligatoire. 

L'article 120 de la Loi sur l'éducation (2005) impose la connaissance de l'anglais à tous les niveaux (maternelle, primaire et secondaire) pour obtenir un poste d'enseignant :

Article 120

1)
Pour un emploi d'enseignant aux niveaux maternel et primaire ou à tous les niveaux d'âge, il faut avoir:

(a) atteint l'âge de dix-huit ans; et

(b) passé au moins quatre matières du GCE* ou du niveau «O» du CXC* dont les matières comprennent l'anglais, une matière scientifique, une matière en sciences sociales et en mathématiques ou toute autre matière acceptée par le Conseil consultatif de l'éducation.

2) Pour un emploi d'enseignant au niveau secondaire, il faut avoir :

(a) atteint l'âge de dix-huit ans; et

(b) réussi au moins cinq matières du GCE* ou du niveau «O» du CXC*, comprenant l'anglais et deux matières du niveau «A» ou leur équivalent.

Le "General Certificate of Education" («Certificat général d'enseignement») ou GCE est un diplôme scolaire sanctionné par un examen au Royaume-Uni et dans quelques pays du Commonwealth. Le "Caribbean Examination Council" («Conseil des examens des Caraïbes») ou CXC accorde un certificat de fin d’études secondaires, dont le programme laisse la possibilité aux élèves de choisir parmi 25 matières (dont l'anglais). Le niveau "O" correspond à "Ordinary Level" («ordinaire») par opposition au niveau «A» ("Advanced Level" pour «avancé»).

L'école primaire connaît quelques problèmes à Saint-Vincent-et-les-Grenadines, car environ 25 % des enfants ne terminent pas leur instruction primaire sous prétexte qu'ils doivent travailler pour aider leur famille. Bien que les écoles fonctionnent toute la journée, il arrive que les enfants qu'on envoie déjeuner chez eux ne reviennent pas à l'école, parce qu'ils ont des corvées à faire. Certaines écoles sont surchargées, plusieurs classes se partageant une grande salle.

Au secondaire, l'anglais continue d'être l'unique langue d'enseignement. Moins de la moitié des enfants du pays fréquentent l'école secondaire. Saint-Vincent compte également un certain nombre d'écoles privées où la scolarité est payante. 

Après l'école secondaire, les étudiants peuvent fréquenter un collège technique, une école d'infirmière ou une école normale d'instituteurs, affiliée à l'Université des Antilles. Les études universitaires se font exclusivement en anglais. Les cours se donnent essentiellement par la University of the West Indies (l'Université des Antilles) fondée en 1948. Il s'agit d'un établissement autonome régional soutenu par 15 États: outre Saint-Vincent-et-les-Grenadines, mentionnons Sainte-Lucie, Anguilla, Antigua et Barbuda, les Bahamas, la Barbade, le Belize, les îles Vierges britanniques, les îles Caïman, la Dominique, la Grenade, la Jamaïque, Montserrat, Saint-Christophe-et-Niévès, le Trinidad et Tobago. L'Université West Indies compte trois campus principaux: soit Mona en Jamaïque, Cave Hill à la Barbade et St. Augustine à Trinidad. On comprendra que, dans ces conditions, règne l'unilinguisme anglais dans les établissements universitaires. Certains étudiants plus fortunés vont étudier à l'étranger, habituellement aux États-Unis, au Canada, à Cuba ou en Grande-Bretagne. Les universités cubaines offrent des bourses aux étudiants saint-vincentais.

4.3 La langue des affaires

On ne compte que quelques lois faisant allusion à la langue anglaise dans le domaine des affaires, ce qui est amplement suffisant pour témoigner de l'importance de cette langue dans ce domaine: la Loi sur les sociétés (1994), la Loi sur les fiducies internationales (1996), la Loi sur les banques internationales (1996), la Loi sur les assurances internationales (modification et consolidation) (1998), la Loi sur la marine (2004) et la Loi sur les sociétés d'affaires internationales (modification et consolidation) (2007).

Ainsi, l'article 345 de la la Loi sur les sociétés (1994) précise que, lorsqu'un document nécessaire doit être présenté au registraire, il doit l'être en anglais ou être accompagné d'une traduction notariée vidimée dudit document :

Article 345

Langue


Quand un document nécessaire pour être déposé en vertu de l'article 344 n'est pas rédigé en anglais, une traduction notariée vidimée de ce document doit être fournie à moins que le registraire ne l'ordonne autrement.

L'article 58 de la Loi sur les fiducies internationales (1996) est beaucoup plus clair à cet égard:

Article 58

Langue et traductions

1)
Tout document déposé auprès du registraire des fiducies et qui n'est pas rédigé en anglais doit être accompagné d'une traduction certifiée conforme en anglais.

2) Un document qui n'est pas rédigé en anglais et n'est pas accompagné d'une traduction certifiée conforme lors de la demande d'enregistrement ne peut pas être accepté par le registraire des fiducies.

3) Aux fins du présent article, une traduction certifiée conforme est une traduction en anglais reconnue comme étant une traduction exacte de la part d'un traducteur répondant aux exigences du registraire des fiducies.

Quant à la Loi sur la marine (2004), elle énonce à l'article 5 que les navires immatriculés à Saint-Vincent-et-les-Grenadines doivent présenter en anglais leurs documents auprès du commissaire ou «accompagnés d'une traduction certifiée conforme, en indiquant le nom du navire, le nom des parties, la quantité totale initiale, la quantité lors du débarquement et la date d'échéance»:

Article 5

Navire de Saint-Vincent-et-les-Grenadines

Un navire est un navire de Saint-Vincent-et-les-Grenadines aux fins de la présente loi, si celui-ci est immatriculé à Saint-Vincent-et-les-Grenadines vertu des présentes dispositions.

3) (d) les documents autorisés, tel que le commissaire peut l'exiger lorsqu'ils lui sont présentés, doivent comprendre, mais sans en être limités à ce qui suit:

(vi) les exemplaires exacts de toutes les hypothèques pertinentes et autres exemplaires doivent être en anglais ou accompagnés d'une traduction certifiée conforme, en indiquant le nom du navire, le nom des parties, la quantité totale initiale, la quantité lors du débarquement et la date d'échéance;

Il en est ainsi dans la Loi sur les sociétés d'affaires internationales (2007).

Article 141

2)
Une requête en vertu du paragraphe 1 doit être faite par dépôt auprès du registraire:

(a) avec le contenu des informations et selon les modalités prescrites;

(b) avec une copie certifiée conforme des frais demandés;

(c) si les frais demandés sont rédigés dans une autre langue que l'anglais, ils doivent être accompagnés d'une traduction certifiée conforme.

Article 157

1)
Toute société constituée en vertu des lois d'une juridiction à l'extérieur de l'État, qui est autorisée en vertu de l'article 156 de poursuivre ses activités en tant que société commerciale internationale peut, après s'être conformée à l'article 156.1, par. a) et b), déposer les documents suivants auprès du registraire:

(a) les statuts de continuation accompagnés d'un exemplaire des statuts et règlements ou leur équivalent doivent être rédigés en anglais ou, s'ils sont dans une autre langue qu'en anglaise, être accompagnés d'une traduction certifiée conforme en anglais;

Pour ce qui est de la Loi sur les banques internationales (1996), l'article 15 mentionne que nul, sauf le titulaire de l'institution bancaire, ne peut employer les mots "bank" («banque»), "financial institution" («institution financière»), "deposit" («dépôt») ou leurs dérivés, que ce soit en anglais ou en toute autre langue, dans le nom, la description ou le titre sous lequel une personne physique ou morale exerce ses activités bancaires internationales dans l'État.

Enfin, l'article 21 de la Loi sur les assurances internationales (1998) ,

Article 21

Emploi des mots «assurance», «indemnité», etc.

1)
Sous réserve des dispositions du paragraphe 1, une personne qui transmet uniquement une police de réassurance à un assureur n'est pas considérée comme exerçant des activités d'assurance dans l'État en vertu de la présente loi ou en vertu des activités de la Loi sur les assurances:

(a) les mots «assurance», «obligation», «indemnité», «garantie», «sélection des risques», «réassurance», «sécurité», «sinistre» ou leurs dérivés en anglais ou en toute autre langue, ou de tout autre mot ou toute autre phrase qui, de l'avis des autorités implique des activités d'assurance;

Ces quelques textes illustrent de l'importance de la langue anglaise dans les affaires commerciales du pays.

4.5 Les médias

Tous les médias écrits (The Daily Herald et Vincentian) paraissent en anglais. La radio et la télévision diffusent surtout en anglais, mais également en créole vincentais. La seule station de télévision de Saint-Vincent est privée et fonctionne sans interférence de la part du gouvernement. Les antennes paraboliques sont très populaires parmi ceux qui peuvent se les permettre et il existe aussi un système de télévision de câblodistribution nord-américain émettant exclusivement en anglais. Par ailleurs, les raisons sociales des compagnies ainsi que tout l'affichage commercial ne sont qu'en anglais. Visuellement, ce petit État qu'est  Saint-Vincent-et-les-Grenadines est bien un pays de langue anglaise.

La politique linguistique de Saint-Vincent-et-les-Grenadines est bel et bien une politique de non-intervention qui consiste à perpétuer les pratiques en vigueur lors du colonialisme britannique. Les affaires publiques se déroulent en anglais, mais le peuple continue de parler son créole vincentais. Peu de tentatives ont été faites afin de promouvoir l'usage du créole au Parlement, dans l'enseignement et dans les médias. À court terme, on ne voit pas comment ce petit pays pourrait changer de politique, laquelle joue en fait sur un certain bilinguisme anglo-créole.  

Dernière révision en date du 03 janv. 2024

Bibliographie

CHAUDENSON, Robert. Les créoles français, Paris Éditions Fernand Nathan, 1979, 173 p.

ENCYCLOPÉDIE DE L'AGORA. Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Ayers'Clift (Québec),
[http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Saint_Vincent_et_les_Grenadines].

GAUTHIER, François, Jacques LECLERC et Jacques MAURAIS. Langues et constitutions, Montréal/Paris, Office de la langue française / Conseil international de la langue française, 1993, 131 p.

MATTHEW, James «R. Education for all in the Carabbean» dans The EFA Assessment 2000 St. Kitts and Nevis, septembre 1999. .

MUÑIZ-ARGÜELLES, Luis. «Les politiques linguistiques des pays latino-américains», Colloque international La diversité culturelle et les politiques linguistiques dans le monde, Québec, Commission des états généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec, 24 et 25 mars 2001.

YACOUB, Joseph. «Les minorités en Amérique latine et aux Caraïbes» dans Les minorités dans le monde, Paris, Desclée de Brouwer, 1998, p. 781-805. 

 

 

 

 

 
 

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