Royaume de Tonga

Îles Tonga

Kingdom of Tonga
Pule'anga Tonga

Capitale: Nuku'alofa
Population: 119 000 (2008) 
Langues officielles: anglais et tonguien 
Groupe majoritaire: tonguien (98 %)
Groupes minoritaires: niuatoputapu, niuafo'ou et anglais 
Système politique: monarchie héréditaire
Articles constitutionnels (langue): aucune disposition linguistique dans la Constitution de 1967
Lois linguistiques: Loi sur les communications radiophoniques (1961), Loi sur le tourisme (1977), Règlement sur la télégraphie (1979), Règlement sur la poste (1985), Loi sur l'homologation (1987), Règlement pour l'obtention d'un témoignage pour les tribunaux étrangers (1988), Loi sur la nationalité (1988), Loi sur l'interprétation (1988), Règlement sur la naturalisation (modification 2001), Loi sur les produits thérapeutiques (2001), Loi sur la santé mentale (2001), Loi sur l'alcool méthylique (2001), Loi sur la prévention de la pollution marine (2002).

1 Situation géographique

Les îles Tonga, appelées officiellement royaume des Tonga, constituent un État de la Polynésie dans l'océan Pacifique à environ 650 km à l'est des îles Fidji (voir la carte générale du Pacifique). Les îles Tonga sont constituées d'un archipel de plus de 170 îles et îlots répartis, du nord au sud, en trois groupes principaux: les îles Vava'u au nord, les îles Ha'apai au centre et les îles Tongatapu au sud (voir la carte détaillée des Tonga). Quelque 45 îles demeurent inhabitées.

La superficie totale des îles Tonga est de 675km² et Nuku'alofa, sur l'île Tongatapu, est la capitale. L'île Tongatapu, de 32 km de long, est la plus grande de toutes les îles Tonga. Les États voisins les plus proches de Tonga sont les îles Fidji à l'ouest ainsi que le département français de Wallis-et-Futuna au nord-ouest, les Samoa occidentales au nord, et l'île Niue ainsi que les îles Cook à l'est. En fait, le territoire des Tonga fait partie d’un ensemble plus vaste couvrant une grande partie du Pacifique et formant ce qu’on appelé le «triangle polynésien» dont les sommets sont Hawaï au nord, l’île de Pâques au sud-est et la Nouvelle-Zélande au sud-ouest. Les Tonga sont dirigées par une monarchie héréditaire.

2 Données démolinguistiques

La population des îles Tonga était estimée à 119 000 habitants en 2008. La ville de Tongatapu accueille à elle seule 70,5 % des Tonguiens; en raison de l'exode des insulaires venus des petites îles voisines, la capitale voit sa population augmenter chaque année.

Sur le plan linguistique, le royaume de Tonga forme une communauté très homogène. En effet, plus de 98 % de la population parle le tonguien, une langue polynésienne appartenant à la famille austronésienne. Le tonguien est très apparenté à la langue parlée à l'île Niue (petit État voisin à l'est des Tonga), le niuan, avec lequel il forme une sorte de sous-groupe.

Le tonguien est la langue maternelle de presque tous les habitants du royaume. On peut y relever de légères variantes dialectales entre le Nord et le Sud, mais celles-ci se révèlent assez mineures. Toutefois, les quelque 23000 habitants des deux îles situées au nord des îles Vava'u, soit Niuatoputapu et Niuafo'ou, utilisent des variantes dialectales plus importantes: le niuatoputapu et le niuafo'ou. Ces différences s’expliquent du fait que les populations de ces îles sont géographiquement et linguistiquement plus près des Samoa et de Wallis (Ouvéa) que des îles principales des Tonga. Néanmoins, en raison de la standardisation des médias et des contacts plus fréquents avec le reste des habitants des Tonga, l'originalité de ces langues tend à disparaître rapidement.

Soulignons que le tonguien est parlé également par de petites communautés qui ont quitté les Tonga pour s’établir aux îles Fidji (env. 1000), aux Samoa américaines (env. 1000), en Australie (env. 6700), en Nouvelle-Zélande (env. 23 000), à Hawaï (env. 3000), etc.

L'anglais n’est la langue maternelle d’aucun Tonguien d’origine, mais il constitue la langue des étrangers résidant aux Tonga et reste la seule langue utilisée dans toutes les relations avec l'extérieur, de même que dans l'industrie touristique. De façon générale, l’anglais est massivement employé dans les communications formelles, même dans les cérémonies officielles. D’ailleurs, cette langue est souvent exigée pour obtenir un emploi, tant dans le secteur privé que dans le secteur public.

3 Données historiques

Les Polynésiens habitent les îles Tonga depuis plus de trois mille ans. Selon une croyance populaire, le royaume de Tonga serait, parmi les îles de la Polynésie, le premier groupe occupé par l'homme à l'ère préhistorique. Une royauté s’est établi à Tongatapu au début du Xe siècle et le pouvoir royal s’est même étendu jusque dans les îles d’Hawaï au XIIIe siècle.

3.1 L'arrivée des Européens

Les premiers contacts avec les Européens ont commencé au début du XVIIe siècle. Certaines des îles de l’archipel des Tonga (dont l’île Niue) ont été aperçues en 1616 par les navigateurs néerlandais William Cornelis Schouten et Jakob le Maire. Mais la plus grande partie du groupe d'îles fut visitée pour la première fois par des Européens en 1643, précisément par le navigateur néerlandais Abel Janszoon Tasman. D'autres explorateurs visitèrent les îles au cours des siècles suivants, parmi lesquels le célèbre navigateur britannique James Cook qui, entre 1773 et 1777, prit contact avec les insulaires de Tongatapu. En raison de l’accueil chaleureux qu’il avait reçu, Cook baptisa l’archipel Friendly Islands (îles de l’Amitié).

Puis une longue période d’instabilité et de désordres politiques suivit la visite de Cook aux Tonga. Les guerres civiles s’achevèrent en 1845 lorsque les insulaires s'unirent en un royaume dirigé par le chef Taufa Ahau Tupou Ier considéré comme un descendant des Tui Tonga. Durant cette période, les pasteurs méthodistes tentèrent de christianiser les habitants et introduisirent l’écriture qui devint l’orthographe officiel du tonguien. Tupou Ier se convertit au christianisme et fut à l’origine de la monarchie constitutionnelle de 1862 qui demeure encore en vigueur de nos jours et qui gouverne Tongatapou et les autres îles environnantes. Durant le règne de Tupou Ier (1845-1893), les îles Tonga restèrent une nation indépendante et unifiée.

Sous le règne de George Tupou II (mort en 1918), aux termes de l'accord anglo-germanique du 14 novembre 1899, les Tonga devinrent un protectorat de l’Empire britannique, proclamé le 18 mai 1900. La reine Salote Tupou III succéda à Tupou II et régna jusqu’en 1965. Elle avait mis les ressources des îles Tonga à la disposition des Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale.

3.2 Un micro-État indépendant

Son fils Taufa’Ahau Tupou IV lui succéda et mit fin au protectorat le 4 juin 1970, tandis que le gouvernement britannique abandonnait son contrôle sur les relations extérieures du royaume. L'archipel devint alors un État totalement souverain et indépendant, membre du Commonwealth. Le royaume des Tonga n'est devenu membre des Nations unies que le 14 septembre 1999. Le roi Taufa Ahau Tupou IV est décédé en 2006; George Tupou V lui succéda, mais dut faire face à des émeutes provoquées par des mouvements qui réclamaient plus de démocratie.  

4 La politique linguistique

La Constitution de 1967 ne contient aucune disposition d’ordre linguistique, ce qui laisse supposer l’absence apparente de problème sur cette question, du fait que plus de 98 % de la population parle la même langue.

Au PARLEMENT, les langues utilisées sont l’anglais et le tonguien, mais les textes législatifs ne sont rédigés qu’en anglais. Dans les COURS DE JUSTICE, les procès se déroulent généralement en tonguien, sauf pour les résidants étrangers où l’anglais est alors utilisé. Quoi qu'il en soit, les documents de la cours ont rédigés en anglais, mais les citoyens peuvent en présenter en tonguien. L'article 39 de la Loi sur l'homologation précise à l'alinéa (b) que tous les documents doivent être en anglais ou accompagnés d'une traduction dûment certifiée en anglais et jointe à ceux-ci:

Article 39

Homologations étrangères

Une attribution initiale d'homologation ou de lettres administratives ou l'équivalent, émise par la Cour Supérieure d'un étrangers ou d'un pays du Commonwealth, ou un scellé double ou une copie certifiée de celle-ci peut être autorisée par la cour à la condition que :

(a) L'attribution, et tout ce qui la concerne, et tout autre document d'accompagnement doit être émis ainsi que d'un double et être déposé devant le tribunal;

(b) Tous les documents visés au paragraphe 1 doivent :

(i) être en anglais ou accompagnés d'une traduction dûment certifiée en anglais et jointe à ceux-ci;
(ii) être des originaux ou dûment authentifiés avec de vraies copies;
(iii) être scellés avec le cachet dûment authentifié du tribunal émetteur;

Néanmoins, l'article 21 de la Loi sur l'interprétation précise que la version tonguienne des documents prévaut sur la version anglaise s'il existe des divergences d'interprétation:

Article 21

Demande des versions anglaise ou tonguienne lors des procès criminels


Si, lors d'un procès de quiconque intenté pour une infraction à une loi de Tonga, il est manifeste que les versions tonguienne et anglaise de la partie dont la personne est accusée d'infraction diffèrent quant au sens, la décision du tribunal quant à la culpabilité ou l'innocence de l'accusé doit être guidée par ce qui semble être l'intention et le sens véritables de la version tonguienne.

L’ADMINISTRATION communique oralement en tonguien, mais la plupart des imprimés officiels ne sont rédigés qu’en anglais. Bref, la langue des imprimés et des notes écrites crée une sorte de déséquilibre entre l’anglais auréolé de prestige et le tonguien restreint aux communications orales. Néanmoins, l'article 8 de la Loi sur la nationalité ne mentionne que le tonguien comme critère linguistique pour obtenir la citoyenneté tonguienne:

Article 8

Naturalisation des étrangers

1) Le roi peut accorder des lettres de naturalisation à tout étranger qui en fait la demande à cette fin et répond aux exigences de Sa Majesté:

(a) qu'il ait résidé à Tonga pour la durée cinq ans ou plus;
(b) qu'il ait bon caractère et possède une connaissance adéquate de la langue tonguienne;
(c) qu'il ait l'intention, si sa requête est accordée, de résider dans le Royaume.

Il en est ainsi pour le Règlement sur la naturalisation (2001):

Article 3

Le règlement 7.1 sur les Règlements principaux est modifié par insertion du nouveau paragraphe suivant (bb) après le paragraphe (b) :

"(bb) qu'il ait la connaissance adéquate de la langue tonguienne;".

La plupart des autres documents écrits en tonguien concernent les publications religieuses, notamment la Bible (Ko e Tohi Tapu), et plusieurs tracts, particulièrement les imprimés de la secte mormone. Parmi les publications à caractère non religieux, on trouve des livres sur la santé, des livres pour enfants et une revue littéraire bilingue (Faikava), tous ces documents étant considérés généralement comme étant à un stade expérimental.

Il n'en demeure pas moins que, selon la Loi sur le tourisme, le ministre du Tourisme des Tonga a la responsabilité d'essayer est à tout moment de préserver les mœurs, la culture et la langue tonguiennes:

Article 6

Pouvoirs du Ministre

Le Ministre dispose des pouvoirs suivants:

(d) Essayer à tout moment de préserver les mœurs, la culture et la langue tonguiennes;

Dans l’ÉDUCATION, le système diffère selon le lieu des établissements scolaires. Dans l’île Tongatapu, l’enseignement est généralement dispensé en anglais, notamment par un grand nombre d'expatriés et avec l'aide d'enseignants étrangers. À la fin du secondaire, la plupart des élèves ont une certaine connaissance de l’anglais comme langue seconde. Dans les autres îles du royaume, l’enseignement est donné uniquement en tonguien, et ce, malgré la quasi-inexistence de matériel didactique dans la langue nationale. C’est pourquoi de nombreux habitants de ces îles demeurent essentiellement unilingues, en particulier chez la génération des gens plus âgés. Certains croient qu’on pourrait remédier à ce problème par la création d'un programme national d'enseignement bilingue.

La VIE ÉCONOMIQUE se déroule normalement en anglais dans les communications formelles et dans tous les écrits, y compris dans le domaine de l’affichage commercial. Mais l'étiquetage en tonguien sur certains produits demeure parfois obligatoire. Il en est ainsi pour les médicaments («marchandises thérapeutiques»). L'article 23 de la Loi sur les produits thérapeutiques indique clairement que l'étiquette doit être rédigée en tonguien, mais qu'elle n'exclut pas l'usage de l'anglais:

Article 23

Étiquettes sur les contenants

1)
Tout pharmacien enregistré, assistant pharmacien, médecin, infirmier ou agent de la santé doit, avant la livraison ou l'envoi à toute personne, ou à l'agent de cette personne, un contenant renfermant un médicament distribuée ou transigée par lui, fixer immédiatement au contenant renfermant le médicament une étiquette sur laquelle apparaît clairement en langue tonguienne:

(a) une adresse imprimée identifiant clairement la pharmacie pour laquelle le médicament a été élaboré ou distribué;
(b) le nom de la personne pour qui le médicament a été élaboré ou distribué;
(c) l'identification du contenu tel qu'il est exigé par le paragraphe 2;
(d) le mode d'emploi indiqué dans l'ordonnance du médicament élaboré ou distribué; et
(e) une marque d'identification conforme au numéro de l'ordonnance figurant dans le registre de l'ordonnance ou du dossier électronique.

2)

(a) L'identification mentionnée au paragraphe 1.c  doit correspondre au nom générique du médicament de la dernière édition actuelle de la de la Pharmacopée américaine ou de la Pharmacopée britannique.

(b) L'étiquette du contenant renfermant le médicament doit être marquée avec une indication supplémentaire tel qu'il est considéré comme approprié par le pharmacien ou l'assistant pharmacien.

3) Le contenu du présent paragraphe n'exclut pas l'ajout à l'étiquette d'une déclaration en anglais pour toutes les questions exigées ou chacune d'elles.

Par ailleurs, deux éditions hebdomadaires du seul journal régulier, Ko e Kalonikali, sont publiées par le gouvernement: l'une est en tonguien et l'autre en anglais. Enfin, Radio-Tonga diffuse quotidiennement des émissions en anglais et en tonguien, lesquelles obtiennent une bonne cote d'écoute dans toute la région du Pacifique.

La politique linguistique des Tonga en est une de bilinguisme fondé sur les droits personnels, mais ceux-ci ne sont pas inscrits dans la loi et restent déséquilibrés, car l’anglais accapare toutes les fonctions sociales prestigieuses aux dépens de la langue nationale, le tonguien. Il s’agit donc d’une politique où le bilinguisme officiel revêt un caractère symbolique, dans la mesure où il ne se transpose pas dans les faits. En somme, le royaume des Tonga pratique un bilinguisme de type colonial, alors que rien n’interdirait qu’il en soit autrement. L'État tonguien tente parfois d'accorder un rôle plus important à la langue nationale, mais il devient probablement coûteux financièrement pour un si petit pays de 120 000 habitants de tenir tête à l'anglais avec une langue nationale qui ne fait pas le poids.  

Dernière mise à jour: 28 déc. 2015

Bibliographie

BESNIER, Nicholas. Tonga, Québec
[http://www.ciral.ulaval.ca/geo/CLNM4_Intro_Besnier.html].

GERAGHTY, Paul. «Historique» dans La situation linguistique des Fidji et de l’île Rotuma, Québec,
[http://www.ciral.ulaval.ca/geo/CLNM4_Intro_Geraghty.html].

MOYSE-FAURIE, Claire. «Langues minoritaires et politiques linguistiques: le cas des langues océaniennes», dans Mémoires no 8, Société de Linguistique de Paris, 1999, p. 79-104.


Pacifique

Accueil: aménagement linguistique dans le monde