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MalawiRepublic of Malawi |
Capitale:
Lilongwé Population: 22,4 millions (est. 2024) Langue officielle: anglais (de facto) Groupe majoritaire: aucun Groupes minoritaires: chewa (37 %), lomwé (14,5 %), yao (10 %), tumbuka (6,4 %), nyakyusa-ngondé (2,9 %), sena (2,4 %), tonga (2,1 %) Langue coloniale: anglais Système politique: république unitaire Articles constitutionnels (langue): articles 20, 26, 42, 51, 55 et 94 de la Constitution du 18 mai 1994 (modifiée en 1997 et 1998) Lois linguistiques: Loi sur l'authentification des documents (1966-2014); Loi sur la citoyenneté du Malawi (1966-2024); Loi sur la publication des traités et des accords (1984-2024); Loi sur la protection du consommateur (2004-2014); Loi sur la police (2010); Loi sur l'éducation (2013); Règlement intérieur (2013-2020); Loi sur l'emploi (2014); Loi sur les sociétés (2014); Loi sur la garde, la protection et la justice des enfants (2014-2023); Loi sur l'enregistrement des actes (2016); Loi sur les communications (2017); Loi sur le mariage, le divorce et les relations familiales (2017); Loi sur le droit d'auteur (2017); Loi sur la formation juridique et les praticiens du droit (2018); Loi sur les pesticides (2018); Code pénal (2018); Loi sur les marques déposées (2018); Loi sur les élections locales (2020). |
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Le Malawi est un pays d'Afrique de l'Est enclavé entre la Tanzanie au nord-est, le Mozambique à l'est et au sud, et la Zambie à l'ouest. C'est un pays de 118 484 km², qui s'étire du nord au sud (900 km sur 80 à 150 km de largeur) tout le long du lac Malawi, ce dernier constituant la frontière naturelle avec la Tanzanie et le Mozambique. Le quart du territoire, soit 24 204 km², est constitué par des lacs, dont le lac Malawi, le troisième plus grand lac d'Afrique (580 km de long à 472 m au-dessus du niveau de la mer). On recense trois autres lacs: le lac Chilwa au sud-est du lac Malawi, le lac Chiuta au nord du lac Malawi et le lac Malombé au sud du lac Malawi.
Ce pays a la particularité d'être très petit en comparaison aux autres pays de la région (si l'on fait exception du Rwanda et du Burundi): le Mozambique (799 380 km²), la Tanzanie (945 000 km²), le Zimbabwe (390 580 km²), le Kenya (580 000 km²), le Congo-Kinshasa (2 345 000 km²), la Somalie (630 000 km²). En fait, la superficie du Malawi est équivalant à celle de la Corée du Nord (120 540 km²) et juste un peu plus grande que la Bulgarie (110 910 km²). |
Lilongwé devint la capitale du Malawi en 1975, remplaçant l'ancienne capitale, Zomba, mais le Parlement resta dans cette ville jusqu'en 1994; les derniers bureaux gouvernementaux furent transférés à Lilongwé en 2005. De plus, Blantyre est la capitale de la région Sud, et sa deuxième plus grande ville, avec une population de 800 000 habitants (2018); elle est parfois qualifiée de capitale commerciale et industrielle du Malawi, par opposition à sa capitale politique, Lilongwé, ainsi que sa capitale économique. Le Malawi se divise en trois régions administratives et 30 districts. Le nom Malawi signifie «flammes de feu» dans les langues bantoues.
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Les régions administratives sont la province du Nord ou "Northen Region" (capitale: Mzuzu), la province du Centre ou "Central Region" (capitale: Lilongwé) et la province du Sud ou "Southern Region" (capitale: Blantyre). Les districts sont les suivants: Balaka, Blantyre-Ville, Blantyre-Campagne, Chikwawa, Chiradzulu, Chitipa, Dedza, Dowa, Karonga, Kasungu, Lilongwé-Ville, Lilongwé-Campagne, Machinga, Mangochi, Mchinji, Mulanje, Mwanza, Mzimba, Mzuzu-Ville, Nkhata Bay, Nkhotakota, Nsanje, Ntcheu, Ntchisi, Phalombe, Rumphi, Salima, Thyolo, Zomba-Ville, Zomba-Campagne. On peut consulter la carte détaillée à ce sujet en cliquant ICI. Le lac Malawi porta également le nom de lac Nyassa, ce dernier mot signifiant «lac» dans la langue des pêcheurs locaux. Le Malawi n'a pas d'accès direct vers la mer; c'est pourquoi il doit utiliser les ports mozambicains pour l'acheminement des marchandises à l'exportation et à l'importation. |
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Avec une population estimée à 22,4 millions d'habitants en 2024, le Malawi demeure l'un des pays les plus densément peuplés d'Afrique (218 habitants au km²).
2.1 Les groupes ethniques
Les principales ethnies — toutes bantoues — sont les Chewa (55,7 %), les Tumbuka (14,2 %), les Yao (11,9 %), les Lomwé (5,2 %), les Sena (3,1 %) et les Tonga (1,8 %) Seuls les Chewa (12 millions), les Tumbuk (3,2 millions), les Yao (2,6 millions) et les Lomwé (1,1 million) dépassent le million d'individus.
La région du Nord est composée de principalement des Tumbuka; la région du Centre, principalement des Chewa; et la région du Sud, des Sena, des Yao et des Lomwé. Il existe d'autres ethnies minoritaires plus petites telles que les Kokola et les Zoulous. Les descendants des colons d'origine anglaise et les Indiens représentent moins de 0,5 % de la population. Les langues malawiennes locales sont identifiées par un astérisque (*).
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2.2 Les langues malawiennes
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On compte une douzaine de langues locales au
Malawi de type bantou. Le nom
des langues est généralement précédé des trois lettres "chi",
lesquelles signifient «langue» ou plus précisément «à la manière
de».
Par exemple, le mot chichewa désigne la langue des Chewa, tandis que chitumbuka désigne celle des Tumbuka. En français, on peut se contenter de chewa et de tumbuka parce qu'on sait qu'il s'agit des langues. |
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Les plus importantes du pays correspondent aux ethnies mentionnées: le chewa ou chichewa (55,7 %), le tumbuka (14,2 %), le yao (11,9 %), le lomwé (5,2 %), le sena (3,1%) et le tonga (1,8 %). Tout au long de l'histoire du Malawi, seuls le chewa et le tumbuka ont été à un moment donné les principales langues nationales dominantes utilisées par les fonctionnaires du gouvernement et dans les programmes scolaires. Mais ce fut le chewa qui fut privilégié par des gouvernements autoritaires. Ces dernières années, la langue chewa a considérablement changé et une distanciation s’est creusée entre le chewa traditionnel des villages et celui des citadins.
Les deux langues les plus employées sont réparties entre le Nord et le Sud. Le tumbuka est surtout parlé dans le Nord, alors que le chewa est parlé dans le Centre et le Sud, mais cette dernière est employée au moins par environ 80 % de la population comme langue maternelle ou langue seconde et sert souvent de langue véhiculaire dans le pays; le tumbuka sert aussi de langue véhiculaire dans le Nord. L'anglais est la langue officielle, mais il n'est parlé que dans les villes et comme langue seconde, souvent de façon minimale. La plupart des Malawiens (ou Malawites) qui sont censés parler l'anglais le «baragouinent», car peu réussissent à communiquer dans cette langue. La faible scolarisation des enfants nuit à la diffusion de l'anglais et il n'existe pas d'anglophones à qui parler dans le pays. Les Églises malawites estiment aujourd’hui à plus de 55 % le nombre d’adultes illettrés, surtout parmi les femmes (71%), malgré les efforts du gouvernement et des organisations non gouvernementales. Selon la Banque mondiale pour l'année 1999-2000, ce taux serait de 42 % pour le Malawi. Les Malawiens sont majoritairement de religion chrétienne (protestants, 55 %; catholiques, 20 %), puis musulmane (20 %) ou sont animistes ou adeptes des traditions africaines ancestrales (3 %); ou encore d'autres religions (2 %); parmi les protestants, les évangéliques sont les plus nombreux. |
Les Bantous (bâ-antu: «peuple humain» en kikongo) sont les locuteurs de langues bantoues, qui comprennent environ 450 langues. Leur origine est généralement située dans la région du Cameroun et du Nigeria actuels.
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Selon les sources disponibles, les premiers locuteurs de ces langues, devenus agriculteurs, auraient commencé à migrer vers le sud et l'est du continent il y a environ 4000 à 5000 ans. Cette migration a permis aux Bantous de s'étendre progressivement à travers l'Afrique centrale, orientale et australe, alors habitée par les Khoïkhoï (pasteurs) et les San (chasseurs-cueilleurs), et de peupler presque tout le continent africain au sud d'une ligne allant du sud du Nigeria au Kenya. Des peuples bantous se sont installés dans la région du Malawi dès le Ier siècle de notre ère. Puis le pays connut une succession de royaumes, en relation avec les commerçants swahilis des régions côtières du Mozambique et avec le Zimbabwe. Au XIVe siècle, le royaume des Chewa dominait la région en s'étendant au nord-ouest du lac Malawi. Les Yao, des pasteurs nilotiques venus du Sud soudanais, s'établirent dans le pays à partir du XVIIIe siècle. |
Comme ailleurs en Afrique, les royaumes locaux tantôt combattirent l'esclavage («traite orientale») et tantôt le pratiquèrent à leur profit, ce qui favorisa la conversion aux monothéïsmes, qui interdisent l'asservissement d'un coreligionnaire.
3.1 Les Européens
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L’Empire maravi fut fondé par les Maravi au
milieu du XVe siècle par les Chewa
qui contrôlaient ce qui est aujourd'hui le centre et le sud du
Malawi, certaines parties du Mozambique et l'est de la Zambie. Les
Maravis bantous avaient immigré depuis les territoires de l’actuel
Katanga dans la République démocratique du Congo. C'est sous l'empire des Maravi, au XVIe siècle, que les Européens entrèrent en contact avec les Bantous de la régioni, aujourd'hui en Malawi et au Mozambique. Sous cet empire, les Chewa avaient accès à la côte de l'océan Indien par l'actuel Mozambique (voir la carte). Par cette zone côtière, ils commerçaient l'ivoire, le fer et les esclaves avec les Portugais et les Arabes. Le commerce était stimulé par la langue commune du chewa (nyanja) parlée dans tout l'Empire maravi. |
Après l'arrivée des commerçants portugais, un vaste trafic d'esclaves s'intensifia. Les tribus malawites échangèrent des esclaves avec les Portugais; ces esclaves étaient principalement envoyés pour travailler dans les plantations portugaises au Mozambique ou au Brésil. Le déclin de l'empire Maravi s'accentua avec l'arrivée des Ngouni qui avaient quitté l'Afrique du Sud lors des conflits nés de la création du peuple zoulou et de l'arrivée des Boers. Chassés par l'expansion zouloue, les Ngoudi poussèrent jusqu'au nord du Malawi. Après avoir migré au Malawi dans les années 1800, les Yao commencèrent à acheter des esclaves aux Chewa et aux Ngouni; on rapporte que les Yao les attaquaient également afin de capturer des prisonniers qu'ils vendaient ensuite comme esclaves. Les Chewa étaient une branche du peuple maravi qui vivait dans la province orientale de la Zambie et dans le nord du Mozambique jusqu'au fleuve Zambèze à partir du XVIe siècle ou avant. Puis le chewa et le yao devinrent des langues véhiculaires dans la région.
Les Européens n'eurent connaissance de l'existence du lac Malawi qu'en 1859, lorsque David Livingstone (1813-1873), un missionnaire et explorateur britannique (né à Blantyre en Écosse), parvint sur ses rives. Celui-ci dénonça les ravages provoqués par la traite des Noirs organisée par les commerçants portugais et arabes. À partir de 1875, son expédition ouvrit la voie à l'établissement des missions, protestantes dans le Sud, catholiques dans le Centre. Les missionnaires développèrent des écoles et recoururent aux langues locales, notamment le swahili apporté par le sultanat de Kilwa (aujourd'hui en Tanzanie) et Zanzibar.
Mais les missionnaires furent bientôt suivis par des commerçants anglais et écossais. Un consul britannique s'établit dans le pays en 1883. Des affrontements avec les marchands d'esclaves et la volonté de stopper l'expansion du Portugal et de l'Allemagne amenèrent les Britanniques à négocier par la force avec les souverains indigènes la déclaration formelle d'un protectorat en 1891, qui prit le nom de Nyasaland en 1907. Le trafic d'esclaves avait été aboli en 1904.
La première grammaire en chewa, A Grammar of the Chinyanja language as spoken at Lake Nyasa with Chinyanja–English and English–Chinyanja vocabulary, fut écrite par Alexander Riddel en 1880. Une traduction de la Bible, connue sous le nom de Buku Lopatulika ndilo Mau a Mulungu, fut réalisée dans une variété standard de la région centrale vers 1900-1922 par des missionnaires de la Mission réformée néerlandaise et de l'Église d'Écosse, avec l'aide de quelques Malawites.
3.2 La colonisation britannique
Les Britanniques s'installèrent en maîtres dans le pays et imposèrent la langue anglaise dans l'Administration et les écoles. Pendant la Première Guerre mondiale, John Chilembwé, un pasteur africain formé en Amérique, se révolta contre la participation forcée de ses compatriotes à l'effort de guerre britannique et l'accaparement des terres par les colons anglais. Il organisa une révolte brève dans la région de Blantyre au sud du Nyasaland, mais elle fut sévèrement réprimée.
Dans l'entre-deux-guerres, de nouveaux colons anglais s'établirent dans le Nyasaland et développèrent les cultures d'exportation, tandis que les autochtones furent utilisés comme main-d'œuvre dans les mines et industries de la Rhodésie du Nord (aujourd'hui Zambie) et de la Rhodésie du Sud (aujourd'hui Zimbabwe). En 1933, le Nyasaland passa sous le régime de l'«indirect rule».
La Seconde Guerre mondiale marqua l'essor des mouvements nationalistes malawiens. En 1944, James Sangala fonda le Congrès africain du Nyasaland (Nyasaland African Congress, NAC), dont Ackim Kamkhwala Banda (qui changea de nom en Hastings Kamuzu Banda), un médecin immigré à Londres, devint le représentant en Grande-Bretagne.
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En 1953, le gouvernement britannique créa une Fédération de Rhodésie et du Nyassaland (Federation of Rhodesia and Nyasaland) regroupant la Rhodésie du Sud, la Rhodésie du Nord (l'actuelle Zambie) et le Nyassaland (Malawi), qui favorisait la domination blanche («suprématie blanche»). Cette fédération suscita une vive opposition de la part de la population autochtone dans le protectorat, qui redoutait de voir s'étendre à son pays le régime de ségrégation raciale en vigueur dans les territoires voisins. La fédération devait être dissoute en 1963, un an avant l’indépendance de la Zambie et du Malawi, sous la pression des mouvements nationalistes africains. En 1959, une campagne de désobéissance civile menée par Hastings Kamuzu Banda (1896-1997), qui avait été élu président du Parti du congrès du Malawi (Malawi Congress Party, MPC), le nouveau nom du NAC, fut suivie d'importantes émeutes dans le nord du pays. L'année suivante, une conférence constitutionnelle s'ouvrit à Lancaster, une ville située au nord-ouest de l'Angleterre. Après la dissolution de la Fédération de Rhodésie-Nyasaland, en 1963, le Nyasaland obtint l'autonomie; Hastings Kamuzu Banda devint premier ministre. |
Le protectorat accéda à l'indépendance le 6 juillet 1964 et prit son nom actuel du Malawi. En fait, le nom du Malawi a été choisi parce qu'il a été inspiré du mot «malavi» signifiant «brume» ou «lumière réfléchie». On a perçu ce mot comme une référence au soleil se levant sur le lac Malawi, donc un symbole (voir le drapeau malawien au haut de la page) des nouvelles lueurs d'espoir pour le nouveau pays.
3.3 Le Malawi indépendant
Après la proclamation de la république, le 6 juillet 1966, Hastings Kamuzu Banda fut élu président par l'Assemblée nationale.
C'était alors la «guerre froide» et
une
crise politique éclata aussitôt au sein du mouvement nationaliste; elle se solda
par la défaite et l'exil de ses dirigeants marxistes soutenus par l'URSS.
En novembre 1970, une modification de la Constitution fit de Banda le «président à vie» du Malawi. Il put ainsi diriger le pays en dictateur grâce à son parti unique, le Parti du congrès du Malawi (Malawi Congress Party). En prenant le pouvoir, le président Banda imposa une langue (le chewa) destinée à unifier le pays autour d'un seul groupe ethnique, le sien (les Chewa).
- Un président anglophone et anglophile
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La langue anglaise fut conservée comme la langue officielle pour l'Administration gouvernementale. Après l’indépendance, le président Banda a conservé l’anglais pour son potentiel unificateur dans une nation linguistiquement diversifiée et son utilité dans les affaires mondiales. En même temps, il imposa le chewa (appelé le chichewa) comme langue nationale officielle à côté de l'anglais. Toutefois, Banda qui, rappelons-le, appartenait à l'ethnie chewa, n'a jamais lui-même parlé le chewa, mais uniquement l'anglais; durant sa longue présidence de trente ans, Banda dut recourir aux services d'un interprète pour se faire comprendre ou comprendre ses interlocuteurs. Puis le dictateur imposa le chewa dans les écoles; tout élève devait réussir ses examens en chewa sous peine de rater ses études primaires. Par le fait même, il interdit l'utilisation du tumbuka dans les écoles et à la radio nationale. Le président fonda le Conseil du chewa dont la responsabilité était de rédiger un dictionnaire et de diriger les journaux vers la promotion de la langue nationale. |
Les Malawiens de la région Nord, principalement des Tumbuka, furent révoltés par cette décision présidentielle jugée autoritaire. Bien que le tumbuka ait été formellement interdit, les Églises chrétiennes dans la région du nord continuèrent de l'employer; tant l'Église catholique que les Églises protestantes ont utilisé cette langue dans leurs prières et leurs cantiques. Au cours des années 1970 et 1980, les tribunaux malawiens ont acquis la réputation d’être utilisés pour poursuivre les opposants politiques de Banda et d’être corrompus. En fait, les tribunaux furent employés davantage pour la répression des crimes ou des actes jugés ainsi ou encore pour réduire au silence les opposants au président plutôt que pour se préoccuper de la résolution des différends.
Ce n'est pas par hasard si Banda a maintenu des relations amicales avec le Mozambique, alors sous la domination du Portugal d'un autre dictateur (Salazar, jusqu'en 1975). Mais si cette politique (contestée) servait les intérêts commerciaux du Malawi, elle limitait également son influence sur le continent africain. La récession économique et l'afflux d'un million de réfugiés mozambicains au début des années 1990 contribuèrent à déstabiliser le président Banda, de plus en plus contesté, à l'intérieur comme sur le plan international, en raison de son autoritarisme et de l'élimination des opposants politiques.
- La fin d'un dictateur
Après trois décennies de sa dictature, le tiers de l'économie du pays restait sous le contrôle de la compagnie privée du «président à vie», la Press Holdings. La population malawienne reprochait également à Banda son mode de vie essentiellement anglo-saxon, sa grande richesse et sa méconnaissance des coutumes et de la langue locale; il ne parlait, rappelons-le, que l'anglais et il était toujours accompagné d'un interprète. En mars 1992, les évêques catholiques du Malawi publièrent une lettre pastorale («Living Our Faith»: "Vivons notre foi'') critiquant Banda et son gouvernement; la lettre fut publiée en trois langues, en anglais, en chewa et en tumbuka.
En 1990, le gouvernement introduisit la gratuité dans l'enseignement primaire, mais ce ne fut qu'en 1994-1995 que beaucoup plus d'enfants ont pu être scolarisés. Le Malawi réussit également à atteindre la parité entre les sexes en matière de scolarisation, du moins au primaire. Cependant, ce relatif succès s'inscrit dans un système qui échoua à de plusieurs égards en raison notamment des niveaux de ressources allouées demeurées très faibles et leur répartition inégale.
Cependant, les langues nationales autres que le chewa ont beaucoup souffert sous le règne du président Hastings Kamuzu Banda puisque, en 1968, en raison de sa politique d'une seule nation, une seule langue, elles ont perdu toute reconnaissance, tandis que le statut de langue co-officielle du tumbuka fut retiré. En conséquence, le tumbuka fut supprimé des programmes scolaires, à la radio nationale et dans la presse écrite.
Finalement, le dictateur, alors âgé de 97 ans, se résolut à accepter, sous la pression internationale, le multipartisme en juin 1993, puis perdit la présidence au profit de Bakili Muluzi en mai 1994. Les prisonniers politiques furent libérés. En 1995, le vieux Banda et son ancien adjoint et vice-président, John Tembo, furent arrêtés et inculpés pour le meurtre en 1983 de trois ministres et d'un parlementaire. L'instruction du procès fut l'occasion, pour le Parti du congrès du Malawi, l'ancien parti unique, allié à une formation de l'opposition (l'Alliance pour la démocratie) de multiplier les accusations de corruption contre le nouveau président. En 1997, l'ancien président Hastings Kamuzu Banda décéda à l'âge de 99 ans (mais il est possible que ce soit à 101 ans). Durant son règne, Banda fut l’un des rares dirigeants africains postcoloniaux à entretenir des relations diplomatiques avec l’Afrique du Sud de l’époque de l’apartheid. Avec l'avènement de la démocratie multipartite en 1994, les émissions en tumbuka reprirent à la radio, mais le nombre de livres et d'autres publications en tumbuka demeura faible.
- Un pays sous-développé
Le 15 juin 1999, des élections générales ont eu lieu et ont reconduit le président sortant Bakili Muluzi à la tête de l’État (pour un second mandat) ainsi que son parti, le Front démocrate uni (United Democratic Front, UDF), au Parlement. Le chef de l'État s'est employé à tenir ses promesses électorales de réconciliation nationale. Ce n'était pas une mince affaire dans un pays où les partis tenaient leur soutien à partir de régions et d'ethnies différentes.
Les conséquences des élections conduisirent le pays au bord de la guerre civile. Les tribus chrétiennes, dont les Tumbuka, les Ngouni et les Nkhonde, majoritaires dans le Nord, furent irritées par l'élection de Bakili Muluzi, un musulman du Sud. Un conflit éclata entre chrétiens et musulmans, dont les Yao (l'ethnie de Muluzi). Des biens évalués à plusieurs millions de dollars furent vandalisés ou volés et 200 mosquées furent incendiées. Le pays, déjà traumatisé par les ravages du sida (juste 130 000 morts entre 1985 et 1995), assista à la montée de la violence et de la corruption. De plus, la «justice» demeura on ne peut plus expéditive, tandis que les parlementaires se votaient régulièrement de nouveaux privilèges. Les autorités continuèrent d'employer l'anglais avec leurs administrés.
Le Malawi connut sa toute première transition entre des présidents démocratiquement élus en mai 2004. Cela ne signifie pas que le pays n'ait connu la corruption et l'abus de pouvoir, mais il y a eu des élections libres. Si l'anglais est employé au gouvernement, dans les tribunaux et dans l'éducation formelle, le chewa et d'autres langues locales comme le tumbuka se sont également répandus dans les espaces publics et médiatiques, mais l'anglais exerce encore aujourd'hui une vive concurrence aux langues locales, particulièrement en éducation.
En général, les observateurs craignent que cette politique linguistique axée sur l'anglais ait pour effet de désavantager les élèves issus de milieux où cette langue n’est pas couramment parlée. Quant à la population malawienne, elle se classe aujourd'hui aux derniers rangs mondiaux pour le revenu par habitant. En 2021, le PIB par habitant était d'environ 567 $US; en 2024, il était estimé à environ 508,4 $US, selon la Banque mondiale. Le Malawi est considéré comme l'un des pays les moins avancés et fait face à des défis économiques importants, y compris une forte dépendance à l'agriculture et à l'aide internationale. Ce pays n'a donc pas les moyens pour faire face à la domination de l'anglais.
Le Malawi n'a pas de politique linguistique bien définie et il n'existe aucun accord politique quant au statut de la langue nationale (le chewa) à côté de l'anglais. L'anglais demeure toujours la langue officielle, mais le chewa est dominant comme langue véhiculaire. Par ailleurs, l'anglais n'est promulgué dans aucune loi, pas même dans la Constitution.
L'article 20 de la Constitution de 1994 (modifiée en 1997 et 1998) interdit la discrimination, notamment pour des raisons de langue:
Article 20
Égalité 1) La discrimination des individus, sous toutes ses formes, est interdite et toutes les personnes sont, sous n'importe quelle loi, sont assurées d'une protection égale et efficace contre la discrimination pour des raisons de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou autre, de nationalité, d'origine ethnique ou sociale, d'incapacité, de propriété, de naissance ou d'un autre statut. |
En fait, si la discrimination en fonction de la langue est interdite, elle se pratique à une vaste échelle dans tout le pays. Les langues n'ont pas toutes le même statut réel dans la vie quotidienne. On peut dire que la distribution fonctionnelle des langues malawiennes est directement reliée à leur valeur sur le marché linguistique. La dominance de l'anglais est totale dans tous les domaines importants de la vie sociale, économique et politique. La langue chewa, il est vrai, fait l'objet d'un rappel constant dans les discours politiques, mais dans les faits cette langue ne sert qu'aux communications interethniques et est devenue un symbole nationaliste, mais sa fonction administrative et politique reste nulle. Les autres langues africaines souffrent d'une valorisation à peu près nulle dans les domaines formels et sont employées surtout dans des contextes familiaux et d'identité ethnique. Pourtant, l'article 26 de la Constitution accorde le droit à tout Malawien d'employer la langue de son choix, mais cette disposition reste muette sur les modalités d'usage de ladite langue maternelle:
Article 26
Culture et Langue Quiconque a le droit d'employer la langue de son choix et de participer à la vie culturelle. |
Dans les faits, une telle disposition risque de demeurer un vœu pieux, car il n'existe aucun mécanisme pour faire valoir ce droit d'employer «la langue de son choix».
4.1 La langue de la législation
L'anglais est la langue de la législation. Cette pratique est conforme à l'article 51 de la Constitution, qui fait de l'anglais l'une des conditions pour être membre du parlement: il faut être capable de parler et lire la langue anglaise suffisamment pour prendre une part active aux débats:
Article 51
Les qualifications des membres du Parlement 1) Quiconque sera apte pour être désigné ou élu comme membre du Parlement si cette personne-
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Pourtant, l'article 55 permet l'usage d'une autre langue que l'anglais:
Article 55
5) Les travaux du Parlement se déroulent en anglais et dans toute autre langue qui peut être prescrite dans chacune des Chambres dans le respect de ses propres règles. |
Une étude locale a d'ailleurs démontré les avantages d'introduire le chewa comme langue alternative pour aider les députés qui ne sont pas suffisamment compétents en anglais à mieux participer aux débats. L'usage des deux langues permettrait aux députés et à tous les Malawiens de participer plus facilement aux travaux parlementaires. Mais dans le contexte actuel, l'anglais semble destiné à demeurer l'unique langue des travaux parlementaires en raison de la tradition bien ancrée dans les mœurs de cette assemblée. Cela dit, il arrive que de rares textes législatifs soient traduits dans certaines des principales langues nationales du pays.
Quant à l'article, 94 de la Constitution, il fait une obligation similaire aux ministres qui font partie du gouvernement: la connaissance de l'anglais est obligatoire.
Article 94
Nomination des ministres 1) Le président aura le pouvoir de désigner des ministres ou des ministres adjoints et de pourvoir des postes vacants au cabinet. 2) Tout individu sera apte à être désigné comme ministre ou ministre adjoint si cet individu: b) est capable de parler et lire la langue anglaise; et c) est enregistré comme électeur sur une liste électorale. |
Le Règlement intérieur (2013-2020) impose également l'anglais dans les débats et les requêtes:
Article 39 Toute requête doit être en anglais ou accompagnée d'une traduction certifiée en anglais comme correcte autant que possible et de ses convictions par le membre la présentant. La requête doit contenir un exposé des faits clairs, concis, précis et tempérés pour lequel l'intervention de la Chambre est demandée ainsi que la signature de tous les requérants. Article 44 Avant de présenter une requête, chaque membre doit vérifier et écrire au début de celle-ci le nombre de signatures et s'assurer qu'elle ne contient pas un langage irrespectueux à l'Assemblée. Article 74 Tous les débats de l'Assemblée doivent être en anglais. |
L'article 18 de la Loi sur l'enregistrement des actes (2016) énonce aussi que tout document qui n'est pas rédigé en anglais doit être accompagné d'une traduction dans cette langue:
Article 18
Documents en langue étrangère |
L'article 3 de la Loi sur la publication des traités et des accords (1984-2024) précise également qu'une version d'une traité doit être en anglais et constituer une version officielle:
Article 3
Version publiée en anglais et preuve prima facie La version de tout ou en partie d'un traité, d'une convention ou d'un accord international ou, selon le cas, d'un article, d'une clause, d'un pacte ou d'une disposition de ladite version, publiée conformément à l'article 2, doit être en anglais et constitue une preuve prima facie de la version anglaise authentique de ce traité, de cette convention ou de cet accord ou de cette partie de ladite version ou de cet article, de cette clause, de ce pacte ou de cette disposition. |
Bref, les textes juridiques à ce sujet sont très clairs: l'anglais est la langue de la législation.
4.2 La langue de la justice
Les tribunaux de première instance, pour leur part, bien qu'ils appliquent des lois rédigées exclusivement en anglais, fonctionnent théoriquement en anglais, mais généralement en chewa, exceptionnellement en une langue régionale. Les cours de seconde instance utilisent les deux langues, l'anglais ou le chewa, mais la Cour d'appel de l'État privilégie l'anglais.
Bref, dans toutes les cours de justice, le chewa demeure omniprésent dans les communications orales. Si le chewa reste la langue d'expression orale du tribunal, les jugements sont prononcés en anglais. De fait, les documents sur lesquels repose le fonctionnement de la justice sont tous rédigés en anglais. Cette pratique est conforme à l'article 42 de la
Constitution qui déclare que tout accusé a le droit d'être informé dans une langue qu'il comprend des motifs de son arrestation ou de sa détention, et d'être jugé dans une langue qu'il comprend:Article 42
Arrestation, détention et procès juste 1) Tout individu détenu, incluant tout prisonnier condamné, aura le droit-
2) Tout individu arrêté ou accusé d'une infraction par le tribunal, en plus des droits qu'il a en tant que détenu, aura le droit:
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Dans le cas où une personne ne comprend pas la langue du juge, il sera possible de faire appel à un interprète.
Le Code pénal (2018) n'est d'aucune utilité, car il ne s'en tient qu'à des paroles insultantes ou injurieuses:
Article 182 Utilisation de propos insultants Toute personne qui utilise un langage insultant, injurieux, indécent ou menaçant, ou qui se comporte de manière à provoquer une personne au point de troubler l'ordre public ou de commettre une infraction à son encontre, est passible d'une amende de 100 kwachas et d'une peine d'emprisonnement de six mois. |
Dans le système judiciaire du Malawi, l’anglais est employé comme langue de la procédure et des dossiers. Dans les cas où les plaignants et les défendeurs ne parlent pas anglais, des interprètes sont fournis dans les échanges oraux. Cependant, il existe deux facteurs qui militeraient contre cet état de fait. Il faut considérer que le Malawi est un pays très analphabète avec un taux d’analphabétisme estimé à 48 %. De plus, l’anglais n’est pas le moyen de communication de la majorité de la population malawienne. Néanmoins, le droit du pays ne reconnaît d'autre langue dans la procédure que l'anglais, hormis la concession de recourir au chewa dans la communication orale. Bref, un justiciable malawien ne peut employer sa langue que par l'interprétariat.
La Loi sur la police (2010) démontre que l'anglais est la seule langue officiellement autorisée, mais toute personne arrêtée doit être interrogée dans une langue qu'elle comprend:
Article 46
Comparution des témoins
Article 105 Pouvoirs d'un agent de police en matière de rassemblements et de manifestations 2) Lorsqu'un commissaire de district a interdit un rassemblement ou une manifestation en un lieu et que la Haute Cour a confirmé cette interdiction, ou lorsqu'un agent de police ayant l'échelon d'inspecteur ou un échelon supérieur a des motifs raisonnables de croire que le danger pour les personnes ou les biens, résultant du rassemblement ou de la manifestation, ne peut être écarté par les mesures visées au paragraphe 1 si le rassemblement ou la manifestation a lieu, tout agent de police ayant l'échelon d'inspecteur ou un échelon supérieur, selon le cas, peut :
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Dans la pratique, la situation semble similaire avec les enfants mineurs. Ainsi, la Loi sur la garde, la protection et la justice des enfants (2014-2023) autorise l'usage de toute autre langue que l'anglais à la condition de recourir au service d'un interprète et de n'employer aucun terme technique:
Article 58 Engagement des parents d'accueil 2) Si le parent d'accueil potentiel ne maîtrise pas suffisamment l'anglais pour comprendre la nature de l'engagement, l'agent des services sociaux concerné doit lui faire expliquer l'engagement dans une langue qu'il comprend et doit certifier à cet effet, conformément au formulaire 2 de l'annexe 2. Article 126 Accès de l'enfant à une représentation judiciaire 1) L'enfant a droit à une représentation judiciaire. 2) L'enfant, le parent, le tuteur ou l'adulte approprié peut désigner un représentant légal de son choix pour assurer la représentation judiciaire de l'enfant. 5) L'enfant, le parent, le tuteur ou l'adulte concerné a le droit de donner des instructions à un représentant légal dans la langue de son choix et, si nécessaire, avec l'aide d'un interprète. Article 144
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Du côté du personnel judiciaire et des notaires, la Loi sur la formation juridique et les praticiens du droit (2018) exige la connaissance de l'anglais:
Article 23
Qualifications requises pour l'admission à la profession
Article 46 Fonctions du notaire public Les fonctions du notaire public comprennent :
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À la lumière de ces faits, le système judiciaire devrait recourir au moins au chewa, au lomwé, au yao et au tumbuka dans les tribunaux locaux, à l'oral et à l'écrit. Non seulement cela faciliterait les communications, mais éliminerait également le besoin de nombreux interprètes judiciaires. Cet usage donnerait également aux parties en conflit l’assurance que leurs propos ne seraient pas déformés. Dans le passé, de nombreux justiciables ont été mal défendus en raison de leur méconnaissance de l'anglais, puis mal jugés et injustement condamnés. Toutefois, bien que le gouvernement malawien actuel reconnaisse la nécessité de fournir aux pauvres des zones rurales en particulier un système judiciaire accessible, il manque de fonds pour mettre en œuvre toute réforme proposée.
4.3 Les langues de l'administration
Dans l’administration gouvernementale, l’anglais demeure sans rivale dans la mesure où c’est la langue de travail normale des fonctionnaires. C'est également massivement la langue écrite de l'administration. Selon les régions, les employés s’expriment oralement à la fois en anglais et en chewa (sauf au nord) ou en anglais et en tubumka (au nord), parfois en d'autres langues locales. Ce n'est pas une obligation, mais une question de «gros sens pratique», les Malawiens ne connaissant généralement pas l'anglais, surtout dans les zones rurales. Par exemple, il serait ridicule de s'adresser en anglais aux administrés peu scolarisés, aux gens malades, aux enfants ou aux paysans, même aux petits commerçants.
- Le Centre d'études linguistiques
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Le Centre for Language Studies (CLS) du Malawi est une unité de recherche et de développement axée sur la promotion et le développement des langues malawites. Ce centre est rattaché à la Faculté des sciences humaines du Chancellor College de l'Université du Malawi. Le Centre d'études linguistiques a été créé à la demande du gouvernement en 1996 afin de reprendre certaines responsabilités du Conseil du chewa, aujourd'hui dissous. Son mandat a été élargi pour couvrir non seulement le chewa, mais aussi toutes les langues parlées au Malawi. |
Le CLS entreprend des recherches, fournit des conseils et élabore des grammaires, des lexiques et des principes orthographiques pour les langues malawites, dont le chewa, le tumbuka, le yao, le sena, le tonga, le lomwé, etc. Le rôle principal du CLS est de promouvoir et de faire progresser ces langues malawiennes. Parmi les services offerts, le Centre for Language Studies doit notamment assurer la traduction de documents d'une langue à un autre, rédiger des manuels et autres livres en diverses langues, collaborer avec des organisations privées et des centres de recherches étrangers; il fournit aussi des services de traduction, d'interprétation et de révision pour diverses langues..
Le CLS conseille également le gouvernement sur les questions de politique linguistique et reconnaît l'importance de langues comme l'anglais, le français, l'allemand et le portugais dans l'enseignement des langues étrangères.
- Les relations avec les citoyens
La Loi sur la protection du consommateur (2004-2014) prescrit qu'un contrat type doive être rédigé dans la langue officielle ou être accompagné d'une traduction écrite dans la langue nationale locale sans en faire mention:
Article 26
Contrats types 1) Les contrats types doivent :
2) Le conseil [Conseil de protection des consommateurs] contrôle et réglemente les accords types pour assurer une protection adéquate des consommateurs. |
La loi ne mentionne aucune de ces langues nationales, mais on peut seulement croire qu'il s'agit du chewa ou du tumbuka. Le manque de traducteurs et de ressources financières ne devrait pas permettre d'avoir recours à toutes les langues nationales.
Selon l'article 29 de la Loi sur les pesticides (2018), le texte sur une étiquette destinée à une publication sur des pesticides doit être rédigé en anglais et dans toute autre langue parlée au Malawi:
Article 29
Étiquettes 1) Il est interdit de distribuer, de vendre, de proposer à la vente ou de détenir en stock des pesticides à moins qu'il ne soit contenu dans un contenant portant une étiquette clairement lisible, approuvée par le Conseil et solidement fixée au contenant. 2) Le texte de l'étiquette et de toute publication relative à des pesticides destiné à être distribué ou affiché avec des pesticides doit être rédigé en anglais et dans toute autre langue parlée au Malawi, selon les exigences du Conseil, et doit être conforme aux autres exigences prescrites. |
Il faut tenir que le tout doit conforme aux exigences du Pesticides Control Board (Conseil de contrôle des pesticides) et celui-ci ne se montre que fort peu ouvert aux autres langues que l'anglais.
La Loi sur l'emploi (2014) interdit la discrimination notamment en fonction de la langue:
Article 5 Anti-discrimination 1) Nul ne peut discriminer un employé ou un candidat à un emploi en raison de sa race, de sa couleur, de son sexe, de sa langue, de sa religion, de ses opinions politiques ou autres, de sa nationalité, de son origine ethnique ou sociale, de son handicap, de sa fortune, de sa naissance, de son état matrimonial ou autre, ou de ses responsabilités familiales, en matière de recrutement, de formation, de promotion, de conditions d'emploi, de licenciement ou de toute autre question découlant de la relation de travail. Article 6 Égalité de rémunération 1) Un employeur est tenu de verser à ses employés une rémunération égale pour un travail de valeur égale, sans distinction ni discrimination d'aucune sorte, notamment fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, la nationalité, l'origine ethnique ou sociale, le handicap, la fortune, la naissance, l'état matrimonial ou autre, ou les responsabilités familiales. |
Cependant, la maîtrise de l’anglais est souvent associée à l’éducation, au professionnalisme et surtout à un statut social plus élevé. Par conséquent, ceux qui parlent couramment l’anglais ont tendance à avoir de meilleures perspectives d’emploi et de mobilité sociale. En même temps, cette dynamique peut également exacerber les inégalités sociales, car les populations rurales et défavorisées peuvent ne pas avoir accès à une éducation anglaise de qualité et encore moins à un emploi intéressant.
Même la Loi sur le mariage, le divorce et les relations familiales (2017) exige un intervenant sachant l'anglais pour les personnes qui ne parlent pas cette langue:
Article 20 Signature d'un avis par une personne ne sachant ni écrire ni comprendre l'anglais 1) Lorsqu'une personne donnant l'avis en vertu de l'article 19 ne parle ni ne comprend l'anglais, il lui suffit d'apposer une croix ou un signet, selon le cas, en présence d'une personne sachant lire et écrire en anglais, laquelle devra attester de cette inscription ou de ce signet. |
- Le droit d'auteur
Le droit d'auteur est un droit reconnu par la loi et qui protège les œuvres originales, littéraires, dramatiques ou artistiques. Il confère à l'auteur le droit exclusif d'utiliser son œuvre, que ce soit pour la reproduction, la publication, la diffusion ou l'exécution. La Loi sur le droit d'auteur (2017) protège une personne qui désire traduire une œuvre exprimée exclusivement par des mots dans une langue d'usage courant au Malawi, qu'il s'agisse d'une langue étrangère ou d'une langue locale du Malawi. C'est très rare qu'une loi mentionne les droits d'une langue d'usage courant au Malawi:
Article 60
Licence de traduction obligatoire 1) Lorsqu'une œuvre est exprimée exclusivement par des mots, le droit d'en faire une traduction et de la publier au Malawi peut être soumis aux conditions de permis obligatoire précisées dans le présent article. 2) Toute personne qui est citoyenne du Malawi ou qui a sa résidence habituelle au Malawi peut, sous réserve des dispositions du présent article, demander au Ministre un permis non exclusif pour traduire une œuvre exprimée exclusivement par des mots dans une langue d'usage courant au Malawi, qu'il s'agisse d'une langue étrangère ou d'une langue locale du Malawi, et pour publier ou autoriser la publication de cette traduction en exemplaires. 4) Une licence en vertu du présent article ne sera accordée que si le Ministre est convaincu que:
Article 65 Licence de reproduction obligatoire pour les œuvres audiovisuelles 1) Le Ministre peut, sur demande écrite de toute personne et sous réserve des conditions énoncées à l'article 63, accorder un permis autorisant cette personne à :
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- Les élections locales
En principe, toute personne ignorant l'anglais peut participer à des élections locales à la condition d'avoir 18 ans. Il y aura toujours un interprète ou un employé présent qui maîtrise la langue couramment employée dans une circonscription (art. 11 de la Loi sur les élections locales (2020). Cependant, les conseillers, les candidats et les agents des bureaux de vote doivent parler et lire l'anglais:
Article 27
Qualifications des conseillers 1) Nul ne peut être nommé ou élu conseiller :
Article 30 Candidature et pièces justificatives 1) Un candidat ou son représentant électoral doit, lors de sa candidature, remettre au directeur du scrutin :
Article 52 Responsables des bureaux de vote 1) La Commission nomme des agents de bureau de vote dont la mission est d'administrer les opérations dans les bureaux de vote, notamment le vote, et de dépouiller les suffrages exprimés. 2) La Commission poste dans chaque bureau de vote au moins cinq agents de bureau de vote, dont l'un est désigné comme président de bureau de vote et dont au moins un parle la langue couramment parlée dans la zone du bureau de vote. |
- La citoyenneté
Selon la Loi sur la citoyenneté du Malawi (1966-2024), tout candidat désirant obtenir la citoyenneté malawienne doit posséder une connaissance suffisante d'une langue vernaculaire prescrite ou de l'anglais:
Article 13
Enregistrement des citoyens du Commonwealth 1) Sous réserve du paragraphe 2), tout citoyen du Commonwealth, majeur et apte peut, après en avoir fait la demande conformément à l'article 28, être enregistré comme citoyen du Malawi s'il prouve au Ministre :
Article 21 Naturalisation des étrangers 1) Sous réserve du paragraphe 2), tout étranger majeur et apte peut, sur demande adressée au Ministre selon les modalités prévues à l'article 28, obtenir un certificat de naturalisation en tant que citoyen du Malawi s'il prouve au Ministre :
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le problème, c'est qu'il n'y a jamais de langue vernaculaire prescrite. Donc, il faut qu'une personne candidate à la citoyenneté réussisse à apprendre un minimum d'anglais au cours de ses sept années de résidence avant de faire sa demande de naturalisation.
- Les sociétés commerciales
Les sociétés ou entreprises établies au Malawi sont soumises aux exigences concernant la langue anglaise. Selon la Loi sur les sociétés (2014), tout document rédigé dans une autre langue que l'anglais doit également contenir une traduction anglaise certifiée conforme à l'original (art. 86). Toute la comptabilité appropriée sur les redevances à l'État relative à des opérations exclusives au Malawi doit être acheminée au registraire en anglais ou dans toute autre langue acceptée par celui-ci (art. 313). L'article 316 oblige les sociétés à afficher le nom de leur raison sociale en alphabet latin en anglais ou dans une langue acceptée avec une traduction:
Article 316
Obligation d'indiquer le nom, le pays, etc., de la société externe 1) Toute société externe doit :
2) Lorsque le nom de la société est en langue étrangère, les exigences du présent article relatives au nom de la société sont réputées satisfaites par la présentation ou la mention, selon le cas, en anglais ou dans une langue acceptée par le registraire, d'une traduction de ce nom, et la mention qu'il s'agit bien de cette traduction. 3) Le fait que le mot "limited" ou son équivalent en langue étrangère fasse partie du nom de la société ne constitue pas une conformité suffisante aux obligations imposées par le présent article concernant la présentation ou la mention du nom de la société, selon le cas, et la mention du fait que la responsabilité des associés est limitée. |
L'article 336 de la même loi énonce qu'une entreprise qui ne satisfait pas à l'usage des mots "incorporated", "corporation" et "limited" est passible d'une amende de 10 kwacha (moins de 1$US) pour chaque jour où ce nom ou ce titre a été utilisé:
Article 336
Sanction pour usage abusif des termes « incorporée » ou « à responsabilité limitée » |
L'article 14 de la Loi sur l'authentification des documents (1966-2014) exige aussi l'anglais ainsi qu'une traduction, le cas échéant:
Article 14 Traductions Toute annotation et tout certificat rédigé dans une autre langue que l'anglais ou le français doit être accompagné d'une traduction. |
En vertu de la Loi sur les marques déposées (2018), toute demande pour une marque déposée destinée à être transmise au Bureau international par l'intermédiaire du bureau du registraire doit être rédigée en anglais:
Article 2 Langue de communication Toute communication, y compris une requête internationale, destinée à être transmise au Bureau international par l'intermédiaire du bureau du registraire, doit être rédigée en anglais. |
Bref, le bilinguisme ne constitue pas une obligation dans ce pays, mais c'est une pratique courante à l'oral. Il n'en demeure pas moins que les langues malawiennes sont en général complètement marginalisées (sauf le chewa) dans les domaines formels de la part de l'administration de l'État. L'anglais reste une langue parlée et comprise par une élite dirigeante anglo-chewa, qui vit souvent retranchée dans ses privilèges, et ce, peu importe le gouvernement en place. Beaucoup de Malavites remettent en question cette pratique linguistique héritée de l'ère coloniale.
4.4 Les langues de l'éducation
Au Malawi, les enfants de 3 à 5 ans fréquentent les écoles maternelles, mais seulement si elles sont disponibles dans leur région; celles-ci sont plus fréquentes en milieu urbain qu'en milieu rural. À six ans, les enfants malawites entrent à l'école primaire, qui s'étend de la première à la huitième année. Les matières enseignées dans les écoles primaires du Malawi sont l'anglais, les mathématiques, les sciences et la technologie, les arts d'expression et les sciences sociales et environnementales. De plus, de la 1re à la 4e année, toutes les matières sont enseignées en chewa, tandis que de la 5e à la 8e année et tout au long du secondaire, toutes les matières, sauf le chewa, sont enseignées en anglais.
Une fois la huitième année atteinte, les élèves doivent passer et réussir les examens nationaux avant de pouvoir être admis au secondaire. S'ils réussissent, ils passent à l'école secondaire, qui comprend quatre niveaux ou années: la classe de 1re (9e année), la classe de 2e (10e année), la classe de 3e (11e année) et la classe de 4e (la 12e année). L'admission des élèves à l'école secondaire dépend de leurs résultats aux examens nationaux qu'ils doivent passer à la fin de l'année scolaire en 8e année. L’enseignement secondaire est donné presque entièrement en anglais; cette politique vise à préparer les étudiants à l’avancement scolaire et à l’emploi dans un marché du travail de plus en plus mondialisé et favorable à l'anglais. Évidemment, tant au secondaire que dans les universités, seul l'anglais est utilisé.
Notons que l'école primaire est gratuite, alors que l'enseignement secondaire est payant, les frais de scolarité variant selon la qualité de l'établissement. Dans ce contexte, les écoles primaires sont «publiques» et sont gérées par l'État, mais il existe également un certain nombre d'écoles primaires privées au Malawi, dont beaucoup sont administrées par des églises.
La question de la langue d'enseignement suscite beaucoup de débats au Malawi. L'anglais est la langue officielle du Malawi et demeure la première langue dans l'enseignement primaire. Le gouvernement du Front démocrate uni (United Democratic Front, UDF) de Bakili Muluzi a bien ordonné l'usage des langues locales dans l'éducation primaire, mais cette directive est demeurée facultative. De plus, il n'existe aucun consensus quant à la langue commune devant être enseignée. L'anglais continue donc de bénéficier de son statut de langue officielle en éducation.
D'ailleurs, la Loi sur l'éducation (2013) prescrit l'anglais comme langue d'enseignement:
Article 78
Langue d'enseignement 1) L'anglais est la langue d'enseignement dans les écoles et les collèges. 2) Sans préjudice de la portée générale du paragraphe 1, le Ministre peut, par avis publié au Journal officiel, prescrire la langue d'enseignement dans les écoles. |
Cependant, le gouvernement peut prescrire une autre langue d'enseignement. Bien que l'anglais soit la langue officielle de l'éducation, la politique linguistique en éducation a évolué au fil du temps. À l'origine, le chewa était employé pendant les quatre premières années du primaire, tandis que l'anglais prenait le relais par la suite. Mais une politique plus récente, mise en œuvre en 2014, a imposé l'anglais comme l'unique langue d'enseignement. Cette décision a suscité un débat accru sur la pertinence de l'anglais par rapport aux langues malawites à des fins pédagogiques. L'une des principales critiques adressées aux politiques linguistiques du Malawi dans l'enseignement vient du fait qu'elles ne sont pas élaborées sur la base de données sociolinguistiques, malgré les démentis de la part du gouvernement.
Dans la plupart des écoles primaires, l'anglais est la langue d'enseignement dès la première année dans un pays où l'anglais n'est pas la langue dominante de communication familiale. Les enfants sont désormais censés apprendre (y compris à lire et à écrire) en anglais, une langue qu'ils n'ont jamais connue avant leur premier jour d'école. De nombreux élèves, en particulier dans les zones rurales, éprouvent des difficultés à maîtriser l’anglais en raison d’une exposition limitée et de ressources pédagogiques inadéquates. Rappelons que l'économie malawienne repose fortement sur l'agriculture, la sylviculture et la pêche, alors qu'environ 82 % de la population vit en zone rurale. Plusieurs études démontrent que les écoliers surmontent mieux des matières abstraites comme les mathématiques et la physique dans leur langue maternelle qu'en anglais. C'est pourquoi certains Malawiens remettent en question l'enseignement de l'anglais au primaire. Cela conduit souvent à de mauvais résultats scolaires et limite les possibilités d’enseignement supérieur et d’emploi qualifié. De plus, certains enseignants eux-mêmes peinent à employer l'anglais comme langue d'enseignement.
Les résultats de cette politique sont négatifs, tandis que le manque de ressources du système scolaire en termes d'infrastructures, de matériel et d'enseignants compromet encore davantage les résultats d'apprentissage positifs. Cette politique linguistique repose donc sur des bases fragiles et ne permet pas d'éradiquer le faible niveau d'anglais chez les enfants malawites. On a souvent déploré que des politiques linguistiques inadaptées et défaillantes en Afrique aient conduit une majorité de sa population à ne pas pouvoir s'engager efficacement dans les systèmes éducatifs de leur pays. Or, la politique linguistique en éducation au Malawi en est un parfait exemple, car la planification linguistique du Malawi a été critiquée à plusieurs reprises et illustre la tension entre les positions concurrentes de l'anglais et des quelque 12 langues malawites du pays. Rappelons que, selon la Banque mondiale, le taux d'alphabétisation au Malawi est d'environ 68,08%; ce taux a connu une légère baisse, passant de 70,15% en 2020 à 68,08% en 2022.
4.5 Les médias
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Le paysage médiatique du Malawi est généralement bilingue, sauf dans les journaux, l’anglais et les langues locales étant utilisés à la radio, à la télévision et dans la presse régionale écrite. Des journaux tels que The Nation et The Daily Times sont publiés en anglais et s’adressent à un public urbain et alphabétisé. Aujourd'hui, les grands journaux, tous de Blantyre, comme la Nation, le Daily News, le Malawi News et le Daily Times sont publiés en anglais. Quelques magazines locaux, dont le Big Issue, sont publiés en chewa. En fait, The Big Issue Malawi est un magazine local publié en chichewa et en anglais. Il est distribué dans les grandes villes du pays comme Lilongwe, Blantyre, Zomba, Mzuzu et Karonga. |
Dans le monde des affaires, l’anglais est la langue principale pour les contrats, la correspondance et la communication d’entreprise, en particulier dans les centres urbains et les entreprises multinationales.
La Loi sur les communications (2017) vise à réglementer la fourniture de services dans le domaine des communications électroniques, des postes et de la société de l'information, à établir l'Autorité de régulation des communications du Malawi, la Société de radiodiffusion du Malawi et la Société des postes du Malawi, et à traiter des questions connexes ou accessoires.
Article 22
Les titulaires de licences de contenu :
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Bien que l'anglais soit la langue officielle, cinq autres langues locales sont admises à la radio nationale (Capital Radio): le chewa, le tumbuka, le lomwé, le yao et le sena. Il s'agit cependant de bulletins de nouvelles qui sont répétés les uns après les autres dans les cinq langues, le reste des émissions étant diffusé en anglais. Certains croient que le gouvernement a permis l'introduction de ces langues africaines afin de gagner l'adhésion des Malawiens. La télévision nationale, TV Malawi, diffuse également seulement en anglais.
Le Malawi ne s'est jamais libéré de sa langue coloniale, l'anglais. Dès l'indépendance, cette langue a été reconduite dans ses privilèges d'antan par un dictateur qui ne connaissait même plus la langue maternelle de son peuple, le chewa. Il avait adopté l'anglais comme langue officielle tout en assurant à la langue de son ethnie d'appartenance, le chewa, un statut de langue nationale. Cette langue fut littéralement imposée comme l'avait été, un siècle auparavant, la langue anglaise. Mais l'imposition du chewa a aussi suscité un certain antagonisme chez les autres ethnies malawiennes. C'est ce qui explique le succès relatif du chewa au Malawi.
La politique linguistique du Malawi reste ambiguë. D'une part, elle prône l'usage du chewa, d'autre part, elle perpétue les privilèges de l'anglais. Il semble que, comme dans bien d'autres pays d'Afrique, la langue de l'ancien colonisateur se perpétue de par la volonté de ses propres dirigeants qui se servent de la connaissance de cette langue pour maintenir leurs propres privilèges en tant que connaisseur de la langue du pouvoir. Bref, le Malawi a encore bien du chemin à parcourir pour assurer une certaine équité entre les langues locales. Pour le moment, on ne voit pas comment l'État pourrait modifier la situation. Pourtant, il y va de l'avancement intellectuel et économique de ses citoyens. Le fait de permettre une percée bien modeste d'une langue nationale dans l'enseignement primaire empêche les Malawiens de parvenir à une éducation de qualité. Il semble que ce problème ne préoccupe guère les dirigeants du pays, car la politique linguistique consiste surtout à valoriser uniquement la langue anglaise à un peuple qui ne la connaît pas.
Bibliographie
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