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Kirghizistan1) Situation générale |
Le Kirghizistan (ou Kirghizie; en anglais: Kyrgyzstan) est officiellement appelé dans sa forme longue République kirghize. C'est un pays d'Asie centrale bordé au nord par le Kazakhstan, à l'est par la Chine, au sud par la Chine et le Tadjikistan et à l'ouest par l'Ouzbékistan (voir la carte). La superficie du pays est de 198 500 km², soit l'équivalent du Sénégal (ou 3,7 fois plus petit que la France). Bichkek (anciennement Pichpek de 1862 à 1926, puis Frounzé de 1926 à 1991) est la capitale et la ville la plus importante du Kirghizistan. |
Le pays est divisé en neuf unités administratives (oblastlar), soit sept oblasts (Batken, Tchouï, Jalal-Abad, Naryn, Och, Talas et Yssyk-Koul) et deux villes à statut spécial (Bichkek et Och). Le Kirghizistan est une ancienne république socialiste soviétique de l'Asie centrale, qui a acquis son indépendance en 1991. Le territoire est occupé presque entièrement par le massif montagneux des Tien Shan (montagnes Célestes).
La province kirghize de Batken située à l'extrémité du Sud-Ouest compte des enclaves appartenant au Tadjikistan et à l'Ouzbékistan. À l'intérieur de l'Ouzbékistan, on compte une enclave kirghize (n° 7: Barak) et une enclave tadjike (n° 8: Sarvan). En Kirghizistan, il existe deux enclaves tadjikes (n° 1: Qalacha et n° 2: Vorukh) et quatre enclaves ouzbèkes (n° 3: Sokh, n° 4: Chong-Kara, n° 5: Jani-Ayil et n° 6: Shohimardan).
À l'exception de l'enclave n° 7 (Barak), ces territoires ne sont pas administrés par le Kirghizistan, mais par le Tadjikistan (n° 1 et n° 8) et par l'Ouzbékistan (3-4-5-6). En fait, il s'agit d'une partie de la vallée de Ferghana partagée entre l’Ouzbékistan (autoritaire et soupçonneux), le Kirghizstan (ouvert, mais chaotique) et le Tadjikistan (souvent déchiré par la guerre civile) et découpée en plusieurs enclaves propices aux conflits frontaliers. Ce sont les autorités soviétiques qui jadis ont divisé la vallée de Ferghana, couvrant une partie de l'Ouzbékistan, du Tadjikistan et du Kirghizistan, dans le but de faire obstacle à l’émergence d’une identité régionale. Les trois nouvelles républiques indépendantes ont décidé de poursuivre dans cette voie, craignant et réprimant tout mouvement politique qui leur échapperait. Le Kirghizistan est aussi une ancienne république soviétique. |
Selon les estimations de 2019, la population du Kirghizistan serait de 6,4 millions d'habitants. Les régions d'Och (20,8 % ) et de Jalal-Abad (19,0%) sont les plus peuplées du pays, mais elles sont suivies de près par la ville de Bichkek (15,9%) et la région de Tchouï (14,7 %).
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2.1 Les groupes ethniques
À la suite de l'effondrement de l'URSS et de l'indépendance de nombreuses anciennes républiques soviétiques, la Kirghizie a vu sa population se modifier considérablement. On compterait maintenant dans le pays des représentants de plus d'une quarantaine d'ethnies contre plus de 80 au moment de l'indépendance (31 août 1991). Bien que dans l'ensemble les relations entre les différents groupes ethniques soient relativement harmonieuses au Kirghizistan, la question des minorités implique surtout les communautés russes (6,1%) et ouzbèkes (14,1%), ainsi que les communautés dounganes (1%), tadjikes (0,8%) et ouïgoures (0,8%). Entre 1989 et 1993, un nombre significatif de membres des communautés non kirghizophones ont quitté le pays, mais aucun recensement n'a été entrepris au début des années 1990 pour évaluer quantitativement les équilibres démographiques à propos des groupes ethniques.
On sait qu'une partie considérable de cet exode a consisté en rapatriement d'Allemands en Allemagne et de Russes en Russie. En 1992 et 1993, des victimes de la guerre civile du Tadjikistan se sont réfugiées dans le sud du Kirghizistan. Juste avant l'indépendance (1989), environ 64 000 Kirghiz vivaient au Tadjikistan et 175 000 vivaient en Ouzbékistan. Les évaluations quant au nombre de personnes qui, par la suite, sont retournées au Kirghizistan n'ont jamais été disponibles. La plupart des Kirghizes, environ 93 %, vivent au Kirghizistan, mais d'autres communautés minoritaires habitent l'Afghanistan, la Chine, le Kazakhstan, le Tadjikistan, l'Ouzbékistan et la Turquie.
Les Kirghizes forment le groupe ethnique majoritaire avec 72 % de la population. Il sont suivis principalement par les Ouzbeks (14,1 %) et les Russes (6,1%). D'autres plus petites communautés sont plus ou moins disséminées sur le territoire: les Dounganes, les Tadjiks, les Ouïgours, les Turcs, les Kazakhs, les Tatars, etc.
Ethnie | Population | Pourcentage | Filiation linguistique | ||
Kirghiz | 4 620 000 | 72,0 % | famille altaïque (turcique) | ||
Ouzbek du Nord | 910 000 | 14,1 % | famille altaïque (turcique) | ||
Russe | 397 000 | 6,1 % | langue slave | ||
Doungane | 67 000 | 1,0 % | famille sino-tibétaine | ||
Tadjik | 55 000 | 0,8 % | famille indo-iranienne | ||
Ouïgour | 54 000 | 0,8 % | famille altaïque (turcique) | ||
Turc | 47 000 | 0,7 % | famille altaïque (turcique) | ||
Kazakh | 26 000 | 0,4 % | famille altaïque (turcique) | ||
Tatar | 24 000 | 0,3 % | famille altaïque (turcique) | ||
Turc meskhète | 23 000 | 0,3 % | famille altaïque (turcique) | ||
Azerbaïdjanais du Nord | 22 000 | 0,3 % | famille altaïque (turcique) | ||
Coréen | 16 000 | 0,2 % | |||
Kurde kurmanji | 15 000 | 0,2 % | famille indo-iranienne | ||
Ukrainien | 12 000 | 0,1 % | langue slave | ||
Allemand | 6 100 | 0,0 % | langue germanique | ||
Mordve | 5 400 | 0,0 % | famille ouralienne | ||
Turkmène | 4 900 | 0,0 % | famille altaïque (turcique) | ||
Kalmouk-Oirat | 3 700 | 0,0 % | famille altaïque (turcique) | ||
Lezghien | 2 600 | 0,0 % | famille caucasienne | ||
Darguine | 2 300 | 0,0 % | famille caucasienne | ||
Chinois hui | 1 900 | 0,0 % | famille sino-tibétaine | ||
Tchétchène | 1 700 | 0,0 % | famille caucasienne | ||
Karachai | 1 600 | 0,0 % | famille altaïque (turcique) | ||
Balkar | 1 300 | 0,0 % | famille altaïque (turcique) | ||
Karakalpak | 1 200 | 0,0 % | famille altaïque (turcique) | ||
Hémichis | 1 100 | 0,0 % | |||
Biélorusse | 1 000 | 0,0 % | langue slave | ||
Bachkir | 900 | 0,0 % | famille altaïque (turcique) | ||
Chinois | 900 | 0,0 % | famille sino-tibétaine | ||
Arménien | 800 | 0,0 % | |||
Géorgien | 600 | 0,0 % | famille caucasienne | ||
Pachtoune | 600 | 0,0 % | langue indo-iranienne | ||
Tatar de Crimée | 600 | 0,0 % | famille altaïque (turcique) | ||
Bulgare | 500 | 0,0 % | langue slave | ||
Dom | 500 | 0,0 % | langue indo-iranienne | ||
Lyuli | 500 | 0,0 % | langue indo-iranienne | ||
Arabe ouzbékien | 400 | 0,0 % | famille afro-asiatique | ||
Tuerke | 300 | 0,0 % | famille altaïque (turcique) | ||
Autres | 87 000 |
1,3 % |
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Population totale | 6 416 400 | 100 % |
2.2 Les langues
On compte une quarantaine de langues parlées au Kirghizistan. Et ces langues proviennent d'origines très diversifiées: on distingue non seulement des langues turciques de la famille altaïque, mais aussi des langues indo-européennes (surtout slaves), des langues ouraliennes, des langues caucasiennes, ainsi que des langues sino-tibétaines et coréennes. Les proportions (ou pourcentages) entre les ethnies et les langues ne correspondent pas toujours. Par exemple, il y a plus de Kirghizes que de locuteurs du kirghiz, mais il y a plus de russophones (30,3 %) que de Russes ethniques (6,1 %); il faut comprendre que beaucoup de membres des communautés minoritaires utilisent le russe comme langue véhiculaire (Ukrainiens, Allemands, Biélorusses, Arméniens, Géorgiens, Tatars, Dounganes, Coréens, Kurdes, Bachkirs, etc.), voire comme nouvelle langue maternelle. Au total, les minorités linguistiques du Kirghizistan forment 28 % de la population, ce qui est beaucoup. Les autorités ne peuvent que difficilement ignorer ces minorités nationales.
- Le kirghizLe kirghiz est une langue turque du groupe kipchak; il est étroitement lié au kazakh, au karakalpak et au nogai. Il a été écrit en alphabet arabe jusqu'au XXe siècle. L'écriture latine a été introduite et adoptée en 1928, puis remplacée sur ordre de Staline par l' écriture cyrillique en 1941. On distingue le kirghiz du Nord et le kirghiz du Sud. Le kirghiz standard (officiel) est basé sur les variétés du Nord, lesquels disposent d'un grand nombre d'emprunts aux langues mongoles et au kazakh. Le kirghiz du Nord a souvent subi l'influence du kazakh (famille altaïque), alors que le kirghiz du Sud a subi celle de l'ouzbek (famille altaïque), du farsi (langue indo-iranienne) et du tadjik (langue indo-iranienne). De plus, le kirghiz du Sud se fragmente entre des variétés orientales et des variétés occidentales. Le kirghiz standard est demeuré très proche de la langue kazakhe.
Depuis 1993, le kirghiz s'écrit avec l'alphabet cyrillique (Кыргыз) plutôt qu'avec l'alphabet latin (kirghiz), mais on trouve encore les deux écritures dans le pays; le kirghiz peut s'écrire également avec l'alphabet arabe. Comme toutes les langues turques, le kirghiz est de type agglutinant, c'est-à-dire que les fonctions grammaticales sont indiquées en ajoutant des suffixes divers aux racines lexicales. |
Des suffixes distincts indiquent le genre des noms; un élément suffixal renvoie à l'un des six cas: nominatif, génitif, datif, accusatif, locatif et ablatif; le nombre est marqué par un suffixe pluriel. Le verbe s'accorde avec son sujet, mais l'ordre normal des mots correspond à une caractéristique des langues turques: on trouve d'abord le sujet, puis le complément d'objet et ensuite le verbe. Du côté phonétique, le kirghiz dispose de neuf voyelles brèves et longues, et de 19 consonnes courantes et de cinq autres fonctionnellement marginales.
Le kirghiz, comme les autres langues turques, est une langue dite agglutinante, c’est-à-dire qu’il utilise de nombreux suffixes là où le français emploierait plusieurs mots. Prenons les exemples suivants:
menim = possessif |
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ami les amis j'ai un ami mon ami à mon ami de mon ami mes amis |
dos dostor menin dosum bar menin dosum menin dosuma menin dosumdan menin dostorum |
maison les maisons ma maison sa maison de la maison à la maison dans la maison |
üy üylör menin üyüm anın üyü üydün üydö üyündö |
L'aire d'expansion du kirghiz occupe presque toute la superficie du territoire, à l'exception de la zone montagneuse le long de la frontière avec la Chine, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan. N'oublions pas qu'au Kirghizistan les kirghizophones ne forment que 72 % de la population et que, si les habitants du Sud (Batken, Och et Jalal-Abad) parlent le kirghiz (en plus du tadjik et de l'ouzbek), ceux du Nord (Talas, Tchouï, Naryn et Issyk-Koul) et de la capitale Bichkek sont davantage russifiés. On peut même dire que le Kirghizstan est composé de deux «pays» bien distincts: le Sud (vallée de Ferghana), conservateur et islamisé, est tourné vers l’Ouzbékistan, alors que le Nord, industriel et russifié, est tourné vers le Kazakhstan (lui aussi largement russifié). Entre les deux grandes régions du Kirghizistan, on trouve des sommets rocheux généralement inaccessibles pendant les mois d’hiver. Dans un récent sondage, 63,5 % des Kirghiz estimaient que les clivages nord-sud étaient la cause principale de l’instabilité interne au pays. Conformément à l'usage kirghiz, le nom de famille des enfants se compose soit du prénom du père et des terminaisons ououlou ou tegin pour les garçons et kyzy pour les filles, soit, sans terminaison, du prénom de l'enfant suivi de celui du père. Les enfants n'ont pas de patronyme. |
2.3 Les langues turciques
Les langues turques ou turciques comprennent plusieurs sous-groupes.
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Le turkmène fait partie des langues
oghouzes avec le turc, l'azéri et le gagaouze. En
principe, le turkmène a plus d'affinités avec le turc et l'azéri
qu'avec le kazakh, le kirghiz ou l'ouzbek.
Les plus grandes langues turciques sont évidemment le turc (75 millions), l'ouzbek (27 millions), l'ouïghour (25 millions), l'azéri (23 millions), le kazakh (22 millions), le turkmène (6,7 millions) et le kirghiz (4,3 millions). |
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Les exemples du tableau de gauche illustrent les ressemblances écrites entre quelques langues turques. On peut constater que le
kazakh, le kirghiz et le karakalpak ont plus de points communs qu'avec les autres langues, ce qui est normal puisque
ces langues appartiennent au même sous-groupe des langues kipchak méridionales.
Nous pouvons constater également que l'ouzbek présente plus de différences que les langues précédentes (karakalpak, kazakh et kirghiz) et que ces différences sont encore plus accentuées avec le turkmène et le turc, ces dernières faisant partie des langues oghouzes, tandis que l'ouzbek est une langue ouïghoure. C'est le turkmène qui présente le plus d'affinités avec le turc. Néanmoins, toutes ces langues appartiennent à la grande famille altaïque, dont font partie toutes les langues turciques. |
Il faut aussi comprendre qu'il s'agit ici de mots écrits, alors que leurs prononciations peuvent s'avérer différentes d'une langue à l'autre, car l'écrit ne rend pas compte des différences phonétiques. Outre le kirghiz, le Kirghizistan compte plusieurs autres langues turciques (altaïques) : l'ouzbek, le tatar, le tatar de Crimée, le kazakh, l'ouïgour, l'azéri ou azerbaïdjanais, le bachkir, le tchouvache, le karachaï-balkar et le turkmène. Comme on le constate, seul l'ouzbek (14,1 %) s'avère une langue suffisamment importante pour tenir tête au kirghiz. Les relations entre les deux communautés linguistiques sont relativement tendues depuis l'indépendance du Kirghizistan.
En règle générale, les Ouzbeks, la minorité la plus importante avant les Russes, vivent dans les régions de Tchouï (ville de Bichkek, villages de Sadovoye et Belovodskoye) et dans les capitales de Naryn, de Talas et d'Och. Le nombre des Ouzbeks vivant au Kirghizistan est de plus de 910 000, et le quart d'entre eux vit dans la seule région de Djalal-Abad. Même s'il existe des écoles où l'on enseigne l'ouzbek, la langue se transmet surtout oralement. De façon générale, les membres de la minorité ouzbèke ne sont pas ou peu représentés dans l'administration régionale, ni dans les commerces ni dans les médias; les sociétés de télévision nationales n'ont que fort peu de programmation en langue ouzbèke. Le gouvernement kirghiz se méfie des Ouzbeks dont certains d'entre eux se réfugient dans l'islam fondamentaliste. Beaucoup d'Ouzbeks ne parlent plus leur langue maternelle et il n'y a pratiquement pas de livres ou de journaux dans cette langue au Kirghizistan.
Pour la plupart des autres minorités turcophones, la russification a fait des ravages. Il n'existe que fort peu d'écoles où l'on enseigne la langue maternelle, de nombreux parents préférant envoyer leurs enfants dans les écoles russes, mais certains choisissent des écoles kirghizes.
2.4 La langue russe
Bien que les Russes constituent à peine plus de 6 % de la population, plus de 30 % des habitants du pays disent parler le russe comme «seconde langue maternelle». C'est que de nombreux membres des minorités d'origine européenne s'identifient au russe; c'est le cas des Ukrainiens, des Allemands, des Biélorusses, des Arméniens, des Coréens, etc. Le russe est la langue des relations intercommunautaires au Kirghizistan. La majorité des russophones habitent les centres urbains, notamment Bichkek et Karakol, puis tout autour du lac Issyk-Koul. Plus de 30 00 Russes ont quitté le Kirghizistan depuis les années 1990. La situation économique instable, les problèmes liés à l'emploi, les conflits ethiques, l'éducation, l'avenir de leurs enfants, les caisses de retraite, la question linguistique et la gestion politique du pays poussent les Russes à immigrer dans d'autres pays. Pourtant, les Russes bénéficient d'avantages considérables dont des écoles, des médias, des tribunaux, etc., dans leur langue qui est déclarée officielle au même titre que le kirghiz. Seule une faible minorité de Russes est bilingue (russe-kirghiz), contre, on le sait, environ 30 % des locuteurs du kirghiz qui parlent le russe comme langue seconde.
Les russophones du Kirghizistan s'estiment particulièrement marginalisés. Sans être victimes de discrimination ouverte, ils disent souffrir de petites obstructions du seul fait qu'ils ne sont pas des Kirghizes. On parle en réalité de «discrimination de velours». Les Russes se croient relativement ignorés dans la société kirghize parce qu'ils occupent moins de postes dans l'administration locale, dans les affaires ou dans le secteur tertiaire que par le passé. Le taux de chômage parmi les Russes est qualifié de quasi catastrophique. De plus, la qualité du système d'éducation russe vit un certain déclin; il en est de même, d'après eux, dans les médias. Beaucoup de Russes regrettent le régime soviétique, alors que la langue russe était reconnue partout dans le pays, que les relations ethniques étaient harmonieuses et les conflits sévèrement réprimés. Après quelques visites au Kirghizistan, les représentants de la Commission sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) ont déclaré qu'ils n'avaient trouvé aucune discrimination sérieuse à l'encontre des Russes.
Il est vrai que le Russe moyen au Kirghizistan gagne environ un tiers de ce que touchent ses compatriotes en Russie, ce qui a sûrement représenté un fort stimulant pour l’émigration. Toutefois, à leur arrivée en Russie, les «Russes kirghizes» se sont retrouvés confrontés à une forte compétition dans la recherche d’un emploi, ainsi que des prix bien supérieurs à ceux pratiqués au Kirghizistan en ce qui concerne les biens, les services et le logement. Bien que beaucoup de Russes aient pu vendre leurs biens au Kirghizistan avant de partir, ils ont découvert avec surprise que leurs ressources financières s'avéraient insuffisantes lorsqu'ils s’installaient en Russie. Beaucoup ont commencé à retourner au Kirghizistan.
D'ailleurs, Moscou s'est toujours vanté que le russe jouissait d'un statut officiel plus élevé et d'un plus grand respect au Kirghizistan que dans tout autre pays d'Asie centrale. Cette situation est renforcée par le fait que beaucoup de citoyens de la République kirghize déménagent en Russie en tant que travailleurs invités et bénéficient d'un avantage concurrentiel pour obtenir du travail s'ils connaissent la langue russe. Les envois de fonds des Kirghizes soutiennent l'économie kirghize moribonde. En conséquence, plus d'une génération après la disparition de l'Union soviétique, un pourcentage plus élevé de Kirghizes parlent toujours le russe comme langue seconde (sinon comme nouvelle langue maternelle) que ne le fait toute autre nation titulaire de la région. Le gouvernement russe espère que la situation va se poursuivre, car le Kremlin considère que la langue russe appartient au soi-disant «monde russe» («Russkiy Mir»).
2.5 Les autres petites communautés linguistiques
Certaines petites communautés linguistiques méritent d'être signalées. La plupart des quelque 6000 germanophones habitent la région de Tchouï, notamment dans le secteur d'Issyk-Ata. Depuis l'indépendance, au moins 50 000 Allemands ont quitté le Kirghizistan, car les conditions de vie leur apparaissent trop difficiles comparativement à l'Allemagne. Les raisons les plus courantes qui expliquent les départs massifs des germanophones sont la perte de leur identité nationale et de leur langue, le désir de se réunir avec des parents et maintenir des contacts avec leur pays d'origine, ainsi que la crainte des conflits interethniques. On ne compte à peu près plus d'écoles de langue allemande, et généralement les enfants fréquentent les écoles russes. La plupart des germanophones ont l'intention de quitter définitivement le Kirghizistan.
La majorité des 55 000 Tadjiks vivent dans le sud du pays, notamment dans les régions d'Och (Kara-Su, Ala-Buki, Djail, Kara-Balta, Alamedin, Sokuluk, etc.) et de Batken (Kadamjay, Aydarken, Andarak et Korgoncha). Les enfants tadjiks étudient en russe ou fréquentent des écoles kirghizes ou ouzbeks. En général, les jeunes sont trilingues: ils parlent tadjik, russe et kirghiz. La sauvegarde de leur langue maternelle n'est pas une préoccupation constante. Le tadjik est une langue indo-iranienne, non une langue turque.
Les quelque 16 000 Coréens vivent dans la région de Tchouï dans des villes comme que Bichkek, Kara-Balta, Tokmok et Sokuluk. Les Coréens subissent depuis longtemps les effets de l'assimilation et beaucoup ne parlent presque jamais leur langue maternelle pour faire usage surtout du russe. De fait, les jeunes sont généralement russifiés, car les écoles sont normalement russes. Les autorités kirghizes n'oppriment pas les Coréens, mais ne les aident pas non plus. Le coréen fait partie de la famille coréenne.
Les 67 000 Dounganes habitent la région de Tchouï dans les villes d'Alexandrovka, de Milyanfan, de Ken-Bulun et de Tokmok; ils sont appelés Hui ou Huizui en Chine. Beaucoup de Dounganes ont perdu leur langue, le doungane (une langue de la famille sino-tibétaine), parlé par quelque 67 000 locuteurs au Kirghizistan. Bien que personne n'opprime la communauté, les jeunes sont généralement très russifiés, même si les adultes essaient de maintenir la culture et la langue ancestrale. Le journal Khueymin bo (le journal des Dounganes) est publié environ une fois par mois dans tous les villages de Dounganes. Une fois par semaine, la radio doungane est diffusée sur un canal local. Beaucoup de Dounganes désirent partir pour la Russie.
Les petites communautés caucasiennes telles que les Lesghiens, les Darguines, les Géorgiens et les Lacks se sont maintenues contre vents et marées, mais les langues caucasiennes sont en voie de disparition, toutes au profit du russe.
3 Les religions
À l'époque soviétique, l'athéisme d'État était encouragé. Aujourd'hui, le Kirghizistan est resté un État laïc, bien que l'islam ait exercé une influence croissante sur la politique.
De façon générale, la situation religieuse dans la République kirghize est caractérisée par l'apparition d'une société multiconfessionnelle et la création de communautés où les représentants des diverses appartenances ethniques admettent une croyance religieuse commune. Lors de la période soviétique, le christianisme (Église orthodoxe russe) et l'islam étaient les religions principales dans le pays. Les Russes étaient, la plupart du temps, orthodoxes, alors que les Kirghizes, les Ouzbeks et d'autres ethnies non slaves (turcophones) étaient en général des musulmans sunnites.
Aujourd'hui sont apparues d'autres confessions telles que les protestants, les catholiques, les témoins de Jéhovah, les hari krishna, les bahaïs, etc. Pour résumer la situation, on peut dire que les musulmans sunnites forment environ 75 % de la population, contre 20 % pour les orthodoxes et 5 % pour les diverses autres confessions. Des comités de volontaires musulmans ont demandé aux autorités du pays d'interdire les activités des missionnaires étrangers qui propagent d'autres religions que l'islam: ils craignent que la situation dégénère en conflits interreligieux. |
La Loi sur la liberté de religion et les organisations religieuses (2008-2019) consacre le droit constitutionnel à la liberté de religion, la protection des droits et intérêts de la personne indépendamment de l'appartenance à une religion, et à l'accès aux différentes formes d'éducation sans considération de religion.
1) Situation générale |
2) Données historiques |
3) La politique linguistique |
Loi sur la langue officielle (2000) | 4) Bibliographie |
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