Republica Moldova

Moldavie

3) Politique relative à la langue officielle

PLAN DE L'ARTICLE

1 Les dispositions constitutionnelles
1.1 La langue moldave comme langue officielle (1994-2023)
1.2 Le traitement préférentiel de la langue russe

2 L'abrogation des lois linguistiques
2.1 La loi linguistique n° 3465 de 1989
2.2 La loi linguistique n° 234 de 2020

3 La législation et les langues du Parlement
3.1 La langue officielle
3.2 Les exigences linguistiques

4 Les langues de la justice et la traduction
4.1 La non-discrimination
4.2 La langue privilégiée de la procédure judiciaire5 Les langues de l'administration

5 Les langues de l'administration
5.1 La législation abrogée
5.2 Le bilinguisme de la fonction publique
5.3 La priorité au roumain (moldave entre 1994-2023)
5.4 Les exigences linguistiques d'ordre commercial

6 Les langues de l'éducation
6.1 Le libre choix de la langue d’enseignement
6.2 Les langues d'enseignement
6.3 L’enseignement préscolaire
6.4 L'enseignement primaire et secondaire
6.5 L'enseignement supérieur

7 Les langues des médias
7.1 L'accès à l'information
7.2 La presse écrite
7.3 La loi moldave anti-propagande
7.4 Les médias électroniques

1 Les dispositions constitutionnelles

À la suite de la Déclaration d'indépendance de 1991, une constitution fut adoptée en 1994. Celle-ci compte plusieurs dispositions relatives à la langue, dont l'une sur la langue officielle.

1.1 La langue moldave comme langue officielle (1994-2023)

La Constitution de la république de Moldavie a été adoptée le 29 juillet 1994. L’article 13 de cette constitution reste l’élément fondamental en matière de langue. Voici ces dispositions énumérées en quatre paragraphes: 

Article 13

La langue de l'État et le fonctionnement des autres langues

1)
La
langue officielle de la république de Moldavie est la langue moldave, fonctionnant sur la base de l'orthographe latine.

2) L'État reconnaît et protège le droit à la préservation, au développement et au fonctionnement de la langue russe et des autres langues parlées sur le territoire du pays.

3) L'État facilite l'étude des langues d'usage international.

4) Le
mode de fonctionnement des langues sur le territoire de la république de Moldavie est déterminé par une loi organique.

Cet article 13 concerne la «langue moldave» a suscité une controverse qui s'est terminée en Cour constitutionnelle, le plus haut tribunal de Moldavie, par l'Arrêt de la Cour constitutionnelle n° 36 du 5 décembre 2013 concernant l'interprétation de l'article 13 par. 1 de la Constitution en corrélation avec le préambule de la Constitution et la Déclaration d'indépendance de la république de Moldavie. Selon cet arrêt, la Cour constitutionnelle de Moldavie déclare que les dispositions de la Déclaration d'indépendance relatives à la «langue roumaine» prévalent sur le libellé de l'article 13 de la Constitution concernant «la langue moldave». La Cour note que la Déclaration d'indépendance ayant été à la base de l'adoption de la Constitution en 1994, aucun acte juridique, quelle que soit sa force, y compris la Loi fondamentale (ou la Constitution), ne peut contredire le texte de la Déclaration d'indépendance.

- Les appellations

Bref, le libellé de l'article 13.1 de la Constitution  devait être le suivant: «La langue officielle de la république de Moldavie est le roumain», mais pour parvenir à cette formulation, il faudra attendre la loi n° 52 du 16 mars 2023.

En 2013, l'influence russe étant encore très forte, la Cour constitutionnelle ne voulut pas provoquer les partis pro-russes alors principal groupe politique au Parlement, et estima qu'il n'était pas de sa juridiction de modifier la Constitution, mais convint que, au plan juridique, il existait deux appellations pour la langue officielle: «moldave» et «roumain», termes équivalents et légaux que l'on peut employer indistinctement. 

"Limba noastră" est d'abord l'hymne national de la Moldavie depuis 1994; il a remplacé l'ancien Hymne de la RSS moldave après son indépendance. Les paroles proviennent d'un poème d’Alexie Mateevici (1888-1917). Devant les difficultés de désigner leur langue, les Moldaves n'osent plus la nommer formellement comme la «langue roumaine» ("limba română") ou la «langue moldave» ("limba moldovenească"), alors nombreux sont ceux qui emploient les expressions suivantes: limba noastră («Notre langue»), limba oficială («langue officielle»), limba națională («langue nationale»), limba de instruire (langue d'instruction»), voire limba noastră frumoasă («notre belle langue»).
 

Les lois récentes ont tendance à employer le terme «roumain» pour désigner la langue officielle, mais la plupart des textes des années 1990 et 2000 ont recours au mot «moldave». Dans les écoles, la langue s'appelle «le roumain» et, dans les premières années de la démocratie, elle a même été étudiée avec des manuels de Roumanie. L'Académie des sciences de Moldavie utilise «langue roumaine». Avant le 19 juin 2006, la plupart des institutions moldaves officielles ont utilisé le même terme, y compris sur leurs sites Web. Néanmoins, l'Ordonnance sur l’approbation des normes standards concernant les pages officielles des autorités de l’administration publique sur l'Internet (2007) énonce que «les informations sur les pages Web officielles doivent être publiées en moldave et en russe, et en cas de nécessité dans une autre langue, conformément à la législation en vigueur sur le fonctionnement des langues»:

Article 43

Les informations sur les pages Web officielles doivent être publiées en moldave et en russe, et en cas de nécessité dans une autre langue, conformément à la législation en vigueur sur le fonctionnement des langues.

Article 44

Il est également recommandé de publier les informations en anglais, en français, en allemand, en espagnol ou dans une autre langue internationale.

Certains sites Web se sont conformés à la règle, bien qu'il existe encore des sites Web qui utilisent le nom de «langue roumaine»; parmi les sites qui utilisent encore le nom de «roumain», on trouve notamment les sites des organismes suivants:

- Ministerul Administraţiei Publice Locale > ministère de l'Administration publique locale;
- Consiliul Naţional pentru Acreditare şi Atestare > Conseil national d'accréditation et d'attestation;
- Agenţia Privatizare de pe lângă Ministerul Economiei şi Comerţului > Agence de privatisation au sein du ministère de l'Économie et du Commerce;
- Departamentul pentru Migraţie > Département des migrations;
- Academia de Ştiinţe a Moldovei > Académie des sciences de la Moldavie;
- Agenţia Naţională pentru Reglementare în Telecomunicaţii şi Informatică > Agence nationale de réglementation des télécommunications et de l' informatique;
- Agenţia Relaţii Funciare şi Cadastru > Agence des relations foncières et du cadastre;
- Agenţia Naţională de Dezvoltare Rurală > Agence nationale de développement rural.

Au plan international, l'expression «langue roumaine» (ou "Romanian language") est utilisée pour désigner la langue officielle de la république de Moldavie par diverses institutions et organismes: l'ONU, l'Union européenne, la Banque mondiale, la CIA, le ministère allemand des Affaires étrangères, le ministère des Affaires étrangères, les États-Unis, etc. 

- La loi du 16 mars 2023

Cela dit, le 16 mars 2023, doit dix ans plus tard que l'Arrêt de la Cour constitutionnelle, le Parlement moldave a finalement adopté le changement de la langue officielle appelée «moldave» en «roumain» ou «langue roumaine». Le projet de loi, soutenu par le Parti Action et Solidarité au pouvoir, fut vivement critiqué par le bloc des communistes et des socialistes. Il s'agit de la Loi pour la mise en œuvre des considérants de certains arrêts de la Cour constitutionnelle (2023), soutenue également par l'Académie des sciences de la Moldavie. En fait, la Moldavie se conformait aux arrêts suivants de la Cour constitutionnelle:

- l'Arrêt de la Cour constitutionnelle n° 36/2013 sur l’interprétation de l’article 13, paragraphe 1 de la Constitution, en corrélation avec le préambule de la Constitution et la Déclaration d’indépendance de la république de Moldavie, paragraphes 119-124;

- l'
Arrêt de la Cour constitutionnelle n° 4/2021 pour le contrôle de la constitutionnalité de la loi n° 234/2020 sur le fonctionnement des langues parlées sur le territoire de la république de Moldavie, paragraphes 37 et 38;

- l'
Arrêt de la Cour constitutionnelle n° 3/2017 sur le projet de loi modifiant l’article 13 de la Constitution de la république de Moldavie.

C'est ainsi que fut libellé l'article 1er de la loi:

Article 1er

Dans le texte des actes normatifs adoptés par le Parlement:

les termes «langue moldave», sous quelque forme grammaticale que ce soit, sont remplacés par les termes «langue roumaine», selon la forme grammaticale correspondante;

les mots «langue d'État», «langue officielle» et «langue maternelle», sous quelque forme grammaticale que soit, si l'on considère la langue officielle de la république de Moldavie, sont remplacés par les mots
«langue roumaine», selon la forme grammaticale correspondante.

Dorénavant,  le terme «moldave» est un adjectif général désignant non pas une langue, mais tout ce qui se réfère à la Moldavie, y compris l'ensemble de ses citoyens, quelle que soit leur langue.  Partout où une loi ou un règlement emploie le terme de moldave pour désigner la langue, il doit être remplacée par le mot «roumain». 

Le même jour, le Parlement moldave adoptait une résolution condamnant l'invasion russe de l'Ukraine en 2022. Se pourrait-il que les Moldaves n'aient plus peur de la Russie? Certains diraient que la Moldavie joue avec le feu, car c'est un pari risqué. En fait, elle compense son audace en autorisant la Transnistrie à faire comme bon lui semble, c'est-à-dire avoir trois langues officielles et employer le nom de «moldave» avec l'alphabet cyrillique.

- La non-obligation de connaître la langue officielle

Soulignons également que la Constitution n’oblige pas les citoyens moldaves à connaître la langue roumaine. D’ailleurs, l’article 10 garantit à tous les citoyens le droit de conserver, de développer et d'exprimer leur identité linguistique:

Article 10

L'unité du peuple et le droit à l'identité

1) L'État est basé sur l'unité du peuple de la république de Moldavie. La république de Moldavie est la patrie commune et indivisible de tous ses citoyens.

2) L'État reconnaît et garantit le droit de tous les citoyens de préserver, de développer et d'exprimer leur identité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse.  

Le fait que la Constitution n'oblige pas les citoyens à connaître la langue officielle peut entraîner de sérieux problèmes d'intégration au sein de la société moldave, puisque de nombreux citoyens peuvent vivre toute leur vie dans ce pays sans connaître la langue officielle, même comme langue seconde. Ils peuvent alors s'appuyer sur une autre langue comme le russe, même lorsque ce n'est pas leur langue maternelle, et contribuer de ce fait à octroyer à cette langue un statut privilégié qui concurrence la langue roumaine de la majorité moldave. Pourtant, la Moldavie n'emploie pas de contrainte en matière de langue, alors que la concurrence linguistique est très forte en Moldavie, notamment entre le russe et le roumain, voire entre l'ukrainien et le roumain. De plus, près de 15% de la population ignore la langue officielle ou, pour employer un euphémisme, «ne se sent pas très confortable» dans cette langue. En Transnistrie, pour la quasi-totalité des russophones de Transnistrie, il n’est même pas question d’apprendre cette langue (qu'ils méprisent ouvertement).

L'Espagne représente un cas opposé à la Moldavie concernant la connaissance de la langue officielle. Ainsi, l’article 3 de la Constitution espagnole déclare ce qui suit: «Le castillan est la langue espagnole officielle de l'État. Tous les Espagnols ont le devoir de le connaître et le droit de l'utiliser.» Or, contrairement à la Moldavie, le castillan est une langue forte en Espagne, ce qui n'est pas du tout le cas pour le roumain en Moldavie.

Le fait que dans ce pays il soit toujours possible pour un citoyen d’employer sa langue maternelle (p. ex., le russe, l’ukrainien, le bulgare, etc.), alors que la législation ait accordé un statut préférentiel au russe (et au gagaouze en Gagaouzie), tout cela crée forcément une hiérarchie entre les langues, lesquelles entrent forcément en concurrence. En réalité, les droits accordés de facto aux russophones apparaissent disproportionnés par comparaison avec leur poids démographique (autour de 3%), car la langue russe occupe encore le haut du pavé en Moldavie; elle sert encore de langue véhiculaire entre les différentes communautés ethniques, tandis que les slavophones (russes, ukrainiens, bulgares, biélorusses, etc.) forment un bloc solide pour favoriser perpétuellement la langue russe. Ces minorités ont compris que plus le russe servira de langue véhiculaire, plus il leur sera facile de réduire l'importance de la langue officielle afin de l'ignorer. À l'opposé, la majorité roumanophone ne semble pas avoir compris que moins le russe servira de langue véhiculaire, plus il sera aisé pour l'État de réduire le rôle du russe. 

- Les problèmes

Pour résoudre ces problèmes, le gouvernement a approuvé la création du ministère des Relations nationales et du Fonctionnement des langues, en y créant une Direction pour la promotion de la langue officielle et le contrôle du respect de la législation linguistique. Cette direction a également comme tâche la protection des langues minoritaires parlées dans le pays, ce qui entraîne des pratiques conflictuelles. L’une des fonctions principales de ce ministère consiste à promouvoir la politique linguistique de la république de Moldavie dans le domaine des relations nationales, assurer sur la base de la législation linguistique en vigueur le fonctionnement de la langue officielle et des autres langues parlées sur le territoire de la République et à représenter les minorités dans les organismes de l’administration publique afin de protéger les intérêts de l’ethnie majoritaire moldave et de ceux des minorités nationales. Bref, c'est souffler à la fois le chaud et le froid! C’est à ce ministère des Relations nationales et du Fonctionnement des langues que revient le rôle de veiller au respect de la législation linguistique en vigueur.

Jusqu'ici, les politiques linguistiques ont toujours défavorisé la majorité roumanophone en imposant surtout et partout le russe comme à l’époque soviétique (enseignement, télé, radio, médias, cinéma, affaires, transport, armée, etc.) et ont conduit à ce que même aujourd’hui une bonne partie des concitoyens représentant diverses diasporas et l’ethnie gagaouze continue à parler seulement russe sans connaître la langue officielle. En somme, beaucoup de membres des  minorités linguistiques peuvent vivre toute leur vie en Moldavie sans jamais connaître le roumain et sans en être inquiétés. Le bilinguisme, c'est pour les roumanophones majoritaires, pas pour les minorités pour qui le bilinguisme concerne leur langue et le russe, non le roumain. 

1.2 Le traitement préférentiel de la langue russe

Rappelons que l'article 13.2 de la Constitution se lit comme suit: «L'État reconnaît et protège le droit à la préservation, au développement et au fonctionnement de la langue russe et des autres langues parlées sur le territoire du pays.» Cela signifie que, dans la pratique, l'État ne peut pas ne pas tenir compte des droits de la langue russe en Moldavie. Autrement dit, l'usage de la langue roumaine n'exclut pas la traduction d'actes normatifs adoptés ou publiés par certaines autorités centrales de la république de Moldavie dans d'autres langues, ni la garantie par l'État du droit à l'éducation en russe, aux communications officielles et autres informations d'importance nationale en russe et à l'affichage des noms des institutions et des lieux publics en russe. Le russe n'est pas une langue officielle, mais il en a tous les attributs. En principe, la langue russe bénéficie des mêmes droits au Parlement, dans les tribunaux et les établissements d'enseignement.

- Le Parlement

La Constitution ne traite pas spécifiquement des langues utilisées au Parlement, bien que toutes les lois sont traduites en russe et ont la même valeur que dans la version de la langue officielle. Dans les faits, le Parlement moldave est bilingue, alors que le russe bénéficie d'un traitement nettement préférentiel, un traitement que n'ont pas les autres langues minoritaires. Il peut paraître surprenant que, malgré le statut de langue officielle accordé au roumain, le russe puisse jouir d'un tel privilège. Pourtant, la Constitution ne reconnaît qu'une seule langue officielle.

Cependant, l’article 78 de cette constitution prévoit notamment que, pour être élu président de la République, un citoyen moldave doit parler «couramment la langue officielle». Par conséquent, un individu unilingue russe ne peut pas se porter candidat à la présidence. C'est là un élément en faveur de la langue officielle!

- Les tribunaux

L’article 118 de la Constitution est consacré à la langue de la procédure judiciaire et au droit à un interprète:

Article 118

Langue de procédure et droit à un interprète

1) La procédure judiciaire doit se dérouler en langue moldave.

2) Les justiciables qui ne maîtrisent pas ou ne parlent pas
la langue moldave ont le droit de prendre connaissance de tous les documents et travaux du dossier, de s'exprimer au tribunal par l'intermédiaire d'un interprète.

3) En vertu de la loi, la procédure judiciaire peut également se dérouler
dans une langue acceptée par la majorité
des personnes participant au procès.

La loi accorde la priorité au roumain, mais les justiciables peuvent recourir aux soins d'un interprète. C'est un point en faveur du roumain!

- L'éducation

Pour ce qui est de l’éducation, plusieurs paragraphes (art. 35) sont prévus à l'article 35 de la Constitution :

Article 35

Le droit à l'éducation

1) Le droit à l'éducation est assuré par l'enseignement général obligatoire, par l'enseignement secondaire et professionnel, par l’enseignement supérieur, ainsi que par d’autres formes d’instruction et de perfectionnement.

2) L'État garantit, conformément à la loi,
le droit de choisir la langue d'enseignement et de formation des individus.

3) L'
étude de la langue officielle
est assurée dans les établissements d'enseignement à tous les niveaux.

4) L'enseignement public est gratuit.

5) Les établissements d'enseignement, y compris les établissements privés, sont constitués exercent leur activité dans les conditions fixées par la loi

6) Les établissements d'enseignement supérieur bénéficient du droit à l'autonomie.

7) L'enseignement secondaire, professionnel et supérieur public est également accessible à tous, selon les mérites de chacun.

8) L'État garantit, conformément à la loi, la liberté d'enseignement religieux. L'enseignement public est laïc.

9) Le droit prioritaire de choisir le domaine d’instruction de leurs enfants appartient aux parents.

Il faut surtout retenir que «l'étude de la langue officielle est assurée à tous les niveaux» (par. 3) et que «l'État garantit le droit de choisir la langue d'enseignement» (par. 2). Cela signifie que tout citoyen a le droit de choisir la langue dans laquelle il recevra son instruction. En Moldavie, à part quelques rares exceptions pour les écoles primaires, les établissements d'enseignement sont répartis en deux réseaux: l'un en roumain et un autre en russe. Quoi qu'il en soit, l'enseignement du russe comme langue seconde était obligatoire depuis 2001, mais est devenu facultatif en 2018, en concurrence avec l'anglais et/le français..

- Le bilan

La Constitution de 1994 ne fait pas l'affaire de tous les Moldaves de souche. Selon le partis au pouvoir, les autorités songent parfois à l'abroger et d'en adopter une nouvelle. Il semble que les dispositions constitutionnelles actuelles laissent encore trop de place au russe et interdisent toute union avec la Roumanie. La loi fondamentale du pays n'oblige même pas les citoyens à connaître la langue officielle. 

2 L'abrogation des lois linguistiques

La Moldavie a beaucoup légiféré sur les langues, ce qui démontre des difficultés certaines en cette matière. Les documents juridiques sur lesquels il est possible de s’appuyer pour décrire cette politique linguistique sont d’abord les trois lois adoptées le 31 août 1989, juste avant l’indépendance: la Loi sur le statut de la langue officielle (31 août 1989), la Loi sur le fonctionnement des langues parlées sur le territoire de la RSS de Moldavie (1989), la Loi sur la réintroduction de la langue moldave à la graphie latine (1989). Puis il y eut la Loi sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales et sur le statut juridique de leurs organismes (2001) et également la Loi sur le fonctionnement des langues parlées sur le territoire de la république de Moldavie (2020).

2.1 La loi linguistique n° 3465 de 1989

Il s'agit d'abord de la Loi n° 3465 sur le fonctionnement des langues parlées sur le territoire de la RSS de Moldavie (1989) et de la Loi sur le statut de la langue officielle (31 août 1989).  Bien que ces lois ne soient plus en vigueur, il est utile de savoir pourquoi elles ont été abolies. Ces lois ont été adoptées, alors que la Moldavie faisait encore partie de l'URSS. L'article 1er de la loi n° 3465 déclare que le roumain est la langue officielle sur la base de l'alphabet latin, tandis que l'article 2 énonce que «la langue des communications officielles de la vie publique est le gagaouze ou le russe» dans les territoires de résidence de la majorité de la population de nationalité gagaouze, c'est-à-dire la Gagaouzie:

Article 1er

1) En conformité avec la Constitution (la Loi fondamentale) de la RSS
moldave,
le moldave est la langue officielle de la RSS moldave et fonctionne sur la base de l'alphabet latin. En tant que langue officielle, le moldave est appliqué dans toutes les sphères de la vie politique, économique, sociale et culturelle, et remplit pour cette raison le rôle de langue des relations internationales sur le territoire de la République.

2) La RSS moldave garantit à tous les habitants de la République l'enseignement gratuit de la langue officielle au niveau nécessaire pour répondre à des obligations professionnelles.

Article 2

Dans les territoires de résidence de la majorité de la population de nationalité gagaouze,
la langue des communications officielles de la vie publique est le gagaouze ou le russe.

L'article 1er est avant tout déclaratif, mais l'article 2 laisse entendre que le roumain n'est pas une langue officielle en Gagaouzie et celle-ci peut être le gagaouze ou le russe. De plus, l'article 3 de la loi n° 3465 accorde un statut particulier au russe en tant que « langue des relations interethniques» et qu'il est employé «à côté du roumain comme langue des relations internationales»:

Article 3

Le russe, en tant que langue des relations interethniques en URSS, est utilisé sur le territoire de la République à côté du moldave comme langue des relations internationales; il assure le bilinguisme réel moldavo-russe et russo-moldave.

Enfin, l'article 4 de la loi n° 3465 garantit l'usage de l'ukrainien, du russe, du bulgare, de l'hébreu, du yiddish, du tsigane et des langues d'autres groupes ethniques:

Article 4

La RSS moldave
garantit
l'usage de l'ukrainien, du russe, du bulgare, de l'hébreu, du yiddish, du tsigane et des langues d'autres groupes ethniques résidant sur le territoire de la République afin de répondre à leurs besoins nationaux et culturels.

La loi désigne formellement six langues, dont le «tsigane» (en roumain: "ţigănească") qu'il serait préférable d'appeler «romani». Quant au yiddish, il faudrait plutôt parler de l'hébreu, car c'est cette langue qui peut être apprise à l'école.  En somme, la loi n° 3465 faisait en sorte que le russe bénéficiait autant de prérogatives que la langue officielle.  

En 2018, l'Arrêt de la Cour constitutionnelle n° 17 du 4 juin 2018 a aboli la Loi sur le fonctionnement des langues parlées sur le territoire de la République soviétique socialiste moldave (1989). Selon la Cour, le nom de «République socialiste soviétique de Moldavie» n’existe plus depuis le 23 mai 1991, date à laquelle le nom du pays a été changé en «République de Moldavie». La Cour a également trouvé, dans le préambule et l'article 3 de la loi, une autre preuve de son caractère obsolète: l'obligation d'utiliser le russe comme langue de communication entre les nations de l'Union des républiques socialistes soviétiques. Or, l'Union des républiques socialistes soviétiques s'est désintégrée le 26 décembre 1991. La Cour considère aussi que la loi reflète l'existence d'un paternalisme dans l'usage des langues en général, ce qui paraît incompatible avec les réalités européennes actuelles dans le domaine des droits fondamentaux. Ainsi, plusieurs autres considérations ont motivé la Cour à constater le caractère obsolète et inutile de la loi n° 3465. De toute façon, la loi avait été suspendue en 1994 et n'était plus appliquée.

De plus, la Cour a noté que le caractère officiel de la langue roumaine n'excluait pas la traduction d'actes normatifs adoptés ou publiés par certaines autorités centrales de la république de Moldavie dans d'autres langues, la garantie par l'État du droit à l'éducation en russe, à la publication d'actes normatifs, aux communications officielles et autres informations d'importance nationale en russe et à l'affichage des noms des institutions et des lieux publics en russe. Cependant, dans tous les cas, le russe doit demeurer une «option ultérieure». Par voie de conséquence, la Loi sur le statut de la langue officielle de la République soviétique socialiste moldave (1989) est également tombée en désuétude. 

2.2 La loi linguistique n° 234 de 2020

Étant donné que la Loi n° 3465 sur le fonctionnement des langues parlées sur le territoire de la RSS de Moldavie de 1989 était déclarée «obsolète» par la Cour constitutionnelle moldave lors de l'Arrêt du 4 juin 2018, la loi fut remplacée par la Loi n° 234 sur le fonctionnement des langues parlées sur le territoire de la république de Moldavie adoptée le 16 décembre 2020. Cette loi a été adoptée en quelques minutes dans des circonstances troubles par le PSRM (Parti des socialistes de la république de Moldavie) avec l'aide des communistes, tous pro-russes. Selon la nouvelle loi, la république de Moldavie doit garantir les conditions nécessaires à l'usage et au développement de la langue russe en tant que «langue de communication interethnique» (art. 2). À ce titre, la langue russe doit être employée sur le territoire de la république de Moldavie avec la langue officielle.

Ainsi, le russe reprenait son statut de langue de communication intercommunautaire sur le territoire moldave, statut qu'il avait perdu à la suite de l'Arrêt de la Cour constitutionnelle du 4 juin 2018. Les activités de secrétariat dans les organismes du pouvoir et de l’administration publique devaient se faire dans la langue officielle, le roumain, mais sur demande une traduction en russe devait être fournie. De même, les actes officiels devaient être rédigés et adoptés dans la langue officielle et ensuite traduits en russe, ainsi que dans l'Union territoriale autonome de Gagaouzie où ils seraient également traduits en langue gagaouze. Désormais, chacun sur le territoire moldave aurait le droit de choisir sa langue d’enseignement entre la langue officielle et la langue russe. La langue des affaires et de l’administration restait en revanche le roumain (le roumain).

Cependant, cette nouvelle loi linguistique du 22 décembre 2020 a aussi été déclarée inconstitutionnelle par la Cour constitutionnelle de Chisinau lors de l'Arrêt du 21 janvier 2021, car selon la Cour la langue russe ne bénéficie pas d'un statut spécial sur le territoire de la République. La Cour se réfère aux résultats du recensement de 2014, lorsque 77,87% de la population de la Moldavie a déclaré parler roumain et seulement 9,39% russe, ce qui crée une discrimination pour les autres minorités. De plus, cette loi fut votée au Parlement en l'absence d'avis du gouvernement, sans débat comme l'exige la législation, sans consultation de la société civile et même sans débat de l'Académie de Moldova et de la communauté scientifique. Voici trois extraits du jugement de la Cour constitutionnelle :

55. Ainsi, l'article 2 de la loi confère à la langue russe un statut privilégié par rapport aux autres langues des minorités ethniques de la république de Moldavie, un statut qui ne découle pas de la Constitution.

59. La Cour note que l' article 13 de la Constitution ne reconnaît qu'une seule langue officielle et ne contient pas l'expression «langue de communication interethnique». Le statut constitutionnel de la langue officielle implique précisément la fonction de la langue officielle comme langue de communication entre tous les citoyens de la république de Moldavie, quelle que soit leur origine ethnique à cet égard, et l'article 10 par. (1) de la Constitution, selon lequel l'État est fondé sur l'unité de la république de Moldavie, qui est le patrie commune et indivisible de tous ses citoyens.

62. Le
traitement préférentiel de la langue russe par rapport aux autres langues des minorités ethniques, en la positionnant au niveau de la langue officielle, est contraire à l'article 13 de la Constitution. Ce traitement n'est pas conforme aux principes énoncés par le Préambule de la Constitution et rend la prescription de l'article 10 par . (2) de la Constitution à vider de sa substance à l'égard des autres minorités ethniques qui parlent une langue autre que le russe.

63. En accordant à la langue russe un statut similaire à celui de la langue roumaine, la loi contestée diminue la force intégratrice de la langue officielle, notamment dans le domaine de l'activité des pouvoirs publics.

La décision de la Cour est définitive et sans appel. Les principales lois sur la langue officielle ayant été abolies, il ne reste plus que les lois ordinaires, dont certaines clauses contiennent des dispositions linguistiques.

Il en est ainsi du Traité d'amitié et de coopération entre la République de Moldova et la Fédération de Russie (2001), car il devint inconstitutionnel d'accorder les mêmes droits au russe et aux russophones qu'au roumain et aux roumanophones:

Article 20

1)
Les Hautes Parties contractantes réaffirment
le droit de leurs citoyens d'employer leur langue maternelle, de choisir librement la langue de communication, d'éducation, de formation et de création, conformément aux normes européennes et internationales.

2) Compte tenu du rôle et de l'importance de la langue russe, la partie moldave garantit, conformément à la législation nationale,
les conditions appropriées pour répondre aux besoins de formation en langue russe dans le système d'éducation
de la république de Moldavie.

3) La partie russe créera les conditions appropriées pour répondre aux besoins de formation en langue moldave dans la Fédération de Russie.

Il était vraiment naïf de croire que, dans la Fédération de Russie, les gouvernements locaux prendraient tous les moyens pour garantir les mêmes droits aux roumanophones. Par contre, la Moldavie s'engageait à protéger le russe comme si c'était une langue officielle. Ce genre de traité fut signé par le président Vladimir Voronin, un ukrainophone pro-russe et russophile.

C'est encore ce même président qui promulgua la Loi sur l'approbation du concept de politique nationale (2003):

I. DISPOSITIONS GÉNÉRALES

[...]

Le concept part de la vérité historiquement établie et confirmée par le trésor littéraire commun: le peuple moldave et le peuple roumain utilisent une forme littéraire commune qui «est basée sur la source vivante de la parole populaire en Moldavie» – une réalité qui donne à la langue nationale moldave un charme particulièrement prononcé, connu et apprécié. Ayant une origine commune, ayant un fond lexical de base commun, la langue nationale moldave et la langue nationale roumaine conservent chacune sa propre désignation, son glottonyme, comme signe d'identification de chaque nation: le moldave et le roumain.

La langue moldave ayant le statut de langue officielle est employée dans toutes les sphères de la vie politique, économique, sociale et culturelle. L’une des priorités de la politique nationale de la république de Moldavie est d’assurer l’acquisition de la langue moldave.

La
langue russe
qui, conformément à la législation en vigueur, a le statut de langue de communication interethnique, est également appliquée dans divers domaines de la vie de l'État et de la société. Le bilinguisme moldove-russe est caractéristique de la Moldavie. Dans les conditions actuelles, il est nécessaire de créer de réelles possibilités pour que le bilinguisme moldavo-russe devienne une réalité.

Sur le territoire de l'Unité territoriale autonome de Gagaouzie (Gagaouz-Yeri), le statut des langues officielles est consacré aux langues gagaouze, moldave et russe. Le moldave, l'ukrainien et le russe sont parlés dans les districts de l'est de la république de Moldavie.

Dans ce texte aujourd'hui inconstitutionnel, on revient encore à cette notion du russe avec le statut de «langue de communication interethnique», ce qui prive la langue officielle de cette prérogative.  Comme c'est le cas depuis l'indépendance de 1991, les présidents ont politisé la question linguistique entre pro-Russes et pro-Roumains en misant sur leurs propres intérêts plutôt que sur ceux de la majorité roumanophone.

La seule loi en date de 1989 qui n'a pas été abrogée est la Loi sur la réintroduction de la langue moldave à la graphie latine (1989). Le gouvernement fit émettre un timbre commémoratif en 1999 pour rappeler le retour de l'alphabet latin qui avait été évincé par la régime soviétique.

Lorsque, en 1993, l’Académie roumaine a modifié l’orthographe officielle de la langue roumaine, l’Institut de linguistique de l’Académie des sciences de Moldavie a dû reconnaître à la fois la décision de l'Académie roumaine ainsi que ​​la réforme de l'orthographe en 2005.  Cependant, ces changements n'ont pas été mis en œuvre par le ministère de l'Éducation de la Moldavie, mais par un arrêté ministériel (n° 872) sur l'application des règles d'orthographe roumaines.

3 La législation et les langues du Parlement

Le Parlement (en roumain : Parlamentul) est l'Assemblée législative monocamérale de la Moldavie. Il est formé de 101 députés élus au suffrage universel pour un mandat de quatre ans, mais il fonctionne selon un système proportionnel: les élections législatives moldaves se déroulent à la proportionnelle depuis la fin de l'ère soviétique, à l'exception d'une brève période entre 2017 et 2029. On compte plus d'une douzaine de partis politiques, mais les principaux sont les suivants:

Nom Sigle Nombre des députés
Parti des socialistes de la république de Moldavie PSRM 25
Parti libéral-démocrate de Moldavie PLDM 23
Parti des communistes de la république de Moldavie PCRM 21
Parti démocrate de Moldavie PDM 19
Parti libéral PL 13

Depuis l'indépendance, ces partis ont tour à tour gouverné le pays en recourant à des coalitions pour former un gouvernement ou pour adopter des lois controversées. Les partis les plus pro-russes sont le PSRM et le PCRM, les socialistes et les communistes. L'article 3 de la Loi sur les partis politiques (2007) interdit la discrimination fondée sur la langue:

Article 3

Restrictions aux activités des partis politiques

6)
La constitution et les activités des partis politiques sur la base d'une discrimination fondée
sur la race, la nationalité, l'origine ethnique, la langue, la religion, le sexe, la richesse ou l'origine sociale sont interdites.

En principe, la non-discrimination est une vertu.

3.1  La langue officielle

Selon le paragraphe 8 de l'article 47 du Règlement du Parlement (1996), un projet de loi doit être présenté dans la langue roumaine avec sa traduction en russe, mais le paragraphe 10 énonce que les projets de loi soumis par les députés doivent être présentés en roumain ou en russe:

Article 47

Les conditions d'exercice du droit d'initiative législative et les objets de ce droit:

8)
Tout projet de loi doit être présenté
dans la langue moldave avec sa traduction en russe.

9) Les projets de loi, de propositions législatives et de documents visés aux paragraphes 6 et 7 sont annexés sous forme électronique.

10) Les projets de loi et les propositions législatives soumis par les députés doivent être présentés
en moldave ou en russe
. Le secrétariat du Parlement assure leur traduction dans la langue appropriée.

Lorsqu'un projet de loi peut être présenté dans l'une des deux langues, donc possiblement en russe et non en roumain, cela signifie que les deux langues sont à égalité de statut. Or, il n'existe qu'une seule langue officielle!

Bien que la traduction simultanée des sessions plénières du Parlement soit assurée par deux spécialistes, ni le règlement du Parlement, ni d'autres actes normatifs ne le prévoient. Dans le Règlement du Parlement, l'article 47 indique que seuls «les projets de loi et les propositions législatives soumis par les députés doivent être présentés en roumain ou en russe». Le secrétariat du Parlement assure leur traduction dans la langue appropriée. Dans les faits, de nombreux députés russophones ont déclaré qu'ils ne recouraient plus aux services des traducteurs, car ils maîtrisent suffisamment la langue officielle. Par contre, d'autres sont unilingues russes.

Cependant, tel n'est pas le cas pour les membres du gouvernement et pour le président de la République.  En effet, pour devenir membre du gouvernement, l'article 16 de la Loi sur le gouvernement (2017) impose comme l'une des exigences la connaissance de la langue roumaine ("limba română"):

Article 16

Exigences de nomination

1)
Une personne qui satisfait cumulativement aux exigences suivantes peut être membre du gouvernement:

a) avoir la nationalité de la république de Moldavie;
b) avoir son domicile sur le territoire de la république de Moldavie;
c) n'avoir aucune mesure de protection judiciaire instituée à son égard;
d)
connaître la langue roumaine;
e) avoir une formation supérieure;
f) avoir une réputation sans faille.

Il en est ainsi pour se porter candidat à la fonction de président de la République, selon l'article 3 de la Loi sur l'élection du président de la République (2000):

Article 3

Conditions pour les candidats à la fonction de président de la république de Moldavie


Tout citoyen moldave ayant le droit de vote qui est âgé de 40 ans, a résidé ou réside en permanence dans le territoire de la république de Moldavie depuis au moins dix ans,
parle la langue officielle et répond aux prescriptions de la présente loi peut poser sa candidature à la fonction de président de la république de Moldavie.

On peut conclure que la langue officielle bénéficie d'une préséance certaine, mais la langue russe maintient des prérogatives dans la mesure où toutes les lois sont traduites dans cette langue, alors qu'elle n'est pas officielle et qu'elle est parlée par environ 3% de la population. Or, les Ukrainiens (4,4%) et les Gagaouzes (3%) ont chacun autant de locuteurs que le russe.   

3.2 Les exigences linguistiques

La législation moldave prévoit des exigences concernant la qualité de la langue officielle.  L'article 19 de la Loi sur les actes législatifs (2001) impose les règles suivantes:

Article 19

Langue, orthographe et ponctuation dans l'acte législatif

Le texte du projet d'acte législatif doit être rédigé
dans la langue officielle, conformément aux règles suivantes:

a) toute phrase est construite selon les règles grammaticales de manière à exprimer correctement, de façon concise et sans équivoque une idée afin d'être facilement comprise par tout sujet intéressé;

b) une seule idée est exprimée par phrase;

c) des termes appropriés compatibles avec ceux employés dans la législation communautaire ou similaires à ces derniers et à large diffusion;

d) une notion ne peut être reproduite par sa définition ou par une phraséologie, mais par un terme adéquat;

e) la terminologie employée dans un projet de loi doit être constante et uniforme comme dans les autres actes législatifs et dans les règlements de la législation communautaire; un seul et même terme sera utilisé s'il est correct, et son emploi répété exclut toute confusion;

f) les néologismes ne sont utilisés que s'ils sont largement diffusés;

g) l'emploi de régionalismes, de mots et d'expressions non fonctionnels, idiomatiques, inutilisables et/ou ambigus est évitée;

 L'article 46 de la Loi sur les actes normatifs du gouvernement et d'autres autorités de l'administration publique centrale et locale (2003-2010) poursuit les mêmes objectifs:

Article 46

Langue et expression juridique

1) Le texte d'un projet d'acte normatif doit être rédigé
en langue moldave avec une traduction dans une autre langue, conformément à la législation et aux règles énoncées dans le présent article.

2) Le contenu d'un projet doit être présenté dans un langage simple, clair et concis, afin d'exclure toute ambiguïté dans le strict respect des règles grammaticales et orthographiques.
L'usage d'archaïsmes et de régionalismes n'est pas autorisé. Le texte de chacun des articles doit avoir une contenu déterminant pour présenter le texte sans aucune explication ni justification.

3)
Il est interdit d'utiliser des néologismes s'il existe des synonymes de large diffusion. Dans les cas où l'usage d'expressions et de termes étrangers est nécessaire, leur correspondant en langue moldave doit être employé, le cas échéant.

4) Les notions monosémiques doivent être employées dans la mesure du possible, conformément à la terminologie juridique. Si un terme est polysémique, le sens dans lequel il est utilisé doit être clair dans le texte.

5) Les termes spécialisés ne peuvent être employés que s'ils sont inscrits dans le domaine d'activité auquel le règlement se réfère.

6) En langage normatif, les mêmes notions ne sont exprimées que par les mêmes termes.

7) Si une notion ou un terme n'est pas reconnu ou peut avoir des significations différentes, son sens dans le contexte doit être précisé par l'acte normatif qui les emploie dans le cadre des dispositions générales ou dans une annexe expresse, et cela devient contraignant pour les actes normatifs du même domaine.

8) L'usage par abréviations de certains noms ou termes ne peut se faire qu'après leur explication dans le texte, lors du premier emploi.

9) Les verbes doivent généralement être employés au présent.

Bien que le roumain soit l’unique langue officielle, l’État fonctionne dans les faits sur le mode du bilinguisme institutionnel. C’est une pratique héritée du régime soviétique et elle se perpétue en Moldavie. Outre les parlementaires, les membres du gouvernement peuvent employer le roumain ou le russe dans leurs rapports avec leurs concitoyens. Les lois, les comptes rendus et les arrêtés sont rédigés, imprimés et publiés en roumain et en russe, les deux versions ayant la même valeur au point de vue juridique. Ce bilinguisme réduit nécessairement l'attractivité de la langue officielle auprès de la population.

Il ne faut pas oublier que la langue roumaine parlée en Moldavie a subi les assauts de la langue russe depuis 1812, lorsque l'Empire russe a annexé la Bessarabie. Par conséquent, la langue roumaine a dû recourir massivement aux russismes, ce qui la distingue du roumain, bien qu'il s'agisse de la même langue.

4 Les langues de la justice et la traduction

Selon le rapport "Freedom in the World 2019" de Freedom House sur la Moldavie, le pouvoir judiciaire de la Moldavie est sensible aux pressions politiques qui entravent son indépendance, tandis qu'une procédure régulière fait souvent défaut dans le système judiciaire moldave. Le rapport propose un certain nombre de recommandations détaillées aux partis politiques, aux organismes chargés de l'application de la loi et aux représentants du pouvoir judiciaire dans le but de réduire la pratique de la «justice sélective» et d'accroître la transparence du secteur judiciaire moldave. Les juges sont nommés par le président de la République à partir d'une proposition du Conseil supérieur de la magistrature: ils sont d’abord nommés pour une période probatoire de cinq ans, à l’issue de laquelle ils sont titulaires jusqu’à l’âge légal de la retraite. On parle de «justice sélective» en Moldavie dans la mesure où les juges sont plus cléments ou plus rigides en fonction de certains actes ou de certaines catégories de personnes impliquées dans un procès. De plus, le pouvoir judiciaire demeure l'un des secteurs les moins réformés en Moldavie. Il est considéré comme très corrompu et servile envers les groupes politiques et commerciaux au pouvoir. Les principales institutions judiciaires seraient dans une large mesure subordonnées à quelques oligarques, et ce, d'autant plus que les principaux postes du système judiciaire sont pourvus de manière non transparente par des fonctionnaires fidèles aux oligarques pro-russes.

En raison du manque de progrès dans les réformes du système judiciaire, l'Union européenne a annoncé en octobre 2017 qu'elle ne transférerait plus de fonds au budget de l'État moldave pour soutenir les réformes dans le secteur de la justice et a gelé une assistance macro-financière de 100 millions d'euros. À la fin de 2017, le niveau de méfiance envers le système judiciaire parmi les Moldaves atteignait 80%, et seulement 14% de la population considérait les juges et les procureurs comme indépendants. En somme, la dépolitisation du pouvoir judiciaire, qui est régulièrement employé par le groupe oligarchique au pouvoir comme un instrument pour protéger ses intérêts politiques et commerciaux, serait nécessaire.

Même la Cour constitutionnelle, la plus haute cour du pays, est dénoncée pour avoir pris des décisions qui se sont avérées politiquement motivées. Cependant, ce genre d'accusation, généralement fondée, est aussi l'une des caractéristiques non seulement de la plupart des régimes autoritaires, mais également dans de nombreux régimes démocratiques en Occident (États-Unis, Canada, France, Italie, etc.). Tout est une question de degré entre une cour entièrement contrôlée de l'extérieur ou une cour partiellement inféodée aux idéologies du moment.

4.1 La non-discrimination

L'article 176 du Code pénal (2002) interdit toute discrimination entre les individus sur la base de critères raciaux, de la nationalité, de l'origine ethnique, de la langue, de la religion, etc.:

Article 176

Infraction de l'égalité des droits des citoyens

1)
Toute distinction, exclusion, restriction ou préférence dans les droits et libertés de la personne ou d'un groupe de personnes, tout soutien à un comportement discriminatoire dans les domaines politique, économique, social, culturel et autres, sur la base de critères raciaux,
de la nationalité, de l'origine ethnique, de la langue, de la religion ou de la croyance, du sexe, de l'âge, d'un  handicap, d'une opinion, appartenance politique ou de  tout autre critère:

a) qui est commis par une personne occupant un poste de responsabilité;
b) qui a causé des dommages importants;
c) qui commis en plaçant des messages et symboles discriminatoires dans des lieux publics;
d) qui est commis sur la base d'au moins deux critères;
e) qui commis par deux ou plusieurs personnes,

sera passible d'une amende.

Néanmoins, certaines affaires à caractère raciste sont traitées comme des infractions mineures, de sorte que les accusés s'en tirent avec des peines légères. De son côté, le Conseil pour l'égalité a examiné un certain nombre de cas à la suite de plaintes du public selon lesquelles des organismes publics ou privés auraient refusé de communiquer avec des citoyens en russe. Dans ce cas, ce genre de refus est qualifié de discriminatoire, car la loi accorde le droit aux citoyens d'employer sa langue maternelle. S'il est plus aisé d'exiger une communication en russe, le problème est généralement insoluble avec l'ukrainien, le bulgare ou le romani.

4.2 La langue privilégiée de la procédure judiciaire

Dans toutes les lois qui abordent cette question, la langue officielle est obligatoire dans une procédure judiciaire. L'article 6 de la Loi sur le statut des juges (1995) oblige les juges à connaître la langue officielle:

Article 6

Conditions pour se porter candidat comme juge

1)
Une personne qui possède la nationalité de la république de Moldavie a son domicile dans le pays et remplit les conditions suivantes peut postuler pour un poste de juge:

a) avoir la capacité d'exercer le poste;
b) être autorisé par la loi;
c) être diplômé de l'Institut national de la justice;
d) ne pas avoir de casier judiciaire et jouir d'une bonne réputation;
e)
connaître la langue officielle;

Est-ce qu'un juge est tenu de maîtriser une autre langue?  En principe, ce n'est pas le cas.

De fait, la Loi sur le système judiciaire (1995) énonce clairement que la procédure judiciaire doit se dérouler en roumain ("limba moldoveneasca"), mais lorsqu'un justiciable ne connaît pas cette langue, il a le droit de recourir à un interprète:

Article 9

Langue de la procédure judiciaire et droit à l'interprète

1) La procédure judiciaire doit se dérouler en moldave.

2) Les personnes ne comprenant pas le moldave ou ne le parlant pas ont le droit de prendre connaissance de tous les documents et des documents du dossier et de s'exprimer devant la cour au moyen d'un interprète.

3) La procédure judiciaire peut se dérouler dans la langue acceptée par la majorité des individus participant au procès.

4) Si la procédure judiciaire se déroule dans une autre langue, les documents de la procédure judiciaire doivent obligatoirement être présentés dans la langue moldave.

L'article 24 du Code de procédure civile (2003) précise bien qu'un procès puisse se dérouler dans une autre langue que la langue officielle, normalement en russe, avec l'accord de toutes les parties, mais le jugement devra être transmis en roumain ("limba moldovenească"):
 

Article 24

Langue de la procédure et droit à un interprète

1)
Le procès des causes civiles devant les tribunaux doit se dérouler
dans la langue moldave.

2) Les justiciables intéressés à résoudre une cause qui ne maîtrisent pas ou ne parlent pas la langue moldave
ont le droit de se familiariser avec les documents, les travaux de la procédure et de prendre la parole devant le tribunal
par l'intermédiaire d'un interprète.

3) Par décision du tribunal, le procès peut se dérouler dans une langue acceptée par la majorité des participants au procès.

4) Si le procès se déroule dans une autre langue, le tribunal doit également rendre
sa décision dans la langue moldave.

5) Les documents de décision du tribunal sont remis aux participants au procès en étant complétés
dans la langue dans laquelle le procès a lieu ou, sur demande, dans la langue officielle.

L'article 15 du Code de juridiction constitutionnelle (1995) reprend les mêmes dispositions minimales sur la langue roumaine ("limba moldovenească") et l'interprétariat:

Article 15

Langue de la procédure de la compétence constitutionnelle

1)
La procédure de juridiction constitutionnelle doit se dérouler
en langue moldave.

2) Les justiciables qui ne connaissent pas la langue de la procédure ont le droit de s'exprimer devant le tribunal par l'intermédiaire d'un interprète.

Le Code de procédure pénale (2003) reprend les mêmes dispositions que les codes précédents, sauf qu'à l'article 151 on trouve l'expression moins employée «langue roumaine» ("limba română"):

Article 16

Langue de la procédure pénale et droit à un interprète

1)
La langue officielle doit être employée dans la procédure pénale.

2) Le justiciable qui ne possède pas ou ne parle pas la langue officielle a le droit de prendre connaissance de tous les documents et éléments du dossier, de s'exprimer devant l'instance d'enquête pénale et devant le tribunal
par l'intermédiaire d'un interprète.

3) Un procès pénal peut également se dérouler
dans la langue acceptée par la majorité des personnes participant au procès. Dans ce cas, les décisions procédurales doivent également être rédigées dans la langue officielle.

4) Les actes de procédure de l'instance d'enquête pénale et ceux du tribunal sont remis au suspect, à l'accusé, au prévenu, en étant traduits
dans sa langue maternelle ou dans la langue qu'il connaît
, de la manière prévue par le présent code.

Article 151

Préparation et présentation du rapport par un expert

1)
Après avoir effectué les investigations nécessaires, l'expert rédige un rapport, sous forme écrite, imprimée,
en langue roumaine, lequel est présenté en trois parties: la partie introductive, la partie descriptive et les conclusions.

 Enfin, la Loi sur la Cour constitutionnelle (1994) confirme l'usage de la langue officielle et le recours à un interprète:

Article 30

Langue de procédure

1)
La procédure et le secrétariat de la Cour constitutionnelle doivent se dérouler
dans la langue officielle. Les documents soumis dans une autre langue doivent être traduits dans la langue officielle et rendus publics.

2) Les participants à l'audience de langue étrangère peuvent s'exprimer et donner des explications
par l'intermédiaire d'un interprète.

Évidemment, de nombreux membres des minorités, surtout les russophones, se plaignent des mauvais services offerts par le système judiciaire. Lorsqu'ils demandent des informations écrites en russe, il n'est pas toujours certain qu'ils vont recevoir une réponse dans la langue demandée. Des arrestations à caractère politique et des arrestations sans fondement juridique valable ont également été signalées au cours des dernières années. De telles arrestations auraient été effectuées contre des opposants au gouvernement, surtout lorsque le Parti communiste est au pouvoir.

5 Les langues de l'administration

Les structures administratives de l’État moldave sont fermement disposées dans tout le pays, à l’exception de la Gagaouzie et de la Transnistrie. L'administration moldave compte trois niveaux: l'administration centrale (le gouvernement national), l'administration régionale (les districts appelés "raioane") et l'administration locale (les municipalités). Malheureusement, dans de nombreux domaines, son efficacité (en particulier dans les zones rurales) reste limitée en raison du manque de financement et de personnel de qualité, ainsi que des niveaux élevés de corruption et d'impunité.

De nombreux fonctionnaires, quel que soit leur rang, sont corrompus par des acteurs économiques et politiques influents ou utilisent leur fonction pour protéger leurs propres intérêts et s'enrichir. Malgré l'ampleur et l'intensité de ce phénomène, les condamnations des fonctionnaires et des politiciens sont très rares. Même là où des poursuites ont lieu, elles ne sont pas généralement motivées par l'efficacité de la justice, mais par la concurrence corporative.

5.1 La législation abrogée

Dans la Loi sur le fonctionnement des langues parlées sur le territoire de la république de Moldavie adoptée en 2020 et déclarée inconstitutionnelle dans l'Arrêt du 21 janvier 2021 de la Cour constitutionnelle, le russe était reconnu comme «langue de communication interethnique sur le territoire du pays»:

Article 2 [inconstitutionnel]

1) La république de Moldavie fournit les conditions nécessaires à l'usage et au développement de la langue russe en tant que langue de communication interethnique sur le territoire du pays.

2) La langue russe, en tant que langue de communication interethnique, est employée sur le territoire de la république de Moldavie avec la langue officielle.

En raison de ce statut particulier, toutes les institutions publiques, y compris l'administration moldave, devaient au choix du citoyen répondre dans la langue russe, voire dans les langues maternelles ukrainienne, bulgare et autre: 

Article 6 [inconstitutionnel]

Dans les relations avec les autorités, l'administration publique, les institutions publiques, ainsi que les entreprises et les organisations situées sur le territoire de la république de Moldavie, la langue de communication orale et écrite est, au choix du citoyen, la langue officielle ou langue de communication interethnique. Dans l'UTA de Gagaouzie, dans les relations mentionnées ci-dessus, le droit du citoyen d'utiliser la langue gagaouze est également garanti. Dans les régions où la majorité de la population est ukrainienne, russe, bulgare ou d'une autre ethnie, la langue officielle, la langue maternelle ou toute autre langue acceptée par la majorité de la population est employée pour la communication.

Ce faisant, le russe se voyait octroyer un statut de langue quasi officielle, ce qui obligeait tous les employés de l'État à connaître cette langue. Le Parlement, alors dominé par une majorité de députés pro-russes avaient réussi un coup de force en se votant des dispositions bétonnées destinées à protéger la langue russe sans la déclarer co-officielle. Cependant, la loi ayant été déclarée inconstitutionnelle, ces obligations sont devenues illégales. Dans les faits, même si les lois linguistiques de 1989 et de 2020 ont été abolies par la Cour constitutionnelle, le bilinguisme judiciaire et administratif continue de s'appliquer en ce qui concerne la langue russe.

5.2 Le bilinguisme de la fonction publique

La Loi sur la fonction publique de 1995, aujourd'hui abrogée, obligeait les fonctionnaires à maîtriser le roumain, mais ceux et celles qui pouvaient s'exprimer en plus dans une autre langue, le russe par exemple, avaient le droit de recevoir une augmentation de salaire mensuelle pouvant aller jusqu'à 25 %:

Article 13 [abrogé]

Le droit à l'emploi dans la fonction publique

2)
Quiconque est employé dans la fonction publique doit connaître la langue moldave dans les limites prévues par la législation sur le fonctionnement des langues sur le territoire de la république de Moldavie.

Article 24
[abrogé]

Rémunération du travail

3)
Le fonctionnaire bénéficie d'une augmentation de salaire selon le diplôme de qualification, une augmentation pour l'ancienneté dans le travail, une augmentation pour le diplôme scientifique,
une augmentation pour la connaissance de deux ou de plusieurs langues, dont l'une est la langue officielle, dans le cas où ces langues sont employées dans l'exercice de la fonction.

7) Pour la connaissance de deux ou de plusieurs langues, dont l'une est la langue officielle, dans le cas où ces langues sont employées dans l'exercice du poste, une augmentation mensuelle pouvant aller jusqu'à 25 %  est accordée par rapport au salaire de la fonction.

Il s'agissait là d'une mesure incitative pour bilinguiser la fonction publique moldave. Cette loi a été remplacée par la Loi sur la fonction publique et le statut des fonctionnaires (2008). Toutefois, cette dernière loi exige encore la maîtrise des «langues officielles de la communication interethnique», ce qui est illégal en raison de l'Arrêt du 21 janvier 2021 de la Cour constitutionnelle:

Article 27

Conditions de candidature à une fonction publique

1)
Une personne qui remplit les conditions de base suivantes peut se porter candidate à une fonction publique:

a) détenir la nationalité de la république de Moldavie;

b)
maîtriser la langue moldave et les langues officielles de la communication interethnique parlées sur le territoire respectif dans les limites fixées par la loi;

Il ne reste plus que l'article 4 de la Loi sur le code de conduite des fonctionnaires (2008) qui interdit toute discrimination en fonction de la langue:

Article 4

Impartialité

1)
Le fonctionnaire est tenu de prendre des décisions et d'agir de manière impartiale, non discriminatoire et équitable, sans donner la priorité à des personnes ou à des groupes en fonction
de la race, de la nationalité, de l'origine ethnique, de la langue, de la religion, du sexe, des opinions, de l'affiliation politique, de la fortune ou de l'origine sociale.

2) Le fonctionnaire doit avoir un comportement basé sur le respect, l'exigence, l'équité et l'amabilité dans ses relations avec le public, ainsi que dans ses relations avec les dirigeants, les collègues et les subordonnés.

Ici encore, on peut soupçonner les députés du Parlement, alors dominé par les pro-russes du président autocrate Vladimir Voronin, de s'octroyer des protections sous le couvert de la non-discrimination.

La Loi sur les actes d'état civil (2001), du moins à l'article 5, reflète cet état de bilinguisme, tout en rendant obligatoire la maîtrise de la langue officielle:

Article 5

La préparation des actes d'état civil

4)
La préparation des documents d’état civil, ainsi que l’enregistrement des entrées
doivent être effectués dans les langues moldave et russe. Les certificats d’état civil déclarés inconstitutionnels sont remplis dans la langue moldave et, à la demande du demandeur, dans une autre langue, conformément à la loi n° 3465-XI du 1er septembre 1989 sur le fonctionnement des langues parlées sur le territoire de la république de Moldavie.

Article 17

Cadres et fonctionnaires des services et bureaux de l'état civil

1)
Seuls les citoyens de la république de Moldavie, dont la formation et les qualités personnelles correspondent au poste,
qui maîtrisent la langue officielle et ont une ancienneté de fonctionnaire d'au moins deux ans peuvent être fonctionnaires.

5.3 La priorité au roumain (moldave entre 1994-2023)

Selon l'article 26 du Code administratif (2018), la langue de la procédure administrative est celle prévue par la loi:

Article 26

Langue de la procédure

La
langue de la procédure devant les autorités publiques et les tribunaux compétents est celle prévue par la loi.

Article 32

Compréhensibilité et transparence des actions des pouvoirs publics

1)
La procédure administrative est structurée de manière à ce que les participants puissent comprendre chaque étape de la procédure. Si la contribution d'un participant est requise, les mesures à prendre lui seront communiquées sans délai,
dans un langage clair et facilement compréhensible.

Le problème, c'est qu'il ne restait plus de loi à ce sujet puisque l'Arrêt de la Cour constitutionnelle n° 17 du 4 juin 2018 avait aboli la Loi sur le fonctionnement des langues parlées sur le territoire de la République soviétique socialiste moldave (1989). Cependant, un principe demeure: le droit à un interprète. Ainsi, en vertu de ce principe, les affaires devant un tribunal administratif se déroulent dans la langue officielle, mais les citoyens qui ne possèdent pas ou ne parlent pas cette langue ont le droit de lire les documents et de connaître le dossier en recourant à un interprète. Bref, l'interprétation et la traduction doivent néanmoins être d'une qualité suffisante pour garantir que les participants à la procédure comprennent toutes les implications qui les concernent.

La Loi sur la citoyenneté (2000) est très claire sur le degré de connaissance pour l'obtention de la citoyenneté moldave:

Article 17

Conditions nécessaires pour la naturalisation

1)
La citoyenneté moldave peut être accordée à la demande d'une personne qui a atteint l'âge de 18 ans et qui :

e) connaît la langue officielle, suffisamment bien pour s'intégrer à la vie sociale;

2) La connaissance des dispositions de la Constitution et du niveau de connaissance de la langue officielle par le candidat à la citoyenneté moldave est définie selon les modalités établies par le gouvernement.

Article 18

Niveau de connaissance de la langue nationale

1)
Une personne est considérée comme maîtrisant la langue officielle si elle:

a) comprend suffisamment la langue usuelle et l'information à caractère officiel;
b) participe à la conversation et répond aux questions de la vie quotidienne;
c)
est capable de lire et de comprendre suffisamment un texte écrit à caractère social, les lois et autres règlements;
d) est capable
d'écrire un exposé s
ur un sujet de sa vie quotidienne.

L’alinéa e) de l'article 17 précise qu'il faut connaître la langue officielle «suffisamment bien pour s'intégrer à la vie sociale», ce qui semble relativement flou. En réalité, un russophone qui sait dire bunaziua («bonjour»), multumesc («merci») et larevedere («au revoir») n’aura bien souvent aucun problème, comme à l’époque soviétique.

L'article 4 de la Loi sur les médiateurs parlementaires (1997) exige de faire une demande par écrit dans la langue officielle ou dans une autre langue:

Article 14

1) Les demandes doivent être soumises au médiateur parlementaire par écrit dans la langue officielle ou dans une autre langue, conformément à la Loi sur le fonctionnement des langues parlées sur le territoire de la république de Moldavie.

En somme, les exigences linguistiques sont relativement sévères pour un étranger désirant obtenir la citoyenneté, mais ces dispositions ne valent pas pour les citoyens moldaves dont la langue maternelle est le russe, le bulgare, l'ukrainien, le gagaouze, etc.    

5.4 Les exigences linguistiques d'ordre commercial
 
Dans le domaine commercial, la Loi sur les marques et les appellations d'origine des produits (1995) oblige à ce que l'appellation d'origine d'un produit soit rédigée dans la langue officielle:
 
Article 8

Demande d'enregistrement de la marque ou de l'appellation d'origine du produit

7)
La demande effective d'enregistrement de la marque ou de l'appellation d'origine du produit doit être rédigée
dans la langue officielle. Les autres documents de la demande doivent être présentés dans la langue officielle ou dans une autre langue. Dans ce dernier cas, dans les deux mois suivant la date de sa présentation, la traduction de ces documents dans la langue officielle doit être jointe.

L'article 6 du Règlement d'application de la loi n° 588/1995 sur les marques et les appellations d'origine des produits (2003) est dans le même esprit en accordant la nette priorité à la langue officielle :

Règle 6

Langue officielle

1)
La demande, conformément à l'art. 8.7 de la loi, doit être rédigée dans la langue officielle.

2) Les autres documents sont soumis dans la langue officielle ou dans une autre langue.

3) Si les documents, conformément à la règle 6.2. du Règlement, sont présentés dans une autre langue, sur demande, dans les deux mois suivant la date de sa présentation, leur traduction dans la langue officielle doit être jointe. L’authenticité de la traduction doit être certifiée par un notaire, sauf dans les cas où le représentant légalise la traduction des documents qu’il soumet sur la base des autorisations appropriées.

La Loi sur la protection des consommateurs (2003) contraint les agents économiques à fournir les informations sur les biens et services en roumain ou bien en roumain et en russe:

Article 20

Obligations des agents économiques en matière d'information des consommateurs

1)
L'information des consommateurs sur les produits et les services proposés doit se faire par des éléments d'identification et en indiquant leurs caractéristiques, visibles et explicites sur le produit, l'étiquette, l'emballage ou dans une carte technique, dans le mode d'emploi ou dans toute autre documentation accompagnant le produit, le service et le cas échéant, en fonction de leur destination.

2) Il est interdit d'importer et de mettre des produits sur le marché, de fournir des services en l'absence d'informations complètes, véridiques et correctes
dans la langue moldave ou dans les langues moldave et russe.

6) Toutes les informations, y compris les informations orales, sur les produits, les services fournis aux consommateurs, la documentation d'accompagnement, ainsi que les contrats conclus,
doivent être présentées en langue moldave ou bien en moldave et dans l'une des langues de circulation internationale.

Selon la Loi sur la publicité (1997), toute publicité doit être dans la langue officielle, mais elle peut être aussi en d'autres langues: 

Article 8

Exigences générales

1)
La publicité doit être juste et honnête.

2) La publicité doit être identifiée sans connaissance particulière et sans recours à des moyens techniques.

3) La publicité ne doit pas induire en erreur ni nuire aux intérêts des consommateurs.

7) La publicité est diffusée
dans la langue moldave et, à la demande du fournisseur de publicité, dans d'autres langues, conformément à la Constitution de la république de Moldavie, à la Loi sur le fonctionnement des langues parlées sur le territoire de la république de Moldavie et les traités internationaux.

Dans les faits, la publicité commerciale en Moldavie est généralement en roumain, parfois en russe, mais cette langue est de plus en plus concurrencée par l'anglais.

Le Code civil (2002) de Moldavie contraint également les sociétés à produire leur acte constitutif en roumain:

Article 247

Acte constitutif de la société

4)
L'acte constitutif de la société est rédigé
dans la langue officielle et est signé par tous les associés fondateurs.

Article 256

Dispositions générales concernant la société en nom collectif

3)
Le nom de la société au nom collectif doit inclure l'expression
dans la langue officielle «société au nom collectif» ou l'abréviation «SNC», le nom ou la désignation des associés. Si le nom ou la dénomination de tous les associés n'est pas inclus, le nom ou la dénomination d'au moins l'un des associés et l'expression dans la langue officielle «et la société» ou l'abréviation «et Co.» doivent être incluses dans le nom de la société.

Le même code exige l'emploi de la langue officielle dans les contrats, sans exclure d'autres langues:

Article 1015

Exigences relatives au contenu de l'information pour les contrats à distance et hors établissement

7)
Les informations sont présentées dans la langue officielle, sans exclure le droit du professionnel de les présenter en outre dans d'autres langues de communication. À la demande du consommateur, le professionnel peut présenter les informations dans une autre langue que la langue officielle.

Enfin, l'article 31 de la Loi sur les activités bancaires (2017) oblige les banques à publier en roumain certains documents provenant d'une banque étrangère :

Article 31

Publication de l’information par la direction générale

1)
Les succursales des banques d’autres États
doivent publier en langue roumaine les documents suivants de la banque étrangère : les états financiers annuels, les états financiers annuels consolidés, le rapport établi par les organismes de gestion et, le cas échéant, le rapport consolidé établi par les organismes de gestion, le rapport d’audit des états financiers annuels et des états financiers annuels consolidés, rédigé et vérifié, conformément à la législation de l’État d’origine de la banque.

6 Les langues de l'éducation

Conformément à la Loi sur l'éducation, le système d'éducation est organisé en niveaux, en étapes et en cycles. Il comprend notamment l'enseignement préscolaire, l’enseignement primaire, l’enseignement «gymnasial», l’enseignement secondaire, l'enseignement secondaire professionnel et l’enseignement supérieur. Sous le régime soviétique, il y avait trois réseaux: l'un en moldave distinct du roumain avec l'alphabet cyrillique, un autre en russe et un dernier bilingue (moldave-russe). Évidemment, le russe s'est imposé comme langue prédominante à tous les niveaux de l'organisation sociale, y compris dans l'enseignement. Ce système n'était pas spécifique à la Moldavie, car il faisait partie de la soviétisation beaucoup plus large qui se déroulait dans toute l'Union soviétique, la Moldavie n'ayant pas fait exception.

Cependant, depuis 1989, le moldave a été adopté comme langue officielle et, en 2000, près des deux tiers de tous les élèves étudiaient dans des écoles où le roumain était la langue d'enseignement. Depuis la fin des années 1990, l'enseignement privé, en tant qu'alternative à l'enseignement public, a également commencé en Moldavie.

6.1 Le libre choix de la langue d’enseignement

En vertu de la législation linguistique en vigueur, l’apprentissage de la langue officielle repose sur une base volontaire. Nul n'est tenu de maîtriser la langue officielle, sauf pour les étrangers qui veulent obtenir la citoyenneté moldave. C'est pourquoi les articles 8 et 60 de la Loi sur l'éducation (1995-2006) accordent le droit à tous les citoyens de choisir la langue d'enseignement à tous les niveaux de l'éducation:  

Article 8

Langue d'enseignement

1)
L'État garantit, conformément à la Constitution et aux articles 18, 19 et 20 de la
Loi sur le fonctionnement des langues sur le territoire de la république de Moldavie [abrogée], le droit de choisir la langue d'enseignement et de formation à tous les niveaux et étapes de l'éducation.

2) Le droit des citoyens à l'éducation et à la formation
dans leur langue maternelle est garanti par la création du nombre nécessaire d'établissements d'enseignement, de classes, de groupes, ainsi que des conditions de leur fonctionnement.

Article 60

Droits et obligations des parents

1)
Les parents ou tuteurs ont le droit:

a) de choisir pour leurs enfants les établissements d'enseignement et la langue d'enseignement;

Dans le système d'éducation soviétique, la RSS de Moldavie avait des systèmes parallèles d'enseignement en roumain et en russe, bien que le russe ait été considéré comme la clé du progrès. Juste avant l'indépendance en 1990, on comptait 614 écoles maternelles roumaines, 1333 écoles russes et 373 écoles bilingues. En même temps, on relevait 1025 écoles primaires et secondaires de langue roumaine avec 399 200 élèves, mais 420 écoles de langue russe avec 239 100 élèves et 129 écoles mixtes avec 82 500 élèves en russe et en roumain, avec plus de la moitié des étudiants en russe. Cependant, le changement s'est produit lentement au niveau universitaire, car 55% des étudiants ont continué à étudier en russe à partir de 1992.

6.2 Les langues d'enseignement

Dans l'administration scolaire, l'article 10 de la Loi sur l'éducation (1995-2006) prescrit que les documents d'études soient rédigés dans la langue officielle et dans la langue des études:

Article 10

Documents d'études

4) Les types et les formes de documents d'études sont approuvés par le ministère de l'Éducation et de la Jeunesse. Les documents des études sont rédigés dans la langue officielle et dans la langue des études, et dans les établissements d'enseignement secondaire spécialisé et supérieur, dans la langue officielle, dans la langue des études, en français ou en anglais.

Selon l'article 65 de la Loi sur l'éducation, les citoyens étrangers doivent recevoir leur instruction dans la langue officielle (1995-2006), ce qui en principe exclut le libre choix, mais sur demande il est possible que ce soit dans une autre langue, probablement le russe:

Article 65

Droits et obligations des élèves et étudiants étrangers

1)
Les citoyens étrangers et les apatrides peuvent être admis dans les établissements d'enseignement de la république de Moldavie, sur la base:

a) des conventions internationales auxquelles la république de Moldavie est partie;

b) des accords interétatiques, intergouvernementaux et interministériels, ainsi que les accords entre établissements d'enseignement autorisés selon les modalités établies;

c) des contrats individuels conclus avec des établissements d'enseignement.

2) La formation des ressortissants étrangers et des apatrides doit se faire dans la langue officielle ou, à la demande des candidats, dans une autre langue, selon les possibilités du système d'éducation.  

Bref, l'enseignement normal est en roumain ("limbii române"), la langue officielle, sauf pour les activités prévues à l'intention des minorités et pour les cours dans l'une des langues internationales, mais quoi qu'il en soit le roumain demeure obligatoire, y compris comme langue seconde au grand dam des minorités nationales.

- Le Code de l'éducation

L'adoption en 2014 du Code de l'éducation est venue changer la donne en matière d'enseignement des langues. D'ailleurs, l'étude du projet de loi fut difficile parmi les parlementaires, car l'opposition communiste et d'autres forces pro-russes ont tenté à maintes reprises de bloquer son adoption. Cette législation semble prévoir que les langues d'enseignement, toutes catégories comprises, sont le roumain, les langues des minorités nationales, l'anglais, le français et le russe. L'article 9 du Code de l'éducation (2014) est clair sur ce sujet:

Article 9

Conditions d'accès

1) Les citoyens de la république de Moldavie ont des droits égaux d'accès à l'enseignement et à la formation professionnels, dès le début et de façon continue, par l'intermédiaire du système d'éducation national, dans les conditions du présent code.

7) L'État garantit la formation et le développement des compétences efficaces en communication dans la langue roumaine, dans les langues des minorités nationales, le cas échéant, et dans au moins deux langues de circulation internationale.

8) L'État garantit les conditions de formation et de développement des compétences en communication en anglais, en français et en russe dans tous les établissements publics d'enseignement général.

Notons particulièrement le paragraphe 8 qui rend la langue russe au choix avec l'anglais et le français. De plus, selon l'article 10, la procédure introduite dans le système d'éducation est prévue en roumain et, dans les limites des capacités du système d'éducation, dans l'une des langues de communication internationale ou dans les langues des minorités nationales. Donc, l'enseignement dans une langue minoritaire n'est plus garanti de façon absolue afin de favoriser davantage la langue officielle. L'article 10 précise les modalités d'enseignement de ces langues sont liées aux limites des capacités du système d'éducation :

Article 10

Langue d'enseignement

1) Dans le système d'éducation, la procédure pédagogique doit se dérouler en roumain et, dans les limites des capacités du système d'éducation, dans l'une des langues de circulation internationale ou, en vertu des conditions du paragraphe 2, dans les langues des minorités nationales.

3) L'étude de la langue roumaine est obligatoire dans tous les établissements d'enseignement de tous niveaux et est régie par les normes pédagogiques de l'État.

4) L'État garantit les conditions nécessaires à l'étude de la langue roumaine dans tous les établissements d'enseignement, y compris en augmentant la part des matières étudiées en roumain dans les établissements d'enseignement général ayant une autre langue d'enseignement.

- L'annulation du russe obligatoire

Outre les dispositions délicates liées à l'annulation de l'étude obligatoire de la langue russe, puisque dorénavant il est possible de choisir l'anglais ou le français, le Code de l'éducation énonce également qu'à partir de 2018, l'enseignement en république de Moldavie sera obligatoire jusqu'à l'âge de 18 ans. Au lycée, seuls les enseignants titulaires d'une maîtrise pourront enseigner, et à l'université, seuls les enseignants titulaires d'un doctorat pourront enseigner.

6.3 L’enseignement préscolaire

L’enseignement préscolaire est le premier niveau du système d'éducation. Il est offert dès l'âge de trois ans et se poursuit jusqu'à l'âge de six ou sept ans. La loi garantit l'éducation des enfants d'âge préscolaire dans les crèches et les jardins d'enfants par la fourniture d'un soutien matériel et financier. La langue d'enseignement est le roumain, mais les minorités ont le droit d'enseigner leurs langues sous la réserve qu'un minimum d'heures soit aussi enseigné en roumain.

En 2020, l'éducation préscolaire était répartie dans 1485 établissements scolaires, dont 808 crèches, 568 maternelles, 90 jardins d'enfants, 17 centres communautaires. La plupart des enfants recevaient leur enseignement en roumain dans une proportion de 82,8%.

6.4 L'enseignement primaire et secondaire

L’enseignement primaire (1re à 4e année) est destiné aux enfants de 7 à 11 ans; il est offert dans le cadre des établissements d’enseignement général. Quant à l'enseignement secondaire (gymnase: 5e à 9e année), il est donné aux enfants de 11 à 16 ans. Au terme de leurs études secondaires, les élèves subissent des examens, après quoi ils reçoivent un Certificat de fin d’études secondaires délivré par le ministère de l’Éducation. À l'instar des systèmes d'éducation des autres pays comme l'Allemagne, l'enseignement secondaire général en Moldavie comprend deux cycles: le secondaire inférieur (ou gymnase ou premier cycle) et le secondaire supérieur (ou lycée ou second cycle). L’enseignement secondaire inférieur est obligatoire et dure cinq ans. En Moldavie, il existe 22 établissements d'enseignement privés, situés dans les zones urbaines.

Au cours de l'année scolaire 2019-2020, l'enseignement primaire et secondaire général a été donné dans 1226 établissements d'enseignement pour environ 330 000 élèves. Les élèves moldaves peuvent choisir de poursuivre un enseignement secondaire technique ou professionnel. Les écoles de commerce industriel sont proposées aux étudiants qui ont obtenu leur diplôme de 11e année et qui ne souhaitent pas poursuivre leurs études. La durée des cours de formation professionnelle varie et aboutit éventuellement à un certificat.

En 2020, plus de 80% des élèves inscrits dans l'enseignement primaire et secondaire général recevaient leur instruction en roumain, la langue officielle de l'enseignement dans le système d'éducation nationale.

- Le russe langue seconde

Le 18 décembre 2001, le ministre de l'Éducation nationale de la Moldavie avait annoncé qu'à partir du 1er janvier 2001 l'introduction du russe en tant que langue seconde devenait obligatoire dans toutes les écoles primaires. Le ministre affirmait que la mesure provenait de la pression de nombreux parents en faveur de l’enseignement plus précoce du russe (langue seconde) à leurs enfants. Les enseignants critiquèrent cette mesure, estimant qu’il s’agissait d’une russification de l’enseignement. Pour des raisons historiques, renforcer le statut du russe équivalait nécessairement à réduire celui du roumain!

En janvier 2002, des juristes moldaves demandèrent au gouvernement d'annuler l'ordre du Ministère concernant l'introduction de la langue russe dans les écoles primaires. L'État moldave violerait ainsi l'article 35.2 de la Constitution qui déclare que «l'État garantit, conformément à la loi, le droit de choisir la langue d'enseignement et de formation des individus». Après des années de tergiversation, une modification au Code de l'éducation énonce à l'article 9.8 que «l'État garantit les conditions de formation et de développement des compétences en communication en anglais, en français et en russe dans tous les établissements publics d'enseignement général». Depuis lors, le russe devenait une langue étrangère au choix des élèves au même titre que l'anglais et le français.  

- L’enseignement des langues étrangères

La Moldavie encourage l’apprentissage des langues étrangères, notamment le russe, l’anglais, le français, l’allemand et l’espagnol, mais l'anglais, le français et le russe demeurent les langues les plus étudiées.

Le tableau ci-contre indique le nombre d'élèves étudiant des langues étrangères pour les années scolaires 2018-2019 (462 400 élèves) et 2019-2020 (457 800 élèves). La langue étrangère la plus demandée reste l'anglais (enseigné dans 901 établissements d'enseignement général primaire et secondaire) pour 226 200 élèves (48%) en 2018-2019 et 233 900 (51%) en 2019-2020, en hausse de 3,7% par rapport à l'année scolaire précédente.

Le français (enseigné dans 836 établissements) est la seconde langue enseignée avec 112 600 élèves (24,3%) en 2018-2019 et 108 400 (23,6%) en 2019-2020, en baisse de  0,7%.

Le russe (enseigné dans 838 établissements) est la troisième langue avec 108 700 (23,5%) élèves en 2018-2019 et 100 200 (21,8%) en 2019-2020, en baisse de 1,7%. Suit l'allemand avec plus de 2% des élèves. Par zone de résidence, les préférences sont différentes, 62,4% du total des étudiants en anglais viennent des zones urbaines, tandis que dans le cas du français et du russe, plus de 60% des étudiants viennent des zones rurales.

6.5 L'enseignement supérieur

Selon la loi, les établissements d'enseignement supérieur moldaves sont classés par propriété comme étant publics ou privés et par l'étendue de leurs offres disciplinaires en tant qu'universités, académies ou instituts, comme c'était le cas sous le régime soviétique. Cependant, dans le but de restructurer et d'optimiser le paysage de l'enseignement supérieur en fonction des nouveaux besoins sociaux et économiques, presque tous les établissements d'enseignement supérieur publics spécialisés ont été convertis en «universités classiques» avec la possibilité d'offrir des programmes d'études en dehors de leurs précédents domaines de spécialisation.

En 2015-2016, on comptait 30 établissements d'enseignement supérieur en activité en Moldavie, dont 19 établissements publics et 11 établissements privés. Le développement de l'enseignement supérieur privé comme alternative à l'enseignement public a commencé en 1992 avec l'inauguration de deux universités classiques (humanistes). En 2000, le nombre d'établissements d'enseignement supérieur privés était passé à 32 contre seulement 15 établissements publics. Selon les dernières statistiques (2020), il existe 31 établissements d'enseignement supérieur accrédités par le ministère de l'Éducation en Moldavie, dont 19 établissements publics et 12 établissements privés. 

Les deux tiers (78,4%) de tous les étudiants des établissements d’enseignements supérieurs étudient dans la langue officielle, mais 31 % font toutes leurs études en russe. Dans toutes les universités du pays, les cours sont offerts en roumain et/ou en russe. Il existe aussi une université des langues et des cultures slaves. Des groupes d’études existent en ukrainien, en anglais, en français, en allemand, en espagnol, en bulgare et en gagaouze. En Gagaouzie, dans la ville de Comat, on compte une université dont la majorité des étudiants appartiennent à l’ethnie gagaouze, mais ils étudient en russe.

Pour un pays de quatre millions d'habitants, le nombre d'établissements d'enseignement supérieur demeure très élevé, car le réseau est surdimensionné et inefficace. Ce nombre devrait être réduit, puisqu'aucune aide financière de l'Union européenne ne viendra subventionner un tel système. Il existe un grand nombre d'établissements qui ne comptent que 1000 étudiants ou moins; subventionnés par la Russie, ils n'ont pas de bibliothèque ni de locaux spécialisés et devraient être transformés en facultés de certaines universités centrales.

7 Les langues des médias

La liberté d'expression en Moldavie est garantie par la Constitution et la législation. Malheureusement, les médias moldaves restent largement monopolisés par les principaux groupes politiques et commerciaux du pays. Environ 70 à 80% des médias sont sous le contrôle d'oligarques. De plus, 70% du marché publicitaire est concentré entre les mains des deux groupes, ce qui limite le développement des médias indépendants (qui dépendent largement des revenus publicitaires).

En raison de la concentration des médias, ceux-ci sont extrêmement polarisés, tout comme le pays lui-même qui souffre d'une instabilité politique chronique et d'une influence excessive des oligarques. La politique éditoriale des principaux médias est liée aux intérêts politiques et commerciaux de leurs propriétaires, surtout lors des campagnes électorales.

7.1 L'accès à l'information

L'accès aux médias pour les groupes d'opposition est limité, car la majeure partie des médias est dominée par les groupes au pouvoir. De plus, ces dernières années, les autorités se sont montrées de plus en plus disposées à influencer ou modifier les résultats des élections s'ils sont défavorables à l'élite dirigeante.

La
Loi sur l'accès à l'information (2000) prévoit des modalités linguistiques peu élaborées dans la présentation des informations:

Article 14

La langue dans laquelle les informations demandées seront présentées

1)
Les informations et documents demandés, conformément à la présente loi, sont mis à la disposition des candidats
dans la langue nationale ou dans la langue dans laquelle ils ont été préparés.

2) Si les informations, les documents ont été préparés dans
une autre langue que la langue officielle, le fournisseur d'informations sera obligé de soumettre, à la demande d'un requérant, une copie de la traduction authentique des informations au document
dans la langue officielle.

Cette loi sur l'accès à l'information prévoit que tout citoyen résident peut demander des informations aux autorités publiques sans avoir besoin de justification. Pourtant, la mise en œuvre de la loi apparaît incohérente. Selon un rapport de 2008, les autorités n'ont répondu que dans 19,3% des cas. La conformité reste faible, car aucune autorité n'est chargée de l'application ou de la surveillance. L'accès est plus difficile en dehors de la capitale, en particulier dans la région autonome de la Gagaouzie. En général, afin d'éviter les problèmes, y compris la perte de fonds publics et les poursuites judiciaires, les propriétaires de médias ou les journalistes eux-mêmes pratiquent des formes d'autocensure; la plupart des contrats des journalistes ne protègent pas la liberté du journaliste au sein de leur organisme.

7.2 La presse écrite

La presse écrite comprenait environ 60% des médias en 2008, avec des tirages compris entre 150/1000 exemplaires pour les magazines trimestriels et semestriels, 500 / 25.000 pour les hebdomadaires et 3000/9000 pour les quotidiens. Environ 60% des médias imprimés (50 points de vente) appartiennent à l'État, tandis que 42 sont privés. Mais la presse écrite est restreinte à un petit public en Moldavie, car en novembre 2009 seulement 3% des citoyens avaient la presse écrite comme principale source d'information et seulement 4,5% comme source médiatique la plus fiable. Seulement 10,2% lisent les journaux tous les jours, tandis que 34,4% déclarent ne pas avoir lu un seul journal depuis les trois mois.

La presse nationale est principalement concentrée dans la capitale Chisinau, alors la presse régionale est sous-développée; la faiblesse du système de distribution pénalise les zones rurales, où les journaux arrivent encore avec plusieurs jours de retard. La plupart des journaux ont des éditions en ligne avec des contenus distincts et mis à jour. Dans les années 1990, plus de 240 journaux (dont 97 en roumain) et 68 magazines (dont 35 en roumain) étaient publiés dans le pays. La plupart des médias moldaves sont plus attachés aux intérêts de leurs propriétaires qu'à ceux du grand public.

Le principal quotidien de la république, Moldova Suverana (roumain), est publié par le gouvernement; le Sfatul Țării (roumain) est publié par le Parlement, qui publie également le quotidien Nezavisimaya Moldova (russe). Les autres principaux journaux sont Rabochiy Tiraspol (russe), Ţara (roumain), Tineretul Moldovei / Molodezh Moldovy (en roumain et en russe) et Viaţa satului (publié par le gouvernement en roumain). Dans la presse écrite, le russe reste encore la langue des communications écrites destinées à tous les Moldaves: beaucoup de journaux sont rédigés en russe, notamment les annonces, la publicité et des articles destinés au grand public. Présentement, on estime que 50% des journaux sont en roumain. Autrement dit, la moitié des publications est diffusée dans l’une ou l’autre des langues minoritaires du pays, surtout en russe. Presque tous les journaux publiés en Russie sont présents sur le marché moldave.

La principale publication culturelle en Moldavie est la revue hebdomadaire Literatura și Arta, publiée par l'Union des écrivains de Moldavie . Les autres principaux périodiques comprennent Basarabia (également publié par l'Union des écrivains), Chipăruş, Alunelul, Femeia Moldovei, Lanterna Magică, Moldova, Noi, etc.

Sur Internet, on trouve quelques journaux en français: Geopolis, Le Courrier de la Moldavie, Le Figaro Moldavie et Le Monde diplomatique Moldavie. Pour l'anglais, ce sont les suivants: Moldpres, The Guardian Moldova, The New York Times Moldova, The Telegraph Moldova et Topix Moldova.

7.3 La loi moldave anti-propagande

Une pomme de discorde est apparue entre la Russie et la Moldavie au sujet d'une loi anti-propagande adoptée par le Parlement de Chisinau en 2017. Cette loi n'entraînait pas la fermeture des chaînes de télévision russes, mais seulement l'interdiction de la retransmission des bulletins d'information et d'émissions d'information en provenance de la Russie.

Cette loi, qui restreint la diffusion des chaînes d'information d'origine russe en Moldavie, était une initiative du Parti démocratique de Moldavie (PDM), le parti alors au pouvoir, qui se présentait comme la principale force politique pro-européenne de la Moldavie. La loi fut controversée depuis le premier jour. En effet, bien qu'elle ait été adoptée le Parlement en 2017, le président Igor Dodon refusa à deux reprises de la signer. Pour cette raison, le président Dodon fut temporairement suspendu de ses fonctions par la Cour constitutionnelle, ce qui a permis au président du Parlement de l'époque, Adrian Candu, de signer ladite loi.

Le 12 janvier 2018, le Journal officiel de la Moldavie publiait la «loi anti-propagande» sous le titre suivant : Loi modifiant et complétant le Code de l'audiovisuel (en roumain: Legii pentru modificarea și completarea Codului audiovizualului). Cette loi qui modifiait le Code de l'audiovisuel (2006) visait à protéger l'espace de l'information de la Moldavie contre d'éventuelles tentatives de désinformation et/ou d'informations manipulatrices de l'extérieur, de la Russie pour ne pas la nommer.

Le Code de l'audiovisuel se trouvait complété par un nouveau paragraphe 9.2.1, qui énonce que, sur le territoire de la république de Moldavie, il ne sera autorisé que la transmission d'émissions de télévision et de radio à contenu informatif, analytique, militaire et politique, lesquelles émissions doivent être produites par les États membres de l'Union européenne, les États-Unis et le Canada, ainsi que dans les États qui ont ratifié la Convention européenne sur la télévision transfrontière, ce qui exclut la Russie puisqu'elle n'a jamais ratifié ladite convention. Étant donné que plusieurs ambiguïtés sont apparues dans le processus de connexion des services d'émissions audiovisuelles et des diffusions de services de programmes conformément aux nouvelles règles audiovisuelles, le Conseil de coordination de l'audiovisuel a dû publier la liste des États membres de l'Union européenne et des États qui ont ratifié la Convention européenne de télévision. Voici l'article du paragraphe 9.2.1 du Code:

Article 9

Réception gratuite des services des programmes

2.1) Afin d'assurer la sécurité de l'information de l'État, les radiodiffuseurs et les distributeurs de services sont autorisés à diffuser des émissions de télévision et de radio à contenu informatif, informatif-analytique, militaire et politique, qui sont produites par les États membres de l'Union européenne ou par les États-Unis ou par le Canada, ainsi que par les États qui ont ratifié la Convention européenne sur la télévision transfrontière.

Cependant, les événements politiques ont eu le temps de changer en 2019. En juin, le Parti démocratique de Moldavie, qui avait fait adopter la loi, fut renversé par une coalition inhabituelle entre le Parti des socialistes de la République de Moldavie (PSRM) et la plateforme NOW, une alliance de partis réformateurs pro-européens. Cette coalition est tombée en novembre 2019, ce qui laissait la place au PSRM très pro-russe. Bien sûr, ce parti qualifia la loi de «discriminatoire à l'égard des citoyens moldaves» dans sa liste des priorités. Le texte de la loi, comme on le constate, ne mentionne pas la Russie ni n'interdit les émissions en russe produites en Moldavie, ni même les émissions de divertissement en provenance de la Russie. Il interdit les émissions d'information d'ordre militaire ou politique venant de ce pays, d'où le nom de loi «anti-propagande».  

Pourtant, la loi anti-propagande n'est pas très redoutable en termes de pénalité. Les stations russes qui retransmettent en Moldavie et ne respectent pas la loi sont sanctionnées par des amendes allant de 40 000 lei à 70 000 lei, ce qui correspond à 2240 $US à 3900 $US, soit à 1495 € à 3254 €. En cas de récidive, l'amende atteindrait un maximum de 100 000 lei, donc 5600 $US ou 4630 €. Ces pénalités sont dérisoirement faibles quand on sait que la Fédération de Russie investit cinq milliards de dollars par an dans les institutions de propagande médiatique.

Il peut être difficile de savoir si l'interdiction a d'une manière ou d'une autre rendu les médias russes plus attractifs en tant que «fruit défendu», mais dans un pays où la confiance dans ses dirigeants est très faible, les interdictions pourraient avoir un effet pervers. Quoi qu'il en  soit, la population moldave peut toujours recevoir la télévision étrangère par satellite, sans aucune restriction, souvent en utilisant des décodeurs piratés. La propagande russe bénéficie d'un grand nombre de ressources pour accroître son influence en Moldavie. D'ailleurs, malgré les restrictions, les émissions d'informations russes semblent toujours très populaires dans le pays. De plus, les Moldaves pro-russes et les Russes de Russie la Moldavie de russophobie, alors que tout le monde sait que la Russie pratique ouvertement la roumanophobie, encourageant les courants politiques favorables à ses intérêts et finançant ces groupes.

7.4 Les médias électroniques

Le Code de l'audiovisuel de 2006 (modifié en 2018) impose des quotas pour protéger le patrimoine linguistique et culturel de la Moldavie: 

Article 11

Protéger le patrimoine linguistique et culturel national


1) Lors de l'élaboration de la stratégie de couverture territoriale avec les services des programmes, le Conseil de coordination de l'audiovisuel tiendra compte de la
spécificité linguistique aux niveaux national et local, et veillera à ce qu'à partir du 1er janvier 2010, au moins 70% du nombre de fréquences soient offerts aux services des programmes transmis dans la langue officielle. Cette disposition ne s'applique pas à l'usage des pièces musicales.

2) À compter du 1
er janvier 2010, au moins 80% du volume des services des programmes des radiodiffuseurs constituera une production propre, nationale et des œuvres européennes, dont 50% seront diffusées aux heures de grande écoute.

3) Jusqu'au 1
er janvier 2007, la production propre et locale à caractère informatif et analytique diffusée par le diffuseur ne sera pas inférieure à 65%
dans la langue officielle. À compter du 1er  janvier 2007, cette production constituera pas moins de 70%, et à partir du 1er  janvier 2010, pas moins de 80%.

4) Les services de programmes culturels et musicaux diffusés aux heures d'écoute maximale comprendront la production locale à hauteur d'au moins 60% du volume hebdomadaire réservé à la transmission du genre respectif de production audiovisuelle.

5) Les extraits d'émissions diffusés
dans d'autres langues doivent être accompagnés d'une traduction dans la langue officielle (doublage, son ou sous-titrage). Cette disposition ne s'applique pas aux émissions d'études linguistiques et à l'usage de vidéoclips.

6) Si le diffuseur présente le programme
dans une autre langue que la langue officielle
, la langue de l'émission doit être indiquée dans l'émission diffusée.

7) Les films artistiques et les documentaires doivent être présentés avec un doublage ou un sous-titrage, en conservant la bande originale, et les films pour enfants seront doublés ou sonorisés dans la langue officielle.

8) Lors de la création d'offres d'émissions pour la retransmission, les distributeurs de services doivent donner la priorité aux services des programmes réalisés dans la langue officielle.

Il faut surtout retenir que 80% des productions locales doivent être dans la langue officielle, tandis que certaines émissions doivent être doublées dans la langue officielle, ce qui n'interdit pas les émissions destinées aux minorités. Cependant, les députés socialistes, tous pro-russes, proposent des changements importants au Code de l'audiovisuel, y compris le retour à la retransmission des programmes télévisés russes, mais aussi la réduction considérable de la part des programmes audiovisuels en roumain. Parmi les modifications proposées par les socialistes au Code de l'audiovisuel, il y a la diminution de la proportion de programmes audiovisuels locaux en roumain à «au moins 60%», au lieu d'«au moins 80%» comme c'est obligatoire actuellement. Dans le cas où le Parlement voterait le libellé proposé par les socialistes, les programmes de la Fédération de Russie pourraient être retransmis en république de Moldavie.

 En 2014, on comptait environ 64 chaînes de télévision, dont cinq avec une couverture nationale et quatre privées, ainsi que 57 stations de radio.

Le radiodiffuseur national de radiotélévision de Moldavie est Teleradio-Moldova (TRM), qui comprend les chaînes de télévision Moldova 1 et TV Moldova Internațional (jusqu'en 2013) et les chaînes de radio Radio Moldova et Radio Moldova Internaţional (avec des émissions en roumain, en anglais, en français, en espagnol et en russe. La société TRM est financée par le budget de l'État et est réglementée en vertu du Code de l'audiovisuel de Moldavie par un conseil de surveillance, garantissant que ses activités servent l'intérêt public.

Quant aux propriétaires privés, ils contrôlent cinq des six chaînes de télévision les plus populaires, deux des trois premières stations de radio et sept des huit principales agences de presse. La transparence de la propriété fait encore défaut et la concentration n'est pas réglementée de manière efficace. Les médias en Moldavie sont régulièrement utilisés comme un outil pour promouvoir les intérêts commerciaux ou politiques de leurs propriétaires, en particulier lors des campagnes électorales. La réglementation oblige les radiodiffuseurs à soumettre un plan de couverture électorale et à déclarer les structures de propriété, mais plusieurs chaînes ne l'ont pas fait en 2020, notamment Channel 2, Channel 3, Prime TV et Publika TV.

Dans la pratique quotidienne, la langue russe reste encore très importante en Moldavie, bien que cette langue ait vu, depuis quelques années, réduire quelque peu son influence. La vie politique et économique s’est modifiée considérablement depuis l’indépendance au profit du roumain qui connaît un essor significatif: son emploi a augmenté dans les tous les domaines, y compris dans les médias.

La politique linguistique de la république de Moldavie révèle que ce pays n'a pas pu, en trois décennies, se libérer de la tutelle de la langue russe. Contrairement à la plupart des anciens pays de l'Est, à l'exception de la Biélorussie, la république de Moldavie est restée très assujettie à son ancienne langue coloniale. Bien que le roumain soit proclamé la langue officielle de la République, le russe jouit encore de toutes les prérogatives d'une langue quasi officielle. Presque tous les Moldaves adultes connaissent la russe, parfois mieux que leur propre langue.  

L'État moldave pratique une politique d'unilinguisme officiel, mais accorde à la langue russe certains droits et privilèges qu'elle a toujours eus sous les régimes tsariste et soviétique. Ce fait démontre que l'État n'a pu se libérer du joug économique et de l'emprise politique de la Russie, ce qui ne l'empêche pas de rester le pays le plus pauvre de l'Europe. Idéalement, la Moldavie aurait pu, comme la Roumanie et les pays baltes se tourner vers l'Union européenne au lieu de demeurer sous l'influence de Moscou. Pour le moment, il semble que l'État moldave ait choisi la Russie parce que son adhésion à l'Union européenne n'est pas pour demain, et ce, d'autant plus que les subventions ne viennent plus de Bucarest ni de Bruxelles, mais de Moscou.

La politique linguistique à l'égard de sa langue officielle en dit long sur les priorités de l'État moldave. Non seulement celui-ci accepte de subir une concurrence impitoyable de la part de la langue russe, mais il n'a même pas pu se fixer sur le nom de sa langue officielle avant le 16 mars 2023: était-ce le moldave ou le roumain?  Pire, l'État ne peut même pas faire adopter une loi pour protéger sa langue officielle sans subir une éventuelle abolition par la Cour constitutionnelle en raison des conflits suscités par les groupes pro-russes qui font tout pour maintenir un traitement préférentiel à leur langue. Les partis politiques pro-russes n'accepteront une protection de la langue officielle seulement si, en retour, le russe obtenait des droits équivalents. La Moldavie se trouve donc dans une impasse avec sa langue officielle. Quoi que l'État puisse faire, les efforts pour promouvoir le roumain seront contrecarrés par des groupes puissants qui veulent conserver leurs privilèges liés aux pratiques de type soviétique lorsque le russe faisait la pluie et le beau temps.

Chose certaine: ce n'est pas demain qu'aura lieu la réunification de la Roumanie et de la Moldavie, ce qui entraînerait une guerre ouverte avec les pro-russes qui détiennent une partie des pouvoirs au Parlement! En somme, la Moldavie ne dispose pas encore de tous les mécanismes politiques et économiques pour choisir sa destinée linguistique.

Dernière révision: 19 février, 2024

Moldavie


1)
Situation générale
 

2)
Données historiques
 

3)
Politique de la langue officielle
 

4)
Politique des minorités nationales
 

5)
Bibliographie
 

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