Republica de Guinea Ecuatorial
 
Guinée équatoriale

(Guinée espagnole)

Capitale: Malabo
Population: 500 000 (2005)
Langues officielles: espagnol et français
Groupe majoritaire: fang (80 %)
Groupes minoritaires: bubi (10 %), séké (2 %), crioulo (1,8 %), ngumba (1 %), batanga (1 %), ngumbi (0,8 %), benga (0,6 %), etc.
Langue coloniale: espagnol
Système politique: république unitaire gouvernée par un régime autoritaire
Articles constitutionnels (langue): art. 4 de la Constitution modifiée de 2011; art. 4 du
nouveau texte de la Constitution de 2012.
Lois linguistiques:
Décret-loi n° 1/2010 déclarant le portugais comme langue officielle; Loi du 10 janvier 1879 sur la propriété intellectuelle (1879); Loi n° 5/2007 du 30 octobre modifiant la loi n° 14/1995 du 9 janvier sur la réforme du décret-loi sur l'enseignement général (2007); Code civil (2011); Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la république de Guinée équatoriale relatif aux instituts culturels d'expression française de Malabo et de Bata (1984).

1 Situation générale

L’Afrique compte trois Guinées, avec chacune une langue officielle différente: français, portugais et espagnol. On distingue en effet :

1) la Guinée (245 857 km²) proprement dite appelée aussi Guinée-Conakry (francophone);
2) la Guinée-Bissau (
36 125 km²) dite «Guinée portugaise» (lusophone);
3) la Guinée équatoriale (28 051 km² ) ou «Guinée espagnole» (hispanophone) ou «Guinée espagnole» (hispanophone).

La langue officielle de chacun de ces pays résulte de l'histoire de la colonisation européenne (France, Portugal et Espagne).

La Guinée équatoriale (appelée officiellement Republica de Guinea Ecuatorial), pour sa part, est bordée à l’ouest par l’Atlantique (golfe de Guinée) et le São Tomé-et-Príncipe, au nord par le Cameroun, à l’est et au sud par le Gabon. Toutefois, la superficie (28 051 km² ) du pays est éclatée géographiquement, car elle comprend une partie continentale et une partie insulaire.

La zone continentale, enclavée entre le Cameroun au nord et le Gabon au sud et à l’est, couvre quelque 26 017 km² (il n’existe guère de donnée officielle sur cette question). Appelée le Mbini (anciennement le Río Muni), cette zone abrite la ville portuaire la plus importante du pays, Bata. Elle comprend également un prolongement «administratif» de trois îlots au large des côtes: Corisco (15 km²), la Petite Elobey ou Elobey Chico (0,25 km²) et la Grande Elobey ou Grande Elobey (0,5 km²).

Quant à la zone insulaire, elle compte, d’une part, l’île de Bioko (2017 km²) appelée auparavant Fernando Poo, d’autre part, l’île d'Annobón (17 km²) appelée quelque temps Pagalu. L’île de Bioko, avec pour chef-lieu la capitale Malabo (à l’extrémité nord de l’île), est située à quelque 300 km de la partie continentale du pays et à seulement 60 km du port de Douala au Cameroun. Quant à l’île d'Annobón, elle se trouve au sud à plus de 640 km juste en face du Gabon.

Ces deux îles du golfe de Guinée sont séparées l’une de l’autre par plusieurs centaines de kilomètres d’océan, mais elles sont rattachées à une même unité administrative (Malabo). Bref, la Guinée équatoriale est un bien petit pays pour l’Afrique, puisqu’elle correspond à une superficie totale de 28 051 km², soit un peu moins que la Belgique (30 527 km²).

  Province Population Superficie (km²) Capitale
1 Annobón   5 008    17 San Antonio de Palé
2 Bioko Norte 231 428   776 Malabo
3 Bioko Sur  29 034 1 241 Luba
4 Litoral 298 414 6 645 Bata
5 Centro Sur 125 856 9 931 Evinayong
6 Wele-Nzas 157 980 5 478 Mongomo
7 Kié-Ntem 167 279 3 949 Ebebiyín

Au point de vue administratif, le pays est composé de deux régions : la région insulaire (Región Insular) et la région continentale (Región Continental). La Guinée équatoriale compte aussi sept provinces, dont deux sur l'île de Bioko (Bioko Norte et Bioko Sur) et quatre dans le continent (Centro Sur, Litoral, Kienten, Wele Nzas) et d'Annobón. Ces provinces sont à leur tour divisées en 18 districts: Annobón, Malabo, Baney, Riaba, Luba, Bata, Mbini, Cogo, Acurenam, Evinayong, Ebebiyin, Niefang, Micomiseg, Nsok Nsomo, Aconibe, Añisok, Mongomo et Nsork.

2 Données démolinguistiques

En 2005, la population de la Guinée équatoriale était estimée à 500 000 habitants. On sait que, de ce nombre, il manque plus de 110 000 réfugiés politiques qui ont fui le régime militaire.

2.1 Les langues autochtones

La Guinée équatoriale comprend une dizaine d’ethnies parlant chacune leur langue. Les Fangs constituent l’ethnie dominante du pays avec au moins 80 % de la population. Ils majoritaires dans la zone continentale — et peut-être maintenant dans l’île de Bioko — et se distinguent en deux groupes: les Fangs Ntumu au nord du Mbini et les Fangs Okak au sud du Mbini. Les Fangs parlent deux langues bantoues mutuellement intelligibles: le fang ntumu et le fang okak.

Dans la zone continentale, on trouve aussi des petites tribus côtières telles que les Batangas, les Bengas, les Ngoumas, les Sékés et les Yassas (toutes des langues bantoues: batanga, benga, ngouma, séké, yassa). Les Bengas occupent également l’île de Corisco (400 locuteurs sur une population de 1140 habitants). Il est probable qu’il reste encore des groupes de Pygmées dans la jungle continentale.

Après les Fangs, suivent les Bubis (env. 40 000 ou 10 % de la population), une autre ethnie bantoue (parlant le bubi) qui, à l’origine, peuplait très majoritairement l’île de Bioko. Étant donné que la population de Bioko était estimée en 1995 à 90 000 habitants, il est probable que les Bubis soient devenus minoritaires et qu’ils aient été dépassés en nombre par les Fangs, lesquels ont immigré en masse depuis deux décennies.

2.2 Les créoles

Quelques milliers (env. 9000 locuteurs) d’Équato-Guinéens de Bioko et d’Annobón parlent aussi le crioulo, un créole à base de portugais, alors que 4000 autres parlent le krio ou fernandino, un créole à base d’anglais utilisé comme langue seconde dans l’île de Bioko; on parle aussi du pidgin english pour désigner cette langue véhiculaire. Ceux qui parlent le krio sont des Afro-Européens ou métis libérés jadis de l’esclavage par les Britanniques, à l’époque où ces derniers contrôlaient l’île de Bioko.

2.3 Les langues véhiculaires

Pour ce qui est des langues véhiculaires, on doit citer, outre le krio et le fang, quatre langues occidentales: l’espagnol, la «première» langue langue officielle du pays, le français, la «seconde» langue officielle depuis 1998, le portugais, la troisième langue officielle depuis 2011 et l’anglais, qui ne bénéficie d'aucun statut officiel, mais qui demeure une grande langue de communication internationale.

On estime qu’environ 1500 Espagnols résident en Guinée équatoriale et que moins de 20 % peuvent communiquer en espagnol en tant que langue seconde; par ailleurs, un certain nombre d’Équato-Guinéens connaissent également le français. En réalité, l'espagnol parlé dans le pays est un espagnol local appelé «espagnol équato-guinéen». Rappelons que la Guinée équatoriale, par surcroît d'une superficie encore plus petite que la Belgique (32 545 km²) est le seul pays de toute l'Afrique à avoir l'espagnol comme langue officielle. Il s'agit donc d'une pays linguistiquement isolé et entouré de pays francophones ou lusophones.

Enfin, la grande majorité des Équato-Guinéens, soit 88 %, pratiquent la religion catholique; les autres sont des adeptes des religions traditionnelles (animistes) ou de l’islam (0,5 %).

3  Données historiques

L’histoire précoloniale du pays, du moins la zone continentale, correspond généralement à celle du Gabon. Ce sont surtout les Fangs bantous qui immigrèrent dans cette région au cours des siècles. Ils ont ainsi déplacé les Pygmées qui y habitaient relativement nombreux.

3.1 Les Portugais

Rappelons qu’en 1494 le pape Alexandre VI Borgia (1431-1503) avait contraint les Espagnols et les Portugais à signer le traité de Tordesillas qui traçait les limites territoriales entre l'Espagne et le Portugal: tout ce qui serait découvert à l'ouest du méridien appartiendrait à l’Espagne et à l'est (Brésil et Afrique), au Portugal. En réalité, l’Église catholique avait attribué aux deux puissances péninsulaires, non pas des zones de colonisation, mais des zones d'évangélisation, mais cette distinction ne résista pas longtemps aux appétits impérialistes. Les autres pays de l'Europe, comme la France, la Grande-Bretagne et la Hollande, furent incapables de s'opposer au traité de Tordesillas jusqu'à la fin du XVIe siècle. En vertu du traité de Tordesillas, l'Afrique devait appartenir aux seuls Portugais, puisque les Espagnols y étaient écartés. C’est ce qui explique pourquoi ces derniers furent exclus de ce continent, sauf très tard au XVIIIe siècle, voire au XIXe siècle, dans le cas de la Guinée équatoriale. 

Dans ce pays, l’influence européenne a commencé au XVe siècle, lorsque, entre 1469 et 1474, les navigateurs portugais Fernão do Pó et Lopo Gonçalves explorèrent la baie du Biafra. C’est Fernão do Pó qui découvrit l’île de Bioko en l’appelant Fernando Póo. En 1471 ou 1472, l'îlot d'Annobón fut aperçu par João de Santarem et Pêro de Escobar. Puis, les îles et les et rivages continentaux passèrent sous la juridiction des Portugais de São Tomé dès la fin du XVe siècle. Cependant, il n’y eut guère d'implantation européenne, sinon celle de quelques négriers ou de planteurs portugais à l’île Fernando Póo, de même qu’à l’île d’Annobón qui conserve encore aujourd’hui une population d'anciens esclaves parlant un créole afro-portugais, le crioulo.

À l’époque de la colonisation portugaise, l’île Fernando Póo (Bioko) était habitée presque exclusivement par les Bubis qui s’opposèrent farouchement à la présence européenne. Les Portugais ne s’aventurèrent que fort peu à l’intérieur des terres et ne développèrent que quelques «factoreries», car leurs intérêts restèrent concentrés dans l’archipel de São Tomé-et-Príncipe (dans l’océan Atlantique). C’est à cette époque que naquit le créole portugais en usage encore aujourd’hui au Cap-Vert et à São Tomé-et-Príncipe.

Au XVIIe siècle, les Hollandais, les concurrents des Portugais en Afrique, occupèrent épisodiquement l’île de Corisco, mais ne s’installèrent pas. Le 11 mars 1778, la reine Marie Ire du Portugal et le roi Carlos III d'Espagne signèrent le traité du Prado ("Tratado de El Pardo"). Selon les termes du traité, la reine Marie cédait les îles d'Annobón et de Bioko (alors Formosa) pour le roi Carlos, ainsi que la côte du golfe de Guinée, entre l'embouchure du fleuve Niger et l'Ogooué au Gabon actuel. En contrepartie de ces territoires, le Portugal acquerrait les titres des territoires en Amérique du Sud, ce qui correspondait à une grande bande de territoire au sud du Brésil.

3.2 Les Espagnols

En s’appropriant cette partie de l’Afrique noire, l’Espagne désirait ainsi puiser dans un réservoir d’esclaves nécessaires à ses colonies en Amérique. Plus personne ne respectait le traité de Tordesillas devenu caduque dans les faits. C’est de Montevido en Uruguay que partit la première expédition espagnole vers la Guinée (1778). Mais les Espagnols ne connurent pas le succès escompté, car les équipages furent atteints par les fièvres à l’île de Fernando Póo (Bioko). Les Espagnols finirent pas occuper le pays seulement en 1858, alors qu’ils nommèrent leur premier gouverneur de la Guinée espagnole. Mais la colonie ne servit que de lieu de déportation pour les prisonniers politiques de Cuba.

- Une île convoitée

Durant la colonisation espagnole, soit dès 1827, les Britanniques occupèrent l’île de Fernando Póo (Bioko); ils y installèrent leur base à Port-Clarence (aujourd’hui Malabo) et combattirent les Espagnols qui poursuivaient la traite des esclaves, alors que celle-ci était partout interdite dans l’Empire britannique. Pendant plusieurs décennies, c’est-à-dire jusqu’en 1843, les Anglais s’approprièrent des esclaves pour les libérer sur l’île. 

Ces derniers élaborèrent le krio (ou fernandino), un créole à base d’anglais parlé encore de nos jours comme langue seconde dans l’île de Bioko (Fernando Póo). Les Anglais rendirent l’île de Fernando Póo à l’Espagne qui en profita pour annexer la petite île de Corisco près du continent.

- La «Guinée espagnole»

En 1856, les Espagnols fondèrent la Guinée espagnole et tentèrent de l’exploiter, mais ils se désintéressèrent rapidement de cette Afrique équatoriale malsaine, probablement parce qu’ils disposaient suffisamment de terres tropicales aux Antilles et en Océanie. Seuls quelques marins, des déportés et des missionnaires continuèrent de jour un rôle colonial en Guinée espagnole. Le traité de Paris de 1900 fixa définitivement les limites de la Guinée espagnole au Río Muni ainsi qu’aux îles de Fernando Póo et d’Annobón. L'espagnol devint effectivement la langue officielle, mais seuls les représentants de l'Espagne pouvaient le parler.

En fait, les Espagnols s'attachèrent surtout à mettre en valeur la colonie de Fernando Poo, l’île qu'on surnommera plus tard l’«île-jardin». Mais les Bubis, soumis aux travaux forcés, se révoltèrent à plusieurs reprises. Au début du XXe siècle, les colons espagnols firent appel à des travailleurs nigérians réputés pour être plus dociles, ce qui favorisa l’émergence du krio (ou fernandino), un créole à base d’anglais utilisé aujourd’hui comme langue seconde dans l’île de Bioko. Ce n’est que dans les années 1920 que les Espagnols parvinrent à soumettre totalement les Fangs. Comme il était coutume à l’époque, les terres furent confiées à des sociétés missionnaires catholiques, ce qui permettait à ces dernières d’évangéliser les indigènes. Les missionnaires espagnols éduquèrent les Africains qu’ils considéraient comme des «mineurs irresponsables» et pratiquèrent un apartheid comprenant, entre autres, l'interdiction des mariages mixtes. 

- Le régime de l'indigénat

À l’exemple de la France et du Portugal dans leurs colonies, l’Espagne instaura le régime de l'indigénat aux Noirs (98 % de la population) qui furent privés ainsi de l’instruction (réservée aux Espagnol) et de tous leurs droits humains. Les autochtones, les indígenas, furent soumis aux travaux forcés, à l’interdiction de circuler la nuit, aux réquisitions, aux impôts sur les «réserves» et à un ensemble d’autres mesures tout aussi répressives telles que les châtiments corporels. Les «sujets espagnols» soumis au régime de l’indigénat furent privés de la majeure partie de leur liberté et de leurs droits politiques; ils ne conservaient sur le plan civil que leur statut personnel, d'origine religieuse ou coutumière.

En somme, on peut dire que le colonialisme pratiqué en Guinée équatoriale s’apparentait à une sorte d’esclavage des populations autochtones sous une forme nouvelle, car celles-ci avaient «l’obligation morale et légale de travailler», et elles furent dépouillées de toute leur identité. Pour être exemptés des règles restrictives du régime de l’indigénat, il fallait, entre autres, que les Noirs puissent parler et écrire l’espagnol de la Métropole, porter des costumes européens et pratiquer la religion catholique. Ce système colonial odieux, qui paraît sans aucun doute honteux aujourd’hui mais semblait normal à l’époque, perdura jusqu’en 1959, alors qu’il fut aboli.

Quant aux colons, ils obtinrent du Nigeria toute la main-d'œuvre nécessaire et, à l'abri de la réglementation franquiste, portèrent le développement économique de la colonie à des niveaux élevés. De leur côté, les autorités coloniales, notamment la Marine et la Guardia colonial, réussirent à isoler «leurs» autochtones contre les changements politiques en cours en Afrique. Ce fut «l'âge d'or» de la colonisation espagnole et sans doute l'un des sommets du paternalisme européen.

- Les nationalistes guinéens

À partir des années 1950, les mouvements nationalistes fangs et bubis prirent de l'ampleur. L’Espagne fut amenée à modifier sa politique coloniale et, en 1959, elle donna à la Guinée le nom de Région équatoriale formant alors deux provinces, d'une part, les îles Fernando Pó (aujourd'hui Bioko), Annobón et Corisco, d'autre part, la partie continentale, le Rio Muni (aujourd'hui Mbini). Ces deux provinces étaient représentées au Parlement de Madrid. La provincialisation de 1959 supprima l'indigénat et fit des Équato-Guinéens des «citoyens espagnols à part entière», tandis que l'assimilation devenait la nouvelle politique. 

Les deux provinces obtinrent leur autonomie en 1963 sous le nom de Guinée espagnole. Puis un gouvernement local constitué de nationalistes modérés fut chargé d’administrer le pays. Mais ils s’opposèrent aux Équato-Guinéens plus radicaux. Les nationalistes guinéens portèrent la question de la souveraineté sur ces territoires devant l'Organisation des Nations unies. Celle-ci proposa la tenue d'une conférence institutionnelle, au terme de laquelle se déroulèrent en août 1968 les premières élections présidentielles et législatives: Francisco Macías Nguema, un grand propriétaire terrien appartenant à l’ethnie fang, fut élu à la tête du pays. L’indépendance fut proclamée le 12 octobre de la même année.

3.3 L’indépendance (1968)

La Guinée équatoriale ne connut que deux présidents depuis le 12 octobre 1968, mais ce fut deux dictateurs issus de la même famille «nguemiste»: Francisco Macías Nguema (1968-1979) et Teodoro Obiang Nguema Mbazogo (1979- ?).

- Le règne sanguinaire de Francisco Macías

Dès la proclamation de l’indépendance (12 octobre 1968), le nouveau président du pays, Francisco Macías Nguema, instaura presque aussitôt (dès 1970) un régime de parti unique et gouverna par la terreur. La plupart des Européens (environ 7000 Espagnols) quittèrent le pays. Pour les remplacer, il fit appel à des techniciens des pays socialistes en provenance de Cuba, de la Chine, de l’URSS, de la Corée du Nord, etc. Quant aux Nigérians de Fernando Póo qui travaillaient dans les plantations de cacao, la quasi-totalité (environ 30 000 d’entre eux) partirent parce que les Équato-Guinéens les maltraitaient et ne les payaient pas. Pour remplacer les Nigérians, le président Macías obligea plus de 20 000 Fangs de la région du Río Muni à travailler dans les plantations de cacao à l’île de Fernando Póo (Bioko). Ces nouveaux «esclaves du cacao», peu habitués à la culture des plantations, transformèrent l’économie nationale en véritable gâchis. L’industrie agroalimentaire cessa quasiment d’exister, le réseau routier devint inutilisable, les importations extérieures furent réduites au minimum, occasionnant ainsi une effroyable pénurie en matière d’alimentation, d’habillement, de médicament et d’équipement de toute sorte.

Tandis que le revenu par tête d’habitant baissait des deux tiers, le peuple sombrait dans la misère et la famine. Des milliers d’Équato-Guinéens moururent, des villages entiers du Río Muni furent rasés, les opposants politiques furent massacrés et plus de 100 000 se réfugièrent à l’étranger, surtout au Gabon, au Cameroun mais aussi en Espagne.

 En matière de langue, la Constitution de 1968 déclarait dans son article 4 que la langue officielle de la Guinée équatoriale était l'espagnol:
 
Artículo 4 (1968)

1) La lengua oficial de la República de Guinea Ecuatorial es el español. Se reconocen las lenguas aborígenes como integrantes de la cultuta nacional.

Article 4 (1968)

1) La langue officielle de la république de Guinée équatoriale est l'espagnol. Les langues aborigènes sont reconnues comme partie intégrante de la culture nationale.

Ces dispositions constitutionnelles sont restées sans effet parce que la Constitution n’a pas été appliquée. En 1973, une nouvelle constitution abolit l'autonomie dont bénéficiait l'île de Fernando Póo (Bioko) que le dictateur Macías fit rebaptiser à son nom. Les massacres d'hommes politiques s'étendirent aux rares intellectuels et fonctionnaires qui n’étaient pas encore en exil. Il ne subsista à l'état opérationnel au sein de l’État que la Guardia Nacional (des Fangs en quasi-totalité) et un corps paramilitaire de véritables tueurs commandés par des officiers du président. Le Parlement était, plus souvent qu'autrement, suspendu.

Quant à la question linguistique, elle ne fut jamais abordée. Le régime continua d’utiliser l’espagnol comme langue officielle, jugeant sans doute plus aisé de perpétuer la langue coloniale dans toutes les instances de l’État, que ce soit la Présidence, le Parlement (quand il n’était pas suspendu), l’Administration, la justice, les écoles, les médias, etc. Paradoxalement, le dictateur Macías rejeta l'héritage espagnol qu'il redoutait tout en cultivant involontairement la dépendance économique à l’égard de Madrid qui continua de porter à bout de bras l’ancienne colonie. C'est pourquoi Macías encouragea le développement d'une idéologie "anti-espagnole" (appelée "antiespañolismo" : anti-hispanisme) en «désespagnolisant» les écoles et les médias. Le président Macías a déclaré l'espagnol comme «langue importée» ("lengua «importada") et son utilisation a été interdite, ce qui a entraîné durant un certain temps l'appauvrissement de la langue espagnole et la valorisation des langues nationales nationales. 

En 1978, Macías finit par interdire même la religion catholique et, pour protéger sa vie en apparence constamment menacée, s’en prit aux membres de sa propre famille, qui contrôlaient alors l’essentiel des postes de commande. Cette erreur lui fut fatale. L’un de ses neveux, le colonel Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, commandant de la Guardia Nacional, organisa un putsch militaire le 3 août 1979, renversa Macías qui fut jugé, déclaré «en état de démence», puis, le 29 septembre 1979, exécuté pour trahison et génocide.

- La dictature sous Teodoro Obiang

Arrivé au pouvoir en 1979, le colonel Teodoro Obiang Nguema Mbazogo (devenu depuis général) adoucit un peu les méthodes de son oncle. Il proclama d’abord une amnistie pour les exilés, mais son régime continua de violer délibérément les droits de l'homme, de pratiquer le népotisme et l’autocratie, de perpétuer la corruption endémique ainsi que l’incompétence et l’irresponsabilité. Formée de plusieurs centaines de militaires marocains (environ 700 hommes), sa Garde présidentielle sema l’effroi et brisa toute velléité d'opposition. Considérant la Guinée équatoriale comme sa propriété privée, le président Teodoro Obiang en disposa à sa guise; il s'appropria les meilleures terres et préleva une taxe à des fins personnelles sur l'exploitation pétrolière. Comme son oncle Macías, il fit régner la terreur, et plus de 100 000 habitants, sur les quelque 350 000 que comptait alors le pays, durent chercher refuge au Cameroun, au Gabon et au Nigeria.

Selon l’organisme Amnistie Internationale (rapport de 1993), la torture y était systématiquement appliquée: «Coups assénés à l'aide de bâtons, de fouets et de matraques sur la plante des pieds, le dos et les fesses, décharges électriques sur les parties génitales, et suspension des prisonniers par les bras ou les pieds». On estime que 10 % des suppliciés en moururent. Par ailleurs, au mépris de toutes les conventions internationales, les prisonniers furent soumis au travail forcé et «contraints de travailler dans les plantations appartenant au président». Quant aux femmes, elles furent violées et «obligées de danser nues devant les gardes de sécurité».

En août 1982, Obiang fut reconduit pour sept ans dans ses fonctions de chef de l'État par le Conseil militaire. Dans la Loi fondamentale de 1982 (Ley Fundamental de 1982), l'article 1er reprenait une disposition cernant la langue espagnole:

Artículo 1 (1982)

5) La lengua oficial de la República de Guinea Ecuatorial es el español. Se reconocen las lenguas aborígenes como integrantes de la cultuta nacional.

Article 1er (1982)

5) La langue officielle de la république de Guinée équatoriale est l'espagnol. Les langues aborigènes sont reconnues comme partie intégrante de la culture nationale.

L'espagnol redevenait la première langue officielle, la langue du travail, la langue de l'enseignement et la langue de la culture. Depuis, le régime, continuellement menacé par des tentatives de putsch, n'a survécu qu'en recourant à l'aide massive de l'étranger, notamment celle de la France qui s'évertuait à supplanter l'Espagne. Néanmoins, de 982 à 1988, certaines langues nationales, le poular, le soninké et le wolof, furent enseignées comme langues premières et comme matières durant tout le cursus de six ans de l’école fondamentale; l’arabe fut également  enseigné dans ces classes comme langue seconde. En 1988, le ministère de l’Éducation nationale a décidé de limiter l’expérimentation de cet enseignement pour des motifs financiers.

Le gouvernement français réussit à faire entrer le pays dans la zone franc en 1985 — l’ékwélé fut remplacé par la franc CFA (ou Communauté financière africaine) —, alors que l’Espagne restait encore le principal bailleur de fonds. Toutes les inscriptions des nouveaux billets équato-guinéens en franc CFA portèrent des inscriptions en français, ce qui put occasionner quelques inconvénients, car la monnaie précédente avait toujours porté des inscriptions seulement en espagnol. Cette poussée vers l'Afrique francophone irrita certains militaires qui s'opposaient à l’envahissement de la France en Guinée équatoriale. Depuis l’adoption du franc CFA, les dirigeants équato-guinéens peuvent maintenant sortir de l’argent du pays et tirer de plantureux profits dus à l’exploitation du pétrole. En 1986, en raison des pressions économiques de la part des puissances occidentales, la langue espagnole perdit son statut de «langue officielle unique» et dut partager sa primauté avec le français qui devint la seconde langue officielle du pays.

Candidat unique du Parti démocratique de Guinée équatoriale, le général Teodoro Obiang fut réélu au suffrage universel avec 99,9 % des voix, lors des élections présidentielles de juin 1989. Au cours des années 1990, la garde prétorienne d’origine marocaine, que les Équato-Guinéens appelèrent dorénavant les «tontons macoutes», fut dirigée par le propre frère du général Obiang, tandis que les soldats étaient formés, entraînés et équipés... par la France. 

- La francophonie et la lusophonie

En septembre 1988, la visite en France du président Teodoro Obiang, reçu chaleureusement à l'Élysée, traduisit le rapprochement des deux pays. La Guinée équatoriale sollicita son entrée dans la Francophonie (1989) et le français fut officiellement élevé au rang de «langue de travail» dans le pays. Évidemment, cette modification importante ne s'est pas faite au moyen d'une consultation populaire, mais à la suite d'un simple décret présidentiel. Durant l’année 1998, le Parlement a adopté la Ley constitucional, que modifica el artículo 4 de la Ley Fundamental del Estado (Loi constitutionnelle modifiant l'article 4 de la Loi fondamentale de l'État) et proclamant que «les langues officielles de la République de Guinée équatoriale sont l'espagnol et le français»:

Articolo 4 (1998)

1) Las lenguas oficiales de la República de Guinea Ecuatorial son el español y el francés. Se reconocen las lenguas aborígenes como integrantes de la cultura nacional (Ley constitucional no 1/1998 del 21 de enero).

Article 4 (1998)

1) Les langues officielles de la république de Guinée équatoriale sont l'espagnol et le français. Les langues aborigènes sont reconnues comme partie intégrante de la culture nationale.

Comme auparavant, les langues autochtones sont reconnues comme faisant partie intégrante de la culture nationale (Loi constitutionnelle no 1/1998 du 21 janvier 1998).

La Guinée équatoriale a eu moins de chance avec les pays lusophones. En effet, l’État équato-guinéen a vu sa candidature repoussée à deux reprises, soit lors de la réunion des ministres des pays membres de la CPLP (la Comunidade dos Países de Língua Portuguesa ou Communauté des pays de langue portugaise) de juillet 1997 à Salvador da Baia (Brésil), puis en 1998 lors du Sommet du Cap-Vert. Pour justifier sa candidature à la CPLP, le gouvernement avait avancé que le pays était enclavé entre des pays francophones (Cameroun et Gabon) et anglophones (Nigeria) et qu'il faisait partie de l'«aire linguistique ibéro-américaine». La Guinée équatoriale, qui n'appartenait jusque-là à aucune organisation internationale fondée sur une langue commune, souhaitait être accueillie dans l'ensemble lusophone dont elle se considérait linguistiquement proche. Quoi qu’il en soit, la Guinée équatoriale fait maintenant partie de la Francophonie.

Cet engouement de la langue française en Guinée équatoriale n’est pas qu’une simple décision strictement politique sans impact réel. L’entrée du français en Guinée équatoriale se retrouve à tous les échelons de la société. Cette impulsion est sans doute due, d’une part, à la situation géographique du pays enclavé par de grands voisins francophones (d’abord le Cameroun et le Gabon, mais aussi le Congo-Brazzaville, le Congro-Kinshasa, la République centrafricaine, etc.) et, d’autre part, à l'essor économique que l’État guinéen espère retirer de son adhésion à la zone franc, surtout depuis que la France soutient la Guinée équatoriale d’une aide annuelle de 4,5 millions de francs (équivalant à 642 000 $US) afin d'aider l'enseignement et la diffusion du français. N’eût été de cet essor vers la Francophonie, la Guinée équatoriale serait restée l’un des pays les plus isolés du monde.

Beaucoup d’observateurs note que la France a supplanté définitivement l’Espagne en Guinée équatoriale, à l’instar du Rwanda et du Burundi avec la Belgique. Les dirigeants équato-guinéens jouent sur la rivalité France-Espagne en insinuant, par exemple, que Paris «comprend mieux» la réalité des pays africains. Comme par hasard, la coopération française a augmenté à quelque 12 millions de dollars US par an (surtout dans le domaine des finances et de l’enseignement du français, alors que l’Espagne, dont l'aide s'élevait annuellement à environ 25 millions de dollars, a diminué sa coopération de 50 %, à la suite de l'expulsion par Malabo du consul d'Espagne à Bata. Depuis plusieurs années, chaque fois que les autorités espagnoles prennent des décisions au sujet de la Guinée équatoriale, elles se demandent toujours quelle sera la contrepartie de la France.

- Une dictature qui perdure

Par ailleurs, en l'an 2000, alors que son pays croulait sous les dettes et était toujours considéré comme l’un des plus pauvres de l’Afrique, le président décida de déménager sa capitale, Malabo, de l’île de Bioko à Bata, sur le continent... pour des raisons de sécurité. En principe, le déménagement serait temporaire. «D'une durée indéterminée», le transfert du gouvernement pourrait durer entre un an et trois ans (selon des sources officieuses). Selon un ministre d’État du gouvernement, le déménagement devrait permettre la «réorganisation et la modernisation de toutes les administrations publiques de la capitale provinciale du Río Muni (Bata), en vue de les rendre plus efficaces et plus dynamiques». Cependant, la quasi-totalité des membres du gouvernement ne se rendra pas à Bata; Malabo étant la capitale constitutionnelle du pays, une équipe de ministres doit rester sur place en vue d'assurer le fonctionnement normal des services administratifs.

Évidemment, la Guinée équatoriale fait encore l’objet de nombreuses dénonciations en matière des droits de la personne. Le processus de démocratisation engagé en 1991 et poursuivi en avril 1997 avec l'accord conclu entre le gouvernement et les partis politiques demeure toujours compromis. Les opposants politiques continuent d’être incarcérés sans procès, notamment dans le bagne de Playa Negra, situé dans l’enceinte même du palais présidentiel. La Guinée équatoriale est un pays riche... sur papier. Ses importantes réserves de pétrole et de gaz naturel sont exploitées par les pétrolières américaines  Exxon Mobil et Chevron, qui génèrent de revenus de plus de trois milliards de dollars annuellement. Dans son rapport annuel de 2005, Amnistie internationale notait que les droits humains étaient régulièrement bafoués en Guinée équatoriale, et que la torture des prisonniers politiques, de même que les tribunaux corrompus, y sont monnaie courante.

En juillet 2007, le président Teodoro Obiang Ngumema a annoncé la décision du gouvernement d'adopter le portugais comme troisième langue du pays afin de devenir membre de plein droit de la CPLP (Communauté des pays de langue portugaise). En 2011, la Guinée équatoriale se dotait d'une troisième langue officielle: le portugais par le Décret-loi n° 1/2010 déclarant le portugais comme langue officielle:

Artículo 4 (2011)

1) Las Lenguas Oficiales de la República de Guinea Ecuatorial son el Español, el francés y el portugués. Se reconoce las lenguas aborígenes como integrantes de la cultura nacional

Article 4 (2011)

1) Les langues officielles de la république de Guinée équatoriale sont l'espagnol, le français et le portugais. Les langues aborigènes sont reconnues comme partie intégrante de la culture nationale.

Un référendum eut lieu le 13 novembre 2011; l'officialisation du portugais devint effective le 23 novembre suivant. Le gouvernement s'attendait à ce que cette officialisation puisse contribuer à une plus grande intégration économique de la Guinée équatoriale avec les pays voisins qui sont membres de la Communauté des pays portugais de langue : le PALOP, "Países Africanos de Língua Oficial Portuguesa" («Pays africains de langue officielle portugaise»). On sait que le PALOP regroupe six pays lusophones d'Afrique formé en 1996: l'Angola, le Mozambique, la Guinée-Bissau, le Cap-Vert, Sao Tomé-et-Principe et la Guinée équatoriale. Ces pays, sauf la Guinée équatoriale, font aussi partie de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP: "Comunidade dos Países de Língua Portuguesa"), ce qu'on peut appeler aussi la LUSOPHONIE. Le gouvernement a signalé que l’intégration de cette nouvelle langue, le portugais, aux deux autres langues officielles des Équato-Guinéens (l'espagnol et le français) répond aux positions stratégiques du ministère des Affaires étrangères pour avancer dans la mondialisation et pour en finir avec l’isolement qui a tellement nui au pays dans les relations internationales traditionnelles. Depuis une trentaine d'années, la langue espagnole est sortie affaiblie des politiques gouvernementales. Les générations qui devaient en assurer l'usage furent bien souvent formées à l'étranger et sont devenus de moins bons locuteurs de l'espagnol. Certains ministres équato-guinéens sont aujourd'hui incapables de s'exprimer correctement dans cette langue.

En 2012, un nouveau texte de la Constitution de la Guinée équatoriale fut officiellement promulguée le 16 février, avec le résultat que le portugais n'est plus une langue officielle:

Artículo 4

1) Las lenguas oficiales de la República de Guinea Ecuatorial son el Español, el Francés y las que la Ley determine. Se reconocen las lenguas autóctonas como integrantes de la cultura nacional.

Article 4

1) Les langues officielles de la république de Guinée équatoriale sont l'espagnol, le français et celles déterminées par la loi. Les langues autochtones sont reconnues comme partie intégrante de la culture nationale.

En fait, le portugais a été remplacé par «celles déterminées par la loi». En fait,  la Guinée équatoriale n'a pu devenir membre de la CPLP avant 2014, c'est-à-dire de la Communauté des pays de langue portugaise (Comunidade dos Países de Língua Portuguesa), car elle avait obtenu auparavant le statut d'«observateur», comme le Sénégal et l'île Maurice. Depuis lors, le président équato-guinéen, Teodoro Obiang Nguema, semble vouloir propager l'idée d'instituer le fang, langue vernaculaire parlée par plus de 80 % de la population de son pays, comme langue officielle. Le président soutient que les Espagnols parlent l'espagnol, les Portugais s'expriment en portugais, les Français en français, les Italiens parlent italien, les Grecs, le grec, etc., chacun à sa langue. Alors, pourquoi, en Afrique, il faut toujours qu'on parle le français, l'anglais ou l'espagnol ? C'est vrai, mais il oublie aussi l'arabe dans le nord de l'Afrique. Quoi qu'il en soit, le portugais est maintenant une langue officielle en Guinée équatoriale.

En 2013, une Académie équato-guinéenne de la langue espagnole (Academia Ecuatoguineana de la Lengua Española) a été fondée; elle a rejoint l'Association des académies de langue espagnole (Asociación de Academias de la Lengua Española) en 2016. Celle-ci a été créée à Mexico en 1951 et comprend les 22 académies de la langue espagnole existant dans le monde. Elle comprend actuellement les Académies espagnoles de 23 États : l'Espagne, 18 États latino-américains indépendants, Porto Rico, la Guinée équatoriale, les Philippines et les États-Unis. L'espagnol est langue officielle (en droit ou en fait) dans les 21 premiers États (éventuellement avec d'autres langues), mais non aux Philippines ni aux États-Unis.

Le président Teodoro Obiang a désigné son fils aîné, «Little Teodoro», pour lui succéder au pouvoir après sa mort. Le chef de l'État s'est vu garantir l'immunité contre toute poursuite judiciaire et toute mise en accusation. Teodoro Obiang est devenu peu fréquentable: en plus des allégations de corruption, il est accusé de mener son pays d'une main de fer, d'exiler, d'emprisonner et de torturer tous ses opposants. Le régime du président Obiang, même s'il est officiellement présenté comme une démocratie multipartite, est considéré comme l’un des plus corrompus et des plus brutaux de l’Afrique. D'importants revenus pétroliers contribuent à améliorer la situation économique du pays, mais une grande partie de la population en est privée en raison d'une répartition inégalitaire de la richesse. La Guinée équatoriale est également minée par de graves problèmes de népotisme et de corruption. Le pouvoir est entre les mains d’une dizaine de personnes, toutes proches de la famille du président, c'est-à-dire son fils, sa femme, ses frères, etc. Le président Obiang sait que l'image négative de son fils rend difficile cette succession. Même si son rang progresse, la Guinée équatoriale est classée en 115e position sur 179 pays, alors que ses revenus devraient lui permettre de prétendre à une bien meilleure place. Ces insuffisances freinent l’essor économique du pays.

4 La politique linguistique

Comme on le verra, la politique linguistique reste très simple en Guinée équatoriale. Le texte constitutionnel de 2012, officiellement promulgué le 16 février, ne proclame que deux langues officielles, en plus de celles qui seraient déterminées par la loi:
 
Article 4

1) Les langues officielles de la république de Guinée équatoriale sont l'espagnol, le français et celles déterminées par la loi. Les langues autochtones sont reconnues comme partie intégrante de la culture nationale.

Bref, on ne sait plus trop combien il y a de langues officielles en Guinée équatoriale, mais en l'absence d'une loi précise à ce sujet, on peut déduire qu'il n'en existe que deux, l'espagnol et le français.  

4.1 La législature

Au Parlement (Cámara de Representantes del Pueblo : Chambre des représentants du peuple), lorsque les parlementaires siègent (et que le Parlement n’est pas suspendu!), ils délibèrent seulement en espagnol, alors que les lois sont rédigées et promulguées dans cette unique langue, bien que le français soit aussi co-officiel.

Par ailleurs, les lois, décrets et décisions du gouvernement équato-guinéen ne sont toujours pas publiés régulièrement et demeurent par conséquent ignorés non seulement des citoyens, mais également par l'Administration, notamment par les autorités régionales qui s'abritent ordinairement derrière leur ignorance pour dénier des droits garantis par la loi.

4.2 L'administration publique

Dans l’Administration publique, les services sont généralement fournis en espagnol, mais le fang est utilisé dans les communications orales. Pour sa part, la Présidence utilise le français ou l’espagnol dans ses relations avec l’extérieur. On estime que 85 % des cadres intellectuels ou techniques ne sont pas rentrés d'exil et se sont vraisemblablement francisés; lorsqu’ils rentreront un jour d’exil.

Le 16 novembre 2011, l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie) et la Guinée équatoriale ont signé à Malabo un mémorandum visant à renforcer les capacités de travail en français de 120 diplomates et fonctionnaires équato-guinéens en charge de dossiers internationaux et multilatéraux, en partenariat avec la fédération Wallonie-Bruxelles, le grand-duché de Luxembourg et la France. L’accord prévoit le déploiement sur une période de trois ans d’un plan de formation au/en français de 120 diplomates et fonctionnaires équato-guinéens spécialisés dans le suivi de dossiers internationaux et multilatéraux, susceptibles de travailler auprès d’organisations régionales et internationales.

4.3 La justice

Les textes juridiques sont avares en ce qui concerne l'emploi des langues en matière de justice.  En principe, seul l’espagnol est autorisé, mais le fang est employé à l’oral dans les cas de force majeure, c'est-à-dire lorsqu'on ne peut faire autrement. En ce cas, la présence d'un interprète peut être nécessaire si toutes les parties ne comprennent pas cette langue.

Seul un article du Code civil utilisé en 1889 par les autorités coloniales espagnoles fait mention de la langue du testateur en présence du notaire. Il s'agit de l'article 684 qui autorise le notaire à recourir aux soins d'un interprète sil ne connaît pas la langue du testateur. Le même article modifié en 1960 impose la traduction en castillan:

Article 684

Lorsque le testateur exprime ses volontés dans une langue que le notaire ne connaît pas, la présence d'un interprète, choisi par celui-ci est nécessaire pour traduire les dispositions testamentaires à l'agent officiel au lieu d'émission qu'utilise le notaire.

Le document doit être rédigé dans les deux langues, en indiquant ce qui a été employée par le testateur.

Le testament ouvert et l'acte d'enregistrement peuvent être rédigés dans la langue étrangère dans laquelle s'expriment le testateur et l'agent officiel qu'utilise le notaire, lorsque celui-ci la connaît.

Article 684 (modification publiée le 23 juillet 1960)

Pour tester dans une langue étrangère il est requis la présence de deux interprètes choisis par le testateur pour traduire ses volontés en castillan. Le testament doit être rédigé dans les deux langues

Le Code civil est demeuré d'origine coloniale et n'a jamais été modifié après l'indépendance de la Guinée équatoriale en 1968.

4.4 L'éducation

La première loi sur l'éducation, la Ley General de Educación de Guinea Ecuatorial («Loi générale sur l'éducation de la Guinée équatoriale») fut adoptée en 1981, avant d'être remplacée par la Ley de Educación n° 14/1995 de fecha 9 de enero («Loi sur l'éducation n° 14/1995 du 9 janvier»). Cette loi, toujours en vigueur jusqu'en 2007, prévoit que le système d'éducation de la Guinée équatoriale compte cinq niveaux:

1. Enseignement préscolaire (trois ans);
2. Enseignement primaire de deux cycles (1re, 2e, 3e, puis 4e et 5e);
3. Enseignement moyen de sept ans, comprenant sept cours d'enseignement secondaire;
4. Formation professionnelle formelle, de deux cycles.
5. Enseignement supérieur ou universitaire.

La loi de 1995 a été remplacé en 2007 par la loi n° 5/2007 du 30 octobre modifiant la loi n° 14/1995 du 9 janvier sur la réforme du décret-loi sur l'enseignement général. Le titre réel de la loi sur l'éducation est le suivant: Ley sobre Educación General en Guinea Ecuatorial, ce qui correspond à «Loi sur l'enseignement général en Guinée équatoriale». Cette nouvelle loi a réorganisé les règles en éducation à tous les niveaux. Mais, une fois de plus, la possibilité d'une véritable appropriation des langues nationales semble perdue, car la nouvelle loi prévoit, pour la première fois, la possibilité d'enseigner les langues nationales en option (art. 24.4), ce qui peut être considéré comme un pas en avant. Il s'agit donc d'une possibilité, non d'un fait.

En Guinée équatoriale, l'enseignement primaire est obligatoire et gratuit pour une période de cinq ans pour les jeunes de six à onze ans. L'enseignement secondaire, qui dure sept ans, est divisé en deux cycles, le premier en quatre ans et le second en trois ans. Dans le domaine de l'enseignement supérieur, l'Université nationale de Guinée équatoriale (Universidad Nacional de Guinea Ecuatorial : UNGE) compte six collèges. Il existe un partenariat entre l'Université nationale de Guinée équatoriale et l'Université nationale espagnole de l'enseignement à distance (Universidad Nacional de Educación a Distancia : UNED). Pour sa part, la France apporte une aide économique considérable, selon les programmes du gouvernement équato-guinéen, alors qu'il est prévu d'intégrer le français comme langue obligatoire dans les écoles, ce qui pourrait modifier la prédominance actuelle de l'espagnol.

L'article 15 de la Loi sur l'enseignement général de 2007 mentionne, comme l'un des éléments du programme au préscolaire, les «activités langagières» ("actividades del lenguaje"), sans préciser de quoi il s'agit:

Article 15

L'enseignement préscolaire comprend les éléments suivants: les jeux, les activités langagières, l'expression rythmique, l'observation de la nature, les exercices logiques et numériques, le développement du sens communautaire et des activités morales.

En quoi consiste les activités langagières? S'agit-il de l'espagnol ou des langues nationales? On l'ignore.

L'article 17 de la Loi sur l'enseignement général porte sur l'enseignement primaire; est décrite ici la formation de base:

Article 17

Dans l'enseignement primaire, la formation est orientée sur le développement de l'acquisition et l'utilisation fonctionnelle des habitudes et des techniques instrumentales d'apprentissage ; l'exercice dans les capacités d'imagination, d'observation et de réflexion; l'acquisition de notions et d'habitudes morales à développer pour renforcer la coexistence et le sentiment d'appartenance à la communauté locale, nationale et internationale; l'initiation de l'appréciation et de l'expression artistique et esthétique, ainsi que le développement social du sens civique et des capacités physiques sportives.

L'article 18 de la loi fait état, comme activités pédagogiques au primaire, de l'étude des langues officielles — il y en deux (espagnol et français) — et de l'initiation en 4e année d'une langue seconde: 

Article 18.1

Les domaines d'activités pédagogiques sur ce niveau incluent l'étude des langues officielles et l'initiation obligatoire en quatrième année d'une langue seconde ; la connaissance de la réalité du monde social et culturel, en se référant en particulier à l'Afrique, les notions concernant le monde physique et mathématique, les activités domestiques et quelques autres permettant de passer au niveau suivant, mais aussi la capacité de formation pour faciliter leur intégration dans la société.

Dans les écoles primaires, en dépit des préoccupations constitutionnelles à l’égard des langues nationales, seule la langue espagnole a droit de cité comme langue d’enseignement. Les cours ne sont donnés que dans cette langue, du primaire à la fin du secondaire.

Au secondaire, selon l'article 24.3, les principales matières du tronc commun sont celles qui sont obligatoires pour toutes les options, par exemple, la langue espagnole, la langue française, etc.:

Article 24.2

Toutes les options doivent avoir des matières du tronc commun, avec des matières facultatives et spécifiques.

Article 24.3

Les principales matières du tronc commun sont celles qui sont obligatoires pour toutes les options, par exemple, la langue espagnole, la langue française, l'éducation physique et l'entraînement sportif, etc.

Le français est devenu la langue seconde obligatoire pour tout le secondaire. Les autorités équato-guinéennes estiment qu'une bonne maîtrise de l’espagnol facilite l’apprentissage du français et, à l’inverse, lors de l’apprentissage du français, les élèves auront l’occasion de compléter leurs connaissances en espagnol.

Quant aux langues nationales, elles font partie des «disciplines facultatives» ("asignaturas optativas") à l'école secondaire :   

Article 24.4

Sont des disciplines facultatives celles dont le choix dépend de l'élève en particulier: par exemple la langue choisie, la religion, la musique, les langues vernaculaires, etc.

Article 24.5

Des disciplines spécifiques celles qui sont propres à chaque domaine ou option éducative, par exemple les mathématiques, la physique, la chimie et de dessin pour le domaine des sciences et de la technologie; le latin, le grec, la philosophie, l'histoire de l'art pour le domaine des sciences humaines.

Les langues nationales concernées sont le poular, le soninké et le wolof. La loi ne mentionne jamais la langue arabe dans le système d'enseignement. Mais normalement, cette langue est introduite en 2e année comme langue seconde à l'oral, et en 3e année comme langue écrite.

- L'enseignement du français

La langue française est enseignée dans toutes les écoles secondaires du pays et con concerne plus de 40 000 élèves chaque année. fin d'aider la Guinée équatoriale, le gouvernement français a signé, en 1984, un accord de coopération sur l'enseignement du français : Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la république de Guinée équatoriale relatif aux instituts culturels d'expression française de Malabo et de Bata (1984). Cet accord entre la France et la Guinée équatoriale de 1984 (encore en vigueur) oblige les instituts instituts culturels d'expression française de Malabo et de Bata à apporter au ministère équato-guinéen de la Culture et de l'Éducation leur assistance technique pour la formation, le soutien pédagogique et le recyclage des professeurs de français ainsi que pour le fonctionnement des classes de français.

Article ler

Les instituts culturels d'expression française de Malabo et de Bata apportent au ministère équato-guinéen de la Culture et de l'Éducation leur assistance technique pour la formation, le soutien pédagogique et le recyclage des professeurs de français ainsi que pour le fonctionnement des classes de français.

Article 2

Les instituts organisent également des cours de français d'initiation ou de perfectionnement à l'intention des fonctionnaires et des cadres équato-guinéens ainsi que, dans la mesure du possible, des séjours d'étude en France ou dans les pays francophones.

Article 3

Les instituts offrent les activités culturelles de langue française telles que bibliothèque de lecture publique, périodiques. Lieux de rencontre et d'échanges d'idées, ils ont pour mission de développer la coopération culturelle entre les deux pays, et d'aider à mieux faire connaître les valeurs culturelles et l'identité équato-guinéennes.

Au cours de la dernière décennie, en réponse à une demande constante des autorités équato-guinéennes, la coopération française a mis en place des projets pour encourager le développement de l’usage du français. Ces projets visaient à implanter une capacité d’encadrement et de formation continue des professeurs de français de l’enseignement secondaire, à développer une méthode et des programmes d’enseignement assistés de manuels afin d’étendre l’enseignement du français en milieu scolaire. Parallèlement, une formation des adultes a été mise en place dans le cadre de l’Institut culturel d’expression française. De plus, la formation professionnelle en français des agents de l’État semble produire des cadres en mesure d'œuvrer avec les institutions francophones de la région.

- L'alphabétisation des adultes

Le taux d’alphabétisation (définition gouvernementale: tout jeune âgé de 15 ans et plus, sachant lire et écrire) semble relativement élevé pour un pays aussi pauvre: 89 % pour les hommes et 68 % pour les femmes (moyenne totale de 78,5 %). En 2006, le Comité des politiques de développement (Committee for Development Policy ou CDP) notait que le taux d'alphabétisation des adultes était de 84 %. Un rapport du ministère de la Planification et du Développement économique, en 2002, estimait que 88,7 % de la population équato-guinéenne savait lire et écrire, c'est-à-dire 90,8 % chez les hommes et 87,7 % chez les femmes. Selon l'UNESCO, le taux d'alphabétisation était de 80,7 % en 2000-2006, contre 62 % pour l’ensemble de l’Afrique centrale.

- Les difficultés du système d'éducation

Le système d’éducation de la Guinée équatoriale se relève encore d'une douzaine d'années d'un régime dictatorial, qui a pris fin en 1990, mais qui a laissé le pays sans ressources humaines, enseignants et autres, en nombre suffisant et sans infrastructure adéquate. En 2007, le gouvernement reconnaissait que l'éducation se portait mal en raison du nombre insuffisant d'écoles et de centres de formation professionnelle, ainsi que par l'absence d'infrastructures adéquates dans le domaine de l’éducation, que ce soit l'eau potable, le mobilier, l'électricité, l'informatique, etc.

Le ministère de l'Éducation signale que la moitié des enseignants n'ont pas la formation nécessaire, que la moitié des élèves inscrits au primaire sont d'un âge supérieur à celui de leur classe, et que le taux d'abandon scolaire s’établit à environ 20 % par année. Bref, le domaine de l’éducation manque de professeurs, de locaux et de manuels scolaires. Les faits démontrent que 44 % des enseignants ont complété une scolarité de niveau secondaire et que 16 % sont des «bénévole». De plus, si le taux net de scolarisation au primaire atteint les 97 %, le taux d'achèvement du primaire n'est que de 33 %, ce qui réduit d'autant plus l'accès au secondaire. Le problème, c’est que dix fois moins d’élèves ont accès au secondaire, et que seul l’enseignement primaire reste relativement développé. De plus, on estime qu’il y aurait 40 000 jeunes réfugiés de moins de 15 ans qui s'éloigneraient des modèles de la culture espagnole; la plupart sont dans des pays francophones. Un projet d'enseignement de l'usage «correct» d'espagnol est à l'étude.

4.5 La vie économique et les médias

En Guinée équatoriale, la vie économique se déroule en espagnol, voire en français (de plus en plus), sauf pour les communications informelles (orales), généralement en fang. Les produits manufacturés apparaissent avec des étiquettes ou des modes d’emploi en espagnol, en français et parfois en anglais.

Les journaux espagnols sont les suivants: El Tiempo, La Opinión, La Gaceta, El Ebano, La Verdad, La Voz del Pueblo. Il existe trois stations de radio importantes en Guinée équatoriale: Radio Malabo, Radio Bata, oz de Centro Sur et Voz de Kie Ntem. Ces radios diffusent en espagnol, en fang, en français et en anglais. La Radio Nacional de Guinea Ecuatorial diffusent ses émissions télévisées à partir de Malabo et de Bata.

En ce qui a trait à la langue espagnole et aux langues nationales, la politique linguistique de la Guinée équatoriale en est une de non-intervention. Depuis l’indépendance, l’État n’a fait que reconnaître l’utilisation de l’espagnol comme langue officielle, jugeant sans doute plus aisé de perpétuer la langue coloniale dans toutes les instances de l’État: la Présidence, le Parlement, l’administration, la justice, les écoles, les médias, etc. Non seulement le gouvernement équato-guinéen ne se préoccupe aucunement des langues nationales, mais la tendance est de dénigrer ces langues au profit de l’espagnol... et maintenant du français, parfois du portugais. La politique linguistique, apparemment généralisée, est de soutenir que les langues nationales n’ont aucun avenir dans les domaines politique et commercial et qu’il faut apprendre l’espagnol pour réussir, sinon le français, parce que cette langue est officielle des pays voisins (Cameroun, Gabon, Congo-Brazzaville, etc.) et, depuis 1998, la «seconde langue officielle». Dans ce cas, on pourrait dire qu'il ne s’agit plus de la non-intervention, mais d’un bilinguisme de transition.

La rivalité qui oppose présentement l’Espagne et la France en Guinée équatoriale n’est pas sans conséquence, notamment sur le statut des langues. N’oublions pas que la Guinée équatoriale reste le dernier pays de toute l’Afrique à soutenir encore l’espagnol comme langue officielle, alors qu’il est totalement enclavé par des États officiellement francophones. La dépendance linguistique et économique à l'égard de l'Espagne ne convient plus aux exilés équato-guinéens, qui représentent le quart de la population et vivent dans les pays francophones voisins. Si tous ces citoyens d’origine équato-guinéenne acquièrent depuis vingt ans d'autres modes de pensée que ceux légués par l'éducation en espagnol, il convient de s'interroger sur les possibilités de réinsertion lorsque ces exilés reviendront un jour ou l’autre dans leur pays et qu’ils retrouveront les moules hispaniques. Il est possible qu’à long terme l’imposition d’une «langue rare en Afrique», parlée au surplus comme langue seconde par 30 % d’une petite population, soit éventuellement remplacée par une langue beaucoup plus forte, le français. N’oublions pas que le français a acquis un statut de co-officialité depuis 1998 avec l’espagnol. Est-ce que ce statut préfigure le déclin de la première langue officielle au profit de la seconde? En tout cas, le processus de bilinguisme de transition est entamé. Le «vernis hispanique» risque de ne pas tenir encore très longtemps. Pour le moment, l'espagnol reste néanmoins la «première» langue officielle ce ce pays. Mais les élites guinéennes ne défendent plus l'espagnol. De toute façon, ce n'est pas «leur» langue.

Dans une conférence donnée à Dakar en novembre 2011, l'hispaniste équato-guinéen Justo Bolekia Boleká, de l' Université de Salamanque (Espagne), estimait que la langue espagnole en Guinée équatoriale est gravement menacée dans le seul État africain où elle est une langue officielle:

En lugar de convertirse en referente del hispanismo negroafricano, la desidia de las autoridades de este país está permitiendo que el español se pierda, amenazado por la creciente influencia de otras lenguas, como el francés y el portugués, y por el desinterés oficial.

Guinea Ecuatorial es un país huérfano dentro del mundo hispano, no porque se le haya impuesto, sino porque la misma Guinea Ecuatorial, siendo consciente de su complejo de inferioridad de cara a la lengua castellana, se ha automarginado de la hispanidad”
Au lieu de devenir une référence de l'hispanisme négro-africain, la négligence des autorités de ce pays a permis que l'espagnol se perde, menacé par l'influence croissante des autres langues, comme le français et le portugais, et par désintérêt officiel. [...]

La Guinée équatoriale est un pays orphelin dans le monde hispanique, non pas qu'elle est été rejetée, mais parce que la Guinée équatoriale, consciente de son complexe d'infériorité face à la langue espagnole, s'est elle-même auto-marginalisée de l'hispanité.

De fait, ce méli-mélo concernant l'officialité des langues, l'espagnol, le français et le portugais, ne présage rien de bon non seulement pour l'hispanité, mais également pour la vie économique. Il ne serait pas étonnant que le gouvernement finisse aussi par imposer l'anglais comme quatrième langue officielle, question de faire flèche de tout bois.

Or, la multiplication des langues co-officielles ne constitue pourtant pas une recette efficace pour combattre la pauvreté. Ce n'est pas parce que le site officiel de la république de Guinée équatoriale serait lu en espagnol, en français, en portugais et en anglais que le pays deviendrait prospère. Sans une vraie démocratisation, le pouvoir demeurera entre les mains d’une poignée d'individus, tous proches de la famille du président Obiang. D'un côté, le président veut voir son fils Teodorin lui succéder; de l'autre, les frères du président (Armengol et le général Mba Nguema) considèrent Teodorin Obiang comme un incapable et un individu dangereux. Pendant que les dirigeants équato-guinéens et leurs proches continuent de puiser dans les caisses de l'État pour s'enrichir, la plus grande partie de sa population croupit sous le poids de la misère, et ce, malgré la production du pétrole qui procure des revenus considérables au pays, mais qui restent entre les mains de quelques individus. Selon l’Indice 2008 de perception de la corruption publié par Transparency International, la Guinée équatoriale est le huitième pays perçu comme  le plus corrompu au monde. La Guinée équatoriale se trouve en queue de peloton avec l'Irak, la Syrie, la Libye, le Soudan et le Sud-Soudan, le Tchad, la Guinée-Bissau, Haïti, le Turkménistan, l'Ouzbékistan et le Yémen. Dans ces conditions, les organisations de défense des droits humains semblent être les seules à se battre aux côtés des Équato-Guinéens pour l'instauration d’une démocratie réelle dans leur pays.

Dernière mise à jour: 16 nov. 2023

Bibliographie

ENDERS, Armelle. Histoire de l’Afrique lusophone, Paris, Éditions Chandeigne, 1994.

ENCYCLOPÉDIE MICROSOFT ENCARTA, 2004, art. «Guinée équatoriale», pour la partie historique.

LINIGER-GOUMAZ, Max. Guinée équatoriale, 30 ans d'État délinquant nguemiste, Paris, L’Harmattan, 159 p.

MILAM, «Le Portugal et l'Afrique, brève histoire d'un empire», sans lieu,
[http://perso.club-internet.fr/antman/portugal/port-afr.html].

NATION UNIES. Rapport sur la situation des droits de l'homme en république de Guinée équatoriale, Genève, 25 janvier 1999, E/CN.4/1999/41.

RAMONET, Ignacio. «Linceul de silence» dans Le Monde diplomatique, Paris, janvier 1994, p. 1.

 

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