République d'Islande

Islande

Lýðveldið Ísland

Capitale: Reykjavik  
Population: 332 000 (2016)
Langue officielle: islandais (de jure
Groupe majoritaire: islandais (91,5 %) 
Groupes minoritaires: communautés immigrantes (polonais, lituanien, allemand, danois, letton, anglais, etc.)
Système politique: république unitaire
Articles constitutionnels (langue): aucune disposition linguistique dans la Constitution de 1944
Lois linguistiques:
Convention linguistique du Conseil nordique (1987); Loi sur le Conseil de la langue islandaise (1990); Loi sur les noms de personne (1996); Règlement sur les tests de langue islandaise pour les personnes demandant la citoyenneté islandaise (2008); Loi sur le statut de la langue islandaise et de la langue des signes islandaise (2011); Règlement sur le Conseil de la langue islandaise (2012);
Lois scolaires:
Loi sur l'enseignement préscolaire (2006); Loi sur l'enseignement obligatoire (2008); Loi sur l'enseignement secondaire supérieur (2008). Règlement sur l'Université de l'Islande (2009).
Lois à portée linguistique:
Loi sur l'extradition des criminels et d'autres formes d'aide en matière de procédure  pénale (1984); Loi sur les hôtels et les restaurants (1985); Code de procédure civile (1991); Loi sur la police (1996); Loi sur les bibliothèques (1997); Loi sur la radiodiffusion (2000); Loi sur les étrangers (2002); Règlement intérieur de la Direction de l'Immigration (2002); Règlement sur les étrangers (2003); Loi sur les contrats d'assurance (2004); Loi sur l'exécution des jugements (2005); Loi sur la surveillance des pratiques commerciales déloyales et la transparence du marché (2005); Loi sur l'Institut Árni Magnússon d'études islandaises (2006);  Loi sur les médias (2011);  Loi sur les bibliothèques (2012); Loi sur le service national islandais de radiodiffusion (2013); Loi sur les ressortissants étrangers n° 80 (2016).
 

1 Situation géographique

Carte : Islande

La république d’Islande constitue une île du nord de l’océan Atlantique située entre le Groenland et l’Écosse en Grande-Bretagne (voir la carte). C’est un pays insulaire de 102 800 km² équivalant à la superficie de Cuba, soit trois fois la superficie de la Belgique (30 527 km²), le cinquième de la France (544 000 km²) ou le quart de la province de Terre-Neuve (402 000 km²) au Canada.

2 Données démolinguistiques

Ce petit pays ne compte que 332 000 habitants, qui parlent pour la grande majorité une langue germanique du Nord (de type scandinave): l’islandais appelé íslenska. L’Islande apparaît comme l’un des pays les plus homogènes au monde parce que sa population parle la même langue dans une proportion de 90 %. Il n’existe pas de minorité nationale dans ce pays, mais depuis quelque dix ou quinze ans on trouve des immigrants en provenance de la Pologne, des pays baltes (Lituanie, Lettonie et Estonie), de l'Allemagne, du Danemark, etc., sans oublier des Américains et des Britanniques, ainsi que des minorités asiatiques (Inde, Philippines et Thaïlande). Ces minorités immigrantes ne sont encore guère nombreuses et représentent, regroupées, moins de 9 %.

2.1 La langue islandaise

La langue islandaise appelée íslenska reste très particulière à plus d’un titre. Il s’agit d’une langue scandinave comme le danois, le norvégien, le suédois et le féroïen, mais si les trois «langues continentales» (danois, suédois et norvégien) demeurent mutuellement intelligibles, il n’en est pas ainsi pour l’islandais. Aucun locuteur de ces trois langues ne comprend ni ne lit l’islandais, alors qu’un Islandais, à la condition de bénéficier d’un peu d’instruction et de culture, comprend et lit toutes les autres langues scandinaves, y compris le féroïen parlé aux îles Féroé. L'islandais possède plus de parenté avec le féroïen et quelques variantes norvégiennes de l'ouest de la Norvège qu'avec le danois et le suédois. Cette situation de parenté s’explique par le fait que toutes ces langues viennent d’une même origine (le vieux-norrois), mais que l’islandais a conservé toutes ses principales caractéristiques quasi intactes depuis le XIIe ou le XIIIe siècle. L'islandais est donc la langue nordique qui a connu le moins de changement, bien que cette langue ait subi des modifications dans la prononciation et dans le vocabulaire afin de s'adapter au monde moderne. L'islandais ressemble encore au vieux norrois des Vikings norvégiens; cet héritage linguistique et littéraire continue évidemment à façonner la culture des gens de ce pays.

Pour un Danois, un Norvégien ou un Suédois, la langue islandaise paraît très archaïsante et ne peut être intelligible qu’après un certain apprentissage assidu. En Islande, n’importe quel enfant peut lire un texte écrit en islandais du XIIe siècle, sans avoir recours à la traduction, ce qui serait impensable, par exemple, pour un Suédois, mais aussi pour un Français,  un Allemand, un Espagnol, etc., lisant un texte ancien dans sa langue. Le tableau qui suit présente des similitudes et des différences entre les langues scandinaves comme le suédois, le danois et le norvégien: 

Islandais Suédois Danois Norvégien Français
skyrta
hanzki
faðir
eiginmaður
hús
dyr
karfa
flaska
blóm
svartur
skjorta
handske
fa(de)r
man
hus
dörr
korg
flaska
blomma
svart
hands
keskjort
fader
mand
hus
dør
kurv
flaske
blomst
sort
skjorte
hanske
far
mann
hus
dør
kurv
flaske
blomst
sort
chemise
gant
père
mari (époux)
maison
porte
panier
bouteille
fleur
noir

De toutes les langues scandinaves, c'est l'islandais qui est la langue la plus différenciée, mais le suédois suit tout de suite après. Les Danois, les Norvégiens et les Suédois se comprennent mutuellement sans trop d'efforts.

[æ] > [aj] dans vitrail
[ö] > [ø] dans feu
[ð] > [θ] dans that (anglais)
[þ] > [θ] dans theater (anglais)
L’islandais est réputé pour être une langue difficile, avec une grande richesse de vocabulaire (peu influencé par les emprunts étrangers) avec ses abondants néologismes locaux, une grammaire assez complexe (trois genres grammaticaux et quatre déclinaisons), un alphabet latin doté de lettres supplémentaires (comme [æ], [ö], [ð] et [þ]), une prononciation particulière par rapport aux langues scandinaves, etc. En somme, l’islandais contemporain est demeuré plus proche de l’ancien langue nordique le vieux-norrois parlé par les premiers Vikings (avant l’an 1000) que les autres langues scandinaves.

En ce sens, cette langue constitue un véritable «musée linguistique vivant» pour les linguistes. En raison de son caractère insulaire, la langue islandaise a conservé de très nombreux archaïsmes d'origine indo-européenne.

Au cours de son histoire, le vocabulaire islandais s'est enrichi d'un grand nombre de mots. Si certains mots anciens ont acquis un nouveau sens supplémentaire, la plupart des mots courants sont identiques encore aujourd'hui : höfuð («tête»), auga («œil»), himinn («ciel»), haf («mer»), þú («tu/toi»), kýr («vache»), gras («herbe»), móðir («mère»), faðir («père»), ganga («marcher»), etc. Évidemment, l'islandais a dû créer de fort nombreux néologismes afin de répondre aux besoins de la terminologie moderne. En général, ces néologismes sont formés à partir de mots ou de parties de mot déjà existants. Un comité linguistique islandais conçoit de nouveaux mots pour protéger la langue plutôt que d'adopter, par exemple, un mot anglais tel quel, comme de nombreuses langues ont tendance à le faire. Le mot «ordinateur» en est un exemple classique. En islandais, c'est le mot "tölvu" qui remplace "computer" et qui se traduit littéralement par «prophétesse des nombres», afin d'incarner ce qu'un ordinateur fait dans leur langue.

Enfin, l'islandais a également puisé dans les autres langues, surtout dans les langues scandinaves comme le danois, le féroïen ou le norvégien et, depuis quelques décennies, en anglais. Cependant, même s'ils sont empruntés à d'autres langues, les nouveaux mots sont tous islandisés, donc adaptés grammaticalement et phonétiquement, sans exception.  En voici quelques exemples tirés du danois (tableau de gauche), une langue proche de l'islandais, et de l'anglais (tableau de droite):

Mots empruntés Langue de départ: le danois Équivalent français
ananas ananas ananas
bakka bakke reculer
banana banan banane
banque banke banque
bifur bœver castor
bransi branche secteur, branche
dómpápi dompap bouvreuil (chien)
fenómen fœnomen phénomène
fosfor forsfor phosphore
franska fransk français
grúbba gruppe groupe
hótel hotel hôtel
inséniör ingeniør ingénieur
kapari kaper corsaire
karamella karamel caramel
klósett kloset toilettes
lukt lygte lanterne
motta måtte tapis, natte
negri neger noir
órans orange orange
prófessor professor professeur
redda redde rouge
sandali sandal sandale
Mots empruntés Langue de départ: l'anglais Équivalent français
blogg blog blog
böggur bug bogue
bræt bright brillant, intelligent
disketta diskette disquette
djók joke blague
fokking fucking putain
golf golf golf
hönk hank bobine, boucle
internet internet Internet
kommon come on allez!
leysir laser laser
líter liter litre
lúkk look look, style
ómægod O my God O mon Dieu
poppkorn popcorn maïs soufflé
rabítur rabbit lapin
róbot robot robot
sexí sexy sexy
tissjú tissue tissu

Bien sûr, l'islandais ne fait pas exception, car il a emprunté aussi depuis ces dernières décennies de nombreux mots à l'anglais.

 

L'islandais a aussi emprunté un certain nombre de mots à la langue allemande:

Mots empruntés Langue de départ: l'allemand Équivalent français
akút akut urgent
frakki Frack manteau
hefti Heft manche, poignée
korkut Kork liège
krassa kratzen gratter
mortél Mörtel mortier
orgel Orgel orgue
pukk Poch jeu de cartes
saft Saft jus de fruit

On l'oublie parfois, mais l'islandais a emprunté de nombreux mots au français:

Mots empruntés au français Mots d'origine Mots empruntés au français Mots d'origine
ball bal, danse kassetta cassette
bransi branche, secteur klóróform chloroforme
bravó bravo! kúskús couscous
diskótek discothèque lítri litre
estragon estragon milljarður milliardaire
gas gaz metan méthane
granít granit rampur rampe
hektari hectare strumpur schtroumpf
kaloría calorie tambúrína tambourin

Par ailleurs, l’Islande est un pays pratiquement dépourvu de variantes locales. Ce phénomène est courant lorsqu'un pays est vaste avec une population dispersée qui se divise en plusieurs zones correspondant à des variantes régionales. Étant donné que l'Islande est un pays plutôt petit, la fragmentation dialectale n'a pu se faire.

2.2 Les immigrants et les étrangers

Depuis plus d'une décennie, l'homogénéité linguistique qui existait depuis un millénaire est érodée par l'immigration. Parmi les ressortissants étrangers vivant actuellement en Islande, à l'exclusion du personnel militaire américain, les groupes les plus nombreux sont composés des citoyens des pays suivants : Pologne (3 %), Lituanie (0,5 %), Allemagne (0,2 %), Danemark (0,2 %), Lettonie (0,2 %), Inde (0,1 %), Royaume-Uni (0,1 %), Philippines (0,1 %), Thaïlande (0,1 %), etc. 

Ethnie Population Pourcentage Langue Religion
Islandais 304 000 91,5 % islandais chrétienne
Polonais   10 000 3,0 % polonais chrétienne
Lituaniens    1 700 0,5 % lituanien chrétienne
Allemands       900 0,2 % allemand chrétienne
Danois      900 0,2 % danois chrétienne
Lettons      700 0,2 % letton chrétienne
Américains      600 0,1 % anglais chrétienne
Asiatiques du Sud      600 0,1 % hindi hindouisme
Britanniques         600 0,1 % anglais chrétienne
Philippins      600 0,1 % filipino (tagalog) chrétienne
Thaïs      500 0,1 % thaï bouddhisme
Autres 11 000 3,3 % -

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TOTAL 332 000 100 %

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Les ressortissants parlant anglais sont principalement des soldats américains et britanniques. L'Islande ne possède pas d'armée; c'est pourquoi la défense de ce pays est assurée par les États-Unis, mais également par des accords avec le Royaume-Uni, la Norvège, le Danemark et d'autres membres de l'OTAN.

Le nombre de locuteurs dont la langue maternelle est l'anglais ne semble pas très important, soit environ 1200 personnes, mais la plupart des immigrants parlent aussi l'anglais comme langue seconde. En principe, les immigrants parlent leur langue maternelle, et beaucoup d'entre eux ne parlent pas l'islandais; ils ont alors recours à l’anglais pour pouvoir communiquer avec les Islandais et les autres immigrants étrangers. L'anglais joue donc le rôle d'une langue véhiculaire en Islande, mais c’est aussi une langue qui est souvent utilisée à la radio et à télévision islandaise (cf. le cinéma et les spectacles américains ou britanniques), dans les bibliothèques (cf.  les livres et magazines en anglais qui ne sont pas traduits en islandais) ainsi que dans les cours offerts dans les universités. Bref, d'une façon ou d'une autre, le peuple islandais est soumis à l'influence de l’anglais.

2.3 Les religions

La grande majorité de la population, c'est-à-dire une proportion de pratique de 90 %, appartient à l’Église luthérienne, tandis qu’environ 1 % observe les préceptes de l'Église catholique romaine. Bien que les premiers colons islandais aient été d’origine païenne, l’Islande a été convertie au christianisme par des moines irlandais vers l’an 1000 de notre ère par une décision parlementaire. Toutefois, le XVIe siècle a entraîné une rupture lorsque le luthérianisme a été introduit. Aujourd'hui, il subsiste de petites communautés païennes, bouddhistes, baha'ie et musulmanes reconnues officiellement par l'État. Au total, on compterait plus de 40 Églises reconnues, alors que chacune d'elles reçoit une redevance.

3 Données historiques

L’île d’Islande fut d’abord découverte au VIIIe siècle par les Irlandais (ce sont bel et bien les Irlandais!). Cependant, l'île fut exploitée et colonisée par les Vikings norvégiens en 874. La région de Reykjavik se peupla rapidement et les insulaires fondèrent un nouveau pays à eu près achevé aux environs de 930, lorsque la quasi-totalité des terres arables fut exploitée.

Le Parlement, appelé l’Althing, fut créé en 970 pour réglementer ce qui était devenu la «première république du monde», qui comptait environ quelque 20 000 habitants. Comme ces premiers arrivants provenaient en majorité du sud-ouest de la Norvège (Vestfold, Agder, Trøndelag), les autres étant des Vikings ayant émigré dans les îles britanniques, c'est cette variante de l’ancien nordique, devenue plus tard l'islandais, qui s'est imposée dans l’île comme langue véhiculaire.

3.1 Le vieux norrois occidental

Le livre de droit islandais, le Grágás (en français: «Lois de l'oie grise») du XIIe siècle déclarait que les Islandais, les Suédois, les Danois et les Norvégiens parlaient tous la même langue, appelée "dönsk tunga" ou «langue danoise»; on l'appelait aussi "norrænt mál", la «langue du Nord». Le vieil islandais et le vieux norvégien étaient étroitement liés et formaient ensemble ce qu'on appelait le vieux norrois occidental. Les colons parlaient également ce vieux norrois au Groenland, dans les îles Féroé, en Irlande, en Écosse, sur l'île de Man, dans le nord-ouest de l'Angleterre et en Normandie. Quant au vieux norrois oriental, il était parlé au Danemark, en Suède, dans la Russie kiévienne, dans l'est de l'Angleterre et dans les colonies danoises de Normandie. Bref, le vieux norrois était l'une des langues européennes parmi les plus parlées au XIe siècle, s'étendant du Vinland à l'ouest jusqu'à la Volga à l'est. C'est dans la Russie kiévienne, à Veliky Novgorod, qu'il a survécu le plus longtemps, probablement jusqu'au XIIIe siècle.

Les grammaires islandaises et féroïennes sont celles qui ont le moins changé par rapport au vieux norrois au cours des mille dernières années. En revanche, les prononciations islandaise et féroïenne ont considérablement évolué par rapport au vieux norrois. La culture féroïenne a été influencée par la domination danoise sur les îles Féroé.

En l’absence de toute monarchie, le Parlement islandais promulguait les lois en islandais et servait également de cour de justice. L’État a su se maintenir durant trois cents ans et colonisa en partie le Groenland avec Erik le Rouge en 984, un Viking originaire d'Islande, qui installa des colonies vikings sur la côte est, tout le long de deux fjords, là où il était possible de pratiquer l'élevage bovin. Dès les premières décennies, 80 % des forêts d'origine disparurent pour faire lace à des pâturages ou pour en faire du bois de chauffage, du bois de construction ou du charbon de bois. 

Les Islandais s’organisèrent en une société hautement originale et élaborèrent une littérature exceptionnelle, dès qu'ils eurent adopté l'écriture latine qu'amena l'Église catholique à partir de l'an 1000. En effet, l’Islande est restée célèbre pour ses sagas des Xe et XIe siècles, des récits en prose rédigés dans la langue vernaculaire de l’époque. L’écrivain Snorri Sturlusson (1179-1241) est l’auteur le plus connu. Il a notamment écrit Heimskringla, un récit qui relate les aventures des rois de Norvège et l’Edda (poèmes héroïques). De plus, les nombreux contes et légendes mettant en scène des histoires de revenants, d'elfes et de trolls font également partie intégrante de la culture islandaise. Issu de l’ancien nordique et isolé par son caractère insulaire, l’islandais n’a que très peu évolué comparativement au norvégien par exemple, qui a connu son lot de bouleversements linguistiques.

L'islandais moderne s'écrit en utilisant le système d'écriture phonémique du vieux norrois. Les locuteurs islandais modernes peuvent lire le vieux norrois, qui diffère légèrement par l'orthographe, la sémantique et l'ordre des mots. Cependant, la prononciation islandaise, en particulier des phonèmes vocaliques, a changé au moins autant que les autres langues germaniques du Nord.

3.1 La domination danoise

En 1262, l’Islande fut occupée par les Norvégiens, mais en raison de la distance géographique elle resta relativement autonome. Les Islandais crurent qu'un roi éloigné, celui de la Norvège, était moins dangereux et qu'il leur accorderait davantage d'autonomie. Mais cette occupation norvégienne, qui s’étendit jusqu’en 1397, fut une période de décadence pour l’Islande jusqu’à ce que le royaume de Norvège tombât sous la tutelle de la couronne danoise en 1397, lors de l’union de Kalmar. Ayant pourtant la même origine, le norvégien et l’islandais étaient alors devenus des langues distinctes.

Avec l’Union de Kalmar, la Norvège apportait ses vastes possessions du nord de l’Atlantique, c’est-à-dire l’Islande, mais aussi les îles Féroé et le Groenland.

En fait, l’union de Kalmar réalisait sous un seul royaume l'unification du Danemark, de la Suède et de la Norvège et prévoyait que les trois pays (dont l’Islande faisait partie) seraient gouvernés par un roi danois. La reine Margrethe Ire, régente du Danemark, de la Norvège et de la Suède, fit couronner, en juin 1397, à Kalmar, son neveu Erik de Poméranie, comme roi de l’Union. Ce dernier ne gouverna personnellement qu’à partir de 1412, et il mécontenta rapidement les Suédois qui se révoltèrent en 1434. L’Union avec la Suède prit fin en 1521-1523, lorsque Gustave Eriksson chassa les Danois et se fit reconnaître roi de Suède. Mais l’Union avec la Norvège dura jusqu'en 1814. Pendant ce temps, soit entre 1402 et 1404, une épidémie de peste noire décima les deux tiers de la population islandaise. D’ailleurs, au cours de l’histoire, les calamités naturelles ont plusieurs fois décimé la population. Pendant une dizaine de siècles, celle-ci n'a jamais dépassé les quelque 70 000 habitants.

3.2 La sauvegarde de la langue islandaise

Durant toute cette période, qui s’étendit de 1397 à 1814, les Islandais continuèrent d’utiliser leur langue dans la vie de tous les jours, d’autant plus que les communications avec le Danemark demeuraient rares. Alors qu’il restait figé dans ses fonctions orales, l’islandais fut remplacé par le danois dans ses fonctions écrites. C’est aussi au cours du Moyen Âge que s’élabora une littérature qui s’est perpétuée jusqu’à nos jours. Il s’agit non seulement d’une littérature dite savante composée de romans de cour et de chevalerie, mais aussi de créations issues de l'historiographie classique et de l'hagiographie médiévale rédigées à l’origine en latin, mais que les écrivains islandais ont repris dans leur langue vernaculaire. Ces écrits extrêmement originaux et très précieux ont été qualifiés de «sagas». C’est pourquoi certains ont pu dire que l’Islande était devenue le «conservatoire des antiquités scandinaves». N’oublions pas que toute cette littérature a été rédigée en islandais, c’est-à-dire dans une langue farouchement maintenue dans son intégrité, et ce, malgré les Danois qui cherchèrent par tous les moyens à imposer leur danois.

En 1530, les Danois introduisirent ou plutôt imposèrent la religion luthérienne dans l’île, ce qui laissait sous-entendre aussi une plus grande domination de la langue danoise. Les Islandais tentèrent bien de s’opposer à la religion danoise, mais ils finirent par délaisser le catholicisme, sans abandonner leur langue. Contre toute attente, la langue islandaise s’est conservée intacte et n’a pratiquement subi aucune influence danoise, l’isolement géographique et une tradition littéraire fortement ancrée ont sans doute été les garants de la «pureté» de sa forme, tout en étant assortie d’une grande créativité sur le plan lexical. Cependant, il s’agit là de la langue écrite et de la grammaire, car en ce qui a trait à la prononciation le système a considérablement changé depuis le temps du nordique commun (vieux-norrois). Par la suite, les Danois imposèrent un monopole commercial qui fit perdre toute autonomie économique aux Islandais.

Au XVIIIe siècle, l’Islande fut victime d’épidémies, d’éruptions volcaniques, de famines et d’une grave crise économique provoquée par la «Compagnie danoise d’Islande», qui avait monopolisé le commerce. En raison des contraintes imposées par le Danemark, l’Islande dut restreindre ses relations économiques avec les îles britanniques et les États germaniques. C'est à cette époque qu'un véritable mouvement pour la protection de la langue islandaise a débuté du fait que les Islandais considéraient que leur langue ancestrale était menacée par l'influence danoise; ils développèrent leur politique linguistique.

En 1814, l'Union entre le Danemark et la Norvège fut abolie, et les deux États devinrent indépendants. Le statut politique de l’Islande se transforma avec le rétablissement de l’assemblée islandaise, l’Althing, mais celle-ci n’obtint qu’un contrôle partiel sur ses finances publiques. L’autonomie politique interne ne survint qu’en 1904; elle fut même «complétée» par une loi d’Union avec le Danemark en 1918, le roi du Danemark conservant son titre de roi d’Islande. 

Jusqu’à cette époque, il n’y eut jamais d’écoles où l’on enseignait en islandais, bien que tous les enfants savaient lire et écrire en cette langue. Seul le danois était enseigné, l’islandais étant réservé à la maison; tous les parents apprenaient à leurs enfants à lire et à écrire en islandais. L’école primaire ne fut obligatoire qu’en 1913.

Le plus surprenant, c’est que le pays a produit de nombreux écrivains de renom, dont Jonas Hallgrimsson (1807-1845), Jon Thoroddsen (1819-1868), Johan Sigurjonson (1880-1919), Steinn Steinarr (1908-1958), Gunnar Gunnarsson (1889-1974) et surtout le grand Halldór Laxness, qui remporta le prix Nobel de la littérature en 1955. Laxness modifia l’orthographe, recourut à des mots familiers, inventa des termes nouveaux et utilisa même des mots étrangers. Il écrivit plus d’une quarantaine d’œuvres (recueil de nouvelles et de poèmes, romans, pièces de théâtre, etc.) et fut traduit en une trentaine de langues.

3.3 Les invasions allemande et américaine

Lors de la Seconde Guerre mondiale, le Danemark, lui-même envahi par l’armée allemande, dut laisser tomber l’Islande en 1940. Les nazis du Troisième Reich popularisèrent la littérature islandaise. Ils y voyaient un héritage de la grande culture germanique. Les héros germaniques comme Siegfried luttant contre le dragon étaient systématiquement mis à l’honneur. Le problème, c’est que beaucoup de ces héros romantiques prétendument «germaniques» avaient leur origine dans la tradition islandaise; même Richard Wagner, dans ses célèbres drames épiques, avait puisé son inspiration dans les récits de la littérature islandaise.

Puis le pays connut alors une nouvelle invasion: celle des Américains. En effet, alors qu’en 1940 l’Islande n’était peuplée que de 126 000 habitants, quelque 50 000 soldats américains débarquèrent sur l’île afin de combattre les forces hitlériennes. La présence massive de l’armée américaine allait changer la face du pays en provoquant un exode rural en direction des villes et des villages côtiers, dont une grande partie vers Reykjavik, la capitale, et en développant l’économie en fonction des intérêts des États-Unis. De plus, alors que l’Islande était dépourvue de station de télévision, l’arrivée de la télévision américaine bouleversa les habitudes linguistiques des habitants de l’île. Pendant quelques années, cette station de télévision américaine renvoya de l’Islande une image très primitive: des pauvres «boys» (américains) qui devaient s’exiler dans une horrible et lointaine contrée dont la population parlait un «dialecte» scandinave moyenâgeux et incompréhensible. Durant «l’occupation américaine», l’anglais remplaça le danois dans les fonctions officielles, mais les «autochtones» continuèrent de parler leur «dialecte».

- L'indépendance de l'Islande

La loi d’Union de 1918 était sujette à une révision après vingt-cinq ans et elle prévoyait y mettre fin en respectant des conditions très précises. La loi exigeait notamment une majorité d'au moins des trois quarts des votes valides exprimés. Le Parlement islandais organisa en 1944 un référendum sur l’indépendance. La question soumise aux Islandais était portait sur le sujet suivant: «L'Althing prend la résolution de déclarer que la loi d’Union du Danemark et de l'Islande de 1918 est annulée.» Le seuil des trois quarts fut largement dépassé: le OUI obtint 98,6 % des votes exprimés. L’Islande retrouva son indépendance officielle, le 17 juin 1944, puisque les résultats du référendum ne laissaient aucun doute à ce sujet. Alors que prenait fin la massive occupation américaine, la nouvelle république d’Islande ne proclama pas dans la Constitution la langue islandaise comme la langue officielle du pays. En réalité, les Islandais n’étaient pas prêts à utiliser l’islandais à des fins officielles parce que cette langue n’avait jamais été utilisée pour ces fonctions.

- La résistance des Islandais

À la fin de la guerre, et contrairement à leurs engagements, les États-Unis ne retirèrent pas leurs forces armées. De plus, le gouvernement américain exigea la présence des bases militaires de façon permanente dans le pays. Devant la réaction négative des Islandais, un compromis fut trouvé en 1946: il autorisait un contrôle américain de l'aéroport de Keflavík pendant six ans et demi. En 1951, les États-Unis obtinrent l'autorisation de l'Islande de stationner des troupes sur son territoire, dans le cadre de l'OTAN. Or, cette présence américaine, ininterrompue depuis 1941, a été un grand sujet de division pour plus d'une génération d'Islandais. La première diffusion d’une émission télévisée en islandais a eu lieu en 1966. Dans l’état actuelle des choses, on comprendra que les Islandais parlent presque tous l’anglais et... le danois.

Aux termes d'un accord signé en 1994 avec Washington, il ne subsiste actuellement du gigantesque dispositif de la Seconde Guerre mondiale que la base de Keflavík et quelque 2800 soldats américains, qui assurent la défense de l'île et certaines missions dans le cadre de l'OTAN. Il faut rappeler que l'Islande n'a pas d'armée, seulement 200 garde-côtes qui surveillent les eaux territoriales. La présence américaine, affaiblie, semble désormais acceptée par la majorité de la population. Il est remarquable que la petite langue islandaise ait toujours réussi à se protéger de l’influence américain, ce qui n’est guère le cas des langues comme le norvégien, le suédois ou le danois. Ce n’est pas pour rien que tous les films étrangers doivent être sous-titrés en islandais. Néanmoins, certaines formations de gauche, dont la principale, l'Alliance du peuple, continuent de réclamer la fermeture de la base de Keflavík et du retrait islandais de l'OTAN.

3.4 Le recours à la législation linguistique

Afin de contrer l'influence grandissante de l'anglais, les autorités islandaises ont décidé de recourir à des lois et des règlements d'ordre linguistique. Ce n'est qu'en 2011 que l'Althingi, le Parlement islandais, s'est décidé à adopter une loi pour rendre l'islandais langue officielle de la République: ce fut la loi n° 61 du 7 juin 2011, c'est-à-dire la Loi sur le statut de la langue islandaise et de la langue des signes islandaise. Plusieurs autres lois ponctuelles ont aussi été adoptées concernant l'emploi de la langue islandaise. 

Depuis 1995, le 16 novembre a été choisi comme «Jour de la langue islandaise» (islandais : dagur íslenskrar tungue); chaque année, le ministre de l'Éducation et de la Culture remet le prix Jónas Hallgrímsson à un citoyen islandais qui a contribué d'une certaine façon au développement de sa langue. Jónas Hallgrímsson est un grand poète islandais qui a combattu pour protéger la langue islandaise de l'influence danoise au XIXe siècle. La date fut choisie pour coïncider avec l'anniversaire de naissance du poète Islandais Jónas Hallgrímsson, né le 16 novembre 1807 à Hraun (Islande) et décédé le 26 mai 1845 à Copenhague (Danemark).

4 Une politique linguistique volontariste

Lors de l’indépendance en 1944, les Islandais se retrouvèrent libres pour la première fois d’utiliser leur langue nationale à des fins officielles. Mais ce fut l’affaire de plusieurs années. Il fallut instituer des commissions de terminologie destinées à moderniser l’islandais resté à l’époque du Moyen Âge, du moins en ce qui a trait aux domaines scientifiques et techniques.

La politique linguistique de l'Islande comporte deux aspects principaux: d’une part, le code linguistique lui-même, c'est-à-dire la langue islandaise, d'autre part, son rôle dans la société islandaise qui ne compte que 300 000 locuteurs.

4.1 L'intervention sur l'orthographe et la grammaire

Les différents gouvernements islandais ont toujours obligé les établissements d’enseignement à enseigner les nouveaux mots et aux journalistes œuvrant dans les médias à les employer. Il faut savoir qu’en Islande les terminologues du gouvernement travaillent à plein temps pour créer des mots islandais et éviter les emprunts au danois et, désormais, à l’anglais. L’objectif du Conseil de la langue islandaise est très clair: assurer l’islandisation de l'orthographe et du vocabulaire, que ce soit dans les écoles, les usines ou les médias. L'article 6 de la Loi sur le statut de la langue islandaise et de la langue des signes islandaise (2011) précise ce qui suit sur l'orthographe islandaise:

Article 6

Le Conseil de la langue islandaise

2) Le rôle du Conseil de la langue islandaise est d'offrir des avis aux autorités gouvernementales sur des questions relatives à la langue islandaise sur une base scolaire, de faire des propositions au Ministre en matière de politique linguistique et de faire des évaluations annuelles sur l'état de la langue islandaise. Le Comité peut prendre l'initiative d'attirer l'attention sur ce qui est positif et aussi sur les éléments où il est possible d'améliorer l'emploi de l'islandais dans la sphère publique.

3) Le Conseil de la langue islandaise établit les règles sur l'orthographe islandaise qui s'appliquent, par exemple, dans l'enseignement de l'orthographe dans les écoles; celles-ci sont émises livrés par le Ministre. Des modifications fondamentales apportées aux règles d'orthographe sont soumises à l'approbation du Ministre.

4) Le bureau du Conseil de la langue islandaise se trouve à l'Institut Árni Magnússon pour les études islandaises.

L'article 5 du Règlement sur le Conseil de la langue islandaise (2012) reprend les mêmes dispositions:

Article 5

Le rôle du Conseil de la langue islandaise est d'offrir des avis au gouvernement sur les questions concernant l'Islande sur une base scolaire et en présentant un rapport annuel sur l'état de la langue islandaise. S'il est nécessaire, ces avis peuvent être accompagnés de propositions d'amendements du Conseil de la langue islandaise concernant
la politique de la langue islandaise. Le Conseil peut prendre l'initiative d'attirer l'attention sur ce qui est positif et aussi sur les éléments où il est possible d'améliorer l'emploi de l'islandais dans la sphère publique. Le Conseil de la langue islandaise fixe les règles sur l'orthographe islandaise qui s'appliquent dans l'enseignement de l'orthographe dans les écoles et qui sont émises par le Ministre. Les modifications fondamentales apportées aux règles d'orthographe doivent être soumises à l'approbation du Ministre.

L'Islande s'est aussi dotée d'un autre organisme, l'Institut Árni Magnússon d'études islandaises (Stofnun Árna Magnússonar). L'article 3 de la Loi sur l'Institut Árni Magnússon d'études islandaises (2006) a comme rôle d'entreprendre des recherches dans le domaine des études islandaises et dans les domaines d'apprentissage connexes, en particulier dans le domaine de la langue et de la littérature islandaises, et de diffuser les connaissances dans ces domaines, de préserver et de renforcer les collections qui lui ont été confiées:
 

Article 3

Le rôle de l'Institut Árni Magnússon d'études islandaises est d'entreprendre des recherches en études islandaises et dans les disciplines connexes, en particulier dans le domaine de la langue et de la littérature islandaises, de diffuser la connaissance de ces études, et de préserver et de renforcer les collections qui lui sont confiées ou qui lui appartiennent. Le rôle de l'Institut est principalement :

a) de collecter des données originales dans son domaine d'études et les conserver, de recueillir du matériel ethnographique et des sources sur le vocabulaire et les noms islandais, et de rendre ces données accessibles aux universitaires et au grand public;

b) de rechercher des manuscrits, des collections ethnographiques et d'autres sources sur la langue, la littérature et l'histoire islandaises, de mener des recherches et des projets sur la lexicologie et l'onomastique dans le domaine de la technologie linguistique;

c) de favoriser une meilleure connaissance de la langue islandaise, son renforcement et sa préservation sous sa forme orale et écrite, et fournir des conseils et des orientations sur des sujets linguistiques sur une base théorique, y compris la terminologie et les néologismes;

d) de renforcer la coopération dans les domaines d'études de l'institut à l'échelle nationale et internationale, et accroître la connaissance des études islandaises auprès du grand public et de la communauté universitaire internationale, et de participer à la coopération sur l'enseignement de l'islandais et des études islandaises à l'étranger;

e) de publier des ouvrages savants, des textes basés sur des manuscrits, du matériel ethnographique, des dictionnaires et des livres de noms.

 
À cette époque, on appelait la langue de l'île "norrœnt mál", c'est-à-dire «langue nordique» ou encore "dǫnsk tunga",  «langue danoise».

4.2 L'intervention sur le vocabulaire

La politique linguistique islandaise comporte deux principaux volets : d’une part, la préservation continue du système grammatical, d’autre part, le développement de la langue, notamment pour aider à maintenir son vocabulaire au courant des nouvelles situations et à assurer l’usage de l’islandais dans le plus grand nombre de domaines possible.

L'article 11 de la Loi sur le statut de la langue islandaise et de la langue des signes islandaise déclare que les autorités gouvernementales doivent prendre des mesures pour obtenir des services professionnels, techniques et scientifiques, et ce, dans le but d'islandiser le vocabulaire:
 

Article 11

Vocabulaire professionnel, technique et scientifique en islandais

Les autorités gouvernementales doivent prendre des mesures pour avoir obtenir des services professionnels, techniques et scientifiques en vue d'élaborer un vocabulaire islandais qui soit accessible à tous et utilisé aussi largement que possible.

Cette pratique d'islandisation existe depuis le XVIIIe siècle. En effet, une «ordonnance linguistique» édictée à cette époque interdisait l'intégration de mots étrangers, de sorte que, par exemple, au lieu d'adopter les termes techniques et scientifiques internationaux — bien souvent d’origine gréco-latine —, les terminologues de l’époque formaient des mots composés à partir des souches islandaises, réutilisaient d'anciens mots tombés en désuétude ou encore créaient des néologismes à partir de vieilles racines de la langue.

Les Islandais se sont fixé pour objectif de pouvoir parler et écrire sur tous les sujets dans leur langue maternelle, car le statut de l’islandais, comme langue nationale, exige qu’il soit possible de l’employer dans tous les domaines. De nouveaux mots sont continuellement formés pour suivre le rythme des développements de la technologie et des sciences. À cet effet, le gouvernement islandais lance périodiquement des campagnes sur les technologies linguistiques afin d’encourager le développement de logiciels et d’équipements permettant l’emploi de l’islandais dans les équipements informatiques et les appareils contrôlés par ordinateur. C’est ainsi qu’une commission de terminologie a proposé l’ancien terme simi signifiant «lien» ou «messager» et qui est désormais utilisé par tous pour désigner le téléphone. Pour former le mot servant à désigner l’ordinateur, on associe völva («sorcière» dans un sens positif) et le préfixe t- (qui rappelle le calcul) pour inventer le terme tölva («ordinateur»). L’islandais a recours aussi à sími pour «téléphone», símbréf pour «fax», hugbúnaður pour «logiciel», vélbúnaður pour  «matériel» (hardware), etc.

Cette politique linguistique fait l’objet d’un accord général en Islande, car le fondement de la culture de la langue islandaise est d’intérêt public. Beaucoup d'Islandais tentent de créer de nouveaux mots islandais, mais cette activité personnelle n’est pas reliée aux institutions ou aux décisions gouvernementales. Le Conseil de la langue islandaise, par exemple, fournit principalement des conseils et diffuse des informations sur l’usage des langues et les néologismes, mais ce n’est pas du tout la coutume en Islande que le gouvernement fasse produire des mots que le public est ensuite obligé d’employer.

Bien que l’islandais compte un grand nombre de mots empruntés à d'autres langues, ceux-ci sont généralement islandisés, c'est-à-dire qu'ils sont adaptés à la prononciation, à l’orthographe et au système de déclinaison islandais. Le mot bíll («voiture») vient du danois "bil", banani («banane») vient du portugais, kaffi («café») vient du turc, tóbak («tabac») vient de l'espagnol, etc. De nombreux mots ont été empruntés à l'anglais, puis adaptés phonétiquement à l'islandais : sjarmör (< charmer: «magicien»), sjoppa (< shop: «boutique»), hönk (< hunk: «beau mec»), beib (< babe: «naïf»), kúl (< cool: «sympa», «super»), næs (< nice: «gentil», «agréable»), töff (< tough: «dur», «difficile»), kar (< car: «auto», «voiture»), klóna (< clone: «clone»), viskí (< whiskey: «whisky»).

4.3 Le Conseil de la langue islandaise

En Islande, le Conseil de la langue islandaise ("Íslensk málnefnd") détient un rôle de conseil et d’information sur le bon usage de la langue, notamment en matière de néologismes. Bien que les mots nouveaux ne soient pas imposés au public, ces mots sont généralement fort bien acceptés par les Islandais. Le système fonctionne à un point tel que les médias attendent patiemment les nouveaux mots au fur et à mesure où ils sont proposés par les terminologues et qu’ils paraissent; les journalistes évitent, entre-temps, d’employer des anglicismes. Selon certaines sources, il s’agit presque d’une «religion» au sein de la population islandaise.

D’ailleurs, dans ce pays, les terminologues sont considérés comme des «sages» veillant à la pureté de la langue, et non comme des fonctionnaires «bornés» campés sur leurs positions. Dans les faits, les terminologues islandais doivent veiller à ce que le lexique soit toujours suffisant pour rendre compte des réalités nouvelles. Il s'agit d'une attitude conservatrice qui doit s'adapter à l'évolution de la langue de sorte qu'elle puisse être utilisée dans la plupart des domaines de la vie moderne. Bref, on forge constamment des mots nouveaux pour suivre les développements technologiques et scientifiques. En ce sens, l'Islandais est à la fois une langue ancienne et moderne.

Cette attitude axée à la fois sur le purisme et la nouveauté s'explique par la longue histoire particulière des Islandais parce qu'elle est liée à la fragilité de leur environnement. Après les premières décennies de leur histoire, qui s'est révélée plutôt médiocre, les Islandais ont bien tenté d'améliorer leur situation, mais les changements ont généralement tourné à la catastrophe. D'ailleurs, les gouvernements danois, qui ont dirigé l'Islande après 1397, se sont toujours heurtés aux réticences de la population locale, dès qu'ils voulurent apporter de nouvelles solutions aux problèmes des insulaires. Les traces de ces catastrophes passées sont restées visibles sous la forme de paysages lunaires, d'anciennes fermes abandonnées et de vastes zones érodées. De toutes ces expériences, les Islandais ont fini par conclure que la meilleure façon de procéder était de ne rien modifier afin d'assurer leur survie. Ils ont agi de la même manière avec leur langue: le conservatisme. Ce pays, qui fut jadis le plus pauvre de l'Europe, est devenu aujourd'hui l'un des pays les plus riches au monde, du moins en termes de revenu par habitant. En ce sens, l'Islande est une belle histoire de réussite.   

4.4 Les noms de personne

Les étrangers qui viennent résider en Islande peuvent être surpris de la complexité des noms de personne en islandais (patronymes). Jusqu'à récemment, il était de coutume d'attribuer au premier né le prénom du grand-père maternel; au second fils, celui du grand-père paternel. Le système était similaire pour les filles avec les prénoms de leurs grands-mères. Puis les autres enfants étaient désignée par les prénoms des oncles et des tantes, dont les parents voulaient honorer le nom.

La loi islandaise autorise aujourd'hui autant les patronymes (nom du père) que le matronyme (nom de la mère), mais ce dernier est rarement utilisé, sauf chez les mères célibataires qui donnent leur prénom à leur enfant. De façon courante (env. 90 %), les individus sont identifiés par le prénom, suivi de leur nom patronymique, c’est-à-dire de la mention du prénom de leur père avec le suffixe -son pour les garçons ou celui de leur mère (matronyme) avec le suffixe -dóttir pour les filles. Par exemple, Gunnar Snorri Helgason et Anna Björg Helgadóttir signifient respectivement «Gunnar Snorri fils (-son) de Helgi» et «Anna Björg fille (-dóttir) de Helgi». Prenons le cas où Bjarni et Björk auraient une fille qu'ils prénomment Sigríður. Étant donné que le génitif de Bjarni est Bjarna et celui de Björk est Bjarkar, la petite fille pourrait s'appeler «Sigríður Bjarnadóttir» ou «Sigríður Bjarkardóttir», selon le choix de Bjarni et de Björk.

Dans le prochain exemple, le père d'Óskar Eiríksson s'appelle Eiríkur Haraldsson ; le nom d'Óskar (Eiríksson) sert à faire connaître que le prénom du père est Eiríkur. Quant à la femme d'Óskar, Helga Bjarnadóttir, le nom du père est Bjarni Ólafsson. Même mariée avec Óskar (Eiríksson), Helga ne change pas de nom.

Supposons maintenant que Óskar et Helga ont quatre enfants, dont les noms sont respectivement Sigríður, Gyða Björk, Daði et Bjarni. Les trois premiers peuvent avoir le patronyme de leur père (Óskar), et le quatrième à sa mère (Helga). Cette famille islandaise de six personnes utilisera cinq patronymes différents : (A) le père Óskar Eiríksso; (B) la mère Helga Bjarnadóttir; et leurs enfants (1) Sigríður Óskarsdóttir, (2) Gyða Björk Óskarsdóttir (3) Daði Óskarsson et (4) Bjarni Helguson.

Bref, en Islande, il convient de recourir au nom complet (Óskar Eiríksson) ou seulement au prénom (Óskar). Dans l'annuaire téléphonique, les abonnés sont répertoriés alphabétiquement d'après leur prénom et non d'après leur patronyme ou nom de famille. Le patronyme islandais ne se transmet pas de génération en génération.

Il peut arriver que certains noms de familles apparaissent sans le suffixe -son («fils de») ou -dottir («fille de»), mais ce sont généralement des noms d'étrangers. Jusqu'en 1996, tout étranger était tenu de se conformer à la législation sur les prénoms et patronymes islandais lorsqu'il désirait acquérir la citoyenneté islandaise, quitte à «inventer» un père fictif avec un prénom islandais réel comme Hallgrimsson, Thoroddsen, Sigurjonson, etc. En ce cas, le Comité des noms personnels peut prendre une décision pour adapter le nom de famille à la langue islandaise.  

Tout le processus concernant les noms de personne est décrit dans la Loi sur les noms de personne de 1996. L'article 5 de cette loi énonce qu'il faut utiliser des terminaisons islandaises avec le génitif, que les noms ne peuvent pas entrer en conflit avec la structure linguistique de l'islandais et qu'ils doivent être écrits conformément aux règles ordinaires de l'orthographe islandaise:

Article 5

1) Les prénoms doivent pouvoir
posséder des terminaisons islandaises avec le génitif ou être établis par tradition en islandais. Les noms ne peuvent pas entrer en conflit avec la structure linguistique de l'islandais. Ils doivent être écrits conformément aux règles ordinaires de l'orthographe islandaise, à moins qu'une autre orthographe ne soit établie par la tradition.

Le paragraphe 3 de l'article 8 précise bien que le nom de famille doit porter le nom du père ou de la mère au génitif, avec le suffixe -son («fils de») dans le cas d'un homme ou -dottir («fille de ») dans le cas d'une femme:
 

Article 8

3) Les patronymes et matronymes sont formés comme suit : après le prénom ou les prénoms d'une personne, le cas échéant, le nom de famille doit porter le nom du père ou de la mère au génitif, avec le suffixe -son dans le cas d'un homme ou -dottir dans le cas d'une femme.

Il est rare que la législation d'un pays précise à ce point la question des noms de personne, mais pour l'Islande il s'agit d'une priorité identitaire et culturelle. C'est pourquoi, afin de protéger la langue islandaise, chaque bébé doit recevoir un prénom provenant d’une base de données de noms officiellement approuvés.

5 La langue officielle

Le 7 juin 20011, le Parlement islandais a adopté la Loi sur le statut de la langue islandaise et de la langue des signes islandaise. En vertu de cette loi, l'islandais est la langue nationale du peuple islandais et la langue officielle en Islande:

Article 1er

Langue nationale - langue officielle

L'islandais est
la langue nationale du peuple islandais et la langue officielle en Islande.

5.1 La législature et les tribunaux
 

Du côté de la législature, l'Althing (en islandais Alþingi), les débats ne se déroulent qu’en islandais et les lois ne sont rédigées que dans cette langue. Il existe des traductions de plusieurs lois en danois ou en anglais, mais elles n'ont aucune valeur juridique. Cependant, plusieurs anciennes lois adoptées en danois lors de la domination danoise peuvent avoir leur valeur légale parce qu'elles n'ont jamais été remplacées ou traduites par une loi en islandais.

Quoi qu'il en soit, les Islandais peuvent comprendre sans trop de difficulté un texte rédigé en danois. Ainsi, dans les faits, l'islandais est la seule et unique langue employée au Parlement. Étant donné que tous les députés connaissent la langue officielle, il ne subsiste guère de problème.

Dans les tribunaux, le Code de procédure civile (1991) énonce clairement que «la langue de la cour est l'islandais» et que les documents dans une langues étrangère doivent normalement être accompagnés d'une traduction en islandais:

Article 10

1)
La langue de la cour est l'islandais.

2) Si une personne témoigne devant la cour et ne maîtrise pas suffisamment l'islandais, la partie qui a pris les dispositions nécessaires pour le témoignage doit faire appel à un interprète judiciaire agréé. Toutefois, si cela est prévu par un accord avec un État étranger, alors le juge fera appel à un interprète judiciaire agréé. [...]

3) Les documents dans une langues étrangère doivent normalement être accompagnés d'une traduction en islandais dans la mesure où ceux-ci servent de base au déroulement du procès, à moins que le juge ne s'estime capable de les traduire. [...]

Mais l'article 9 de la Loi sur le statut de la langue islandaise et de la langue des signes islandaise prévoit les services d'un interprète afin que les justiciables qui ne comprennent pas l'islandais soient en mesure de pouvoir s'occuper de leurs affaires nécessaires et de prendre connaissance du contenu des documents et des déclarations officielles qui les concernent :

Article 9

Interprétation et traduction de la langues des signes pour les autorités gouvernementales

Le droit aux services d'un interprète et l'obligation pour les tribunaux de demander l'assistance d'interprètes autorisés et d'interprètes gestuels sont définis dans le Code de procédure civile et le Code de procédure pénale.

Les autorités gouvernementales doivent s'efforcer de faire en sorte que les justiciables qui ne comprennent pas l'islandais soient en mesure de pouvoir s'occuper de leurs affaires nécessaires et de prendre connaissance du contenu des documents et des déclarations officielles qui les concernent.

Bien que seul l’islandais soit autorisé dans les tribunaux, les étrangers et les immigrants peuvent recourir à un interprète en cas de force majeure. Il n'existe que fort peu de textes juridiques portant sur la langue dans le domaine judiciaire.

La Loi sur les ressortissants étrangers, n° 80, de 2016, reconnaît que les ressortissants étrangers doivent être informés, dès le début du dossier, de leurs droits et de la procédure à suivre dans une langue qu'ils peuvent raisonnablement comprendre:  

Article 11

Droit concernant la procédure

1)
En cas de refus d'admission, d'expulsion ou de révocation d'un permis, les ressortissants étrangers doivent être informés, dès le début du dossier,
de leurs droits et de la procédure à suivre dans une langue qu'ils peuvent raisonnablement comprendre. Ils doivent être informés, par exemple: :

a) sur leur droit de demander l'assistance d'un avocat ou d'un autre représentant à leurs propres frais dans le traitement du procès;

b) sur leur droit à ce qu'un avocat soit désigné pour traiter la cause en appel, cf. art. 13.3), leur droit de contacter un représentant de leur pays d’origine et des organisations humanitaires ou de défense des droits de l’homme reconnues.

D'ailleurs, le Règlement intérieur de la Direction de l'Immigration (2002) précise que le texte original d'un document, d'une décision, d'un rapport, d'une interaction, etc., doit être rédigé en islandais, de la meilleure qualité et de la manière la plus claire possible, bien que les lettres standard et d'autres documents doivent l'être en islandais et en irlandais:

Article 1er

Correspondance standard

1)
Tout texte original d'un document, d'une décision, d'un rapport, d'une interaction, etc., doit être rédigé en islandais, de la meilleure qualité et de la manière la plus claire possible.

2) Toutes les lettres standard, par exemple les formulaires et les fiches d'informations concernant les permis de séjour, la citoyenneté et la protection internationale,
doivent être en islandais et en anglais.

3) Si un employé travaille avec un texte standard qui doit être traduit, il doit consulter son supérieur immédiat pour savoir s'il doit traduire le texte ou le faire traduire.

Article 2

Décisions


Toutes les décisions concernant les permis de séjour, la protection internationale et la citoyenneté
doivent être rédigées en islandais et en anglais. Le texte doit également contenir les lignes directrices en anglais indiquant où obtenir une traduction de l'intégralité de la décision.

Article 5

Traductions dépassant les exigences autorisées


Les lignes directrices, la correspondance et les décisions, ainsi que toute autre communication qui ne relève pas des dispositions des articles 1 à 4, doivent être traduites en anglais, si possible sans efforts et sans coût considérable de la part de la Direction.

L'article 17 de la Loi sur l'exécution des jugements (1995) autorise les détenus à recevoir et se faire expliquer dans une langue qu'ils comprennent, un résumé des règles applicables au service de leur peine, leurs droits et obligations, les possibilités de travail et d'études disponibles, les règlements de la prison, etc., ainsi que le droit de communiquer avec leurs avocats:

Article 17

Traitement et programme d'emprisonnement

Quand ils commencent à purger leur peine, les détenus doivent recevoir et se faire expliquer dans une langue qu'ils comprennent, un résumé des règles applicables au service de leur peine, leurs droits et obligations, les possibilités de travail et d'études disponibles, les règlements de la prison, les types de conduite qui entraîneront des mesures disciplinaires et le traitement de ces cas, les renseignements au sujet des possibilités des  détenus de porter appel contre les décisions concernant l'exécution de leur peine et les renseignement sur les motifs de soumettre des plaintes au médiateur parlementaire et aussi le droit de communiquer avec leurs avocats.

L'article 36 précise qu'il est possible d'exiger que la conversation ait lieu dans une langue que le gardien de prison comprenne ou qu'un interprète traduise la conversation. Il en est ainsi à l'article 37 de la Loi sur l'exécution des jugements pour la correspondance qui doit se faire dans une langue comprise par le gardien de prison ou encore qu'un traducteur autorisé soit chargé de traduire le courrier:

Article 37

Courrier

Les détenus peuvent envoyer et recevoir du courrier. [...] Il est possible d'exiger que la correspondance ait lieu dans une langue que le gardien de prison comprenne ou encore qu'un traducteur autorisé soit chargé de traduire le courrier.

L'article 23a de la Loi sur l'extradition des criminels et d'autres formes d'aide en matière de procédure  pénale (1984) prévoit que si un destinataire ne comprend pas la langue dans laquelle le document est rédigé, le document ou son contenu doit être traduit en islandais ou dans une autre langue:

Article 23a

Les autorités peuvent négocier un accord stipulant que les autorités d'un État étranger peuvent envoyer un avis ou des documents relatifs à une enquête ou à une procédure pénale par courrier à une personne en Islande.

Dans le cas où l'on suppose que le destinataire ne comprend pas la langue dans laquelle le document est rédigé, le document ou son contenu doit être traduit en islandais ou dans une autre langue que les autorités étrangères savent qu'elle est comprise par le destinataire.

Bref, la langue de la justice est l'islandais, mais des accommodements sont possibles pour qu'un justiciable comprenne le contenu des délibérations, des témoignages, des preuves, des accusations, etc. Néanmoins, dans les faits, il est courant que les services de traduction prévus dans les tribunaux soient médiocres, car il manque de personnel maîtrisant suffisamment à la fois l'islandais et certaines langues parlées par les immigrants.

5.2 La langue des services publics

Rappelons que l'Islande apparaît comme l’une des démocraties les plus anciennes d’Europe, une caractéristique qu’elle doit largement à ses «collectivités locales» ("sveitarfélög") qui existent depuis fort longtemps, soit bien avant l’État national. Le système institutionnel repose sur deux niveaux de gouvernement : d'une part, celui de l’État national, d'autre part, celui des collectivités locales qui ont juridiction sur les communes et les municipalités.

L’autonomie des collectivités locales est garantie par la Constitution, dont l’article 78 énonce le principe de base suivant : « Les communes gèrent leurs affaires librement conformément à la loi. Les sources de leurs recettes sont déterminées par la loi, de même que leur droit de décider de les utiliser et des modalités de cette utilisation.» Ainsi, lorsqu'on parle des autorités centrales et des autorités locales, on fait référence au gouvernement islandais et aux administrations des collectivités locales. La principale loi qui définit le régime juridique des collectivités locales, en application des dispositions de la Constitution, est la Loi sur les collectivités locales, n° 45, de 1998, modifiée en 1998, en 2003, en 2004, en 2005 et en 2006.

L'article 8 de la Loi sur le statut de la langue islandaise et de la langue des signes islandaise proclame que l'islandais est la langue de l'Althingi, des tribunaux et des autorités gouvernementales (centrales et locales):

Article 8

La langue officielle des autorités gouvernementales

L'islandais est la langue de l'Althingi, des tribunaux, des autorités gouvernementales (centrales et locales), des écoles à tous les niveaux du système d'éducation et d'autres institutions impliquées dans les mesures prises par l'exécutif et qui rendent des services au public.

L’Administration publique n’utilise que l’islandais dans ses services auprès de la population. Il en est ainsi des inscriptions gouvernementales sur les édifices publics et les plaques toponymiques identifiant les noms de lieu. L'article 2 de la Loi sur le statut de la langue islandaise et de la langue des signes islandaise énonce que les autorités gouvernementales doivent veiller à ce qu'il soit possible d'utiliser l'islandais comme langue commune dans tous les domaines de la vie nationale:

Article 2

La langue islandaise

La langue nationale est l
a langue commune du peuple islandais. Les autorités gouvernementales doivent veiller à ce qu'il soit possible de l'utiliser dans tous les domaines de la vie de la nation.

Quiconque réside en Islande doit avoir la possibilité d'utiliser l'islandais pour une participation générale à la vie de la nation islandaise, comme il est prévu de façon plus détaillée dans une législation distincte.

De façon générale, les fonctionnaires sont tenus de ne connaître que l'islandais. Pour les policiers, en vertu de la Loi sur la police de 1996, ils doivent posséder une bonne connaissance de l'islandais, ainsi qu'une des langues scandinaves (au choix: danois, suédois ou norvégien) et l'anglais ou l'allemand (au choix) :

Article 38

Admission de nouveaux étudiants et structure des cours d'étude

1) Le Commissaire de la Police nationale islandaise doit faire de la publicité auprès des étudiants des universités dans tout le pays. Il doit déterminer annuellement le nombre des étudiants qui peuvent commencer à recevoir une formation sur la base des prévisions relative au taux de remplacement dans la Police nationale islandaise.

2) Tout policier éventuel doit satisfaire aux conditions générales suivantes générales :

a. Ils doivent être citoyens islandais âgés entre 20 et 35 et ne doivent pas être condamnés pour une faute disciplinaire en vertu du Code pénal;

b. Ils doivent être mentalement et physiquement en santé et passer un examen médical sous la responsabilité du médecin de la police;

c. Ils doivent avoir terminé depuis au moins deux ans leur instruction de niveau général post-obligatoire ou toute autre instruction comparable avec des résultats satisfaisants; ils doivent posséder une bonne connaissance de l'islandais, ainsi que l'une des langues scandinaves et de l'anglais ou de l'allemand; ils doivent détenir un permis ordinaire de conduire et être capables de nager;

[...]


L'affichage est en général en islandais, que ce soit pour les édifices publiques ou la signalisation routière et la publicité. Toutefois, certaines informations peuvent être en d'autres langues, par exemple en anglais, mais il s'agit surtout de publicités qui ne sont pas tellement fréquentes. L'affichage bilingue islando-anglais n'est de rigueur qu'à l'aéroport. 

Comme la barrière de la langue constitue un obstacle redoutable pour les immigrants désirant s’installer en Islande, le gouvernement a créé, en 1994, à Reykjavik, un Centre d'information et de culture spécialement destiné aux étrangers: le Fjölmenningarsetur (en islandais) ou en anglais le Multicultural and Information Centre.

Ce centre est appelé à fournir un certain nombre de services aux immigrants qui viennent s'établir en Islande et fournit aux étrangers les renseignements pratiques jugés nécessaires, par exemple, sur l'autorisation de résidence, la santé, les services sociaux, les assurances, l’accès aux écoles, etc. Le Centre d'information et de culture a déterminé une liste d'interprètes dont l'éventail linguistique est très diversifié. Il a précisé son rôle dans une brochure explicative publiée en sept langues: anglais, espagnol, polonais, russe, vietnamien, tagalog et thaïlandais.

5.3 Le domaine de l’éducation

Le système d'éducation  islandais compte quatre niveaux: la maternelle ou préscolaire jusqu'à six ans; l'école obligatoire (primaire et secondaire du premier cycle) de 6 à 16 ans; le secondaire supérieur ou de second cycle de 16 à 20 ans; l'enseignement supérieur à partir de 19 ou 20 ans. L'éducation en Islande a traditionnellement été organisée dans le secteur public, et il y existe très peu d'établissements privés dans le système scolaire, lesquels reçoivent en général un financement public. De la maternelle à l'université, le système scolaire est gratuit et, entre 13 et 15 ans, les jeunes ont la possibilité de s'initier à la vie professionnelle en travaillant pour les municipalités pendant les vacances scolaires.

- Les écoles maternelles

Les écoles maternelles ou préscolaires (Leikskóli = «école d'enfants») sont, selon la loi, considérées comme le premier niveau du système d'éducation. Ces écoles prennent en charge les enfants n’ayant pas atteint six ans, âge auquel débute la scolarité obligatoire. L’accès aux jardins d’enfants n'est pas gratuit et les frais de scolarité représentent environ 30% des coûts réels de fonctionnement de ces établissements. Les frais de scolarité dans les établissements privés sont généralement plus élevés de 10 % à 20%.

L'article 2 de la Loi sur l'enseignement préscolaire (2006) énonce que la langue d'enseignement est l'islandais:

Article 2

Objectif

Les principaux objectifs de l'éducation et de l'enseignement au préscolaire sont les suivants:

a. Surveiller et encourager le développement général des enfants en étroite collaboration avec les parents;

b. Offrir une stimulation linguistique systématique et contribuer aux compétences communes dans
la langue islandaise;

L'article 9 de la même loi précise que dans, le cas des parents qui ne parlent pas l'islandais, l'école doit s'efforcer d'assurer la traduction de toutes les informations nécessaires à la communication entre les parents et l'école. Bien qu'il soit aisé d'approuver une telle mesure, les faits démontrent qu'il n'est pas nécessairement facile de trouver des traducteurs pour toutes les langues, par exemple l'hindi, le filipino ou le thaï.  

- L'école obligatoire

L'école appelée «obligatoire» (Grunnskóla = «école primaire») concerne les niveaux primaire et secondaire inférieur ou du premier cycle, destinés aux enfants âgés de 6 à 16 ans. L'article 2 de la Loi sur l'enseignement obligatoire (2008) prescrit l'enseignement de l'islandais ainsi que la compréhension de la société islandaise, son histoire est ses particularités. L'article 16 de cette même loi précise que la langue d'enseignement dans les écoles obligatoires est l'islandais, mais d'autres langues peuvent être employées pour l'instruction :

Article 2

Objectif

2) Les écoles obligatoires doivent favoriser l'ouverture d'esprit parmi les élèves et renforcer leur maîtrise de la langue islandaise et leur compréhension de la société islandaise, son histoire et ses particularités, les conditions de vie de la population et les devoirs des individus envers la communauté, l'environnement et le monde.

Article 16

Programmes d'accueil; élèves dont la langue maternelle n'est pas l'islandais

1)
La langue d'enseignement dans les écoles obligatoires est
l'islandais. D'autres langues que l'islandais peuvent être employées pour l'instruction chaque fois que cela est nécessaire selon la nature de la matière ou en vertu du Programme-cadre national.

Ces autres langues dont on parle sont l'anglais, le danois ou toute autre langue nordique:

Article 25

Objectifs d'apprentissage

2) Le
Programme-cadre national énonce le contenu et la structure de l'enseignement en islandais, langue maternelle, en islandais langue seconde ou dans la langue des signes islandaise, en mathématiques, en anglais, en danois ou en toute autre langue nordique, dans les arts et l'artisanat, les sciences naturelles, l'éducation physique, les sciences sociales, l'égalité des droits, la religion, les aptitudes à la vie quotidienne et les technologies de l'information et de la communication.

En fait, outre l'Islandais, les deux langues étrangères obligatoires sont l'anglais et le danois. Généralement, le danois est obligatoire comme langue seconde deux ans après l’anglais, c'est-à-dire à la sixième année. Historiquement, l’anglais est obligatoire depuis 1946 et constitue une conséquence directe de l’occupation américaine. Depuis 1993, le ministère de l’Éducation, de la Science et de la Culture a organisé des classes d’accueil pour les enfants immigrés. Il a également élaboré un programme spécial pour l’enseignement de l’islandais aux enfants dont ce n’est pas la langue maternelle.

Dans l'enseignement obligatoire, les principales matières enseignées sont les suivantes: l'islandais comme langue maternelle, l'islandais comme langue seconde ou la langue des signes islandaise; les langues étrangères (anglais, danois ou une autre langue nordique); les arts et l'artisanat; les sciences naturelles; l'éducation physique; les sciences sociales, les études religieuses, les aptitudes à la vie quotidienne, l'égalité des droits, l'éthique; les mathématiques; les technologies de l'information et de la communication (TIC). En ce qui a trait aux études religieuses, les contenus et les activités sont concentrés sur la religion d’État, soit le luthérianisme. Or, pour toutes sortes de raisons, beaucoup d'élèves ne souhaitent pas assister à ces cours et voudraient bénéficier d’alternatives bien afin de ne pas se sentir exclus ni blâmés. Pour ce faire, il faudrait que les autorités reconnaissent et respectent la diversité religieuse de la société islandaise.

- L'école secondaire supérieur

L’enseignement secondaire supérieur (Framhaldsskóla = «école secondaire») concerne tous les élèves ayant accompli leur scolarité obligatoire ou l'équivalent. Cet enseignement accueille généralement des jeunes âgés entre 16 et 20 ans.  L’ensemble de ces programmes d'études est accessibles également aux adultes dans le cadre de la formation continue. On compte en Islande quelque 40 établissements d’enseignement secondaire.

L'article 35 de la Loi sur l'enseignement secondaire supérieur (2008) prescrit l'islandais comme langue d'enseignement, mais les écoles peuvent offrir des études en d'autres langues à la condition que l'islandais soit offert comme langue seconde:

Article 35

Langues; étudiants dont la langue maternelle n'est pas islandaise

1) La langue d'enseignement dans les écoles secondaires supérieures
est l'islandais.

2) Les écoles peuvent offrir des études dans d'autres langues que l'islandais:

a. lorsque la nature des études ou du programme-cadre les rendent nécessaires; ou

b. dans le cas des programmes d'études spécifiquement conçus pour les étudiants qui ne maîtrisent pas l'islandais ou qui doivent poursuivre ou avoir poursuivi une partie de leurs études à l'étranger.

3) Les étudiants dont la langue maternelle n'est pas l'islandais ont le droit d'apprendre l'islandais comme langue seconde. Il en va de même pour les étudiants qui ont vécu à l'étranger pour une période prolongée et qui connaissent peu l'islandais. En principe, les étudiants dont la langue maternelle n'est pas l'islandais doivent avoir la possibilité.

La Loi sur l'enseignement secondaire supérieur prévoit la possibilité, pour les élèves ayant une autre langue maternelle que l’islandais, de conserver cette langue en tant que matière facultative à travers un enseignement à distance ou par d’autres moyens. Mentionnons que l’enseignement du vocabulaire scientifique et technique en islandais est renforcé dans ce type d'établissement. De plus, à la fin du secondaire, un examen de connaissance de la langue officielle est imposé à tous les élèves et la réussite de cet examen constitue une condition essentielle de l’obtention du diplôme de fin d’études.

Pour ailleurs, le ministère de l’Éducation, de la Science et de la Culture impose une troisième langue étrangère aux élèves du secondaire, habituellement l’allemand ou le français. Des fonds supplémentaires sont à présent alloués à l'enseignement spécialisé, adapté aux enfants immigrés, en nombre croissant dans les écoles islandaises. À la fin de leurs études secondaires, la plupart des Islandais sont devenus trilingues: ils parlent l’islandais, l’anglais et le danois.

De plus, le règlement n° 654/2009 énonce que les élèves des écoles secondaires supérieures ont le droit d'apprendre l'islandais. Ceux dont la langue maternelle n'est pas l'islandais ont le droit d'apprendre l'islandais comme langue seconde. Il s'agit de former des étudiants en islandais et de les préparer à jouer un rôle actif dans la société islandaise, leur donner des compétences culturelles, de l'alphabétisation et des connaissances dans toutes les matières. Toutes les écoles élaborent un programme d'accueil pour les élèves dont la langue maternelle n'est pas l'islandais. Tout en saluant ces nouvelles dispositions, force est de constater que manuels d’islandais comme langue seconde ne sont pas toujours disponibles pour les élèves.

D’après les statistiques fournies par le ministère de l’Éducation, 4 % des Islandais de seize ans et plus ne fréquentent pas l’enseignement secondaire. Pour les étrangers, le pourcentage serait de quelque 20 %. Bref, l’écart est trop important si l'on veut inciter les élèves immigrés à rester à l’école pour y obtenir des qualifications générales ou professionnelles.

- Les études supérieures

L’enseignement supérieur (Háskóla = «haute école») est offert à l’ensemble des étudiants ayant réussi avec succès l’ensemble de leur programme secondaire supérieur. En Islande, hui établissements d'enseignement proposent des études universitaires. Il s'agit de l'Université d’Islande (Háskóli Ísland), l’Université d'Akureyri (Háskólinn á Akureyri), l’Université d’enseignement d’Islande (Kennaraháskóli Íslands), l'Université de Bifrost (Háskólinn á Bifrös), l’Université de Reyjravik (Háskólinn í Reykjavík), l’Académie des arts d’Islande (Listaháskóli Íslands), l’Université d’études agricoles d'Islande à Hvanneyri (Landbúnaðarháskóli Íslands) et l’Université de Holar (Háskólinn á Hólum). L'Université d'Islande reste le principal établissement d'enseignement supérieur en Islande.

Dans ces établissements, la plupart des cours sont offert en anglais, parfois en danois ou en islandais. L'article 70 du Règlement sur l'Université de l'Islande (2009) précise que toute thèse peut être rédigée en islandais ou en anglais et qu'un étudiant peut défendre cette thèse en anglais:

Article 70

Doctorat sans programme préalable d'études organisées

1. [...] Toute thèse doit être accompagnée d'un résumé détaillé en islandais et en anglais. Une faculté peut permettre à un candidat de parler une autre langue que l'islandais pendant une défense doctorale.

S'il s'avère impossible de trouver des membres qualifiés pour un comité d'évaluation chargé d'évaluer une thèse, une faculté peut demander que le travail soit soumis dans une traduction islandaise ou dans une autre langue acceptée par la faculté.
 

Bien que la politique linguistique prescrive l'islandais dans l'enseignement supérieur, il existe une très grande flexibilité à ce sujet. Ainsi, tout étudiant peut rédiger ses examens en anglais et tout enseignant peuvent enseigner dans cette langue. Toutefois, cette flexibilité peut entraîner dans certains établissements une grande résistance de la part des étudiants islandais. La politique non écrite est que l'anglais constitue une véhicule précieux qu'il est nécessaire d'acquérir, mais qu'il est également important de maintenir l'islandais intact et pleinement fonctionnel dans le monde universitaire. La réalité tend à imposer graduellement l'usage exclusif de l'anglais afin que les étudiants en bénéficient dans le marché de l'emploi dans le monde entier.

- Les bibliothèques

Les bibliothèques demeurent des instruments précieux et complémentaires pour les établissements d'enseignement. Étant donné que la population islandaise est réduite, beaucoup de documents dans les bibliothèques sont en anglais, en danois ou en d'autres langues. C'est pourquoi la Loi sur les bibliothèques (1997) énonce que l'objectif est «de promouvoir la langue islandaise, d'encourager l'éducation permanente et de favoriser l'intérêt de la lecture»:

Article 1er

Les bibliothèques publiques sont des instituts de connaissance et de culture. Leur but est de fournir aux citoyens, aux enfants comme aux adultes, un accès à un répertoire varié de livres et autres médias, y compris du matériel informatique et de l'information de format lisible par un ordinateur. Les bibliothèques doivent promouvoir un libre accès et sans aucune entrave par le public à l'information et aux réserves des connaissance. Les bibliothèques doivent, chacune dans son propre secteur de service, s'efforcer de soutenir les activités culturelles et de rendre disponible l'information générale aux institutions et services publics.
Leur objectif est de promouvoir la langue islandaise, d'encourager l'éducation permanente et de favoriser l'intérêt de la lecture. [...]

- Les langues étrangères

Les Islandais parlent une langue qu'ils sont les seuls à parler dans le monde. C'est pourquoi la connaissance des langues étrangères est importante, sinon le pays et ses habitants resteraient fermés sur eux-mêmes. Dans les écoles primaires islandaises, l’apprentissage de deux langues étrangères (anglais et danois) est obligatoire et dans certaines écoles l’élève peut même en choisir une troisième. Au primaire supérieur, tous les élèves étudient trois langues étrangères et, dans les sections littéraires, ce nombre peut atteindre quatre ou cinq langues. L’apprentissage des langues joue donc un rôle central dans le système d'éducation islandais.

Afin de favoriser la connaissance des langues étrangères, l'Institut Vigdís Finnbogadóttir des langues étrangères a été fondé. C'est un institut de recherche qui fait partie de la Faculté de sciences humaines de l'Université d'Islande. L'Institut est un centre de recherches destiné aux membres de la Faculté qui enseignent les langues et les cultures modernes, les langues classiques et les études de traduction.

Avec le soutien de l'UNESCO, l'Institut veut créer le Centre international Vigdís qui sera un centre d’information sur les langues et les cultures du monde: le Centre international Vigdís pour le multilinguisme et l’entente interculturelle (en anglais: Vigdís International Centre for Multilingualism and Intercultural Understanding; en islandais: Samningur um að Vigdísarstofnun starfi undir formerkjum). Il offrira une infrastructure pour l’apprentissage et la promotion des langues, ainsi que pour la recherche linguistique. En collaborant avec d’autres instituts, des écoles internationales et des organismes linguistiques, le Centre international Vigdís pourra contribuer à la préservation et au renforcement de la diversité linguistique.

5.4 Les médias

Du côté des médias, on compte trois quotidiens (dont le célèbre Morgunblaðið), des centaines de périodiques, quelques chaînes de télévision et plusieurs stations de radio qui diffusent exclusivement en islandais. Les Islandais doivent sûrement être de grands liseurs, car on compte plus de 900 périodiques pour une population de plus de 330 000 habitants (incluant les enfants). Il faut dire que la plupart d'entre eux (environ 700) ne paraissent qu'une à quatre fois par année. Au total, on compte quelques dizaines de mensuels, une dizaine d'hebdomadaires et deux quotidiens. Le plus ancien quotidien est le Morgunblaðið fondé en 1913; il est suivi par le Fréttablaðið fondé en 2001. Les principaux hebdomadaires sont le DV (une fusion du Dagblaðið du Vísir en 1981), le Fréttatíminn (2010), le Reykjavík Grapevine, le Skessuhorn, le Vikudagur et le Viðskiptablaðið. L'Iceland Review est une magazine trimestriel de langue anglaise.

Les journaux, largement subventionnées par l’État, doivent se plier aux contraintes de la politique linguistique de l’islandisation du vocabulaire. Ainsi, tous les quotidiens diffusent des bulletins d’information linguistique ainsi que la liste des termes techniques récemment créés par la Commission de la langue islandaise. La liste officielle des néologismes est diffusée périodiquement dans tous les journaux.

L'insularité accentue ce lien particulier avec la langue et la terre ancestrale. Tous les journaux consacrent, dans leur carnet du jour, de longues colonnes aux textes écrits à la mémoire de personnes décédées. On édite des dictionnaires généalogiques des familles d'Islande, et des recensements sont en cours pour retrouver les 40 000 à 50 000 Américains d'ascendance islandaise.

Ce n’est qu’en 1966-1967 que le gouvernement a pu créer une télévision nationale islandaise, ce qui a alors contraint les États-Unis à réduire la portée d’émission de leur chaîne militaire. Au début, la première chaîne islandaise ne diffusait que six jours pas semaine et cessait ses activités au début de juillet pour les reprendre à la rentrée des classes à l’automne. Mais les chaînes se sont multipliées depuis cette époque et aujourd’hui on compte plusieurs stations régionales.

La Loi sur la radiodiffusion du 17 mai 2000 impose des contraintes au sujet de la langue islandaise. De façon générale, les employés, notamment les journalistes et les présentateurs de nouvelles, doivent s'efforcer «de promouvoir l'essor culturel en général et de renforcer la langue islandaise». Non seulement la plus grande partie du temps d'antenne doit être réservée à la production islandaise et ensuite européenne, mais l'emploi des voix hors-champ et des sous-titres en islandais sont obligatoires. L'article 8 est sans équivoque à ce sujet:

Article 8

Voix hors-champ et sous-titres en islandais

1)
La production d'émissions télévisées en langue étrangère doit toujours
être accompagné d'une voix hors-champ ou des sous-titres en islandais, le cas échéant. Cependant, cette disposition ne s'applique pas aux paroles des chansons étrangères, aux transmissions par satellite et à une station de réception de nouvelles et aux émissions d'affaires actuelles traitant principalement d'événements tels qu'ils ont eu lieu.

2) Dans ce cas, le présentateur de télévision doit, chaque fois que possible, fournir une récapitulation ou un exposé en islandais des événements qui ont eu lieu. Tous les efforts doivent être faits pour s'assurer que la voix hors-champ et les sous-titres soient toujours en islandais correct.

3) Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas à la retransmission de des stations de télévision étrangère dans le cas du direct, de long-métrage et d'émissions entières originales des stations de télévision. En outre, ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque des radiodiffuseurs se sont vu accorder des permis de diffusion en d'autres langues qu'en islandais, conformément au paragraphe 1
er de l'article 7.

Plus récemment, l'article 6 de la Loi sur le service national islandais de radiodiffusion (2013) précise que les contenus audiovisuels en langues étrangères sur la chaîne de télévision de l'INBS (en anglais: Icelandic National Broadcasting Service; en islandais: Ríkisútvarpið ou RÚV) doivent être accompagnés de doublages, de voix hors-champ ou de sous-titres en islandais, selon le cas:

Article 6

Sous-titrage et interprétation de la langue des signes

Les documents en langue étrangère présentés sur la chaîne de télévision de l'INBS doivent être accompagnés d'une voix hors-champ en islandais, d'un doublage en islandais ou de sous-titres islandais, selon le cas. Toutefois, cela ne s'applique pas aux paroles de chansons dans une langue étrangère ou à la transmission en direct par satellite et par station terrestre de nouvelles ou de programmes d'actualité traitant en grande partie des événements au fur et à mesure qu'ils se déroulent. Dans ce cas, la radiodiffusion doit être accompagnée, si possible, d'une récapitulation des événements télévisés, de sous-titres ou d'une présentation en islandais. Une grande importance doit être donné à la fois au texte oral et aux sous-titres dans un islandais impeccable.

L'article 29 de la Loi sur les médias (2011) précise que les contenus audiovisuels en langues étrangères, qu'ils soient offerts dans un calendrier linéaire ou sur demande, doivent toujours être accompagnés de doublages, de voix hors-champ ou de sous-titres en islandais, selon le cas. Il existe des exceptions mentionnées aux paragraphes 2 et 3:
 

Article 29

Voix hors champs et sous-titrage en islandais

1) Les fournisseurs de services des médias doivent promouvoir la langue islandaise de façon appropriée dans chaque cas. Les médias qui transmettent du son et du texte en islandais doivent prévoir leur propre politique linguistique à cet effet. Toutefois, le fonctionnement des médias utilisant d'autres langues que l'islandais est autorisé en Islande.

2) Les contenus audiovisuels en langues étrangères, qu'ils soient offerts dans un calendrier linéaire ou sur demande, doivent toujours être accompagnés de doublages, de voix hors-champ ou de sous-titres en islandais, selon le cas. Cependant, cette disposition ne s'applique pas aux paroles des chansons dans une langue étrangère ou à la transmission en direct par satellite et par station terrestre de nouvelles ou de programmes d'actualité traitant largement des événements tels qu'ils se produisent. Dans ce cas, le fournisseur de services de médias doit, dans la mesure du possible, fournir un résumé ou une présentation en islandais des événements survenus.

3) Les dispositions du deuxième paragraphe ne s'appliquent pas aux retransmissions de stations de télévisions étrangères à la condition que ce qui est diffusé soit une retransmission continue, intégrale et non modifiée du programme complet d'une station de télévision. Les dispositions du deuxième paragraphe ne s'appliquent pas non plus lorsque le média audio ou audiovisuel est exploité dans une autre langue que l'islandais, conformément au premier paragraphe.

Les infractions à la Loi sur la radiodiffusion sont sanctionnées par une amende dans les cas suivants» : la radiodiffusion sans un permis accordé par la Commission des permis de transmission et le défaut de fournir des voix hors-champ ou des sous-titres en islandais pour des émissions émises dans une langue étrangère. En somme, pour ce qui est du cinéma, l’Islande pratique une politique linguistique protectionniste, dans la mesure où tous les films étrangers, de quelque origine qu’ils soient, doivent être au moins sous-titrés en islandais.

5.5 L'islandisation des immigrants ou des étrangers

L'islandisation de la langue passe également par l'intégration des étrangers et des immigrants. Jusqu'en 1996, la loi islandaise obligeait tous les immigrants à adopter un patronyme islandophone lorsqu'ils décidaient de s'installer définitivement en Islande. Cette loi sur les noms de personne avait été jugée discriminatoire, notamment parce qu'elle faisait obligation à tout étranger naturalisé d'adopter un nom islandais qui serait utilisé conjointement avec son nom d'origine. Ainsi, l'enfant d'un étranger naturalisé avait l'obligation, lorsqu'il atteignait l'âge de 15 ans, d'utiliser le patronyme islandais. Mais la Loi sur les noms de personne n° 45/1996 supprimait cette obligation; les personnes naturalisées et leurs enfants peuvent maintenant conserver leur nom de famille d'origine.

De plus, l'article 15 de la Loi sur les étrangers (2002), n° 96, de 2002 précise qu’un étranger demandant un permis de séjour doit avoir en sa possession un passeport et avoir suivi un cours d'islandais:

Article 15

1) Un étranger, qui est demeuré en Islande durant une période ininterrompue de trois ans en vertu d'un permis de séjour exempté des restrictions et qui a suivi un cours d'islandais destiné aux étrangers, peut à sa demande se voir accorder un permis de séjour à la fin de cette période, pourvu que rien ne soit arrivé pouvant entraîner son expulsion de l'Islande.

Cependant, la nécessité du passeport ne s'applique pas aux ressortissants danois, finlandais, norvégiens ou suédois, qui arrivent en Islande directement du Danemark, de la Finlande, de la Norvège ou de la Suède, ou qui se déplacent dans ces pays à partir de l'Islande. C'est que, d'après la loi islandaise, tout étranger qui a atteint l'âge de 18 ans et qui n'est pas un ressortissant de chacun des pays nordiques doit, lorsqu'il réside en Islande, porter en tout temps son passeport.  De fait, la loi oblige les étrangers de fournir des informations sur leur identité et prévoit que les étrangers présenteront, sur demande, une pièce d’identité à la police et que le ministère de la Justice peut décider que les étrangers, à l’exception des Danois, des Finlandais, des Norvégiens et des Suédois, doivent porter leur passeport ou une autre pièce d’identité sur eux en permanence pendant leur séjour en Islande.

L'article 48 du Règlement sur les étrangers, n° 53, du 23 janvier 2003, reprend la même disposition relative à la connaissance de l'islandais:

Article 48

Permis de séjour

Un étranger, qui est demeuré en Islande durant une période ininterrompue de trois ans en vertu d'un permis de séjour exempté de restrictions et qui répond aux exigences prévues à l'article 50 en ce qui concerne la connaissance de l'islandais, peut se voir accorder un permis de séjour sur demande, à la condition qu'aucun facteur ne s'applique pouvant mener à son expulsion, conformément au paragraphe 1er de l'article 20 de la Loi sur les étrangers. Un permis de séjour peut être délivré seulement si les conditions fixées pour l'obtention d'un permis de séjour peuvent être remplies.

L'article 50 Règlement sur les étrangers est entièrement consacré aux cours d'islandais (minimum de 150 heures) que doivent suivre les ressortissant étrangers pour obtenir un permis de séjour :

Article 50

Cours d'islandais

1) Un candidat à un permis de séjour doit suivre un cours d'islandais destiné aux étrangers pour un minimum de 150 heures. Le candidat doit soumettre un certificat faisant la preuve de sa participation et de son assiduité, laquelle doit atteindre un minimum de 85 %. Un certificat faisant la preuve de sa participation doit être transmis par un éducateur approuvé par le ministère de la Justice.

2) Les dispositions du paragraphe 1er concernant la participation à un cours de langue peuvent ne pas s'appliquer si le candidat a acquis une connaissance acceptable de l'islandais et soumis un certificat démontrant qu'il réussi un examen en islandais destiné aux étrangers. Le certificat doit être émis par une personne ou une entité avec qui le ministère de la Justice a conclu un accord pour procéder à ces examens. La condition relative à la participation aux cours peut également être abandonnée si le candidat est âgé de plus de 65 ans et est demeuré en Islande pour au moins dix ans et enfin si le candidat est physiquement ou mentalement incapable de participer à un tel cours, tel que confirmé par un médecin.

3) La personne ou l'entité dispensant un cours ou un examen en vertu des paragraphes 1 et 2 peut faire payer un candidat pour le cours, l'examen et l'émission d'un certificat.

Le permis de séjour est lié au permis de travail en Islande. Mais les ressortissants des pays nordiques ne sont pas dans l'obligation d'obtenir un tel permis de travail. Pour tous les autres étrangers, les permis de travail ne sont accordés qu'aux employeurs, non aux employés. Il semble que l’octroi des permis de travail aux employeurs soit très particulier à la pratique islandaise. Afin de bénéficier de la protection sociale et des soins de santé, l'autorisation de l'employeur est en principe nécessaire pour changer d’emploi. 

De plus, l'article 4 du Règlement sur les tests de langue islandaise pour les personnes demandant la citoyenneté islandaise (2008) prévoit des tests (240 heures) en islandais pour les ressortissants étrangers, qui doivent être en mesure d'acquérir une maîtrise suffisante de l'islandais:

Article 4


Ainsi, les candidats sont tenus:

c. d'avoir acquis une maîtrise suffisante du vocabulaire pour participer à des discussions avec des sujets familiers;

d. d'être en mesure de comprendre des conversations simples entre les personnes;

e. de pouvoir lire de courts textes dans une langage simple sur des sujets familiers;

f. d'être en mesure de pouvoir comprendre les principaux points de couverture dans les médias de radiodiffusion (radio et télévision) lorsque les sujets leur sont familiers.

Les tests impliquent la compréhension orale, la compréhension auditive, l'écriture et la compréhension de la lecture.

Par ailleurs, s'il paraît normal pour un étranger désirant s'établir en Islande d'apprendre la langue de son pays d'accueil, il convient néanmoins de souligner que l’obligation juridique de maîtriser l'islandais peut, dans bien des cas, se révéler difficile à satisfaire pour certains ressortissants, surtout ceux qui proviennent de l'Asie, ou lorsque les cours dispensés sont trop onéreux. Selon la loi, les règlements peuvent prévoir des frais exigés pour suivre un cours d'islandais ou subir un test pour démontrer ses compétences linguistiques. 

5.6 La vie économique

Quant à la vie économique, elle se déroule entièrement en islandais pour les affaires intérieures, que ce soit les formulaires, les affichettes écrites à la main, les chèques ou autres imprimés commerciaux. Il en résulte que l’affichage commercial demeure généralement en islandais, mais il arrive souvent que les raisons sociales des entreprises portent une dénomination en anglais, parfois en danois. Dans tous les endroits touristiques, l’islandais et l’anglais sont employés concurremment; la publicité commerciale, la langue reste l’islandais, car il est rare qu’on s’adresse aux consommateurs dans une autre langue (par exemple, en anglais). Dans les contacts avec l’extérieur, l’anglais et le danois (ou parfois une autre langue scandinave) viennent à la rescousse de l’islandais.

L'article 2 de la Loi sur les hôtels et les restaurants (1985) exige que «les noms des sociétés ou des opérations d'affaires doivent être conformes au système phonétique et flexionnel de l'islandais».

Article 2

[...] Les noms des sociétés ou des opérations d'affaires doivent être conformes au système phonétique et flexionnel de l'islandais. [...]

Mentionnons aussi que la Loi sur les contrats d'assurance exige que les contrats d'assurance doivent être rédigés «en islandais ou dans une autre langue acceptée par l'assuré» afin de comprendre les dispositions des conditions de la protection prévue et des conditions offertes avant la conclusion du contrat.

Article 5

Langue des contrats de couverture d'assurance

Les conditions de contrat offert pour une assurance contre le risque en Islande doivent être en islandais ou dans une autre langue acceptée par l'assuré et lui permettre de comprendre les dispositions des conditions de couverture sur l'importance du contenu, la protection prévue et les conditions offertes avant la conclusion du contrat.

Enfin, la Loi n° 57/2005 sur la surveillance des pratiques commerciales déloyales et la transparence du marché prescrit l'usage de l'islandais dans les annonces destinées aux consommateurs, mais les instructions doivent être rédigées en islandais, en anglais ou dans une langue scandinave autre que le finnois :

Article 8 [abrogé]

Les annonces destinées à faire appel aux consommateurs islandais
doivent être rédigées en islandais.

[...]

Article 9 [abrogé]

[...] Les instructions
doivent être rédigées en islandais, en anglais ou dans une langue scandinave autre que le finnois, et correspondre au type ou à la marque des produits, des services ou des autres articles livrés.

Les modalités générales de services des parties offrant des services à la clientèle dans ce pays doivent être en islandais.

Toutefois, ces articles 8 et 9 de la loi n° 57/2005 ont été modifiés par les lois n° 34/2007, n° 57/2007 et n° 50/2008, et remplacés par l'article 16 suivant, qui exclut dorénavant l'usage de l'anglais et du finnois :
 

Article 16

Dans le cas où les biens, les services ou tout autre article livré et auxquels la présente loi s'applique sont d'une nature telle que des conseils sont nécessaires lors de l'évaluation de leurs caractéristiques, par exemple l'utilité et la durabilité, ainsi que la manipulation et le danger qui peuvent résulter des marchandises ou d'autres facteurs, doivent faire l'objet d'indications écrites satisfaisantes lorsqu'une offre est faite, qu'un contrat est préparé ou, selon le cas, lors de la livraison.

Les instructions doivent être en islandais ou dans une autre langue scandinave, mais pas en finnois, ni en anglais, et basées sur le type et la marque des biens, des services ou d'autres articles livrés.

Les conditions générales de service des parties offrant aux consommateurs leurs services dans ce pays doivent être rédigées en islandais.

En somme, afin de contrer l'influence de la puissante langue anglaise, l'Islande semble avoir pris des mesures pour favoriser l'islandais.

6 La Convention linguistique du Conseil nordique

La Convention linguistique du Conseil nordique (1987) est un traité concernant les droits linguistiques, qui est entré en vigueur le 1er mars 1987. En vertu de ce traité entre la Suède, le Danemark, la Finlande, l'Islande et la Norvège, les citoyens des pays nordiques ont la possibilité d'utiliser leur langue maternelle lors des communications avec les organismes officiels dans d'autres pays nordiques, sans être tenu d'assumer les frais d'interprétation ou de traduction. La Convention couvre les soins de santé, la sécurité sociale, la fiscalité, l'école, et les autorités de l'emploi, la police et les tribunaux. Les langues incluses sont suédois, danois, norvégien, finnois et islandais, ce qui exclut les langues minoritaires comme le féroïen aux îles Féroé, le groenlandais au Groenland ou le same (lapon) en Norvège ainsi que les langues issues de l'immigration.

Les Parties contractantes se sont engagés à offrir des services en plusieurs langues, mais les citoyens ne bénéficient pas de droits absolus à l'exception des questions pénales et judiciaires. La Convention n'exige pas automatiquement que les autorités doivent fournir des services dans une autre langue, mais tout ressortissant des pays nordiques peut exiger le recours à un interprète. Dans les faits, tout ressortissant d'un pays nordique parlant le suédois, le danois, l'islandais, le finnois ou le norvégien, a droit essentiellement aux services d'un interprète plutôt qu'un droit d'être compris dans sa langue.

La population de l’Islande peut être décrite comme étant constituée d'une seule nation vivant sur un territoire insulaire nécessairement délimité. Les habitants parlent pratiquement tous la même langue, l'islandais, sans variation dialectale et partagent le même patrimoine culturel. La nation islandaise a toujours très homogène et n'a jamais comporté jusqu'à récemment de véritables groupes minoritaires importants se distinguant, par exemple, par la couleur, la race, la langue ou la religion. Mais si elle a connu traditionnellement une situation d'isolement en raison de sa position géographique, ce n'est plus réellement le cas aujourd'hui non seulement en raison de l'arrivée de plusieurs communautés immigrantes, mais également parce que l'ouverture au monde (anglophone?) implique de nouvelles terminologies.

Tous ces facteurs expliquent que l'Islande n'ait jusqu'ici prêté que peu d'attention, dans ses orientations politiques et sa législation, à la question des communautés minoritaires, bien que, dans le domaine de la recherche terminologique, les efforts aient été exemplaires. L'Islande n'a pas encore ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, ni la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, mais leur ratification devrait être considérée comme une question de principe et de solidarité. Quoi qu'il en soit, il est peu probable que l’Islande sombre dans l’intolérance, puisque le gouvernement a même été félicité par les organismes internationaux pour ses efforts afin de solutionner les problèmes liés à la discrimination et au racisme. Des efforts supplémentaires semblent encore nécessaires, mais il apparaît que ce pays, disposant par ailleurs d’une très longue tradition démocratique, ne sera pas pris au dépourvu par les problèmes qui pourraient surgir.

Certes, la politique linguistique s'est modifiée depuis une bonne décennie. Devant la dominance de l'anglais sur l'île, les autorités ont voulu éviter que leurs citoyens changent de langue. C'est pourquoi elles n'ont pas hésité à utiliser la loi pour orienter la politique sur la préservation et la promotion de la langue nationale, l'islandais, mais surtout pour assurer sa prédominance dans le pays. Rappelons que le Conseil de la langue islandaise (Íslensk málnefnd) détient un rôle de conseil et d’information sur le bon usage de la langue, notamment en matière de néologismes. La procédure utilisée sans imposition forcée par le Conseil fonctionne à un point tel que les médias attendent patiemment les nouveaux mots au fur et à mesure où ils sont proposés par les terminologues et qu’ils paraissent. Selon certaines sources, il s’agit presque d’une «religion» au sein de la population islandaise. Bref, on forge constamment des mots nouveaux pour suivre les développements technologiques et scientifiques. En ce sens, l'Islandais est à la fois une langue ancienne et moderne.

L'État islandais doit faire face à de nombreux défis pour une si petite communauté linguistique de 372 000 personnes, mais l'insularité constitue dans ce cas une avantage indéniable. En somme, ce sont à la fois la faible population et l'insularité de l'Islande qui ont fait en sorte que la langue islandaise n'a pas que fort peu subi de changements au cours des derniers mille ans. Néanmoins, la préservation d'un patrimoine linguistique ne peut garantir le maintien de l'identité islandaise. La langue islandaise n'empêche guère l'américanisation culturelle de l'Islande, en particulier chez les jeunes générations. De plus, la main-d'œuvre immigrante a tendance à travailler surtout en anglais en raison de sa méconnaissance de la langue officielle, notamment dans l'hôtellerie, le tourisme, la restauration et l'industrie de l'aluminium dominée par les Canadiens. Étant donné que l'Islande, comme bien d'autres pays, est touchée par la mondialisation, le combat identitaire va aussi atteindre l'île. Autrement dit, l'État doit sauvegarder non seulement le patrimoine linguistique, mais aussi le maintien de l'identité afin de faire face à de nouvelles réalités.

Dernière mise à jour: 18 févr. 2024
 

Bibliographie

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HAGÈGE, Claude. Le souffle de la langue, Paris, Éditions Odile Jacob, coll. "Opus", 1994, 288 p. 
 
 

LECLERC, Jacques. Langue et société, Laval, Mondia Éditeur, coll. "Synthèse", 1992, 708 p.
 

MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION, DE LA RECHERCHE ET DE LA CULTURE. L'islandais, ancien et moderne à la fois, Reykjavik, Ministère de l'Éducation, de la Recherche et de la Culture, 2001.   


NATIONS UNIES. Quatorzième rapport périodique que les États parties doivent présenter en 1996 : Islande, 29 avril 1996, CERD/C/299/Add.4. (State Party Report), Genève.