Territoire autonome
rattaché au Danemark

Groenland

Grønland / Kalaallit Nunaat

 

Capitale: Nuuk (en groenlandais) ou Godthåb (en danois)
Population: 57 000  (2004)
Langue officielle: groenlandais (de jure
) et danois (de facto)
Groupe majoritaire: groenlandais (87,7 %) 
Groupes minoritaires: danois (8,5 %), anglais (3,5 %)
Système politique: département danois bénéficiant d'une autonomie politique 
Articles constitutionnels (langue): art. 20 de la Loi sur l'autonomie du Groenland de 2009
Lois linguistiques: Loi relative à l'administration de la justice (1984); Ordonnance du gouvernement relative aux écoles publiques (1997); Loi relative à l'administration publique (1998); Loi sur la Commission consultative sur la langue (1982); Loi du Parlement groenlandais sur la politique linguistique (2010).

1 Situation générale

Le Groenland — en danois: Grønland, «terre verte»; en groenlandais: Kalaallit Nunaat prononcé [kala-achlit nouna-at] «terre des hommes» — est une immense île de plus de deux millions de kilomètres carrés (presque quatre fois la France) située au nord-est du Canada dont elle est séparée de 26 km par le détroit de Davis. Le Groenland est entouré au nord par l’océan Arctique, à l’est par la mer du Groenland, au sud-est et au sud par l’océan Atlantique (voir la carte 1). Les plus proches pays voisins sont le Canada (au sud-est), l’Islande (à l’est) et la Norvège (au nord-est). Bien que située géographiquement en Amérique du Nord, le Groenland fait partie de la sphère économique de l'Europe en raison de son appartenance au Danemark. Il fait partie des pays nordiques de la Scandinavie (voir la carte).

L'île est constituée par un fragment d’âge très ancien (époque archéenne ou précambrien vieux de 2,5 milliards d’années) de socle canadien. Le territoire du Groenland est aujourd’hui recouvert à 85 % d'une importante calotte glaciaire, appelée inlandsis, laquelle constitue la plus grande étendue de glace après celle de l'Antarctique; cette calotte atteint plus de 3000 mètres (ou trois kilomètres) de profondeur en son point extrême. Aucun habitant de l’île n’habite sur la calotte, les villes et villages du pays se trouvant tous sur les côtes rocheuses recouvertes d'une petite végétation — la toundra — qui pousse dès la fonte des neiges. Seules des expéditions scientifiques et sportives traversent parfois la calotte glaciaire. 

Groenland

Bref, la partie habitable du Groenland — 15 % du territoire — correspond à une étroite bande côtière, le long de la côte ouest et de la côte est, s’étendant sur un territoire évalué à 88 000 km², soit seulement trois fois la Belgique (30 527 km²). D'une largeur souvent réduite (entre 30 et 100 km), cette bande côtière atteint 200 km de large au sud-ouest de l'île et est accessible toute l'année à la navigation en raison de conditions climatiques plus favorables.  On peut passer d’un ville à l’autre par bateau, par avion ou par hélicoptère, car il n’existe que très peu de routes reliant les villes les unes aux autres.

La capitale du Groenland, qui est située au sud-ouest, est Nuuk (en groenlandais) ou Godthåb (en danois: «bonne espérance»). Sur un total de 57 000 personnes, environ 45 000 (env. 78 %) vivent dans les villes, dont la principale est évidemment Nuuk, avec près de 13 000 habitants, composée essentiellement de Groenlandais (80 %) et de Danois (14,5 %). Les autres villes, soit Qaqortoq (Julianehåb), Maniitsoq (Sukkertoppen), Sisimiut (Holsteinsborg), Paamiut (Frederikshåb), Aasiaat (Egedesminde), Ilulissat, Thulé (Qaanaaq / Avanersuup ) et Tasiilaq (Ammassalik) — pratiquement le seul centre de peuplement de la côte orientale avec le petit village de Ittoqqortoormiit (Scoresbysund) —, comptent au total plus de 31 000 personnes. On dénombre également un peu plus de 130 hameaux habités, stations et centres d’élevage du mouton, qui abritent le reste de la population.

Juridiquement, le Groenland constitue présentement un territoire de la Couronne danoise (après avoir été une colonie depuis 1721) doté d’une autonomie politique depuis 1979. Cela signifie que le Groenland dispose de son propre parlement (le Lansting), de son gouvernement et de sa fonction publique. Les parlementaires groenlandais peuvent donc adopter leurs lois particulières. Le chef de l’État est la reine Margrethe II (Margrethe Alexandrine Thorhildur Ingrid) du Danemark.

2 Données démolinguistiques

La plupart des 57 000 Groenlandais — au moins 87 % — parlent l’inuktitut, une langue de la famille eskimo-aléoute. Plus précisément, les Groenlandais désignent leur langue par le terme kalaallisut, c'est-à-dire l'inuktitut groenlandais (de l'Ouest). Ce sont donc des Inuits, ce terme signifiant «les humains» ou «les hommes» ou encore plus exactement maintenant «les gens» (singulier inuk: «personne»); en français, le mot Inuit peut se former en Inuits (pluriel) ou Inuite (féminin). Le terme d’Inuit a remplacé depuis plusieurs années le mot Esquimau (ou Eskimo), un nom d'origine amérindienne qui signifierait «mangeurs de viande crue», le nom ayant été évidemment repris ensuite par les explorateurs européens. 

Les autres habitants du Groenland parlent le danois (env. 5000 locuteurs), soit 8,5 %, ou l’anglais (3,5 %), deux langues germaniques.  Fait à noter, les Danois représentaient en 1975 près de 20 % de la population totale du Groenland; leur nombre a considérablement baissé depuis. Dans la capitale (Nuuk), ils formaient 23,7 % de la population locale (13 500 habitants) en 1998.

L'isolement géographique de la grande île par rapport à la Métropole danoise, la scolarisation en inuktitut, la participation des Groenlandais aux affaires publiques et plusieurs autres facteurs ont fait en sorte que les habitants se considèrent comme une nation au même titre que les Danois, plutôt qu'une minorité autochtone de nationalité danoise. Ainsi, les liens avec le Danemark sont administratifs, non de nature identitaire.

Même si le groenlandais est aujourd’hui la langue officielle, des tensions importantes subsistent entre la langue maternelle groenlandaise et le danois. Les élites politiques et administratives parlent majoritairement le danois tandis qu'une majorité de la population – 70 % – ​​ne parle que le groenlandais. Cela se traduit par la question démocratique de savoir si un pays peut être gouverné dans une langue qui n’est parlée que par une minorité.

2.1  L'inuktitut et ses variétés

L’inuktitut parlé au Groenland, une forme de l'inuit, se compose de trois grands groupes de langues, eux-mêmes se subdivisant en plusieurs dialectes locaux:

1) l'inuktitut de Kitaa ou kalaallisut (kikalatdlissut) ou groenlandais de l’Ouest ; 90 % des Groenlandais habitent ce territoire, soit environ 50 000 ; 

2) l'inuktitut d'Avanersuaq ou avanersuarmiutut (avanerssuarmiutu) ou groenlandais du district de Thulé ou groenlandais du Nord; moins de 1000 Groenlandais habitent ce territoire;

3) l'inuktitut de Tunu ou tunumiutut ou groenlandais de l’Est (région d'Ammassalik). C’est le groenlandais de l’Ouest qui sert de langue officielle au Groenland; environ 3800 Groenlandais habitent de territoire.

Les mots Avanersuaq, Kitaa et Tunu désignent les trois anciens comtés du Groenland (supprimés en décembre 2008). Le terme groenlandais kalaallisut pourrait être traduit par «la langue du peuple» (Grønlandsk en danois), mais il sert à désigner la langue groenlandaise de l'Ouest.

En réalité, le groenlandais du Groenland, appelé officiellement kalaallisut, est localisé dans trois zones restreintes près du littoral: au nord-est, à l'ouest au à l'est (voir l'illustration de gauche). Par ailleurs, la variété d’inuit parlée au Groenland correspond à une forme un peu différente de celle parlée par les Inuits du Canada (Yukon, Territoires du Nord-Ouest, Nunavut) et de l’Alaska (États-Unis).

Combiné à toutes les variétés du groenlandais — le groenlandais de l'Ouest, le groenlandais de l'Est et le groenlandais de Thulé —, à ceux de l'Arctique occidental canadien — le natsilik, l’inuinnaqtun, l’inuvialuktun — et à ceux de l'Alaska — l’inupiat du Nord, le malimiutun, le qawiaraq et le dialecte de Béring —, ce groupe forme une seule et même langue: l'inuktitut. Ajoutons que d’autres langues parlées dans le sud-ouest de l'Alaska (États-Unis) et dans la péninsule de Tchoukotka à l'extrême nord-est de la Russie sont étroitement apparentées au groupe inuit. Il s'agit des langues du groupe yupik: le yupik central d'Alaska, l'alutiiq, le yupik sibérien central et le naukanski. On pourrait ajouter le sirenikski, pratiquement disparu, ainsi que l'aléoute (ou aléoutien) parlé dans les îles aléoutiennes du sud-ouest de l’Alaska, ce dernier étant apparenté de façon plus lointaine aux langues précédentes.

On obtient ainsi un total de sept langues pour le groupe inuit et de cinq pour le groupe yupik (l'inuit inclus) appartenant toutes à un plus grand groupe appelé groupe eskimo de la famille eskimo-aléoute (eskaléoute). Ces langues sont parlées dans quatre pays: la Russie, les États-Unis (Alaska), le Canada et le Groenland.

L’inuktitut (et ses nombreuses variétés dialectales) se caractérise, malgré des différences régionales parfois notables, par un vocabulaire et une grammaire très semblables dans tout l'Arctique. Beaucoup d’Inuits parlent une langue seconde, généralement l’anglais, mais le danois jouit d’une situation bien établie au Groenland. 

2.2  La langue elle-même

Dans tous les cas, les langues inuites correspondent à des langues dites agglutinantes, c'est-à-dire qu'elles se caractérisent par la juxtaposition après le radical d’affixes distincts pour exprimer les rapports grammaticaux pour construire le sens d'un mot ou d'une phrase. Par exemple, le «mot» pisiniarfimmukarusukkaluarpunga signifie en groenlandais de l’Ouest «je voudrais aller au magasin». Ce mot, qui peut sembler fort long pour un Occidental, se décompose avec le radical et les affixes de la manière suivante:

 pisi- («acheter»)
-niar- («avoir l'intention de»)
-fik («lieu» ou «lieu où l'on a l'intention d'acheter»: le «magasin»)
-mut («vers» ou «en direction de»)
-kar- («aller»)
-usup- («vouloir»)
-kaluar- (conditionnel)
-pu- (indicatif intransitif)
-nga (première personne du singulier: «je»).

Ces exemples proviennent d'un site de Jean-Michel Huctin portant sur la langue groenlandaise. Les Groenlandais furent les premiers autochtones inuits à utiliser l'écriture, et ce, dès la première moitié du XVIIIe siècle. Ce sont les missionnaires luthériens qui introduisirent une écriture utilisant l’alphabet latin. Au Canada, la langue inuktitut utilise un code écrit de type syllabique, alors que l'inunnaqtun a recours à l’alphabet romain. L’orthographe groenlandaise fut simplifiée en 1973. Voici un exemple de l'écriture groenlandaise à partir de l'article 2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme:

Immikkoortoq 2.

1.  Kinal uunniit pisinnaatitaaffinnik killilersugaanngitsumillu iliorsinnaatitaaffinnik nalunaarummi maani taaneqartunik tamanik atuiumasinnaavoq, sukkulluunniit assigiinngisitsinertaqanngitsumik, s. ass. inuiannut sorlernut ataneq, ammip qalipaataa, arnaaneq/angutaaneq, oqaatsit, upperisaq, naalakkersuinikkut isuma allatulluunniit isumaqarneq, inuiaassutsikkut imaluunniit innuttaaqatigiinni qanoq atugaqartuneerneq, pigisaqassuseq, inunnguutsimit imaluunniit inuiaqatigiinni allatut inissisimaneq pissutigalugit.

2. Aammattaaq nunami imaluunniit sumiiffimmi eqqartuussisinnaanikkut pissutsit imaluunniitt naalakkersuinikkut imaluunniit nunat allamiut inuup aalajangersimasup attaveqarfigisaasa isumaat pissutiagalugit assigiinngisitsineqassanngilaq, sumiiffik naalakkersuinikkut attaveqarfeqanngikkaluarpalluunniit, allanit oqartussaaffigineqaraluarpat namminersortuunngikkaluarpalluunniit, imaluunniit imminut naalakkersorsinnaassusia arlaatigut killiliivigineqarsimagaluarpat.

Article 2

1. Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.

2. De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté.

 

On remarquera qu'il faut beaucoup plus de mots en inuktitut qu'en français. La plupart des Groenlandais sont de religion évangélique luthérienne, à laquelle s’ajoutent les croyances traditionnelles des Inuits.

2.3 Les anglophones

Ceux qui utilisent l’anglais comme langue maternelle ne sont pas des Groenlandais ni des Danois, mais des Américains ou des Canadiens résidant généralement à la base militaire de Thulé, située dans le Nord-Ouest (voir la carte 1). De 1950 à 1980, la "Thule Air Base" comptait plus de 10 000 membres des services militaires américains. À partir de juillet 1965, la base de Thulé connut un ralentissement général de ses activités. L'unité de base, qui y était située, fut désactivée. En janvier 1968, la population de la base militaire n'était plus que de 3370 personnes.

Aujourd'hui, le personnel de base, composé d'Américains, de Canadiens et de Danois, est tombé à environ deux mille personnes au maximum avec comme mission de détecter tout missile qui pourrait être lancé contre le Canada, les États-Unis et leurs alliés. Thulé abrite aussi le port en eau profonde situé le plus au nord du monde. La base bénéficie d'une station de radio FM (97.1) et de plusieurs chaînes de télévision (CBS, ABC, NBC, FOX, AFN et PBS), dont une chaîne locale, AFN, qui transmets des informations sur les prévisions météorologiques.

3 Données historiques

D'après les archéologues, le Groenland a compté quatre peuples différents qui se sont installés sur ce territoire. Les prédécesseurs des Inuits furent un peuple nommés les Dorsets. Après avoir occupé la plus grande partie de l'Arctique canadien, les Dorsets pénétrèrent au Groenland vers l'an 800 avant notre ère. Il y vécurent environ 1000 ans dans de nombreuses régions de l'île, avant de disparaître vers 300 de notre ère, sans doute chassés par l'avancée des Inuits. Contrairement aux Inuits, ils n'avaient pas de traîneaux à chiens, ni de navires (kayaks), ni d'arcs ni de flèches. Puis les Dorsets revinrent dans le Nord-Est vers 700 et survécurent au Groenland jusqu'aux environs de 1300. 

3.1 Les Inuits

Les Inuits ont émigré avant l'an 1000 en traversant le détroit de Béring et en s'établissant en Alaska et au Canada. Parce qu'ils étaient capables de voyager sur de grandes distances (en traîneaux à chiens et avec de grands navires), ils pénétrèrent au Groenland vers l'an 1200, puis se dirigèrent vers le sud en longeant la côte ouest de l'île. Ils chassaient le morse, le phoque, la baleine, le caribou, etc.

3.2 L'arrivée des Vikings

Les côtes méridionales furent explorées pour la première fois par des Européens en 984: Erik le Rouge, un Viking (ou Norrois) originaire d'Islande, installa des colonies vikings sur la côte est, tout le long de deux fjords, là où il était possible de pratiquer l'élevage bovin.

Au départ, l'expédition d'Erik le Rouge aurait compté environ 600 personnes montées à bord de 25 bateaux (des «drakkars»), mais seuls 14 de ceux-ci parvinrent au Groenland, les autres ayant sombré ou fait demi-tour. D'autres Vikings vinrent de Norvège et des îles Shetland (voir la carte de gauche).

Entre 990 et 1050, les Vikings fondèrent une petite colonie sur l'extrême pointe nord de Terre-Neuve, à l'emplacement de l'actuelle Anse-aux-Meadows (proviendrait de l'Anse-aux-Méduses) non loin de Saint Anthony, qu'ils ont appelé le Vinland, ce qui signifie «pays du vin» (une région où poussaient des raisins sauvages). Malgré leurs tentatives d'établissement, les voyages des Vikings n'eurent pas de suite et ne laissèrent pas leur langue, le vieux norrois, sur les habitants de l'île. Après s'être heurtés à l'hostilité des «Skraelings» (autochtones: Inuits et/ou Béothuks, les Dorsétiens), les Vikings retournèrent au Groenland.

Christianisés dès le XIIe siècle, les habitants du Groenland passèrent, en même temps que l'Islande, sous la souveraineté norvégienne de 1261 à 1380. À quelque 2500 km de la Norvège, les Vikings bâtirent une cathédrale et des églises, écrivirent des textes en latin et en vieux-norrois, fabriquèrent des outils en métal, élevèrent des animaux de ferme, s'habillèrent à l'européenne, firent le commerce des fourrures, etc. Près de 5000 colons vikings vécurent ainsi sur le sol groenlandais — dont 4000 à l'Établissement de l'Est et environ 1000 à l'Établissement de l'Ouest — durant 450 ans, puis disparurent, alors que les Inuits survécurent. Le dernier évêque norvégien du Groenland décéda en 1378 et le roi ne Norvège ne le fit jamais remplacer, ce qui fit péricliter la société viking. 

À partir du XVe siècle, les colonies vikings eurent à faire face à un certain refroidissement climatique du Groenland, qui dura jusqu'au XIXe siècle (de 1650 jusqu’à 1850). Si les conditions climatiques étaient tolérables pour les Inuits qui chassaient le phoque, elles devenaient très défavorables pour les Vikings qui dépendaient de la culture du foin (l'été). En réalité, les Vikings auraient pu survivre s'ils avaient su s'adapter, mais ils n'eurent probablement pas les moyens culturels qu'il fallait pour modifier leur mode de vie, ce qui leur aurait permis de survivre à l'instar des Inuits. Les Vikings avaient détruit les forêts pour augmenter le pacage, faire du bois de chauffage ou du bois de construction; les bovins avaient piétiné les pousses et fait disparaître toute végétation naturelle, facilitant ainsi l'érosion à grande échelle et rendant quasi impossible la culture du foin.

Fait surprenant, les Vikings n'ont jamais songé à exploiter les richesses naturelles de la mer, alors que les Norvégiens étaient au même moment de formidables pêcheurs. Mais les Vikings sont demeurés une société extrêmement conservatrice dans laquelle toute innovation était perçue comme menaçante pour le pouvoir, le prestige et les intérêts étroits des chefs locaux. Ajoutons aussi que les contacts avec les Inuits devinrent de plus en plus hostiles, les relations avec la Norvège de plus en plus sporadiques, sans compter la Peste noire de 1349-1350, qui avait fait disparaître la moitié de la colonie.

On pense que les derniers Vikings du Groenland périrent de froid et de famine, entourés d'abondantes ressources alimentaires (poissons, phoques, baleines, caribous, etc.) non utilisées. Au final, il n'est pas impossible que les derniers habitants des colonies nordiques du Groenland, affaiblis et démunis, aient été exterminés par les Inuits. D'ailleurs, la littérature orale inuite rapporte que les Inuits du Groenland ont chassé les Vikings (Norrois).

Au cours des siècles durant lesquels Inuits et Vikings se partagèrent le Groenland, les relations entre les deux peuples ne furent pas très cordiales, du moins si l'on se fie aux annales vikings qui n'en font référence que deux ou trois fois brièvement, et de façon peu flatteuse. Il ne dut y avoir que peu de relations commerciales entre Inuits et Vikings, sauf peut-être pour l'ivoire de morse que les Inuits chassaient avec succès et que les Scandinaves recherchaient. Tributaires des préceptes de l'Église, les Vikings ne devaient ressentir que du mépris pour ces «païens», comme d'ailleurs chez la plupart des Européens du Moyen Âge. Mais les archéologues n'ont jamais trouvé dans les colonies vikings du Groenland de trace de massacre ou de destruction de fermes ou d'occupation de terres par les Inuits. On peut être surpris aujourd'hui de constater que les Vikings n'aient jamais rien appris des techniques de chasse et de pêche des Inuits. On sait que les explorateurs et autres colons européens qui ont survécu dans l'Arctique furent ceux qui adoptèrent les coutumes des Inuits. En somme, les Norvégiens du Groenland ont préféré mourir plutôt que de vivre comme des Inuits.

Lorsque les explorateurs anglais Martin Forbisher et John Davis accostèrent au Groenland en 1587, ils ne rencontrèrent que des Inuits et ils furent fort très impressionnés par leurs techniques et leurs outils. Depuis cette époque, de nombreux scientifiques et archéologues n'ont cessé de chercher des réponses au sujet de l'effondrement viking.

3.3 La souveraineté danoise

Le commencement de l'autorité danoise moderne au Groenland date d'une mission à Godthåb (l'actuelle ville de Nuuk) en 1721, menée par un missionnaire norvégien, Hans Egede (1686-1758). Celui-ci fonda la première mission morave, une Église liée au luthéranisme de la Saxe (Allemagne). Egede ne trouva évidemment aucun survivant dans les anciennes colonies vikings. En revanche, il trouva des Inuits dont il étudia la langue et traduisit des textes chrétiens. Après la fondation de cette première ville groenlandaise, qui allait devenir plus tard la capitale du territoire, il commença la colonisation danoise du Groenland, ainsi que sa conversion au christianisme. En 1789, la population du Groenland était estimée à quelque 10 000 habitants. À la suite des épidémie de variole apportées par les Européens, la population chuta à 7000 ou 6000 personnes.

Les Danois entreprirent alors d'explorer la côte occidentale et de coloniser le Groenland. La souveraineté danoise sur l'île, reconnue dès la fin du XVIIe siècle par les Provinces-Unies et la Russie, fut confirmée par la paix de Kiel en 1814. Au XIXe siècle, le Groenland fut exploré et cartographié par de nombreux explorateurs et navigateurs, dont Robert E. Peary, qui mena plusieurs expéditions, de 1892 à 1909, sur la côte nord-ouest.

En 1905, une loi scolaire danoise a été promulguée pour que la formation des enseignants soit assurée aux jeunes Groenlandais; ceux-ci étaient en général envoyés au Danemark pour parfaire leur formation continue. En 1910, Knud Rasmussen fonda Thulé et explora le nord du Groenland (1910-1924). De 1930 à 1931, des expéditions britanniques, américaines et allemandes effectuèrent des observations météorologiques au nord du cercle arctique. Par la suite, les Français Paul-Émile Victor (1948-1951) et Jean Malaurie (à partir de 1951) menèrent de nombreuses études scientifiques et surtout ethnologiques.

En mai 1921, le Danemark décréta que toute l'île était désormais un territoire danois, ce qui créa un contentieux avec la Norvège à propos des droits de chasse et de pêche. Le différend fut porté devant la Cour internationale de justice de La Haye, qui confirma en 1933 les droits du Danemark sur le Groenland. En 1928, la langue danoise a été présentée comme un discipline scolaire au Groenland.

En 1941, durant la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis obtinrent du Danemark, alors occupé par les Allemands, l'autorisation d'implanter des bases aériennes militaires au Groenland (Thulé et Angmagssalik). Cet accord fut modifié en 1951 (transformation de Thulé en base pour bombardiers stratégiques nucléaires) et la coopération entre les deux États renforcée dans le cadre de l'OTAN.

3.4 L’autonomie politique

En vertu de la nouvelle Constitution de mai 1953, le Groenland, alors une colonie danoise depuis 1721, devint une «province» danoise représentée au Parlement du Danemark. Commença alors une période de «danification des Inuits» groenlandais. À cette époque, on envoyait les enfants dans les écoles du Danemark. Beaucoup affirment aujourd’hui qu’ils ont été envoyés de force et sont amers du fait qu’ils ont été habitués à «penser en danois». L'ascension sociale des autochtones ne pouvait se faire qu'en danois. Cela a permis alors au Groenland de devenir officiellement «la région la plus au nord du Danemark», aux Inuits de se faire appeler les «Danois du Nord» et de «recevoir la même éducation civique que tous les autres Danois».

En 1972, les Groenlandais se prononcèrent contre l'entrée dans la Communauté européenne (aujourd'hui l'Union européenne), mais furent contraints de se rallier au vote favorable des Danois. Ce résultat renforça le ressentiment d'une partie des Groenlandais à l'égard du Danemark. En 1977, un parti nationaliste, le Siumut, se constitua et milita en faveur de la souveraineté.

- Une communauté particulière

L'autonomie interne fut finalement acquise en janvier 1979. Le Groenland est alors devenu une «communauté particulière» au sein du royaume du Danemark. Le vote positif au référendum fut suivi par l'élection d'un Parlement où le Parti Siumut se trouva majoritaire. Au référendum de février 1982, les Groenlandais votèrent à une courte majorité en faveur du retrait de la Communauté européenne (Union européenne), qui devint effectif en 1985. Ce retrait se voulait une volonté de protéger le territoire de pêche des Groenlandais face à la concurrence des gros bateaux européens venant pêcher dans les eaux du pays. Depuis 1977, une Conférence circumpolaire inuite (ICC), une organisation politique et culturelle regroupant les Inuits de Sibérie, d'Alaska, du Canada et du Groenland, permet une plus grande collaboration entre ces peuples de l'Arctique.

Au point de vue linguistique, l'une des premières mesures adoptées par le Groenland avec la reconnaissance de l'autonomie fut la promulgation d'une nouvelle loi scolaire, dans laquelle il fut stipulé que la langue d'enseignement devait être le groenlandais. De plus, le contenu des matières scolaires devait être plus adapté aux besoins de la société groenlandaise. En 1981, l'Assemblée législative adoptait un nouveau décret sur la formation des enseignants, selon lequel la formation était désormais assurée à Ilinniarfissuaq. Il était précisé que cette formation devait durer quatre années, dont une année de pratique dans une école du Groenland. C'est à partir de 1979 que l'idéologie de la groenlandisation a commencé et s'est poursuivie jusqu'à aujourd'hui.

De plus, en vertu de l'article 182 (Journal officiel n° C-325 du 24 décembre 2002) du Traité instituant la Communauté européenne, le Groenland est reconnu comme l'un des Pays et territoires d'outre-mer (PTOM) de l'Union européenne: 

QUATRIÈME PARTIE

L'ASSOCIATION DES PAYS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER

Article 182

 

Les États membres conviennent d'associer à la Communauté les pays et territoires non européens entretenant avec le Danemark, la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni des relations particulières. Ces pays et territoires, ci-après dénommés "pays et territoires", sont énumérés à la liste qui fait l'objet de l'annexe II du présent traité.

Le but de l'association est la promotion du développement économique et social des pays et territoires, et l'établissement de relations économiques étroites entre eux et la Communauté dans son ensemble.

Conformément aux principes énoncés dans le préambule du présent traité, l'association doit en premier lieu permettre de favoriser les intérêts des habitants de ces pays et territoires et leur prospérité, de manière à les conduire au développement économique, social et culturel qu'ils attendent.

Le PTOM sont disséminés de l’Arctique à l’Antarctique, de l’Atlantique au Pacifique, tout en incluant les Caraïbes et l’océan Indien. Voici liste des PTOM (Annexe II du Traité instituant la Communauté européenne) auxquels s'appliquent les dispositions de la quatrième partie du traité:

le Groenland, la Nouvelle-Calédonie et ses dépendances, la Polynésie française, les Terres australes et antarctiques françaises, les îles Wallis-et-Futuna, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Aruba, les Antilles néerlandaises (Bonaire, Curaçao, Saba, Sint Eustatius, Sint Maarten), Anguilla, les îles Caïmans, les îles Malouines, la Géorgie-du-Sud et les îles Sandwich-du-Sud, Montserrat, Pitcairn, Sainte-Hélène et ses dépendances, le Territoire britannique de l'Antarctique, le Territoire britannique de l'océan Indien, les îles Turks-et-Caicos, les îles Vierges britanniques et les Bermudes.

Depuis l'accession à l'autonomie en janvier 1979, soit vingt ans avant la création du Nunavut au Canada, le pouvoir exécutif au Groenland est exercé par un groupe de sept membres, le Landsstyre, dirigé par le premier ministre. Le pouvoir législatif est détenu par un parlement composé de 21 membres, le Landsting, élu pour quatre ans. Rappelons que les Groenlandais élisent deux représentants au Parlement danois. Le Parlement groenlandais ou Landsting peut légiférer dans presque tous les domaines, sauf pour ce qui est des affaires étrangères, du sous-sol groenlandais, de la police et de la justice, ainsi que des Forces armées du Groenland sises à Grønnedal. Le représentant suprême des pouvoirs publics danois au Groenland est le commissaire du royaume (le rigsombudsmanden).

- Le Groenland aux Groenlandais

Il existe au Groenland un mouvement indépendantiste, le Nammineq, qui souhaite que l'île se détache définitivement du Danemark et réclame le «Groenland aux Groenlandais». En général, la perspective d'une séparation du Groenland ne fait guère frémir la classe politique danoise, bien qu'elle entraînerait une réduction de 98 % du territoire national. Dans les rues de Copenhague, le sujet ne soulève pas davantage les passions. Le Groenland est considéré comme «exotique» et n'a pas de liens réels avec le Danemark. Mais, pour les États-Unis, le Groenland présente un intérêt géostratégique important, notamment pour soutenir le programme antimissile.

Le 21 juin 2009, le Groenland obtenait un nouveau régime d'autonomie plus élargie par la Loi sur l'autonomie du Groenland, qui a rendu encore plus effective la groenlandisation. Depuis lors, le Groenland gère de nouveaux champs de juridiction comme ses propres ressources minérales, la justice, la police et l’administration pénitentiaire. Le Groenland a maintenant un droit de regard sur les questions de politique étrangère et de défense, notamment sur la base américaine de Thulé. Mais l'aspect le plus important de ce nouveau statut concerne le droit accordé aux Groenlandais de disposer de leurs propres ressources naturelles (pétrole, gaz, or, diamant, uranium, zinc, plomb). Ces ressources suscitent d'autant plus les convoitises que le réchauffement climatique pourrait en faciliter la prospection et l'exploitation. Le nouveau statut d’autonomie renforcée reconnaît au peuple groenlandais un droit à l’autodétermination, conformément au droit international, et constitue un pas vers l'indépendance. L'article 20 de la loi sur l'autonomie confère au groenlandais le statut d'unique langue officielle du Groenland. On peut s'attendre à ce que la langue groenlandaise acquière plus de prestige, parce que, du moins formellement, elle est devenue la seule langue officielle du territoire. D'ailleurs, le 24 septembre 2009, le Parlement groenlandais a adopté la Loi du Loi du Parlement groenlandais sur la politique linguistique qui renforce encore la groenlandisation du territoire.

Cependant, le Groenland continue de recevoir de l'aide financière de la part du Danemark, en retour d'une partie des profits liés à l'exploitation des ressources naturelles. Le Groenland reçoit également un appui financier des États-Unis et de l'Union européenne. En un sens, il n'est donc pas arrivé à sa pleine autonomie, mais tous les Groenlandais espèrent un jour que leur pays devienne complètement indépendant.

- Et l'indépendance?

L'indépendance politique ne semble pas pour le moment être la priorité du gouvernement en place, car d'importants problèmes sociaux doivent être résolus : mentionnons le problème des enfants maltraités, la violence conjugale, les longues listes d'attente dans les hôpitaux, l'éducation qui bat de l'aile, ainsi que l'écart croissant entre les riches et les pauvres. Sans ingénieurs et sans moyens logistiques, le Groenland devra faire appel à l’étranger pour exploiter son pétrole, son gaz et ses minerais, d'où l'importance de l'éducation. C'est pourquoi le Groenland a encore beaucoup de difficultés à «couper le cordon» avec le Danemark qui lui fournit jusqu’à 3 milliards de couronnes d’aides par an et subventionne l’importation de tous ses biens de consommation.

Néanmoins, une majorité des Danois serait prête à accorder l’indépendance aux Groenlandais s’ils la demandaient.  Il est vrai que, en plus de ses réserves énergétiques, le Groenland présente de grands intérêts pour les étrangers. Situé entre les États-Unis et l’Europe, le Groenland abrite déjà une partie du bouclier antimissile du Pentagone. En outre, le réchauffement climatique pourrait éventuellement ouvrir la voie maritime du Nord-Ouest. Si le Groenland devenait un État indépendant, le Danemark perdrait 98 % de son territoire.  Dès lors, il ne faudrait pas que le Groenland tombent sous la dépendance des États-Unis, sinon le pays changerait une dépendance politique pour une autre.  On dirait que les espoirs d’émancipation et d’indépendance des Groenlandais reposent uniquement sur ce qu’on pourrait découvrir dans les fonds marins de leur environnement proche. On comprend pourquoi les Groenlandais restent très partagés sur la question, bien que tous semblent prêts à conserver la monnaie et la reine danoises. Le statu quo se perpétue, faute d'alternative.

4 Le statut des langues au Groenland

Le Statut d’autonomie (Hjemmestyrelov), ou loi n° 577 du 29 novembre 1978, accordé par le Danemark a servi de Constitution aux Groenlandais jusqu'en 2009. L’article 9 stipulait ce qui suit à propos des «langues officielles»:

Artikel 9

Det grønlandske sprog er hovedsproget. Der skal undervises grundigt i det danske sprog.

Stk. 2.

Begge sprog kan anvendes i offentlige forhold.

Article 9 [abrogé]

1) Le groenlandais est la langue principale. Le danois devra être enseigné correctement.

Section 2

Les deux langues peuvent être utilisées à des fins officielles.

Toutefois, la politique linguistique du Groenland a radicalement changé depuis 1978. Si, jusqu’à la fin des années 1970, la priorité était donnée au danois, son enseignement est ensuite passé au second plan, du fait du nouvel essor de la langue groenlandaise.

Puis la loi n° 577 de 1978 a été abrogée par l'article 23 de la loi danoise n° 473 du 12 juin 2009 (Loi sur l'autonomie du Groenland) :

Lov om Grønlands Selvstyre

Nr. 473, 12. juni 2009

Kapitel 9

Ikrafttrædelse og overgangsbestemmelser

Artikel 22

Loven træder i kraft den 21. juni 2009.

Artikel 23

1) Lov nr. 577 af 29. november 1978 om Grønlands hjemmestyre ophæves, jf. dog stk. 2

2) § 8 i lov om Grønlands hjemmestyre forbliver i kraft, indtil råstofområdet overtages af Grønlands Selvstyre.

3) Grønlands Selvstyre har fortsat den lovgivende og udøvende magt inden for sagsområder, der er overtaget efter § 4 i lov om Grønlands hjemmestyre.

4) Grønlands Selvstyre har den lovgivende og udøvende magt inden for sagsområder, der er overtaget efter § 5 i lov om Grønlands hjemmestyre.

Loi sur l'autonomie du Groenland de 2009

Loi n° 473 du 12 juin 2009

Chapitre 9

Entrée en vigueur et dispositions transitoires

Article 22

La loi entre en vigueur le 21 juin 2009.

Article 23

1) La loi n° 577 du 29 novembre 1978 sur le Gouvernement autonome du Groenland sera abrogée, sous réserve du paragraphe 2.

2) L’article 8 de la loi sur le Gouvernement autonome du Groenland restera en vigueur jusqu’à ce que les autorités autonomes du Groenland prennent en charge le secteur des ressources minérales.

3) Les autorités autonomes du Groenland continueront d’exercer les pouvoirs législatif et exécutif dans les domaines de compétence pris en charge en vertu de l’article 4 de la loi sur le Gouvernement autonome du Groenland.

4) Les autorités autonomes du Groenland exerceront les pouvoirs législatif et exécutif dans les domaines de compétence pris en charge en vertu de l’article 5 de la loi sur le Gouvernement autonome du Groenland.

L'article 20 de la Loi sur l'autonomie du Groenland de 2009 rend le groenlandais l'unique langue officielle:

Kapitel 7

Sprog

Artikel 20

Det grønlandske sprog er det officielle sprog i Grønland.

Chapitre 7

Langue

Article 20

Le groenlandais est la langue officielle du Groenland.

Avec l'adoption de la Loi sur l'autonomie du Groenland de 2009, la langue groenlandaise (grønlandske en danois ou kalaallisut en groenlandais) est devenue la langue du pouvoir politique, et la première langue du pays, même si elle partageait son statut officiel avec le danois. En effet, ce statut d'une unique langue officielle demeure symbolique, car le danois continue d'être employé dans l'administration, ainsi que dans l'enseignement supérieur, sans oublier auprès des populations habitant les plus grandes villes, qui l'utilisent comme langue seconde.

D'ailleurs, la Commission mixte dano-groenlandaise sur l'autonomie avait examiné la question de la langue et de son usage, et avait soutenu qu'il était nécessaire pour les citoyens de pouvoir utiliser le danois partout dans le Royaume pour les démarches officielles. La commission avait aussi envisagé la possibilité de transférer la responsabilité de cette question aux autorités groenlandaises, car il n’y avait pas d’objection constitutionnelle à ce que la question de l’usage du danois soit dévolue aux autorités autonomes. La Commission a aussi constaté que la législation groenlandaise en vigueur concernant l’administration publique prévoyait que le groenlandais et le danois pouvaient tous les deux être utilisés dans les affaires publiques, que la Convention nordique relative aux langues permettait aux ressortissants nordiques d’utiliser leur propre langue dans un autre pays nordique et que cette disposition s’appliquait également à la langue groenlandaise et au territoire du Groenland, et que d’autres lois, par exemple celles concernant l’enseignement primaire et secondaire et d’autres portant sur l’éducation et sur la formation professionnelle, prévoyaient que l’instruction était dispensée à la fois en groenlandais et en danois. Compte tenu de ces considérations, la Commission a estimé que la Loi sur l'autonomie pouvait contenir une disposition (art. 20) stipulant que le groenlandais soit la langue officielle du Groenland.

Par ailleurs, le Parlement groenlandais (Landsting) a adopté, le 24 septembre 2009, une loi linguistique controversée: la Loi du Parlement groenlandais sur la politique linguistique (2010) dont l'entrée en vigueur était prévue pour le 1er juillet 2010.  L'article 3.1 proclame que le groenlandais est la langue officielle du Groenland:

Article 3

1) Le groenlandais est la langue officielle du Groenland et est utilisé à des fins officielles.

2) Le groenlandais possède trois dialectes principaux. Ce sont les dialectes parlés à Avanersuaq, Tunu et Kitaa.

3) Le danois peut être utilisé à des fins officielles.

4) L'anglais et d'autres langues peuvent être utilisées dans la mesure où c'est nécessaire.

Mais le paragraphe 3 déclare que le danois peut être utilisé à des fins officielles, alors que le paragraphe 4 énonce que l'anglais et d'autres langues peuvent être utilisées dans la mesure où c'est nécessaire.

5 La politique linguistique

Il existe deux politique linguistiques appliquée au Groenland. L'une provient des Groenlandais eux-mêmes et vise à groenlandiser le territoire qui fait encore partie du Royaume du Danemark. L'autre est appliquée depuis longtemps et sert à assurer le maintien de la langue danoise. Au final, c'est une politique de bilinguisme qui prévaut par défaut.  Toutefois, seule la politique de groenlandisation découle d'un texte de loi: la Loi sur la politique linguistique de 2010. 

5.1 La législation

Dans les faits, le groenlandais et le danois sont les langues co-officielles de la législation, la première de jure, l'autre de facto. Tous les débats parlementaires (le Lansting) se déroulent généralement en groenlandais avec interprétation simultanée en danois, mais les lois sont rédigées et promulguées dans les deux langues (groenlandais et danois). Conformément au règlement interne du Parlement, tous les documents doivent être mis à la disposition du public dans les deux langues. Quiconque possède la citoyenneté danoise, a atteint l'âge exigé pour être élu au Parlement danois et réside au Groenland depuis six mois au moins depuis la date de l'élection, a le droit de vote et le droit d'être élu au Parlement groenlandais.

4.2 Les tribunaux

Le système judiciaire groenlandais est fondé sur le système danois et est administré par les autorités danoises. Le territoire groenlandais est divisé en 18 districts dont les limites correspondent à celles des municipalités; ces districts servent d'assises territoriales aux tribunaux itinérants. La Haute Cour du Groenland est présidée par un juge nommé par la reine du Danemark. Il possible de faire appel des décisions de la Haute Cour devant la Cour suprême du Danemark, avec l'autorisation du ministre danois de la Justice. D'après la Loi relative à l'administration de la justice, les deux langues autorisées sont le groenlandais et le danois:

Retsplejelov
Loi relative à l'administration de la justice
(Loi n° 99 du 21 mars 1984)

Article 1
er


Les langues des tribunaux sont le groenlandais (kalaallisut) et le danois. Si aucun des membres de la cour ou aucune des parties dans l'affaire en cause ne comprend la langue de la procédure, une traduction doit être  prévue par un membre de la cour ou par un interprète.

En matière de justice, les procès se déroulent normalement en groenlandais, sauf pour un ressortissant danois. Toutes les pièces justificatives peuvent être écrites en groenlandais ou en danois. Petit accroc à la langue locale: le juge doit rendre ses sentences en danois. Comme aux îles Féroé (aussi un territoire du Danemark), les cours d’appel et la Cour suprême du Danemark ne sont accessibles qu’en danois. Rappelons que la Cour suprême du Danemark demeure encore la plus haute autorité judiciaire du Groenland, même après le transfert de l’administration de la justice aux autorités autonomes.

4.3 L'Administration publique

Le gouvernement local et son administration n’utilisent en général que le groenlandais, tant à l’écrit qu’à l’oral. L'article 7 de la Loi relative à l'administration publique (modifiée au 30 octobre 1998) est précise à ce sujet-là:

Landstingslov om sagsbehandling i den offentlige forvaltning
Loi relative à l'administration publique (modifiée au 30 octobre 1998)

Article 7

a) Quiconque est partie à une question particulière peut déclarer qu'il veut recevoir un service en groenlandais (kalaallisut) ou en danois. Cette déclaration engage l'autorité concernée.

Seules les autorités danoises utilisent (ou imposent?) l’autre langue officielle, le danois. Il en est de même pour les soins de santé qui sont le plus souvent offerts en danois en raison de la formation des médecins d’origine danoise. Il existe un Conseil de la langue groenlandaise qui a pour objectifs de rassembler et de favoriser l'information sur langue groenlandaise et l'usage de cette langue, de participer au Conseil nordique et d'œuvrer à des travaux sur le groenlandais, de rester à jour au sujet de l'évolution de la langue parlée et de se consacrer à des recherches portant sur le groenlandais comme langue seconde. 

En 1990, À la suite du transfert au gouvernement autonome groenlandais du droit de négocier les conventions collectives auparavant réservé au Det Offentlige Aftalenaevn, l'organisme commun au Danemark et au Groenland, le Parlement groenlandais a adopté la loi, n° 5, du 14 mai 1990, qui, pour l'accès à la fonction publique, supprime l'ancien «critère du lieu de naissance». Dans l'ancienne loi (n° 168 du 27 mai 1964), les droits et avantages particuliers accordés aux fonctionnaires d'origine non groenlandaise (danoise) employés dans l'administration publique constituaient un moyen discriminatoire de sélection du personnel. Aujourd'hui, seul le mérite sert de critère, en même temps que la connaissance du groenlandais.

Le Groenland, à l'exemple du Danemark avec le Conseil de la langue danoise, possède un Conseil de la la langue groenlandaise appelé Commission consultative sur la langue. Sa fonction la plus importante est d'enregistrer et de rassembler les nouveaux termes en groenlandais, ainsi que d'approuver les mots et prendre des décisions quant à l'usage de la langue correcte. En outre, le Commission consultative sur la langue groenlandaise doit informer les autorités et le public sur toute question linguistique (Loi sur la Commission consultative sur la langue) :

Landstingslov om Grønlands Srognævn
Loi sur la Commission consultative sur la langue

Loi n° 4 du 1
er avril 1982

Article 1
er

a) La Commission consultative sur la langue du Groenland est chargé de recueillir, d'enregistrer et de promouvoir de nouveaux mots, de nouvelles expressions et abréviations.

b) La Commission consultative sur la langue a également également la responsabilité d'informer les autorités publiques et les éducateurs sur les questions concernant la langue groenlandaise (kalaallisut).

c) La Commission consultative sur la langue a également la responsabilité de collaborer avec les institutions qui émettent les enregistrements ou soumettent des recommandations concernant les toponymes et les noms de personne.

d) Le ministre de la Culture et de l'Éducation peut assigner la Commission consultative sur la langue à d'autres tâches, conformément aux articles 1 à 3 ci-dessous.

Article 2

a) La Commission consultative sur la langue comprend cinq membres et deux remplaçants qui sont désignés par le parlement du Groenland.

b) Le mandat des membres de la Commission consultative sur la langue doit être celui décidé par le parlement du Groenland.

c) La Commission consultative sur la langue choisit son propre président et détermine ses propres procédures.

Article 3

L'Université du Groenland sert de secrétariat pour la Commission consultative sur la langue du Groenland.

Article 4

Des règlements plus spécifiques concernant les fonctions de la Commission consultative sur la langue seront prévus par le ministère de la Culture et de l'Éducation.

Article 5

La présente loi entre en vigueur immédiatement et abroge en même temps les règlements du Conseil du Groenland du 25 février 1959 régissant la langue et l'orthographe groenlandaise (kalaallisut).

En vertu de l'article 4 de la Loi du Parlement groenlandais sur la politique linguistique (2010), les organismes publics et les entreprises privées, comptant au moins dix employés, doivent élaborer une politique linguistique:

Article 4

1) Les entreprises privées comptant au moins dix employés, ainsi que les autorités et organismes publics doivent élaborer une politique linguistique.

2) La politique linguistique peut contenir:

1) une description des compétences linguistiques de l'autorité ou de l'entreprise;

2) un profil des langues étrangères et des compétences culturelles

3) un profil de l'autorité ou de l'entreprise de sa visibilité linguistique extérieure;

4) des lignes directrices pour les communications internes et externes; et

5) les compétences linguistiques du personnel.

3) Il incombe à l'employeur de procéder à une entrevue individuelle et personnelle auprès des employés au sujet de leurs besoins en formation linguistique et en introduction à la culture, l'histoire et la société du Groenland.

Cet aspect de la loi groenlandaise est inspiré de la Charte de la langue française du Québec. Ainsi, l'article 6 de la loi groenlandaise oblige les entreprises privées, les autorités et les institutions publiques de transmettre un exemplaire de leur politique linguistique et de leurs documents de mise en œuvre de cette politique. L'article 7 de la même loi prévoit que, en cas de violation de la loi, une amende peut être imposée. L'article 8 prévoit aussi que des plaintes peuvent être déposées auprès de l'organisme de réglementation. Il faudra sans doute attendre un règlement pour connaître le montant des amandes.

4.4 Le système d'éducation

Le système d'éducation est calqué sur le système danois. L'école publique du Groenland est, comme au Danemark, sous la juridiction des municipales: ce sont donc des «écoles municipale»; comme au Danemark, l'école publique porte le nom de Folkeskolen (litt.: «école du peuple») L'Assemblée législative précise les normes autorisées pour les contenus dans les écoles, mais les administrations municipales décident des modalités du fonctionnement des écoles placées sous leur responsabilité. L'éducation est gratuite et obligatoire pour les enfants âgés de 7 à 16 ans. L'effort financier consacré à l'éducation est aujourd'hui très important (11,3 % PIB). L'article 1 de l'Ordonnance du gouvernement relative aux écoles publiques (modifiée au 6 juin 1997) impose le groenlandais comme langue d'enseignement: 

Landstingsforordning sur folkeskolen
Ordonnance du gouvernement relative aux écoles publiques

Modification du 6 juin 1997 relative à la loi n° 579 du 29 novembre 1978

Article 1
er

a) Les écoles publiques sont celles qui dispensent l'enseignement aux enfants et aux jeunes âgés de moins de 20 ans.

b) La langue d'enseignement est le groenlandais (kalaallisut).

c) Sur la base des connaissances des enseignants, des fonds disponibles ou des besoins particuliers des élèves, le danois peut, en plus, être une langue d'enseignement.

L'éducation est régie par le règlement n° 10, du 25 octobre 1990, concernant l'enseignement primaire et secondaire du premier cycle. Ce règlement a été modifié par le règlement n° 8 du 13 mai 1993 et le règlement n° 1 du 1er mars 1994. En vertu du règlement n° 10 du 25 octobre 1990, l'intégration linguistique dans les écoles primaires et secondaires du premier cycle est devenue obligatoire pour tous les élèves. L'objectif est de placer les élèves de langue groenlandaise et ceux de langue danoise dans les mêmes classes, alors que, auparavant, ils étaient répartis dans des classes séparées en fonction de leur langue maternelle. En même temps, le gouvernement garantit au danophones de pouvoir apprendre le groenlandais. Le gouvernement groenlandais désire ainsi donner la même formation linguistique, culturelle et sociale à tous les élèves, tant ceux d'origine groenlandaise que danoise. Une étude, qui a été réalisée cours d'une période d'essai de trois ans, est arrivée à la conclusion que cette politique avait obtenu des résultats positifs. C'est cette politique de bilinguisme qui est en vigueur depuis 1994.

Une centaine d'établissements scolaires ont été créés; on y enseigne le groenlandais et le danois. Normalement, le groenlandais est enseigné de la maternelle à la fin du secondaire, mais le danois est obligatoire dès le premier cycle du primaire comme langue seconde. Comme au Danemark avec le danois, le système scolaire prévoit des cours de Groenlandais 1 et des cours de Groenlandais 2. Des tests linguistiques autorisent les élèves à passer d'un niveau à l'autre. Selon l'évaluation des enseignants à l'égard de leurs élèves, un troisième niveau de cours a été ajouté: le Groenlandais 3. Tous les groenlandophones apprennent le danois et l'anglais à l'école; ils parlent couramment trois langues, le danois étant mieux maîtrisé que l'anglais.

Au Groenland, l'enseignement secondaire correspond généralement à une formation professionnelle et un enseignement technique. Le système est régi par le règlement n° 16 du 28 octobre 1993 relatif à la formation professionnelle et l'enseignement technique, les bourses d'études et l'orientation professionnelle. Le danois reste la principale langue d'enseignement.  La capitale, Nuuk, abrite un collège (bilingue) de formation des maîtres et une université (bilingue). À la fin de leurs études, tous les étudiants doivent passer avec succès un test en langue groenlandaise.

Un enseignement supérieur est offert au Groenland dans les domaines suivants :  la formation d'aides-soignants et d'infirmiers (règlement n° 9 du 13 mai 1990), la formation des journalistes, la formation des enseignants de l'école primaire et secondaire du premier cycle (règlement n° 1 du 16 mai 1989), la formation des travailleurs sociaux (règlement n° 1 du 16 mai 1989), la formation des éducateurs sociaux (règlement n° 1 du 16 mai 1989) et la «formation universitaire» (règlement n° 3 du 9 mai 1989).

Les élèves groenlandais peuvent poursuivre leur scolarité au Danemark, s'ils le désirent et en ont les moyens financiers. Pour être admis dans les établissements d'enseignement danois, les candidats groenlandais sont placés sur un pied d'égalité avec les candidats danois. Des bourses d'études sont accordées aux élèves groenlandais admis dans les établissements d'enseignement du Danemark. Dans l'état actuelle des choses, les bourses d'études sont accordées pour tous les types d'enseignement énumérés dans les bulletins Sunngorlangatog («Clefs de l'éducation») et Periarfissat («L'éducation au Danemark»). Pour avoir droit à ces bourses, le candidat ou la candidate doit posséder la citoyenneté danoise et avoir une résidence permanente au Groenland depuis au moins cinq ans. La durée totale des séjours effectués hors du Groenland ne peut pas être supérieure à trois ans.

L'article 5 de la Loi du Parlement groenlandais sur la politique linguistique (2010) énonce que les Groenlandais ont le droit d'acquérir le groenlandais et le danois dont la portée est internationale à l'oral et à l'écrit, de sorte qu'ils puissent participer à la vie communautaire et employer et utiliser leur langue maternelle: 

Article 5

1) Les individus ayant leur résidence permanente au Groenland ont le droit d'acquérir le groenlandais et le danois dont la portée est internationale à l'oral et à l'écrit, de sorte qu'ils puissent participer à la vie communautaire et employer et utiliser leur langue maternelle.

De plus, le Groenland est aux prises avec un débat de société portant sur les langues que devraient parler la plupart des Groenlandais. Il ne suffirait pas de savoir uniquement le groenlandais et le danois. La question est de savoir s'il faut dorénavant introduire l'anglais dans l'enseignement supérieur.

4.5 La vie commerciale

La vie commerciale est généralement bilingue: publicité, étiquetage, modes d’emploi, etc., mais la publicité commerciale se fait le plus souvent en groenlandais. Un fait à noter: la plupart des raisons sociales sont en danois. Pour ce qui est de l’affichage gouvernemental, il est normalement bilingue, même pour ce qui est de celui des autorités danoises. Les inscriptions officielles sont bilingues (groenlandais-danois), mais les toponymes apparaissent seulement en groenlandais.

Évidemment, l’armée américaine n’utilise que l’anglais dans ses bases militaires ("Tule Air Base"). Les commerces privés affichent généralement soit en groenlandais soit en danois et en groenlandais; par contre, les commerces spécialisés affichent à la fois en danois et en anglais, ou uniquement en anglais. Quant à la signalisation routière, le système international des symboles permet d'éviter les problèmes de préséance linguistique. Conformément à son statut de territoire rattaché au Danemark, le Groenland essaie de s'adapter à sa situation et l'affichage reflète assez bien cet état de fait.


Article sur Jean-Michel Huctin
dans Sermitsiak (Groenland)

Enfin, les Groenlandais disposent d’une gamme complète de médias en leur langue: quotidiens,  périodiques, stations de radio et télévision. 

Il existe deux journaux bilingues imprimés à Nuuk: le bi-hebdomadaire Atuagdliutit/Grønlandsposten fondé en 1861 avec 6500 exemplaires et le Sermitsiaq fondé en 1975 et publié le vendredi, avec également 6500 exemplaires. La plupart des articles sont des traductions de l’une ou l’autre langue, afin d’être compris par tous les habitants du Groenland, tant les Danois que les autochtones. 

Radio Danemark TV transmet des bulletins en danois deux fois par jour au moyen d’un satellite. On compte des stations locales de radio et de télévision. 

Radio-Groenland (ou Kalaallit Nunaata Radioa) est une institution publique administrée par le gouvernement groenlandais et diffuse dans les deux langues officielles. KNR-TV diffuse partout au Groenland des émissions à la radio et à la télévision; pour la radio, on compte 2500 heures d’informations en groenlandais, 900 heures en danois, et 2200 heures de musique. À la télé, la plus grande partie des émissions de la grille de KNR-TV est couverte par des programmes en provenance du Danemark. Ajoutons aussi que la base militaire américaine — la Thule Air Base FM Radio — diffuse quotidiennement des émissions en langue anglaise, lesquelles sont captées pratiquement dans tout le pays.

Le groenlandais demeure la langue usuelle des habitants du Groenland parce que les autochtones y sont très majoritaires et qu’ils tiennent à leur langue ancestrale. Le danois reste une langue seconde pour tous, sauf pour les ressortissants danois et les militaires américains résidant à la base de Thulé pour lesquels l'anglais est en principe la langue maternelle. C’est pourquoi la politique linguistique du Groenland en est une de bilinguisme danois-groenlandais.

Cependant, les autochtones groenlandais vivent dans un état de diglossie, car les deux langues co-officielles (de jure et de facto) en présence paraissent dans une situation inégalitaire, l'une étant réservée aux rôles mineurs (conversations informelles, premières années d'enseignement, etc.), l'autre aux fonctions jugées plus importantes (éducation supérieure, travail bien rémunéré, contacts avec l'extérieur, etc.). Il est évident que chez les Groenlandais, c'est le danois, voire également l’anglais, qui sert de langue essentielle pour «réussir dans la vie». De là vient le rôle de principales langues d'usage dévolues au danois et à l’anglais.

Il n’en demeure pas moins que le Groenland constitue le seul État au monde, avec maintenant le Nunavut du Canada, à être contrôlé par des autochtones et dont la langue jouit du statut officiel... ou co-officiel. Certains regrettent que cet État ne soit pas politiquement pleinement souverain, mais la plupart des autochtones estiment que ce n’est pas encore le temps. Mais peut-être dans 30 ou 40 ans, estime-on! De toute façon, la Loi sur l'autonomie du Groenland de 2009 prévoit à l'article 21 les modalités d'accession du Groenland à l’indépendance.

Dernière mise à jour: 18 janv. 2024

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GAUTHIER, François, Jacques LECLERC et Jacques MAURAIS. Langues et constitutions, Montréal/Paris, Office de la langue française / Conseil international de la langue française, 1993, 131 p. 

LECLERC, Jacques. Les droits linguistiques dans 129 États du monde, tome I: «Description schématique par pays», Montréal, rapport déposé à l’Office de la langue française, 1992, 392 p. 

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QUMAQ, Taamusi. «L’avenir de l’inuktitut» dans Les langues autochtones du Québec, Les Publications du Québec, Québec, sous la direction de Jacques Maurais, 1992, p. 343-360.

Danemark Îles Féroé (Danemark) Nunavut (Canada)

 

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Amérique du Nord

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