Chine

5. La politique à l'égard
des minorités nationales

1 Les minorités nationales: les non-Hans

Les autorités chinoises considèrent comme des «minorités nationales» les citoyens de leur pays qui parlent une «langue non chinoise» comme langue maternelle. Les locuteurs du wu, du cantonais, du min, du xiang, du hakka, du gan, etc., parlent une «langue chinoise» et font donc partie des Hans, l'ethnie majoritaire en Chine. Les locuteurs des langues chinoises autres que le putonghua ne sont pas considérés comme faisant partie des minorités nationales et, en tant que Hans, ils ont les mêmes droits que les locuteurs du chinois officiel.  

Mais les peuples non sinophones, ceux qu'on appelle les «non-Hans», parce qu'ils ne parlent pas une langue chinoise, constituent des «minorités nationales». Rappelons que les minorités nationales regroupent au moins 100 millions de personnes (8,4% de la population) et parlent quelque 55 langues différentes. En dépit de leur faible poids démographique, de leur diversité ethnique et de leur dispersion spatiale, ces 55 minorités nationales revêtent une importance géopolitique certaine, dans la mesure où elles occupent plus de 60 % du territoire et où certaines aires d’habitat constituent des zones particulièrement sensibles. Il existe au-delà de 80 millions de représentants des minorités vivant dans les seules régions autonomes de la Chine, formant 78% du total (incluant les provinces) de la population minoritaire dont le nombre s'élevait, selon le recensement national de 2000, à quelque 106 millions de personnes.

Traditionnellement, la Chine se présente comme la mère patrie des «cinq races», c'est-à-dire des Chinois hans (très majoritaires à 91,6 %), des Mongols, des Mandchous (pratiquement disparus), des musulmans (les Ouïghours et les peuples turco-mongols) et des Tibétains. On peut visualiser une carte plus complète concernant la localisation des groupes ethniques en Chine (voir la carte).

2 La protection juridique des langues

Afin de résumer la situation au point de vue juridique en Chine, certains documents doivent être retenus:

- la Constitution de 1982;
- la
Loi sur l'autonomie des régions ethniques (2001);
- la Loi sur la langue et l’écriture communes nationales (2001);
- le
Règlement sur l'usage administratif des cantons ethniques (1993);
-
le Règlement sur le travail des minorités ethniques dans les villes (1993);
-
l'
Avis sur la réglementation plus poussée de l’usage des textes dans les publications (2010);
- le
Règlement provisoire sur la gestion de la langue parlée et écrite dans la publicité (2016);

2.1 La protection linguistique

La Constitution du 4 décembre 1982 semble avoir fait évoluer le système chinois vers un élargissement des droits linguistiques à l'égard des groupes minoritaires, du moins théoriquement. Cette constitution, la quatrième du régime, fut modifiée à quelques reprises, soit en 1988, en 1993, en 1999 et en 2004; elle compte plusieurs articles portant sur la langue des minorités nationales.

Selon les données du gouvernement chinois, il existait à la fin de l'année 1998 quelque 155 régions d'autonomie ethnique, dont cinq régions autonomes à l'échelon provincial, 30 départements autonomes, 120 districts (ou bannières) autonomes, sans compter les 1256 cantons ethniques. Parmi les 55 ethnies minoritaires du pays, 44 ont créé leurs propres organismes administratifs autonomes. Les minorités qui exercent l'autonomie régionale représenteraient 75 % de la population totale des ethnies minoritaires. La superficie des régions d'administration autonome ethnique occuperait 64 % de la superficie globale du pays. Le nombre et la répartition de ces régions correspondraient pour l'essentiel à la répartition et à la composition des ethnies en Chine.

L'article 4 de la Constitution (1982) proclame que «toutes les nationalités de la République populaire de Chine sont égales en droits» et que «l'État protège les droits et les intérêts légitimes de toutes les minorités nationales». De plus, il est interdit de pratiquer de la discrimination à l'égard des minorités. Dans le même article, la Constitution reconnaît le droit aux minorités de conserver et d'enrichir leur langue:

Article 4

1) Toutes les nationalités sont égales en droits en République populaire de Chine. L'État garantit les droits et les intérêts légitimes des minorités ethniques, il maintient et développe les rapports entre les nationalités selon les principes d'égalité, de solidarité, d'entraide et d'harmonie. Toute discrimination et oppression à l'égard d'une nationalité, tout acte visant à saper l'unité des nationalités et toute activité séparatiste sont à proscrire.
[Modifié par le 5e amendement, al. 38, le 11 mars 2018]

2) L'État aide les régions de minorités nationalités à accélérer leur développement économique et culturel en tenant compte de leurs particularités et de leurs besoins.

3) L'autonomie régionale est appliquée là où les minorités nationalités vivent en groupes compacts ; à cet effet sont établis des organismes d'administration autonome qui exercent le droit d'autonomie. Toutes les régions d'autonomie nationale sont partie intégrante de la République populaire de Chine.

4) Toutes les nationalités jouissent de
la liberté d'utiliser et de développer leur langue et leur écriture, de conserver ou de réformer leurs usages et coutumes.

L'une des parties du premier paragraphe est importante, car elle peut servir éventuellement à limiter ou à supprimer les droits accordés: «Tout acte visant à saper l'unité des nationalités et toute activité séparatiste sont à proscrire.»

L'article 10 de la Loi sur l'autonomie des régions ethniques (2001) prescrit aux organismes autonomes de garantir que tous les groupes ethniques ont la liberté d'utiliser et de développer leurs propres langues parlées et écrites, et de maintenir ou de réformer leurs us et coutumes:

Article 10

Les organismes autonomes des régions autonomes ethniques garantissent que tous les groupes ethniques d'une zone ethnique ont la liberté d'utiliser et de développer leurs propres langues parlées et écrites, et de maintenir ou de réformer leurs propres us et coutumes.

Il en est ainsi à l'article 8 de la Loi sur la langue et l’écriture communes nationales (2001):

Article 8

1) Tout groupe ethnique possède la liberté d'utiliser et de développer sa propre langue et sa propre écriture.

2) L'utilisation des langues et écritures des minorités ethniques s'appuie sur les dispositions en la matière qui sont inscrites dans la Constitution, dans la Loi sur l'autonomie des régions ethniques et dans d'autres textes législatifs.

En Chine, l'égalité entre les groupes ethniques signifie que, indépendamment de la taille de leur population, de leur niveau de développement économique et social, de la différence de leurs coutumes et de leurs croyances religieuses, tout groupe ethnique fait partie de la nation chinoise, ayant un statut égal, bénéficiant des mêmes droits et exerçant les mêmes obligations dans tous les aspects de la vie politique et sociale, conformément à la loi; d'ailleurs, l'oppression ou la discrimination ethnique sous toutes ses formes est fermement interdite.

L'unité entre les groupes ethniques suppose en principe des relations d'harmonie, d'amitié, d'assistance mutuelle et d'alliance entre les ethnies dans la vie sociale et les contacts mutuels. Pour parvenir à cette unité, les différents groupes ethniques sont tenus, sur la base de leur opposition à l'oppression et à la discrimination ethniques, de sauvegarder et de promouvoir l'unité entre eux et au sein de chaque groupe ethnique en particulier. Les peuples de tous les groupes ethniques devraient, conjointement et d'un seul cœur et d'un seul esprit, promouvoir le développement et la prospérité de la nation, s'opposer aux divisions ethniques et sauvegarder l'unité du pays. Le gouvernement chinois a ainsi toujours soutenu que l'égalité entre les groupes ethniques est la condition préalable et la base de l'unité entre les groupes ethniques. C'est là tout un programme qui se rapproche de l'utopie dans la mesure où on oublie que chez les humains, l'homme peut être un loup pour l'homme!

2.2 Les principes de l'autonomie locale

Les principales politiques inscrites dans la législation linguistique chinoise peuvent être classées en deux niveaux principaux : le niveau national et le niveau régional ou local (régions autonomes, départements, cantons, districts, municipalités, etc.).

- Le niveau national

Au niveau national, la législation linguistique sert à circonscrire les principes et les droits fondamentaux accordés par le gouvernement chinois à l'égard de ses citoyens, que ce soit les Hans majoritaires ou les non-Hans minoritaires. À ce sujet, il faut retenir surtout la Loi sur la langue et l’écriture communes nationales (2001) et la Loi sur l'autonomie des régions ethniques (2001). Le gouvernement chinois a aussi adopté plusieurs lois précisant certains droits ponctuels concernant l'éducation, la justice, l'autonomie administrative, etc. Le gouvernement chinois supervise directement 22 provinces, 5 régions autonomes, 4 municipalités relevant directement de l’autorité centrale et 2 régions administratives spéciales (Hong-Kong et Macao).

- Le niveau local

Les provinces (省 : shěng) forment la division de premier niveau de l’échelon; chacune d'elles est dirigée par un gouverneur élu par le Congrès populaire provincial (généralement un homme de l'ethnie han de plus de 50 ans). Les frontières des provinces (voir la carte des provinces) ont été, pour la plupart, établies durant les dynasties Yuan, Ming et Qing. Les modifications apportées par la suite concernent surtout le nord-est du pays, généralement après l’arrivée au pouvoir du président Mao Tsé-toung. L'île de Taïwan est considérée comme la 23e province, bien qu'elle ne soit pas sous la souveraineté de la République populaire de Chine. 

Les régions autonomes (自治区: zìzhìqū) ont été créées  par le gouvernement communiste à partir de 1947. La Constitution actuelle donne en principe aux régions autonomes (voir la carte des régions autonomes) une certaine indépendance financière, économique et administrative. Normalement, le président de la région doit appartenir à la nationalité exerçant l'autonomie régionale ou à une des nationalités parmi celles reconnues dans l'exercice de l'autonomie régionale. Les régions autonomes sont au nombre de cinq : le Guangxi, la Mongolie-Intérieure, la région autonome du Níngxià, la région autonome ouïghoure du Xinjiang et la région autonome du Tibet.

Les quatre municipalités (直辖市 : zhíxiáshì) reconnues «au rang de province» sont de grandes villes dont les ordres viennent directement du gouvernement central au lieu de la province où elles se trouvent. Ces municipalités s’étendent non seulement sur la zone urbaine, mais aussi sur les zones périphériques et rurales environnantes. Ces quatre municipalités au rang de province sont les suivantes: Pékin, Shanghai, Tianjin et Chongqing.

De plus, les provinces et les régions autonomes se divisent en départements autonomes, en districts, en districts autonomes et en villes. Les districts et les districts autonomes sont divisés en cantons, ceux-ci étant peuplés d’ethnies minoritaires et en bourgs. Ainsi, au total, la Chine compte 155 zones ethniques autonomes, soit 5 régions autonomes, 30 départements autonomes et 120 cantons autonomes.

- L'administration locale

Ainsi, bien que la Chine soit un État-nation unitaire, son système d'administration locale est un niveau fondamental qui est probablement en grande partie responsable du succès de l’industrialisation rurale et du marché national intégré. Le pays compte plus de 2500 administrations de districts (y compris des villes ayant le statut de district) et environ 45 000 administrations municipales et cantonales. Les administrations locales absorbent actuellement 70 % des dépenses gouvernementales et représentent environ la moitié des recettes gouvernementales. Les zones où le système d'autonomie locale pour les minorités ethniques est pratiqué peuvent être divisées en trois niveaux, à savoir les régions autonomes, les départements autonomes et les cantons autonomes, en fonction de la taille de la population du groupe ethnique et de la superficie qu'occupe celui-ci.

Bien sûr, toutes les zones où est pratiqué le système d'autonomie régionale pour les minorités ethniques constituent des territoires inséparables de la République populaire de Chine. Les organismes autonomes doivent sauvegarder l'unité du pays et garantir que la Constitution et les lois sont mises en œuvre dans ces zones.

Les principales responsabilités des administrations locales concernent l’éducation, la santé, l’agriculture et l’aide sociale. Conformément aux dispositions de la réglementation concernant les zones ethniques autonomes, les organismes d'autonomie doivent employer une ou plusieurs langues locales couramment utilisées lorsqu'ils exercent leurs fonctions officielles. Si plusieurs langues peuvent être utilisées pour ces fonctions officielles, la langue du groupe ethnique exerçant l'autonomie régionale doit être employée en priorité.

Par exemple, certaines zones autonomes telles que la Mongolie intérieure, le Xinjiang et le Tibet ont élaboré et mis en œuvre des dispositions législatives concernant l'usage et le développement des langues parlées et écrites de leurs propres groupes ethniques, ainsi que des règlements pour la mise en œuvre de ces dispositions. En principe, les langues parlées et écrites des minorités ethniques sont employées dans les domaines du droit et de la justice, de l'administration, de l'éducation, de la vie politique et sociale, etc.

- Les découpages territoriaux

Les communautés minoritaires occupent de vastes superficies qu’elles habitent d’un point de vue ethnolinguistique. Toutefois, elles ont vu se morceler leur espace dans les zones où elles sont majoritaires par rapport aux Hans. Les autorités chinoises n'hésitent pas à remanier constamment les zones ethniques par des découpages territoriaux, des regroupements, des subdivisions, des créations d’entités administratives, que ce soit dans les provinces, les départements, les cantons ou les districts. Ces redécoupages successifs et réguliers ont pour but de favoriser l’ethnie dominante et de déterminer quels types de services publics seront offerts aux minorités, que ce soit l’accès à l’éducation, aux médias et aux soins de santé dans une langue locale.

De cette façon, la reconnaissance de l'autonomie des minorités ethniques est accordée à une partie des territoires dévolus, ce qui permet de masquer la nationalité minoritaire la plus nombreuse. Par ces restructurations territoriales, le pouvoir central ampute ainsi des espaces aux populations majoritaires de sorte qu'elles deviennent minoritaires. Dans d'autres cas, il suffit de redécouper un territoire pour englober plusieurs minorités, ce qui affaiblit nécessairement le groupe ethnique le plus nombreux. De plus, les administrations locales d’origine ethniquement minoritaire se trouvent à ne plus représenter seulement leurs propres populations, car elles doivent administrer, dans le cadre de l’État-nation, des territoires devenus multiethniques, comprenant des Hans, généralement devenus majoritaires, et d’autres minorités. Ces manipulations territoriales sont par conséquent accompagnées d’un étroit contrôle par les autorités centrales et le Parti. Cette stratégie géopolitique d'autonomie ethnique repose ainsi sur un encadrement territorial autoritaire qui travestit les prescriptions constitutionnelles.

3 Les langues de la législation et de la réglementation

L'article 8 de la Loi organique des assemblées populaires locales et des administrations populaires locales à tous les niveaux (2022) énonce que «les minorités ethniques de chaque région administrative doivent avoir une représentation appropriée». La loi ne traite aucunement des questions linguistiques, mais l'article 76 énonce les fonctions et les contraintes des administrations populaires des cantons ethniques, dont la protection de la propriété socialiste, la consolidation d'une solide conscience de la nation chinoise, tout en  protégeant les droits et intérêts légitimes des minorités ethniques :
 

Article 76

Les administrations populaires des cantons, des cantons ethniques et des villes exercent les fonctions et pouvoirs suivants :

(1) Mettre en œuvre les résolutions de l'assemblée populaire au niveau correspondant et les décisions et ordonnances des organismes administratifs de l'État aux niveaux supérieurs, et émettre des décisions et des ordonnances ;

(2) Exécuter les programmes et les budgets de développement économique et social dans la région administrative et gérer les entreprises économiques, éducatives, scientifiques, culturelles, sanitaires, sportives et autres dans la région administrative, ainsi que la protection écologique et environnementale, les finances, les affaires, la sécurité sociale, la sécurité publique, les travaux administratifs tels que l'administration judiciaire, la population et la planification familiale ;

(3) Protéger la propriété socialiste détenue par l'ensemble du peuple et la propriété collective des travailleurs, protéger la propriété légale détenue par les citoyens à titre privé, maintenir l'ordre social et protéger les droits personnels, les droits démocratiques et les autres droits des citoyens ;

(4) Protéger les droits et intérêts légitimes de diverses organisations économiques ;

(5)
Façonner une solide conscience de la nation chinoise en tant que communauté, promouvoir de vastes échanges et l'intégration de divers groupes ethniques, protéger les droits et intérêts légitimes des minorités ethniques et garantir la liberté des minorités ethniques de maintenir ou de réformer leurs propres coutumes et habitudes ;

(7)
Traiter d'autres questions désignées par l'administration populaire à un niveau supérieur.

Dans les faits, des conflits de préséance juridique peuvent exister entre la consolidation d'une solide conscience de la nation chinoise et la protection et les droits et intérêts légitimes des minorités ethniques.

3.1 L'incontournable langue nationale commune

Il faut aussi retenir que l'article 2 de la Loi sur la langue et l’écriture communes nationales prescrit l'emploi de la langue nationale commune, le putonghua et les caractères chinois normalisés pour la langue écrite:

Article 2

La langue nationale commune, parlée et écrite à laquelle il est fait référence dans la présente loi, est le putonghua et les caractères chinois normalisés.

Article 3

L'État promeut la généralisation de l'usage du putonghua et des caractères chinois normalisés.

Conformément aux dispositions de la loi électorale de l'Assemblée populaire nationale (APN) et des assemblées populaires locales de la République populaire de Chine, les communautés minoritaires ont leurs propres députés pour siéger à l'APN, et les groupes ethniques dont la population est inférieure à celle prescrite pour l'élection d'un député sont autorisés à élire un député. De la première session de la première APN, tenue en 1954, à nos jours, les proportions de députés des minorités ethniques parmi le nombre total de députés dans chaque APN ont été plus élevées que les proportions de leurs populations dans la population totale du pays au cours des périodes correspondantes. Sur 2979 députés élus en 1998 à la neuvième APN, 428 députés appartenaient à une minorité ethnique, ce qui représentait 14,37% du total, soit environ cinq points de pourcentage de plus que la proportion de leur population totale dans la population totale du pays à cette époque.

3.2 Les accommodements linguistiques

Cependant, dans les activités politiques de l’État chinois, telles que les assemblées importantes tenues par l’ANP, le Congrès national du Parti communiste chinois (CNPCC) et la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC) et d'autres activités nationales importantes, des documents devraient être disponibles en mongol, en tibétain, en ouïghour, en kazakh, en coréen, en zhuang et en yi, ainsi qu'une interprétation simultanée dans ces langues. Cette pratique du multilinguisme (incluant nécessairement le putonghua) n'est pas systématique, mais possible dans certaines circonstances.

Dans les régions où les minorités ethniques vivent dans des communautés concentrées, chacune d'entre elles peut avoir son ou ses propres députés siéger dans les assemblées populaires locales. Les minorités ethniques vivant en groupes dispersés peuvent également élire leurs propres députés aux assemblées populaires locales et le nombre de personnes représentées par chacun de leurs députés peut être inférieur au nombre de personnes représentées par chacun des autres députés à ces congrès.

En plus de la langue chinoise commune, l'article 53 de la Loi sur l'autonomie des régions ethniques (2001) impose aux organismes d'autonomie de promouvoir les vertus civiques de l’amour de la patrie, du peuple, du travail, de la science et du socialisme:

Article 53 

Les organismes autonomes d’une région autonome ethnique doivent promouvoir les vertus civiques de l’amour de la patrie, du peuple, du travail, de la science et du socialisme et mener une éducation parmi les citoyens des différentes nationalités de la région dans le patriotisme, le communisme et les politiques de l’État concernant les nationalités. Les cadres et les masses des différentes nationalités doivent être éduqués à se faire confiance, à apprendre et à s’entraider et à respecter les langues parlées et écrites, les coutumes et les coutumes et les croyances religieuses des uns et des autres dans un effort commun pour sauvegarder l’unité du pays et l’unité de toutes les nationalités.

Ce sont dans les assemblées locales des organismes autonomes que les langues des minorités linguistiques peuvent être employées, en plus du putonghua. D'ailleurs, l'article 16 de la Loi sur la procédure civile (1991-2017) prévoit que les assemblées populaires des zones autonomes ethniques peuvent formuler et élaborer des règlements:

Article 16

Les
assemblées populaires des zones autonomes ethniques peuvent, conformément aux dispositions de la Constitution et de la présente loi et, compte tenu des conditions particulières des ethnies locales, formuler des dispositions modifiées ou complémentaires. Les règlements de la région autonome sont soumis au Comité permanent de l'Assemblée populaire nationale pour approbation. Les dispositions des départements autonomes et des comtés autonomes sont communiquées au comité permanent de l'Assemblée populaire de la province ou de la région autonome pour approbation, et communiquées au comité permanent de l'Assemblée populaire nationale à des fins d'enregistrement.

Étant donné que les communautés ethniques et linguistiques membres d'un organisme autonome peuvent employer leur langue, ils ont aussi le droit en principe de rédiger les réglementations dans leur langue, en plus du putonghua.

3.3 La méfiance des Hans

Toutefois, le pouvoir de réglementation de la part des organismes autonomes suscite parfois la grogne chez les Hans qui se méfient des minorités, notamment celles qui ont des velléités sécessionnistes (Tibet, Xinjiang et Mongolie intérieure).  À la fin de 2020, la Commission des affaires législatives du Comité permanent de l'Assemblée populaire nationale remettait en question ce pouvoir de réglementation dévolu aux organismes autonomes de la façon suivante:

有的地方性法规规定,各级各类民族学校应当使用本民族语言文字或者本民族通用的语言文字进行教学;有的规定,经本地教育行政部门同意,有条件的民族学校部分课程可以用汉语言文字授课。我们认为,上述规定与宪法第十九条第五款关于国家推广全国通用的普通话的规定和国家通用语言文字法、教育法等有关法律的规定不一致,已要求制定机关作出修改。 Certains règlements locaux stipulent que les écoles ethniques de tous les niveaux et tous les types doivent utiliser la langue parlée et écrite de leur propre groupe ethnique ou la langue couramment employée par leur groupe ethnique dans l'enseignement; certains autres règlements énoncent que, avec l'approbation du département administratif de l'éducation locale, certains cours dans les écoles des minorités peuvent être donnés sous conditions dans la langue et l'écriture chinoises. Nous pensons que les dispositions ci-dessus sont incompatibles avec les dispositions de l'article 19, paragraphe 5, de la Constitution sur la promotion par l'État de la langue commune couramment utilisée dans tout le pays, ainsi que les dispositions de la Loi sur la langue et l’écriture communes nationales, la Loi sur l'éducation et d'autres lois pertinentes, et nous avons demandé aux organismes délibérants de faire des changements.

Or, dans un avis de 2021, le Comité ethnique de l'Assemblée populaire nationale a estimé que la Commission des affaires législatives n'a pas le pouvoir d'émettre une ordonnance obligeant un organisme d'autonomie à modifier des règlements autonomes. Le Comité est aussi d'avis que le droit de parler et d'écrire pour un groupe ethnique est un droit constitutionnel et une manifestation importante du système d'autonomie ethnique régionale. Les tentatives de restriction ou d'abolition de ce droit constitueraient une grave violation de la Constitution. Bref, le Comité ethnique croit que ce déni des droits n'a aucune base légale ni dans le fond ni dans la procédure adoptée. Finalement, la Commission des affaires législatives n'a pas le pouvoir d'émettre ce genre d'ordonnance, mais ce fait témoigne néanmoins de la méfiance des Hans à l'égard des minorités nationales. Quoi qu'il en soit, des voix se font entendre suggérant qu’on a trop insisté sur l’autonomie ethnique et pas assez sur la cohésion nationale.

Dans les faits, les minorités vivant dans les provinces frontalières sont perçues comme des menaces. C'est ainsi que le président Xi Jinping, en visite au Xinjiang en 2014, a pu appeler les agents locaux à ne faire preuve «d’aucune pitié» dans la répression. Ainsi a suivi le système de camps de rééducation, mis en place deux ans plus tard, surtout destiné aux minorités musulmanes.

4 Les langues admises dans les tribunaux

Les tribunaux populaires locaux constituent les organismes aptes à utiliser des langues minoritaires. L'article 139 de la Constitution autorise le recours à ces langues:

Article 139

1) Les citoyens des différentes nationalités du pays ont le droit d'utiliser leur propre langue parlée et écrite au cours des procès. Pour les parties ne possédant pas la langue et l'écriture en usage dans la localité, le tribunal populaire et le parquet populaire doivent assurer la traduction.

2) Dans les régions où une minorité nationale vit en groupes compacts ou dans celles où cohabitent plusieurs nationalités, il faut employer, au cours des audiences, la langue parlée communément en usage dans la localité et, selon les besoins réels, la langue ou les langues écrites communément en usage dans ladite localité pour dresser l'acte d'accusation et le verdict, rédiger les avis au public et les autres documents.

La loi ne précise pas que le juge doit connaître la langue minoritaire en usage dans une localité, mais le traduction est prévue. 

4.1 L'usage de la langue locale pour les justiciables

L'article 47 de la Loi sur l'autonomie des régions ethniques (2001) garantit aux membres de tous les groupes ethniques le droit d'employer dans les procès leur langue parlée et écrite:

Article 47

Les tribunaux populaires et les parquets populaires des zones autonomes ethniques doivent utiliser la langue locale couramment utilisée pour juger et poursuivre les procès, et affecter raisonnablement du personnel maîtrisant les langues des minorités locales couramment utilisées. Pour les participants au procès qui ne maîtrisent pas la langue locale couramment utilisée, une traduction doit leur être fournie. Les documents juridiques doivent utiliser une ou plusieurs langues couramment utilisées dans la localité en fonction des besoins réels. Il est garanti que les citoyens de tous les groupes ethniques ont le droit d'utiliser dans les procès leurs propres langues parlées et écrites.

Cet article précise que les tribunaux populaires doivent affecter raisonnablement du personnel maîtrisant les langues des minorités locales couramment utilisées.

L'article 9 de la Loi sur la procédure administrative (1990) prescrit l'usage des langues et écritures couramment utilisées par les groupes ethniques locaux pour instruire des procès et émettre des actes juridiques:

Article 9 

Les citoyens de tous les groupes ethniques ont
le droit d'entreprendre des litiges administratifs dans la langue et l'écriture de leur propre groupe ethnique.

Dans les régions où cohabitent des minorités ethniques ou où cohabitent plusieurs groupes ethniques, les tribunaux populaires
doivent utiliser les langues et écritures couramment utilisées par les groupes ethniques locaux pour instruire des procès et émettre des actes juridiques.

Le tribunal populaire fournira
des traductions aux parties au litige
qui ne connaissent pas la langue et l'écriture communes du groupe ethnique local.

L'article 6 de la Loi organique sur les tribunaux populaires (2010) reprend les mêmes dispositions:

Article 6

Les citoyens de tous les groupes ethniques ont le droit d'intenter
des poursuites dans leur propre langue parlée et écrite. Le tribunal populaire assure la traduction pour les parties qui ne connaissent pas les langues parlées et écrites couramment utilisées dans la localité. Dans les zones où cohabitent des minorités ethniques ou où cohabitent plusieurs groupes ethniques, le tribunal populaire gère les procès dans la langue couramment utilisée dans la région et rend les jugements, les annonces et les autres documents dans la langue couramment utilisée dans la région.

Finalement, la Loi sur la procédure civile (1991-2017) prévoit également que les citoyens de tous les groupes ethniques ont le droit d'employer leur langue et leur écriture dans les procès civils:

Article 11

Les citoyens de tous les groupes ethniques ont
le droit d'employer leur propre langue et leur écriture dans les procès civils.

Dans les zones où cohabitent des minorités ethniques ou où cohabitent plusieurs groupes ethniques,
le tribunal populaire doit employer les langues et les écritures couramment utilisées
par les groupes ethniques locaux pour instruire des procès et publier des documents juridiques.

Le tribunal populaire fournira des traductions aux parties au litige qui ne connaissent pas la langue et l'écriture communes du groupe ethnique local.

L'article 9 de la Loi sur la procédure pénale (2012) énonce clairement que, dans les régions où cohabitent des minorités ethniques, les procès se déroulent dans la langue locale commune et les jugements, les annonces et tout autre document sont publiés dans la langue locale commune:

Article 9

Les citoyens de tous les groupes ethniques ont le droit d'intenter des poursuites
dans la langue parlée et écrite de leur propre groupe ethnique. Les tribunaux populaires, les parquets populaires et les organismes de sécurité publique doivent traduire pour les parties au litige qui ne comprennent pas la langue locale parlée et écrite.

Dans les régions où cohabitent des minorités ethniques ou de nombreux groupes ethniques, les procès se déroulent
dans la langue locale commune et les jugements, les annonces et tout autre document sont publiés dans la langue locale commune.

Effectivement, la Constitution, la Loi sur la procédure civile, la Loi organique sur les tribunaux populaires, la Loi sur la procédure civile, la Loi sur la procédure pénale et la la Loi sur l'autonomie des régions ethniques énoncent formellement que les citoyens appartenant à des minorités ethniques ont le droit d'employer leur propre langue dans les procès et que les jugements doivent être publiés dans la langue locale commune. Cela signifie que, dans les zones autonomes, les procès peuvent être bilingues.

Dans une région peuplée par une minorité nationale, les auditions devant les tribunaux se déroulent dans la ou les langues couramment utilisées dans la localité concernée; les actes d'accusation, les jugements, les avis et autres documents doivent être rédigés, selon les besoins, dans cette langue. Les tribunaux et les procureurs doivent fournir des services de traduction à toutes les parties en cause, qui ne connaissent pas la langue couramment utilisée dans la localité. Dans une région peuplée par une minorité nationale formant une communauté concentrée ou par un certain nombre de nationalités, les auditions devant les tribunaux doivent se poursuivre dans la langue couramment utilisée dans la localité; les actes d'accusation, les jugements, les avis et autres documents doivent être rédigés, selon les besoins, dans la langue normalement utilisée dans la localité concernée.

4.2 L'interprétariat nécessaire pour les juges unilingues

Théoriquement, tous les membres des minorités nationales bénéficient de tous les droits prévus par la loi, mais la connaissance d'une autre langue n'est pas nécessaire pour les juges et les employés de l'État. Le recours à un interprète demeure incontournable lorsque le justiciable ignore le chinois. Cette pratique correspond aux normes internationales inscrites dans les principaux traités et accords. La Chine aurait aussi adopté des pratiques qui transcendent les normes internationales telles que l'interdiction de la discrimination fondée sur la langue, l'information de l'accusé sur son infraction dans sa langue, la mise à disposition d'un interprète lors d'une procédure judiciaire et l'autorisation d'employer une langue minoritaire comme langue officielle dans régions minoritaires.

Avec le développement de l'économie chinoise et la promotion de la liberté de mouvement en Chine, le besoin de tribunaux bilingues s'est considérablement accru sous le régime de Deng Xiaoping, en particulier dans les régions minoritaires. Toutefois, depuis l'arrivée au pouvoir du président Xi Jinping, le bilinguisme institutionnel est devenu moins important en Chine. Celui-ci préconise plutôt le bilinguisme individuel chez les minoritaires, de sorte que le bilinguisme institutionnel devienne de moins en moins nécessaire. 

4.3 Les mesures répressives

Dans le but officiel de lutter contre le terrorisme, les forces de l'ordre chinoises emprisonnent des dizaines de milliers de Tibétains, de Ouïghours et de Mongols. La Chine s'appuie sur un système d'emprisonnement à long terme pour contrôler les membres des minorités récalcitrantes, utilisant la loi comme une arme de répression. Le gouvernement chinois s'est attiré la condamnation internationale pour sa répression sévère particulièrement contre les musulmans dans sa région occidentale, notamment en détenant jusqu'à un million d'entre eux dans des camps de détention. En 2019, les autorités chinoises ont annoncé la fermeture des camps d'internement extrajudiciaires à court terme où les Ouïghours, les Tibétains et les Mongols ont été jetés en prison sans inculpation. Cependant, bien que l'attention se concentre sur les camps, des milliers de prisonniers issus des minorités languissent en prison  pendant des années, voire des décennies, sur ce que les experts disent être de fausses accusations de terrorisme. La Chine impose également la collecte de données biométriques concernant les membres des minorités; une autorisation de voyager peut prendre plusieurs années à parvenir aux requérants.

Évidemment, les entraves aux libertés civiles (expression, religion, genre et orientation sexuelle) commises par le Parti communiste contribuent à assurer sa survie ainsi que celle de la République populaire de Chine.

Par ailleurs, la délégation chinoise à l'ONU rejette toute accusation de suppression d’une religion ou d'incarcération arbitraire, car les mesures de répression qui sont prises auraient uniquement pour but de lutter contre l’idéologie religieuse extrémiste et d’empêcher l’entrée de terroristes étrangers.

5 Les langues admises dans l'administration

L'article 121 de la Constitution prévoit que, dans l'exercice de leurs fonctions, les organismes des administrations autonomes doivent employer une ou plusieurs langues parlées ou écrites localement:
 

Article 121

Dans l'exercice de leurs fonctions, les organismes d'administration autonome des régions d'autonomie nationale emploient, conformément aux règlements autonomes de leurs régions respectives, une ou plusieurs langues parlées ou écrites localement.

5.1 Les langues minoritaires et le recrutement du personnel

Les articles 21, 22 et 23 de la Loi sur l'autonomie des régions ethniques (2001) précisent les modalités dans l'emploi des langues locales, notamment lorsqu'il existe plusieurs langues en concurrence; il est prescrit également de former des cadres et des fonctionnaires dans le recrutement du personnel de ces régions et d'accorder  la priorité aux nationalités minoritaires :
 

Article 21 

Dans l’exercice de leurs fonctions, les organismes autonomes d’une région autonome ethnique, conformément à la réglementation sur l’exercice de l’autonomie de la région, utilisent la ou les langues couramment utilisées dans la localité; lorsque plusieurs langues couramment utilisées sont utilisées pour l’exercice de ces fonctions, la langue de la nationalité exerçant l’autonomie régionale peut être utilisée comme langue principale.

Article 22

1) Conformément aux besoins de la construction socialiste, les organismes autonomes dans les zones autonomes ethniques doivent prendre diverses mesures pour former un grand nombre de cadres à différents niveaux et toutes sortes de personnel spécialisé, y compris des scientifiques, des techniciens et des cadres de gestion, ainsi que des travailleurs qualifiés parmi les nationalités locales, en donnant pleinement leur rôle, et veiller à la formation des cadres à tous les niveaux et du personnel spécialisé et technique de toutes sortes parmi les femmes de nationalités minoritaires.

2) Lors du recrutement du personnel, les organismes d'administration autonome des zones autonomes ethniques doivent tenir dûment compte du personnel des groupes ethniques et des autres minorités ethniques qui exercent l'autonomie régionale.

3) Les organismes autonomes des régions d’autonomie ethnique peuvent adopter des mesures spéciales pour accorder un traitement préférentiel et encourager le personnel spécialisé qui participe aux différents types de construction dans ces zones.

Article 23 

Lorsqu’elles recrutent du personnel conformément à la réglementation de l’État, les entreprises et les institutions des zones autonomes ethniques doivent donner la priorité aux nationalités minoritaires et peuvent les enrôler parmi la population des nationalités minoritaires dans les zones rurales et pastorales.

- Une prime au bilinguisme

L'article 49 de la Loi sur l'autonomie des régions ethniques (2001) va plus loin en proposant une prime au bilinguisme pour les fonctionnaires de l'État œuvrant dans des zones minoritaires autonomes:

Article 49

1) Les organismes autonomes des régions autonomes ethniques doivent former et encourager les cadres de tous les groupes ethniques à apprendre les langues parlées et écrites les uns des autres. Les cadres de la nationalité han doivent apprendre la langue et l'écriture des minorités locales, et tout en apprenant et en employant la langue et l’écriture de leurs propres groupes ethniques, ils devraient également apprendre le putonghua et l’écriture normalisée commune dans tout le pays.

2) Les fonctionnaires de l'État dans les zones autonomes ethniques, qui maîtrisent deux ou plusieurs langues locales couramment utilisées seront récompensés.   

Il est prévu que les fonctionnaires d'État des régions ou districts autonomes doivent recevoir une prime s'ils peuvent employer couramment plus de deux langues et écritures utilisées dans leur région. Cependant, cette partie de la loi demeure rarement appliquée. Dans les faits, très peu de cadres chinois apprennent une langue locale non chinoise, car tous comptent sur la collaboration d'administrateurs locaux sinisés, ce qui explique en partie pourquoi les Chinois han ne comprennent jamais rien au mécontentement ou aux récriminations des minorités.

- Les cantons ethniques

D'après le Règlement sur l'usage administratif des cantons ethniques (1993), les minorités peuvent demander un «canton ethnique» lorsqu'ils constituent plus de 30 % de la population locale d'un canton:
 

Article 2

Les cantons ethniques sont des régions administratives de niveau canton établies dans des lieux où cohabitent des minorités ethniques.

Les cantons dont
les minorités ethniques représentent plus de 30 % de la population totale du canton peuvent demander la création de cantons ethniques, conformément à la réglementation ; dans des circonstances particulières, le ratio peut être légèrement inférieur.

Article 5

Dans l’exercice de leurs fonctions, les administrations des populations des cantons ethniques
emploient la langue locale commune.

- Les noms et prénoms

L'article 1015 du Code civil (2020) autorise les personnes physiques appartenant à des minorités ethniques de prendre des noms de famille conformément à leurs traditions culturelles et coutumes locales: 

 

Article 1015

Quiconque prend soit le nom de famille de son père, soit celui de sa mère, et peut prendre un nom de famille autre que celui de son père ou de sa mère dans l'une des situations suivantes :

1) prendre le nom de famille d'un parent en ligne directe supérieur par le sang;
2) prendre le nom de famille d'un parent nourricier, autre que l'aidant légal, qui lui prodigue des soins; et
3) prendre un nom de famille avec d'autres motifs légitimes qui ne portent pas atteinte à l'ordre public et aux bonnes mœurs.

Les personnes physiques appartenant à des minorités ethniques peuvent prendre des noms de famille conformément à leurs traditions culturelles et coutumes locales. 

- Les fonctionnaires «ethniques»

Finalement, la Loi sur la fonction publique (2018), en plus d'accorder l'attention voulue aux candidats appartenant à une minorité ethnique, ne peut saboter les relations ethniques, participer à des activités séparatistes ethniques ou organiser ou utiliser des activités religieuses pour saper l'unité ethnique et la stabilité sociale:

 
Article 23

Le recrutement des fonctionnaires au-dessous du premier échelon et des autres échelons équivalents doit adopter la procédure du concours public, de l'inspection stricte, du concours équitable et de l'admission au mérite.

Lorsqu'elles emploient des fonctionnaires en conformité avec les dispositions du paragraphe précédent, les régions autonomes ethniques
doivent accorder l'attention voulue aux candidats appartenant à une minorité ethnique, conformément aux lois et règlements pertinents.

Article 59

Les fonctionnaires doivent respecter la réglementation et les lois, et ne doivent pas commettre les actes suivants:

1) Diffuser des propos préjudiciables à l'autorité de la Constitution, à la réputation du Parti communiste chinois et du pays, et organiser ou participer à des rassemblements, des défilés, des manifestations et tout autre activité visant à s'opposer à la Constitution, à la direction du Parti communiste chinois et du pays;

2) Organiser ou participer à des organisations illégales, organiser ou participer à des grèves ;

3)
Provoquer ou saboter des relations ethniques, participer à des activités séparatistes ethniques ou organiser ou utiliser des activités religieuses pour saper l'unité ethnique et la stabilité sociale ;

En Chine, d'après les textes de loi, les peuples minoritaires et les Hans participent sur un pied d'égalité à la gestion des affaires de l'État et des administrations locales à différents niveaux; ces droits sont mêmes garantis. Depuis les années 1980, l''État a fait de grands efforts pour former les cadres des minorités ethniques et s'assurer leur service. À ce jour, il est possible de comptabiliser plus de 2,7 millions de cadres minoritaires dans tout le pays.

- La sélection des fonctionnaires

Tout en exerçant les fonctions et les pouvoirs d'un organisme local de l'État, les administrations des zones ethniques autonomes exercent en même temps d'autres fonctions. Il s'agit notamment du pouvoir de réglementation, de celui d'exécuter avec souplesse ou de suspendre l'exécution de certaines décisions, du droit de développer leur économie et de contrôler les finances locales, du pouvoir de former et employer des cadres appartenant à des minorités ethniques, du pouvoir de développer l'éducation et la culture ethnique, le pouvoir d'employer les langues locales parlées et écrites, et le pouvoir de développer les entreprises technologiques, scientifiques et culturelles.

Cependant, il ne faut pas oublier que les fonctionnaires sont des employés de l'État et qu'ils doivent être loyaux également envers le Parti communiste chinois. Afin de former les cadres des minorités ethniques, le gouvernement chinois a introduit une série de mesures politiques et une réglementation institutionnelle afin que les cadres puissent recevoir une formation jugée adéquate. À partir de 1990, l'État a sélectionné chaque année des cadres jeunes et d'âge moyen issus de minorités ethniques pour occuper des postes temporaires dans les organismes centraux de l'État ou dans des régions économiquement relativement développées. Plus de 4660 cadres ont été formés dans les années qui suivirent. Aujourd'hui, on estime que la Chine a formé près de trois millions de cadres issus de minorités ethniques. Dans les comités permanents des assemblées populaires des 155 régions autonomes ethniques, des «cadres ethniques» pratiquent l'autonomie régionale en tant que directeurs ou sous-directeurs. Le président de la région autonome, les gouverneurs des préfectures autonomes et les chefs des comtés autonomes sont tous cadres ethniques qui pratiquent l'autonomie régionale. Certains cadres exceptionnels issus de minorités ethniques ont également été sélectionnés pour des postes de direction dans les organismes centraux.

Pour des raisons historiques et géographiques, le développement des minorités ethniques et des zones ethniques se heurte encore à des problèmes importants et à des difficultés particulières. Le développement économique et social global est à la traîne, la réforme structurelle du côté de l'offre est ardue, le niveau de développement industriel est faible.

Dans le but d'améliorer la situation des services publics et pour les besoins de la cause socialiste chinoise, les fonctionnaires issus des minorités nationales doivent être tirés sur le volet afin de s'assurer leur loyauté. S'il est jugé nécessaire, ils peuvent être envoyés dans des camps de rééducation, même dans des postes subalternes. Les photos de Mao Tsé-toung et de Xi Jinping doivent être ostensiblement affichées dans les bureaux.

Le Parti communiste prend soin de placer des Hans dans les fonctions plus importantes afin de mieux contrôler l'administration locale qui doit veiller à la prospérité économique et au développement de la culture nationale.

5.2 L'usage parallèle du putonghua

Cela dit, bien que le gouvernement affirme protéger l'usage des langues minoritaires, l'article 4 de la Loi sur la langue et l’écriture communes nationales (2001) oblige les gouvernements locaux de tous les paliers ainsi que les services concernés à prendre des mesures pour promouvoir la généralisation de l'usage du putonghua et des caractères chinois normalisés :

Article 4

1) Le citoyen possède le droit à l'apprentissage et à l'utilisation de la langue et de l'écriture communes nationales.

2) L'État fournit au citoyen les conditions nécessaires à l'utilisation de la langue et de l'écriture communes nationales.3) Les gouvernements locaux de tous les paliers ainsi que les services concernés doivent prendre des mesures pour promouvoir la généralisation de l'usage du putonghua et des caractères chinois normalisés.

Autrement dit, les membres des minorités nationales sont néanmoins tenues d'apprendre aussi la langue officielle du pays.

5.3 Les minorités urbaines

Bien que la plupart des membres des minorités nationales puissent vivre dans des régions rurales, il en existe un grand nombre qui réside dans des villes. Ainsi, le Règlement sur le travail des minorités ethniques dans les villes (1993) est formulé de manière à renforcer le travail ethnique dans les villes, à sauvegarder les droits et les intérêts légitimes des minorités ethniques et à promouvoir le développement d’entreprises économiques et culturelles qui répondent aux besoins des minorités ethniques dans les villes. C'est pourquoi les administrations populaires dans les villes à forte population minoritaire ethnique, les bureaux dans les quartiers où les minorités ethniques vivent dans de vastes zones ou unités servant à la production et aux moyens de subsistance des minorités ethniques, doivent nommer un nombre approprié de cadres appartenant à des minorités ethniques. En réalité, l'article 8 du règlement reprend les dispositions des lois précédentes concernant les cadres dans les administrations autonomes ethniques:

 

Article 8

Les administrations des populations urbaines doivent attacher de l’importance à la formation et à la sélection des cadres chez les minorités ethniques.

Les départements compétents des administrations des populations urbaines doivent attacher de l’importance à la culture et à
l’emploi du personnel professionnel et technique chez les minorités ethniques.

Les administrations des populations urbaines doivent encourager les entreprises à recruter des
travailleurs appartenant à des minorités ethniques.

Article 24

Les administrations des populations urbaines doivent garantir la liberté des minorités ethniques de maintenir ou de réformer leurs coutumes et habitudes nationales. 

5.4 La carte d'identité

La carte d'identité, officiellement appelée «carte d'identité de résident», est un document officiel que tout citoyen chinois de la République populaire de Chine doit avoir à sa disposition, à l'exception des territoires de Hong-Kong et de Macao, qui ont leurs propres cartes spéciales. Les informations enregistrées sur la carte d'identité de résident comprennent le nom, le sexe, l'origine ethnique, la date de naissance, l'adresse où se trouve la résidence permanente, le numéro d'identification du citoyen, la photo personnelle, la période de validité du certificat et l'autorité émettrice. Selon la Loi sur la carte d'identité de résident (2003), les informations doivent utiliser des caractères chinois standard et des symboles numériques conformes aux normes nationales: «La carte d'identité de résident doit être remplie en utilisant des caractères chinois standard et des symboles numériques conformes aux normes nationales » (art. 4).

En fait, à la lecture de la loi, on pourrait croire que seul le chinois mandarin est autorisé, alors que la loi autorise l'usage d'une langue locale couramment employée. La loi permet aux cartes d'identité de résident dans les régions désignées en tant que minorités ethniques d'avoir un texte bilingue et, selon la région, les cartes peuvent contenir un texte d'accompagnement en zhuang, en ouïghour, en yi, en tibétain, en mongol ou en coréen. Cependant, les noms ethniques non chinois et les noms étrangers doivent être translittérés en chinois.

L’appartenance à un groupe ethnique reconnu devient un statut, une mention inscrite sur la carte d’identité, ce qui donne droit à quelques privilèges : des points supplémentaires pour accéder à l’université et une plus grande tolérance lors de la politique de l’enfant unique. Il convient d'ajouter aussi une «discrimination positive» visant à intégrer ces groupes qui parlent leur propre langue et vivent souvent dans des régions éloignées.

5.5 Les langues de la publicité

Depuis quelques décennies, la publicité est devenue plus importante en Chine en raison de l'amélioration du statut international du pays. Les marques nationales et étrangères accordent plus d'attention au grand marché chinois. Le Règlement provisoire sur la gestion de la langue parlée et écrite dans la publicité (2016) prévoit l'usage des langues minoritaires en plus du putonghua et des caractères chinois normalisés:

Article 5

Le langage publicitaire doit utiliser
le putonghua et des caractères chinois normalisés.

Selon la réglementation nationale, les stations de radio et de télévision peuvent utiliser des dialectes pour diffuser des émissions et des publicités; les stations de radio et de télévision diffusent des émissions dans les langues des minorités, et leurs publicités doivent être dans les langues de ces minorités ethniques.

Dans
les zones ethniques autonomes, la langue et l'écriture utilisées dans les publicités doivent être mises en œuvre, conformément au Règlement distinct sur les langues et l'écriture dans les zones ethniques autonomes.

Dans les zones ethniques autonomes, de nombreux problèmes subsistent du fait de la présence des langues non chinoises et des écritures différentes de celles du putonghua. Ainsi, depuis quelques années, la trop grande présence des langues tibétaine, ouïghoure et mongole, est considérée à Pékin comme une «activité séparatiste».

Par exemple, l'affiche de gauche a été diffusée par le gouvernement chinois dans différentes langues minoritaires. On y lit en traduction : «Aimez le drapeau national, Chantez l'hymne national. Le mandarin est la langue de travail dans les écoles. Veuillez parler la langue commune (mandarin) et écrivez correctement les caractères.»

Dans la pratique, la publicité minoritaire est quasi inexistante, sauf dans les petites localités où les simples commerçants ignorent la langue nationale.

5.6 Le patrimoine culturel immatériel

Le 22 novembre 1985, la Chine adhérait à la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel. En 1986, la Chine commençait à soumettre les sites à la liste mondiale de patrimoine. On comptabilisa jusqu'au 1er août 2010 quelque 40 patrimoines mondiaux en Chine, dont 7 patrimoines naturels, 27 patrimoines culturels, et 4 patrimoines culturels et naturels, ce qui classait la Chine troisième au niveau mondial, après l'Italie (44 patrimoines) et l'Espagne (41 patrimoines). L'article 6 de la Loi sur le patrimoine culturel immatériel (2011) prévoit que l'État soutient la protection et la préservation du patrimoine culturel immatériel dans les zones ethniques, les zones éloignées et les zones pauvres: 

Article 6

Le gouvernement populaire au niveau du comté ou au-dessus doit intégrer la protection et la préservation du patrimoine culturel immatériel dans le plan national de développement économique et social au même niveau, et inclure les fonds de protection et de préservation dans le budget financier du même niveau.

L'État soutient la protection et
la préservation du patrimoine culturel immatériel dans les zones ethniques, les zones éloignées et les zones pauvres. 

La question linguistique n'entre pas en ligne de compte dans cette loi sur le patrimoine immatériel. Pour les autorités chinoises, la politique nationale envers les minorités ethniques vise clairement à les fondre dans une Chine unitaire, ce qui est valable pour le patrimoine immatériel et culturel. La plupart de ces populations parlent des langues locales non chinoises, mais portent des habits traditionnels typiques de leur ethnie et possèdent une religion et des croyances se distinguant les unes des autres. Beaucoup de villages des montagnes demeurent encore relativement à l'écart de la civilisation chinoise. En revanche, les régions du Sud-Ouest, notamment dans le Yunnan, le Guizhou et le Guangxi, on y trouve un grand nombre de foyers de minorités ethniques: par exemple, le Yunnan abrite plus de 25 minorités ethniques différentes, soit quelque 12 millions de peuples tels que les Yi, les Bai, les Hani, les Zhuangs, les Dai, les Miao et les Hui. Au plan national, les autorités chinoises ont tendance à représenter ces minorités comme intrinsèquement «arriérées», sinon carrément «barbares», et bénéficiant de la «mission civilisatrice» de la majorité han qui apporte la modernité chinoise.

Par conséquent, ces minorités ne représentent aucun intérêt si ce n'est d'ordre touristique. Ainsi, une cinquantaine de minorités sont considérées comme aptes à être rangées dans des «parcs thématiques» destinés aux touristes. On assiste alors à une folklorisation des groupes ethniques qui sont offerts en pâture au tourisme national et international. Les publicités des agences de voyages présentent forcément un visage tronquée de ces communautés réduites à des spectacles de danse, à des habits colorés et spectaculaires, des chansons traditionnelles en langue locale, des femmes érotisées, ainsi que des hommes apparemment virils et belliqueux, tous ayant comme point commun une identité minoritaire fortement prononcée. De plus, les responsables gouvernementaux et administratifs locaux interviennent directement auprès des acteurs traditionnels afin que les «spectacles» se déroulent selon des règles établies et médiatisées par les autorités.

Dans le but d’uniformiser la modernisation du pays et de pallier l’écart grandissant de développement économique entre les régions côtières et les régions intérieures, le gouvernement chinois encourage le développement du tourisme, particulièrement dans le sud-ouest du pays, peuplé en grande partie par des nationalités minoritaires. Le tourisme ethnique est devenu l’attrait principal de la culture traditionnelle des communautés minoritaires. On a ainsi créé des villages modèles pour touristes, des musées ou des parcs de nationalités, une espèce de «zoos ethniques» avec des spectacles folkloriques. Par exemple, les spectacles de danse sont effectués à contretemps, sans tenir compte des rituels traditionnels, tandis que le commerce artisanal s’est développé aux dépens des activités économiques locales.

Ce mouvement de tourisme ethnique, appelé «revivalisme», consiste à faire survivre, non pas la langue minoritaire, mais la culture ethnique comme symbole identitaire au service de l'économie. Le pouvoir central pratique ainsi une politique de développement économique dans les territoires périphériques afin d'intégrer les populations non chinoises à l’ensemble de la nation han, ce qui se traduit par une «hanisation» culturelle, démographique et économique, et par la réduction des cultures locales à des folklores très prisés de la part des touristes hans. Quoi qu'il en soit, la folklorisation est une forme de domination culturelle imposée par la majorité han.

5.7 Entre la théorie et la réalité

Quant à la fameuse «autonomie régionale ethnique», elle doit se soumettre à l'autorité de l'État central, car toutes les régions d'autonomie ethnique font partie intégrante de la République populaire de Chine. En ce sens, les organismes d'administration autonome des régions ethniques constituent des administrations locales sous la direction des autorités qui veillent au grain. La Loi sur l'autonomie des régions ethniques, promulguée en 1984, énonçait de façon systématique les droits et obligations des régions d'autonomie ethnique dans les domaines politique, économique et culturel. Cependant, cette loi n'a jamais été sérieusement mise en œuvre. D'ailleurs, elle fut remplacée par la Loi sur l'autonomie des régions ethniques (2001).

- Une autonomie factice

Le gouvernement central est la seule clé du pouvoir communiste et contredit en quelque sorte l'autonomie régionale. Celle-ci accordée aux minorités n'a rien à voir avec l'autonomie dont jouissent, par exemple, les citoyens des Länder allemands, ceux des Communautés autonomes d'Espagne, ceux des Régions autonomes d'Italie, ceux des provinces canadiennes ou encore ceux des États indiens, américains ou sud-africains. En Chine, il s'agit d'une autonomie apparente, factice, destinée à assurer une sorte de camouflage. C'est qu'il existe un écart énorme entre l'autonomie théorique accordée dans les textes et l'autonomie réelle, revue à la baisse, consentie par Pékin. L'autonomie ethnique sert à mettre en œuvre les décisions de Pékin.

Autrement dit, l'autonomie dont disposent les régions autonomes ne correspond pas à grand-chose. La représentation numérique de toutes les ethnies locales au sein de l'administration régionale rend impossible le contrôle de quoi que ce soit de la part d'une seule ethnie, et ce, d'autant plus que les Hans veillent à ne jamais être minorisés. Le pouvoir est divisé entre toutes les ethnies d'une région autonome de façon proportionnelle, en n'oubliant jamais l'ethnie chinoise qui doit être prépondérante et ne jamais se faire dicter quoi que ce soit par une minorité. De façon générale, le responsable administratif en titre appartient effectivement à la minorité reconnue (un Tibétain, un Ouïghour, un Hui, un Zhuang ou un Mongol), mais c'est le président du Parti communiste chinois local, toujours un Han, qui demeure le véritable détenteur du pouvoir. Bref, ce n'est pas l'administration régionale qui exerce le pouvoir, mais le Parti communiste chinois (PCC), appuyé par l'Armée populaire de libération (APL).

- Des cadres ethniques sans pouvoir

Bien que la fonction de président ou de cadre dans une région autonome, d'un département autonome ou d'un district autonome doit être assurée par des citoyens de ces localités (art. 22 et 23 de la loi de 2001), rien ne garantit que ce soit fait par l'un des membres d'une minorité, puisqu'il suffit de résider dans les localités concernées pour postuler un emploi: ainsi n'importe quel Han peut se porter candidat à des fonctions locales. D'ailleurs, dans la plupart des cas, ce sont les Hans qui accaparent tous les postes importants, abandonnant ainsi aux membres des minorités nationales les postes subalternes.

Or, selon la Loi sur l'autonomie des régions ethniques (2001), lors du recrutement des cadres ou des ouvriers dans les entreprises ou dans les établissements d'une région autonome, les membres des minorités nationales sont, en principe, choisies en priorité

Article 22

3) Les organismes autonomes des régions d’autonomie ethnique peuvent adopter des mesures spéciales pour accorder un traitement préférentiel et encourager le personnel spécialisé qui participe aux différents types de construction dans ces zones.

Article 23 

Lorsqu’elles recrutent du personnel conformément à la réglementation de l’État, les entreprises et les institutions des zones autonomes ethniques doivent donner la priorité aux nationalités minoritaires et peuvent les enrôler parmi la population des nationalités minoritaires dans les zones rurales et pastorales.

D'après des informations provenant de l'ambassade de Chine en France, le nombre de cadres des minorités ethniques, depuis les 40 dernières années, serait passé de 10 000 (en 1950) à plus de 2,3 millions actuellement. Ces cadres travailleraient dans les organismes du Parti communiste chinois (PCC) et de l’administration publique, de même que dans les domaines économique, scientifique, technique, culturel, pédagogique, sans oublier la santé. Les principaux postes de direction des 156 autorités autonomes locales seraient occupés par des cadres de minorités ethniques. Parmi les dirigeants provinciaux et des ministères, 24 seraient membres de minorités ethniques. Au Tibet, selon les autorités chinoises, plus de 70 % des cadres seraient des Tibétains ou des membres d’autres minorités ethniques. Dans la Région autonome du Xinjiang (Ouïghours), plus de 270 000 fonctionnaires, soit 48,1 % du total, appartiendraient aux groupes minoritaires. Dans la Région autonome de la Mongolie intérieure, où les minorités représentent 19,3 % de la population, 23 % des fonctionnaires locaux appartiendraient à des minorités; la proportion serait de 51 % au niveau régional, de 50 % dans les administrations et de 50,77 % au Congrès régional du peuple.

Néanmoins, il demeure facile d'écarter des candidats autochtones sous prétexte qu'ils ne sont pas suffisamment formés ou qu'ils connaissent mal le chinois standard. Dans l'ensemble, les langues (parlées et écrites) des différentes minorités sont plus couramment utilisées dans les départements et les cantons autonomes que dans les provinces et les régions autonomes. De façon générale, ces langues sont davantage en usage dans les zones rurales que dans les centres urbains, et elles ne sont jamais employées au sein du gouvernement central. Même l'administration locale d'une région autonome peine à employer une langue autochtone dans une ville moindrement importante. De plus, lorsque des langues minoritaires sont parlées par une population plus nombreuse (le tibétain au Tibet, le mongol en Mongolie intérieure, le zhuang au Guangxi, l'ouïghour au Xinjiang), il n'est pas certain qu'elles soient utilisées dans les villes. Encore là, il faut que les services gouvernementaux locaux soient offerts dans les petites localités ou dans les villages, sinon le chinois prendra toute la place.

En réalité, les membres des minorités nationales occupent la plupart du temps des postes administratifs symboliques ou subalternes, et très peu de postes impliquant un réel pouvoir. Et, lorsqu'ils occupent un poste de pouvoir, c'est parce qu'ils sont complètement sinisés et peuvent jusqu'à ignorer leur langue maternelle. Autrement dit, le bilinguisme officiel en vigueur dans les régions autonomes telles que la Mongolie intérieure (mongol-chinois), le Guangxi (zhuang-chinois), le Tibet (tibétain-chinois) et le Xinjiang (ouïghour-chinois) n'est qu'une façade commode pour camoufler l'unilinguisme chinois de plus en plus répandu. Seul le personnel local autochtone peut répondre aux administrés dans leur langue maternelle. Lorsqu'un Chinois est bilingue, il parle l'anglais, pas une langue qu'il considère comme «barbare». Il arrive même que des fonctionnaires membres d'une minorité nationale soient tellement sinisés qu'ils s'expriment difficilement dans leur langue d'origine.

- Un nombre limité de langues minoritaires employées

On peut résumer ainsi les langues minoritaires employées théoriquement dans les bureaux des administrations locales:

1) Au gouvernement central (rarement):

Écrit: mongol, tibétain, ouïgour, kazakh, coréen, zhuang et yi;
Oral: mongol, tibétain, ouïgour, kazakh et yi.

2) Dans les provinces et régions autonomes (plus ou moins régulièrement):

Écrit: ouïgour, kazakh, mongol, tibétain, kirghiz, xibe et yi;
Oral: tibétain, ouïgour, kazakh, mongol, kirghiz, etc. Ces langues écrites et parlées sont aussi celles en usage dans les préfectures autonomes et les comtés autonomes habités par chaque nationalité;

3) Dans les préfectures et cantons autonomes (régulièrement):

Écrit: ouïgour, kazakh, mongol, tibétain, kirghiz, xibe et yi;
Oral: ouïgour, kazakh, mongol, tibétain, kirghiz, xibe, yi, xishuangbanna dai, dehong dai, jingpo, zaiwa, lisu, lahu et va.

Il faut surtout retenir que les langues des minorités sont davantage employées dans les petites unités administratives (départements et cantons) que dans les grandes (provinces et régions autonomes). Soulignons que, même au Tibet ainsi qu'on Mongolie intérieur et dans le Xinjiang, les fonctionnaires chinois doivent en principe apprendre à lire et à écrire le tibétain, le mongol ou l'ouïghour, voire à restreindre leurs privilèges. Dans les faits, ce n'est pas le cas puisque les Chinois imposent leur langue dans toutes les grandes villes aux dépens de toutes les langues minoritaires.

6 Les langues minoritaires en éducation

La République populaire de Chine, répétons-le, est un pays multiethnique. En plus de la nationalité han, il existe 55 autres nationalités minoritaires, avec une population de 108 millions d'habitants, ce qui représente environ 8,98% de la population totale. Par conséquent, l'éducation pour les minorités ethniques constitue une composante importante de la cause éducative dans le pays.

Avant 1949, seules 19 minorités ethniques bénéficiaient de leur langue écrite. Après 1949, l'État a élaboré des mesures qui prévoyaient que chaque nationalité avait la liberté d'utiliser et de développer sa propre langue écrite nationale. Par la suite, l'État a aidé plus de dix nationalités (14 langues) à créer leur écriture: les Buyi, les Yi, les Miao, les Naxi, les Li, les Lisu, les Dong, les Hani et les Wu.  De plus, l'État également aidé les nationalités ouïghoure, kazakhe, lahu et jingpo à réformer leurs langues. Désormais, à l'exception des minorités hui et mandchou, qui utilisent généralement la langue chinoise commune, les 53 autres minorités ethniques ont toutes leur propre langue. Les nationalités mongole, tibétaine, ouïghoure, kazakhe, kirghize, sibo, coréenne, miao, zhuang, buyi, dong, hani, bai, yi, naxi, jingpo, lisu, lahu, wa, dai, ouzbèke purent recevoir un enseignement ans leur langue.

6.1 Le principe de l'égalité des langues

La Constitution de la République populaire de Chine énonce dans son article 4 que toutes les nationalités sont égales en droits:

Article 4

Toutes les nationalités sont égales en droits en République populaire de Chine. L'État garantit les droits et les intérêts légitimes des minorités ethniques, il maintient et développe les rapports entre les nationalités selon les principes d'égalité, de solidarité, d'entraide et d'harmonie. Toute discrimination et oppression à l'égard d'une nationalité, tout acte visant à saper l'unité des nationalités et toute activité séparatiste sont à proscrire.

L'État protège les droits et intérêts légitimes des minorités ethniques et maintient et développe une relation d'égalité, de solidarité, d'assistance mutuelle et d'harmonie entre tous les groupes ethniques chinois. La discrimination et l'oppression de tout groupe ethnique sont interdites. C'est ainsi que les citoyens de tous les groupes ethniques ont le droit de voter et de se présenter aux élections, quelles que soient leur appartenance ethnique, leur race et leurs convictions religieuses. De plus, leur liberté personnelle et leur dignité sont inviolables  et ils jouissent de la liberté de croyance religieuse. Enfin, ils ont le droit de recevoir leur instruction dans leur langue parlée et écrite. Ce sont là les principes qui doivent protéger les minorités ethniques.

6.2 L'enseignement obligatoire

Selon la Loi sur l'enseignement obligatoire (2018), tous les enfants mineurs d’âge scolaire ayant la nationalité chinoise bénéficient du droit de recevoir l’enseignement obligatoire, sans distinction de sexe, d’origine ethnique, de race, de situation patrimoniale familiale, de croyance religieuse, etc.:

Article 6

Le Conseil d'État et les administrations populaires locales au niveau du canton ou au-dessus doivent allouer rationnellement les ressources éducatives, promouvoir le développement équilibré de l'enseignement obligatoire, améliorer les conditions de fonctionnement des écoles dans les petites écoles et prendre des mesures pour assurer la mise en œuvre de l'enseignement obligatoire dans les zones rurales et les zones ethniques, et de veiller à ce que les familles ayant des difficultés financières et les enfants et adolescents handicapés en âge scolaire reçoivent l'enseignement obligatoire.

L'État organise et encourage les régions économiquement développées à soutenir les régions économiquement sous-développées dans la mise en œuvre de l'enseignement obligatoire.

Bien que l'enseignement de neuf ans au primaire et au secondaire soit obligatoire, alors qu'il n’y a pas d’exemption complète pour les frais de scolarité, certains parents des zones rurales ne peuvent pas payer les frais de scolarité pour le premier cycle du secondaire et faire terminer les études de leur enfant à l’école primaire. Les jeunes s'engagent dans l’agriculture ou se réfugient dans des centres urbains pour devenir des soi-disant travailleurs paysans (travailleurs migrants des zones rurales).

L'article 37 de la Loi sur l'autonomie des régions ethniques (2001) prévoit un enseignement de neuf ans obligatoire pour les minorités ethniques:

Article 37

1) Les organismes autonomes des régions autonomes ethniques développent de façon indépendante l’éducation des nationalités, éliminent l’analphabétisme, créent divers types d’écoles, répartissent neuf années d’enseignement obligatoire, développent divers types d’écoles secondaires et de formation professionnelle, développent des niveaux d’éducation plus élevés en fonction des conditions et des besoins locaux et forment du personnel spécialisé parmi les nationalités minoritaires.

2) Les organismes autonomes des zones autonomes ethniques sont les zones rurales des minorités ethniques et les zones montagneuses des minorités ethniques connaissant des difficultés économiques et une vie dispersée, et ont créé des écoles primaires et secondaires publiques pour les minorités ethniques, principalement des internats et des bourses, pour veiller à ce que les élèves achèvent l'enseignement obligatoire. Les fonds de fonctionnement scolaire et les subventions sont réglés par les finances locales. Si les finances locales sont en difficulté, les finances supérieures accordent des subventions.

3) Les écoles (classes) et tout autre établissement d'enseignement recrutant principalement des élèves appartenant à des minorités ethniques doivent, dans la mesure du possible, utiliser des manuels dans leur propre langue et employer ces langues comme moyennes d’enseignement. À partir des classes inférieures ou supérieures de l’école primaire, les cours de langue et de littérature han doivent être enseignés pour diffuser la langue commune utilisée dans tout le pays et employer des caractères chinois han.

4) Les gouvernements populaires à tous les niveaux doivent soutenir financièrement la compilation et la publication de matériels pédagogiques et de publications dans les langues minoritaires.

Cependant, si la loi affirme que les minorités ethniques disposent d'écoles pour offrir un enseignement dans leur langue, elle mentionne également un enseignement obligatoire dans la langue et la littérature des Hans.  De plus, la loi semble favoriser l'enseignement dans des internats, ce qui suppose que les enfants résident dans des pensionnats, loin de leur famille et de leur milieu naturel. Or, l'objectif ultime derrière cette procédure est que les internats permettent un environnement idéal pour la reconstruction culturelle continue des sociétés minoritaires.

6.3 L'enseignement privé

Dans les écoles urbaines, en revanche, certains élèves paient un supplément pour entrer dans des écoles secondaires publiques réputées, tandis que d’autres s’inscrivent dans des écoles privées très coûteuses appelées «écoles aristocratiques» ou «écoles nobles». D'ailleurs, l'article 52 de la Loi sur la promotion de l'enseignement privé (2002) prévoit des mesures pour créer des écoles privées dans les régions des minorités ethniques:

Article 52

L'État prend des mesures pour soutenir et encourager les organisations sociales et les individus à
créer des écoles privées dans les régions des minorités ethniques et les zones éloignées et pauvres afin de développer l'éducation.

La tradition de l'enseignement privé ethnique et le soutien politique de l'État à cet enseignement permettent une possibilité réaliste de bénéficier d'un enseignement ethnique dans des établissements privés. En raison des caractéristiques géographiques accidentées dans certaines zones ethniques, l'éducation dans les zones ethniques peut prendre parfois la forme d'une école privée ou d'une école gratuite, c'est-à-dire la gestion d'une école par les habitants d'une agglomération. L'État doit prendre alors des mesures pour soutenir et encourager les organisations sociales et les individus à se rendre dans ces zones minoritaires éloignées et pauvres pour organiser des écoles privées afin d'offrir une instruction aux enfants.

En raison des restrictions imposées par les autorités chinoises, de nombreuses écoles privées ne sont pas autorisées à utiliser leur propre matériel pédagogique, car elles doivent employer un matériel pédagogique unifié au niveau national. Les enseignants doivent également être mobiles, et ils ne peuvent pas toujours être dans une même école. À long terme, il faut s'attendre à ce que les écoles privées soient supprimées, y compris chez les sinophones.

6.4 Un enseignement bilingue

L'article 12 de la Loi sur l'éducation (2015) énonce clairement que tous les enfants doivent recevoir un enseignement bilingue dans leur langue maternelle et en chinois mandarin:
 

Article 12

1) La langue chinoise parlée et écrite commune doit être la langue de base utilisée par les écoles et autres établissements d'enseignement dans l'éducation et l'enseignement, et les écoles et autres établissements d'enseignement doivent utiliser la langue chinoise parlée et écrite standard dans l'éducation et l'enseignement.

2) Les écoles et autres établissements d'enseignement
dans les zones ethniques autonomes qui sont principalement composées d'élèves issus de minorités ethniques doivent, selon les circonstances réelles, mettre en œuvre un enseignement bilingue dans la langue parlée et écrite commune de l'État et la langue parlée et écrite commune de leur propre groupe ethnique ou groupe ethnique local.

3) L'État doit prendre des mesures pour faciliter et soutenir
la mise en œuvre de l'enseignement bilingue dans les écoles et autres établissements d'enseignement dominés par des élèves appartenant à des minorités ethniques.
 

D'après l'article 25 du Règlement détaillé pour la mise en œuvre de la loi sur l'enseignement obligatoire (2020), les écoles qui offrent un enseignement dans une langue locale ethnique doivent aussi proposer des cours de chinois:

Article 25

Les zones ethniques autonomes doivent organiser et mettre en œuvre
l'enseignement obligatoire dans leurs propres zones, conformément à la Loi sur l'enseignement obligatoire et aux autres lois pertinentes. La création, le système d'éducation, la forme de gestion scolaire, le contenu de l'enseignement et les périodes d'enseignement des écoles mettant en œuvre l'enseignement obligatoire sont décidés par les organismes d'autonomie des zones ethniques autonomes en conformité aux lois pertinentes.

Les écoles,
qui enseignent dans la langue parlée et écrite couramment employée par les minorités ethniques, doivent proposer des cours de chinois dans les classes supérieures des écoles primaires ou des collèges
, et peuvent également être proposées à l'avance en fonction de la situation réelle.

Cet article 14 du Règlement sur le travail administratif des cantons ethniques (1993) énonce que les administrations dans les cantons ethniques doivent adopter des politiques préférentielles pour le recrutement d'enseignants et qu'en même temps que la langue parlée locale le putonghua doit aussi être enseigné:

 

Article 14

Les administrations des populations locales dans les cantons ethniques ou au-dessus
adopteront des politiques préférentielles en termes d'enseignants, de fonds, d'établissements d'enseignement, etc., afin d'aider les communes ethniques à développer des entreprises éducatives et à améliorer la qualité de l'éducation.

[...]

Les écoles primaires et secondaires des cantons ethniques
peuvent employer la langue parlée et écrite couramment employée par les minorités ethniques locales pour l'enseignement et, en même temps, diffuser le putonghua couramment utilisé dans tout le pays. Les écoles primaires et secondaires qui emploient des langues ethniques pour l'enseignement peuvent bénéficier de dépenses administratives et un établissement de personnel plus élevés que les écoles ordinaires.

D'après le Règlement sur le travail des minorités ethniques dans les villes (1993), des mesures sont prévues pour l’éducation des minorités ethniques résidant dans des villes:

Article 9

Les administrations des populations urbaines doivent attacher de l’importance au développement de l’éducation des minorités ethniques et renforcer le leadership et le soutien à l’éducation des minorités ethniques.

Les administrations des populations urbaines doivent adopter des mesures appropriées pour améliorer la qualité du
contingent d’enseignants chez les minorités ethniques, bien gérer les écoles (classes) de tous les types de minorités ethniques à tous les niveaux, accorder une attention appropriée aux écoles ethniques (classes) en termes de financement et d’allocation des enseignants, et développer tous les types d’enseignement professionnel et technique, ainsi que l’éducation aux adultes, conformément aux caractéristiques des minorités ethniques locales.

Les services d'admission locaux peuvent, conformément aux réglementations nationales pertinentes et à la lumière des conditions locales réelles, accorder une attention appropriée
aux candidats issus de minorités ethniques au stade de l'enseignement post-obligatoire au moment des admissions.

Article 20

Les administrations des populations urbaines doivent sauvegarder le droit des minorités ethniques d’employer leurs langues et leurs écritures, et renforcer la traduction, la publication, l’enseignement et la recherche des langues minoritaires, conformément aux dispositions nationales pertinentes, selon les besoins et les conditions requises.

Dans la pratique, la Chine connaît un système scolaire à deux vitesses : celle des villes et celles des campagnes moins favorisées. Ces dernières possèdent souvent des «enseignants itinérants» qui donnent des cours le matin dans une école et l’après-midi dans une autre.

Dans les écoles accueillant majoritairement des élèves appartenant à des minorités et dans les autres établissements d'enseignement, les langues des groupes ethniques concernés ou les langues couramment utilisées dans la localité sont employées dans l'enseignement. Selon les statistiques actuelles (2020), 90 704 écoles primaires, 11 486 collèges et 92 établissements d'enseignement supérieur ont été construits dans les régions ethniques. Dans tout le pays, plus de 20 900 écoles primaires, 3 500 collèges et 12 établissements d'enseignement supérieur ont été construits spécialement pour les étudiants ethniques.

Il a fallu créer des maisons d'édition pour cet enseignement ethnique dans le but de publier et de traduire les manuels dans les langues minoritaires. Des maisons d'édition d'éducation ethnique ou des maisons d'édition de matériel pédagogique ethnique ont été produites dans les provinces ou les régions autonomes de la Mongolie intérieure, du Xinjiang, du Jilin, du Qinghai, du Sichuan, du Guizhou, du Yunnan et du Guangxi. Des organismes de traduction et d'édition des langues ethniques ont été créés dans huit provinces et régions autonomes. En outre, des groupes de coordination pour les manuels des écoles primaires et secondaires en langues mongole, tibétaine et coréenne ont été formés. En 1988, plus de 3500 types de manuels d'enseignement primaire et secondaire (environ 100 millions de volumes) ont été produits dans 29 langues ethniques pour des élèves de 21 nationalités.

6.5 L'enseignement supérieur

L'article 71 de la Loi sur l'autonomie des régions ethniques (2001) traite ainsi des établissements d'enseignement supérieur pour les minorités ethniques:

Article 71 

2) L'État organise des établissements d'enseignement supérieur pour les minorités ethniques, dans lesquels des classes ethniques et des cours préparatoires pour les minorités ethniques sont organisés pour recruter spécifiquement ou principalement des étudiants issus de minorités ethniques, et la méthode d'inscription ciblée et de distribution ciblée peut être adoptée. Lorsque les établissements d'enseignement supérieur et les écoles professionnelles secondaires inscrivent de nouveaux étudiants, les normes et conditions d'admission pour les candidats issus de minorités doivent être assouplies de manière appropriée et une attention particulière doit être accordée aux candidats issus de minorités dont la population est particulièrement réduite. Les administrations populaires et les écoles à tous les niveaux doivent prendre diverses mesures pour aider les élèves des minorités issus de familles en difficulté financière à terminer leurs études.

La création d'établissements d'enseignement supérieur pour les minorités ethniques est en principe une mesure importante pour former des cadres et du personnel ayant des compétences particulières, par exemple, pour la fonction publique ou les grandes entreprises. La Chine a créé une douzaine d'universités pour les minorités ethniques dans 11 provinces, municipalités et régions autonomes. Ces universités n'inscrivent que des étudiants d'origine ethnique (au nombre d'environ 50 000) et ont offert des compétences particulières dans de nombreuses langues minoritaires.  Ces universités ont proposé des disciplines et des matières spéciales en fonction de l'actualité et des besoins des régions ethniques. Elles assurent également la formation des cadres et des classes préparatoires. Elles adoptent aussi des approches pédagogiques et administratives particulières. En 1989, dans toutes ces universités, il y avait 39 332 étudiants et 4897 enseignants. Un grand nombre de personnel qualifié avec diverses compétences spécialisées a été formé; ils ont joué un rôle important pour accélérer le développement économique et la cause éducative dans les régions ethniques.

La mission principale de ces universités est surtout de former des cadres et des enseignants «ethniques» destinés aux divers établissements, institutions et entreprises régionales. La plupart des cours sont offerts en chinois standard ou en anglais, sauf pour les cours de langue et de pédagogie liés à un groupe spécifique. Les spécialités concernent surtout les secteurs de l'agriculture et de l'élevage, parfois la médecine et la médecine vétérinaire. 

Dans la Région autonome ouïghoure du Xinjiang, l’usage des langues minoritaires (ouïghour, kazakh, etc.) a été banni de toutes les universités depuis 2002. Dorénavant, seuls le chinois et l'anglais sont admis comme langues d'enseignement. Il n'existe que deux universités coraniques dans le Xinjiang (à Urumqi et à Kashgar), qui scolarisent en arabe quelques centaines d'étudiants triés sur le volet.

6.6 Les pratiques réelles en éducation

C'est le président Mao Tsé-toung qui avait commencé, dans une perspective marxiste-léniniste à élaborer une politique d'ouverture envers les nombreuses minorités non chinoises (au nombre de 55 pour 123 millions de personnes): ces dernières devaient recevoir une certaine reconnaissance juridique et un traitement particulier tout en étant rattachées au pouvoir central. Cette politique s'est même amplifiée avec Deng Xiaoping, l'ancien président de la Conférence consultative politique du peuple chinois de 1978 à 1983. En effet, l’arrivée à la tête du Parti communiste chinois de Deng Xiaoping, suivi par Jiang Zemin (1993-2003), remit en vigueur une vision accommodante de la diversité ethnique.

Les minorités avaient été perçues comme très en retard en comparaison avec la croissance phénoménale de la Chine côtière où les Hans étaient majoritaires. C'est pourquoi les minorités purent bénéficier de traitements préférentiels : mise en application laxiste de la politique des naissances dites «d’un enfant par famille», réduction ou exemption de taxes, mesures spéciales d’appui à l’entrepreneuriat, accès prioritaire à l’éducation supérieure et programmes visant la sauvegarde et la promotion de la culture des minorités ethniques (langue, musique, folklore, littérature).

Cela dit, de telles pratiques apparemment conciliantes de la part du pouvoir central ne doivent pas faire perdre de vue l’attitude paternaliste des autorités: il s'agissait de permettre aux minorités de faire valoir leurs traits distinctifs à la condition qu’elles ne remettaient pas en cause l’unité et la stabilité politiques du pays. En réalité, Pékin a toujours oscillé entre une vision de tolérance provisoire et une volonté d’assimilation face au pluralisme ethnique.

- Les langues enseignées

Ce ne sont pas toutes les langues minoritaires qui bénéficient d'un enseignement. Dans les faits, les principales langues enseignées dans les écoles primaires et secondaires sont généralement le mongol, l'ouïghour, le coréen, le tibétain, le kazakh et le kirghiz.  Les langues écrites partiellement employées au primaire et au secondaire demeurent le jingpo, le xibe, le yi sichuannais et le zhuang. Quant aux langues écrites partiellement utilisées dans les écoles primaires, ce sont le buyei, le xishuangbanna dai, le dehong dai, le dong, le hani, le lahu, le lisu nouveau et le vieux lisu, le xiangxi miao, le qiandong miao, le chuanqlandian miao, le naxi, le va et le zaiwa. 

La langue et l'écriture de certaines minorités, comme le miao, le hani, le naxi, le va, etc., ne sont employées que dans les trois ou quatre premières années du primaire. Le putonghua est principalement enseigné dans les écoles par les minorités qui ne possèdent pas leur propre écriture ou dont l'écriture n'est pas encore très répandue. Il en est ainsi pour tous les peuples minoritaires du Sud (sauf pour les Tibétains), qui emploient presque tous le putonghua comme principale langue d'enseignement, alors que les langues maternelles sont employées comme un moyen supplémentaire dans l'enseignement oral.

La situation la plus fréquente est celle-ci: les élèves apprennent principalement leur langue maternelle dans les trois premières classes du primaire, puis passent progressivement au putonghua avant de délaisser complètement la langue maternelle. C'est, à l'exemple des États-Unis, le système généralisé de l'enseignement bilingue destiné aux petites minorités nationales. L'objectif n'est alors pas la préservation, mais l'assimilation.

- Les disparités régionales

On constate aussi que les minorités vivant dans le nord de la Chine emploient davantage leur langue maternelle dans les écoles primaires que les minorités vivant dans le Sud.  Les régions ou provinces les plus privilégiées du point de vue de l'accès à l'école dans la langue maternelle des élèves sont les suivantes: la Mongolie intérieure, le Ningxia, le Xinjiang (Ouïgour), le Guangxi, le Tibet et des districts du Guizhou, du Yunnan et du Gansu. De fait, les minorités suivantes utilisent leur idiome comme langue d'enseignement et le putonghua comme matière d'enseignement: les Mongols, les Tibétains, les Ouïgours, les Kazakhs, les Coréens, etc. Encore là, il faut apporter des réserves. L'un des problèmes provient du fait que, malgré la législation en vigueur, l’école obligatoire n'est pas gratuite. En raison de la grande pauvreté des familles issues de certaines nationalités éloignées, la plupart des filles ne peuvent fréquenter l'école, parce que la priorité est accordée aux garçons. De plus, beaucoup de garçons délaissent l'école avant d'arriver au secondaire: ils occuperont des emplois peu rémunérés toute leur vie.

Certaines administrations régionales ont néanmoins accordé une priorité à l'instruction dans les langues minoritaires pour les écoles destinées à l'agriculture et à l'élevage des moutons et autres animaux de bergerie. Des manuels ont été traduits dans les langues minoritaires, disponibles seulement dans le réseau du primaire. De plus, les écoles chinoises reçoivent un financement gouvernemental considérablement plus élevé que les écoles des minorités ethniques. Mentionnons aussi que le gouvernement chinois fait en sorte que les jeunes les plus doués poursuivent leur scolarité loin de leur région natale, à l'extérieur de leur milieu familial, dans des internats, afin de leur inculquer une éducation en chinois plus conforme aux exigences du Parti communiste chinois.

- La pénurie du personnel enseignant

Dans le cas des nationalités dispersées dans différentes provinces et régions, des programmes d'échanges d'étudiants ont été organisés afin d'aider à remédier aux problèmes liés à la pénurie des enseignants aptes à enseigner dans la langue des minorités. Le ministère de l'Éducation a élaboré du matériel didactique dans la langue des minorités.  Le gouvernement tend à favoriser l'enseignement dans la langue parlée et écrite des minorités, mais avec un enseignement bilingue, le putonghua étant obligatoire, selon le modèle américain, ce qui a entraîné un développement de l'éducation chez les minorités.

Même si la Constitution et la loi reconnaissent l'usage des langues nationales dans les régions et départements autonomes, il reste que près de la moitié des langues des minorités nationales ne sont pas réellement enseignées. Ces langues minoritaires sont pratiquement exclues du système scolaire parce qu'elles ne seraient pas encore dotées d'écriture ou parce qu'il manquerait d'élèves, ou pour toutes sortes d'autres raisons qui ne changent rien à la réalité. Certains groupes minoritaires reprochent au gouvernement de les alphabétiser en pinyin dans le but de leur faire apprendre le putonghua.

- L'analphabétisme

Enfin, il faut mentionner le problème de l'analphabétisme en Chine, un problème chronique, malgré les prétentions des autorités centrales. Selon les statistiques publiées par le ministère de l'Éducation, près de 10 % des analphabètes du monde sont des Chinois. Quatre-vingt-dix pour cent d'entre eux vivent dans des régions rurales, dont 50 % dans les régions de l'Ouest et du Nord, là où sont concentrées la plupart des minorités nationales; de plus, 70 % des analphabètes du pays sont des femmes. Le taux d'analphabétisme chez les adultes s'est tout de même amélioré, car il est passé de 22,2 % en 1992 à 8,7 % en 2002. Mais la Chine compte encore, selon l'UNESCO, 85 millions d'analphabètes, dont 20 millions de personnes âgées entre 15 et 50 ans. Ainsi, ce sont surtout les régions rurales qui souffrent le plus de l'analphabétisme, ce qui concerne presque toutes les minorités nationales, notamment les filles et les femmes. La Chine connaît une sorte de déscolarisation des filles depuis que la décentralisation administrative du système scolaire a entraîné une hausse des frais de scolarité et des frais de service. Les familles des nationalités, qui ont le droit d'avoir deux enfants, scolarisent les garçons aux dépens des filles. En réalité, 20 % à 25 % des membres des minorités nationales habitant dans les campagnes seraient analphabètes.

Grâce à la généralisation de l’enseignement obligatoire et au développement de l’enseignement aux analphabètes, la Chine a réussi à réduire les écarts dans l'analphabétisme: le taux d’analphabétisme général est passé de 80% en 1949 à moins de 5% en 2003. Le Règlement sur l'éradication de l'analphabétisme (1988, modifié en 1993) impose le recours au putonghua dans l'enseignement pour enrayer l'analphabétisme ou une langue locale dans les zones ethniques:

Article 6

Dans  l'enseignement, l'éradication de l'analphabétisme
doit se faire au moyen du putonghua, qui est couramment utilisé dans tout le pays. Dans les zones de minorités ethniques, la langue du groupe ethnique peut être employée pour l'enseignement, et la langue couramment utilisée par tous les groupes ethniques de la région peut également être employée dans l'enseignement.

Article 7

Les critères d'alphabétisation personnelle sont les suivants : les agriculteurs doivent connaître 1500 caractères chinois, les employés d'entreprises et d'institutions et les citadins doivent en connaître 2000, être capables de lire des journaux et des articles simples et populaires, être capables de tenir des comptes simples et être capables de rédiger des textes d'application simples.

Dans les endroits où l'alphabétisation se fait dans la langue ethnique locale,
les normes d'alphabétisation sont formulées par l'administration populaire de la province ou de la région autonome,
conformément aux dispositions du paragraphe précédent.

Les données du recensement de 2000 révélaient que les minorités nationales, prises dans leur ensemble, souffraient généralement d'un niveau d'analphabétisme supérieur à la moyenne nationale. Une décennie plus tard, les proportions n'avaient pas beaucoup changé. Parmi les 17 provinces ayant un degré d’urbanisation supérieur à 40%, seulement trois avaient un taux d’analphabétisme plus élevé que 10%. Parmi les 14 provinces ayant un degré d’urbanisation inférieur à 40%, sept ont un taux d’analphabétisme plus élevé que 10%. La quasi-totalité (plus de 40%) des provinces urbanisées est située dans les zones géographiques de l'Est et du Centre, à l’exception de Chongqing, de la Mongolie intérieure et du Ningxia, où résident des minorités. Les zones les plus analphabètes sont nettement celles qui sont situées dans des endroits difficiles d'accès, la province de Gansu au Nord-Ouest, la province de Yunnan au Sud-Ouest, le Tibet au Sud-Ouest et la province de Guizhou au Centre-Sud. Toutes ces régions comptent un grand nombre de minorités, sauf le Gansu où elles sont diversifiées, mais en petit nombre (seulement 9%).

La Chine compte chaque année environ 500 000 nouveaux analphabètes, surtout en raison de la pénurie des écoles primaires dans plus de 200 districts et du décrochage scolaire à la fin du primaire. En somme, la Chine a encore beaucoup de travail à faire avant d'atteindre l'égalité entre ses citoyens. Les disparités sont encore énormes entre les Hans et les minorités, les urbains et les ruraux, les hommes et les femmes. 

- La nouvelle orientation assimilatrice

Nous pouvons constater que la législation chinoise en matière de protection des minorités ethniques semble très élaborée. En effet, sur papier, c'est même exemplaire. Toutefois, la pratique réelle peut nier ces droits reconnus et consentis depuis de nombreuses années.

Au cours de la décennie de 1990, de nombreux conflits d'ordre ethnique secouèrent de nombreux pays, notamment l'effondrement de l'Union soviétique, les guerres yougoslaves, le conflit racial américain et la tentative d'indépendance de l'Écosse vis-à-vis du Royaume-Uni, sans parler des problèmes d'immigration qui préoccupèrent de nombreux pays ou des défis du soi-disant «politiquement correct» au sein du multiculturalisme. La Chine fut également touchée avec les revendications des Tibétains, des Ouïghours et des Mongols, pour ne nommer que ces minorités. Après l'éclatement de la violence entre la majorité des Chinois hans et les minorités ethniques au Tibet en 2008 et au Xinjiang en 2009, certains des principaux décideurs politiques chinois commencèrent à croire que le système de différenciation ethnique n'avait guère contribué à promouvoir l'unité nationale. Prévoyant un danger imminent, les autorités chinoises sentirent le besoin de revoir leur politique ethnique, leurs théories et leurs stratégies pour résoudre ces nouveaux problèmes.

Dès son arrivée au pouvoir à la fin de 2012, rappelons que le président Xi Jinping s'est approprié la mainmise totale sur le Parti communiste, l’État et l’armée. Il s'est organisé pour occuper les postes de président de la République et de président de la Commission militaire centrale (CMC). Il est ainsi devenu la personne détenant le plus de pouvoir en Chine depuis Mao Tsé-toung. Sous la gouverne de Xi Jinping, le régime s'est durci de telle sorte que certaines mesures témoignent d’un changement d’approche radical dans la gestion des minorités ethniques. Désormais, l’objectif est le suivant : l'abandon de l'autonomie au profit de l’assimilation des minorités, de l’imposition du mode de vie de la majorité han et de l’idéologie communiste, par la force s’il le faut.

Toutes les agences administratives provinciales et régionales de Chine ont officiellement commencé à mettre en œuvre «l'éducation bilingue». Les autorités scolaires chinoises ont dû distinguer l'éducation bilingue «en premier mode», qui se concentre sur l'enseignement en recourant aux langues locales ou minoritaires, et l'Éducation bilingue «en second mode», qui se concentre sur le chinois ou la langue nationale. Par exemple, au seul Tibet, cette nouvelle politique, que les autorités appellent «l'éducation bilingue», exige que les écoles, dès la maternelle, remplacent progressivement le tibétain par le chinois mandarin comme langue d'enseignement.

Les enfants n'apprendront dorénavant la langue locale que dans le cadre d'un seul cours. De plus, les efforts déployés par les groupes minoritaires pour ouvrir malgré tout des jardins d'enfants dans une langue minoritaire ont eu pour effet de faire surgir des fonctionnaires qui ont fait arrêter et emprisonner les dissidents. Ces mesures sont aujourd'hui appliquées partout en Chine, encore davantage dans les zones sensibles comme en Mongolie intérieure, dans le Xinjiang et au Tibet. La nouvelle orientation politique s'applique également aux plus petites minorités ethniques qui n'ont pas beaucoup de résistance pour s'opposer à Pékin. Il suffit de lire ce passage du Programme 2021-2030 de développement de l'enfant en Chine pour comprendre l'impact de cette politique nationale :

中国儿童发展纲要(2021-2030年)

4.

[...]

提高民族地区教育质量和水平,加大国家通用语言文字推广力度。深化民族团结进步教育。

Programme de développement de l'enfant en Chine (2021-2030)

Article 4

[...]

Améliorer la qualité et le niveau d'éducation dans les zones ethniques et
accroître la promotion de la langue nationale commune. Approfondir l'unité nationale et l'éducation au progrès.

En 2021, le gouvernement chinois a publié l'Esquisse pour le développement des enfants en Chine (2021-2030) dans lequel on trouve l'obligation dès le préscolaire de promouvoir l'apprentissage du putonghua:

3) Enfants et éducation

5.
Promouvoir progressivement la pleine généralisation de l'éducation préscolaire. Continuer à mettre en œuvre le programme d'action pour l'éducation préscolaire, se concentrer sur la compensation des lacunes des ressources inclusives dans les zones inclusives de population concentrées, les zones rurales, les zones sous-développées, les zones ethniques et les zones urbaines faibles, et atteindre essentiellement une couverture complète du système de service public de l’éducation préscolaire.
Renforcer l'éducation du putonghua pour les enfants d'âge préscolaire et promouvoir l'apprentissage préscolaire du putonghua.

Bref, la priorité n'est plus de «respecter et protéger les droits des minorités ethniques à recevoir une éducation dans leur langue», mais d'«accroître la promotion de la langue nationale commune», le putonghua. On y ajoute aussi: «Approfondir l'unité nationale et l'éducation au progrès.» Les autorités chinoises ont maintenant décidé d'intensifier dès l'enfance l'endoctrinement de la culture, de la langue et de l'écriture chinoises. Bien sûr, la première langue des minorités ethniques n'est pas le mandarin, ce qui signifie qu'apprendre le putonghua est souvent tout aussi difficile pour celles-ci que pour les étrangers.

Par le fait même, toutes les prescriptions législatives, y compris les dispositions constitutionnelles, sont devenues inopérantes. Il reste maintenant à les abroger et à modifier la Constitution qui, à l'article 4, déclare que «toutes les nationalités jouissent de la liberté d'utiliser et de développer leur langue et leur écriture, de conserver ou de réformer leurs usages et coutumes.» 

7 Les langues minoritaires dans les médias

Les membres des minorités nationales bénéficient du soutien de l'État dans le domaine de l'accès aux médias dans leur langue. Dans la Loi sur l'autonomie des régions ethniques (2001), l'article 38 prévoit que les organismes autonomes doivent prévoir des émissions la radio et la télévision à l'intention des minorités, ainsi que des maisons d'édition et des médias d'information :

Article 38

1) Les organismes autonomes des zones autonomes ethniques développent de façon indépendante des entreprises culturelles nationales telles que la littérature, l'art, l'information, l'édition, la radio, le cinéma et la télévision avec des formes et des caractéristiques nationales, augmentent les investissements dans les entreprises culturelles et renforcent la construction d'équipements culturels, et accélèrent le développement de diverses entreprises culturelles.

2) Les organismes autonomes des zones autonomes ethniques organisent et soutiennent les unités et départements concernés pour collecter, organiser, traduire et publier des livres sur l'histoire et la culture ethniques, protéger les sites ethniques, les reliques culturelles précieuses et d'autres patrimoines historiques et culturels importants, et hériter et développer une excellente culture ethnique traditionnelle.

Il se publie en Chine environ 100 journaux dans 17 langues minoritaires et 73 périodiques dans 11 langues minoritaires. La station de radiodiffusion populaire centrale et les stations de radiodiffusion locales utilisent 16 langues minoritaires, et les stations de radiodiffusion régionales, départementales, cantonales ou les stations de rediffusion en utilisent plus de 20. Plus de 410 longs métrages ont été produits et 10 430 films doublés dans des langues minoritaires. En 1998, 36 maisons d'édition spécialisées dans l'édition pour les minorités nationales avaient publié plus de 53 millions d'exemplaires.

7.1 La presse écrite

Les minorités disposent en principe de journaux et magazines publiés en mongol, en tibétain, en ouïghour, en kazakh, en coréen, en zhuang, en yi, en kirghiz, en xibé, en xishuangbanna dai, en dehong dai, en jingpo, en zaiwa, en lisu, en miao, en naxi, en lahu, en monguor, etc. Les langues écrites dans lesquelles paraissent les différents quotidiens sont le mongol, le tibétain, l'ouïgour, le kazakh, le coréen, le yi, etc. Pour les magazines, mentionnons le mongol, le tibétain, l'ouïgour, le kazakh, le coréen, le xishuangbanna dai, le dehong dai, le kirghiz, le xibé, le zhuang, le jingpo, le zaiwa, le lisu, le miao, etc. Les langues écrites employées dans les journaux mensuels, hebdomadaires ou ceux de parution irrégulière sont le mongol, kazakh, lahu, lisu, naxi et le monguor.

Il est vrai que toutes ces langues peuvent être employées dans la presse, mais il faut comprendre que ces mêmes langues n'occupent qu'un très faible tirage qui ne se compare aucunement avec la presse sinophone. De plus, la plupart des quotidiens dans les régions autonomes sont en chinois, non en tibétain, en ouïgour, en zhuang, en mongol, etc. Depuis les années quatre-vingt, la politique linguistique chinoise à l'égard des médias a eu pour effet d'entraîner le déclin du nombre des journaux écrits dans toutes les langues minoritaires. Aujourd'hui, la plupart des journaux publiés dans les langues minoritaires sont des traductions des éditions chinoises, sauf les journaux très locaux à faible diffusion. Dans les journaux de grande diffusion, on trouve généralement des traductions littérales diffusant une sorte de «langue de bois gouvernementale» sinisée souvent éloignée de la langue en usage par les nationalités. Ces journaux encouragent même la substitution de termes existants dans les langues nationales par des mots chinois. C'est en ce sens qu'on parle de sinisation de la langue des nationalités.

7.2 La presse électronique

Les stations radiophoniques centrales diffusent quotidiennement des programmes de deux heures ou plus dans chacune de ces langues: le mongol, le tibétain, l'ouïghour, le kazakh et le coréen, etc. Dans les préfectures et districts autonomes, plusieurs stations radiophoniques diffusent partiellement des programmes dans la langue des minorités. Dans les régions autonomes, des stations diffusent en mongol (Mongolie intérieure), en ouïghour au Xinjiang, en tibétain au Tibet. Dans la région autonome du Guangxi et dans les provinces du Yunnan, du Sichuan et d'autres, on diffuse des émissions dans les langues suivantes: kazakh, xibé, kirghiz, zhuang, dai, jingpo, zaiwa, hani, lisu, lahu, yi, miao, etc.

Dans le cas de la télévision, le putonghua est diffusé dans toutes les stations de télévision en Chine. La plupart des stations qui diffusent des émissions dans une langue minoritaire offrent une programmation bilingue. Les langues les plus utilisées, en raison de quelques heures par mois, sont le mongol, le tibétain, l'ouïghour, le kazakh, le kirghiz, le coréen et le dai. Soulignons que la majorité des auditeurs possibles dans les langues minoritaires vivent dans les zones rurales ou désertiques et ils ne peuvent capter les ondes des émetteurs. De toute façon, on peut se demander avec quel argent ils pourraient bien se procurer le matériel électronique nécessaire.

L'article 19 de la Loi sur la radio et la télévision (2021) impose certaines contraintes, dont celle de ne pas mettre en danger l'unité nationale et de ne pas calomnier l'excellente culture traditionnelle chinoise :

 
Article 19

Les émissions de radio et de télévision ne doivent pas contenir les contenus suivants :

1) Violer les principes fondamentaux établis par la Constitution, inciter à la résistance ou saper l'application de la Constitution, des lois et des règlements, déformer ou nier la culture socialiste avancée ;

2) Mettre en danger l'unité nationale, la souveraineté et l'intégrité territoriale, divulguer des secrets d'État, mettre en danger la sécurité nationale, porter atteinte à la dignité, à l'honneur et aux intérêts nationaux, et prôner le terrorisme et l'extrémisme ;

3) calomnier l'excellente culture traditionnelle chinoise, inciter à la haine ethnique, à la discrimination ethnique, enfreindre les coutumes ethniques, déformer l'histoire ethnique ou les personnages historiques, blesser les sentiments ethniques et saper l'unité ethnique ;

Quant à la non-discrimination, ce n'est pas un réel problème dans la mesure où il n'y aura pas de poursuites judiciaires.

Enfin, la Chine contrôle étroitement le réseau Internet. Les internautes chinois ont accès à une version «allégée» de la Toile avec des sites censurés, notamment les sites d'information, ceux appartenant à des organisations de défense des droits de l'Homme et tous ceux jugés «subversifs» par les autorités centrales. Or, tout ce qui n'est pas conforme aux dogmes communistes est considéré comme subversif, surtout lorsqu'il est question de revendiquer des droits de la part d'une minorité.

L'État chinois pratique une politique linguistique apparemment très libérale à l'égard de ses minorités nationales. Mais la législation chinoise est trompeuse, car elle correspond davantage à une façade juridique destinée à maquiller les pratiques réelles. Dans ce pays, il n'y a pas beaucoup de place pour ceux qui refusent de se mouler dans le conformisme culturel chinois: c'est l'assimilation ou la sinisation, tant linguistique que culturelle des uns (Miao, Zhouang, etc.) et la colonisation massive des autres (Mongols, Tibétains, Mandchous, etc.). Les petites minorités qui se tiennent tranquilles peuvent vivre sans crainte d'être inquiétées, mais il n'en est pas toujours ainsi pour les habitants du Tibet, de la Mongolie intérieure et du Xinjiang (pour les Ouïghours). La politique chinoise d'accommodement semble avoir moins réussi chez les Tibétains, les Ouïghours et les Mongols, qui ont développé une forte résistance à l'égard de Pékin. Ces peuples se montrent particulièrement peu assimilables et font preuve d'une obstination et d'une ténacité qui étonnent les dirigeants chinois après 2000 ans de domination, de répression, de déportations et de purges. De façon générale, les minorités nationales de Chine réclament un élargissement de leurs droits pendant que les revendications autonomistes se développent, notamment chez les Tibétains et les Ouïghours. Toutes les minorités nationales, en particulier les Tibétains, sont dans leur pays «en résidence surveillée».

Par ailleurs, la politique d'éducation bilingue n'est pas toujours destinée à assurer le maintien des langues locales. Le système chinois prévoit qu'on enseigne d'abord la langue minoritaire, puis le chinois (comprendre le putonghua) est introduit progressivement jusqu'à ce qu'il devienne l'unique langue d'enseignement. On part du principe (l'intégration) que les non-sinophones doivent finir par s'intégrer à la société chinoise et par maîtriser le putonghua comme langue principale. Autrement dit, dans de nombreux cas, la politique linguistique tend à favoriser l'assimilation plutôt que la préservation. C'est là toute l'ambiguïté de la politique chinoise! Il n'en demeure pas moins que la Chine s'en tire passablement bien par comparaison à certains de ses voisins tels que le Vietnam, le Cambodge, la Birmanie, le Japon, la Corée du Nord, etc.

Par comparaison, on pourrait dire que la Chine a quand même fait un «Grand Bond en avant» en cette matière, mais il reste encore un long chemin à parcourir. La plus grande réussite dans la politique linguistique de la Chine consiste à avoir éliminé presque toutes les revendications de la part des nationalités, sauf dans les régions autonomes du Tibet, du Xinjiang (avec les Ouïgours) et de la Mongolie intérieure. Pour une quarantaine d'autres petits peuples, les seuls attributs nationaux demeurent une langue méprisée et parlée uniquement à la maison, de même qu'un habillement folklorique peu porté et quelques danses locales. On peut ranger dans cette catégorie les Yi, les Bouyei, les Mandchous, les Li, les Lisu, les Va (Wa), les She, les Gaoshan, les Lahu, les Shui, les Naxi et quelque 35 autres peuples de moins de 100 000 locuteurs.

En somme, la Chine moderne ne semble pas avoir réussi à trouver une solution satisfaisante au sujet de ses minorités. Les Hans qui administrent les régions éloignées — les zones éloignées — ne sont pas toujours le nec plus ultra de la société chinoise. Ce sont souvent des fonctionnaires de second ordre, des soldats et des bagnards, tous attirés par l'argent facile et les primes à l'éloignement. Ils ne font à peu près jamais un quelconque effort d'adaptation et se comportent en colonisateurs conquérants à qui les autochtones doivent obéissance. Rappelons que toute l’histoire de la Chine a consisté à assimiler les «barbares» qui l’environnaient : les Mongols, les Ouïghours, les Kazakhs, les Tibétains, les Miao-Yao, les Zhuangs, les Yi, etc. Cette perception des plus petits peuples considérés comme de dangereux «barbares» qu’il faut civiliser constitue une idéologie profondément ancrée dans la conscience des Hans, laquelle se transmet de génération en génération depuis plusieurs siècles.

La Chine a encore du travail à faire en matière de droits humains. Bien que les politiques linguistiques sur papier aient des objectifs louables de protection, elles cachent aussi une stratégie de contrôle destinée à intégrer de force les nationalités dans la Grande Nation chinoise. Là, il s'agit d'une politique d'assimilation et de sinisation. N'oublions pas que le bilan de la Chine en matière de respect des droits de la personne est presque lamentable. Selon Amnistie internationale, on compte davantage d'exécutions en Chine que dans tous les pays de la planète réunis, sans parler des programmes de rééducation par le travail, du harcèlement et de la persécution observés dans ce pays. Lors de l'obtention des Jeux olympiques de 2008, la Chine s'était engagée à ce que la situation des droits de l'homme s'améliore. Elle est encore loin du compte. Pourtant, la législation chinoise contient des dispositions interdisant tout acte enfreignant les droits fondamentaux des minorités ou teinté de discrimination ethnique. Ce n'est pas la seule incohérence en la matière.

 

Dernière mise à jour: 22 déc. 2023
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