Royaume du Danemark

Danemark

3) La politique linguistique

1  Le statut du danois

Traditionnellement, le Danemark n'a jamais eu de politique linguistique développée au sujet de la langue danoise, dont le statut est celui d'une langue officielle dans les faits (de facto). De façon générale, les linguistes danois ont toujours cru que le mieux que l'on puisse faire, c'était de laisser la langue danoise s'occuper d'elle-même, sans intervention politique. C'est ainsi que toute planification linguistique était considérée comme suspecte, voire inutile, car les changements éventuellement apportés au danois pouvaient être perçus comme «puristes», que ce soit l'intégration des mots étrangers dans l'orthographe, la prononciation ou le système flexionnel, ce qui rendrait les emprunts moins étrangers. Pour les divers gouvernements danois, les interventions législatives en faveur du danois ont toujours paru inutiles, puisqu'il ne paraissait pas possible de modifier le statut du danois dans la société de façon à contrer les «forces du marché». C'est pourquoi l'État n'a jamais adopté de législation sur la langue officielle ou nationale.

Par conséquent, le statut juridique du danois n'est défini ni dans la Constitution ni dans quelque loi que ce soit. En réalité, le danois est la langue officielle du Danemark dans les faits (de facto), non par la loi (de jure). Il n'existe à peu près pas dispositions juridiques (Constitution, lois, décrets, etc.) réglementant la langue danoise au Danemark. Le règlement intérieur du Folketing ne mentionne pas davantage la langue danoise, bien qu'il soit rédigé en danois, tandis que le Manuel des travaux parlementaires ne porte que sur l'orthographe dans la rédaction des lois et des règlements. La Loi sur l'Église ne précise pas plus le danois comme langue officielle. Même si les lois scolaires mentionnent à plusieurs reprises le danois, aucun des textes ne proclame que le danois est une langue officielle, y compris la Loi sur les universités. Ce n'est que dans le Code de procédure civile (2023) qu'on trouve une formulation allant peut-être en ce sens, puisque l'article 149 énonce que «la langue judiciaire est le danois». Les textes législatifs susceptibles de donner au danois le statut de langue officielle sont donc assez limités. En fait, la plupart des textes juridiques traitant de la langue sont des lois scolaires destinées à assurer la maîtrise du danois aux nouveaux arrivants et leur intégration dans la société d'accueil.

Au fil des années, des propositions ont été présentées au Parlement, le Folketing, pour introduire une véritable loi linguistique au Danemark traitant aussi du rôle social du danois, mais ces tentatives n'ont jamais reçu de soutien politique. La réglementation que l'on trouve au Danemark concernant le Conseil de la langue danoise ne porte pas sur le danois en termes de statut, car elle met l'accent sur l'orthographe danoise.

2 Les langues de la législation

Le Parlement danois, le Folketing, compte 179 députés, dont deux représentants le Groenland et deux autres les îles Féroé. Des élections générales doivent avoir lieu tous les quatre ans, mais il appartient au premier ministre de demander au souverain de convoquer des élections avant la fin du mandat.

Les parlementaires ne se sont jamais préoccupés de l'emploi de la langue danoise au Folketing, jusqu'à ce que, en mai 2023, Mme Aki-Matilda Hoegh-Dam, jeune députée depuis 2019, s'est exprimée et a répondu à des questions en groenlandais lors d'un débat parlementaire, ce qui a provoqué les protestations de certains législateurs, car la députée avait refusé de traduire ses propos. Ce faisant, elle s'est trouvée à mettre en lumière les relations tendues avec le Groenland, territoire autonome au sein du Royaume du Danemark.

Finalement, les députés groenlandais et féroïens élus au Parlement danois pourront bénéficier désormais de ressources pour embaucher des interprètes et de plus de temps pour traduire leurs propos lorsqu'ils s'expriment dans la langue co-officielle de leur «pays constitutif». La présidence de l'Assemblée a toutefois rejeté les appels du parti de Hoegh-Dam visant à introduire l'interprétation simultanée, car cela est jugé «trop coûteux». Un tel modèle coûterait 200 millions de couronnes danoises supplémentaires, soit 28,5 millions de dollars par an. Une somme colossale pour quatre députés. Autrement dit, il leur faudra prévenir l'Assemblée pour quérir un interprète.

Néanmoins, le Manuel des travaux parlementaires (2023) nous offre la possibilité de constater quelles sont les préoccupations linguistiques des parlementaires.

1) Respecter l'orthographe danoise prescrite dans le Dictionnaire orthographique;
2) Effectuer une uniformité judicieuse dans la
liberté de choix en matière d'orthographe et de ponctuation;
3) Corriger les
erreurs linguistiques réelles dans les propositions législatives.

Voici le texte en question:
 

Article 6.3

Lignes directrices pour les corrections rédactionnelles

Les corrections rédactionnelles apportées par l'administration du Folketing en relation avec les versions ultérieures des propositions de lois et des résolutions doivent respecter des règles directrices spécifiques. Parmi les plus importantes, on peut citer les suivantes :

6.3.1 Le Dictionnaire orthographique

L'orthographe danoise doit être respectée par toutes les parties de l'administration publique, par le Folketing et par les autorités liées au Folketing ainsi que par les tribunaux (article 2, paragraphe 1, de la Loi danoise sur l'orthographe). L'orthographe danoise est fixée par le Conseil de la langue danoise et publiée dans le Dictionnaire orthographique du Conseil. Toutes les propositions législatives et les résolutions doivent donc respecter les règles du dictionnaire orthographique.

6.3.2 Le choix orthographique du Folketing

Dans un certain nombre de cas, le Dictionnaire orthographique offre une liberté de choix en matière d'orthographe et de ponctuation. Il existe cependant une pratique de longue date selon laquelle le Folketing choisit dans la plupart des cas certaines de ces formes facultatives. Cela est dû, entre autres, à la considération de l'uniformité, et cette considération a été renforcée suite à l'introduction de l'informatique et du traitement de texte avec les possibilités offertes par la recherche de mots et d'expressions spécifiques. Dans le travail quotidien avec les textes du Parlement danois, une certaine uniformité est également une nécessité pratique. Il serait difficile d’administrer un arrangement dans lequel les différents fournisseurs de textes au Folketing, c’est-à-dire en particulier les ministères et les groupes parlementaires, auraient chacun leur propre pratique en matière d’orthographe et de ponctuation, qui doit être respectée dans les textes traités au Folketing. [...]

6.3.3 Erreurs linguistiques

Les erreurs linguistiques réelles dans les propositions législatives et les résolutions doivent bien entendu être corrigées lorsque l'occasion se présente de le faire. Il s'agit par exemple de mots manquants, de mots mal utilisés, d'inflexions incorrectes, etc. La condition préalable à une correction éditoriale est bien entendu que le sens du texte en question ne soit pas modifié.

En somme, les interventions linguistiques portent sur le code orthographique et pas du tout sur le rôle social du danois. En fait, l'intervention porte sur l'orthographe danoise qui doit être respectée par toutes les parties de l'administration publique, par le Folketing et par les autorités liées au Folketing ainsi que par les tribunaux.  

Un fait semble important à souligner: la langue danoise au Parlement européen. Bien qu'il existe un excellent service de traduction, les parlementaires danois, y compris parfois le premier ministre, renoncent à parler le danois au Parlement européen. C'est ainsi qu'on a accusé la première ministre Helle Thorning-Schmidt (2011-2015) de nuire à la langue danoise en n'employant pas la langue officielle du Danemark au Parlement européen. Ce fut perçu comme un signe inquiétant!

3 La langue des tribunaux

La langue judiciaire est le danois, mais pas nécessairement la langue officielle.

3.1 Le danois

Tout juge peut exiger que les paroles prononcées au tribunal qui ne sont pas en danois soient traduites en danois parce qu'il n'est pas tenu de connaître une autre langue. Cette mesure s'applique aussi bien aux documents qu'aux explications des parties et des témoins, ainsi que, par exemple, aux interceptions de conversations se déroulant dans une langue étrangère. Les documents, les transcriptions d'interceptions, etc., sont généralement traduits avant d'être envoyés au tribunal.

Le Code de procédure civile (2023) n'impose pas la connaissance du danois pour les justiciables, mais uniquement pour le personnel judiciaire et les membres d'un jury. Selon l'article 149, la langue judiciaire est le danois, mais en matière civile le recours à un interprète peut être omis si aucune des parties ne le réclame et si la cour est convaincue qu’elle possède une connaissance suffisante de la langue étrangère
 

Article 149

1) La langue judiciaire est le danois. Les négociations et les interrogatoires avec les justiciables qui ne maîtrisent pas la langue danoise se font, dans la mesure du possible, avec l’aide d’un interprète qualifié ou d’un traducteur assermenté. Toutefois, en matière civile, le recours à un interprète peut être omis si aucune des parties ne le réclame et si la cour est convaincue qu’elle possède une connaissance suffisante de la langue étrangère. En outre, la citation à comparaître d’un interprète peut être dispensée dans le cadre d’une procédure pénale en vertu de l’article 831 ou du chapitre 80 si le tribunal et les autres acteurs du procès ont les connaissances nécessaires de la langue étrangère et que celle-ci est par ailleurs considérée comme non nuisible.

2) Les documents rédigés dans une langue étrangère doivent être accompagnés d’une traduction qui, à la demande du tribunal ou d'une partie, doit être certifiée conforme par un traducteur qualifié ou assermenté. Toutefois, la traduction peut être dispensée si les deux parties sont d’accord et si la cour est convaincue qu’elle a une connaissance suffisante de la langue étrangère.

Si la langue judiciaire est le danois, cela ne signifie pas que c'est la langue officielle, même si la formulation s'en rapproche.

3.2 Les langues étrangères

La langue étrangère peut être l'anglais, mais il peut s'agit aussi du suédois ou du norvégien, langues que tous peuvent comprendre. En dépit des règles énoncées aux paragraphes 1 et 2 de l'article 49, un ressortissant d’un autre pays nordique peut d'ailleurs présenter des documents rédigés dans sa langue (le suédois, le norvégien, l'islandais, le féroïen, voire le groenlandais). Toutefois, le tribunal fera traduire le document en danois si la partie adverse le demande ou si la cour le juge nécessaire. À la demande d’un ressortissant d’un autre pays nordique, le tribunal doit faire traduire dans la langue étrangère étrangère en question les documents présentés par la partie adverse. Les frais d’interprétation dans les procès auxquels un citoyen d’un autre pays nordique est partie prenante sont à la charge du Trésor. De plus, selon l'article 69 du Code de procédure civile, la maîtrise de la langue danoise est obligatoire pour exercer les fonctions de juré et de juge.

3.3 La langue des signes

Dans les faits, le recours à un interprète vaut pour les personnes souffrant d'une déficience auditive. La Loi sur l'interprétation pour les personnes malentendantes (2013) traite ainsi des personnes malentendantes:
 

Article 3

Groupe cible

Le groupe cible de la solution d'interprétation commune est constitué des sourds, des sourds-aveugles, des personnes gravement malentendantes, qui ont un handicap auditif à tel point qu'ils ont besoin d'un interprète pour pouvoir communiquer avec les autres.

Article 4

Définition

Dans la présente loi, l'interprétation s'entend comme l'assistance d'un interprète qualifié aux personnes malentendantes, afin qu'elles puissent communiquer avec d'autres.

De façon générale, en matière pénale, c'est le parquet qui se charge de la traduction, tandis qu'en matière civile c'est la partie qui souhaite présenter le document qui se charge de le faire traduire. Lorsqu'une personne qui doit comparaître ne parle pas danois, il est en revanche nécessaire qu'un interprète participe à l'audience.

3.4 La non-discrimination

Par ailleurs, le Code pénal (2006) interdit de menacer ou de dénigrer un groupe de personnes pour des motifs d'origine nationale ou ethnique:

Article 266b

1) Quiconque, publiquement ou dans l'intention de le propager dans un cercle plus large, fait une déclaration ou un autre message par lequel un groupe de personnes est menacé, moqué ou dénigré pour des motifs de race, de couleur de peau, d'origine nationale ou ethnique, de convictions ou d'un handicap, ou en raison de l'orientation sexuelle, de l'identité de genre, de l'expression de genre ou des caractéristiques de genre du groupe en question, sera passible d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à deux ans.

2) Lors de l'imposition de la peine, le fait que la relation ait le caractère d'activités de propagande doit être considéré comme une circonstance particulièrement aggravante.

Dans les faits, cette disposition équivaut à une interdiction de discrimination.

4 La langue de l'État

La langue danoise a toujours été employée dans l'administration de l'État. Les Danois n'ont jamais eu besoin d'une législation pour imposer leur langue auprès des divers services administratifs. De fait, il n'existe actuellement aucune loi pour forcer un fonctionnaire à parler la langue nationale tant cela va de soi.

4.1 De vagues impositions en faveur du danois

Il existe cependant quelques lois non linguistiques comprenant des dispositions en faveur du danois. Par exemple, l'article 24 de la loi du 6 juin 1973 relative à l'alimentation et à l'étiquetage ("Lov nr. 310 af 6. juni 1973 om levnedsmidler") précisait que les indications devaient être rédigées de façon claire et lisible, sans qu'il ne soit même nécessaire de préciser qu'il s'agissait de la langue danoise. Cette loi a été abrogée et remplacée par la loi n° 471 du 1er juillet 1998 ("Lov nr. 471 af 1. juli 1998 om fødevarer": loi no 471 du 1er juillet 1998 sur les denrées alimentaires). Seul l'article 9 du chapitre V de la Loi sur les denrées alimentaires (1998) traite de la langue en ces termes plutôt vagues:
 

Article 9

Le ministre de la Famille et de la Consommation peut fixer des règles sur la façon dont l'étiquetage des denrées alimentaires doit être effectué,
y compris les langues dans lesquelles les informations requises doivent être fournies et où l'information doit être placée.

L'article 38b de la Loi sur les contrats danois (1996) exige qu'un contrat écrit offert au consommateur doive être rédigé par le professionnel de manière claire et compréhensible:
 

Article 38b

1) S'il subsiste un doute quant à la compréhension d'un contrat et si la durée du contrat en question n'a pas été négociée individuellement, celui-ci doit être interprété de la manière la plus favorable au consommateur. Le fardeau de la preuve incombe au vendeur ou au prestataire de démontrer qu'une clause contractuelle a été négociée individuellement.

2) Le contrat écrit offert au consommateur doit être rédigé par le professionnel de manière claire et compréhensible.

Selon divers organismes de protection du consommateur, il est évident que l'étiquetage doit être rédigé en danois lorsque le produit est destiné au grand public du Danemark. Bien que ce ne soit pas inscrit dans une loi, les garanties des produits vendus au Danemark doivent en principe être rédigées en danois depuis 1999. Il en est ainsi des modes d'emploi, des cosmétiques, etc. Deux arrêtés ministériels obligent les fabricants des machines ou des appareils à rédiger les modes d'emploi en danois, afin d'assurer la sécurité de l'utilisateur lors de la mise en œuvre d'un dispositif technique. Dans l'ensemble, ces quelques dispositions ponctuelles se révèlent peu de choses dans une politique linguistique.

4.2 L'affichage
 

Dans la pratique, la plupart des affiches et des panneaux indicateurs sont en danois, bien qu'on puisse trouver des inscriptions en anglais ou en allemand, voire en arabe dans les rares messages politiques à teneur électorale. 

Néanmoins, le gouvernement danois envisage de présenter une réglementation destinée à limiter l'usage des langues étrangères dans l'espace public. En plus de lutter contre les sociétés parallèles, l'initiative doit contribuer à accroître la sécurité dans les grandes villes danoises. Des études montrent que, dans de nombreux endroits, l'arabe et d'autres langues sont employés de sorte les locuteurs du danois ne comprennent pas ou beaucoup se sentent gênés par ce genre d'affiches, que ce soit dans la rue, dans le bus ou au supermarché.

Pour s'assurer que la proposition gouvernementale ne soit pas trop mal perçue, le gouvernement envisage de créer une liste de langues qui peuvent être utilisées dans les espaces publics. La liste est basée sur le fait qu'il existe des langues que de nombreux Danois ont apprises à l'école.

En plus du danois, l'anglais, le français et l'allemand continueront donc d'être autorisés. Il en va de même pour les langues nordiques. Cependant, beaucoup de Danois visent certains immigrants qui ne voudraient pas, selon eux, s'intégrer à la société danoise.

4.3 La question de l'immigration et de l'intégration

Le nombre de travailleurs migrants venus au Danemark semble augmenter. En 2022, quelque 36 000 personnes ont immigré au Danemark pour y travailler, soit une augmentation de 24% par rapport à l'année précédente. Dans le même temps, il s'agit du chiffre le plus élevé depuis que l'Office danois des statistiques a commencé ses calculs en 1997. La rencontre entre une population d’accueil et des immigrants peut à la fois créer de nouvelles possibilités comme de nouveaux conflits. La population majoritaire peut percevoir les nouveaux arrivants ou leurs descendants comme des concurrents sur le marché du travail, comme des utilisateurs illégitimes des prestations sociales et comme des rivaux culturels.

- Les défis

L’intégration des immigrants demeure une question au cœur des débats politiques depuis des décennies. En 2005-2006, la crise dite de la «caricature» —  la publication de 12 caricatures du prophète Mahomet en septembre 2005 — a plongé le Danemark dans un conflit international majeur et, à l'intérieur des frontières du Danemark, les musulmans danois ont également protesté et manifesté contre les caricatures. Une fois de plus, la question de l'intégration de certains groupes d'immigrés — notamment lorsqu'ils viennent de pays musulmans — a été posée.

Au Danemark, une grande partie de la population semble se sentir menacée par l'arrivée d'immigrants, principalement parce qu'elle semble craindre que l'immigration n'entraîne une détérioration culturelle et linguistique, nuisant au danois en tant que langue majoritaire du Danemark. Les sentiments négatifs croissants à l'égard de l'immigration au Danemark sont désormais associés au nombre croissant d'immigrants musulmans et de leurs descendants, ce qui a conduit à l'adoption d'un large éventail de lois contenant des dispositions qui ont de plus en plus entravé les droits linguistiques des immigrants non occidentaux dans les domaines de la naturalisation. Statistics Denmark a choisi une définition très courte de ce qu'est un immigrant, à savoir «une personne née à l'étranger et dont aucun des parents n'est citoyen danois ni n'est né au Danemark» (”en person, der er født i udlandet, og hvor ingen af forældrene er hverken danske statsborgere eller født i Danmark”).

Bien que l’intégration des immigrants dans la société danoise, notamment en ce qui concerne les arrivants non occidentaux, met en évidence des défis importants. Il existe également des évolutions positives sur la question. Ainsi, selon Statistics Denmark, les jeunes d’origine non occidentale poursuivent de plus en plus des études supérieures, à l’instar de leurs autres pairs. Le nombre d’immigrés non occidentaux et de leurs descendants bénéficiant de l’aide sociale diminue et le nombre de personnes travaillant augmente.

- Les permis de séjour

L'article 9 de la Loi sur les étrangers (2019) exige de la part d'un demandeur de permis de séjour de s'engager activement dans l'enseignement du danois et de réussir l’examen de langue danoise 3, conformément à l'article 9.1 de la Loi sur l’éducation:

Article 9

2)
L’obtention d’un permis de séjour en vertu du paragraphe 1.1 doit être subordonnée à l'exigence que le demandeur et la personne vivant au Danemark signent une déclaration indiquant que, au mieux de leurs capacités,
ils s'engageront activement dans l'enseignement du danois et dans l'intégration dans la société danoise du demandeur et de tout enfant étranger qui l’accompagne.

8) Un permis de séjour en vertu du paragraphe 1.1 ne peut être accordé, sauf pour des raisons très particulières, y compris des considérations d’unité familiale, que si la personne résidant au Danemark a réussi l’examen de langue danoise 3, cf. l'article 9.1, de la Loi sur l’éducation danoise des adultes étrangers et autres, ou un examen de danois d’un niveau équivalent ou supérieur et que les conjoints ou autres remplissent au moins trois des conditions suivantes :

1. La personne résidant au Danemark a exercé une activité professionnelle ordinaire à temps plein ou une activité indépendante au Danemark pendant au moins cinq ans avant de demander un permis de séjour.

2. Le résident a été scolarisé au Danemark pendant au moins six ans, dont au moins un an d’enseignement continu à temps plein en plus de l’école primaire et de la 10e année, avant la demande de permis de séjour.

3. Le demandeur a réussi l’examen de langue danoise 1, cf. l'article 9.1, de la Loi sur l’éducation danoise pour les adultes étrangers, etc., ou un autre examen de danois d’un niveau équivalent ou supérieur ou un examen d’anglais de niveau B1 ou d’un niveau équivalent ou supérieur.

Pour obtenir la citoyenneté danoise, la condition essentielle est d'avoir un permis de séjour à durée indéterminée et de résider au Danemark. Il faut ensuite suivre des cours et de réussir un examen de langue danoise. Les conditions du permis de séjour ne s'appliquent pas aux citoyens nordiques, aux anciens citoyens danois ou d'origine danoise, et aux citoyens allemands du Schleswig du Sud. Il y a aussi des ajustements possibles pour les citoyens provenant des pays de l'Union européenne, car ce sont les règles de séjour de l'UE qui s'appliquent. Le service danois de l'Immigration décide ensuite si la personne a le droit de recevoir un permis de séjour. Pour simplifier, il existe trois variables pour obtenir un permis de séjour: «Affaires», «Regroupement familial» et »Études». Il existe une autre variable qui peut s'appliquer: l'«Asile», pour les réfugiés. Dans les faits, une personne d'origine norvégienne, française ou allemande a un accès beaucoup plus facile pour vivre au Danemark que, par exemple, un immigrant d'origine chinoise.

Dans l’ensemble, les schémas d’immigration au Danemark ont ​​considérablement changé au cours des dernières décennies. En 1997, la moitié des personnes résidant en dehors des pays nordiques et ayant obtenu un permis de séjour au Danemark l'avaient obtenu sur la base du regroupement familial ou de l'asile. En 2021, ce groupe était tombé à 6%, alors que la plupart ont obtenu leur résidence pour étudier ou travailler.

- L'intégration des immigrants

L'intégration des immigrants est un sujet central à l'ordre du jour au Danemark, tant pour le personnel politique et administratif que pour l'ensemble de la population. Le Danemark est un pays beaucoup plus petit (43 069 km²) que la Suède (449 964 km²) et, pour cette seule raison, le nombre d'immigrés sera proportionnellement plus élevé au Danemark. Pour diverses raisons, de nombreux Danois s'inquiètent de l'afflux de réfugiés et d'autres étrangers dans leur pays. Le gouvernement danois a donc élaboré une politique d'intégration dont un volet concerne la langue. Depuis peu, des lois imposent des exigences en matière de maîtrise du danois aux immigrants non occidentaux (pour la plupart musulmans) cherchant à obtenir la résidence ou la naturalisation, mais ces lois n'établissent aucune exigence linguistique de ce type pour les immigrants occidentaux travaillant dans des universités et des entreprises internationales. Cependant, l'intégration est avant tout une tâche municipale au Danemark, bien que ce soit l'État qui dicte les règles.

L'article 24 de la Loi sur l'intégration (2020)

Article 24

1) Un conseil municipal peut, après une évaluation concrète, proposer à un étranger de plus de 18 ans, mais de moins de 30 ans apte au travail, un séjour scolaire spécial en vue d'améliorer ses possibilités d'emploi. Il est conditionnel que l'étranger ait préalablement complété une première offre axée sur l'entreprise, à moins qu'un séjour scolaire spécial soit spécifiquement évalué comme étant plus adapté à l'amélioration des possibilités d'emploi ou d'enseignement ordinaire de l'étranger que les offres d'entreprise que la municipalité peut proposer.

2) Le séjour scolaire spécial doit inclure une formation linguistique et un cours de formation professionnelle spécialement planifié. Le cours professionnel est organisé dans le cadre de la Loi sur les écoles secondaires publiques et doit constituer, avec l’enseignement des langues, au moins un tiers de l’enseignement total offert dans le cadre de la Loi sur les écoles secondaires publiques.

3) En plus de l’enseignement de la langue et d’un cours spécial d'orientation professionnelle conformément au paragraphe 2, le séjour spécial dans une école secondaire publique peut comprendre soit une offre d’expérience professionnelle, soit une offre de formation professionnelle dans une école professionnelle ou un centre AMU.

L'objectif de la loi est de garantir que les étrangers nouvellement arrivés aient la possibilité d'employer leurs capacités et leurs ressources en vue de devenir des citoyens participants et contributeurs sur un pied d'égalité avec les autres citoyens de la société. Mais l'emploi est la condition préalable à une intégration réussie. Si les réfugiés ne contribuent pas au marché du travail danois, deux conséquences peuvent se produire: d'une part, la xénophobie peut augmenter chez les Danois, d'autre part, les courants extrémistes et fondamentalistes dans le milieu des nouveaux arrivants peuvent également augmenter. Lorsque des individus ont un taux d'emploi inférieur aux Danois d'origine, ce qui est notamment le cas des femmes, la cause doit être trouvée dans une interaction complexe avec de faibles qualifications scolaires et linguistiques, un manque de réseaux, ainsi qu'une expérience insuffisante du marché du travail et des traditions culturelles. D'où l'importance de maîtriser un minimum de langue danoise! Les écoles de langues doivent désormais proposer des cours en dehors des heures de travail pour permettre aux immigrants de combiner travail et cours, comme le prévoit l’accord de 2016 sur l’intégration sur le marché du travail. Depuis 2015, plus des deux tiers, soit 68 %, de tous les adultes participant au programme d’intégration ont réussi un examen de langue danoise après moins de cinq ans dans le pays.

Les municipalités jouent un rôle crucial dans la mise en œuvre de la politique et du programme d’intégration. Elles doivent trouvent des solutions pour le logement, verser des prestations sociales, offrir une scolarité et des services de garde d’enfants, et effectuer des examens médicaux au besoin. Les municipalités sont également responsables de l’enseignement des langues, bien que cette tâche soit, dans la pratique, confiée à des centres de langues gérés par divers intervenants. Lorsqu'un immigrant n'acquiert pas la langue danoise dans les délais impartis, le conseil municipal concerné doit informer cette personne des conséquences possibles de son incapacité d'à obtenir un titre danois. Les examens de langue danoise sont devenus des conditions préalables à l’acquisition de la citoyenneté au Danemark. Depuis 1999, seul un quart des étrangers vivant au Danemark a obtenu la nationalité et les conditions de naturalisation, lesquelles sont de plus en plus strictes et tendent à en limiter l’accès. 

Outre les organisations fournissant des services d’intégration, les organisations de la société civile sont également représentées au Conseil national d'intégration ("Det Nationale Integrationsråd"). Conformément à l'article 42 de la Loi sur l'intégration, le conseil municipal peut créer des conseils d'intégration. Ceux-ci font office de porte-parole des minorités ethniques et conseillent les municipalités en matière d'efforts d'intégration locale. Ils se prononcent également sur les nouvelles initiatives politiques et les programmes d’action liés aux minorités, ainsi que sur le travail des organismes publics et des groupes de travail concernés.

Quant au Conseil des minorités ethniques ("Rådet for Etniske Minoriteter"), c'est une institution danoise qui conseille le gouvernement sur les questions liées aux réfugiés, aux immigrants et à l'intégration. Il se concentre, entre autres, sur l'éducation des enfants et des jeunes, sur la participation démocratique et la citoyenneté des minorités ethniques ainsi que sur la politique du logement et des zones résidentielles. Le Conseil des minorités ethniques prépare notamment des réponses de consultation auprès du gouvernement, organise des conférences, prépare des documents et publie des publications dans le domaine de travail du conseil.

4.4 Les organismes linguistiques

Il ne faudrait pas croire que le Danemark ne dispose d'aucun moyen pour promouvoir sa langue nationale, voire se défendre contre «l'envahisseur anglo-saxon». Ainsi, le ministère danois de la Culture joue un rôle fondamental dans la vie de la langue danoise. L'État dispose même de trois organismes importants: le Conseil de la langue danoise, la Société pour la langue et la littérature danoises ("Det Danske Sprog - og Litteraturselskab"), qui publie des textes inédits et des dictionnaires danois et la radio d'État ("Danmarks Radio") contribue, pour sa part, au développement et au renforcement du danois.

- Le Conseil de la langue danoise
 

L'organisme le plus important est le Conseil de la langue danoise ("Dansk Sprognævn") qui est chargé de suivre l'évolution et le développement du danois, de statuer sur l'orthographe et les nouveaux mots, de conseiller et d'informer sur le gouvernement sur toute question linguistique. Les recommandations du Conseil sont codifiées dans le Dictionnaire de l’orthographe ("Retskrivningsordbogen"); de plus, le Conseil diffuse des informations en anglais, en suédois, en allemand, en norvégien et même en français.

La mission du Conseil de la langue danoise est énoncée dans la Loi sur le Conseil de la langue danoise (1997-2015) :

Article 1er

1) Le Conseil de la langue danoise est chargé de suivre le développement de la langue danoise, de fournir des conseils et des informations sur la langue danoise et de déterminer l'orthographe danoise.

2) Le Conseil linguistique doit:

1. collecter de nouveaux mots, les combinaisons de mots et usages de mots, y compris les abréviations;

2. répondre aux questions linguistiques des autorités et du public sur la structure et l'usage de la langue danoise, notamment en fournissant des
conseils sur l'orthographe et la prononciation des mots étrangers;

3.
publier des écrits sur la langue danoise
, en particulier des guides sur l'usage de la langue maternelle, et coopérer avec les organismes terminologiques, les éditeurs de dictionnaires et les institutions publiques qui autorisent ou enregistrent les noms de lieux, de personnes et de produits.

Il faut comprendre que les «mots nouveaux» ne concernent pas leur origine anglaise ou autre, mais leur orthographe. De façon générale, le Conseil de la langue danoise reste discret au sujet des débats sur l'influence de l'anglais dans la langue danoise. En juin 2023, le Conseil de la langue danoise faisait la déclaration suivante dans un journal:

Det er ikke Sprognævnets rolle at anbefale danske ord frem for engelske, medmindre vi ligefrem bliver opfordret til det. Ce n'est pas le rôle du Conseil de la langue de recommander des mots danois plutôt qu'anglais, à moins que nous soyons directement invités à le faire.

Le Conseil de la langue danoise ne croit apparemment pas que son rôle est de réglementer tous les nouveaux emprunts à la langue anglaise. On peut interpréter ce genre de commentaire de la part d'un tel organisme comme une certaine réticence à exercer un rôle qui serait de défendre la langue danoise. Certains trouvent dommage ce genre de non-intervention parce que ce ne sont pas tous les Danois qui peuvent bien s'exprimer en anglais et, pour eux, les mots anglais n'évoquent souvent aucune signification. D'autres croient que le Conseil de la langue danoise devrait jouer un rôle plus important en tant qu'«ambassadeur» de la langue danoise, particulièrement à l'égard des termes anglais, mais cela nécessiterait probablement un mandat nouveau et élargi pour le Conseil.

- L'orthographe danoise

Le Conseil de la langue danoise est responsable avant tout de l'orthographe. Ainsi, la Loi sur l'orthographe danoise (1997) précise bien que l'orthographe danoise est fixée par le Conseil de la langue danoise et publiée dans le Dictionnaire orthographique:  

Article 1er

1) L'orthographe danoise est fixée par le Conseil de la langue danoise et publiée dans le Dictionnaire orthographique du Conseil de la langue danoise.

2) Lors de la détermination de l'orthographe danoise, le Conseil de la langue danoise suit les règles énoncées dans ou en vertu de la loi sur le Conseil de la langue danoise.

Article 2

1) La rédaction juridique danoise doit être respectée par toutes les parties de l'administration publique, par le Folketing et les autorités liées au Folketing ainsi que par les tribunaux. Il en va de même pour les établissements d'enseignement privés, qui bénéficient d'une subvention à hauteur de la moitié ou plus des frais de fonctionnement, ainsi que pour les écoles privées et indépendantes dans lesquelles les enfants satisfont à leur obligation scolaire.

2) Le ministre de l'Éducation peut fixer des règles détaillées sur l'exemption à certaines écoles et à d'autres établissements d'enseignement relevant du ministère de l'Éducation et, en accord avec le ministre compétent, peut également déterminer des règles détaillées sur l'exemption aux écoles et aux autres établissements d'enseignement relevant d'autres ministères.

3) Le ministre de l'Éducation peut fixer des règles détaillées concernant l'une des nombreuses formes d'orthographe possibles, par exemple les formes d’orthographe et de ponctuation doivent être privilégiées dans des contextes particuliers.

Il faut aussi retenir que la rédaction juridique danoise doit être respectée par toutes les parties de l'administration publique, par le Folketing et les autorités liées au Folketing ainsi que par les tribunaux. Il en va de même pour les établissements d'enseignement privés, qui bénéficient d'une subvention. Cependnant, la loi ne s'applique pas aux îles Féroé et au Groenland.

- Le Dictionnaire orthographique
 

Le Dictionnaire orthographique a pour nom "Retskrivningsordbogens" en danois. Il contient environ 64 000 entrées et environ 10 000 exemples de composition. Il est mis à jour chaque année. En plus du dictionnaire d’orthographe imprimé, le RO est disponible sous forme de dictionnaire en ligne sur les sites Web et dans les portails de dictionnaires. Les glossaires du dictionnaire sont également disponibles. C'est le Conseil de la langue danoise qui est responsable de la confection et de la mise à jour du dictionnaire; ses travaux servent à fixer les normes officielles de l'orthographe danoise. Toutes les directives officielles d’orthographe jusqu’à la première version du RO contenaient des règles pour les deux systèmes de virgules qui peuvent être librement choisis : la virgule grammaticale et la virgule de pause. Toutefois, depuis 2003, les deux systèmes ont été fusionnés.

Conformément à la Loi sur l'orthographe danoise, les règles énoncées dans le RO doivent être respectées par tous les secteurs de l’administration publique, par le Parlement et les autorités liées au Parlement ainsi que par les tribunaux, bien que le ministre de l’Éducation puisse établir des règles détaillées pour les exceptions. Dans la pratique, ces règles orthographiques sont également respectées par la plupart des autres organismes de langue danoise.

5 La question linguistique et l'anglais

On parle beaucoup au Danemark de l'influence de l'anglais, une intrusion qui a alerté de nombreux défenseurs du danois. Le quasi-effacement du danois dans certains secteurs névralgiques, notamment dans les domaines de l'enseignement supérieur, du commerce, de la chanson populaire, des sciences et du cinéma, a considérablement modifié la situation à l'égard du danois. Dans l'état actuel des choses, l'enseignement universitaire, surtout scientifique, la chanson populaire et le cinéma échappent presque totalement à la langue danoise, ce qui peut paraître inquiétant pour certains. On constate donc, depuis plusieurs années, un intérêt manifeste sur la question du tout-anglais qui s'impose au sein de la société danoise. Trois facteurs principaux semblent à l'origine de ce changement :

1) la diffusion de l'anglais, à la suite de l'internationalisation et de la mondialisation;
2) le nombre accru de langues parlées au Danemark, qui n'est plus une communauté linguistique homogène, et en même temps les demandes grandissantes pour des cours de danois;
3) le même défi apparaît avec un degré plus ou moins grand dans tous les pays européens, sauf en Grande-Bretagne où l'anglais langue seconde ne s'applique pas.

Mais dans l'ensemble, beaucoup d'universitaires considèrent que l'influence anglaise sur le danois est modeste, environ 12 000 mots sur un total de 100 000 mots danois, et elle n'est pas alarmante. Au cours de son histoire, la langue danoise aurait survécu à «des influences bien plus violentes» que l’anglais d’aujourd’hui.

5.1 La perte progressive de l'usage du danois

La mondialisation actuelle favorise les débats sur la politique linguistique au Danemark, car les Danois constatent à chaque jour une perte progressive de l'usage du danois dans des domaines majeurs de la vie sociale. Pour certains Danois, il n'apparaît pas normal qu'un citoyen ne puisse pas recevoir tous les services dont il a droit en danois, que ce soit en éducation, dans l'administration publique, dans la recherche d'un emploi, dans la publicité, etc. Il n'apparaît pas normal qu'il soit permis au Danemark d’employer quotidiennement des langues étrangères, essentiellement l'anglais, à des fins publicitaires pour les marchandises et les services. Même les modes d’emploi et les directives des produits alimentaires et des produits manufacturés ne sont souvent disponibles qu'en anglais (ou en allemand). Il ne paraît pas davantage normal qu'un candidat à l'emploi soit obligé de recourir systématiquement à l'anglais dans son propre pays.

Dans le commerce et l'industrie, la publicité pour les emplois est maintenant de plus en plus rédigée uniquement en anglais. Par exemple, les sociétés danoises elles-mêmes font beaucoup de publicité pour un ''sales manager'' («directeur commercial»), un ''product manager'' («chef de production») ou un ''accountant'' («comptable») plutôt que pour salgschef, un produktchef ou un regnskabsfører. Comme cette politique est aussi adoptée par les sociétés danoises souhaitant embaucher des employés danois pour du travail au Danemark, cette façon de procéder est considérée comme ridicule par de nombreux Danois.

5.2 L'enseignement universitaire

Dans le domaine de l'enseignement universitaire, le danois est également en vive concurrence. Cet enseignement semble être dans un état transitoire qui se dirige massivement vers l'anglais. Le cas plus extrême est celui de l'École royale vétérinaire et agricole du Danemark (Den Kgl. Veterinær- og Landbohøjskole). Dans la politique adoptée en 2000 par cette université, la déclaration suivante pouvait paraître surprenante:
 

Inden år 2010 skal engelsk være det primære undervisningssprog for alle kandidatuddannelser, hvor det er relevant. En 2010, l'anglais doit être la principale langue d'enseignement pour tous les programmes d'études supérieures, le cas échéant.]

À l'Université d'Aalborg, une trentaine de programmes et spécialisations ont l'anglais comme langue d'enseignement. Plus de 25 % des diplômes de maîtrise sont offerts en anglais, ce qui constitue une hausse de 25% en sciences humaines, plus de 25% dans les études sociales et plus de 50% dans les sciences. Dans les faits, après avoir terminé leurs études, la plupart des diplômés se retrouveront sur le marché du travail dans un contexte danois et seront dans l'impossibilité de communiquer leur savoir dans leur langue. En travaillant au Danemark, il paraît peu avantageux, par exemple, pour un chirurgien vétérinaire ou un conseiller horticole, d'être formé en anglais et ne connaître que la seule terminologie anglaise. Les offres d'emploi dans les universités danoises n'apparaissent pas en danois, mais uniquement en anglais, une loi pourrait intervenir et changer la situation au profit du danois.

5.3 La vie quotidienne

L'anglais pénètre aussi dans la langue quotidienne des Danois, et de façon qui paraît de plus en plus inquiétante. Beaucoup de Danois utilisent aujourd'hui des mots anglais là où existe un équivalent danois afin de «faire moderne et dynamique». Par exemple, des Danois emploient le mot anglais tricky («rusé», «astucieux» ou «malin») au lieu du danois besværligt ou encore mélange d'anglais et de danois dans une expression très utilisée et grossière comme fuck dig. Souvent, il s’agit même d’expressions entières comme once i a lifetime, in your dream et des dizaines d’autres. D'après M. Alexander Martin (Copenhague), ceux qui refusent d’employer ces anglicismes sont condamnés à être traités d’«archaïques» et de «rétrogrades».

En ce qui a trait à la prononciation du danois, beaucoup de chercheurs s’inquiètent de la montée en puissance de ce qu'on appelle le «cannibalisme linguistique». Il s'agit d'un phénomène oral caractérisé par une distance de plus en plus grande entre la manière dont les mots étaient prononcés il y a quelques années et dont ils sont prononcés aujourd’hui par les moins de 30-40 ans. Par exemple, le mot produkter se prononce de plus en plus comme pådågdå; et beskæftigelsesministeriet devient dans la bouche de certains journalistes beskæftismisteriet. De même, arbejdsmiljø devient arsmiljø. Par ailleurs, fødselsdagsgave («cadeau d’anniversaire») se prononce de plus en plus comme føsdasgav. Ainsi, c’est souvent la lettre ou le son [r] qui tend à disparaître. Cela étant dit, la langue danoise n'est pas vraiment en danger de disparition, mais elle se transforme rapidement et elle se transformera probablement encore davantage sous l'influence de l'anglais. Ce phénomène, l'anglais l'a lui-même connu sous l'influence du français entre le XIVe et le XVIIIe siècle, mais l'anglais était parlé par une population importante en raison de l'expansion de la Grande-Bretagne dans le monde. Ce n'est guère le cas au Danemark.

5.4 Le point de vue du Conseil de la langue danoise

Le Conseil de la langue danoise n'a jamais recommandé d'adopter une législation linguistique telle qu'il en existe, par exemple, en France ou ailleurs. Au lieu de cela, il a recommandé de prendre quelques mesures qui pouvaient être prises par le gouvernement et le Folketing, sans devoir adopter de loi. Dès 2004, le Conseil formait un groupe de travail sur la question. L'objectif principal de la proposition du groupe de travail fut de s'assurer que le danois devienne une langue qui puisse être employée dans toutes les fonctions sociales, sans être dans l'obligation de rejeter pour autant l'anglais. Dans les faits, le gouvernement prit position pour que le danois soit employé et reconnu à côté de l'anglais. L'objectif d'une politique de la langue danoise consistait donc à s'assurer que le danois demeure une langue commerciale et une langue de travail à côté de l'anglais, ce qui signifie d'établir un emploi parallèle des langues et surtout favoriser la concurrence entre les deux langues, ce qui devrait nuire au danois, une langue plus fragile.

Pour le Conseil de la langue danoise, il existe de réels avantages à employer l'anglais : parce que c'est la langue prédominante dans les sciences, les chercheurs danois doivent accepter de publier leurs travaux en anglais, notamment lorsqu'ils désirent participer aux réseaux internationaux de communication.

Mais il existe aussi des inconvénients au tout-anglais, car la communication des résultats scientifiques au public danois doit être une obligation démocratique de la part des chercheurs. En outre, la qualité du travail scientifique peut souffrir de la connaissance insuffisante de l'anglais de la part des chercheurs danois. Il semble évident qu'une grande majorité des scientifiques danois peuvent exprimer avec plus de précision leurs idées dans leur langue maternelle, le danois, plutôt qu'en anglais.

Dans ce contexte, le groupe de travail recommandait que la communication en danois des résultats scientifiques auprès du public soit nettement renforcée. Il était également recommandé que l'on donne aux chercheurs la possibilité de voir leur travail scientifique traduit du danois vers l'anglais ou toute autre langue importante. Dans l'enseignement universitaire, le Conseil de la langue danoise recommandait que les thèses de doctorat rédigées en anglais soient accompagnées d'un résumé plus détaillé en danois, comparativement à ce qui est exigé aujourd'hui. Il était aussi recommandé que le danois soit la principale langue d'enseignement dans les universités.

6 Le système scolaire et l'enseignement des langues

L'éducation est obligatoire au Danemark pour toute personne âgée de 6 à 7 ans, et ce, jusqu'à 16 ans. Que l'éducation soit reçue dans une école publique, dans une école privée ou à la maison, c'est une question de choix personnel des parents, pour autant que les normes du ministère de l'Éducation soient respectées. Si l'éducation elle-même est obligatoire, l'école ne l'est pas. La scolarité obligatoire peut se faire soit dans une école primaire gratuite, soit à l’école primaire privée, soit par l’enseignement à domicile, mais uniquement sous la supervision et l'autorisation des autorités scolaires locales. Au Danemark, il faut compter dix ans de scolarité obligatoire, ce qui signifie qu'elle est obligatoire de la 0e à la 9e année, tandis que la 10e année est facultative, auquel s'ajoute un enseignement de la maternelle (ou «préprimaire»). Environ 85% des enfants scolarisés dans l’enseignement obligatoire, soit près de 600 000, fréquentent l’une des 1550 écoles primaires du pays. Environ 15% des enfants fréquentent des écoles privées payantes, alors que l'enseignement dans les écoles publiques — les "Folkeskolen" — est gratuit.  Les municipalités gèrent les "Folkeskolen", littéralement «écoles du peuple» ou «écoles publiques», qui comprennent des écoles ordinaires, des écoles avec classes spéciales et des écoles spéciales. Les municipalités peuvent transférer les enfants ayant des besoins particuliers vers d'autres municipalités, mais la plupart des communautés locales créent leur propre système scolaire, y compris l'enseignement spécialisé.

Ce système d'écoles locales se veut «national» et il est réglementé par la Loi sur les écoles primaires adoptée le 30 novembre 2006, avec des modifications ultérieures en 2010 et en 2014.  

6.1 Les écoles publiques

Toutes les écoles primaires et secondaires publiques sont des «écoles municipales» (ou communales), à l'exception des écoles privées (env. 15 %). En vertu de la législation danoise, toutes les écoles doivent poursuivre des objectifs identiques et s’appuyer sur des programmes communs en ce qui a trait aux matières enseignées. Toutefois, la municipalité décide des modalités du fonctionnement des écoles placées sous sa responsabilité. Selon la Loi sur les écoles primaires, l'un des objectifs des écoles est de demander la collaboration des parents «en vue de favoriser l'acquisition par les élèves de connaissances, de savoir-faire, de méthodes de travail et de formes d'expression et de contribuer ainsi au développement général de leur personnalité». Le paragraphe 3 de l'article 1er de la Loi sur les écoles primaires précise ce qui suit:

Article 1er

3) L'école primaire doit préparer les élèves à la participation, à la coresponsabilité, aux droits et aux obligations dans une société libre et démocratique. Les activités de l’école doivent donc être caractérisées par la liberté de pensée, l’égalité et la démocratie.

Le programme scolaire portant sur les langues est présenté à l'article 5 de la Loi sur les écoles primaires dans le bloc des «sciences humaines», les deux autres blocs décrivant les «matières pratiques et musicales», ainsi que les sciences:

Article 5

2) L’enseignement dans l’école primaire de neuf ans est offert en trois blocs de matières et comprend pour tous les élèves :

1. Les sciences humaines :

a) le danois à tous les niveaux scolaires;
b) l
’anglais de la 3e à la 9e année;
c) les études chrétiennes à tous les niveaux scolaires, à l’exception du niveau scolaire où la préparation de confirmation a lieu;
d) l'histoire de la 3
e à la 9e année;
e) les études sociales en 8
e et 9e années.

3) L’allemand (matières facultatives) doit être proposé aux élèves de la 7e à la 9e année.

4) Comme alternative pour chaque élève à titre individuel, en tant que matière facultative, les élèves peuvent se voir
proposer des cours en français au lieu de l'allemand de la 7e à la 9e année.

Article 8

1) L’enseignement en 10e année comprend comme matières obligatoires le danois, les mathématiques et l’anglais dans une mesure correspondant à un total de 420 heures d’enseignement par an.

Cet article 5 énonce que l'enseignement scolaire fondamental, qui s'étend sur neuf années, doit couvrir trois blocs de domaines, comprenant pour tous les élèves des cours de danois à tous les niveaux d'études et d'anglais de la 3e année à la 9e année d'études.  À l'issue de leur 9e année, les élèves peuvent choisir de continuer en 10e année.

Selon le champ d'études recommandé, les enfants bilingues — généralement ceux issus de l'immigration — inscrits dans les classes maternelles et ceux de la 1re à la 10e année, doivent recevoir un enseignement du danois langue seconde.  L'article 4a de la Loi sur les Folkeskole précise que ces enfants doivent recevoir en plus un soutien pour promouvoir leur développement linguistique en vue de l’apprentissage du danois et se voient proposer des matières facultatives comme l'anglais, l'allemand ou le français:

Article 4a

1) Les enfants bilingues qui n’ont pas encore commencé l’école doivent recevoir en plus un soutien pour promouvoir leur développement linguistique en vue de l’apprentissage du danois si, après évaluation par des experts, ils en ont besoin. L’offre comprend des activités adaptées pour stimuler le développement linguistique des enfants.

2) Les e
nfants bilingues sont des enfants dont la langue maternelle n’est pas le danois et qui n’apprennent le danois qu’au contact de la société d'accueil, possiblement par l'enseignement donné à l'école.

3) Pour les enfants bilingues qui ne sont pas admis dans une garderie, des services spéciaux de stimulation linguistique sont mis en place à raison de 15 heures par semaine. L’offre doit être faite au plus tard le 1er août de l’année civile au cours de laquelle l’enfant atteint l’âge de trois ans.

4) Pour les enfants bilingues admis dans une garderie, un soutien spécial est offert s’il est considéré que le développement linguistique enfants ne peut pas être suffisamment encouragé dans le cadre des possibilités pédagogiques propres à l’établissement. L’offre doit être donnée au plus tard lorsque l’enfant atteint l’âge de trois ans, sauf si la garderie est conçue uniquement pour les enfants de moins de trois ans. Le montant de l’aide est déterminé sur la base d’une évaluation au cas par cas. L’aide est accordée par les autorités scolaires munnicipales, mais le conseil municipal peut décider que l’aide est assurée par les garderies dans des conditions déterminées.

5) En plus de l’enseignement à offrir, conformément aux paragraphes 1 à 3, les matières suivantes (facultatives) sont proposées aux élèves :

1. le danois;
2. les mathématiques;
3. l
'anglais;
4. l'allemand;
5. le français;

6. la physique et la chimie;
7. le sport;
8. les études sociales;
9. le christianisme et la religion.

6) Toutefois, les offres visées aux paragraphes 5.4 et 5.5 ne peuvent être faites qu’aux élèves qui ont reçu un enseignement en allemand ou en français, conformément aux paragraphes 5.3 et 5.4.

Les examens sont organisés à deux étapes de la formation : soit après la 9e année soit après la 10e année, qui est une année facultative. Par ailleurs, la participation à l'examen de fin d'études (ou terminal) est également facultative, alors que les élèves peuvent être interrogés sur seulement une, plusieurs ou toutes les disciplines suivantes : le danois, les mathématiques, l'anglais, l'allemand ou le français, la physique et la chimie. Tous les examens se font sous une forme orale, à l'exception du danois et des mathématiques, qui comprennent aussi une portion écrite. Lorsque l'élève quitte l'école, il reçoit un certificat de fin d'études précisant les matières qu'il a suivies, ainsi que les notes qu'il a obtenues et les résultats de ses examens.

6.2 Les écoles secondaires

Après la Folkeskole, l'élève danois peut poursuivre ses études au second cycle du secondaire (facultatif), qui comprend deux voies :

- un enseignement secondaire «supérieur général» dans un «gymnasium» avec des cours menant à l'examen préparatoire supérieur ("Højere forberedelseseksamen", HF);

- un enseignement secondaire «supérieur professionnel», qui comprend la formation professionnelle de base, des cours supérieurs «commerciaux» ("Højere handelseksamen", HHX) et des cours supérieurs «techniques» ("Højere teknisk eksamen", HTX).

Seulement 30 % des élèves poursuivent des études au "gymnasium" avant d'entrer à l'université, tandis que 60 % se dirigent vers des écoles techniques ou des écoles de formation professionnelle.

L'élève ne peut accéder au gymnase (lycée) que s'il a été jugé apte par ses professeurs à entreprendre des études supérieures. La scolarité est de trois années. L'enseignement des langues étrangères dépend de la filière choisie, soit «Langues» soit «Mathématiques». Dans la filière «Langues», l'anglais et l'allemand ou le français, ainsi qu'une troisième langue étrangère, sont obligatoires (français, allemand, espagnol, italien, japonais ou russe). Dans la filière «Mathématiques», l'anglais est obligatoire, ainsi qu'une deuxième langue (allemand, français, espagnol, italien, japonais ou russe). En troisième année, l'élève a la possibilité de choisir une langue étrangère supplémentaire. Dans les écoles techniques ou professionnelles, l'anglais et l'allemand sont des matières obligatoires; le français, l'allemand, l'italien, l'espagnol ou le russe peuvent être choisis comme matières facultatives à partir de la deuxième année.

Soulignons aussi que les centres de formation continue (les "Center for dansk som andet sprog") proposent des cours de danois pour les étrangers sur des sujets généraux, de niveaux primaire et secondaire. Il est vrai qu'un étranger qui maîtrise l'anglais et travaille pour une entreprise internationale où l'anglais est la langue de travail, le danois devient peu important. Cependant, pour s'intégrer dans la société danoise, la maîtrise de la langue officielle demeure essentielle.

La Loi sur la formation professionnelle (2022) semble jouer sur deux tableaux: à la fois sur le danois langue maternelle et langue seconde, ainsi que la maîtrise de l'anglais et d'au moins une autre langue étrangère:

Article 7

Une école peut proposer des cours d'admission dans les matières de danois langue maternelle, de danois langue seconde et de mathématiques au niveau de l'examen de fin de 9e année de l'école primaire.

Article 22

Tout au long du programme scolaire, l'enseignement doit inclure un enseignement à la fois pratique et théorique de manière globale dans le but de fournir aux étudiants et aux apprentis les qualifications générales et spéciales nécessaires, y compris:

5. donner aux étudiants et aux apprentis des compétences orientées vers l'innovation et l'entrepreneuriat indépendant, ainsi que dans les langues étrangères et une compréhension culturelle.

Article 27

Les cours facultatifs doivent être adaptés aux intérêts des étudiants et des apprentis. Les matières importantes pour la formation continue et l'accès à l'enseignement supérieur doivent être proposées. Les écoles doivent proposer aux étudiants et aux apprentis une formation à l'innovation et à la création d'une activité indépendante dans au moins une langue étrangère en plus de l'anglais. Des cours au choix correspondant au niveau général des programmes peuvent également être proposés en tenant compte des besoins de qualification et des possibilités d'emploi dans le territoire de l'école.

Généralement, en plus de l'anglais, les langues en demande sont surtout l'allemand, puis le français.

6.3 Les écoles privées

Il existe aussi des écoles privées au Danemark. Les écoles privées proposent un enseignement comparable à celui des écoles publiques, mais elles disposent d’un cadre plus libre pour l’organisation de l’enseignement. Les écoles privées sont appelées de manière interchangeable «écoles libres», «écoles primaires privées», «écoles indépendantes», etc. Malgré les différentes désignations, il s’agit du même concept : un établissement indépendant qui gère une école dans le cadre décrit dans la Loi sur les écoles indépendantes et les écoles primaires privées (2018). Les écoles indépendantes et les écoles privées fonctionnent dans les mêmes conditions et doivent se conformer à la même législation. Les différences qui peuvent exister entre les écoles indépendantes et les écoles privées sont conditionnées par l’histoire et la culture et n’ont rien à voir avec la législation danoise.

Article 2

3)
La langue d'enseignement dans une école primaire gratuite
est le danois. Toutefois, dans les écoles de la minorité allemande, la langue d'enseignement est l'allemand. Dans des cas particuliers, le ministre de l'Éducation peut autoriser que la langue d'enseignement soit un autre que le danois.

Article 3

3)
L’école
doit orienter les élèves bilingues vers l’enseignement dans leur langue maternelle, qui doit être mis en place pour les élèves de l’école primaire, à moins que l’école elle-même n’offre un tel enseignement.

Article 5

6)
Les bâtiments de l'école doivent être géographiquement proches les uns des autres.
Les écoles agréées pour une autre langue d'enseignement que le danois peuvent toutefois assurer un enseignement dans cette langue en filières.

7) La gestion générale de l'école est assurée par un conseil d'administration, qui est responsable du fonctionnement de l'école devant le ministre de l'Éducation. Les membres du conseil d’administration
doivent parler couramment le danois écrit et parlé. Toutefois, cela ne s'applique qu'à deux membres du conseil d'administration des écoles de la minorité allemande ou des écoles agréées pour une autre langue d'enseignement que le danois.

Article 6

1) Le directeur de l'école assure la gestion pédagogique quotidienne de l'école. Il doit maîtriser couramment le danois écrit et parlé. Toutefois, cela ne s'applique pas aux responsables des écoles de la minorité allemande ou des écoles agréées pour une autre langue d'enseignement que le danois.

2) Le directeur de l'école veille à ce que les élèves tenus d'assister aux cours soient présents et il peut exiger que les parents fournissent à l'école des informations écrites sur la raison de l'absence d'un élève aux cours. Si l'absence est due à une maladie d'une durée supérieure à deux semaines, le directeur de l'école peut demander un certificat médical. Si un élève ne remplit pas les conditions de la scolarité obligatoire, le directeur  en informe le conseil municipal de la municipalité de résidence de l’élève.

On distingue plusieurs types d'écoles privées: les écoles grundtvigiennes des zones rurales — du nom de Nikolai Frederik Severin Grundtvig, initiateur des écoles populaires dites "Højskole" —, les écoles secondaires de premier cycle, les écoles religieuses, les écoles «libres» expérimentales, les écoles de la minorité germanophone et les écoles destinées aux immigrants. Dans ces écoles en partie subventionnées par l'État, la langue d'enseignement peut être l'anglais ou l'allemand, et pas nécessairement le danois considéré alors comme une langue seconde obligatoire. En 2020, il y avait 80 000 élèves dans les écoles privées, contre 575 000 dans les écoles publiques, ce qui correspond à environ 13% de l'effectif scolaire.

6.4 L'enseignement supérieur

On compte plus de 30 universités au Danemark, mais plus de 200 établissements offrant des cours au baccalauréat et à la maîtrise. Le système d'éducation danois offre de nombreux avantages aux étudiants européens! En effet, aucun frais de scolarité ne sera pris en compte pour les étudiants provenant des pays d’Europe. Étant donné que les programmes universitaires sont entièrement offerts en anglais, nombreux sont les étudiants internationaux qui se rendent au Danemark afin d'y effectuer leurs études supérieures ou une formation professionnelle. Depuis une vingtaine d'années, le ministère de l'Éducation et le ministère de la Science, de la Technologie et du Développement ont nettement mis l'accent sur le «renforcement de l'internationalisation des programmes éducatifs»; le gouvernement a décidé désormais de «se concentrer sur un usage accru de l'anglais comme langue d'enseignement dans l'enseignement supérieur».

- Le tout-anglais

Le passage du tout-anglais dans les universités danoises bénéficie généralement d’un grand soutien de la part du gouvernement et d'une partie de la population, la plupart s’accordant sur la nécessité d’investir davantage dans l’anglais afin que les universités soient en mesure d’attirer les meilleurs chercheurs et étudiants étrangers. Pour cette raison, la plupart des universités ont des noms anglais ("Copenhagen Business School"; "John F. Kennedy Institute") ou bilingues danois-anglais ("Københavns Universitet / University of Copenhagen"). Dans ces conditions, les sites Internet sont généralement rédigés uniquement en anglais. Les partisans du tout-anglais croient que tout l'enseignement supérieur devrait passer à l'anglais et qu'il faut délaisser «la culture organisationnelle provinciale» dans les universités danoises afin d'accéder à la mondialisation qui est l'avenir des connaissances.

Évidemment, beaucoup de Danois considèrent que la langue nationale «est en train de dépérir dans les universités et les établissements d'enseignement». L'un des résultats est que la langue danoise est à la remorque de l'anglais dans la terminologie scientifique et technique. Par conséquent, l’anglais prend de plus en plus de place lorsque les chercheurs publient leurs travaux. Une étude menée par Magisterbladet en 2020 a montré que la proportion de publications de recherche en anglais augmente dans les universités danoises. Depuis 2009, la proportion de publications de recherche en danois a chuté de 33% dans les universités danoises au profit des publications en anglais. Et cela a aussi des conséquences sur le devoir de communication des chercheurs. Théoriquement, un étudiant unilingue anglophone peut aisément obtenir un diplôme de maîtrise ou de doctorat dans la plupart des matières enseignées dans une université danoise, sans même connaître le danois.

Si les langues étrangères sont considérées comme une menace pour la culture commune du peuple danois, cette méfiance ne semble pas s'appliquer pour l’anglais, dont les enjeux seraient différents, étant donné que la culture américaine apparaît aux yeux des Danois comme synonyme de la modernité. Cette vision du tout-anglais entraîne une politique de l'enseignement des langues étrangères. L'anglais est la première langue étrangère obligatoire pour tous; l’allemand est choisi comme deuxième langue étrangère par 58,4% des étudiants, puis l’espagnol par 25,6% et le français par 15,7%, ce qui donne une petite proportion de 0,3 % d'étudiants pour apprendre une troisième langue. Si ce n'était de l'obligation d'apprendre une deuxième langue étrangère, la plupart des Danois se contenteraient de l'anglais.

- Les inconvénients

De plus, les étudiants danois vont se retrouver sur le marché du travail en ignorant totalement les mots danois qu'ils n'ont jamais appris. Par ailleurs, beaucoup de professeurs et de chercheurs sont mal à l’aise d’enseigner en anglais, ce qui entraîne des conséquences pédagogiques: les professeurs deviennent très rigides dans leur interaction et n’invitent nullement à se faire poser des questions et à discuter, ce qui finit par affecter la qualité de nombreux programmes. De fait, les évaluations des étudiants incluent très souvent des critiques de l’anglais de l’enseignant pour ne pas avoir un niveau académique élevé. Par ailleurs, de nombreux étudiants danois décident de ne pas suivre de cours en anglais, non pas par opposition ou par nationalisme, mais par crainte que la barrière de la langue ne leur donne une note inférieure aux examens. Les partisans de la langue danoise sont d'avis que la mondialisation prônée correspond plutôt l'imposition de l'unilinguisme anglais, ce qui n'a rien à voir avec la mondialisation qui favoriserait plut^pt un certain multilinguisme.

Ces interventions ont fini par alerter le ministère de l’Enseignement supérieur et des Sciences qui a constaté en 2028 que de nombreux étudiants internationaux (environ 42%) retournent dans leur pays d’origine après avoir obtenu leur diplôme danois, alors qu’environ un tiers seulement d’entre eux restent et trouvent un emploi au Danemark. Cela signifie que trop d’internationaux ne contribuent pas à l’économie danoise et repartent avec un diplôme «financé par l’argent des contribuables danois». Les professeurs et les chercheurs danois sont en compétition mondiale pour obtenir des fonds de recherche et publier dans les meilleures revues. Cette situation les oblige à s’exprimer en anglais, même lorsque l’anglais n’est pas leur langue maternelle. La question demeure celle-ci: l’emploi de l’anglais profite-t-il aux étudiants ou au pays d’origine qui récupèrent des diplômés formés à peu de frais? Afin de corriger la situation, le gouvernement danois a décidé de réduire des places d'études dans certains programmes enseignés en anglais dans les académies et les collèges universitaires. En 2017, cela représentait 28% des places d'études, soit environ 1700 places d’étude. L'année suivante, il y a eu de nouvelles suppressions de places d’études en anglais dans les universités et les programmes de baccalauréat. Et la tendance semble se poursuivre.

Au cours des dernières décennies, le paysage sociolinguistique au Danemark a considérablement changé. Le danois reste la langue nationale dominante, mais l’anglais s’est répandu en tant que langue véhiculaire dans le secteur de l’éducation, sur le lieu de travail, dans la culture populaire, dans les médias sociaux et dans de nombreux autres aspects de la vie quotidienne au Danemark. Ainsi, il est devenu normal que des films produits au Danemark le soient uniquement en anglais, avec le soutien de l'État.

6.5 L'éducation des adultes

Compte tenu du nombre important des adultes étrangers au Danemark, le gouvernement a entrepris de favoriser la maîtrise du danois auprès de cette catégorie de futurs citoyens. Par exemple, la Loi sur l'enseignement du danois langue seconde pour les étrangers adultes et les centres de formation linguistique (2000) prône clairement l'enseignement du danois langue seconde:

Article 1er

1) L'objectif de l'enseignement du danois langue seconde est que les étrangers adultes, sur la base de leurs préalables linguistiques et culturels, acquièrent des connaissances et des compétences en matière de compréhension et d'emploi du danois. L'enseignement doit promouvoir l'usage actif de la langue danoise par les participants et développer leur conscience de la culture et de la démocratie danoises, contribuant ainsi à leur capacité à fonctionner dans la société danoise.

2) L'enseignement doit donner aux participants la possibilité d'acquérir des conditions générales préalables à une formation continue ainsi que des connaissances et des compétences générales pertinentes par rapport à la vie professionnelle et qui renforcent la participation active des participants à la société danoise.

Il en est ainsi dans une loi similaire, la Loi sur l'enseignement du danois aux adultes étrangers (2004-2019):

Article 1er

1) L’objectif de l’enseignement du danois langue seconde (enseignement du danois) est de contribuer à ce que les adultes étrangers, compte tenu de leurs conditions préalables individuelles et de leurs objectifs d’intégration, acquièrent les compétences nécessaires en langue danoise et la connaissance des conditions culturelles et sociales au Danemark, afin qu’ils puissent devenir des citoyens participants et contributifs sur un pied d’égalité avec les autres citoyens de la société.

2) Les cours de langue danoise doivent contribuer à ce que les étrangers adultes acquièrent des compétences en matière de compréhension et d’usage de la langue danoise dès que possible après l’obtention d’un permis de séjour au Danemark et qu'ils acquièrent une connaissance du marché du travail danois, afin qu’ils aient ainsi la possibilité de trouver un emploi et de subvenir à leurs besoins.

3) Les cours de langue danoise doivent également
promouvoir l’usage actif de la langue danoise par les étrangers adultes et contribuer à l’acquisition de connaissances et de compétences générales pertinentes pour le travail et l’éducation ainsi que pour la vie en tant que citoyen dans une société démocratique.

Le conseil municipal doit offrir aux étrangers majeurs inscrits dans la municipalité de résidence une formation en danois langue seconde. Cette offre inclut les étrangers de plus de 18 ans, qui disposent d'un permis de séjour ou, selon la législation applicable, ont le droit de séjourner au Danemark pour une durée illimitée et sont inscrits au registre national. Ces adultes peuvent suivre des cours lorsqu’il n’est pas jugé possible ou raisonnable de les orienter vers un enseignement en danois langue seconde dans l’école municipale pour jeunes ou dans une autre offre éducative pertinente.

En 2020, environ 70 % des entreprises danoises ont favorisé des formations linguistiques continues chez leurs employés. C’est ce qui ressort d’une enquête par questionnaire d’Eurostat sur la formation continue en entreprise, réalisée tous les cinq ans dans tous les États membres de l’Union européenne. En 2015, lors de la dernière enquête, 87% des entreprises déclaraient que leurs employés avaient suivi une formation linguistique continue, alors qu'en 2010 cette proportion était de 91%. Cette diminution de la formation continue s’applique aussi bien aux cours qu’aux autres formes de formation continue.

7 Les langues des médias

Bien qu’elle constitue une base solide pour la protection de la liberté de la presse et des journalistes, le cadre législatif danois n’a pas évolué récemment, et la Loi sur la liberté de l’information adoptée en 2014 continue d’être critiquée par les médias comme un obstacle au droit d’informer.  Ainsi, la loi permet aux institutions d’être plus restrictives et de retenir des informations publiques.

7.1 La presse écrite

La plupart des journaux nationaux sont publiés en danois: Berlingske, Børsen, Exstra Bladet, Politiken, Jyllands Posten, Der Nordschleswiger. B.T., Information, Kristeligt Dagblad, Jydske Vestkysten, etc.  Les journaux régionaux sont tous en danois: Fyens Stiftstidende, Fyns Amts Avis, Kjerteminde Avis, Lokal Avisen Odense, Områdeavisen Nordfyn, Otterup Avis, Ugeavisen Odense, Xtra Fyens Stiftstidende, etc. Le Berlingske a une édition en anglais et le Copenhagen Post ne publie qu'ERN anglais. La plupart des grands journaux de Grande-Bretagne et des États-Unis sont disponibles à Copenhague dans les kiosques à journaux et les kiosques. Il existe également de nombreux magazines de mode et de style de vie en anglais.

7.2 Les médias électroniques

L'article 10 de la Loi sur la radio et la télévision (2020) énonce que, dans la programmation des émissions, un accent particulier sera mis sur la langue et la culture danoises:

Article 10

Activités dans les services publics

L'ensemble des activités de service public doivent, via la télévision, la radio et l'Internet ou similaire, fournir à la population danoise avec un large choix de programmes et de services comprenant la couverture des nouvelles, des informations générales, l'éducation, l'art et le divertissement. La qualité, la polyvalence et la diversité doivent être visées dans l'éventail des programmes offerts. Dans la planification des programmes, la liberté d'information et d'expression doit être une préoccupation primordiale. L'objectivité et l'impartialité doivent être recherchées dans la couverture de l'information. La programmation doit garantir que le grand public a accès à des informations importantes sur la société et le débat. En outre, un accent particulier sera mis sur la langue et la culture danoises. La programmation doit couvrir tous les genres de la production artistique et culturelle et proposer des programmes qui reflètent la diversité des intérêts culturels de la société danoise.

Du côté des médias électroniques, la langue danoise est partout présente tant à la radio (RA, DR, P1,P2, P3, P4, P5, P56, P7 et P8, Ude og Hjemme, Mama Radio, et) qu'à la télévision (DR1, DR2, DR3, DRK, DR Ultra, Kanal 4, Kanal 5, TV2 et TV3).

Cependant, la langue anglaise est aussi présente dans le pays. "Copenhagen Calling" est une émission de radio en langue anglaise, diffusée depuis le Danemark et produite par Banns Radio International; la station comprend des nouvelles danoises et économiques, ainsi que des interviews de Danois sur des questions politiques, culturelles et économiques. Les principales stations de la BBC et d’autres stations de radio de langue anglaise peuvent également être reçues via de nombreuses installations de télévision par satellite ou sur Internet. Les programmes précédemment diffusés peuvent souvent être réécoutés ou téléchargés. La plupart des bouquets de satellite et de câble incluent des chaînes britanniques et américaines. Les principaux fournisseurs de chaînes d’abonnement au Danemark sont Viasat et Canal Digital, des chaînes anglophones. De nombreux opérateurs téléphoniques proposent également des forfaits télé dans le cadre de leur abonnement; les forfaits les plus économiques peuvent ne pas inclure beaucoup de chaînes anglaises, mais il existe de nombreuses formules d’abonnement qui proposent des chaînes avec des émissions en anglais, par exemple TV 3+.

7.3 Le cinéma

Tous les films étrangers diffusés à la télévision danoise sont en version originale sous-titrée en danois. La plupart des entrevues étrangères dans les téléjournaux danois sont diffusées dans leur langue originale avec des sous-titres en danois. La loi danoise sur le cinéma de 2020 (Lov om film) ne prévoit pas de sous-titrages dans les films étrangers.

8 La politique à l'égard de la minorité germanophone

Depuis l'époque viking jusqu'en 1864, la région du Schleswig est liée à la couronne danoise de différentes manières (d'abord directement, puis en tant que fief). De 1867 à 1920, le Schleswig fit partie de la province prussienne du Schleswig-Holstein. En 1920, le nord du Schleswig fut rattaché au Danemark. De 1970 à la réforme territoriale de 2007, le territoire du Schleswig du Nord correspondait à celui du Jutland du Sud; il couvre une superficie d'environ 5794 km².

Environ 40 000 citoyens du Danemark appartiennent à une population germanophone traditionnellement appelée en danois "hjemmetyskere" («Allemands nationaux»), mais en allemand "Nordschleswiger" («Schleswigeois du Nord»). Le Schleswig du Nord (en danois: "Nordslesvig"; en allemand: "Nordschleswig") est une région du sud du Danemark qui a déjà fait partie de l'ancien duché de Schleswig, lui-même un territoire du Royaume du Danemark depuis 1920. La partie restée allemande en Allemagne est appelée le Schleswig du Sud ou officiellement le Land du Schleswig-Holstein. Le Schleswig du Sud correspond au Jutland méridional (en danois: le Sønderjylland).

Le Schelwig du Nord compterait environ 40 000 germanophones, dont environ 2500 seraient originaires de la Suisse, sur une population totale de 250 000.  La politique linguistique destinée aux germanophones du Danemark est plus ancienne que pour les immigrants, étant donné qu'elle est en vigueur depuis 1955.

8.1 Les textes juridiques

En vertu de l’article 2 de la Déclaration du gouvernement du Danemark sur le statut de la minorité allemande au Danemark (1955), l'appartenance à la communauté et à la culture allemandes peut être librement professée et ne doit pas faire l'objet de contestation ou de contrôle administratif.

Article 2  

En exécution de ces principes juridiques, il est arrêté ce qui suit:

1) L'appartenance à la communauté et à la culture allemandes peut être librement professée et ne doit pas faire l'objet de contestation ou de contrôle administratif.  

2) Les membres de la minorité allemande et leurs organisations ne doivent subir aucune entrave dans l'usage parlé ou écrit de la langue qui leur convient.  

L'usage de la langue allemande devant les tribunaux et les pouvoirs publics est déterminé par les dispositions juridiques en la matière.  

3) La minorité allemande peut, dans le cadre du principe de la liberté de l'enseignement en vigueur au Danemark, créer, conformément à la loi, des établissements d'enseignement général et des écoles supérieures (y compris des collèges techniques), ainsi que des jardins d'enfants.  

4) La représentation proportionnelle s'appliquant, aux termes de la législation sur les pouvoirs locaux, à la composition des commissions des collectivités locales, les représentants de la minorité allemande sont associés aux travaux des commissions en proportion de leur nombre.  

5) Le gouvernement danois recommande que la minorité allemande bénéficie des facilités appropriées dans le cadre des règlements en vigueur pour l'usage de la radiodiffusion.  

6) Les membres de la minorité allemande ne doivent pas être traités différemment des autres citoyens pour l'attribution des secours et autres prestations sur fonds publics distribués à la discrétion des autorités.  

7) Les journaux de la minorité allemande doivent dûment bénéficier de la publicité des annonces officielles.

8) L'intérêt particulier que possède la minorité allemande à entretenir des rapports religieux, culturels et professionnels avec l'Allemagne est reconnu.

Les membres de la minorité allemande et leurs organisations ne doivent subir aucune entrave dans l'usage parlé ou écrit de la langue qui leur convient. L'usage de la langue allemande devant les tribunaux et les pouvoirs publics est permis de même que l’enseignement dans les écoles de la minorité. Le gouvernement danois accepte aussi que la minorité allemande bénéficie de facilités appropriées pour son usage à la radiodiffusion. Les journaux de la minorité allemande peuvent dûment bénéficier de la publicité des annonces officielles. Enfin, l’intérêt particulier que possède la minorité allemande à entretenir des rapports religieux, culturels et professionnels avec l'Allemagne est reconnu.

Précisons que le Danemark a été l’un des premiers pays de l’Europe à avoir signé, le 5 novembre 1992, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, traité qui veut favoriser l'emploi des langues régionales ou minoritaires dans la vie publique, notamment l'enseignement, la justice, les autorités administratives et les services publics, les médias, les activités et équipements culturels, la vie économique et sociale et les échanges transfrontaliers. Cependant, il est trop tôt pour prévoir les résultats de ce traité, car celui-ci n’est pas encore entré en vigueur (ce qui est prévu pour le 1er janvier 2001). On peut au moins penser que ce traité améliorera le sort des minorités du Danemark. On peut consulter le texte intégral de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

8.2 Les droits réels des germanophones

Dans les faits, la minorité allemande du Danemark n’a pas beaucoup de visibilité dans le Schleswig du Nord.

- Les services administratifs

Les germanophones ne peuvent pas obtenir, du moins officiellement, de services administratifs ou judiciaires de la part de l’État en allemand. L’Administration publique danoise demeure unilingue; conformément au statut unilingue du Danemark, tous les documents officiels sont apparaissent en danois, mais souvent aussi en anglais. Dans ses communications avec l'administration dans le Jutland méridional, aucune entité administrative ne s'oppose en principe à l'usage de la langue allemande. La plupart des administrations locales du Jutland méridional ont du personnel maîtrisant bien l'allemand et il demeure plutôt rare de prévoir l'interprétation ou la traduction lorsque des documents en allemand sont soumis à ces mêmes administrations. Il en est souvent ainsi dans les services municipaux, là où la minorité est suffisamment concentrée. Le Service de l'emploi du Jutland méridional, par exemple, traite tous les documents qui lui sont soumis en allemand avec l'aide de son seul personnel, et les demandes orales formulées en allemand reçoivent une réponse dans cette langue. L'administration nationale du Jutland méridional satisfait, dans la mesure du possible, les requêtes du personnel maîtrisant l'allemand pour être affecté dans des régions où cette langue est parlée. En 1983, un Secrétariat à la minorité germanophone a été créé à Copenhague et représente les intérêts de la minorité vis-à-vis du Parlement et du gouvernement danois.

- Les tribunaux

Dans les tribunaux, d'après l'article 149 de la Loi sur l'administration de la justice de 2017:

Article 149

2) Les documents rédigés dans une langue étrangère doivent être accompagnés d’une traduction qui, à la demande du tribunal ou d'une partie, doit être certifiée conforme par un traducteur qualifié ou assermenté. Toutefois, la traduction peut être dispensée si les deux parties sont d’accord et si la cour est convaincue qu’elle a une connaissance suffisante de la langue étrangère.

Cependant, le droit à une traduction peut ne pas s'appliquer si les deux parties l'acceptent et si le tribunal considère qu'il a lui-même une connaissance suffisante de la langue étrangère en question. Dans le cas de la minorité allemande, il arrive qu’on ait recours à un interprète lorsqu’un témoin ou un accusé a une connaissance imparfaite du danois, mais il s’agit là de mesures tout à fait exceptionnelles et rarissimes. Quoi qu'il en soit, les accusés ou les témoins qui utilisent leur droit de présenter des documents et des preuves ou des témoignages dans leur langue peuvent avoir à assumer les frais de traduction et d'interprétation. Par ailleurs, le Code pénal prévoit des amendes ou un emprisonnement pour quiconque fait une déclaration ou toute autre communication par laquelle un groupe de personnes est menacé, insulté ou dénigré pour des raisons de race, de couleur, d'origine nationale ou ethnique, de religion ou d'orientation sexuelle:

Article 266b

1) Quiconque, publiquement ou dans l'intention de le propager dans un cercle plus large, fait une déclaration ou un autre message par lequel un groupe de personnes est menacé, moqué ou dénigré pour des motifs de race, de couleur de peau, d'origine nationale ou ethnique, de convictions ou d'un handicap, ou en raison de l'orientation sexuelle, de l'identité de genre, de l'expression de genre ou des caractéristiques de genre du groupe en question, sera passible d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à deux ans.

2) Lors de l'imposition de la peine, le fait que la relation ait le caractère d'activités de propagande doit être considéré comme une circonstance particulièrement aggravante.

- L'enseignement

La langue d’enseignement dans les écoles publiques (appelées «Folkeskolen») est le danois. Dans ces conditions, lors de la rentrée des classes, les enfants sont dans l'obligation par la Loi sur l'éducation (2006-2014) d'avoir acquis une connaissance du danois correspondant à leur âge. Dans le cas où un enfant n’a pas cette connaissance obligatoire du danois, il lui est nécessaire de suivre des cours de danois langue seconde. Dans le cas de la minorité allemande, il est possible d’enseigner, sur une base volontaire, l’allemand au primaire: on compte quelque 18 écoles de ce genre, sans compter les 24 écoles maternelles appelées «jardins d’enfants» (ou «préprimaire»).  De plus, il existe aujourd'hui au Danemark 15 écoles primaires indépendantes privées destinées germanophones et où la langue d'enseignement principale est l'allemand. Ces écoles primaires privées indépendantes, y compris celle de la minorité allemande, peuvent bénéficier de subventions de l'État danois.

Au secondaire, il n’existe qu’une seule véritable école allemande: la Deutsches Gymnasium située dans la municipalité d’Aabenraa. Dans les autres cas, quelques rares écoles peuvent enseigner, sur une base volontaire, l’allemand en tant que langue étrangère, comme on le ferait pour le français ou l’anglais. Dans toutes les «vraies» écoles allemandes, l’allemand reste obligatoirement la langue principale d’enseignement, bien que le danois soit enseigné comme langue seconde.

De plus, depuis le mois de janvier 2018, le gouvernement danois a publié un «guide» sur l’assistance particulière à accorder aux enfants et aux jeunes issus des minorités ethniques. C'est pourquoi les municipalités, qui ont la responsabilité en matière d'éducation, sont tenues de porter une attention spéciale aux caractéristiques culturelles, ethniques et religieuses des familles en rapport avec l’orientation des familles appartenant membres à des minorités ethniques.

Par ailleurs, le gouvernement du Danemark accorde une allocation annuelle supplémentaire aux écoles de langue allemande. Cette allocation est fixée a été fixée en 2002 à quatre millions de DKK par an, soit 645 000 $US ou 536 000 €. L'allocation veut compenser une partie des frais plus élevés introduits par un enseignement bilingue. Elle est répartie entre les écoles par la Deutscher Schul-und Sprachverein für Nordschleswig (DSSV), l'association pour la langue et les écoles de la minorité germanophone.

- Les médias

Dans les médias, la minorité allemande bénéficie d’un journal hebdomadaire de 4000 exemplaires, le Nordscheswiger, qui paraît presque exclusivement en allemand, mais elle ne dispose d’aucune station locale de radio ou de télévision. En raison de la proximité avec l’Allemagne, les germanophones du Danemark peuvent capter quotidiennement les émissions de radio et de télévision en provenance de leurs puissants voisins.

- L'affichage public

La loi danoise ne traite pas de la question de l'affichage, mais on pourrait supposer, à la lecture des rares textes juridiques, que l'affichage allemand est permis. Pourtant, dans ce domaine comme dans les autres, l'allemand n'a pas visibilité au Danemark et, selon certains informateurs, l'État danois «couvrirait d'or» la minorité de langue allemande, mais en retour ne lui permettrait pas d'apposer des affiches en allemand (de même pour le norvégien ou le suédois), et ce, sans interdiction juridique. L’incitation à l'interdiction semblerait très efficace, car il s’agit d’acheter en quelque sorte la «complicité» de la minorité. De toute façon, il semble qu'une inscription dans ces langues n'aurait pas une durée de vie de plus de 24 heures. Selon des fonctionnaires danois, la communauté allemande serait une «minorité économiquement aisée» qui pourrait compter «largement» (sic) sur l'État pour la construction d'écoles, de centres sportifs, etc., à la condition de ne rien exiger en ce qui concerne la visibilité allemande.

Évidemment, le danois est la langue de l’économie au Danemark, et tout ne se fait qu’en danois, jamais en allemand, même dans le Schleswig du Nord. Pourtant, l’anglais est présent au Danemark. En effet, l'utilisation de l'anglais comme langue commerciale, particulièrement à l'intention des touristes, pourrait laisser croire à l'existence d'une importante minorité anglaise au Danemark. À part cette exception, le paysage demeure massivement danois dans ce pays, que ce soit sur le plan officiel ou commercial.

9 La Convention relative aux peuples indigènes et tribaux

On comprendra que, par souci de solidarité avec les peuples autochtones, le gouvernement du Danemark ait signé la Convention relative aux peuples indigènes et tribaux (1989) de l’Organisation internationale du travail (OIT); le Parlement danois l’a ratifiée le 22 février 1996. Ce document d’une grande importante implique 14 États, surtout en Amérique latine; le Danemark constitue, avec la Norvège et les Pays-Bas, les seuls États européens à avoir adhéré à la Convention no 169 de l'OIT.

La Convention reconnaît aux peuples indigènes le droit de jouir pleinement des libertés fondamentales, sans entrave ni discrimination (art. 3). Les dispositions de cette convention doivent être appliquées sans discrimination aux femmes et aux hommes de ces peuples. Les gouvernements des États signataires doivent mettre en place des moyens par lesquels les peuples autochtones pourront, à égalité avec le reste de citoyens de leur pays, participer librement et à tous les niveaux à la prise de décisions dans les institutions électives et les organismes administratifs et autres qui sont responsables des politiques et des programmes qui les concernent (art. 6). L’article 7 reconnaît aux populations concernées le droit de contrôler leur développement économique, social et culturel propre. Les États doivent aussi tenir compte des coutumes et du droit coutumier de ces populations (art. 8). L’article 20 de la Convention oblige les gouvernements à «prendre des mesures spéciales pour assurer aux travailleurs appartenant à ces peuples une protection efficace en ce qui concerne le recrutement et les conditions d'emploi». Les gouvernements doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter toute discrimination entre les travailleurs appartenant aux peuples intéressés.

La partie VI de la Convention est consacrée à l’éducation, donc indirectement à la langue. L’article 26 est très clair sur la possibilité des autochtones d’acquérir leur instruction à tous les niveaux:

Article 26

Des mesures doivent être prises pour assurer aux membres des peuples intéressés la possibilité d'acquérir une éducation à tous les niveaux au moins sur un pied d'égalité avec le reste de la communauté nationale.

Le paragraphe 3 de l’article 27 reconnaît «le droit de ces peuples de créer leurs propres institutions et moyens d'éducation» et que des ressources appropriées leur soient fournies à cette fin. C’est l’article 28 qui semble le plus important en cette matière:

Article 27

1) Lorsque cela est réalisable, un enseignement doit être donné aux enfants des peuples intéressés pour leur apprendre à lire et à écrire dans leur propre langue indigène ou dans la langue qui est le plus communément utilisée par le groupe auquel ils appartiennent. Lorsque cela n'est pas réalisable, les autorités compétentes doivent entreprendre des consultations avec ces peuples en vue de l'adoption de mesures permettant d'atteindre cet objectif.

2) Des mesures adéquates doivent être prises pour assurer que ces peuples aient la possibilité d'atteindre la maîtrise de la langue nationale ou de l'une des langues officielles du pays.

3) Des dispositions doivent être prises pour sauvegarder les langues indigènes des peuples intéressés et en promouvoir le développement et la pratique.

Les États appuieront l'élaboration de programmes scolaires correspondant à la réalité des peuples autochtones et mobiliseront les ressources techniques et financières nécessaires à leur bonne application. Quant à l’article 31, il précise que «mesures de caractère éducatif doivent être prises dans tous les secteurs de la communauté nationale, et particulièrement dans ceux qui sont le plus directement en contact avec les peuples intéressés, afin d'éliminer les préjugés qu'ils pourraient nourrir à l'égard de ces peuples». Dans ces perspectives, il est précisé que «des efforts doivent être faits pour assurer que les livres d'histoire et autres matériels pédagogiques fournissent une description équitable, exacte et documentée des sociétés et cultures des peuples intéressés».

Comme il se doit, les États signataires de la Convention reconnaîtront et établiront des mécanismes pour assurer l'exercice de tous les droits des peuples autochtones, en particulier en ce qui concerne l'éducation, la langue et la culture.

10 La Convention linguistique du Conseil nordique

La Convention linguistique du Conseil nordique (1987) est un traité concernant les droits linguistiques, qui est entré en vigueur le 1er mars 1987. En vertu de ce traité entre la Suède, le Danemark, la Finlande, l'Islande et la Norvège, les citoyens des pays nordiques ont la possibilité d'utiliser leur langue maternelle lors des communications avec les organismes officiels dans d'autres pays nordiques, sans être tenus d'assumer les frais d'interprétation ou de traduction. La Convention couvre les soins de santé, la sécurité sociale, la fiscalité, l'école, et les autorités de l'emploi, la police et les tribunaux. Les langues incluses sont le suédois, le danois, le norvégien, le finnois et l'islandais, ce qui exclut les langues minoritaires comme le féroïen aux îles Féroé, le groenlandais au Groenland ou le same (lapon) en Norvège ainsi que les langues issues de l'immigration.

Les Parties contractantes se sont engagées à offrir des services en plusieurs langues, mais les citoyens ne bénéficient pas de droits absolus à l'exception des questions pénales et judiciaires. La Convention n'exige pas automatiquement que les autorités doivent fournir des services dans une autre langue, mais tout ressortissant des pays nordiques peut exiger le recours à un interprète. Dans les faits, tout ressortissant d'un pays nordique parlant le suédois, le danois, l'islandais, le finnois ou le norvégien, a droit essentiellement aux services d'un interprète plutôt qu'un droit d'être compris dans sa langue.

Le Danemark a élaboré une politique linguistique relativement complexe et contradictoire. D'une part, l'État veut intégrer les immigrants à la société danoise en favorisant une formation linguistique destinée à leur faire apprendre la langue nationale. Il favorise aussi les initiatives qui ont pour résultat de promouvoir le danois. D'autre part, l'État laisse de vastes secteurs de l'économie, de la science et de l'enseignement, se faire envahir par l'anglais aux dépens de la langue nationale qui d'ailleurs n'a aucun statut formel par la loi (de jure).

En même temps, le Danemark ne fait pas de cadeau à sa minorité germanophone, pas plus que l’Allemagne n’en fait à sa minorité danoise. En effet, l’entente de 1955 avec l’Allemagne est théoriquement en vigueur, mais dans la pratique elle ne le serait plus sous prétexte que la minorité est devenue trop petite (38 000 locuteurs) et que l’Allemagne n’y tiendrait plus. Évidemment, les deux gouvernements se renvoient la balle. Il n’en demeure pas moins que la petite minorité allemande du Danemark n’est pas dangereuse pour l’État qui ne courrait aucun risque à se montrer plus ouvert. Par ailleurs, le Danemark a signé la Convention relative aux peuples indigènes et tribaux (1989) de l'OIT, alors que le pays n'abrite pas de communauté autochtone, sauf une petite communauté de Groenlandais (10 000 personnes) pour lesquels aucune législation spécifique n'a été prévue. En réalité, le Danemark ignore les minorités nationales que sont les Roms/Tsiganes, les Groenlandais et les Féroïens.

En somme, le Danemark n'a pas une politique linguistique très cohérente. Il devrait agir de façon plus énergique à l'égard du danois face à l'intrusion de l'anglais et protéger de manière plus efficace sa petite minorité nationale de langue allemande. Autrement dit, il est temps que l'État danois mette fin à sa traditionnelle politique de non-intervention, car il y va de sa vitalité.

Dernière révision: 17 février 2024

Danemark


(1) Situation générale
 


(2) Données historiques
 


(3) La politique linguistique
 

(4) Bibliographie
 

L'Europe

Accueil: aménagement linguistique dans le monde