État de Bahreïn

Bahreïn

(Dawlat al Bahrayn)

Capitale: Al-Manama
Population
707 785 (est. 2004)
Langue officielle: 
arabe classique (de jure)
Groupe majoritaire:
arabe bahreïni (56,5 %)
Groupes minoritaires:
 arabe du Golfe (14,1 %), farsi de l'Ouest (11,3 %), ourdou (4,2 %), kurde (3,5 %), filipino (3,1 %), goudjarati (1,6 %), anglais (1,2 %), malayalam (0,9 %), arabe standard (0,8 %), tamoul (0,8 %), télougou (0,8 %), coréen (0,1 %), arabe najdi (0,1 %), chinois mandarin (0,0 %).
Langue coloniale:
anglais
Système politique:
monarchie héréditaire constitutionnelle
Articles constitutionnels (langue):
art. 2 et 18 de la Constitution du 14 février 2002
Lois linguistiques:
Décret législatif no 25 concernant les établissements d'enseignement et de formation privés (1998); Décret loi no 21 promulguant la Loi sur les compagnies commerciales (2001).

1 Situation générale

Le Bahreïn, appelé officiellement l'État de Bahreïn, est un pays constitué de 33 îles proches de la côte orientale du golfe Persique. Situé entre la presqu'île de Qatar à l'est et la côte d'Arabie à l'ouest, Bahreïn, avec une superficie de 707 km² de terres, est vraiment le plus petit État de la péninsule Arabique. Le pays (Al-Bahrayn) porte le nom de la principale île de l'archipel (562 km²), qui signifie en arabe «les deux mers». Depuis 1986, cette île est reliée par un pont routier de quelque 25 km de longueur à l'Arabie Saoudite (qui a payé entièrement l'ouvrage de 1,2 milliard de dollars). Les autres îles importantes (toutes reliées par un pont à l'île de Bahrayn) sont Muharraq au nord-est, Umm an Na'san à l'ouest, Sitra à l'est, auxquelles il faut ajouter l'île de Hawar au sud près du Qatar. La ville d'Al-Manama est la capitale de l'État, en même temps qu'un centre financier international. Le Bahreïn a été le premier des pays du Golfe et de la péninsule Arabique à exploiter les gisements pétroliers. Le Bahreïn fait partie de la Ligue arabe.

Conformément aux termes de la nouvelle Constitution promulguée le 14 février 2002, le royaume de Bahreïn est une monarchie constitutionnelle dirigée par la famille Al-Khalifa, dynastie régnante depuis 1783. Le premier ministre est nommé par le roi; le gouvernement n’est pas responsable devant le Parlement.

2 Données démolinguistiques

La population de l'archipel, dont une dizaine d'îles sont inhabitées, était estimée, en 2004, à quelque 707 800 habitants appelés des Bahreïnites ou Bahreïnis, en français des Bahreïniens. L’islam est la religion d’État. La population compte quelque 90 % de musulmans, répartis en 70 % de chiites et 30 % de sunnites. Les autres confessions sont essentiellement les églises chrétiennes (catholique et protestante) ainsi que la religion bouddhiste. Il est possible de pratiquer librement son culte.

Les populations d'origine sont les Arabes bahreïniens (56,5 %) et les Arabes du Golfe (14,1 %) pour un total de 70,6 %. Le reste est composée de travailleurs immigrés, principalement originaires du sous-continent indien ou d'Extrême-Orient. Autrement dit, près du tiers de la population est composée d'étrangers: 11,3 % d'Iraniens, 7,4 % d'Indo-Pakistanais (Ourdous, Goudjarates, Malayali, Tamouls, Télougous), 3,5 % de Kurdes, 3,1 % de Philippins, 1,3 % d'Occidentaux (Anglo-Américians) et quelques autres petites communautés. L'agglomération d'Al-Manama, la capitale, rassemble plus de 55 % d'étrangers et englobe Muharraq, la seconde ville du pays (plus de 65 000 hab.).

 

Ethnie Langue maternelle Affiliation linguistique Population %
Arabes bahreiniens arabe bahreinien langue sémitique 400 000 56,5 %
Arabes du Golfe arabe du Golfe langue sémitique 100 000 14,1 %
Iraniens farsi de l'Ouest langue indo-iranienne   80 000 11,3 %
Ourdous ourdou langue indo-iranienne   30 000 4,2 %

Kurdes

kurde (kurmanji) langue indo-iranienne   25 000 3,5 %
Philippins filipino langue austronésienne   22 000 3,1 %
Goujarates goudjarati langue indo-iranienne   12 000 1,6 %
Britanniques anglais langue germanique    7 000 0,9 %
Malayali malayalam langue dravidienne    6 600 0,9 %
Arabes (divers) arabe standard langue sémitique    6 000 0,8 %
Tamouls tamoul langue dravidienne    6 000 0,8 %
Télougous télougou langue dravidienne    6 000 0,8 %
Américains anglais langue germanique    3 500 0,4 %
Coréens coréen langue coréenne    1 200 0,1 %
Arabes saoudiens arabe najdi langue sémitique    1 000 0,1 %
Juifs arabe bahreïni langue sémitique       685 0,0 %
Chinois chinois mandarin langue sino-tibétaine       200 0,0 %
Total  = 707 785

L'arabe bahreinien est la langue des Bahreiniens et des Juifs: c'est la langue majoritaire du pays parlée par 55,6 % des locuteurs. Les autres langues arabes sont l'arabe du Golfe (11,3 %), l'arabe classique (0,8 %) et l'arabe najdi (0,1 %). D'autres langues indo-iraniennes sont aussi très utilisées: le farsi de l'Ouest (11,3 %), l'ourdou (4,2 %), le kurde (3,5 %) et le goudjarati (1,6 %). Le pays compte aussi une autre langue indo-iranienne, dont on ignore le nombre des locuteurs: le baloutchi. Notons aussi des langues d'origine austronésienne (filipino), dravidienne (malayalam, tamoul, télougou), coréenne (coréen) et sino-tibétaine (chinois mandarin). Les Occidentaux comprennent surtout des Britanniques et des Américains, mais il y a aussi des Français, des Canadiens et des Hollandais.

La langue officielle est l'arabe classique, mais l'anglais est parlé par beaucoup de Bahreiniens, car il demeure indispensable à l'université et dans le milieu des affaires. Il existe deux langues véhiculaires à Bahreïn: l'arabe classique pour les arabophones et l'anglais pour les autres communautés. De plus, l'arabe bahreïni reste une langue de travail importante parmi les employés du gouvernement ainsi qu'à la radio. Enfin, le français est la seconde langue étrangère dans les écoles secondaires et est parlé par quelques centaines de Bahreïnis.

3 Données historiques

Il semble que les plus traces les plus anciennes de présence humaine dans la région du Golfe remontent à quelque 4000 ans avant notre ère. Plus tard, la péninsule Arabique fut fréquentée par des tribus nomades du désert du Najd, qui y séjournaient durant la belle saison. La région du Golfe devint un centre de commerce florissant. Assyriens, Perses, Babyloniens, Grecs et Sassanides se succédèrent sur l’île de Bahreïn. Les découvertes archéologiques témoignent que Bahreïn acquit progressivement le statut de port d’échanges et approvisionnait les cours de ses riches voisins en marchandises alors essentielles (pierres dures et précieuses, cuivre, étain, bois rares) venues de l’Oman ou de l’Indus.

Au Ve siècle avant notre ère, l’historien grec Hérodote désignait les habitants de la région comme des «Cananéens», connus pour leur maîtrise de la navigation et leur habileté dans le négoce. Ce sont les Grecs qui donnèrent son nom au golfe Persique. Auparavant, les Suméro-Babyloniens l'appelaient soit la mer «Inférieure», soit la mer «Amère», soit encore la mer «du Soleil levant». Vers 325 avant notre ère, l’archipel fut abordé par l’une des expéditions maritimes d’Alexandre le Grand; l’île principale prit le nom grec de «Tylos». Bahreïn connut une exceptionnelle phase de prospérité, caractérisée par le développement d’une culture inspirée par le monde hellénistique. L'île demeura un lieu de rencontre et d’échanges.

Au IIe siècle de notre ère, le géographe grec Claude Ptolémée mentionna, dans la région, une ville nommée «Catara» dans La Géographie, ouvrage qu’on peut considérer comme le premier traité de cartographie scientifique. Par la suite, l'occupation romaine marqua le déclin commercial du Golfe au profit de la mer Rouge. Il fallut attendre la domination de la région par l’Empire sassanide (entre les IIIe et VIe siècles pour que la région du Golfe redevienne un lieu d’échanges florissants.

3.1 L'avènement de l'islam

La religion musulmane pénétra au VIIe siècle (en 629) dans la région, alors sous domination de la dynastie des Arabes de Manadhira. Leur roi, Al Mundhir Ibn Sawi Al Timimi, se convertit à la nouvelle religion. Dès lors, l'île participa à l’expansion de l’Empire arabo-muasulman; en même temps, la langue arabe s'implanta définitivement dans la région, même si cette langue était déjà parlée depuis quelques siècles, probablement dès le  IIe siècle.  Au VIIe siècle, les Arabes envahirent la Perse, brisèrent toute résistance, remplacèrent progressivement le zoroastrisme par l'islam et intégrèrent la Perse dans le califat.

Durant le règne des Abbassides (750-1250), le Bahreïn connut une grande période de prospérité. Ce fut l'époque des Milles-et-Une-Nuits, l'âge d’or du monde arabo-persan. Ce sont les Arabes qui avaient redécouvert le célèbre traité de Géographie de Ptolémée et qui, les premiers, le réutilisèrent comme l'une des bases de leurs connaissances géographiques. On peut même affirmer que le développement de leurs connaissances en astronomie, doublée de la multiplicité de leurs voyages de commerce et de pèlerinages, leur permirent, dès le Moyen Âge, d’acquérir un grand savoir dans le domaine de la géographie et d’avoir, entre autres, une très bonne maîtrise de la mer Rouge, du golfe Persique, de l’Océan Indien jusqu’à l’embouchure du Zambèze et de la côte occidentale de l’Inde.

3.2 Les occupations étrangères

Les Portugais occupèrent le détroit d'Ormuz, puis Mascate (aujourd'hui la capitale du sultanat d'Oman) et Bahreïn. En 1517, ils prirent le Qatar et imposèrent leur contrôle maritime et commercial dans le Golfe. L'île de Bahreïn joua un rôle important dans le commerce régional lorsque les Portugais s'en servirent comme relais en se rendant aux Indes à partir du XVIe siècle. Les Portugais demeurèrent dan la région de 1521 à 1602, mais ils n'exercèrent pas d'influence linguistique. Aussitôt après le départ des Portugais, l'archipel fut soumis à l'occupation des Perses jusqu'en 1782. Ils installèrent une colonie durable et contribuèrent à donner aux habitants une culture particulière arabo-persane.  L'occupation par les Perses explique pourquoi les deux tiers de la population musulmane sont chiites (70 %) et pourquoi l'Iran n'a pas abandonné toute prétention à l'hégémonie dans cette région. En 1783, la famille Al-Khalifa, de confession sunnite, renversa la dynastie chiite (persane) régnante et constitua un émirat arabe indépendant de la puissance perse. Le commerce des perles fit bientôt de Bahreïn l'un des émirats les plus importants de la péninsule Arabique.

Toutefois, dès le début du XIXe siècle, les Britanniques prirent pied dans l'archipel par un accord commercial. Les prétentions de l'Empire ottoman sur l'émirat et la découverte des richesses pétrolières allaient contribuer à renforcer l'intérêt des Britanniques pour Bahreïn. En 1832, la Standard Oil Company of California, une société américaine qui avait obtenu la première concession pétrolière, fit jaillir d'un puits le premier pétrole de la péninsule Arabique.

En 1861, un accord entre l'émir et le Royaume-Uni plaçait de fait l'émirat sous la protection de la Couronne britannique. La domination britannique se maintint jusqu'en 1971. Bien que le Royaume-Uni ait qualifié l'émirat d'«État protégé britannique», le gouvernement britannique a, dans des déclarations officielles, décrit l'émirat comme un «État indépendant sous protection britannique» ou comme un «État indépendant dans des relations spéciales de traité avec le gouvernement de Sa Majesté.» Lorsque la Perse émit en 1927 des prétentions à la souveraineté sur Bahreïn, le secrétaire britannique aux Affaires étrangères écrivit ce qui suit au gouvernement de Bahreïn : «Les accords (entre la Grande-Bretagne et Bahreïn depuis 1820) ont tous été conclus en considérant que le cheikh de Bahreïn est un souverain indépendant». Bref, le gouvernement britannique restreignait les relations extérieures de Bahreïn, mais il laissait la souveraineté du pays à l'émir. De fait, la famille al-Khalifa continuait de régner sur Bahreïn. Le cheikh Ahmad (1923-1942), puis le cheikh Salman (1942-1961) entreprirent de moderniser le pays. Le développement de la recherche pétrolière, après la Seconde Guerre mondiale, s'accompagna de la multiplication des litiges frontaliers, opposant Bahreïn à l'Arabie Saoudite, d'une part, et au Qatar, d'autre part. Le différend avec les Saoudiens fut réglé en 1951 ; celui avec le Qatar, portant sur les îles Hawar, a finalement été résolu en mars 2001 par la Cour internationale de justice des Nationa unies (La Haye) en faveur de Bahreïn.

3.3 L'indépendance

L'indépendance fut proclamée avec l'accord de la Grande-Bretagne en 1971, après qu'eut échoué le projet de fédération entre les États de la côte de la Trêve. Le pouvoir de la famille régnante, qui contrôle l'ensemble de l'appareil politique et administratif, fut périodiquement contesté par les chiites, majoritaires au pays, la contestation étant alimentée en partie par le régime iranien. D'ailleurs, dans les années vingt, invoquant l'influence perse passée, la dynastie des Pahlavi avait déjà revendiqué Bahreïn. Après la révolution islamique de 1979, l'Iran a relancé ses prétentions sur les îles et soutenu, à plusieurs reprises, des tentatives de subversion du régime. En 1991, l'émirat s'étant rangé dans le camp des pays coalisés contre l'Irak, lors de la guerre du Golfe, un accord de défense fut signé avec les États-Unis. La détente dans les relations diplomatiques avec l'Iran et avec le Qatar demeure toujours d'actualité. Le ralentissement de l'activité économique consécutif au conflit et le maintien d'un régime politique autoritaire ont conduit à une importante contestation sociale et politique, à partir de l'été 1994.  De nouvelles manifestations en 1995 ont provoqué la démission du gouvernement dirigé par le cheikh Khalifa ibn Salmane al-Khalifa, qui a été reconduit à son poste.

À la mort du cheikh Issa ibn Salman al-Khalifa en mars 1999, son fils Hamad Ben Issa al-Khalifa lui succéda. Il a élaboré un projet de Charte nationale afin de conduire le pays vers la démocratie : instauration d’une monarchie constitutionnelle, restauration du Parlement, création d’un conseil consultatif, séparation entre les pouvoirs, affirmation du principe de l’égalité entre l’homme et la femme. La mise en place d’institutions démocratiques a été approuvée par référendum le 15 février 2001 à 98,4 % des suffrages. Au même moment, l’émir a décrété une amnistie générale aboutissant à la libération de tous les prisonniers politiques et entraînant l’adhésion de l’opposition chiite à ses propositions de réformes. Il a également aboli la loi d’urgence et dissous la Cour de sûreté de l’État en vigueur depuis 1975. Cette évolution politique a été saluée par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies ainsi que par plusieurs organisations non gouvernementales telles qu’Amnistie internationale. La plupart des institutions financières arabes ainsi que de nombreuses banques internationales et filiales de compagnies d’assurances étrangères ont installé des bureaux à Bahreïn. On compte aussi plus de 60 banques extraterritoriales se spécialisant dans les services aux personnes et aux institutions établies dans d’autres pays.

Depuis son accession au trône (le 6 mars 1999), l'émir Hamad ben Isa Al-Khalifa a multiplié ses efforts vers plus de démocratie. Les étapes majeures en sont le référendum sur la Chartre nationale des 14 et 15 février 2001 et l'amendement à la Constitution du 14 février 2002. Le Bahreïn est devenu officiellement ce même jour le «royaume de Bahreïn» et prévoyait des élections municipales et législatives pour octobre 2002. Les partis politiques sont toujours interdits à Bahreïn, mais l'émir a fait savoir qu’il ne s’opposerait pas à la formation de partis politiques si la prochaine Assemblée nationale en convient. Toutes les organisations politiques d’opposition qui fonctionnaient en exil ont mis en place leurs associations politiques et se préparer pour le jour où le gouvernement leur permettra de former des partis politiques. Les lois réglementant l’établissement et les activités des sociétés civiles sont encore en cours de révision par un comité spécial. On s’attend à ce que ces lois donnent une certaine marge de liberté de mouvement aux sociétés civiles et les habilitent à être des partenaires effectifs pour le développement social.

Ce petit pays du Golfe est entré en révolte dès le mois de février 2011, lors du «Printemps arabe». Les manifestations ont marqué la ligne de division entre les musulmans chiites et sunnites. Après plusieurs mois de protestation, le roi Hamad s'est résolu à engager des réformes, mais il n'a jamais promis de partir. De toute façon, il peut compter sur le soutien militaire de l'Arabie Saoudite. Il n'est pas près de faire ses valises. Cependant, au sein même de la famille royale, les réformistes ont été chassés et les plus libéraux, marginalisés. L'Arabie Saoudite s’est empressé de prêter mainforte à la monarchie, également sunnite de Bahreïn, dans le but de marginaliser la minorité chiite. Le «Printemps arabe» n'aura duré qu'un mois à Bahreïn, avant que la révolte ne soit réprimée par le régime, avec l’appui de l'Arabie Saoudite avec comme résultat que la situation est aujourd’hui assurément pire qu'elle ne l'était.

4 La politique linguistique

L'État de Bahreïn a choisi une politique d'arabisation pragmatique: il s'agit de favoriser l'arabe tout en conservant certaines prérogatives à l'anglais. La Constitution du 14 novembre 2002 proclame, dans son article 2, que l'arabe est la langue officielle:

Article 2

Religion d'État, Charia, langue officielle

La religion de l'État est l'islam. La Charia islamique est la source principale de ses lois. La langue officielle est l'arabe.

Article 18

Dignité humaine, égalité

Tous sont égaux dans la dignité humaine et les citoyens sont égaux devant la loi en droits et en obligations publiques. Il n'y a aucune discrimination sur la base du sexe, de l'origine, de la langue, de la religion ou de la foi.

Quant à l'article 18, il interdit la discrimination pour des motifs de sexe, de race, de langue ou de religion. Par ailleurs, la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale a force de loi et s'impose à tous les organismes de l'État. Les individus peuvent avoir recours aux tribunaux s'ils s'estiment victimes d'une violation de la Convention. Cependant, Amnesty International, dans son rapport de 1999, faisait état de détention de personnes en raison de leurs opinions; certaines personnes auraient même été forcées de quitter le Bahreïn, avec interdiction d'y revenir. Des emplois seraient réservés à la famille régnante, alors que d'autres seraient attribués en fonction de l'appartenance ethnique. Dans plusieurs domaines, la minorité chiite serait victime de discriminations; les chiites n'auraient même pas droit à un passeport. Par ailleurs, on souligne que les personnes ne parlant pas l'arabe ne trouvent pas d'emploi. En somme, il y a encore des petits problèmes avec l'article 18 de la Constitution, surtout que le royaume de Bahreïn n'a pas dans sa législation de mesures visant à empêcher la propagande de théories prônant la discrimination raciale et la xénophobie.

4.1 La langue de l'État

L'État de Bahreïn fonctionne avec deux langues arabe, l'une pour l'écrit (arabe classique), l'autre pour l'oral (arabe bahreïni). Si l'arabe classique sert de langue écrite pour l'État et les médias, l'arabe bahreïni sert de langue orale pour le gouvernement, l'Administration, l'armée, la police, les affaires, etc. C'est en arabe bahreïni  qu'on gère l'État, mais c'est l'arabe classique qui sert de langue véhiculaire entre les populations arabophones. Avec les non-arabophones, c'est l'anglais qui remplace l'arabe classique.

C'est la population indigène du Bahreïn qui contrôle les affaires du gouvernement, de la police, de l'armée, etc. C'est pourquoi l'arabe bahreïni, une langue essentiellement orale, est utilisé partout. La plupart des fonctionnaires parlent donc l'arabe bahreïni, mais aussi l'arabe classique lorsque les circonstances l'exigent, parfois l'anglais dans certaines administrations de la capitale. C'est en arabe bahreïni qu'on discute des lois rédigées en arabe classique, c'est en arabe bahreïni qu'on commente les règlements administratifs offerts en arabe classique.

Dans les tribunaux, l'arabe classique est la langue officielle, mais les accusés, les témoins et les avocats peuvent s'exprimer en arabe bahreïni ou en anglais lorsque la cause concerne les étrangers. Dans les municipalités (cours locales), c'est toujours l'arabe avec, selon les besoins, le recours au services d'un interprète. Ces modalités s'appliquent généralement aux tribunaux civils, qui s'occupent des affaires civiles et pénales, mais dans les tribunaux de la Charia, seul l'arabe est utilisé; ces tribunaux, qui appartiennent à la branche sunnite ou à la branche jaafarite, traitent des affaires de divorce, de mariage, de successions et de la garde des enfants.

Par ailleurs, le Décret loi no 21 promulguant la Loi sur les compagnies commerciales impose au conseil d'administration des compagnies étrangères de publier leur bilan, leur compte des pertes et profits, ainsi qu'un sommaire adéquat du rapport annuel et le texte intégral du rapport des commissaires aux comptes dans l'un des quotidiens locaux de langue arabe :

Article 196

Le Conseil d'administration doit publier le bilan, le compte des pertes et profits, ainsi qu'un sommaire adéquat du rapport annuel et le texte intégral du rapport des commissaires aux comptes dans l'un des quotidiens locaux de langue arabe au moins quinze jours avant la réunion de l'assemblée générale.

4.2 L'éducation

L'enseignement au Bahreïn est gratuit et obligatoire, à la fois pour les enfants bahreïnis et pour ceux des travailleurs immigrés. Le gouvernement se félicite que l'analphabétisme soit passé de 52,9 % en 1991 à 12 % en 1996. Néanmoins, selon l'Unesco, le Bahreïn est l'un des 78 États risquant de n'avoir pas divisé par deux l'analphabétisme en 2015 et l'un des 57 pays risquant de ne pas parvenir à l'éducation primaire pour tous (EPU). La naturalisation de milliers d’étrangers analphabètes ou non arabophones semble être le principal facteur qui explique ce taux d'analphabétisme relativement élevé.

- Le système public

L'éducation publique de base comprend six ans d'école primaire (3 à 9 ans), trois ans d'école intermédiaire (9 à 12 ans) et trois ans d'enseignement secondaire  (12 à 15 ans). Les enfants vont à l’école du samedi au mercredi; les fournitures scolaires, les uniformes, les repas et le transport sont gratuits. Les écoles maternelles sont privées et exigent des frais de scolarité. La langue d'enseignement dans toutes les écoles publiques est l'arabe classique; les garçons et les filles étudient dans des écoles séparées, avec un personnel enseignant et administratif de même sexe. Il existe quelques écoles de garçons dans lesquelles le personnel enseignant et administratif est composé de femmes. S’il n’y a qu’une seule école dans un village, les garçons vont à l’école le matin et les filles l’après-midi.

D'après le plan d'études gouvernemental, les matières fondamentales obligatoires du primaire sont les suivantes : l'éducation islamique, l'arabe (classique), l'anglais (quatrième année), les mathématiques, la science et la technologie, les études sociales, l'éducation familiale, la culture physique, les beaux arts et la musique. Après ses études intermédiaires (trois ans), l'élève entre à l'école secondaire qui lui offre un choix de trois programmes principaux: soit un programme général, soit technique, soit commercial. Les élèves qui qui s'inscrivent dans le programme général peuvent aussi choisir entre la section scientifique ou la section littéraire en tant que spécialisation plus étroite. Les cours se donnent en arabe, mais certains cours sont en anglais, notamment dans les programmes technique et commercial. En réalité, la plupart des écoles secondaires adoptent un système bilingue (arabe-anglais). Selon un rapport de l'Unicef, il y aurait une pénurie d'enseignants. Il faudrait mettre en place un programme scolaire plus adapté au marché du travail; des améliorations doivent être apportées aux bâtiments scolaires.

Le système éducatif de Bahreïn prévoit aussi une éducation religieuse ou coranique pour les garçons seulement. Cette formation est reconnue par le ministère de l'Éducation nationale qui la considère comme faisant partie du niveau secondaire; les élèves fréquentant ces écoles reçoivent un enseignement portant sur les diverses disciplines religieuses et spécialement sur les études islamiques. Le gouvernement dispense gratuitement un enseignement en langue arabe et fournit les manuel sur l'histoire et la géographie de Bahreïn, ainsi que des spécialistes pour superviser les professeurs.

Le ministère de l'Éducation nationale a également prévu un programme d'éducation permanente à l'intention des adultes. Les programmes des établissements sont soumis par les ministères et le secteur privé, représentés par des établissements d'enseignement spéciaux . Ces programmes contiennent des cours de langue pour les adultes (l'anglais, le français, l'allemand et le japonais). Parallèlement, le Ministère fournit un programme pour l'enseignement de la langue arabe à ceux qui ne le parlent pas afin de diffuser cette langue parmi les étrangers résidants au pays. L'objectif est que tous puissent communiquer avec les habitants du pays et comprendre la culture arabe et la civilisation islamique.

Mentionnons que la Direction des programmes d'études du ministère de l'Éducation nationale fournit gratuitement des manuels dans chaque discipline pour tous les élèves fréquentant les écoles publiques ainsi qu'au étudiants universitaires. Les manuels sont généralement conçus au Bahreïn par des spécialistes des programmes d'études et des facultés universitaires. Ils sont imprimés par le gouvernement, notamment par les Presses du Centre éducatif de technologie commerciale. Quant aux manuels destinés aux établissements privés, ils sont fixés pour chaque école respectant les critères du Ministère.

- Le système privé

En plus du système public, on compte un grand nombre d’écoles privées ou religieuses, qui dispensent des cours aux niveaux primaire, intermédiaire et secondaire. L'État autorise en effet les résidents étrangers appartenant à d'autres religions ou cultures à construire des écoles et des centres culturels et d'enseignement privés. Tous les enfants bahreïnis ou étrangers peuvent s'inscrire sans discrimination à ces écoles. La Direction de l'enseignement privée est responsable de la supervision des écoles privées.

Chacun des établissements d'enseignement privé élabore ses propres programmes, dispense ses cours et choisit ses manuels sous l'approbation du ministère de l'Éducation nationale, qui a l'autorité de modifier ou suspendre tout programme d'études ou tout manuel, incompatibles avec les valeurs religieuses et nationales du pays. On distingue des écoles nationales privées et des écoles étrangères privés, qui exigent toutes des frais de scolarité.

Les écoles nationales privées sont destinées aux citoyens bahreïnis, avec éventuellement la participation de non-Bahreïnis, sur la base des programmes nationaux approuvés par le Ministère. Ces écoles ont des niveaux d'études divers, commençant de la maternelle en passant par le primaire, l'intermédiaire et le secondaire. Ils offrent tous des programmes bilingues, c'est-à-dire en arabe et en anglais. Ces écoles sont soumises aux dispositions de l'article 21 du Décret législatif no 25 concernant les établissements d'enseignement et de formation privés, qui prescrit l'enseignement de la langue arabe, en plus de l'instruction islamique:

Article 21

Établissements d'enseignement nationaux privés doivent respecter les règles suivantes:

1) L'enseignement du programme d'études prescrit l'emploi dans les écoles publiques de la langue arabe, de l'instruction islamique et des sciences humaines aux niveaux primaire, intermédiaire et secondaire.

2) L'année scolaire doit compter au moins 180 jours.

Fait remarquable: on note que près de 50 % des élèves inscrits dans les écoles nationales privées apprennent le français comme langue étrangère. C'est que de plus en plus d'écoles privées offrent un enseignement obligatoire d’une deuxième, voire d'une troisième langue étrangère.

On constate une nette croissance (200%) du nombre d’élèves bahreïnis inscrits dans les écoles privées depuis les dix dernières années. Cette situation s’explique par la volonté des familles moyennes et aisées de la société bahreïnie de permettre à leurs enfants de suivre un enseignement bilingue et éventuellement d’obtenir un diplôme international; on compte au moins 10 écoles privées affiliées à l’office du baccalauréat international (IBO).

Quant aux écoles étrangères privées, elles sont prévues pour les étrangers résidant au pays; que ce soit pour les écoles maternelles, primaires ou autres, la langue principales d'enseignement est la langue du pays d'origine (anglais, français, farsi, ourdou, etc.). Ces écoles sont soumises aux dispositions de l'article 22 du Décret législatif no 25 concernant les établissements d'enseignement et de formation privés, qui prescrit un enseignement minimum de la langue arabe, en plus de l'enseignement de l'histoire et la géographie de Bahreïn:

Article 22

Tout établissement d'enseignement privé étranger doit se conformer aux programmes, aux manuels et aux heures approuvés par le Ministère en ce qui concerne les programmes de langue arabe prescrits pour les étudiants bahreïnis et arabes relativement à la culture religieuse islamique pour les étudiants musulmans si l'établissement les accepte, concernant aussi l'histoire et la géographie de l'État de Bahreïn pour tous les étudiants, dans le cadre du calendrier scolaire et sans exiger des droits de scolarité supplémentaires. [...]

Le nombre minimum de périodes pour certaines disciplines obligatoires par semaine est le suivant :

- six périodes par semaine pour la langue arabe (les trois premières années du primaire);
- quatre périodes par semaine pour la langue arabe (les autres années du primaires, l'intermédiaire et le secondaire);
- une période par semaine pour l'éducation islamique à l'intention des élèves musulmans.

Niveau
(2001-2002)
Écoles publiques Écoles privées
Primaire 63 511 17 118
Intermédiaire 29 680 6 087
Secondaire 24 938 3 487
Total 118 129 26 692
Parmi ces écoles, il existe des établissements catholiques, protestants et autres. Mentionnons aussi l'École asiatique, l’École indienne et l’École internationale de Bahreïn, cette dernière étant reconnue et administrée par les États-Unis.

Le pourcentage d’élèves inscrits dans les écoles publiques demeure néanmoins très important (entre 80 % et 87 % en 2001-2002), en raison du coût élevé d’une inscription dans le privé.

Écoles privées
(2003-2004)
Nombre d'élève
en français
Pourcentage Nombre total
d'élèves
Nationales 3 500 43,0 % 8 130
Étrangères 4 500 18,9 % 23 795
Total 8 000 33,4 % 31 925
À partir des données communiquées par les écoles privées, on peut considérer que le pourcentage des élèves apprenant le français (moyenne de 33,4 %) apparaît comme assez raisonnable. N'oublions pas que beaucoup d'écoles privées communautaires (p. ex., la Japanese School, la Pakistan School, la Indian School, la Iran School, etc.) n’ont pas de français dans leur programme. Quoi qu'il en soit, toutes les écoles privées enseignent l'anglais comme langue seconde.

- L'enseignement supérieur

Dans l'enseignement supérieur, le premier groupe d'étudiants bahreïnis a obtenu un diplôme universitaire en 1927; ces étudiants avaient étudié à l’Université américaine de Beyrouth au Liban. Ce n’est qu’en 1968 que le premier établissement d’enseignement supérieur de Bahreïn, la Polytechnique du Golfe, ouvrit ses portes. L’établissement fusionna en 1984 avec l’École des arts, des sciences et de l’éducation, fondée en 1979, pour donner naissance à l’Université de Bahreïn.

Aujourd’hui, l’Université de Bahreïn (University of Bahrain) , qui compte quelque 9000 étudiants, offre des programmes de baccalauréat en arts et en sciences, ainsi que des maîtrises et doctorats en éducation, en génie civil et en administration des affaires. Il existe une autre université, plus petite, l'Université du Golfe (Arabian Gulf University), fondée en avril 1977 et financée par les six pays du Conseil de coopération des États arabes du Golfe. (Arabie Saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït et Qatar); tous les étudiants sont boursiers de l’un des six pays du Golfe. Mais la construction de l'université n'est pas terminée, la fin des travaux étant prévue pour 2006.

Le Bahreïn dispose également d'un réseau d'autres établissements d'enseignement supérieur. Mentionnons l'École de services en soins de santé (Nursing College), qui offre une variété de programmes de formation en soins infirmiers et en technologies médicales; l'Institut de formation de Bahreïn (Bahrain Training Institute), qui propose des cours de formation professionnelle postsecondaires en gestion hôtelière et en art culinaire; l’Institut universitaire de lettres, sciences et éducation (University College of Arts, Sciences and Education); l'Institut technologique du Golfe (Gulf Technical College) devenu la Polytechnique du Golfe; le Collège des sciences de la santé (College of Health Sciences). Il existe également des instituts spécialisés privés

Les langues d'enseignement des universités sont l'arabe et l'anglais. Les frais universitaires ont connu une baisse significative qui a permis à des étudiants de familles à faible revenu de poursuivre leurs études dans des établissements d'enseignement supérieurs. Tous les établissements d'enseignement supérieur dispensent une éducation mixte où les étudiants des deux sexes sont mélangés sans discrimination.

4.3 Les médias

Le plus grand quotidien du Royaume est en arabe: l'Akhbar Al-Khaleej. Mais l'Alayam publie des articles en arabe et en anglais, alors que d'autres journaux ne publient qu'en anglais (Bahrain Tribune  et Gulf Daily News). La plupart des magazines hebdomadaires sont en arabe (Akhbar al-Bahrain, Al-Adwaa', Al-Hayat, Al-Mawaqif, Al-Mujtama'a al-Jadid, Al-Watan, Sada al-Usbu'), à l'exception du Gulf Weekly Mirror (en anglais).

Dans les médias électroniques, Radio Bahreïn et ses stations locales diffusent en arabe, en hindi et en anglais. La Télévision de Bahreïn (Bahrain Television) présente ses émissions en arabe, mais également en anglais. ORBIT Satellite TV  offre des émissions d'information en anglais, en arabe et en français.

La politique linguistique de Bahreïn prône officiellement l'unilinguisme arabe, mais la diglossie arabe dialectal (arabe bahreïni) et arabe classique est inévitable. Comme dans tous les pays arabes du Golfe, il n'existe pas, au sens juridique du terme, de minorités linguistiques, sauf religieuses. Les arabophones doivent parler l'arabe, les autres l'anglais. La notion de minorité linguistique n'existe pas parce que les autres langues sont considérées comme des langues immigrantes, donc ignorées, comme c'est le cas d'ailleurs dans la plupart des pays du monde. En fait, le Bahreïn compose avec un certain bilinguisme arabo-anglais afin de permettre une meilleure harmonisation entre les nombreux travailleurs étrangers. Dans les affaires de l'État, c'est la valorisation de la langue officielle et le maintien de l'arabe bahreïni dans les communications informelles. Toutefois, dans les écoles privées et dans les médias, c'est la non-intervention et le multilinguisme qui règne, avec une dominance pour l'anglais. Au sujet des écoles, on peut dire que c'est dans ce domaine que la politique linguistique est la plus originale. Le Bahreïn est le seul État du Golfe à imposer un minimum d'arabe aux étrangers qui résident dans le pays. Toutes les écoles privées doivent enseigner l'arabe comme langue seconde si leur langue d'enseignement est une autre langue que l'arabe. Quant aux groupes minoritaires, ils constituent un problème marginal, mais les questions de discrimination surgissent quand même, surtout lorsque des personnes ne parlent pas l'arabe.

Dernière mise à jour: 22 déc. 2023

Bibliographie

ENCYCLOPÉDIE MICROSOFT ENCARTA, 2004, art. «Bahreïn», pour la partie historique.

KHOURY, Enver. The United Arab Emirates: Its Political System and Politics, Hyattsville (Maryland), Institute of Middle Eastern and North African Affairs, 1980.

MINISTRY OF EDUCATION. National Report of the State of Bahrain for the Year 2000, Manama, Vice Minister of general and Technical Education, 1999.

NIBLOCK, Tim. Social and Economic Development in the Arab Gulf, Londres, Éditions Croom Helm, 1980.

PECK, Malcolm C. The United Arab Emirates: A Venture in Unity, Boulder (Colorado), Éditions Westview Press, 1986.

PETERSON, John E. The Arab Gulf States: Steps Toward Political Participation, New York, Éditions Praeger, 1988.

THUAL, François. Abrégé de géopolitique du Golfe, Paris, Éditions Ellipses, 1997.

 

 

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