bosnieherzdrap.gif (2206 octets) République de Bosnie-Herzégovine

(4) Les accords de Dayton

Les structures gouvernementales

Remarque: cet article sur les accords de Dayton a été recopié intégralement, sans autorisation, dans d'autres sites, notamment sur Wikipedia. Seule la présente version constitue le texte original. 

1 Une partition en deux États ethniques forts

Les accords de paix de Dayton ont mis fin à la guerre en Bosnie-Herzégovine en novembre 1995 après trois ans d'une guerre intense et cruelle. Ces accords ont été signés à l'époque par le président de la Yougoslavie (Slobodan Milošević), le président de la Croatie (Franjo Tudjman) et le président de la Bosnie-et-Herzégovine (Alija Izetbegovic). Bien que formellement signés à Paris le 14 décembre 1995, ces accords sont passés à l'histoire sous le nom «accords de Dayton», du nom d'une ville américaine située en Ohio près de la base aérienne de Wright-Patterson, là où se sont déroulées les négociations (durant trois semaines) en présence du diplomate américain Richard Holbrooke assisté d'un adjoint, Christopher Hill, sous l'autorité du président des États-Unis, Bill Clinton.

Les accords de Dayton 1995 constituent une sorte de compromis boiteux entre les belligérants bosniaques, serbes et croates. De plus, chacun savait autour de la table de négociation que la guerre en Bosnie avait été planifiée, organisée et réalisée à partir de la Serbie. Pourtant, nul part dans le texte des accords de Dayton, il n’est fait mention de la Serbie qui espérait ainsi faire entériner la partition du pays.

En effet, les accords de Dayton ont eu pour effet d’entériner la partition du pays en deux États ethniquement forts au sein d’un État unitaire faible et presque symbolique avec comme capitale Sarajevo. La république de Bosnie-Herzégovine, c’est-à-dire l’État, fut divisée en deux entités politiques distinctes: la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine et la Republika Srpska (ou République serbe de Bosnie).

Parce que la fédération de Bosnie-Herzégovine regroupe les Croates et les Bosniaques musulmans, elle est aussi appelée «la Fédération» ou encore la «Fédération croato-musulmane». Quant à la Republika Srpska, c’est-à-dire la «République serbe de Bosnie», elle ne compte officiellement que des Serbes orthodoxes, bien que ce ne soit pas le cas. 

En mars 1999, la municipalité de Brčko, située au nord, fut érigée en district autonome par le Tribunal d'arbitrage de l'ONU, ce qui faisait dorénavant trois entités politiques.  On peut comparer la carte de la partition politique de 1995 avec la cantonisation de la FBIH en cliquant ici, s.v.p.  

2 Les institutions centrales de l’État

Les accords de Dayton ont prévu des institutions communes à la Fédération de Bosnie-Herzégovine et à la République serbe de Bosnie. Le pouvoir exécutif de la république de Bosnie-Herzégovine est assuré par une présidence collégiale rotative de trois membres (en alternance: un Bosniaque, un Croate et un Serbe) et un Conseil des ministres chargé de mettre en œuvre les politiques et décisions de la Bosnie-Herzégovine dans les domaines de sa compétence. 

2.1 Le pouvoir législatif

Le système législatif est bicaméral: il est exercé par la Chambre des représentants de 42 membres élus au suffrage universel par chacune des deux entités, en raison de 28 représentants pour la Fédération de Bosnie-Herzégovine et de 14 représentants pour la Republika Sprska. La deuxième chambre, la Chambre des peuples, comprend 15 membres nommés par les Assemblées de chaque entité: deux tiers par la Fédération (cinq Bosniaques et cinq Croates) et un tiers par la Republika Sprska (cinq Serbes). Les Bosniaques, les Croates et les Serbes sont ainsi reconnus en leur qualité de «peuples constituants». Les langues officielles sont le bosniaque, le croate et le serbe.

2.2 Les compétences des institutions centrales

Les institutions centrales sont compétentes pour les Affaires étrangères, le commerce international et les douanes, la politique monétaire, les communications, le financement des opérations publiques et la législation concernant l'immigration et le droit d'asile. Tout ce qui n'est pas explicitement dévolu à l'État central relève des compétences des entités. Cela confère à chacune d'elles des responsabilités considérables telles que la justice, la défense et la police, les finances, la langue, la santé, etc. Sur le plan financier, la Bosnie-Herzégovine dépend entièrement des contributions de chacune des deux entités (de la Fédération, à raison des deux tiers, de la Republika Sprska, à raison d’un tiers). Ce système de gouvernement ressemble beaucoup à celui de l'ancienne Yougoslavie de Tito. Bref, les pouvoirs attribués par les accords de Dayton au gouvernement central installé à Sarajevo sont limités aux affaires étrangères et aux questions intérieures nécessitant une harmonisation telle la monnaie, les communications et les transports.

Enfin, les accords ont prévu la poursuite des criminels de guerre par le Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie, créé en février 1993 par l'ONU, le libre retour des réfugiés et l'organisation d'élections générales, conditions préalables à un rétablissement durable de la paix.

2.3 Un fonctionnement douteux

Toutefois, il faut reconnaître que les institutions centrales, conçues délibérément à des fins intégratrices, ne fonctionnent pas très bien. Leur mise en place a été laborieuse, d’une part, pour des raisons tenant à la localisation par rotation des administrations, d’autre part, en raison de la réticence évidente des Serbes et des Croato-Bosniaques à faire vivre un État imposé par les accords de Dayton et auquel ils ne croient manifestement pas. D’un côté, les Croates et les Bosniaques ne parviennent pas à s’entendre au sein des institutions communes; de l’autre, les Serbes ne songent qu’à consolider l’entité qu’ils ont arrachée à coup de canons.

En fait, la solution des protagonistes serbes, croates et bosniaques aurait été, d’après les déclarations à l'époque des présidents signataires de Croatie (Franjo Tudjman) et de Serbie (Slobodan Milosevic), «le partage de la Bosnie-Herzégovine entre Serbes et Croates, laissant un petit État musulman autour de Sarajevo». D’ailleurs, le président de la Bosnie-Herzégovine (Alija Izetbegovic), écrivait lui-même, dans un essai écrit en 1970 (Déclaration islamique) mais publié en Turquie en 1990, qu'il ne «pouvait y avoir ni paix ni coexistence entre la religion musulmane et les institutions politiques et sociales non islamiques».

2.4 Un protectorat déguisé

Pour toutes ces raisons, la communauté internationale a imposé à la Bosnie-Herzégovine, depuis décembre 1997, un haut représentant civil (alors M. Carlos Westendorp) chargé de prendre des «décisions contraignantes» et des «mesures provisoires». Déjà, ce dernier a imposé des plaques d’immatriculation communes, un passeport unique, une monnaie (le «marka») alignée sur le Deutsch Mark (l'euro, maintenant), une loi sur la citoyenneté, un nouveau drapeau, sans compter les révocations des plusieurs responsables locaux élus. 

Selon les observateurs, la Bosnie-Herzégovine glisse progressivement vers une forme de «protectorat déguisé» qui produit ses effets pervers. En effet, les responsables politiques locaux (serbes, croates et bosniaques) ont de plus en plus tendance à renoncer à trouver des compromis, car ils savent qu’en dernière instance le haut représentant civil tranchera. Dans ces conditions, il demeure peu probable que la Bosnie-Herzégovine survivrait au départ des Occidentaux du pays.

3 Les trois entités politiques

Rappelons que la république de Bosnie-Herzégovine — l’État — compte trois entités politiques distinctes (voir la carte):

1) La fédération de Bosnie-Herzégovine (Federacija Bosne i Hercegovine): elle est divisée en dix cantons et 79 municipalités. Elle regroupe les deux régions historiques que sont la Bosnie et l'Herzégovine. La capitale est Sarajevo.

2) La République serbe de Bosnie ou Republika Srpska (Република Српска/Republika Srpska): c'est une collectivité territoriale autonome au sein de l'État bosnien, dont la capitale est Palé.

3) Le district de Brčko : c'est un territoire à statut neutre et autonome situé au nord du pays, qui appartient à la fois des deux entités précédentes.

Chacune des entités dispose de sa propre constitution, de sa propre police et de ses propres forces armées, et a «le droit d'établir des relations bilatérales spéciales avec les États voisins», ce qui avantage les Croates et les Serbes. Ainsi, en Bosnie, la séparation ethnique demeure la règle. Il faut bien comprendre ces nouvelles structures politiques pour constater à quel point celles-ci jouent un rôle primordial dans l’élaboration des politiques linguistiques.

3.1 La fédération croato-musulmane (FBIH)

La population de la fédération de Bosnie-Herzégovine (FBIH) était estimée approximativement à 2,2 millions d’habitants en 2013, soit 57,2 % du pays. Cette fédération croato-musulmane regroupe le centre du pays et tout le sud-ouest (voir la carte: en rose), soit 51 % du territoire du pays. La Fédération croato-musulmane, créée en mars 1994 par les accords de Washington, est composée de dix cantons (voir la carte) et dotée d'institutions associant des représentants bosniaques et croates. 

La Fédération, qui n'en est pas une, compte une Chambre des représentants (140 membres élus au suffrage universel) et une Chambre des peuples (60 élus auxquels s'ajoutent 60 membres nommés par les neuf assemblées cantonales en raison de 30 Bosniaques et de 30 Croates). Au plan local, les dix cantons disposent chacun d'une assemblée élue au suffrage universel. Enfin, chacune des 40 opstinas — l'équivalent des communes — élit une assemblée municipale.

3.2 La République serbe de Bosnie (Republika Srpska)

La population de la Republika Srpska (ou république de Srpska) était estimée en 2013 à près de 1,5 million d’habitants, soit 39,2 % du pays. Ce territoire serait à 95 % d'origine ethnique serbe et les autres 5 % seraient essentiellement d’origine croate et bosniaque. La Republika Srpska a juridiction dans tout le pourtour nord-ouest et sud-est du pays (voir la carte : en jaune), soit 49 % du territoire de la république de la Bosnie-Herzégovine.

La République serbe a choisi un système monocaméral (une seule chambre), conforme à l'homogénéité de sa population, avec une Assemblée nationale de 140 membres élus au suffrage universel pour deux ans au scrutin proportionnel. Il reste maintenant à voir comment ces structures se refléteront dans les politiques linguistiques. 

3.3 Le district de Brčko

Le district de Brčko (prononcer [beurtch-ko]) possède un statut particulier d'autonome. Après la guerre d'indépendance de la Bosnie-Herzégovine en 1995, le territoire de la municipalité de Brčko dut être divisé entre les deux entités que sont la fédération de Bosnie-Herzégovine et la République serbe de Bosnie, en vertu des accords de Dayton. Toutefois, étant donné la situation stratégique de la municipalité, le territoire devint rapidement une source de conflits. En mars 1999, la municipalité de Brčko qui fut érigée en district. par le Tribunal d'arbitrage de l'ONU.

Selon des chiffres non officiels, la population actuelle du district de Brčko (72 300 hab.) serait composée de 40 % de Serbes, de 39 % de Bosniaques et de 20 % de Croates. C'est pourquoi, le Tribunal d'arbitrage a imposé comme langues officielles le serbe, le croate et le bosniaque.

En mars 1999, le Parlement de Bosnie-Herzégovine a adopté d'importantes modifications constitutionnels concernant le statut du district de Brčko. Ce territoire est dorénavant défini comme une «propriété commune» aux deux entités, la Fédération et la Republika Srpska. Le district de Brčko dispose d'une administration locale autonome, placée sous la souveraineté de l'État de Bosnie-Herzégovine. Ce district bénéficie aussi d'une Assemblée de 29 sièges réparties entre treize Bosniaques, 12 Serbes et quatre Croates. Si un groupe tentait de prendre le district de Brčko par la force, ce serait inévitablement une nouvelle zone de conflit.

L'accord de Dayton, qui établissait la paix en 1995, divisait le pays en deux zones distinctes qui sont devenues un système politique à trois têtes avec le district de Brčko. La Bosnie compte trois présidents, un pour chacune des entités. Cette répartition du territoire est maintenant impossible quasi à renverser parce que tous disposent d'un droit de véto. Par exemple, si les Croates et les Bosniaques souhaitent rejoindre l'Union européenne et l'OTAN, les Serbes s'y opposent. Ces derniers n'ont pas intérêt à changer quoi que ce soit du fait qu'ils ont gagné un territoire avec la guerre. De leur côté, les Croates et les Bosniaques s'opposeraient à subdiviser le pays en trois entités souveraines, tandis que les Serbes s'opposeraient à unifier le pays en ne conservant que le niveau national.

Ces dispositions constitutionnelles sont celles de la république de Bosnie-Herzégovine (l’État central). Elles sont formulées en des termes très généraux de telle sorte que ce sont les constitutions de la fédération de Bosnie-Herzégovine et de la république de Srpska qui, au plan juridico-linguistique, prévalent. Dans le premier cas, le croate et le bosniaque sont les deux langues officielles. Dans le second cas, le serbe reste l’unique langue officielle. Notons enfin que les constitutions cantonales de la Fédération et les statuts des municipalités (ou communes) des deux entités viennent ajouter des dispositions particulières. Pour le moment, les accords de Dayton continuent de s'appliquer intégralement, plus de deux décennies plus tard, comme figés dans le temps. Les dirigeants politiques actuels semblent incapables d'en sortir. Pourtant, des réformes importantes sont nécessaires.

Dernière mise à jour: 16 févr. 2024  

 


Bosnie-Herzégovine

 
(1) Informations générales

(2)
Serbe, croate et bosniaque: trois langues en une
 

(3)
Données historiques
 

(4)
Les accords de Dayton (1995)

(5)
    1. La politique linguistique de la BIH
    2. La politique linguistique de la FBIH
    3. La politique linguistique de la RS
    4. La politique linguistique de B
rčko

(6)
Bibliographie

L'Europe

Accueil: aménagement linguistique dans le monde