Édit du roy contre les jureurs et blasphémateurs

Le 30 juillet 1666

En Nouvelle-France, comme en France, les paroles blasphématoires étaient considérées comme un attentat à la majesté divine. Elles étaient punies par des amendes importantes et des punitions corporelles pouvant aller jusqu'à la langue coupée. Malgré la proclamation et la rigueur de cet édit de Louis XIV, beaucoup de Canadiens ne s'y conformèrent pas. Ils manifestèrent à cet égard une indiscipline manifeste et conservèrent leurs habitudes langagières.  


 

Défendons très expressément à tous nos sujets de quelque qualité et condition qu'ils soient, de blasphémer, jurer et détester le saint nom de Dieu, ni proférer aucunes paroles contre l'honneur de la très Sacrée Vierge, sa mère, et les saints.

Voulons et nous plaît que tous ceux qui se trouveront convaincus d'avoir juré et blasphémé le nom de Dieu, de sa très sainte mère et des saints, soient condamnés pour la première fois en une amende pécuniaire selon leurs biens, la grandeur et l'énormité du serment et blasphème, les deux tiers de l'amende applicables aux hôpitaux des lieux et, où il n'y en aura, à l'église, et l'autre tiers aux dénonciateurs, et si ceux qui auront ainsi été punis retombent à faire les dits serments seront pour la seconde, tierce et quatrième fois condamnés en amende double, triple et quadruple, et pour la cinquième fois seront mis au carcan aux jours de fête, de dimanche ou autre et y demeureront depuis huit heures du matin jusques à une heure d'après-midi, sujets à toutes injures et opprobres et en outre condamnés à une grosse amende; et, pour la sixième fois, seront menés et conduits au pilori, et là auront la lèvre de dessus coupée d'un fer chaud et, la septième fois, seront menés au pilori et auront la lèvre de dessous coupée; et si par obstination et mauvaise coutume invétérée ils continuaient après toutes ces peines à proférer les dits jurements et blasphèmes, voulons et ordonnons qu'ils aient la langue coupée toute juste, afin qu'à l'avenir ils ne le puissent plus proférer; et en cas que ceux qui se trouveraient convaincus n'aient de quoi payer les dites amendes, ils tiendront prison pendant un mois au pain et à l'eau ou plus longtemps ainsi que les juges le trouveront plus à propos selon la qualité et énormité des dits blasphèmes; et afin que l'on puisse avoir connaissance de ceux qui retomberont aux dits blasphèmes, sera fait un registre particulier de ceux qui auront été repris et condamnés.

Voulons que tous ceux qui auront ouï les dits blasphèmes aient à les révéler aux juges des lieux dans les vingt-quatre heures en suivant, à peine de soixante sols parisis d'amende et plus grande s'il y échait.

Déclarons néanmoins que nous n'entendons comprendre les énormes blasphèmes, qui selon la théologie appartiennent au genre d'infidélité et dérogent à la bonté et grandeur de Dieu et de ses autres attributs; voulons que les dits crimes soient punis de plus grande peine que celles que dessus, à l'arbitrage des juges selon leur énormité.

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Source: Édits, ordonnances royaux, déclarations et arrêts du Conseil d'État du Roi concernant le Canada, Québec, E.-R. Fréchette, 1854, vol. 1, p. 64-65.

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