République des Fidji

Îles Fidji

Republic of Fiji / Matanitu ko Viti

Capitale: Suva
Population: 868 000 (est. 2011)
Langues officielles (de jure) : anglais, fidjien et hindi 
Groupe linguistique «majoritaire»: aucun
Groupes minoritaires: fidjien (44,6 %), hindo-fidjien (21,7 %), tamoul (8,6 %), anglais (6,6 %), télougou (3,6 %), bhojpouri (2,9 %), gujarati (2,7 %), bengali (2,4 %), lauan (2,4 %), rotuman (1,2 %), etc.
Système politique: république unitaire
Articles constitutionnels (langue): art. 4, 6, 23, 27, 28, 29, 38 et 74 de la Constitution de 1997 (suspendue en 2006 et abrogée en 2009); art. 3, 9, 13, 14, 15, 26, 31 et 42 de la Constitution de 2013.
Lois à caractère linguistiques: Code de procédure criminelle (1978); Loi sur les juges de paix (s.d.); Loi sur la citoyenneté fidjienne (1998); Loi sur les boissons alcoolisées (2006);
Convention relative aux peuples indigènes et tribaux de l’Organisation internationale du travail (OIT) de 1989.

1 Situation géographique

La république des Fidji (en fidjien: Viti; en anglais: Fiji) est un État insulaire situé dans le Pacifique-Sud au nord de la Nouvelle-Zélande (voir la carte générale du Pacifique-Sud). Les États limitrophes sont à l’est la Nouvelle-Calédonie, puis Tonga et les Samoa à l’ouest, puis Tuvalu au sud. Les Fidji forment un archipel de 844 îles, îlots et atolls, dont une centaine seulement est habitée. 

Les deux îles principales sont au nord-est Vanua Levu (5515 km²) et au sud-ouest Viti Levu (10 493 km²); elles représentent à elles seules 87 % de la superficie totale du pays (18 376 km²).  Les autres îles importantes sont Taveuni (435 km²), Kandavu (409 km²), Ovalau (104 km²), Ngau (140 km²), Koro (104 km²) et Rotuma (43 km²), située plus loin à 465 km au nord-ouest de l'archipel et qui bénéficie d'un statut particulier ("dependancy").

La capitale est Suva, sur l'île de Viti Levu; les trois quarts de la population des Fidji habitent cette île. L'archipel est divisé administrativement en quatre régions, Rotuma ne faisant partie d'aucune d'elles:

- Région centrale : à l'est de Viti Levu (angl. Central);
- Région orientale : toutes les îles de l'Est (angl. Eastern);
- Région septentrionale : les îles de Vanua Levu et Taveuni (angl. Northern);
- Région occidentale : à l'ouest de Viti Levu et îles de Yasawa (angl. Western).

Les îles Fidji sont découpées administrativement en 14 provinces (ou "yasana"): Ba, Bua, Cakaudrove, Kadavu, Lau, Lomaiviti, Macuata, Nadroga-Navosa, Naitasiri, Namosi, Ra, Rewa, Rotuma, Serua, Tailevu. En 2008, la province de Nadroga-Navosa  fut scindée en deux: Nadroga d'un côté et Navosa de l'autre (voir la carte des provinces).

Rotuma (2000 habitants en 2007) est un archipel particulier, situé approximativement à 465 kilomètres au nord de l'île de Viti Lavu (Suva). Il est classé administrativement comme une «dépendance» des Fidji ("Fijian Dependance" ou "dependancy"). Rotuma bénéficie d'un statut particulier tel qu'il est précisé dans une loi datant de 1927: la Rotuma Act 1927. La loi ne précise pas si ce territoire est une province, tout en lui accordant un statut particulier. Il existe un Conseil de l’île de Rotuma. Autrement dit, Rotuma n’est pas à proprement parlé une province, bien que le petit archipel soit représenté par un conseil ("Council of Rotuma") dont les pouvoirs et responsabilités sont identiques à ceux des divisions et des provinces. L'archipel comprend, outre l’île de Rotuma elle-même, les petites îles voisines de Hatana, Hạf Liua, Solkope, Solnoho et Uea. Les habitants de Rotuman sont appelés Rotumiens ; ils parlent le rotuman (ou torumien) et constituent un peuple distinct des autres Fidjiens. Ils forment  une minorité reconnue au sein de la République.

Des deux groupes d'îles qui forment la colonie des îles Gilbert et Ellice, celui des îles Ellice est situé à l'intérieur de la Polynésie; la population et la langue parlée dans ces îles sont polynésiennes. Les îles Gilbert, quant à elles, font partie de la Micronésie, et la population et la langue sont micronésiennes, même si l'on y constate une certaine influence polynésienne, attribuable aux liens étroits entretenus avec la population ellicienne. Lors du référendum de 1974, une majorité écrasante d'Elliciens a voté en faveur de la séparation de la Colonie et, en 1975, ce qui anciennement constituait les îles Ellice est devenu le nouvel État de Tuvalu, lequel a finalement accédé à l'indépendance en 1978. Quant aux îles Gilbert, elles sont devenues le Kiribati (voir la carte du Pacifique)

2 Données démolinguistiques

Ethnies (2007) Population %
Mélano-Fidjiens 475 739 56,8 %
Indo-Fidjiens 313 798 37,4 %
Autres  47 734   5,7 %
Total 837 271 100 %
Les 868 000 Fidjiens (est. 2011) sont représentés par deux ethnies principales: les Fidjiens d’origine mélanésienne, les Mélano-Fidjiens, et les Fidjiens d’origine indienne, les Indo-Fidjiens. Toutefois, selon le recensement du gouvernement de 2007, la répartition ethnique se présentait officiellement ainsi: 56,8% de Mélano-Fidjiens, 37,4% d'Indo-Fidjiens et 5,7% pour tous les autres groupes, sur un total de 837 271 personnes.

Les premiers habitants de l'archipel furent les Mélano-Fidjiens. Ils sont encore majoritaires, mais cette majorité s'atténue d'année en année. Non seulement les Indo-Fidjiens atteignent maintenant les 37,4 %, mais les autres groupes ethniques augmentent aussi leur nombre, pour atteindre 5,7%, comprenant notamment un petit nombre d’Européens, de Rotumans de l’île Rotuma, de Gilbertins originaires de Kiribati et de Chinois. Selon les données gouvernementales (Fiji Islands Statistics Bureau, 2007), les chrétiens représentent 64% de la population (surtout des méthodistes, puis des Assemblées de Dieu, des catholiques, des anglicans, des adventistes du 7e jour). Ils sont suivis par les hindous (27,8%), les musulmans (6,2 %), les sikhs (0,2 %), etc.

2.1 Les Mélano-Fidjiens

Les Mélano-Fidjiens parlent le fidjien, mais celui-ci est fragmenté en deux variétés principales: le fidjien occidental (env. 56 000 locuteurs) et le fidjien oriental (27 000 locuteurs). C’est cette dernière variété qui a été adoptée comme la langue officielle de l’archipel. Par ailleurs, chacune des deux grandes variétés de fidjien se divisent elles-mêmes en plusieurs formes dialectales. Si l'on additionne les Mélano-Fidjiens (264 000), les Fidjiens du Centre-Ouest (56 000), les Nadroga (27 000), les Fidjiens du Nord-Ouest de l'île de Viti Levu (22 000), les Kadavu (11 000), les Fidjiens du Nord-Est de Vanua Levu (2700), les Fidjiens du Sud-Est de Vanua Levu (1700), la langue fidjienne, toutes variétés confondues, atteint 44,6 % de la population comme langue maternelle, c'est-à-dire 387 128 locuteurs. Le tableau 1 ci-dessous ("Les ethnies et les langues parlées aux Fidji") laisse croire seuls les Mélano-Fidjiens parlent le fidjien, mais d'autres petites communautés le parlent aussi. Toutefois, à l'extérieur des populations mélanésiennes, le fidjien ne jouit pas d'un grand prestige.

Le fidjien, à l’instar du rotuman (11 000 locuteurs), du gonedau (env. 800 locuteurs) et du gilbertin ou kiribati (6400 locuteurs) appartient aux langues de la famille austronésienne (sous-groupe mélanésien). En fait, ce territoire fait partie d’un ensemble plus vaste couvrant une grande partie du Pacifique et formant ce qu’on appelé le triangle polynésien, dont les sommets sont Hawaï au nord, l’île de Pâques au sud-est et la Nouvelle-Zélande au sud-ouest; toutefois, le fidjien fait partie des langues mélanésiennes et non des langues polynésiennes.

Contrairement au fidjien, le rotuman parlé dans l’île de Rotuma au nord de l’archipel fait théoriquement partie des langues polynésiennes, à l’exemple du samoan et du tongien. Il semble constituer une langue distincte bien qu’il soit apparenté par son lexique au fidjien occidental (langue mélanésienne) et aux langues polynésiennes. Certains linguistes, pour leur part, n’hésitent pas à affirmer en même temps que le rotuman forme un isolat linguistique.

2.2 Les Indo-Fidjiens

Les Indo-Fidjiens, mot composé de «Inde» + «Fidji, parlent en principe l’hindi, une langue indo-iranienne (d’origine indo-européenne). Cependant, la variété d’hindi la plus largement répandue aux îles Fidji diffère de celle en usage en Inde: elle est appelée Fijian Hindi ou Fiji Bat (le «parler des Fidji»), c'est-à-dire l’hindi des Fidji ou hindo-fidjien («hindi» + «fidjien») ou appelé encore hindoustani. C'est une langue véhiculaire propre aux Indo-Fidjiens, un mélange de plusieurs langues et dialectes indiens, ainsi que des mots empruntés au fidjien et à l'anglais. La proportion des Fidjiens parlant l'hindo-fidjien comme langue maternelle est de 21,7 %.

L'hindo-fidjien reflète les origines diverses des Indiens des Fidji ainsi que que leur nouvelle culture, par ailleurs  unique, qui s'est développée dans l'archipel. Les Indiens qui se sont installés aux Fidji étaient à l'origine constitués de divers groupes de religion: on comptait des hindous, des sikhs, des musulmans et des chrétiens provenant de nombreuses castes et sous-castes. Certains Indiens sont venues des régions du nord de l'Inde et parlaient des langues indo-iraniennes comme l'hindi et l'ourdou (ou hindoustani) ainsi que d'autres langues telles le bhojpouri, l'awadhi, le bagheli et le maithili. D'autres Indiens sont venus des régions du sud de l'Inde et parlaient des langues de la famille dravidienne comme le tamoul, le telougou et le malayalam. Cependant, la traversée sur les navires vers les Fidji et la vie dans les plantations ont transformé graduellement la vie quotidienne des Indiens. La rencontre de ces différentes cultures indiennes a aussi exigé une langue commune pour que chacun puisse communiquer. C'est ainsi que l'hindo-fidjien a été élaboré. On croit que cette langue a probablement développé un «Bazaar Hindustani», c'est-à-dire un «hindi de foire», qui a déjà existé en Inde avec de nombreux mots et des particularités provenant des diverses langues indo-iraniennes et dravidiennes. Les emprunts à l'anglais et au fidjien ont été introduits ultérieurement.

Si la grande majorité des Indo-Fidjiens parlent l'hindo-fijien, certains utilisent encore d'autres langues à la maison. C'est le cas du bengali (env. 22 000), du gujarati (24 000), du tamoul (75 000), du télougou (32 000), du bhojpouri (26 000), du panjabi (8700). Voir le tableau 1 ci-dessous ("Les ethnies et les langues parlées aux Fidji").

Les Indo-Fidjiens peuvent apprendre ces langues à l'école, mais en général les enfants apprennent l'hindi standard ou l'ourdou, surtout pour les communications en matière de religion et de littérature. Tous apprennent aussi l'anglais dans les écoles fidjiennes, car c'est la grande langue véhiculaire de la nation. Selon une enquête du gouvernement fidjien, près de 90 % des familles indo-fidjiennes parlent l'hindoustani, mais les hindous apprennent l'hindi à l'école, tandis que les musulmans apprennent l'ourdou. Si l'hindi (avec l'alphabet devanagari) et l'ourdou (avec l'alphabet arabo-persan) sont très différents dans leurs formes écrites, ils correspondent presque à la même langue parlée.

Il faut aussi établir certaines distinctions dans les pratiques linguistiques des Indo-Fidjiens. Ils parlent l'hindo-fidjien, sinon le bengali, le gujarati, le tamoul, etc., mais les hindous écrivent en hindi et les musulmans en ourdou. Autrement dit, les Indo-Fidjiens sont polyglottes: ils peuvent, par exemple, parler le tamoul à la maison, mais l'hindo-fidjien avec leurs voisins, le fidjien local avec les Mélano-Fidjiens, l'anglais au travail et l'hindi standard ou l'ourdou dans les cérémonies religieuses. Si l'on fait exception du bengali (env. 22 000 locuteurs) et le gujarati (env. 24 000 locuteurs), l'usage de toutes les langues indiennes semblent en constant déclin au profit de l'hindo-fidjien. 

2.3 Les anglophones

L’archipel des Fidji compte plus de 29 000 anglophones, dont 17 000 Euronésiens ((Métis issus d'Européens et d'insulaires du Pacifique), 7300 Australiens et Néo-Zélandais, 4300 Américains et 500 Britanniques, ce qui représente  Voir le tableau 1 ci-dessous ("Les ethnies et les langues parlées aux Fidji"). La plupart des membres de cette communauté blanche font partie d’un groupe économiquement privilégié. Ce sont des descendants des anciens colonisateurs qui ont conservé leurs richesses, notamment en tant que propriétaires de plantations ou commerçants dans l'import-export. Ils constituent une population coloniale typique dont le rôle n'a nullement été remis en question par l'indépendance des Fidji. Ils ne causent pas de problème particulier étant donné les liens qui unissent les Fidji à l'ancienne métropole et à l'Australie.

L’anglais est utilisé comme langue seconde par un grand nombre de Chinois et de Rotumans habitant les villes. Les Indo-Fidjiens recourent aussi à l’anglais, mais les Mélano-Fidjiens l’emploient plus rarement.

2.4 Les autres ethnies

Les Fidji comptent enfin de nombreuses petites communautés océaniennes et asiatiques. Parmi les groupes océaniens, il convient de distinguer les Mélanésiens, les Polynésiens (Maoris) et les Micronésiens (les Banabans de l’île Océan). D'après le tableau 1 ci-dessous, il faut citer les Lauan (21 000), les Rotumiens (11 000), les Gilbertins (6400), les les insulaires de Lomaiviti (1700), les Namosi (1700), les Tongiens (1300), les Samoans (1200), les Wallisiens (900), les les Gonedauans (800), les Tuvaluans (500), etc. La plupart de ces communautés ont conservé leur langue maternelle. Les Rotumiens font partie des peuples polynésiens et non des peuples mélanésiens, comme les Fidjiens. En ce sens, ils constituent un peuple distinct.

Tableau 1
Les ethnies et les langues parlées aux Fidji
 

Ethnie Population Pourcentage Langue Affiliation linguistique
Mélano-Fidjiens

264 000

 30,4 %

fidjien

famille austronésienne

Indo-Fidjiens

189 000

21,7 %

hindo-fidjien

langue indo-iranienne

Tamouls 75 000 8,6 % tamoul famille dravidienne
Fidjiens du Centre-Ouest 56 000  6,4 % fidjien occidental famille austronésienne
Télougous 32 000  3,6 % télougou famille dravidienne
Nadroga 27 000  3,1 % fidjien occidental famille austronésienne
Bhojpuri Bihari 26 000  2,9 % bhojpouri langue indo-iranienne
Gujarats 24 000  2,7 % gujarati langue indo-iranienne
Fidjiens du Nord-Est de l'île 22 000  2,5 % fidjien

famille austronésienne

Bengalis 22 000  2,5 % bengali

langue indo-iranienne

Lauan (Lau) 21 000  2,4 % lauan

famille austronésienne

Euronésiens 17 000  1,9 % anglais

langue germanique

Kadavu (Tavuki) 11 000  1,2 % fidjien

famille austronésienne

Rotumiens 11 000  1,2 % rotuman

famille austronésienne

Panjabi 8 700  1,0 % panjabi oriental

langue indo-iranienne

Anglo-Australiens 7 300  0,8 % anglais

langue germanique

Métis / Créole salomonais 7 000  0,8 % pidgin créole
Gilbertins 6 400  0,7 % gilbertin famille austronésienne
Chinois 5 700 0,6 % chinois cantonais (mandarin) famille sino-tibétaine
Ourdous 4 400  0,5 % ourdou langue indo-iranienne
Américains 4 300  0,5 % anglais langue germanique
Fidjiens du Centre de l'île Vanua Levu 3 600 0,4 % fidjien famille austronésienne
Fidjien du Nord-Est de l'île Vanua Levu 2 700  0,3 % fidjien famille austronésienne
Fidjiens du Sud-Est de l'île Vanua Levu 2 700 0,3 % fidjien famille austronésienne
Insulaires de l'archipel de Lomaiviti 1 700  0,1 % lomaiviti famille austronésienne
Namosi 1 700  0,1 % namosi-naitasari-serua famille austronésienne
Tongiens 1 300  0,1 % tongien famille austronésienne
Samoans 1 200  0,1 % samoan famille austronésienne
Wallisiens   900  0,1 % wallisien famille austronésienne
Gonedauans   800  0,0 % gonedau famille austronésienne
Tuvaluans   500  0,0 % tuvaluan (tuvalien) famille austronésienne
Britanniques   500  0,0 % anglais langue germanique
Coréens   400  0,0 % coréen famille coréenne
Malayali   400  0,0 % malayalam famille dravidienne
Autres ethnies 9 000 1,0 % - -
 Total 868 000  100 %    

Le monde asiatique est également représenté par une communauté de plusieurs milliers de «Chinois», appelés Yué, parce qu'ils sont originaires de la région de Canton. Ce sont de discrets commerçants spécialisés dans l'import-export. Ils utilisent entre eux le chinois cantonnais ou mandarin, mais l’anglais avec les autres communautés de l'archipel. Étant donné leur petite population (5700), leur haut taux de mariage inter-ethnique et leur faible participation dans les instances institutionnelles pour promouvoir le cantonais, beaucoup de Chinois parlent aujourd'hui l'anglais comme langue maternelle.

2.5    Les langues véhiculaires

Étant donné les tensions interethniques aux îles Fidji, personne ne veut en principe apprendre la «langue de l'autre». Les Mélano-Fidjiens utilisent le fidjien ou même le pidgin fidjien plutôt que le fidjien comme langue véhiculaire. De leur côté, les Indo-Fidgiens ont recours au pidgin hindoustani plutôt que l'hindi des Fidji pour communiquer entre eux. De façon générale, les populations ont tendance à avoir recours à ce qu'on peut appeler une «langue d'évitement». C'est l'anglais lorsque les locuteurs connaissent cette langue, mais c'est également l'une des variétés pidginisées du fidjien aussi bien que de l’hindi des Fidji. Ainsi, il existe trois langues véhiculaires aux îles Fidji: l'anglais, le pidgin fidjien et le pidgin hindoustani.

3 Données historiques

L’archipel est habité par les ancêtres des Fidjiens d’origine, les Viti, depuis trois mille ans. Ces premiers Mélanésiens ne semblent pas avoir connu d’unification politique et, au XVIe siècle, ils ont été intégrés dans l’empire maori de Tonga.

3.1 L'arrivée des Européens

L’archipel a été officiellement «découvert» par le Hollandais Abel Janszoon Tasman en 1643 et exploré par les Britanniques James Cook en 1774 et William Bligh en 1789. L'exploration entière des îles fut menée par une expédition américaine en 1840, mais ce sont les Britanniques qui annexèrent juridiquement les îles Fidji en 1874 et en firent une colonie de la Couronne. Devant le manque de coopération des Fidjiens, les Britanniques importèrent massivement de la main-d’œuvre indienne pour la culture de la canne à sucre. C’est ainsi que, de 1879 à 1916, se développa un important courant d'immigration de travailleurs indiens au point où, dans les années 1970, ceux-ci étaient devenus majoritaires aux Fidji. D'autres communautés ethniques immigrées se sont aussi développées, mais en nombre plus restreint. Il s’agit de celles qui étaient venues des îles Salomon, de Chine, d'Europe, de l'île Rotuma, de l'île Océan («Banabans») et des îles Ellice.

Les colonisateurs britanniques imposèrent l’anglais dans l’Administration, mais laissèrent le secteur de l’éducation aux communautés religieuses (méthodistes pour les protestants, maristes pour les catholiques) jusqu’en 1930. L’enseignement s’est alors fait en fidjien standard. En 1926, une ordonnance sur l'éducation a établi une politique linguistique dans les écoles, en imposant l'usage de la langue maternelle comme langue d'enseignement pour les trois premières années du primaire, avec ensuite l'anglais comme langue d'enseignement. Puis l’éducation est passée aux mains des autorités anglaises qui, sous prétexte d’harmonie inter-ethnique, ont simplement imposé l’anglais tout en interdisant l’enseignement en fidjien.

Depuis de nombreuses décennies, une violente rivalité oppose les Indiens et les Mélanésiens d’origine, c’est-à-dire les Indo-Fidjiens et les Mélano-Fidjiens, ce qui a provoqué des émeutes inter-ethniques en décembre 1959.

3.2 L'indépendance

Incités par la majorité indo-fidjienne, les Britanniques consentirent en 1975 l’indépendance à leur colonie, non sans avoir accordé aux Mélano-Fidjiens une large prééminence dans l’appareil de l’État, ainsi que le contrôle de la police et de l’armée, sans oublier le maintien de leur monopole foncier. Les Fidji restèrent membres du Commonwealth au grand dam des Indo-Fidjiens qui voyaient les avantages de l’indépendance leur échapper.

Les rapports entre les deux grandes communautés restèrent tendus jusqu’en 1987 alors qu’un coup d’État militaire renversait un gouvernement d’union dominé par les Indo-Fidjiens. À la suite d’une seconde intervention militaire en septembre de la même année, les Fidji furent chassées du Commonwealth et se proclamèrent alors comme la république des Fidji en octobre 1987. Bien que condamnés par la communauté internationale, les Mélano-Fidjiens obtinrent quand même une révision de la Constitution légitimant leur domination politique et renforçant leur représentation parlementaire. Beaucoup d’Indo-Fidjiens décidèrent de quitter définitivement l’archipel.

En 1990, la promulgation d'une nouvelle constitution contribua à renforcer la prépondérance politique des Mélano-Fidjiens en leur assurant un minimum de 37 sièges sur 70. En 1997, une commission parlementaire du ministère des Affaires étrangères, formée de représentants des communautés fidjienne et indienne, fut créée afin de réviser la Constitution de 1990 et elle remit un rapport unanime en juin 1997. Malgré l’opposition des nationalistes fidjiens, les modifications prévues à la Constitution devaient permettre une représentation plus équitable des Indo-Fidjiens dans la vie politique du pays.

La nouvelle Constitution de 1997 précise que les Mélano-Fidjiens disposeront dorénavant de 23 sièges (au lieu de 37) à la Chambre des représentants, les Indo-Fidjiens en auront 19, les Rotumans, un seul; il y aura aussi trois représentants pour les «électeurs généraux». Ces dispositions devraient permettre désormais la formation d'un gouvernement comprenant des ministres indo-fidjiens et mélano-fidjiens. Les îles Fidji ont été réadmises au sein du Commonwealth en 1998.

En mai 1999, le dirigeant syndical Mahendra Chaudhry fut désigné comme premier ministre après la victoire aux élections générales de la coalition dominée par le Parti travailliste. Il était le premier Fidjien d’origine indienne à occuper cette fonction. Avec cette victoire, la communauté indienne espérait obtenir une position dominante au Parlement. Ce fut de courte durée, car un an plus tard, soit en mai 2000, le gouvernement de Chaudhry fut renversé par un coup d’État dirigé par George Speight, un homme d’affaires qui voulait redonner aux Fidjiens d'origine un rôle prééminent. L’armée dirigée par Frank Bainimarama imposa la loi martiale et, malgré des tentatives de mutineries, rétablit «l'ordre». Puis George Speight fut arrêté et condamné. En juillet 2000, Laisenia Qarase fut nommé premier ministre par intérim. En octobre de la même année, son gouvernement fut déclaré inconstitutionnel par la Cour d'appel. Par la suite, il fut légalement élu comme premier ministre en 2001, puis en 2006, après les élections législatives qui se tinrent du 6 au 13 mai. Mais le 5 décembre suivant, le gouvernement fut renversé par l’armée dirigée par Voreqe Bainimarama. En janvier 2007, Bainimarama se fit attribuer le poste de premier ministre par le président Ratu Josefa Iloilovatu, puis dirigea un «gouvernement de transition».

Le gouvernement du commodore Bainimarama manifesta son intention de résoudre les tensions intercommunautaires, en évitant toute politique économique fondée sur la différentiation ethnique et en abolissant les listes électorales communautaires, pour les remplacer par des listes sans distinction ethnique entre les citoyens. Bainimarama promit des élections libres et démocratiques pour 2009. Dès le mois de juillet 2008, le commodore annonça que les élections n'auraient pas lieu en 2009, faute de temps. En avril 2009, le président de la République abrogea la Constitution et conféra à Bainimarama un mandat pouvant durer jusqu'à cinq ans. En septembre de la même année, le Commonwealth suspendit les îles Fidji. Le gouvernement fidjien affirma vouloir restaurer la démocratie en 2014 au plus tard; des élections devraient théoriquement avoir lieu d'ici cette date. Avant de s’emparer du pouvoir, Bainimarama avait déclaré que les îles Fidji souffraient de divisions, entre sa population indigène et la minorité indienne, un problème qui n'a jamais été résolu. Les pays voisins ont maintenu une pression continue pour exiger un retour rapide à la démocratie. Une nouvelle constitution fut adoptée en 2013.

4 La politique linguistique

Les îles Fidji ont en principe trois langues officielles: l'anglais, le fidjien et l'hindi appelé hindoustani dans la Constitution de 1997. L’article 4 de la Constitution du 25 juillet 1997 (aujourd'hui suspendue et abrogée) reconnaissait de façon plus explicite le statut des langues en usage aux Fidji, mais conserve encore l’appellation de hindoustani pour l’hindi:

Article 4 (abrogé)

Langues

1) L'anglais, le fidjien et l’hindoustani ont un statut égal dans l’État.

2) La présente constitution doit être adoptée en anglais, mais les traductions en fidjien et en hindoustani doivent être disponibles.

3) Si, dans l'interprétation d'une disposition de la présente Constitution, il existe une différence apparente entre la signification de la version anglaise et sa signification en fidjien ou en hindoustani, la version anglaise prévaudra.

4) Quiconque fait affaire avec:

a) un ministère,
b) un bureau dans un service public, ou
c) une autorité locale,

a le droit de le faire en anglais, en fidjien ou en hindoustani, soit en personne soit au moyen d’un interprète compétent.

La Constitution de 2013 ne proclame pas formellement quelles sont les langues officielles, mais elle énumère ces langues dans les «principes d'interprétation constitutionnelle»:

Article 3

Principes d'interprétation constitutionnelle

3) La présente Constitution doit être adoptée en anglais et les traductions en fidjien [iTaukei] et en hindi doivent être disponibles.

4) S'il existe une différence apparente entre le sens de la version anglaise d'une disposition de la présente Constitution et sa signification dans les versions fidjienne et hindi, la version anglaise doit prévaloir.

Dans ce texte, le mot hindoustani dans la Constitution de 1997 a été remplacé par hindi et le fidjien est appelé iTaukei. Ce terme désigne depuis 2010 la nationalité fidjienne, mais aussi l'ethnie et la langue principales des Fidji. Ainsi, les langues officielles sont l'anglais, le fidjien et l'hindi.

4.1 Les langues du Parlement

L'article 74 de la Constitution de 1997 déclarait que «la langue officielle du Parlement est l'anglais, mais un membre de chaque Chambre peut s'adresser à la présidence en fidjien ou hindoustani»:

Article 74

Débats du Parlement

1) La langue officielle du Parlement est l'anglais, mais un membre de chaque Chambre peut s'adresser à la présidence en fidjien ou hindoustani.

Nonobstant la proclamation d’égalité juridique entre les trois langues de l’archipel — anglais, fidjien et hindi —, les élus utilisent massivement l’anglais dans les débats du Parlement, rarement le fidjien ou l'hindi, alors que les lois ne sont rédigées et promulguées qu’en anglais, les traductions en fidjien et en hindi se faisant rarissimes. Actuellement, sur un total de 71 sièges à la Chambre des représentants, 23 sièges sont réservés aux Mélano-Fidjiens, contre 19 pour les Indo-Fidjiens. Les autres sont des sièges «ouverts», sauf un seul alloué au représentant de l'île de Rotuman.

4.2 Les langues de la justice

Dans les tribunaux, même si l’anglais, le fidjien et l’hindi sont les trois langues autorisées, l’anglais sert plus souvent qu’autrement comme langue de communication. D’ailleurs, les juges ne rendent leurs sentences qu’en anglais. Les articles 194 et 195 du Code de procédure criminelle (Criminal Procedure Code) de 1978 traitent de la question linguistique:

Article 194

Langue du tribunal

La langue de la cour dans les cas de la Cour suprême ainsi que les tribunaux des juges de paix est l'anglais.

Article 195

Traduction du témoignage pour l'accusé

1) Chaque fois qu'un témoignage est apporté dans une langue que ne comprend pas l'accusé et qu'il est physiquement présent, il doit recevoir une traduction disponible dans une langue qu'il comprend.

2) Lorsque les documents sont apportés à des fins de témoignage formel, il relève de la discrétion de la cour d'offrir une traduction en autant que c'est jugé nécessaire.

Les articles 13, 14 et 15 de la Constitution de 2013 traitent de la langue à employer lors des procès; dans tous les cas, l'accusé et le témoin ont le droit d'être interrogés ou de suivre la procédure dans une langue qu'ils comprennent:

Article 13

Droits des personnes arrêtées et détenues

1) Quiconque est arrêté ou détenu a le droit :

a) d'être informé rapidement, dans une langue qu'il comprend,

(i) du motif de l'arrestation ou de la détention et de la nature de toute accusation qui pourrait lui être portée;
(ii) d'avoir le droit de garder le silence; et
(iii) des conséquences de ne pas rester silencieux;

2) Chaque fois que le présent article exige que des informations soient données à un justiciable, cette information doit être donnée simplement et clairement dans une langue qu'il comprend.

Article
14

Droits des accusés

2) Quiconque est accusé d'une infraction a le droit :

a) être présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie;

(b) être informé par écrit, dans une langue qu'il comprend, de la nature et des motifs de l'accusation;

(i) d'être jugé dans une langue qu'il comprend ou, si cela n'est pas possible, de se faire traduire la procédure dans cette langue aux frais de l'État;

3) Chaque fois que le présent article exige que des informations soient données à un justiciable, cette information doit être donnée aussi simplement et clairement que possible, dans une langue qu'il comprend.

Article 15

Accès aux cours et tribunaux

6) Quiconque est accusé d'une infraction et est partie à une procédure civile, et tout témoin en matière criminelle ou civile a le droit de témoigner et d'être interrogé dans une langue qu'il comprend.

7) Quiconque est accusé d'une infraction et est partie à une procédure civile a le droit de suivre la procédure dans une langue qu'il comprend.

8)
Pour donner effet aux droits mentionnés aux paragraphes 6) et 7), la cour ou le tribunal concerné, lorsque les intérêts de la justice l'exigent, doit fournir gratuitement à la personne concernée, les services d'un interprète ou d'une personne compétente dans la langue des signes.

Autrement dit, le tribunal n'est pas dans l'obligation de comprendre l'accusé, mais doit lui fournir gratuitement un interprète afin qu'il comprenne la procédure ainsi que la nature et les motifs de l'accusation portée contre lui. En définitive, selon l'article 51 de la Loi sur les juges de paix (cf. les Lois consolidées de Fidji, sans date), seul l'anglais demeure la langue des tribunaux:

Article 51

Langue du tribunal


La langue des tribunaux des juges de paix doit être l'anglais.

Ainsi, le droit à la langue aux Fidji est un droit à la traduction. 

4.3 Les langues de l'Administration gouvernementale

Dans les services gouvernementaux, la langue de travail des fonctionnaires reste l’anglais, mais les communications orales et écrites sont assurées dans ce que beaucoup de Fidjiens croient être «les trois langues officielles» (anglais, fidjien et hindi). Il en est de même dans les soins de santé et les services sociaux.

Cependant, les documents officiels destinés à tous les citoyens ont tendance à n’être rédigées qu’en anglais. Les inscriptions sur les édifices publics sont trilingues, mais l’anglais est placé au-dessus des inscriptions en fidjien et en hindi. L'article 7.2 de la Loi sur la citoyenneté fidjienne (Fiji Citizenship Act) de 1998 reconnaît que pour recevoir la citoyenneté fidjienne, il faut, entre autres, posséder «une connaissance adéquate de la langue anglaise ou de toute autre langue actuelle à Fiji» : 

Article 7

Octroi d'une demande

2) Le ministre peut refuser d'accorder un certificat de naturalisation si le requérant ne parvient pas à convaincre le ministre :

(a) qu'il est de bonne moralité;

(b) qu'il a une connaissance suffisante de la langue anglaise et assume ses responsabilités comme citoyen de l'État; et

(c) qu'il a l'intention de continuer à résider dans les îles Fidji.

Selon l'article 13 de la Loi sur les boissons alcoolisées de 2006, pour demander un permis de boissons alcoolisées, il faut publier une annonce dans un journal en anglais, en fidjien et en hindoustani (hindi). Néanmoins, comme on peut le ire à l'article 69, l'anglais demeure la langue privilégiée:

Article 13

Avis d'une demande de permis

Lorsqu'en vertu de la présente loi une requête pour un permis, un renouvellement, une modification ou une annulation des conditions d'un permis est adressé pour être annoncé, le requérant doit aviser de son intention de demander un permis dans les journaux publiés et grandement répandus en anglais, en fidjien et en hindoustani dans les îles Fiji, une fois dans un journal et dans chacune de ces langues.

Article 69

Ordonnance

(1)
Une ordonnance donnée par un médecin autorisé à une personne condamnée en lui prescrivant des boissons alcoolisées doit:

(a) avoir été clairement rédigée en anglais, en présentant clairement le nom du médecin et daté;

(b) prescrire la quantité totale des boissons alcoolisées à fournir, l'état, la fréquence et la quantité des doses, y compris la durée du traitement; et

(c) préciser les nom et adresse du patient.

4.4 L'éducation

Dans le système d'éducation, les parents ont le choix d’envoyer leurs enfants dans des écoles primaires dont les cours sont dispensés soit en anglais, soit en fidjien, soit en hindi. En fait, le gouvernement a rétabli la politique linguistique de l'ordonnance sur l'éducation (l'Education Ordinance) de 1926. Le fidjien standard et l'hindi demeurent les langues d'enseignement jusqu'en troisième année du primaire. L'anglais est la langue d'enseignement à partir de la quatrième année. L'article 31 de la Constitution de 2013 mentionne que «les langues familières et contemporaine fidjienne et indo-fidjienne doivent être enseignées comme des matières obligatoires dans toutes les écoles primaires»:

Section 31 (version originale)

Right to education

3)
Conversational and contemporary iTaukei and Fiji Hindi languages shall be taught as compulsory subjects in all primary schools.

4) The State may direct any educational institution to teach subjects pertaining to health, civic education and issues of national interest, and any educational institution must comply with any such directions made by the State.

Article 31 (traduction)

Droit à l'éducation

3) Les langues familières et contemporaine fidjienne et indo-fidjienne doivent être enseignées comme des matières obligatoires dans toutes les écoles primaires.

4) L'État peut ordonner à tout établissement d'enseignement d'offrir des matières ayant trait à la santé, à l'éducation civique et aux questions d'intérêt national, et les établissements d'enseignement doivent alors se conformer aux directives de l'État.

La version officielle en anglais parle de "conversational language" et de "contemporary iTaukei and Fiji Hindi languages", ce qui peut se traduire par «langue familière» ou langue parlée», puis «fidjien contemporain» et «indo-fidjien».  

Ces dernières années, le gouvernement des Fidji a prolongé le statut de «langue maternelle («vernacular status») au tamoul, au chinois, à l'ourdou, au banaban, au rotuman, au gujarati et au télougou dans les écoles primaires qui ont des inscriptions suffisantes pour les locuteurs de ces langues. Le japonais et le français ont aussi été introduits au programme de langues dans quelques écoles primaires pour accommoder un marché de touristes en croissance (ministère de l'Éducation, 1993). L'accent est mis sur une formation de base dans les langues vernaculaires ou maternelles, en conjonction avec la promotion de l'anglais comme première langue d'enseignement dans les classes les plus élevées, ce qui semble conforme à la devise nationale adoptée après l'indépendance : l'unité dans la diversité. Toutefois, cette politique de la langue maternelle enseignée durant les trois premières années ne correspond pas toujours à la réalité. Dans les faits, l'anglais peut être l'unique langue d'enseignement dans de nombreuses écoles.

Tous les cours de langue seconde, au primaire comme au secondaire, sont facultatifs, et les élèves peuvent choisir l’une des deux autres «langues officielles». En ce qui a trait à l’anglais, ce sont surtout les Indo-Fidjiens qui l’apprennent, rarement les Mélano-Fidjiens. Au secondaire, le fidjien a été introduit comme langue d’enseignement, mais les ressources humaines et les moyens financiers demeurent insuffisants pour rendre efficace une véritable politique linguistique. Le personnel enseignant a observé que la plupart des élèves mélano-fidjiens parlent fidjien dès qu'ils ne sont plus en classe. Même pendant les cours, les élèves s'adressent en anglais au professeur, mais se parlent en fidjien lorsqu'ils discutent entre eux.

En 2002, une commission sur l'éducation a été formée afin de proposer des améliorations sur tous les aspects du système d'éducation des Fidji, y compris l'enseignement de la langue. Cette commission a fortement recommandé la rédaction et la mise en oeuvre d'une politique linguistique nationale pour les Fidji afin de mieux de réglementer l'enseignement, l'étude et l'usage des langues en éducation. Par ailleurs, le gouvernement a fait connaître son intention de modifier les programmes d'enseignement de façon à favoriser l'apprentissage des trois langues «officielles» de l'archipel. On voudrait que les élèves apprennent tous, dès 2008, trois langues: l'anglais, le fidjien et l'hindi.  

Par ailleurs, les Mélano-Fidjiens ont fondé en 1986 l'Institut de la langue et de la culture fidjiennes (''Institute of Fijian Language and Culture''), dont la tâche est d'élaborer un dictionnaire et d'enrayer la disparition des mots en fidjien. Du côté des Indo-Fidjiens, il existe un Département des Affaires indiennes et multiethniques (''Department of Indian and Multiethnic Affairs'') qui administre les centres culturels indiens dans les agglomérations urbaines des Fiji. Les Indo-Fidjiens peuvent compter aussi sur le Conseil culturel national indien des Fiji (''Fiji Indian National Cultural Council'') qui est devenu le Conseil culturel multi-ethnique des Fidji (''Fiji Multi Ethnic Cultural Council'') afin d'assurer la promotion culturelle des communautés indiennes.

4.5 Les médias et la vie économique

Les médias de l'archipel sont le reflet des rapports de force entre les Findjiens, Mélano-Fidjiens et Indo-Fidjiens. La plupart des langues importantes ont utilisées, notamment l'anglais, le fidjien, l'indo-fidjien, l'hindi et l'ourdou. Les quotidiens n'apparaissent qu'en anglais: le Daily Post, le Fiji Times, le Fiji Live et le Fiji Sun. Seuls les hebdomadaires sont publiés en fidjien (p. ex., le Nai Lalakai) ou en hindi (p. ex., le Shanti Dut et le Sartaj), plus rarement en ourdou.

La radiotélévision diffuse en anglais, en fidjien et en indo-fidjien (ou hindoustani). Radio Fiji One diffuse en fidjien, Radio Fiji Two en indo-fidjien, 98 FM en indo-fidjien, Bula 100 FM en anglais, Bula 102 FM en fidjien, 2 Day FM en anglais,  FM 96 en anglais, Legend FM en anglais, Navtarang en indo-fidjien, Sargam en indo-fidjien et Viti FM en fidjien. Il existe des stations de radio religieuses qui diffusent surtout en hindi et en ourdou, mais également en indo-fidjien.

La Fiji Television est la première télévision des Fiji fournissant des services de télévision non seulement aux îles Fiji, mais aussi en Papouasie-Nouvelle-Guinée, et dans autres îles du Pacifique. Les stations de télévision de la société Fiji Television comprennent des services de libre-service, Fiji One à Fidji et EMTV en Papouasie-Nouvelle-Guinée, en plus de la télé payante des services de SKY Fiji à Fidji et SKY Pacific dans la régions du pacifique.

La vie économique des îles Fidji se déroule généralement dans l’une ou l’autre des trois langues du pays, bien que l’anglais s’assure une prédominance indiscutable. Par exemple, les raisons sociales n’apparaissent qu’en anglais, ce qui démontre, entre autres, que l’anglais est devenu une langue d’évitement: se servir de l’anglais dans la vie économique évite de choisir entre le fidjien et l’hindi ou l'ourdou... et c’est plus rentable.

5 La Convention relative aux peuples indigènes et tribaux

Le gouvernement des Fidji a signé la Convention relative aux peuples indigènes et tribaux (1989) de l’Organisation internationale du travail (OIT); le Parlement fidjien l’a ratifiée le 3 mars 1998. Ce document d’une grande importante implique 14 États, surtout en Amérique latine; les Fidji constituent le seul État du Pacifique à avoir adhéré à la Convention no 169 de l'OIT.

La Convention reconnaît aux peuples indigènes le droit de jouir pleinement des libertés fondamentales, sans entrave ni discrimination (art. 3). Les dispositions de cette convention doivent être appliquées sans discrimination aux femmes et aux hommes de ces peuples. Les gouvernements des États signataires doivent mettre en place des moyens par lesquels les peuples autochtones pourront, à égalité avec le reste de citoyens de leur pays, participer librement et à tous les niveaux à la prise de décisions dans les institutions électives et les organismes administratifs et autres qui sont responsables des politiques et des programmes qui les concernent (art. 6). L’article 7 reconnaît aux populations concernées le droit de contrôler leur développement économique, social et culturel propre. Les États doivent aussi tenir compte des coutumes et du droit coutumier de ces populations (art. 8). L’article 20 de la Convention oblige les gouvernements à «prendre des mesures spéciales pour assurer aux travailleurs appartenant à ces peuples une protection efficace en ce qui concerne le recrutement et les conditions d'emploi». Les gouvernements doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter toute discrimination entre les travailleurs appartenant aux peuples intéressés.

La partie VI de la Convention est consacrée à l’éducation, donc indirectement à la langue. L’article 26 est très clair sur la possibilité des autochtones d’acquérir leur instruction à tous les niveaux:

Article 26

Des mesures doivent être prises pour assurer aux membres des peuples intéressés la possibilité d'acquérir une éducation à tous les niveaux au moins sur un pied d'égalité avec le reste de la communauté nationale.

Le paragraphe 3 de l’article 27 reconnaît «le droit de ces peuples de créer leurs propres institutions et moyens d'éducation» et que des ressources appropriées leur soient fournies à cette fin. C’est l’article 28 qui semble le plus important en cette matière:

Article 27

1) Lorsque cela est réalisable, un enseignement doit être donné aux enfants des peuples intéressés pour leur apprendre à lire et à écrire dans leur propre langue indigène ou dans la langue qui est le plus communément utilisée par le groupe auquel ils appartiennent. Lorsque cela n'est pas réalisable, les autorités compétentes doivent entreprendre des consultations avec ces peuples en vue de l'adoption de mesures permettant d'atteindre cet objectif.

2) Des mesures adéquates doivent être prises pour assurer que ces peuples aient la possibilité d'atteindre la maîtrise de la langue nationale ou de l'une des langues officielles du pays.

3) Des dispositions doivent être prises pour sauvegarder les langues indigènes des peuples intéressés et en promouvoir le développement et la pratique.

Les États appuieront l'élaboration de programmes scolaires correspondant à la réalité des peuples autochtones et mobiliseront les ressources techniques et financières nécessaires à leur bonne application. Quant à l’article 31, il précise que «mesures de caractère éducatif doivent être prises dans tous les secteurs de la communauté nationale, et particulièrement dans ceux qui sont le plus directement en contact avec les peuples intéressés, afin d'éliminer les préjugés qu'ils pourraient nourrir à l'égard de ces peuples». Dans ces perspectives, il est précisé que «des efforts doivent être faits pour assurer que les livres d'histoire et autres matériels pédagogiques fournissent une description équitable, exacte et documentée des sociétés et cultures des peuples intéressés».

Comme il se doit, les États signataires de la Convention reconnaîtront et établiront des mécanismes pour assurer l'exercice de tous les droits des peuples autochtones, en particulier en ce qui concerne l'éducation, la langue et la culture.

Dans les faits, la politique linguistique du gouvernement fidjien consiste davantage à promouvoir l’ethnie mélano-fidjienne que la langue elle-même, c’est-à-dire à lui remettre le pouvoir politique et économique plutôt qu’à favoriser comme par le passé les Indo-Fidjiens. Les autorités du pays ne semblent pas intéressées à promouvoir la langue fidjienne dans la mesure où l’anglais permet de résoudre plus facilement les besoins pressants concernant l’unité nationale. Toute politique qui tendrait à favoriser l’une des deux langues nationales aux dépens de l’autre semble vouée à l’échec. Dans ces conditions, il vaut mieux partager équitablement les pouvoirs politique et économique entre les deux grandes ethnies, quitte à favoriser pour ce faire l’anglais, seule langue supra-ethnique dans l’archipel.
 

Dernière mise à jour: 28 déc. 2023

Bibliographie

ENCYCLOPÉDIE MICROSOFT ENCARTA, 2007, art. «Fidji», pour la partie historique.

GERAGHTY, Paul. «Historique» dans La situation linguistique des Fidji et de l’île Rotuma, Québec,
[http://www.ciral.ulaval.ca/geo/CLNM4_Intro_Geraghty.html].

GOUVERNMENT OF FIJI. Report of the Fiji Islands Education Commission/Panel, «Learning Together: Directions for Education I the Fiji Islands», Suva, novembre 2000, 236 p.

LECLERC, Jacques. Les droits linguistiques dans 129 États du monde, tome II: «Description thématique», Montréal, rapport déposé à l’Office de la langue française, 1992, 402 p.

MOYSE-FAURIE, Claire. «Langues minoritaires et politiques linguistiques: le cas des langues océaniennes», dans Mémoires no 8, Société de Linguistique de Paris, 1999, p. 79-104.

VEYRAC, Jean-Louis. «Fidji» dans Analyse de la situation des minorités linguistiques, État par État, 1993, [http://perso.pacwan.fr/ben/Analyses/Etat.html].

WHITE, Carmen M. Language, Authenticity and Identity: Indigenous Fijian Students and Language Use in Schools, Department of Sociology, Anthropology and Social Work, Central Michigan University, Mount Pleasant (Michigan, USA).

 

   

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