bosnieherzdrap.gif (2206 octets) République de Bosnie-Herzégovine

République de Bosnie-Herzégovine (BIH)

(1) Informations générales

Capitale: Sarajevo 
Population: 3,7 millions (est. 2013)
Langues officielles: bosniaque, serbe et croate (une seule langue)  
Groupe «majoritaire»: bosniaque (48,2 %)
Groupes minoritaires: serbe (26,5 %), croate (12,3 %), aroumain (9 %), turc, romani, arabe, monténégrin, bulgare, etc.
Système politique: république démocratique comprenant trois entités: la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine (FBIH), la République serbe de Bosnie (ou Republika Srpska: RS) et le district de Brčko.

Articles constitutionnels (langue): art. 1 et 2 de la Constitution de la Bosnie-Herzégovine (1995);
art. 6, 13 et 53 du Statut du district de Brčko de Bosnie-Herzégovine (2010).

Lois linguistiques (BIH): Loi sur les documents de voyage de la Bosnie-et-Herzégovine (1/1999); Loi sur la Cour de Bosnie-Herzégovine (2000); Loi sur la procédure administrative (2002); Loi sur le libre accès à l'information (2000); Loi sur la protection des droits des minorités nationales (2003); Code pénal de Bosnie-Herzégovine (2003); Code de procédure pénale de Bosnie-Herzégovine (2003); Loi-cadre sur l'enseignement primaire et secondaire en Bosnie-Herzégovine (2003); Loi sur la zone de libre-échange (1995-2003); Loi électorale de Bosnie-Herzégovine (2006);  Loi-cadre sur la formation professionnelle en Bosnie-Herzégovine (2008); Loi-cadre sur l'enseignement supérieur en Bosnie-Herzégovine (2007); Loi sur le recensement de la population, des ménages et des logements en Bosnie-Herzégovine en 2013 (2012).

Lois linguistiques (FBIH): Constitution de la Fédération de Bosnie-Herzégovine (1994); Code de procédure pénale de la Fédération de Bosnie-Herzégovine (2003); Code pénal de la Fédération de Bosnie-Herzégovine (2003); Loi sur la protection des droits des minorités nationales dans la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine (2008); Loi sur la politique douanière de la Fédération de Bosnie-Herzégovine (2004).

Lois linguistiques (RS): Constitution de la Republika Srpska (1996); Loi sur la citoyenneté de la Republika Srpska (1999); Code pénal de la Republika Srpska (2000); Loi sur la radiotélévision de la Republika Srpska (2002); Code de procédure pénale de la Republika Srpska (2003); Loi sur la protection des droits des minorités nationales (2004); Loi sur l'enseignement primaire et secondaire (2008).

Lois linguistiques (DB): Code pénal du district de Brčko (2003); Loi sur la procédure pénale du district de Brčko (2003); Loi modifiant la Loi sur le Journal officiel (2004); Loi sur l'administration publique du district de Brčko (2007); Loi sur l'enseignement dans les écoles primaires et secondaires dans le district de Brčko (2008); Loi sur l'enseignement supérieur dans le district de Brčko (2009); Loi sur le Code de procédure civile du district de Brčko (2009); Loi sur la protection et le traitement des enfants et des mineurs dans la procédure pénale du district de Brcko en BIH (2011).

1 Situation géographique et politique

La Bosnie-et-Herzégovine (en bosniaque et en croate: Bosna i Hercegovina; en serbe cyrillique: Босна и Херцеговина), parfois appelée simplement «la Bosnie» ou abrégée en BIH, est un État du sud-est de l'Europe situé dans les Balkans. Sa superficie est de 51 129 km², soit presque l'équivalent de la république de Croatie (56 542  km²) ou de la Slovaquie (48 845  km²). Sarajevo est la capitale et la plus grande ville du pays. La Bosnie est limitée au nord, à l'ouest et au sud-ouest par république de Croatie, à l'est par la république de Serbie et au sud-est par la république du Monténégro.

La Bosnie-Herzégovine est une ancienne partie constituante de l'ex-République fédérale socialiste de Yougoslavie (Tito) qui comptait alors six républiques: la Serbie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine, la Slovénie et le Monténégro. La Bosnie-Herzégovine a déclaré son indépendance en mars 1992.

Une guerre civile a alors éclaté dans le pays en 1992, mettant aux prises les Serbes orthodoxes, les Croates catholiques et les Bosniaques musulmans. Le conflit s'est arrêté à la fin de 1995, grâce à la signature des accords de Dayton. Ces accords ont été signés par Slobodan Milošević (président de la Yougoslavie), Franjo Tudjman (président de la Croatie) et Alija Izetbegovic (président de la Bosnie-et-Herzégovine). Bien que formellement signés à Paris, le 14 décembre 1995, ces accords sont passés à l'histoire sous le nom de «accords de Dayton», du nom d'une ville américaine située en Ohio près de la base aérienne de Wright-Patterson. Les accords de Dayton ont eu pour effet d’entériner la partition du pays en deux États ethniquement forts au sein d’un État unitaire faible et presque symbolique, avec comme capitale Sarajevo. La république de Bosnie-et-Herzégovine, c’est-à-dire l’État, fut divisée en deux entités politiques distinctes: la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine  ou FBIH et la Republika Srpska (ou République serbe de Bosnie) ou RS. La Bosnie-Herzégovine fonctionne maintenant comme une fédération très décentralisée.

Cependant, depuis le mois de mars 1999, la Bosnie-et-Herzégovine est séparée en trois entités distinctes, c’est-à-dire en trois entités politiques autonomes mais non indépendantes, regroupées au sein de la république de Bosnie-et-Herzégovine, seule entité politique reconnue en droit international. Les trois entités sont maintenant les suivantes:

1) La fédération de Bosnie-Herzégovine (Federacija Bosne i Hercegovine): elle est divisée en dix cantons et 84 municipalités. Elle regroupe les deux régions historiques que sont la Bosnie et l'Herzégovine. La capitale est Sarajevo.

2) La République serbe de Bosnie ou Republika Srpska (Република Српска/Republika Srpska : prononcer [seup-ska]) : c'est une collectivité territoriale autonome au sein de l'État bosnien.

3) Le district de Brčko (prononcer [beurtch-ko]): c'est un territoire à statut neutre et autonome situé au nord du pays, qui appartient à la fois aux deux entités précédentes.

Tous les habitants de la Bosnie-Herzégovine sont des Bosniens, mais on y trouve surtout des Serbes, des Croates et des Bosniaques, sans compter des minorités ukrainiennes, slovaques, tchèques, etc.

Ainsi, il ne faut pas confondre la Bosnie-et-Herzégovine (BIH) et la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine (FBIH), la première correspondant à l'État bosnien; la seconde, à une entité de la Bosnie-Herzégovine. Depuis les accords de Dayton de 1995, la Bosnie-et-Herzégovine est devenue un État fédéral, avec deux républiques fédérées et un district autonome: au sud-ouest, c'est la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine (51 % du territoire) et au nord et à l'est, c'est la Republika Srpska (ou République serbe de Bosnie ou RS); il faut ajouter aussi le district de Brčko, situé tout au nord.

La Constitution de la BIH définit deux «entités» et répartit les droits et compétences entre les institutions de la Bosnie-Herzégovine et celles des entités qui sont des États non souverains. La Constitution prévoit une citoyenneté de la Bosnie-Herzégovine en même temps qu'une citoyenneté au plan des entités fédérées; elle doit primer sur les lois et constitutions des entités, tandis que la Cour constitutionnelle de la BIH demeure compétente pour vérifier la compatibilité des constitutions des entités avec la Constitution de la BIH. Ainsi, la Bosnie-et-Herzégovine présente les principales caractéristiques d'un État fédéral.

1.1 Les institutions nationales (centrales)

Le dirigeant suprême de la BIH n'est pas un Bosnien, c'est un «haut représentant» désigné par l'Organisation des Nations unies pour une durée variable. Il a le pouvoir d'annuler toute décision prise par les présidents, les ministres et les députés bosniens; il peut aussi imposer des décisions sans leur accord. Dans la structure nationale, la Bosnie-Herzégovine dispose d'un «trio de présidents», d'un gouvernement et d'un parlement constitué de deux chambres. Cependant, l'ensemble demeure sous la tutelle du haut représentant de la communauté internationale.

Selon l'article V de la Constitution bosniaque, la présidence est composée de trois membres: un Bosniaque, un Serbe et un Croate. Élus pour une durée de quatre ans, ils sont présidents de la République à tour de rôle pour une durée de huit mois chacun, par roulement. Le président bosniaque et le président croate sont élus par la population de la FBIH, alors que le président serbe est élu par la population de la RS. Bref, pour se présenter à la présidence, il est obligatoire de faire partie de l'un des trois peuples «constituants», c'est-à-dire qu'il faut être un Bosniaque, un Serbe ou un Croate. Ce sont les seuls à pouvoir assurer la présidence tournante à la tête de l'État, sans représentation aucune pour les minorités. Les candidats issus des 17 minorités nationales reconnues (Valaques, Aroumains, Tsiganes/Roms, etc.) ne sont pas autorisés à briguer ce poste. Il s'agit là d'une discrimination à l'égard des minorités nationales, et c'est pourquoi l'Union européenne exige de la Bosnie qu'elle modifie sa constitution afin de cesser cette discrimination, issue directement des accords de Dayton.

La BIH dispose aussi d'un parlement bicaméral, dont les langues officielles sont le bosniaque, le serbe et le croate :

1) la Chambre des représentants (Chambre basse) formée de 42 membres, dont 28 pour la Fédération de Bosnie-Herzégovine et 14 pour la Republika Srpska, tous élus pour quatre ans;

2) la Chambre du peuple (Chambre haute) constituée de 15 membres, dont 5 Bosniaques, 5 Serbes et 5 Croates, désignés par les parlements respectifs des deux entités. Le rôle de la Chambre des peuples est de s'assurer qu'aucune loi ne puisse être validée sans l'accord de chacun des trois «peuples constituants». Il est donc obligatoire d'être membre de l'une des trois «peuples constituants» pour briguer un siège, comme pour la présidence.

La BIH compte une trentaine de partis politiques qui se présentent dans l'ensemble du pays. On peut les caractériser en quatre types de formation. Il y a des partis multiethniques (Parti social démocrate, Parti pour la Bosnie-Herzégovine, etc.), des partis nationalistes bosniaques (Parti d'Action démocratique, Alliance pour un meilleur avenir, etc.), des partis nationalistes serbes (Parti démocratique serbe, Parti pour le Progrès démocratique, etc.) et des partis nationalistes croates (Communauté démocratique croate). En général, lors de chaque élection, les différents partis politiques forment des coalitions, ce qui reste le seul moyen de remporter des victoires.
Les institutions centrales de la Bosnie-Herzégovine disposent de peu de pouvoirs, car chacune des deux principales entités, en plus de ses institutions politiques, possèdent sa police, son système judiciaire, son système d'éducation, etc.

La complexité du système politico-administratif, une superposition de quatre échelons différents de pouvoirs (municipalités, cantons, entités et État), ainsi qu'une forte décentralisation expliquent une partie des problèmes actuels de la Bosnie-Herzégovine (voir le tableau des structures politiques). Soulignons aussi qu'il n'existe que fort peu d'harmonisation entre les politiques de l'État central (BIH) et les politiques des entités fédérées, la FBIH et la RS

1.2 La Fédération de Bosnie-Herzégovine (FBIH)

La fédération de Bosnie-et-Herzégovine est parfois encore appelée «Fédération croato-musulmane» ou «Fédération croato-bosniaque». L'abréviation officielle est la suivante : FBIH.

En croate, en bosniaque et en serbe latin En serbe cyrillique
FBiH < Federacija Bosne i Hercegovine ФБиХ < Федерација Босне и Херцеговине

La lettre [i] en croate ou en bosniaque correspond à la conjonction «et» en français. En principe, on doit écrire FBIH (et non FBiH), parce que dans une abréviation française on n'écrit seulement que des capitales. D'ailleurs, dans la liste des codes utilisés par l'OTAN pour identifier les pays ou les États, on trouve BIH.

À l'origine, le territoire de la FBIH était peuplée surtout de Croates et de Bosniaques, sauf pour ce qui est du canton de Bosnie de l'Ouest où l'on trouve principalement des Serbes avec une minorité croate. En réalité, la «fédération» de Bosnie-et-Herzégovine n'est pas une fédération parce qu'il ne s'agit pas d'une union entre États regroupés en un État fédéral. L'entité politique de la FBIH dispose d'un président et d'un vice-président, obligatoirement un Bosniaque et un Croate, élus par la Chambre des représentants de la Fédération. Il y a aussi 16 ministres, obligatoirement huit Bosniaques, cinq Croates et trois Serbes. Comme pour les institutions nationales, la FBIH possède deux chambres: la Chambre des représentants (98 membres élus au suffrage universel) et la Chambre des peuples (58 délégués élus par les assemblées cantonales). La capitale est Sarajevo.
 

La FBIH compte dix cantons, avec chacun sa propre assemblée, dont les membres sont élus localement par les citoyens. Chaque canton dispose aussi de son propre gouvernement, dirigé par un premier ministre qui est assisté par un conseil des ministres ainsi que de plusieurs agences et services cantonaux.

Les dix cantons de la FBIH sont autonomes: Una-Sana, Posavina, Tuzla, Zenica-Doboj, Podrinje bosnien, Bosnie centrale, Neretva-Herzégovine, Herzégovine de l'Ouest, Sarajevo et Bosnie de l'Ouest.

Seuls deux cantons de la fédération abritent majoritairement des Croates: Posavina au nord-est et l'Herzégovine de l'Ouest au sud-ouest. Les cantons de Bosnie centrale et du Neretva-Herzégovine sont mixes avec des Bosniaques et des Croates, alors que le canton de Bosnie de l'Ouest compte à la fois des Serbes et des Croates. Les autres cantons (Una-Sana, Tuzla, Zenica-Doboj, Sarajevo et le Podrinje bosnien) sont majoritairement bosniaques. Cela signifie que ces populations ne sont jamais ethniquement homogènes, car ils subsiste toujours des minorités croates ou bosniaques. Les cantons les plus populeux sont ceux de Tuzla, de Sarajévo et de Zenica-Doboj.

Voici la liste des cantons avec leur dénomination en français: 
 

Dénomination française Dénomination
bosniaque ou croate
Statut linguistique Capitale Population Nombre
des municipalités
Canton de Tuzla Tuzlanski Kanton bosniaque Tuzla 497 813 13
Canton de Sarajevo Kanton Sarajevo bosniaque Sarajevo 421 289 9
Canton de Zenica-Doboj Zeničko-Dobojski Kanton bosniaque Zenica 400 848 12
Canton d'Una-Sana Unsko-Sanski Kanton bosniaque Bihać 287 998 8
Canton de Bosnie centrale Srednjebosanski Kanton
Županija Središnja Bosna
bosniaque
croate
Travnik 255 648 12
Canton de Neretva-Herzégovine Hercegovačko-neretvanski Kanton
Hercegovačko-neretvanska Županija
bosniaque
croate
Mostar 226 632 9
Canton de l'Herzégovine de l'Ouest Zapadnohercegovačka Županija croate Široki Brijeg   81 833 4
Canton de Bosnie de l'Ouest Zapadnobosanska
Hercegbosanska Županija
serbe
croate
Livno   81 396 6
Canton de Posavina Posavski Kanton croate Orašje   40 513 3
Canton du Podrinje bosnien

Bosanskopodrinjski Kanton

bosniaque Goražde   33 662 3
Fédération de Bosnie-Herzégovine

Federacija Bosne i Hercegovine

bosniaque-serbe-croate Sarajevo 2 327 195 79

1.3 La République serbe de Bosnie ou Republika Srpska (RS)
 

L'appellation de Republika Srpska peut être traduite en français par «République serbe». La lettre [r] dans Srpska est une voyelle en serbe correspondant approximativement au son [eu] en français comme dans peureux, ce qui serait l'équivalent de la prononciation [seup-ska]. On pourrait l'appeler en français «la république de Seup-ska».

Le territoire de la Republika Srpska est séparé en deux zones par le district de Brčko au nord (territoire en vert sur la carte de gauche), qui constitue une sorte de couloir terrestre entre les deux parties du Nord et de l'Est. Il ne faut pas confondre le pays qui s'appelle la république de Serbie à l'est de la Bosnie-Herzégovine et la République serbe de Bosnie, qui fait partie de l'État de Bosnie-et-Herzégovine, comme d'ailleurs la Fédération de Bosnie-Herzégovine. 

Contrairement à la fédération de Bosnie-Herzégovine, la Republika Srpska n'a pas de cantons et demeure extrêmement centralisée. Néanmoins, elle compte sept régions comptant au total 63 municipalités. Ces sept régions ne sont pas utilisés au point de vue administratif, mais elle sont considérés comme le premier niveau (comme les cantons en FBIH) de structure politique, sans les pouvoirs qui devraient en faire partie.

Ces régions portent généralement le nom de leur chef-lieu (entre parenthèses), sauf exceptions: Banja Luka (Bajja Luka), Doboj (Doboj), Bijeljina (Bijeljina), Vlasenica (Zvornik), Sokolac ou Sarajevo-Romanija (Istočno Sarajevo), Foča (Foča aussi connue comme Srbinje) et Trebinje (Trebinje). 

La capitale de jure de la RS est Istočno Sarajevo, mais dans les faits (de facto), c'est la ville de Banja Luka (de facto)

Le 27 février 2004, la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine a émis un avis déclarant que les noms de certaines municipalités de la Republika Srpska étaient non-conformité avec la Constitution de la Bosnie-Herzégovine du fait que les dénominations «ne sont pas compatibles avec le principe constitutionnel de l'égalité des peuples constitutifs de la Bosnie-Herzégovine». Par la suite, le Parlement de la Republika Srpska a accepté de nouveaux noms pour les municipalités concernées.

Il ne faut pas croire qu'il n'existe que des Serbes dans le territoire de la République serbe de Bosnie. En 2001, la Cour constitutionnelle a reconnu les Croates et les Bosniaques comme des minorités ethniques de la République serbe de Bosnie. On compte aussi de petites minorités slovaques, ukrainiennes, tchèques, juives, etc.

Lors de la guerre d'indépendance, les Serbes de Bosnie ont émigré soit vers la République serbe de Bosnie soit vers la Serbie. De leur côté,  les Bosniaques et les Croates se sont installés dans le reste de la Bosnie-Herzégovine et en Croatie. En 2005, les estimations démolinguistiques laissaient croire que la République serbe de Bosnie comptait 1,4 million de personnes, dont 1,2 million de Serbes (88,4 %), 150 400 Bosniaques (10,7 %) et 12 710 Croates (0,9 %). En principe, les langues officielles sont le serbe, le bosniaque et le croate, mais la Constitution de la République serbe de Bosnie (art. 7) évite de désigner individuellement ces langues et utilise plutôt l'expression «la langue du peuple serbe, la langue du peuple bosniaque et la langue du peuple croate»: «Les langues officielles de la Republika Srpska sont: la langue du peuple serbe, la langue du peuple bosniaque et la langue du peuple croate.»

1.3 Le district de Brčko

Le mot «Brčko» se prononce simplement [beutch-ko]: la lettre -r- correspond à la voyelle orale française [eu] comme dans le mot heureux, alors que la lettre -č- renvoie au son [tch] comme dans Tchèque. À la rigueur, on pourrait écrire le mot "Beurtchko". Situé au nord du pays, le district de Brčko possède un statut particulier d'autonome, bien qu'il fasse partie à la fois à la fédération de Bosnie-Herzégovine et de la République serbe de Bosnie. Après la guerre d'indépendance de la Bosnie-Herzégovine en 1995, le territoire de la municipalité de Brčko dut être divisé entre les deux entités que sont la fédération de Bosnie-Herzégovine et la République serbe de Bosnie, en vertu des accords de Dayton. Toutefois, étant donné la situation stratégique de la municipalité, un couloir étroit de cinq km reliant les deux entités, le territoire devint rapidement une source de conflits, le corridor étant nécessaire à l'existence de la RS (Republika Srpska), parce qu'il permet sa continuité territoriale. À l'origine, la ville de Brčko fut attribuée à la Republika Srpska, alors que le reste du district revenait à la FBIH, ce qui privait celle-ci de l'accès au premier port du pays.

Or, les Serbes avaient promis le retour de la violence si Brčko était attribué à la FBIH. Le Tribunal d'arbitrage de l'Onu n'a pas voulu courir de risques inutiles et a choisi une autre solution. En mars 1999, la municipalité de Brčko qui fut érigée en district par le Tribunal. Ce territoire est dorénavant défini comme une «propriété commune» aux deux entités, la FBIH et la Republika Srpska.

Le district de Brčko est reconnu par l'article VI (section 4) de la Constitution modifiée de la Bosnie-Herzégovine comme «une collectivité territoriale autonome dotée de ses propres institutions, lois et règlements, dont les pouvoirs et le statut sont définitivement tranchés par les sentences du Tribunal arbitral sur le différend relatif à la frontière entre les Entités dans la région de Brčko». Le district est placé «sous la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine» et relève des institutions de la BIH, dont les compétences découlent de la Constitution. Son territoire appartient conjointement à un «condominium» de la république de Bosnie-et-Herzégovine, ce qui signifie qu'aucune des entités ne peut exercer son autorité directe et exclusive sur le district, ce dernier étant placé sous l'autorité des institutions communes de la Bosnie-Herzégovine. Le district est administré par un maire serbe assisté d'un adjoint croate, mais l'Assemblée intérimaire est présidée par un Bosniaque.

Cependant, le bureau du Haut Représentant international (OHR) à Brčko a mis fin le 31 août 2012 à son mandat de supervision du district, en accord avec les recommandations que le Conseil pour l'implémentation de la paix avait données le 23 mai précédent. En dépit de la décision de terminer la supervision internationale, la Communauté internationale maintiendra toutefois une présence dans le district : l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) et l'EUFOR (European Union Force ou Force de l'Union européenne) resteront dans la région, alors que l'Union européenne compte ouvrir prochainement une délégation dans la ville.

En principe, selon des chiffres non officiels en provenance de la mairie de Brčko, la population actuelle du district, qui compterait 72 300 habitants, serait composée de 40 % de Serbes, de 39 % de Bosniaques et de 20 % de Croates. On comprend pourquoi le Tribunal d'arbitrage de l'Onu a imposé comme langues officielles le bosniaque, le serbe et le croate. Or, le district de Brčko était majoritairement bosniaque avant la guerre.

1.4 La ville de Sarajevo

La ville de Sarajevo est à la fois la capitale de la Bosnie-Herzégovine, de la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine et du canton de Sarajevo. La ville et sa population de 700 000 habitants portent encore les traces de l'horrible siège qu'ils ont vécu pendant la guerre de Bosnie. La rivière Miljacka traverse la ville, alors qu'une vingtaine de ponts relient les deux rives.

Son territoire d'origine est partagé entre la Fédération de Bosnie-Herzégovine et la République serbe de Bosnie (Republika Srpska). Voici comment se présente la ville de Sarajevo entre la FBIH (Ville de Sarajevo) et la RS (Sarajevo-Est) :
 
Grad Sarajevo (FBIH)
(Ville de Sarajevo)

1. Stari Grad
    (Vieille-Ville)
2. Centar
    (Centre)
3. Novo Sarajevo
    (Nouveau-Sarajevo)
4. Novi Grad
    (Nouvelle-Ville)

Istočno Sarajevo (RS)
(Sarajevo-Est)

5. Istočni Stari Grad
    (Vieille Ville Est)
6. Istočno Novo Sarajevo
    (Nouveau Sarajevo-Est)
7. Istočna Ilidža
    (Ilidža-Est)

 

Les Serbes administrent les municipalités de la partie orientale (Istočno Sarajevo) : Istočni Stari Grad, Istočno Novo Sarajevo et Istočna Ilidža. Les Bosniaques et les Croates gèrent quatre municipalités occidentales: Stari Grad («Vieille-Ville»), Centar («Centre»), Novo Sarajevo («Nouveau-Sarajevo») et Novi Grad («Nouvelle-Ville»). Chacune de ces municipalités peut contenir plusieurs localités.

Dans les deux parties de la ville, seul l'affichage permet de constater qu'on passe dans la zone serbe ou vice versa: d'un côté, les lettres en cyrillique dominent, de l'autre ce sont les lettres latines. Avant la guerre, les Bosniaques, les Serbes et les Croates vivaient un peu tous mélangés dans la ville et ses quartiers. Aujourd'hui, les groupes ethniques vivent cloisonnés, de sorte que les communautés interagissent moins les unes avec les autres. Les Serbes habitent davantage en périphérie de Sarajevo, car le centre est à majorité bosniaque.   

La ville de Sarajevo est demeurée célèbre en raison de l'assassinat par un nationaliste serbe de l'archiduc-héritier du trône d'Autriche-Hongrie, le 28 juin 1914, en pleine ville près du pont Latin enjambant la rivière Miljacka, ce qui déclencha la Première Guerre mondiale. On se souviendra aussi de la tenue des Jeux olympiques d'hiver de 1984, qui ont eu lieu dans cette même ville.

2 Données démolinguistiques

En Bosnie-Herzégovine, on utilise le terme Bosniens (Bosanci en bosniaque ou en croate) pour désigner tous les habitants du pays, qu'ils soient de nationalité bosniaque, serbe ou croate. À l'origine, les Bosniaques étaient des Serbes ou des Croates qui se sont islamisés sous l'Empire ottoman et qui ont obtenu un statut de «nationalité» distincte sous le régime de la Yougoslavie titiste. Il est maintenant d'usage de nommer Bosniaques (Bošnjak au singulier, Bošnjaci au pluriel) ce que la terminologie titiste avait désigné comme des Musulmans; autrement dit, les Bosniaques désignent les seuls habitants de confession musulmane. Selon le préambule de la Constitution de la Bosnie-Herzégovine, les Bosniaques, les Croates et les Serbes font partie des «peuples constitutifs» du pays, contrairement aux citoyens «autres» considérés comme des minorités nationales. Par une décision en 2001 de la Cour constitutionnelle, les Serbes ont été déclarés «groupe ethnique constituant» dans la FBIH, ainsi que les Bosniaques et les Croates au sein de la RS (Republika Srpaska). Mais les Bosniaques, les Croates et les Serbes sont tous des Bosniens.

Nous savons que le dernier recensement de la population en Bosnie-Herzégovine date de 1991. Depuis, il faut se résoudre à des approximations et des hypothèses concernant les populations ainsi que la répartition des groupes ethniques et des communautés linguistiques. Si nous consultons le tableau ci-dessous (estimations de la firme World Gazetteer, 2013), nous constaterons que 57 % de la population résiderait dans la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine (FBIH), contre 39 % pour la République serbe de Bosnie (RS) et moins de 2 % pour le district de Brčko (DB):

Entité Recensement 1991 Estimation 2006 Estimation 2013 Pourcentage 2013 Superficie (km²)
District de Brčko    87 332    68 863    72 335 1,8 %    208,0
Fédération de Bosnie-et-Herzégovine 2 779 135 2 323 992 2 219 901 57,2 % 26 110,5
République serbe de Bosnie 1 518 531 1 487 785 1 524 772 39,2 % 24 857,2

État de Bosnie-Herzégovine

4 384 998 3 880 640 3 817 008 100,0 % 51 175,7

En 2010, la société Bosna Historija a présenté une analyse démographique du district de Brčko, dont voici les résultats:

Estimation 2010

Bosniaques Serbes Croates Autres Total
District de Brčko 40 246 (44,3 %) 39 344 (43,3 %) 9 322 (10,2 %) 1 773 (1,9 %) 90 825

Selon ces estimations de la Bosna Historija, le district aurait une population de 90 800 habitants en 2010, ce qui est beaucoup plus que les quelque 72 000 de  la firme World Gazetteer. Les Bosniaques (44,3 %) et les Serbes (43,3 %) seraient pratiquement à égalité, et ce seraient les Croates (10,2%) qui auraient quitté massivement le district depuis 1991.

2.1 La question du recensement national

N'oublions pas que le dernier recensement de la population a eu lieu en 1991 et que, depuis, il faut se résoudre à des estimations ou des hypothèses sur le dénombrement de la population. Parce qu'on ne dispose d’aucune donnée fiable sur la population de la Bosnie-Herzégovine depuis plus de vingt ans, l'Union européenne a posé comme condition d'intégration à la Bosnie-Herzégovine l’organisation d'un recensement. Jusqu'à tout récemment, les principales forces politiques du pays ont toujours été incapables de trouver un compromis permettant d'organiser un recensement, un sujet particulièrement sensible en Bosnie. En effet, les statistiques démographiques sont perçus comme une «arme de guerre», comme un moyen d'officialiser les résultats du nettoyage ethnique, ce qui équivaut à une sorte de «poursuite» de la guerre. Or, pour l'Union européenne, le recensement est pourtant indispensable pour engager les réformes nécessaires et normaliser la vie politique du pays.

En 2012, un accord a pu enfin être trouvé entre les principaux partis politiques du pays pour organiser un recensement en 2013. Le 3 février 2012, la Chambre des représentants et la Chambre du peuple ont adopté la Loi sur le recensement de la population, des ménages et des logements en Bosnie-Herzégovine en 2013. Cette loi finalement adoptée a été le résultat de compromis complexes. Selon l'article 12, l’indication de la religion et de l’appartenance nationale ou ethnique n'est pas obligatoire. Les formulaires de recensement doivent être rédigés en bosniaque, en croate et en serbe. D'après l'article 37, la publication des résultats devra se faire après un délai de 90 jours, entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2015. Cette décision est très importante, sinon jamais la Bosnie-Herzégovine ne pourra prétendre faire partie de l'Union européenne. De plus, cette grave lacune dans un pays où cohabitent différentes nationalités constitue un obstacle important à la mise en œuvre de la législation sur les minorités nationales, ainsi qu’à l'élaboration de mesures pour améliorer la situation des minorités nationales.

2.2. Le recensement de 1991

Avant la guerre civile, soit en 1991 alors que le pays faisait encore partie de l’ancienne Yougoslavie, la population de la république de Bosnie-Herzégovine était estimée à 4,1 millions d’habitants. Depuis le XIXe siècle, la population était composée de trois groupes slaves principaux appelés alors Musulmans (avec un M majuscule pour désigner l'ethnie, aujourd'hui les Bosniaques), Serbes (orthodoxes) et Croates (catholiques). Les Musulmans constituaient à l'époque de l’ex-Yougoslavie de 1991 le groupe le plus important et représentaient près de 44 % de la population totale.

Les Serbes représentaient alors le deuxième groupe ethnique avec près de 31 % de la population, tandis que les Croates formaient le troisième groupe avec 17 % de la population.

La carte de gauche de Vladimir Varjačić illustre la répartition des trois peuples constitutifs de l'ancienne Bosnie-Herzégovine, celle de l'ex-Yougoslavie, avant la guerre de 1992-1995. Cette carte de 1991 montre bien une véritable mosaïque ethnique au plan géographique.

On peut observer que les Bosniaques (en vert), qui représentaient parfois la majorité dans les plus grandes villes, habitaient surtout au centre de la Bosnie, ainsi qu’à l’est près de la Serbie. Les Serbes (en bleu) étaient concentrés surtout au nord-ouest et au sud-est de la Bosnie, près de la Serbie et du Monténégro. Quant aux Croates (en orange), ils vivaient légèrement concentrés surtout au sud-ouest près de la Croatie.

Cette répartition des groupes ethniques est fondamentale, car elle montre clairement que la Bosnie-Herzégovine pouvait très difficilement être partagée selon des frontières «ethniques». On peut comparer les deux tableaux, celui de 1991 et celui de 2006, côte à côte, en cliquant ici, s.v.p.

Les autres ethnies, ceux qu'on appellent aujourd'hui les «minorités nationales», notamment les Tsiganes / Roms), les Turcs et les Juifs, comptaient pour 8 % des habitants du pays (contre 13 % aujourd'hui); les Turcs et les Juifs étaient concentrés à Sarajevo, Banjaluka, Zenica et Tuzla, alors que les Tsiganes étaient plus ou moins répartis sur l’ensemble du territoire. En somme, la Bosnie-Herzégovine ne comptait apparemment que des minorités, puisque aucun groupe n’atteignait la majorité absolue sur l’ensemble du territoire.

Avant la guerre de Bosnie-Herzégovine, la ville de Sarajevo se révélait multiculturelle avec ses Serbes orthodoxes, ses Croates catholiques et ses Bosniaques musulmanes. Lors du recensement de 1991, la grande agglomération de Sarajevo comptait 527 000 habitants qui se répartissaient ainsi: 49,.2 % de Bosniaques, 29,8 % de Serbes, 10,7 % de «Yougoslaves», 6,6 % de Croates et 3,6 % de nationalités «autres». Toutes les municipalités de cette grande agglomération abritaient une majorité de Musulmans (ou de Bosniaques), sauf pour la municipalité de Pale, majoritairement serbe (68,9 %). Dans la seule ville-centre de Sarajevo , les 416 500 habitants se répartissaient de la façon suivante: 50, 1 % de Bosniaques, 25,9 % de Serbes, 12,4 % de «Yougoslaves», 7,4 % de Croates et 4 % de nationalités «autres». Pendant la guerre civile et m^me après les accords de Dayton, la ville a vu sa population se modifier considérablement, en entraînant d'importants changements dans la structure de la population. Par exemple, la guerre a fait au moins 10 000 morts et provoqué le départ de la ville de nombreux Serbes.  Après la guerre, sur les 157 000 Serbes que comptait Sarajevo, il n'en restait plus qu'environ 10 000.

2.3 La population actuelle

Aujourd'hui, les Bosniaques forment encore le groupe majoritaire avec 48,2 % de la population, alors que les Serbes comptent pour 26,5 % et les Croates 12,3 %. Cela signifie que les minorités nationales comptent pour 13 % du pays.  

Ethnie Population % Langue maternelle Affiliation Religion
Bosniaques 1,832,000 48,2 % bosniaque

langues slaves

islam
Serbes 1,006,000 26,5 % serbe langues slaves orthodoxe
Croates 470,000 12,3 % croate langues slaves catholique
Valaques 345,000 9,0 % aroumain (valaque) langue romane orthodoxe
Aroumains 38,000 1,0 % aroumain langue romane orthodoxe
Tsiganes/Roms 29,000 0,7 % romani (tsigane) langue indo-iranienne islam
Arabes 27,000 0,7 % arabe famille chamito-sémitique islam
Monténégrins 7,300 0,1 % monténégrin (serbe) langues slaves orthodoxe
Bulgares 4,100 0,1 % bulgare langues slaves orthodoxe
Italiens 3,600 0,0 % italien langue romane catholique
Grecs 1,800 0,0 % grec langue grecque orthodoxe
Ukrainiens 1,800 0,0 % ukrainien langues slave orthodoxe
Turcs 1,200 0,0 % turc langue altaïque (turcique) islam
Hongrois 800 0,0 % hongrois langue ouralienne catholique
Sinti 800 0,0 % romani / sinti langue indo-iranienne catholique-protestant
Juifs serbophones 500 0,0 % serbe langues slaves judaïsme
Slovènes 500 0,0 % slovène langues slaves catholique
Français

400

0,0 %

français langue romane catholique
Autres

23 000

0,6 %

- -

-

Nombre total

3 793 000

100 %

-

-

-

En principe, les Bosniaques, les Serbes et les Croates parlent tous le serbo-croate. Le serbo-croate des Bosniaques et des Croates s’écrit avec l'alphabet latin, alors que celui des Serbes est en alphabet cyrillique. En Bosnie-Herzégovine comme en Croatie, en Serbie et au Monténégro, on ne parle plus du serbo-croate comme langue, mais du serbe, du croate, du monténégrin et du bosniaque considérés comme des langues distinctes (voir le texte Le serbe, le monténégrin, le croate et le bosniaque: trois langues en une). Quoi qu'il en soit, ce sont des langues appartenant au groupe des langues slaves.

Il existe aussi de petites minorités linguistiques telles les Aroumains, les Roms, les Arabes, les Bulgares, les Italiens, les Grecs, les Ukrainiens, les Turcs, les Hongrois, etc. En Bosnie, Herzégovine, ces minorités n'ont pas le même statut que les Serbes, les Bosniaques ou les Croates. Ces petites minorités sont avant tout des minorités linguistiques, alors que les trois «peuples constitutifs» sont, selon les entités et les régions, des minorités culturelles, car, ne l'oublions pas ces derniers parlent tous la même langue, et ce, même s'il y a a trois langues officielles.  Rappelons que, en vertu de l'article 3 de la Loi sur la protection des droits des minorités nationales de la BIH (2003), dix-sept minorités nationales sont reconnues formellement:

Article 3

1) Toute minorité nationale, aux termes de la présente loi, doit faire partie de la population en tant que citoyens de la BIH, qui n'appartiennent pas à l'un des trois peuples constitutifs; elle doit comprendre des gens de même origine ethnique ou similaire, d'une même tradition identique ou similaire, ainsi que les coutumes, la religion, la langue, la culture, la spiritualité et l'histoire proches ou connexes et d'autres caractéristiques.

2) La BIH doit protéger le statut et l'égalité des membres des minorités nationales suivantes : les Albanais, les Monténégrins, les Tchèques, les Italiens, les Juifs, les Hongrois, les Macédoniens, les Allemands, les Polonais, les Roms, les Roumains, les Russes, les Ruthènes, les Slovaques, les Slovènes, les Turcs, les Ukrainiens et les autres minorités qui répondent aux exigences visées au paragraphe 1 du présent article.

Cette reconnaissance n'implique pas nécessairement de droits linguistiques assurés, mais la loi oblige les organismes de l'État et des entités à en tenir compte. Néanmoins, selon la législation en vigueur en BIH, il existe deux classes de citoyens: les trois peuples constituants (Bosniaques, Serbes et Croates) et les 17 minorités nationales.  
 

Durant et après la guerre de 1992-1995, les mouvements de population furent très importants à un point tel qu'on a parlé d'une véritable «épuration ethnique». En 1997, la population de la Bosnie-Herzégovine avait baissé de 4,1 millions à 3,6 millions d'habitants, alors que les trois principales communautés, les Bosniaques, les Serbes et les Croates, étaient encore inégalement réparties sur le territoire. Cependant, 22 municipalités sur un total de 110, avaient changé de mains. Tout l'Est (la vallée de la Drina), qui était auparavant majoritairement bosniaque, ainsi que tout le Nord (la vallée de la Save) qui était ici bosniaque, là croate, tombaient à ce moment-là aux mains des Serbes. Les Croates dominent maintenant le Sud-Ouest. Les populations mixtes de 1991 sont en grande partie disparues en 2006.

Cette nouvelle répartition des groupes ethniques dits «constitutifs» est le résultat des guerres et du génocide à l’égard particulièrement des Bosniaques musulmans: elle est là la clé qui permet de comprendre la tragédie bosniaque de ces dernières décennies. Les Serbes et les Croates ont réussi à forger des «frontières ethniques» au prix de la destruction du tissu social de leur pays. Par exemple, dans le territoire de la FBIH, les groupes ethniques les plus représentés sont les Bosniaques (72,9 %), les Croates (21,8 %) et les Serbes (4,4 %). Dans la RS (Republika Srpaska), la majorité de la population est serbe (88,4 %), suivie des Bosniaques (10,7 %) et des Croates (1 %).

Dans les deux entités, on trouve aussi de petites minorités nationales : aroumaines, juives, tchèques, ukrainiennes, slovaques, bulgares, etc.

Il faudrait parler aussi de la capitale, Sarajevo. En 1998, le portrait démographique de la ville de Sarajevo avait déjà beaucoup changé depuis la fin de la guerre (1995). La ville-centre était passé de 416 500 à 274 500 citoyens, une diminution de 60 %, mais était augmentée à 305 000 en 2009. Le pourcentage de la population bosniaque a augmenté de manière significative en passant de 50 % à 78, 3 %. En 2012, la ville devait être à 84 % bosniaque. Il resterait moins de 10 % de Serbes (contre 30 % en 1991); la plupart d'entre eux sont partis s’installer en Republika Srpska. Selon des estimations de la part du Haut Commissariat aux réfugiés, en date du mois de juillet 1999 pour Sarajevo et du mois de mars 1996 pour le Srpsko Sarajevo (le «Sarajevo serbe»), la ville serait peuplée de 361 934 habitants du côté FBIH (dont 59 685 personnes déplacées) et de 29 689 personnes du côté serbe, soit un total de 391 623 habitants. Les Serbes et les Croates sont devenus de minorités regroupées aujourd'hui dans le centre-ville. Dans la partie serbe de Sarajevo, il n'existe guère de données exactes concernant les différentes communautés, mais il est probable que la quasi-totalité de la population est serbe. Ainsi, l'épuration ethnique a bel et bien été efficace.

Pour contrer cette homogénéisation ethnique de la ville, les organisations internationales ont mis l’accent sur le retour des réfugiés. Une nouvelle catégorie de Sarajéviens est apparue dans la structure de la population : celle des réfugiés, ce qui crée une situation dans laquelle ceux qui habitent Sarajevo ne sont plus exclusivement des représentants de la population de la ville.

Mais ce n'est pas tout. Au plan international, Sarajevo fut longtemps une ville sous tutelle. Par exemple, l'aéroport de Sarajevo a été placé sous la surveillance de la SFOR (la "Stabilization Force"). Au centre-ville, des soldats (venus de tous les pays d'Europe, en plus du Canada, des États-Unis, du Maroc, de la Turquie, etc.) sillonnent en permanence les rues, alors que toutes sortes de véhicules militaires circulent parmi les voitures des Sarajéviens. Évidemment, cette présence de la SFOR a pour mission principale de prévenir toute reprise éventuelle d'un conflit. Depuis 2004, la SFOR a été remplacé par une force de maintien de la paix conduite par l'Union européenne (EUFOR). Cette présence internationale se traduit par une population étrangère massive de militaires et de fonctionnaires d'origines diverses, mais principalement occidentales. Ces Occidentaux vivent le plus souvent en retrait de la société sarajévienne, sans contact avec elle, surtout que cette population vit en transit et se renouvelle tous les six mois. Non seulement ces étrangers bénéficient de salaires nettement supérieurs à ceux des Sarajéviens, mais ils communiquent généralement en anglais avec les Bosniens, ce qui en fait de facto une langue incontournable. Ainsi, une double économie parallèle s'est mise en place, avec ses boutiques, ses magasins, ses épiceries, ses logements, sa langue, etc.

- Les Bosniaques

Les Bosniaques sont les descendants des Slaves, des Serbes comme des Croates, qui se convertirent à l'islam (sunnite) lorsque la région passa sous l'autorité de l'Empire ottoman (1463-1878). Aujourd’hui, les Bosniaques se perçoivent comme musulmans surtout d’un point de vue culturel et historique. Leur appartenance à l’islam semble être relativement souple, car ils ne répugneraient pas à boire de l’alcool et à manger du porc. D’ailleurs, des militants arabes, afghans et pakistanais venus en Bosnie aider leurs «frères musulmans» en sont repartis rapidement, apparemment déçus par le manque de conviction religieuse des Bosniaques. Évidemment, il faut comprendre que, dans l’ex-Yougoslavie de Tito, ceux qu'on appelait alors les «Musulmans» (avec une majuscule initiale) étaient ouvertement méprisés et insultés, tant par les Serbes que par les Croates. Les Bosniaques avaient donc intérêt, par peur, à ne pas trop vivre comme des musulmans et à se comporter plutôt comme des orthodoxes serbes ou des catholiques croates.

- Les Serbes et les Croates

Quant aux Serbes, ils sont de religion orthodoxe et ont historiquement méprisé souverainement les Bosniaques qu’ils considéraient comme des traîtres et de véritables ennemis. Les Croates, pour leur part, sont de religion catholique, et ils se méfient davantage des Serbes que des Bosniaques : les Serbes sont perçus comme des adversaires et des rivaux, les Bosniaques, comme des êtres faibles qui ont le malheur d’être de religion musulmane. D’ailleurs, dans la nouvelle structure politique découlant des accords de Dayton de 1995, les Croates ont formé avec les Bosniaques une fédération (Fédération de Bosnie-Herzégovine) constituant une entité politique distincte de celle des Serbes (Republika Srpska).