Autriche 

1) Situation générale

Republik Österreich

Capitale: Vienne
Population: 8,9 millions (2021)
Langue officielle: allemand 
Groupe majoritaire: allemand (85 %)
Groupes minoritaires: slovène, croate, hongrois, tchèque, slovaque, romani, serbe, turc, bosniaque, roumain, albanais, pachtou, chinois, arabe, etc.
Système politique: république fédérale composée de neuf Länder (provinces)
Articles constitutionnels (langue): art. 8 de la Constitution de 2004, le traité de Saint-Germain-en-Laye du 10 septembre 1919 (art. 62 à 68), le Traité relatif au droit de nationalité et à la protection des minorités du 7 juin 1920 (art. 20), le Traité d’État du 15 mai 1955 (art. 6 et 7), la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires de 1992.
Lois linguistiques fédérales: Loi sur les groupes ethniques (1976, modifiée en 2013);
Décret du gouvernement fédéral sur les conseils consultatifs des minorités nationales (1977); Décret du gouvernement fédéral définissant les aires où les inscriptions topographiques doivent être en allemand et en slovène (1977); Décret du gouvernement fédéral définissant les tribunaux, les autorités administratives et autres services publics où la langue slovène est également autorisée comme langue officielle en plus de l'allemand (1977); Décret du gouvernement fédéral fixant les dénominations en slovène dans certaines localités (1977); Décret du gouvernement fédéral définissant les tribunaux, les autorités administratives et autres services publics où la langue croate est également autorisée comme langue officielle en plus de l'allemand (1990); Décret du gouvernement fédéral déterminant les parties du territoire où doivent être installées les dénominations et les inscriptions topographiques, non seulement en allemand mais aussi en croate ou en hongrois (2000); Décret régissant l’emploi du hongrois comme langue officielle (2000); Règlement du gouvernement fédéral définissant les tribunaux, les autorités administratives et autres départements où la langue hongroise est également autorisée comme langue officielle en plus de l'allemand (2000); Loi fédérale sur le statut juridique des groupes ethniques en Autriche (Loi sur les groupes ethniques, 2013).
Lois scolaires fédérales: Loi sur les écoles minoritaires de Carinthie (1959-2019); Loi sur l'organisation scolaire (1962-2023); Loi sur l'instruction scolaire (1986-2023); Loi sur les écoles minoritaires du Burgenland (1994);
Programmes pour les écoles primaires minoritaires et pour l'enseignement des langues minoritaires dans les écoles primaires des Länder du Burgenland et de la Carinthie (2021).
Lois fédérales diverses à portée linguistique:
Loi fédérale sur la Société de radiodiffusion autrichienne (1984-2022); Loi sur la citoyenneté (1985-2022); Loi constitutionnelle fédérale sur la protection de la liberté individuelle (1988); Loi sur la procédure administrative générale (1991); Loi sur l'établissement et la résidence (2005-2022); Loi sur l'intégration (2017-2022); Loi anti-couvre-visage (2017).

1  Situation géographique

L'Autriche (Österreich en allemand) est un État germanique d'Europe centrale de 83 859 km², soit une superficie deux fois plus grande que la Suisse. Le pays est limité à l'ouest par la Suisse et la petite principauté du Lichtenstein, à l'est par la Hongrie, au sud par l'Italie et la Slovénie, au nord par l'Allemagne et la République tchèque.

L’Autriche forme une fédération composée de neuf Länder («provinces») ou régions appelées Bundesläder (voir la carte des Länder). Ces Länder sont, d’ouest en est, le Vorarlberg, le Tyrol (en allemand: Tirol, incluant le «Tyrol de l'Est» ou Osttirol), Salzbourg (en all.: Salzburg), la Carinthie (en all.: Kärnten), la Haute-Autriche (en all.: Ober-Österreich), la Basse-Autriche (en all.: Nieder-Österrreich), la Styrie (en all.: Steiermark), le Burgenland et Vienne (en all.: Wien). L’agglomération viennoise constitue à la fois une ville et un Land.

D’après la Constitution (1983), les Bundesländer (ou Länder) doivent faire appliquer les lois fédérales en matière d'élections, de communications et d'assistance publique; ils gèrent aussi toutes les affaires d'intérêt local qui ne sont pas du ressort de l'État fédéral. Les districts (Bezirkshaupt-mannschaften) et les communes sont subordonnés aux Länder. Chacun des Länder dispose d'un parlement (ou Diète appelé Landtag) élu au suffrage universel, qui élit à son tour un gouvernement local que préside le «capitaine du pays», le Landeshauptmann. Les Diètes peuvent outrepasser le veto du gouvernement par un vote à la majorité.

2 Données démolinguistiques

En Autriche, un recensement de la population a eu lieu tous les dix ans jusqu'en 2001, dans lequel, entre autres, des questions étaient posées sur la «langue familière» (en allemand: Umgangssprachen). On entendait par «langues familières» les langues habituellement parlées dans la sphère privée (avec la famille, les proches, les amis, etc.), ce qu'on appelait en français la «langue maternelle». Depuis lors, il n'y a plus de sources de données valides qui fournissent des informations à l'ensemble de la population autrichienne sur les langues parlées dans la vie quotidienne. Bien que les données du dernier recensement soient donc obsolètes, il nous faut en tenir compte avec les réserves qui s'imposent.

Néanmoins, des données de Statistics Austria sont disponibles pour 20121. Le tableau qui suit donne la proportion de la population selon les Länder (voir la carte des Länder):

On constate que la ville de Vienne, qui constitue un Land, représente 21,4% de la population du pays. Les Länder numériquement les plus importants sont La Basse-Autriche (18,9%) et la Haute-Autriche (16,7%), ainsi que la Styrie (13,9%). Les autres Länder rassemble de plus petites populations, notamment ceux en périphérie: le Burgenland (3,3%) et le Voralberg (4,4%). 

2.1 Les germanophones

Dans ce pays aujourd'hui de 8,1 millions d’habitants (2002), la très grande majorité des Autrichiens (95,4 %) parle l’allemand, une langue du groupe germanique. C’est ce qu’on peut appeler un pays linguistiquement homogène. Toutefois, la plupart des Autrichiens, comme les Allemands et les Suisses, ne parlent généralement pas l’allemand standard (appelé Hochsprache) dans leur vie quotidienne. Ils parlent plutôt, du moins dans les régions rurales, l’une des variétés dialectales de type alémanique appelé Hochalemannisch (environ 300 000 locuteurs) ou austro-bavarois appelé Bairisch (au moins 12 millions de locuteurs autrichiens).

  On distingue notamment le Nordbairisch, le Mittelbairisch et le Südbairisch, ce qui signifie en français le «bavarois septentrional», le «bavarois central» et le «bavarois méridional». En Autriche, ces  variétés austro-bavaroises sont aussi connues sous le nom de «tyrolien» (Nord, Centre et Sud). Dans les centres urbains, les Autrichiens s'expriment dans une variété qu'on pourrait appeler en français «l'allemand régional». Il s'agit d'une variété intermédiaire influencée par les variétés dialectales (un peu comme le français régional) et qui peut varier d'une ville à l'autre. Ces variétés peuvent être rattachées grosso modo aux Länder ou à leurs chefs-lieux. Seulement moins de 300 000 locuteurs autrichiens s'exprimeraient en «allemand standard» comme langue maternelle.

Rappelons que toutes les variétés dialectales de l’allemand font partie d’un ensemble linguistique appelé le haut-allemand (ou Oberdeutsch) du fait qu'il est parlé dans les régions montagneuses de la partie méridionale de l’Allemagne actuelle. Dans cet ensemble, mentionnons, outre l’allemand standard (Hochsprache), le francique oriental (Ostfränkisch), le francique du Sud (Südfränkisch), le bavarois ou austro-bavarois en Autriche (Nordbairisch, Mittelbairisch et Südbairisch), l'alémanique en Suisse, lequel se subdivise en alsacien (Elsässisch), en souabe (Schwäbisch) et en suisse alémanique proprement dit (Schweizerdeutsch).

Voici le tableau situant les variétés du bavarois dans l'organigramme du haut-allemand:

Oberdeutsch
(haut-allemand)

Oberfränkisch
(haut-francique)

Bairisch
(bavarois)

Alemannisch
(alémanique)
 

Sudfränkisch (francique méridional)
Ostfränkisch (francique oriental)
Nordbairisch (bavarois du Nord)
Mittelbairisch (moyen-bavarois)
Südbairisch (bavarois du Sud)
Schwäbisch (souabe)
Nierderalemannisch (bas-alémanique)
Hochalemannisch (haut-alémanique)
Höchstalemanisch (alémanique supérieur

On peut aussi consulter une carte des dialectes allemands, ainsi qu'un tableau, en cliquant ICI.

Cependant, il y a des Autrichiens germanophones qui ne parlent pas l'une des variétés bavaroises. Il s'agit du Land de Voralberg à l'ouest du Tyrol, dont les locuteurs parlent majoritairement l'une des variétés alémaniques, telles qu'on les retrouve en Suisse; dans le Voralberg, c'est le haut-alémanique appelé le Hochalemannisch; mais dans une petite bande le long de la frontière allemande, on parle le bas-alémanique (Nierderalemannisch). Le Voralberg est donc le seul État de la fédération autrichienne à ne pas parler une langue bavaroise. En raison des affinités linguistiques alémaniques, les communications entre les Vorarlbergeois et la plupart des Suisses alémaniques sont généralement aisées sans aucun problème. Par contre, la variété du haut-alémanique n'est pas comprise par les bavarophones du reste de l'Autriche, à moins de recourir à l'allemand standard.

2.2  Les minorités nationales

En Autriche, il faut distinguer les types de minorités, car elles n'ont pas toutes le même statut. Certaines sont juridiquement protégées, d'autres, pas du tout. Les premières sont des minorités historiques; les autres, des minorités immigrantes.

L'Autriche compte un petit nombre de minorités linguistiques, désignées officiellement par le terme Volksgruppen, c'est-à-dire «groupes de peuples». En raison à la fois de la situation géographique et des circonstances liées à l’histoire, ces minorités nationales parlent des langues slaves telles que le slovène, le croate, le tchèque ou le slovaque, ou une langue ouralienne, le hongrois.

Il existe aussi une très petite communauté sorabe (également de langue slave) et une communauté assez importante de Tsiganes (Roms). Ainsi, l’Autriche compte essentiellement des langues indo-européennes, sauf pour ce qui est du hongrois et des langues immigrantes (serbe, turc, bosniaque, roumain, albanais, polonais, chinois, pachtou, kurde, arabe, etc.).

Compte tenu de la Loi sur le recensement national, il est difficile de déterminer avec précision les membres de ces minorités.

En effet, en vertu de la Loi fédérale sur la tenue des recensements (Bundesgesetz über die Vornahme von Volkszählungen), les citoyens interrogés sont priés de révéler la langue qu'ils parlent dans la «vie quotidienne». Le terme utilisé est en allemand umgangssprache (umgang = «utilisation» et sprache = «langue»), ce qui signifie «langue utilisée» ou plus précisément «langue de la nationalité», ce qui peut faire l’objet de diverses interprétations parce qu'il peut s'agir, selon les individus, autant de la «langue parlée à la maison» que la «langue du travail», la «langue entre amis», la «langue des services», etc.

Bundesgesetz vom 16. April 1980 über die Vornahme von Volkszählungen (Volkszählungsgesetz 1980)

Artikel 2.

1) Das Ziel der Volkszählung ist die Ermittlung der Zahl und des Aufbaues der Wohnbevölkerung im ganzen Bundesgebiet.

2) Die Wohnbevölkerung ist die Gesamtzahl aller Personen, die im Bundesgebiet ihren Hauptwohnsitz haben.

3) Zu diesem Zweck können an die zu zählenden Personen unbeschadet des § 10 Abs. 4 Fragen nach Namen, Geschlecht, Geburtsdatum, Geburtsort, Stellung im Haushalt, Familienstand, Kinderzahl, Religionsbekenntnis, Umgangssprache, Staatsangehörigkeit, Schulbildung, Berufsausbildung, Beruf, Beschäftigung, Arbeits- und Schulweg, Aufenthalt und Wohnsitz gestellt werden.

4) Für die Zählung sind Drucksorten zu verwenden, die auf Kosten des Bundes beigestellt werden.

Loi fédérale du 16 avril 1980 sur la tenue des recensements
(Loi sur le recensement de 1980)

Article 2

1) Le recensement a pour objet de déterminer le nombre et la structure de la population résidente dans toute l'Allemagne.

2) La population résidente est le nombre total de personnes dont le domicile principal est situé sur le territoire fédéral.

3) À cette fin, sans préjudice du paragraphe 4 de l'article 10, les noms des personnes à comptabiliser comprennent des questions portant sur le nom, le sexe, la date de naissance, le lieu de naissance, la situation dans le ménage, le statut matrimonial, le nombre d'enfants, la confession religieuse, la langue de la nationalité, l'éducation, la formation professionnelle, la profession, le travail et l'école, le lieu de séjour et de résidence doivent être donnés.

4) Pour le décompte, il faut utiliser des types d'impression fournis aux frais de la fédération.

Par conséquent, les résultats des recensements ne sont guère plus qu’une indication d’ordre numérique peu fiable concernant une minorité linguistique donnée. Comme il n’existe pas actuellement de possibilité juridique d’obtenir un décompte précis des membres des minorités, il convient d’être très prudent et de savoir distinguer, par exemple, l’appartenance ethnique et l’appartenance linguistique. En général, l'appartenance «linguistique» devrait compter moins d'individus que l'appartenance «ethnique» dans la mesure où quelqu'un peut se dire «d'origine hongroise» sans parler la langue hongroise. Le tableau qui suit résume les composantes ethniques de toutes les communautés résidant en Autriche, ainsi que les minorités reconnues (en rouge):

Ethnie Population Pourcentage Langue maternelle Affiliation linguistique Religion
Autrichien bavarois 7 146 000 81,8 % allemand bavarois

langue germanique

chrétienne
Suisse allemand 301 000 3,4 % suisse alémanique langue germanique chrétienne
Allemand 179 000 2,0 % allemand standard langue germanique chrétienne
Serbe 119 000 1,3 % serbe langue slave chrétienne
Turc 118 000 1,3 % turc famille altaïque Islam
Bosniaque 96 000 1,0 % bosniaque langue slave Islam
Roumain 84 000 0,9 % roumain langue romane chrétienne
Croate (minorité reconnue) 71 000 0,8 % croate langue slave chrétienne
Hongrois (minorité reconnue) 65 000 0,7 % hongrois famille ouralienne chrétienne
Albanais tosque 62 000 0,7 % albanais tosque isolat indo-européen chrétienne
Polonais 59 000 0,6 % polonais langue slave chrétienne
Chinois mandarin 37 000 0,4 % chinois mandarin famille sino-tibétaine bouddhisme
Afghan (générique) 36 000 0,4 % pachtou méridional langue indo-iranienne islam
Slovaque (minorité reconnue) 36 000 0,4 % slovaque langue slave chrétienne
Slovène (minorité reconnue) 30 000 0,3 % slovène langue slave chrétienne
Tchétchène 25 000 0,2 % tchétchène famille caucasienne islam
Kurde kurmanji 25 000 0,2 % kurde septentrional langue indo-iranienne islam
Indo-Pakistanais 23 000 0,2 % hindi langue indo-iranienne hindouisme
Arabe 19 000 0,2 % arabe levantin langue sémitique islam
Persan 17 000 0,1 % persan iranien langue indo-iranienne islam
Tchèque (minorité reconnue) 17 000 0,1 % tchèque langue slave aucune
Français 16 000 0,1 % français langue romane chrétienne
Russe 16 000 0,1 % russe langue slave chrétienne
Grec 13 000 0,1 % grec langue grecque chrétienne
Juif alémanique 9 200 0,1 % allemand standard langue germanique religion ethnique
Britannique 9 000 0,1 % anglais langue germanique chrétienne
Philippin 8 800 0,1 % tagalog famille austronésienne chrétienne
Walser 8 700 0,1 % walser langue germanique chrétienne
Italien 8 200 0,0 % italien langue romane chrétienne
Américain 5 700 0,0 % anglais langue germanique chrétienne
Macédonien 4 400 0,0 % macédonien langue slave chrétienne
Sorabe de Basse-Lusace 4 400 0,0 % bas-sorabe (au nord) langue germanique chrétienne
Espagnol 4 100 0,0 % espagnol langue romane chrétienne
Vietnamien 3 500 0,0 % vietnamien famille austro-asiatique bouddhisme
Hollandais 3 300 0,0 % néerlandais langue germanique non religieux
Rom autrichien (minorité reconnue) 3 200 0,0 % romani carpathien langue indo-iranienne chrétienne
Rom sinté (minorité reconnue) 3 200 0,0 % romani sinte langue indo-iranienne chrétienne
Suédois 2 000 0,0 % suédois langue germanique chrétienne
Yéniche 1 700 0,0 % yéniche langue germanique chrétienne
Brésilien 900 0,0 % portugais langue romane chrétienne
Canadien français 900 0,0 % français langue romane chrétienne
Liechtensteinois 600 0,0 % allemand standard langue germanique chrétienne
Estonien 500 0,0 % estonien famille ouralienne aucune
Autres 42 000 0,4 % - - -
Total 2018 -Projet Josué 8 734 300 - - - -

L'article 1er de la Loi fédérale n° 84 sur le statut juridique des groupes ethniques en Autriche (Loi sur les groupes ethniques, 2013) définit les minorités comme des «groupes ethniques» résidant dans des parties du territoire fédéral et ayant une autre langue que l'allemand comme langue maternelle et possédant leur propre nationalité:

Article 1er

1) En Autriche, les groupes ethniques et leurs membres sont protégés par la loi; la préservation des groupes ethniques et la sauvegarde de leur existence sont assurées. Leur langue et leurs traditions doivent être respectées.

2) Les groupes ethniques au sens de la présente loi fédérale sont les groupes de citoyens autrichiens résidant dans des parties du territoire fédéral et ayant une autre langue que l'allemand comme langue maternelle et possédant leur propre nationalité.

Mais ce ne sont pas toutes les minorités qui sont protégés et dont la langue est reconnue. Il faut être un «citoyen autrichien» et non pas une personne d'origine immigrante. De fait, les Croates, les Hongrois, les Slovènes, les Slovaques et les Tchèques bénéficient d'une protection linguistique reconnue dans la législation autrichienne; à ces groupes on peut associer les Roms sinti. L'article 13 de la Loi fédérale sur le statut juridique des groupes ethniques en Autriche (Loi sur les groupes ethniques, 2013) nomme formellement ces minorités:

Article 13

1) (Disposition constitutionnelle) Les entités qui désignent les autorités et les bureaux publics mentionnés dans l'annexe 2 doivent veiller à ce que les langues croate, slovène ou hongroise puissent être utilisées, conformément aux dispositions du présent article, comme langue officielle en plus de la langue allemande pour la communication avec les personnes concernées.

2) Lorsqu'il s'agit d'un pouvoir ou d'une fonction publique au sens du paragraphe 1, toute personne a le droit d'utiliser la langue du groupe ethnique. Toutefois, nul n'a le droit de se soustraire ou de refuser de donner suite à une démarche officielle requérant une exécution immédiate par une instance relevant desdits pouvoirs publics ou institutions sous prétexte que cette démarche officielle ne peut avoir lieu dans la langue du groupe ethnique.

3) Les autorités autres que celles visées au paragraphe 1 peuvent utiliser le croate, le slovène ou le hongrois comme langue officielle en plus de l’allemand dans les communications orales et écrites, à condition que cela facilite la communication avec des citoyens.

Ces minorités bénéficient d’une protection spéciale de la part de l’État autrichien; elles ont le droit, entre autres, d’utiliser leur propre langue en privé et en public, de conserver leur nom, de maintenir leur propre culture et/ou leur religion. L'État ne doit prendre aucune mesure qui équivaut à dissoudre la spécificité ou les éléments communs linguistiques, culturels, ethniques ou autres de ces groupes.

Autrement dit, il faut être un Autrichien non germanophone, ce qui exclut les Walser, les Allemands, les Suisses alémaniques, etc. En Autriche, seules les langues minoritaires suivantes sont reconnues officiellement par les autorités:

- le croate (71 000) dans le Land du Burgenland ;
- le slovène (30 000) dans le Land de Carinthie et celui de Styrie ;
- le hongrois (65 000) à Vienne et dans le Land du Burgenland ;
- le tchèque (17 000) à Vienne et en Basse-Autriche;
- le slovaque (36 000) à Vienne ;
- la langue romani (6200) dans le Land du Burgenland.

Ainsi, ce sont les Länder du Burgenland, de Carinthie, de Styrie, ainsi que la ville de Vienne, qui comptent le plus grand nombre de «groupes ethniques». Les données numériques concernant le nombre des locuteurs appartenant aux diverses communautés linguistiques minoritaires demeurent approximatives, car les résultats du recensement national, notamment celui de 1991, ne permettent d’avoir qu’une vue précise de la composition ethnique des citoyens du pays, non pas nécessairement sur la langue de ces individus. Il y a plusieurs années (2001), la répartition de ces minorités par région était la suivante:

Groupe

Nombre
(recensement 2001)

Pourcentage
de la population totale

Pourcentage de la minorité selon la région

Croates

19 374

0,4 %

Burgenland (88,9 %)
Vienne (11, 0 %)

Slovènes

17 953

0,3 %

Carinthie (69,9 %)
Vienne (7,8 %)
Styrie (12,2 %)

Hongrois

25 884

0,3 %

Vienne (41,2 %)
Burgenland (18,1 %)
Basse-Autriche (12,1 %)
Haute-Autriche (6 %)

Tchèques

11 035

0,1 %

Vienne (52,3 %)
Basse-Autriche (16,3 %)

Slovaques

3 343

0,02 %

Vienne (53,0 %)

Tsiganes

4 338

0,02 %

Vienne et Basse-Autriche

Source: Gerhard BAUMGARTNER, 
Geschichte und aktuelle Situation der Volksgruppen
, Klagenfurt/Celovec (Autriche), 2001, p. 162.

2.3 La minorité croate

L’Autriche compterait près de 71 000 Croates, dont 64% d’entre eux vivent dans une cinquantaine de localités du Burgenland, qui constituent des îlots linguistiques dispersés sur toute l’étendue du Land. La communauté croate du Burgenland habite dans six des sept districts du Land: Neusied / Neusiedl / Niuzalj, Eisenstadt / Zeljezno, Mattersburg / Matrštof, Oberpullendorf / Gornja Pulja, Oberwart / Borta, Güssing / Novi Grad. Cette communauté ne constitue la majorité de la population dans aucun de ces districts.

D’après le gouvernement autrichien, environ 12 000 Croates habitent Vienne. Les Croates sont établis dans le Burgenland depuis plus de mille ans, avant même que le Burgenland ne fasse partie de la Hongrie occidentale. Ils vivaient initialement en Galicie, dans ce qui est aujourd'hui l'Ukraine occidentale où on les appelait les «Croates blancs». Au VIIIe siècle, ils sont descendus vers ce qui est aujourd'hui l'Autriche orientale et la Hongrie occidentale. Progressivement, ils ont été germanisés et la plupart sont devenus des "Hintzen" ou autrement dit, des «hongrois germanophones», mais quelques dizaines de milliers ont conservé leur langue d'origine jusqu'à aujourd'hui.

Afin de se prémunir contre l’assimilation, les Croates ont fondé en 1934 l’Association culturelle des Croates du Burgenland à Vienne ("Kroatisch-Burgenländischer Kultuverein in Wien"). La langue est restée, en matière d’identité, l’élément le plus important pour les Croates du Burgenland. Ceux-ci parlent une variété occidentale de croate appelée «kaïkavien-tchakavien» par les linguistes et «croate du Burgenland» officiellement, qui diffère sensiblement de celui appelé «croate standard» parlé en république de Croatie, d’une part, parce que le croate du Burgenland a conservé une prononciation archaïsante, d’autre part, parce qu’il est lourdement influencé dans son lexique par l’allemand. Les différences linguistiques entre le croate standard et le croate du Burgenland, en particulier dans la langue écrite, sont à ce point marquées qu'elles rendent difficiles les échanges à l'écrit. Enfin, il est possible que le nombre de locuteurs du croate en Autriche soit deux fois plus élevé que les 20 000 officiellement enregistrés. Ce décalage illustre le problème de précision des recensements en matière de communautés ethniques et linguistiques.

2.4 La minorité slovène

Il y a 1400 ans environ, les ancêtres des Slovènes (les habitants de la Carentanie, qui ont laissé leur nom à la Carinthie) se sont établis dans ce qui forme aujourd'hui la Slovénie, les Länder de Carinthie et de Styrie et la Hongrie occidentale. Le recensement de 2001 a révélé que 17 953 citoyens autrichiens ont affirmé parler le slovène dans la vie quotidienne. D'après les estimations des organisations slovènes, quelque 30 000 slovénophones vivraient en Autriche. Selon les estimations de l’Association pour la Styrie (Verein für Steiermark), c’est-à-dire l’organisation représentant les Slovènes de Styrie, on compterait aussi de 3000 à 5000 Slovènes en Styrie, qui vivent pour la plupart dans quelques villages de la région de Bad Radkersburg au sud-ouest, ainsi qu’autour de Leutschach an der Weinstraße et dans la région de Soboth (aujourd'hui Eibiswald). C’est dans la capitale provinciale de Graz/Gradec que les locuteurs du slovène sont les plus nombreux, mais leur nombre aurait baissé de 3838 (en 1934) à 1695 (au recensement de 1991).

Comme pour les Croates, la langue slovène d’Autriche, appelée «Windisch» en allemand est réputée comme archaïsante par rapport au slovène standard (de Slovénie) et son vocabulaire est fortement marqué par l’allemand. L'emploi du terme «Windisch» est controversé, d'une part, parce qu'en ancien allemand le mot «Wendes» désignait tous les Slaves, d'autre part, parce qu'en Autriche il est utilisé pour désigner les Slovènes ayant perdu leur langue maternelle et étant devenus des germanophones.

2.5 La minorité hongroise

En 1921, le Burgenland fut rattaché à l’Autriche et les Hongrois vivant dans la région sont devenus une minorité. L’aire actuelle d’implantation hongroise — probablement 65 000 — comprend, outre un certain nombre de locuteurs à Vienne et à Graz, quatre enclaves linguistiques: Oberpullendorf/Felsöpulya, Oberwart/Felsöör, Siget in der Wart/Öriziget et Unterwart/Alsóör. Les Hongrois du Burgenland vivent aussi dans des localités plus importantes telles que Eisenstadt et Frauenkirchen. Aujourd’hui, le nombre des Hongrois résidant à Vienne dépasse de loin celui de ceux vivant dans le Burgenland, car ils représentant 45,4 % de tous les Hongrois du pays.

Le recensement de 2001 a soulevé d’importantes réserves parmi les représentants des organisations hongroises d’Autriche, du fait que 25 884 citoyens autrichiens avaient déclaré employer le hongrois à la maison. Les organisations hongroises, pour leur part, estiment qu'au moins 65 000 «Hongrois» vivraient en Autriche. Le hongrois parlé en Autriche est appelé «Oberwart»: plus archaïsant, il s’écarte légèrement de la prononciation officielle hongroise et par son vocabulaire il est fortement influencé par la langue allemande.

2.6 La minorité tchèque

La plupart des Tchèques sont arrivés dans le pays lors d’une vague d’immigration qui a atteint son apogée entre 1880 et 1890, lorsque plus de 200 000 Tchèques, surtout des travailleurs et des artisans, sont venus s’installer à Vienne. Cependant, les deux grandes vagues tchèques de retour au pays après la Deuxième Guerre mondiale ont considérablement réduit le nombre de Tchèques vivant à Vienne. La communauté linguistique tchèque a de nouveau augmenté après le «printemps de Prague» (1968/1969) lorsque 10 000 citoyens tchécoslovaques ont demandé l’asile politique en Autriche.

Aujourd’hui, la minorité tchèque de Vienne, appelé «Cesky», compte environ 17 000 locuteurs, mais le recensement fédéral de 2001 révélait que 11 035 locuteurs parlaient cette langue. D’après les associations tchèques, leur nombre devrait se situer plutôt entre 15 000 et 20 000 locuteurs. Il existe des Tchèques à Vienne et en Basse-Autriche (Niederösterreich) dans les régions de Marchfeld et Tullner Feld.

2.7 La minorité slovaque

Les ancêtres des Slovaques d’Autriche se sont installés dans le pays entre le Ve et le IXe siècle dans les régions orientales de la Basse-Autriche. À l’heure actuelle, environ 25 % de la minorité slovaque vit dans le Land de Basse-Autriche. La majeure partie, soit les deux tiers environ, habite Vienne. Les autres Slovaques sont dispersés dans toute l’Autriche, la majeure partie résidant dans le Land de Haute-Autriche et en Styrie. Mais les Slovaques ne sont plus guère nombreux en Autriche. Le recensement de 2001 révélait que 3343 locuteurs, dont 1412 résidant à Vienne, ont affirmé parler le slovaque dans leur vie quotidienne. Leur nombre réel pourrait toutefois être beaucoup plus élevé; d’après les estimations des organisations slovaques, il serait de l’ordre de 36 000.

2.8 La minorité rom/tsigane

Cette minorité est désignée administrativement par le terme de «Rom». Les Tsiganes auraient déjà constitué plus de 25 000 personnes en Autriche, mais les deux tiers de la population ont été victimes de la politique d'extermination raciste du régime nazi. En réalité, on ignore combien de Roms vivent en Autriche à l’heure actuelle. Les statistiques varient de plusieurs centaines d’individus à une estimation de quelque 10 000, voire 40 000 personnes dispersées entre les neuf Länder.

Le nombre des Roms est inconnu et demeure un sujet de désaccord entre les autorités publiques et les représentants de cette minorité. Le chiffre de 25 000 semble être le plus réaliste, mais seulement moins de 3000 Roms parleraient encore leur langue ancestrale, le romani. Au recensement de 2001, une centaine de Tsiganes ont déclaré le romani comme leur première ou deuxième langue. Ces données semblent fort trompeuses puisque, depuis des décennies, les Tsiganes refusent généralement de divulguer des renseignements sur leur langue, parce qu’ils la considèrent comme un moyen de communication secret au sein d’une société qu’ils ont toujours jugée extrêmement hostile à leur égard.

On distingue cinq groupes de Tsiganes en Autriche: les Sinti, les Rom du Burgenland, les Lovaras, les Kalderash et les Arlije. La première zone de peuplement traditionnelle est le Land de Burgenland ainsi que Vienne et la Basse-Autriche, mais ils semblent répartis dans les neuf Lander. Le gouvernement autrichien a officiellement reconnu les Tsiganes en tant que minorité nationale en 1993. Il est peut-être pertinent de savoir que cette reconnaissance officielle est en rapport étroit avec des attentats à la bombe (tous à la lettre piégée) qui se sont produits à cette époque et dont plusieurs Tsiganes ont été victimes, notamment dans le Burgenland, à Oberwart pour être plus précis.

2.9 Les autres minorités autochtones

Le walser est une variété dialectale de l’allemand parlée en Suisse (canton du Tessin: une centaine de locuteurs), en Italie (au Val-d’Aoste: env. 600 locuteurs) et également en Autriche où l’on compterait entre 5000 et 10 000 locuteurs répartis entre 14 communautés, principalement dans le Land de Vorarlberg, à Grosses Walsertal (Blons, Fontanella, Raggal, St. Gerold, Sonntag, Thnringerberg), à Kleinwalsertal (Mittleberg; Brandnertal; à Montafon (Silbertal), à Reintal (Laterns), à Tannberg (Schricken, Lech, Warth) et le Land du Tyrol (Paznauntal: Galtnr). Cette communauté de Walser n’a jamais obtenu de la part du gouvernement autrichien un quelconque statut juridique. De ce point de vue, elle n’existe pas parce qu'elle est considérée comme germanophone.

Il faut ajouter également le yéniche, une langue mixte faite de l'allemand et du romani. On compterait quelque 35 000 Yéniches en Autriche, surtout dans le Tyrol et le Burgenland, mais il existe une petite communauté dans la Haute-Autriche. Seulement 1700 Yéniches autrichiens parlent encore leur langue ancestrale.

3 Les immigrants

Depuis quelques années, l’Autriche fut avec l’Allemagne et la Suède l’un des trois pays européens de destination les plus touchés par la grande vague de refuge et de migration de la fin de l’automne 2015 et de l’hiver 2016; le pays a accueilli, avec 95 000 demandeurs d’asile, plus de personnes par habitant que l’Allemagne. L'Autriche compte un grand nombre d'immigrants, ce qui a eu pour effet de modifier la répartition ethnique du pays. Au début de 2019, environ 1,4 million d'étrangers vivaient en Autriche, ce qui représente 16% de la population totale, dont la moitié réside au moins à Vienne, les autres sont surtout installés en Basse-Autriche et en Haute-Autriche.

Plus de 70 % des immigrants proviennent de différents pays d'Europe, notamment de la Serbie, de la Bosnie-Herzégovine, de l'Albanie, de la Roumanie, de la Pologne, etc., ainsi que des pays comme la Turquie, l'Afghanistan, l'Inde, la Chine, l'Égypte, les Philippines, la Syrie, etc. Néanmoins, l'Autriche demeure massivement germanophone, bien que la plupart des germanophones parlent l'allemand bavarois ou le suisse alémanique comme langue maternelle, plutôt que l'allemand standard. L'Autriche constitue la deuxième proportion de personnes nées à l'étranger la plus élevée de tous les pays de l'Union européenne après le Luxembourg.

4 Les religions

L'Autriche était historiquement un pays fortement catholique, ayant été le centre de la monarchie des Habsbourg (1273-1918), qui défendait le catholicisme romain. Selon des données de 2021 de Statistics Austria, 80,9% parmi les chrétiens étaient catholiques, 7,2% étaient des orthodoxes (appartenant pour la plupart à l' Église orthodoxe orientale ), 5,6% étaient des protestants, tandis que les 6,2% restants étaient d'autres chrétiens, appartenant à d'autres confessions de la religion ou non affiliés à une confession religieuse. Dans le même recensement de 2001, seuls 8,3% des Autrichiens ont déclaré que leur religion était l'islam, 1,2% ont déclaré croire en d'autres religions non chrétiennes (dont le bouddhisme, l'hindouisme, le judaïsme et autres), et 22,4% ont déclaré n'appartenir à aucune religion, confession ou communauté religieuse.

Dernière mise à jour: 15 févr. 2024

L'Autriche


1) Situation générale
 


2) La politique linguistique à l'égard de l'allemand
 


3) Les droits linguistiques des minorités nationales
 

4) Bibliographie

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