United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland

Royaume-Uni 
Grande-Bretagne

L'État central

L'Angleterre

 

Capitale: Londres 
Population: 59,4 millions (2000) 
Langue officielle: anglais 
Groupe majoritaire: anglais (94 %) 
Groupes minoritaires: gallois, gaélique écossais, scots, gaélique irlandais, franco-normand, gaélique mannois, cornique; nombreuses langues immigrantes 
Système politique: Royaume uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (d'où Royaume-Uni)
Articles constitutionnels (langue): sans objet (aucune constitution au Royaume-Uni) 
Lois linguistiques: Loi sur l'administration de la justice (Irlande), 1737; Loi sur les tribunaux gallois (1942, ABROGÉE); Loi sur la langue galloise (1967, ABROGÉE); Loi sur la nationalité britannique (1981); Loi sur le rapatriement des détenus (1984); Loi sur l'éducation (1996, ABROGÉE); Loi sur la langue galloise (1993); Loi sur la marine marchande (1995); Loi sur l'administration locale de l'Écosse (1997); Loi sur le gouvernement du pays de Galles (1998); Accord de Belfast (1998); Loi sur l'Irlande du Nord (1998); Loi sur la nationalité, l'immigration et le droit d'asile
(2002); Loi sur l'éducation (2002); Règlements no 2785 sur la nationalité britannique (2005); Loi sur l'administration électorale (2006); Loi sur le gouvernement du pays de Galles (2006).

1 Situation géopolitique

Les termes Royaume-Uni (angl.: United Kingdom), Grande-Bretagne (angl.: Great-Britain) et Angleterre (angl.: England) recouvrent des entités géopolitiques distinctes et ne sont donc pas synonymes.

En effet, le terme de Royaume-Uni désigne l'ensemble des territoires du pays (voir la carte 1), alors que la Grande-Bretagne comprend les trois «provinces historiques» de l’île de Grande-Bretagne que sont l'Angleterre, le pays de Galles (Wales) et l'Écosse (Scotland). Ainsi, il ne convient pas d'appeler le pays «Grande-Bretagne» (une île) et encore moins «Angleterre» (une province historique), mais bien «Royaume-Uni». On ne doit pas réduire le pays à la seule Angleterre, bien que le pouvoir politique ait été concentré dans cette seule «province» durant plusieurs siècles.  

L’Angleterre et le pays de Galles ont été réunis en 1542 en un seul royaume; l’Angleterre et l’Écosse, en 1707. À partir de 1801, date de l'union de la Grande-Bretagne et de l'Irlande, le royaume a été officiellement appelé Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande (United Kingdom of Great Britain and Ireland) ou plus simplement Royaume-Uni

Après la partition de l’Irlande de 1921, le pays s'est officiellement appelé Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland)Il est formé de l’Angleterre (angl. England : 130 412 km²), du pays de Galles (angl. Wales: 20 779 km²), de l’Écosse (angl. Scotland : 78 133 km²) et de l’Irlande du Nord (angl. Northern Ireland : 13 576 km²), pour une superficie totale de 244 820 km².

1.1 La dévolution

Aujourd'hui, depuis la «dévolution» accordée au pays de Galles, à l'Écosse et à l'Irlande du Nord, le gouvernement britannique utilise l'expression devolved administrations pour désigner les trois «entités» en question, ce qui se traduirait en français par «administrations déléguées». En réalité, le seul terme utilisé décrivant le territoire est celui de area, ce qui équivaut en français à «région». 

On a également recours aux expressions local authorities («autorités locales») et local government («administration locale») pour désigner les «administrations déléguées», ainsi que le mot nation («nation») pour dénommer la population de chacune des «régions déléguées». On emploie aussi les termes central government («gouvernement central») pour désigner le gouvernement de Londres.

Le Royaume-Uni n'étant pas une fédération, il n'est pas possible de recourir à des termes tels que «État» (comme aux États-Unis), «province» (comme au Canada et en Afrique du Sud) ou «canton» (comme en Suisse). Le Royaume-Uni n'a pas non plus retenu les expressions telles que «région autonome» (comme en Italie) ou «communauté autonome» (comme en Espagne). On dit aussi que le Royaume-Uni d'aujourd'hui est formé de quatre «pays constitutifs» ("constituent countries") ou «nations constitutives» ("Home Nations" ou "Home Countries"): l'Angleterre, l'Écosse, l'Irlande du Nord et le pays de Galles. Bref, la terminologie demeure incertaine et ambiguë pour désigner les nouvelles entités découlant de la dévolution.

Par ailleurs, si le Royaume-Uni possède un «gouvernement central», il ne dispose pas d'un «parlement central», car le Parlement de Westminster est celui de tout le Royaume-Uni dans lequel les représentants sont ceux de l'Angleterre, de l'Écosse, du pays de Galles et de l'Irlande du Nord. Autrement dit, les Anglais d'Angleterre sont minoritaires à Westminster, puisque les Écossais, les Gallois et les Nord-Irlandais sont ensemble majoritaires. D'ailleurs, certains Anglais se demandent pourquoi l'Angleterre ne bénéficie pas, elle aussi, de sa «dévolution» avec son parlement local. Paradoxalement, les Écossais, les Gallois et les Irlandais peuvent s'occuper de leurs affaires locales, y compris celles de l'Angleterre. C'est là que le bât blesse pour bien des Anglais, car, eux, ils n'ont pas droit de s'occuper des affaires des Irlandais, des Écossais et des Gallois.  

1.2 L'Angleterre

Si on consulte la carte de l'île de Grande-Bretagne et en excluant l'Écosse et le pays de Galles, on constatera que l'Angleterre compte elle-même plusieurs «régions» d'ordre strictement administratif: le Nord-Ouest (North West), le Nord-Est (North East), les Midlands de l'Est (East Midlands), les Midlands de l'Ouest (West Midlands), l'Anglia de l'Est (East Anglia), le Sud-Est (South East) et le Sud-Ouest (South West). Voir la carte des régions

De plus, l'Angleterre compte également 39 comtés non métropolitains, six comtés métropolitains ainsi que le Grand-Londres. Les comtés sont subdivisés en 330 districts qui, eux-mêmes, regroupent quelque 10 000 paroisses. Chaque ordre d'administration locale est présidé par un conseil dont les membres sont élus pour un mandat de quatre ans. En 1985, le conseil du Grand-Londres et les six conseils des comtés métropolitains ont été abolis, alors que la majorité de leurs fonctions fut transférée, dans le cas du Grand-Londres, aux 32 municipalités londoniennes et à la ''Corporation of London'' et, dans les cas des comtés métropolitains, aux conseils des districts métropolitains. 

1.3 L'île de Man et les îles Anglo-Normandes

Quant à l'île de Man (572 km²) située en mer d’Irlande et aux îles Anglo-Normandes (angl. Channel Islands : 194 km²) situées dans le golfe de Saint-Malo près des côtes françaises, elles sont des possessions de la Couronne britannique, et ne font pas juridiquement partie du Royaume-Uni (ni de l'Union européenne). Cela signifie qu’aucune loi du Parlement britannique ne s’applique à ces îles, sauf si l’une d’entre elles est expressément désignée par son nom – à partir d’une requête officielle du gouvernement local – dans un texte législatif britannique.

1.4 Les territoires d'outre-mer

Enfin, le Royaume-Uni a conservé sous sa dépendance certains territoires d'outre-mer : Anguilla, les Bermudes ("Bermuda"), le Territoire britannique de l'océan Indien ("British Indian Ocean Territory"), les îles Vierges britanniques ("British Virgin Islands"), les îles Caïmans, les îles Malouines ("Falkland Islands"), Gibraltar, Montserrat, les îles Pitcairn, l'île Sainte-Hélène (côtes africaines), les îles de la Géorgie du Sud et les îles Sandwich du Sud ("South Georgia and the South Sandwich Islands"), les îles Turks-et-Caicos. 

Le Royaume-Uni possède onze PTOM, c'est-à-dire des «pays et territoires d'outre-mer», qui sont des dépendances d'États membres de l'Union européenne — soit le Danemark, la France, les Pays Bas et le Royaume-Uni — dont ils ne font pas partie tout en gardant un lien d'association. Seul Gibraltar est une «colonie».

1.5 L'Union européenne et le Brexit

Conscient de sa marginalisation par les deux nouvelles puissances mondiales, les États-Unis et l'URSS, le Royaume-Uni décida au début des années 1960 de se rallier à une construction européenne qu’il avait auparavant observée avec méfiance. En 1961, sa candidature se heurta au refus de la France du général de Gaulle. Le Royaume-Uni finit par rejoindre la Communauté économique européenne (CEE) en 1973, après que les Français eurent accepté cette adhésion par référendum. Rappelons que l'île de Man et les îles Anglo-Normandes, en tant que «dépendances de la Couronne britannique», n'ont jamais fait partie de l'Union européenne.

Toutefois, l’engagement du Royaume-Uni au sein de l'Union européenne (UE, depuis 1993) est toujours demeuré partiel. Le pays n'est jamais entré dans la zone euro et n'a jamais été partie prenante aux accords de Schengen de 1985 sur la libre circulation et la suppression des contrôles aux frontières communes. Le Royaume-Uni s'est opposé à la signature du pacte budgétaire décidé lors du sommet européen du 9 décembre 2011. En février 2016, le gouvernement britannique avait obtenu de ses partenaires européens le droit pour le pays de limiter pendant quatre ans l’accès des travailleurs non européens aux prestations sociales britanniques. Bref, le pays a toujours bénéficié d'un certain nombre de concessions et d'accommodements pour rester dans l'Union européenne. L'une des questions fondamentales pour les Britanniques a toujours été de savoir si le Royaume-Uni aurait davantage à gagner en-dehors de l'Union européenne que de demeurer en son sein.

Cette question centrale dans la société britannique a donné lieu à deux référendums. Le premier s'est déroulé en 1975, alors que les Britanniques ont décidé du maintien dans la CEE. Le 24 juin 2016, le Royaume-Uni a choisi de mettre fin à quarante-trois années d’appartenance à l’Union européenne (UE). Le camp du «Leave» (sortie), favorable à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, l’a emporté avec 51,9 % des voix, contre 48,1 % pour le «Remain» (maintien), camp pro-européen. On peut consulter des résultats plus détaillés par région en cliquant ici , s.v.p.

On parle alors du Brexit qui désigne la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Il s'agit d'un mot-valise anglais composé de «Britain» («Grande-Bretagne») et de «exit» («sortie»), c'est-à-dire finalement "Bristish Exit". Le premier ministre britannique David Cameron a dû démissionner. Nommée en juillet 2016, la première ministre Theresa May devait dorénavant mener les discussions sur la sortie de son pays de l’Union face à une équipe de négociateurs représentant l'UE. L'article 50 du traité sur l'Union européenne (TUE) prévoit l'hypothèse d'une sortie d'un État membre de l'Union européenne. L'État qui décide de se retirer avise de son intention au Conseil européen.

- Les fédérations

Évidemment, l'Europe va perdre l'une de ses trois grandes puissances (avec l'Allemagne et la France), ainsi que l'une des plus importantes places financières au monde, l'un des seuls États européens entretenant une armée régulière conséquente et le premier partenaire diplomatique des États-Unis en Europe. Au sein du Royaume-Uni, l'Angleterre pourrait voir se détériorer ses relations avec le gouvernement écossais, indépendantiste et europhile. C'est pourquoi le gouvernement de Mme May avait promis que les quatre nations constitutives du pays — l'Angleterre, l'Écosse, l'Irlande du Nord et le pays de Galles — récupéreront de nouvelles compétences, ce qui est nouveau.

De plus, le Brexit possède une dimension qui semble avoir été peu mentionnée : la Grande-Bretagne fut l’initiatrice de plusieurs fédérations dans le monde: Afrique du Sud, Australie, Canada, Nigeria, etc. En réalité, la Grande-Bretagne a construit ces fédérations dans le but de fragmenter les populations et de prolonger ainsi la domination de Londres. Les Canadiens, surtout les Québécois, connaissent plutôt bien les limitations des pouvoirs imposés aux États fédérés dans une fédération. Or, les Britanniques ont décidé par référendum qu’ils ne voulaient pas de ce genre de limitations pour eux; ils préfèrent quitter l’Union européenne plutôt que de les subir, comme dans leurs anciennes colonies. Paradoxalement, ce qui était bon pour les colonies britanniques ne l'est manifestement pas pour le Royaume-Uni. De fait, l'Union européenne se dirige vers une (con)fédération de plus en plus intégrée et forte.

- L'éclatement du royaume

Le Brexit se fera le 31 décembre 2020. Deux questions menacent maintenant l’avenir du Royaume-Uni : l’éclatement du pays et la naissance d’une petite Angleterre insulaire reléguée au rang de puissance moyenne dans le monde. Les partis nationalistes de l'Écosse et de l’Irlande du Nord, où la majorité des électeurs ont voté pour rester au sein de l’Union européenne, ont déjà signifié qu'ils se réservaient le droit d’organiser un référendum afin de quitter le Royaume-Uni et de maintenir leurs liens avec le continent. Ces menaces doivent être prises au sérieux.

Le Brexit et l’éclatement éventuel de l’Union peuvent avoir de lourdes conséquences sur la place du Royaume-Uni sur la scène internationale. Enfin, on peut s'interroger aussi quelle sera désormais la place de l'anglais dans l'Union européenne, puisque qu'aucun État européen — sauf l'Irlande et Malte — n'aura l'anglais comme unique langue officielle ou nationale. Il est à parier que l'anglais ne sera pas réellement évincé, car sa prédominance continuera encore, et ce, même si plus personne ne parlait l'anglais comme langue maternelle en Europe. Toutefois, le français et l'allemand devraient néanmoins bénéficier du Brexit

2 Données démolinguistiques

En principe, les habitants du Royaume-Uni sont des Britanniques, parmi lesquels on distingue les Anglais, les Écossais, les Gallois et les Irlandais ou Nord-Irlandais. Cependant, parce que les Mannois, les Jersiais et les Guernesiais ne sont pas des citoyens britanniques, mais des sujets de Sa Majesté, ils demeurent avant tout des Mannois, des Jersiais ou des Guernesiais.

Angleterre  83,7 %
Pays de Galles  4,8 %
Écosse  8,5 %
Irlande du Nord  2,8 %
TOTAL 100 %
La population du Royaume-Uni était officiellement de 59,6 millions d'habitants en 2000. Selon les provinces historiques, l'Angleterre compte 49,9 millions d'habitants (83,7 %); le pays de Galles, 2,9 millions (4,8 %); l'Écosse, 5,1 millions (8,5 %); l'Irlande du Nord, 1,7 million (2,8 %). 

(Source: National Statistics, année 2000)

2.1 L'anglais

  L’anglais, parlé par 94 % de la population, constitue la langue majoritaire du Royaume. D’autres citoyens britanniques parlent néanmoins des «langues nationales minoritaires»: au pays de Galles, certains locuteurs parlent aussi le gallois ; en Écosse, ce peut être l’écossais (gaélique); en Irlande du Nord, l’irlandais, aux îles Anglo-Normandes, le jersiais et le guernesiais. Il existe aussi des langues considérées comme éteintes comme le mannois (gaélique) de l’île de Man et le cornique (éteint en 1777) dans les Cornouailles. Il faudrait mentionner aussi les nombreuses langues immigrantes parlées au pays.

Cela dit, l'anglais parlé au Royaume-Uni n'est pas uniforme sur le territoire. On distingue plusieurs variétés: l'anglais du sud de l'Angleterre, l'anglais du nord de l'Angleterre, l'anglais du pays de Galles, l'anglais d'Écosse et l'anglais d'Irlande du Nord, ainsi que l'anglais d'Irlande. Ces variétés sont toutes mutuellement intelligibles, mais elles se distinguent par l'accent, une partie du vocabulaire et quelques particularismes grammaticaux.

On peut consulter un texte présentant une HISTOIRE DE LA LANGUE ANGLAISE en cliquant ICI.

2.2 Les langues minoritaires

Au Royaume-Uni, l’expression «minorité nationale» est juridiquement vide de sens, car les groupes minoritaires du pays forment essentiellement des «minorités ethniques» ou des «minorités apparentes». Mais la législation anti-discriminatoire du Royaume-Uni est conçue pour protéger les «minorités ethniques», non les «minorités nationales».

Groupe

Langues celtiques

Gaulois

gaulois* (langue morte)

Brittonique

breton, gallois, cornique* 

Gaélique

irlandais, écossais, mannois*

Cela étant dit, les langues que nous appelons normalement celles des «minorités nationales» — ou «minorités ethniques» au Royaume-Uni — proviennent surtout des langues celtiques: le gallois au pays de Galles, le gaélique écossais en Écosse, l’irlandais en Irlande du Nord, le cornique (Cornouaille) et le mannois (île de Man). 

Lorsqu'on consulte le tableau de gauche, on constate que le breton (parlée en France), le gallois et le cornique* (considéré comme disparu) font partie du groupe brittonique, alors que l'écossais, l'irlandais et le mannois* (considéré comme disparu) font partie du groupe des langues gaéliques.

Il n'existe que de rares minorités non celtiques au Royaume-Uni et en Irlande du Nord: le scots et l'anglo-normand.

- Les langues gaéliques

Les langues gaéliques du Royaume-Uni sont le gallois, l'écossais, l'irlandais et le mannois. Ces langues minoritaires comptent généralement peu de locuteurs, l’assimilation ayant, dans le passé, fait plus ou moins disparaître la plupart des langues nationales.

Ainsi, selon les statistiques de 1991, au pays de Galles, le gallois serait parlé par environ 500 000 locuteurs âgés de trois ans ou plus, soit 18,7 % de la population du pays de Galles. Pour sa part, le gaélique écossais compterait 69 510 personnes, soit 1,4 % de la population écossaise âgée de trois ans et plus. En Irlande du Nord, quelque 35 000 (?) personnes, soit 2 % de la population âgée de trois ans et plus a déclaré avoir une certaine connaissance de l'irlandais; sur ces personnes, la moitié a déclaré pouvoir lire, écrire et parler la langue. À l’île de Man, il n’existe plus de locuteur parlant le gaélique mannois comme langue maternelle.

- Le cas du cornique

Pour ce qui est du cornique (Kernewek en cornique; cornish en anglais) de la Cornouailles, considéré comme éteint, il fait partie des langues celtiques et demeure proche à la fois du breton et du gallois, c'est-à-dire des langues du groupe brittonique. Le déclin du cornique s'est amorcé dès le XVe siècle, mais il s'est accentué par la suite. Au milieu du XVIIIe siècle, le cornique, qui n'était déjà compris que par quelques locuteurs. En 1777, est décédée la dernière locutrice connue du cornique, Dolly Pentraeth, une marchande de poissons, ce qui faisait officiellement du cornique une langue morte. Cependant, quelques locuteurs du cornique auraient été attestés encore au cours du XIXe siècle. Des efforts de résurrection ont été entrepris depuis quelques années; des cours en cornique sont offerts partout sur le territoire, mais le statut juridique du cornique demeure très faible, bien que le Royaume-Uni ait accepté en novembre 2002 d'étendre le cornique sous la protection de la Charte pour les langues régionales et minoritaires. Une étude universitaire publiée en avril 2000 et commandée par l‘Office gouvernemental pour le Sud-Ouest, a estimé à environ 300 le nombre des locuteurs effectifs du cornique (langue seconde), en prenant pour critère la capacité à «tenir une conversation générale, à un débit normal, sur un thème de la vie quotidienne»; depuis lors, ce nombre serait passé à 3500 locuteurs. Mais le cornique d'aujourd'hui est un cornique «rénové» ou «restauré», c'est-à-dire modernisé; il est sensiblement différent du cornique des siècles précédents (moyen cornique et cornique tardif). Il existe un Cornish Language Partnership («Office de la langue cornique») dont le mandat est de promouvoir la langue cornique.

Le scots

Contrairement à l'écossais, une langue celtique, le scots est une langue germanique parlée dans l'est et le sud de l'Écosse. Il existe une variété du scots en Irlande du Nord (ainsi que dans le comté de Donegal en république d'Irlande): on parle le scots d'Ulster surtout dans les comtés d'Antrim, de Down et de Derry (voir la carte). Cela étant dit, on distingue cinq variétés de scots :

1) le scots insulaire (Insular Scots), parlé dans les îles du Nord (Orkney et Shetland);
2) le scots du Nord (Northern Scots), parlé dans le district de Dundee:
3) le scots central (Central Scots), parlé dans les districts de Fife et de Perth-et-Kinross;
4) le scots du Sud (South Scots), parlé dans le district de Scottish Border;
5) le scots d'Ulster (Ulster Scots), parlé sur la côte nord-est de l'Irlande du Nord.

- Le jersiais et le guernesiais

Quant aux îles Anglo-Normandes, seuls quelques milliers de locuteurs (entre 5000 et 10 000, tout au plus), particulièrement à Jersey, à Guernesey et à Sark, parlent encore le franco-normand (jersiais et guernesiais), la langue des descendants des conquérants normands, ce qui représenterait environ 6 % de la population insulaire.  Il s’agit, en fait, d’une forme d'anglo-normand, une langue teintée de vieux français, de dialectalismes normands (vieux norrois des Vikings) et de vieil anglais. On distingue deux variantes de la langue ancestrale faisant partie du groupe franco-normand : le jèrriais ou jersiais (angl. «Jersey-French») de l’île de Jersey et le dgèrnésiais ou guernesiais (angl. «Guernsey-French») de l’île de Guernesey.

- Les langues immigrantes

Il faut tenir compte aussi des minorités immigrantes parlant le français, l'allemand, le tsigane, l'hindi, l'ourdou, le pashtou, le pendjabi, le sindhi, le chinois, etc. On constate donc que les minorités historiques parlent surtout des langues celtiques qui, dans le contexte actuel, constituent des vestiges des anciens peuples occupant la Britannia romaine.

3 Le statut de l'anglais au Royaume-Uni

Rappelons que le Royaume-Uni n'a pas de Constitution écrite. Ainsi, les droits des citoyens sont une combinaison de droit coutumier, de lois
et d’usages.
Présentement, la Constitution consiste en une série de conventions, de coutumes et de simples lois du Parlement de Westminster, qu'en théorie n'importe quel futur Parlement pourrait modifier.

Pourtant, il existe des textes constitutionnels majeurs: la Magna Carta (1215) qui limitait le pouvoir de la Couronne, le Bill of Rights (1689) qui étendait les pouvoirs du Parlement, la Reform Act (1832) qui remaniait la représentation populaire et la Human Rights Act (1998) qui définissait les droits fondamentaux des citoyens. Aucun de ces textes ne traite de la langue anglaise ni de son statut. Seul l'article 14 de la Human Rights Act («Loi sur les droits de l'Homme») mentionne le mot "language" («langue»): 

Article 14

Prohibition of discrimination

The enjoyment of the rights and freedoms set forth in this Convention shall be secured without discrimination on any ground such as sex, race, colour, language, religion, political or other opinion, national or social origin, association with a national minority, property, birth or other status.

Article 14

Interdiction de la discrimination

La jouissance des droits et des libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, ni être fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.

C'est pourquoi l'anglais n'a aucune reconnaissance constitutionnelle. Le droit britannique est d'origine jurisprudentielle, sans codification. Pourtant, les textes juridiques faisant référence à la langue sont relativement nombreux depuis les dernières décennies :

Année Titre original Traduction française

1942
1967
1996
1998

Welsh Courts Act
Welsh Language Act
Education Act
Welsh Language Act
Loi sur les tribunaux gallois (abrogée)
Loi sur la langue galloise (abrogée)
Loi sur l'éducation (abrogée)
Loi sur le gouvernement du pays de Galles (abrogée)

1981
1984
1993
1997
1998
1998
2002
2002
2005
2006
2006

British Nationality Act
Repatriation of Prisoners Act
Local Government Scotland Act
Government of Wales Act
Belfast Agreement
Northhern Ireland Act

Nationality, Immigration and Asylum Act
Education Act
British Nationality Regulations No. 2785

Electoral Administration Act
Government of Wales Act
Loi sur la nationalité britannique
Loi sur le rapatriement des détenus
Loi sur la langue galloise
Loi sur l'administration locale de l'Écosse
Accord de Belfast
Loi sur l'Irlande du Nord
Loi sur la nationalité, l'immigration et le droit d'asile
Loi sur l'éducation
Règlement no 2785 sur la nationalité britannique
Loi sur l'administration électorale
Loi sur le gouvernement du pays de Galles

Comme on peut le constater, les lois linguistiques ou à portée linguistique ne concernent pas souvent la langue anglaise, ce qui témoigne du fait que cette langue n'a jamais eu besoin de protection. Toutefois, comme le Royaume-Uni est multinational, les minorités ethniques, elles, ont besoin du secours de l'État, notamment les minorités nationales: les Écossais, les Gallois, les Irlandais, les Scots, etc. 

Selon l'article 1 figurant en annexe 1 de la Loi sur la nationalité britannique (British Nationality Act) de 1981, tout individu qui demande la citoyenneté britannique doit démontrer une connaissance suffisante de l'anglais, du gallois ou du gaélique écossais:

British Nationality Act 1981

Schedule 1

Paragraph 1

1) Subject to paragraph 2, the requirements for naturalisation as a British citizen under section 6(1) are, in the case of any person who applies for it--

(a) the requirements specified in sub-paragraph (2) of this paragraph, or the alternative requirement specified in sub-paragraph (3) of this paragraph; and

(b) that he is of good character; and

(c) that he has a sufficient knowledge of the English, Welsh or Scottish Gaelic language; and

Loi sur la nationalité britannique de 1981

Annexe 1

Alinéa 1

1) Conformément à l'alinéa 2, les exigences pour la naturalisation en tant que citoyen britannique en vertu de l'article 6.1 est, dans le cas de quiconque dont c'est applicable;

(a) les exigences indiquées au sous-alinéa 2 du présent alinéa ou l'exigence possible indiquée au sous-alinéa 3 du présent alinéa; et

(b) qu'il ait bon caractère; et

(c) qu'il ait une connaissance suffisante de l'anglais, du gallois ou du gaélique écossais; et

Ce texte ne signifie pas que l'anglais, le gallois et le gaélique écossais sont des langues reconnues comme officielles dans l'une ou l'autre partie du Royaume-Uni, mais simplement que le gallois et le gaélique écossais sont des langues «ethniques» ou «nationales», c'est-à-dire officiellement tolérées. Quoi qu'il en soit, la Loi sur la nationalité britannique de 1981 a été remplacée par la Loi sur les territoires britanniques d'outre-mer (British Overseas Territories Act) de 2002, mais cette dernière loi ne contient aucune disposition d'ordre linguistique.

En réalité, il s'agit d'une reconnaissance plutôt symbolique, car l'anglais est l'unique langue qui permette de communiquer avec tous les sujets de Sa Gracieuse Majesté britannique: c'est donc la langue officielle de facto, puisque l'anglais n'est pas proclamé formellement, sauf dans de très vieilles lois datant du Moyen Âge. Mais c'était avant les réformes qui ont entraîné la dévolution des pouvoirs opérées par le gouvernement du Royaume-Uni aux autorités locales d'Écosse, du pays de Galles et d'Irlande du Nord. D'ailleurs, la Loi sur la nationalité, l'immigration et le droit d'asile de 2002 (Nationality, Immigration and Asylum Act 2002) ne mentionne plus l'anglais ni aucune autre langue, mais parle de «connaissance suffisante de la vie au Royaume-Uni» et de «connaissance suffisante d'une langue»:

Nationality, Immigration and Asylum Act 2002

Article 1

Naturalisation: knowledge of language and society

1) The following shall be inserted after the word "and" after paragraph 1(1)(c) of Schedule 1 to the British Nationality Act 1981 (c. 61) (requirements for naturalisation)-

"(ca) that he has sufficient knowledge about life in the United Kingdom; and".

3) The following shall be inserted after section 41(1)(b) of that Act (regulations)-

"(ba) for determining whether a person has
sufficient knowledge of a language for the purpose of an application for naturalisation;
(bb) for determining whether a person has sufficient knowledge about life in the United Kingdom for the purpose of an application for naturalisation;".

4) The following shall be inserted after section 41(1) of that Act-

(g) enable the Secretary of State to accept a qualification of a specified kind as evidence of
sufficient knowledge of a language."

Loi sur la nationalité, l'immigration et le droit d'asile de 2002

Article 1

Naturalisation : connaissance de la langue et de la société

1) Ce qui suit est inséré après le mot "et" après l'alinéa 1.1 (c) de l'annexe 1 de la Loi sur la nationalité britannique de 1981 (c. 61) (exigences pour la naturalisation):

"(c.a) qu'il ait une connaissance suffisante de la vie au Royaume-Uni; et".

3) Ce qui suit est inséré après l'article 41.1 (b) de la présente loi (règlements):

"(b.a) pour déterminer si une personne a une
connaissance suffisante d'une langue pour faire une demande dans le but d'une naturalisation;

(b.b) pour déterminer si une personne a une connaissance suffisante de la vie au Royaume-Uni pour faire une demande de naturalisation; ".

4) Ce qui suit est inséré après l'article 41.1 de la présente loi: 

(g) permettre au secrétaire d'État d'accepter une compétence du type indiqué comme preuve de la
connaissance suffisante d'une langue. "

Cela étant dit, les Règlements no 2785 sur la nationalité britannique de 2005 précisent que la «connaissance de la langue» correspond à une «connaissance suffisante de la langue anglaise»: 

Regulation 2005 No. 2785

BRITISH NATIONALITY

British Nationality (General) (Amendment) Regulations 2005

Article 2

The British Nationality (General) Regulations 2003[3] shall be amended as follows.

Article 3

For regulation 5A, substitute:

" Knowledge of language and life in the United Kingdom

5A. —(1) A person has sufficient knowledge of the English language and sufficient knowledge about life in the United Kingdom for the purpose of an application for naturalisation as a British citizen under section 6 of the Act if—

(a) he has attended a course which used teaching materials derived from the document entitled "Citizenship Materials for ESOL Learners" (ISBN 1-84478-5424) and he has thereby attained a relevant accredited qualification; or

(b) he has passed the test known as the "Life in the UK Test" administered by an educational institution or other person approved for this purpose by the Secretary of State; or

(c) in the case of a person who is ordinarily resident outside the United Kingdom, a person designated by the Secretary of State certifies in writing that he has sufficient knowledge of the English language
and sufficient knowledge about life in the United Kingdom for this purpose.

Article 4

In Schedule 2—

(a) in paragraph 13(1)(a), after "knowledge of language" insert ", knowledge about life in the United Kingdom"; and

(b) in paragraph 14(1)(b), for the words from "immigration laws" to the end, substitute "immigration laws, good character,
knowledge of language and knowledge about life in the United Kingdom".

Article 5

The British Nationality (General) (Amendment) Regulations 2004 and the British Nationality (General) (Amendment No. 2) Regulations 2004 are revoked.

Règlement no 2785 de 2005

NATIONALITÉ BRITANNIQUE

Règlements (généraux) sur la nationalité britannique  (modifications) de 2005

Article 2

Les Règlements (généraux) sur la nationalité britannique de 2003 sont modifiés comme suit.

Article 3

Le règlement 5A est remplacé par:

"Connaissance de la langue et de la vie au Royaume-Uni

5A. - (1) Quiconque a une connaissance suffisante de la langue anglaise et une connaissance suffisante de la vie au Royaume-Uni dans l'intention de demander une naturalisation comme citoyen britannique en vertu de l'article 6 de la loi si:

(a) il a suivi un cours ayant employé des documents pédagogiques tirés du document intitulé "Matériaux sur la citoyenneté pour les débutants ESOL" (ISBN 1-84478-5424) et a ainsi atteint une compétence appropriée reconnue; ou

(b) il a réussi le test connu comme "Test sur la vie au Royaume-Uni" administré par un établissement d'enseignement ou toute autre personne reconnue à cette fin par le secrétaire d'État; ou

(c) dans le cas d'une personne qui habite habituellement à l'extérieur du Royaume-Uni, un responsable désigné par le secrétaire d'État certifie par écrit que cette personne a, à cette fin, une connaissance suffisante de la langue anglaise et une connaissance suffisante de la vie au Royaume-Uni.

Article 4

Dans l'annexe 2:

(a) à l'alinéa 13.1 (a), après "connaissance de la langue", est inséré "connaissance de la vie au Royaume-Uni"; et

(b) à l'alinéa 14.1 (b), les mots "lois sur l'immigration" jusqu'à la fin sont remplacés par "lois sur l'immigration, un bon caractère, une
connaissance de la langue et une connaissance de la vie au Royaume-Uni".

Article 5

Les Règlements (généraux) sur la nationalité britannique de 2004 (amendements) et celui sur la nationalité britannique (générale) (amendement no 2) de 2004 sont abrogés.

4 La réforme des institutions britanniques

Afin d’implanter des réformes jugées nécessaires dans le pays, le parlement de Wesminster a adopté plusieurs lois permettant de redonner au pays de Galles, à l’Écosse et à l’Irlande du Nord leur autonomie perdue depuis plusieurs siècles. Cette autonomie — que les sujets de Sa Majesté appellent la dévolution — s’apparente à celle accordée depuis toujours à l’île de Man et aux îles Anglo-Normandes, lesquelles sont toujours demeurées sous la dépendance de la Couronne britannique, bien que toutes ces îles n’aient jamais fait partie officiellement du Royaume-Uni.

Trois référendums successifs ont eu lieu: le 11 septembre 1997 pour l’Écosse, le 18 septembre de la même année pour le pays de Galles et en mai 1998 pour l’Irlande du Nord. Sauf au pays de Galles où l’adhésion a recueilli, en septembre 1997, une faible majorité de 50,3 %, les populations écossaise et irlandaise ont voté massivement en faveur de la dévolution, c’est-à-dire pour le statut particulier dont l'objectif est de restaurer le Parlement local déchu depuis des siècles (au pays de Galles et en Écosse) en lui conférant la gestion d'une partie des programmes décrétés à Londres et, éventuellement, le pouvoir de légiférer et de prélever des impôts.

4.2 Les dévolutions de 1997-1998

Le parlement de Westminster a donc adopté la Loi sur l’administration locale de l’Écosse (Local Government Scotland Act) de 1997, la Loi sur l’Irlande du Nord de 1998 (Northern Ireland Act) et la Loi sur l’administration du pays de Galles de 1998 (Government of Wales Act), qui fixent le cadre juridique de la dévolution de ces trois régions. De façon générale, chacune d’elles bénéficie maintenant d’un parlement local au pouvoir limité et d’un exécutif pour gérer les «affaires intérieures» qui les concernent. En d’autres termes, il s’agit d’une dévolution, c’est-à-dire d’une délégation de pouvoir par le gouvernement britannique. Dans tous les cas, le gouvernement du Royaume-Uni conserve sous sa responsabilité les affaires étrangères, la politique économique nationale, la sécurité sociale et la radiodiffusion.

Cependant, la dévolution est différente dans les trois régions. Le pouvoir à Londres a négocié les accords à la pièce, à l'anglaise, c'est-à-dire selon les cas très particuliers de chacune des régions. Ainsi, l’Assemblée galloise de 1999 paraît très différente de celle de l’Écosse (2000) et celle de l’Irlande du Nord (1999): elle ne dispose d'aucun pouvoir législatif et ne peut prélever des impôts. À l’exemple des législatures de l'île de Man et des îles Anglo-Normandes, le parlement de l’Écosse et celui de l’Irlande du Nord sont autorisés à s'occuper des affaires intérieures telles que la justice, l’éducation, la culture, le logement, la santé, l’environnement, l’agriculture et le transport. Le Parlement britannique se réserve, pour sa part, les affaires constitutionnelles, les finances nationales, la politique étrangère, la défense, la sécurité sociale et la citoyenneté.

N’oublions pas que le Parlement du Royaume-Uni demeure le seul souverain, que la reine continue d’être le chef de l’État et que le pays de Galles, l’Écosse et l’Irlande du Nord font toujours partie du Royaume-Uni. Il n’en demeure pas moins que la dévolution sonne le glas du centralisme politique britannique et que le Royaume-Uni risque de découvrir bientôt les grandeurs et les misères d'une forme de gouvernement asymétrique.

Quoi qu’il en soit, chacun des gouvernements régionaux peut maintenant adopter des politiques linguistiques adaptées à sa situation. Il est d’ores et déjà prévu que le gaélique écossais en Écosse, le gallois au pays de Galles et l’Irlandais en Irlande du Nord deviendront des langues co-officielles (ce qui est déjà le cas pour le pays de Galles) et qu’ils seront traitées sur un pied d’égalité avec l’anglais. Il reste à savoir si ces politiques donneront des résultats dans la réalité.

4.3 Le référendum écossais de 2014

Le référendum écossait du 18 septembre 2014 pouvait venir changer la donne sur la dévolution des pouvoirs au Royaume-Uni. À quelques jours du référendum, au début de septembre 2014, il aura suffi d'un sondage démontrant que les partisans de l’indépendance de l’Écosse détenaient pour la première fois une légère avance, soit 51 %, pour que le premier ministre britannique de l'époque, David Cameron, promette davantage d'autonomie à l’Écosse. Celui-ci avait promis que le rejet de l'Indépendance allait être interprété comme étant favorable à la dévolution maximale. En réalité, dans les derniers jours de la campagne, les trois chefs de partis britanniques — Parti conservateur (Conservative Party), le Parti travailliste (Labour Party) et les démocrates-libéraux (Liberal Democrats) — avaient promis qu'à la suite d'un NON un processus serait mis en branle pour doter le Parlement écossais de nouveaux pouvoirs, notamment en matière de taxation. En même temps, David Cameron avait affirmé: «Nous avons entendu la voix de l'Écosse, il faut maintenant entendre les autres voix.» Dès lors, il ne s'agit plus seulement de transférer plus d'autonomie politique à l'Écosse, mais de revoir tout le partage des pouvoirs dans le Royaume-Uni, ce qui implique le pays de Galles, l'Irlande du Nord, voire l'Angleterre. Mais les promesses pouvaient bien se transformer en cauchemar pour le premier ministre britannique et les chefs de partis.  

Voici les difficultés à venir, car la dévolution promise n'est pas encore chose faite:

1) L'étendue des changements promis à l'Écosse sont non seulement vagues une plus grande autonomie , mais ceux-ci dépendent de l'appui qu'ils trouveraient au sein des partis politiques britanniques, dont plusieurs députés ont appris avec surprise la nature des promesses faites par leurs chefs.
2) Il s'agit d'engagements purement personnels venant du chef du parti au pouvoir et des chefs de deux partis d'opposition.
3) De nombreux députés anglais sont d'avis que les Écossais sont des enfants gâtés, sans cesse en quête de plus d'argent et de pouvoir. Déjà, des critiques s'élèvent chez les députés et reprochent à David Cameron d'avoir trop promis sous l'effet de la panique.
4) Il faut rappeler que le premier ministre britannique, David Cameron, dirige un gouvernement de coalition et qu'il n'a pas la majorité au Parlement pour imposer un accord, en supposant qu'il y en ait un.
5) Il pourrait être difficile de satisfaire les Écossais, voir les Gallois et les Irlandais, avec un simple «réaménagement» des pouvoirs, avec le résultat que la question de l'indépendance écossaise risque de demeurer à l'ordre du jour.
6) Toute dévolution maximale à l'Écosse ouvrira une boîte de Pandore, dans la mesure où le pays de Galles et l'Irlande du Nord, sinon d'autres territoires britanniques, réclameraient la même dévolution.
6) Il n'y aurait pas de négociation séparée avec une seule entité, tout serait fait en même temps, avec plusieurs partenaires, ce qui pourrait virer au cauchemar.
7) Tout projet de réforme constitutionnelle pourrait se heurter à l'opposition d'une bonne partie de l'opinion publique, traditionnellement conservatrice, qui estime que l'Écosse, entre autres, a déjà reçu trop de subventions.

Le Royaume-Uni se dirigerait-ils vers une fédération? Il reste à voir si Westminster va se dégonfler devant les difficultés à venir, car la suite promet d'être houleuse.

5 La politique linguistique de l’État britannique

Au Parlement britannique, seul l'anglais est utilisé dans les débats ainsi que dans la rédaction et la promulgation des lois; celles-ci ne sont jamais traduites en une autre langue. En ce qui concerne la justice et les services gouvernementaux, seul l'anglais est utilisé, bien que le gallois soit permis pour l'administration locale au pays de Galles.

5.1 L’Administration

Toutefois, le gouvernement britannique a annoncé que sa nouvelle politique a pour but de «faire preuve de courtoisie et de respect devant les préférences linguistiques des personnes non anglophones». Dans un avenir rapproché, les personnes appartenant à une «minorité ethnique» pourront utiliser «leur propre langue dans leurs démarches administratives et leurs rapports avec les services publics». Par exemple, le bureau des prestations sociales dispose d’un service d’interprétariat. Depuis 1998, un grand nombre de services ministériels publie des brochures d’information dans des langues minoritaires. Cette politique vaut surtout pour le gallois, le gaélique écossais, l'irlandais et l'écossais d'Usler. Il n'existe pas de politique à l'égard du cornique (Cornouailles), du mannois (île de Man) ou de l'anglo-normand (îles Anglo-Normandes).

Ainsi, le ministère de l’Éducation et de l’Emploi publie des brochures d’information sur la scolarisation à l’intention des parents de langue minoritaire; le ministère de la Santé a publié plusieurs brochures, portant notamment sur la grossesse, les services de maternité et la mort subite du nourrisson. De plus, dans les régions traditionnellement habitées par un nombre substantiel de personnes appartenant à une minorité nationale, le gouvernement a promis de présenter les dénominations traditionnelles locales, les noms de rues et autres indications topographiques destinées au public, dans la langue minoritaire également, lorsqu’il y a une demande suffisante pour de telles indications.

Le Conseil pour la gestion des administrations locales — ''Local Government Management Board'' — a organisé à l’automne 1997 le premier recensement de tous les conseils locaux en Angleterre et au pays de Galles. Les résultats de cette enquête, qui furent publiés en mars 1998, ont démontré que les minorités ethniques, avec 3,1 % d’élus, étaient sous-représentées aux sein des administrations locales. Évidemment, le gouvernement britannique a reconnu que les «minorités ethniques» étaient sous-représentées au sein des conseils des organismes publiques; il chercherait présentement à remédier à cet état de choses. La politique d’égalité des chances dans la fonction publique voudrait que toute personne admissible ait, à aptitudes égales, les mêmes chances d’accès et de promotion à un poste. Les autorités admettent qu’il ne devrait y avoir «aucune discrimination injuste fondée sur la race, la couleur, la nationalité ou l’origine ethnique».

5.2 La justice

En matière de justice, les procédures se font généralement en anglais, mais en cas de poursuites pénales un service de traduction devait être mis à la disposition des personnes ne parlant pas ou ne comprenant pas l’anglais. Un accord sur l’utilisation d’interprètes dans les procédures pénales est entré en vigueur au 1er avril 1998. Cet accord porte principalement sur la normalisation des «agréments» concernant la présence des interprètes lors des enquêtes sur présomption de culpabilité et sur la comparution de l’inculpé et des témoins dans les procédures pénales en Angleterre et au pays de Galles. Il est apparu en effet que la variété des procédures en vigueur concernant l’utilisation d’interprètes était une source de confusion. 

L’accord a également pour objectif de faire en sorte que, avant la fin de 2001, les tribunaux ou les postes de police ne fasse plus appel qu’à des interprètes inscrits au Registre national des interprètes du service public (ou sur l’Annuaire national des interprètes de la langue des signes du Conseil pour l’avancement et la communication avec les sourds et les malentendants).

Entre-temps, les divers organismes sont fortement invités à employer des interprètes inscrits au Registre national, bien qu’ils restent libres de faire appel à d’autres le cas échéant. Les interprètes non inscrits au Registre doivent avoir un niveau au moins égal à celui exigé pour être inscrit au Registre.

5.3 L'éducation

Le système d'enseignement du Royaume-Uni est fortement décentralisé, tout en étant géré par l'État central. On compte quatre instances ministérielles : pour l'Angleterre, c'est le ''Department of Education and Employement''; au pays de Galles, c'est l'''Education Department of the Welsh Office''; en Ecosse, c'est le ''Scottish Education Department''; en Irlande du Nord et dans l'île de Man, c'est le ''Department of Education''. Ce sont les ''Local Education Authorities'' qui sont responsables d'appliquer les directives nationales.

Le système scolaire britannique est obligatoire de 5 à 16 ans. Le cursus scolaire peut commencer par le Pre-compulsory education (enseignement pré-obligatoire ou pré-scolaire dans une ''Nursery'') et destiné aux enfants de moins de cinq ans. Il est suivi du Compulsory education (enseignement obligatoire) pour les élèves de 5 à 16 ans, et comprend la ''Primary school'' (école primaire) et la ''Secondary school'' (école secondaire). À système il faut ajouter le Sixth Form education (enseignement général de deux ans équivalant au lycée) qui mène au Higher education (enseignement supérieur). Quant au Further education (formation continue), il correspond à un enseignement pratique ou professionnel et est destiné aux 16-18 ans. Dans le pays, plus de 9,9 millions d’enfants fréquentent quelque 33 685 établissements d'enseignement publics (''State schools'') et privés ou indépendantes (''Public schools'').

À la fin de la période scolaire obligatoire à 16 ans, tous les étudiants passent le GCSE (''General Certificate of Secondary Education'': le Certificat général de l'enseignement secondaire). Par la suite, il est possible à l’élève de suivre un cursus de deux ans dans un collège ou un ''Sixth Form Centre'' (public ou privé) pour passer les différents niveaux appelés ''A-Levels''. Ces derniers consistent en une série de matières (généralement au nombre de trois) pour lesquels les notes sont représentées par des «niveaux de lettres», la plus élevée dans la notation étant le ''A''. L'obtention ce ''Level A'' est nécessaire accéder à l'université.

La très grande majorité des élèves du Royaume-Uni (plus de 90 %) fréquentent les écoles publiques de l'État (''State schools'') dans lesquelles l’enseignement est gratuit, puisque c'est le gouvernement central et les municipalités qui couvrent les frais. Moins de 10 % des jeunes reçoivent leur instruction dans les écoles indépendantes ou privées (''Public schools'') dans lesquelles les parents défraient le coût de l’enseignement de leurs enfants. Tous les jeunes fréquentant les écoles de l'État doivent respecter le ''Programme national'' (National Curriculum) prévu par le gouvernement, sauf en Écosse et en Irlande du Nord, qui ont un régime distinct.

La scolarité obligatoire du Programme national est formée de quatre «cycles» (''key stages''), qu'on peut traduire aussi par «étapes-clés» ou «niveaux-seuil», dont deux au primaire et deux au secondaire:

Enseignement primaire
(Primary school)
KEY STAGE 1
(Infant school)
1re année 5 - 8 ans
2e année
3e année
KEY STAGE 2
(Junior school)
4e année 8 - 11 ans
5e année
6e année
Enseignement secondaire
(Secondary school)
KEY STAGE 3 7e année 11 - 14 ans
8e année
9e année
KEY STAGE 4 10e année 14 - 16 ans
11e année

Les matières obligatoires du programme dans les écoles primaires sont réglementées par la Loi sur l'éducation (Education Act 1996) qui, avec ses 583 articles, régit l’enseignement au Royaume-Uni. Les trois «matières principales» (''core subjects'') comprennent les cours d’anglais  — et de gallois au pays de Galles — ainsi que de mathématiques et de science. Dans l'emploi du temps, une heure par jour  («The Literacy Hour»), généralement le matin, doit être consacrée à l'enseignement de l'anglais. Les autres matières de base obligatoires (''foundation subjects''), au nombre de sept, sont les suivantes: la technologie et l'éducation physique, l'histoire, la géographie, l'art et la musique, une langue étrangère. C’est l'article 354 de la Loi scolaire (Education Act) qui précise les programmes nationaux:

Education Act 1996

Article 354

1) The core subjects are-

(a) mathematics, English and science, and
(b) in relation to schools in Wales which are Welsh-speaking schools,
Welsh.

2) The other foundation subjects are-

(a) technology and physical education,
(b) in relation to the first, second and third key stages, history, geography, art and music,
(c) in relation to the third and fourth key stages, a
modern foreign language specified in an order of the Secretary of State, and
(d) in relation to schools in Wales which are not Welsh-speaking schools, Welsh.

3) In relation to schools in England-

(a) a modern foreign language is not a foundation subject in relation to the fourth key stage until the relevant date; and
(b) technology is a foundation subject in relation to pupils who entered the first year of the fourth key stage in 1993 but otherwise is not a foundation subject in relation to that key stage until the relevant date.

5) In relation to schools in Wales-

(a) a modern foreign language is not a foundation subject in relation to the fourth key stage; and
(b) technology is a foundation subject in relation to pupils who entered the first year of the fourth key stage in 1993 but otherwise is not a foundation subject in relation to that key stage.

Loi sur l'éducation de 1996

Article 354

1) Les matières principales sont:

(a) les mathématiques, l'anglais et les sciences et;
(b) le
gallois dans les écoles du pays de Galles dans lesquelles la langue d'enseignement est le gallois.

2) Les autres matières de base sont:

(a) la technologie et l'éducation physique;
(b) pour les premier, deuxième et troisième cycles, l'histoire, la géographie, l'art et la musique;
(c) pour les troisième et quatrième cycles, une
langue moderne étrangère spécifiée par arrêté de la part du secrétaire d'État et;
(d) le gallois dans les écoles du pays de Galles qui ne sont pas des écoles d'enseignement de langue galloise.

3) Dans les écoles d'Angleterre:

(a) une langue moderne étrangère n'est pas une matière de base du quatrième cycle jusqu'au moment approprié, et;
(b) la technologie est une matière de base pour les élèves qui sont entrés à la première année du quatrième cycle en 1993, mais qui ne constitue pas autrement une matière de base pour ce cycle jusqu'au moment approprié.

5) Dans les écoles du pays de Galles:

(a) une langue moderne étrangère n'est pas une matière de base pour le quatrième cycle, et:
(b) la technologie est une matière de base pour les élèves qui sont entrés à la première année du quatrième cycle en 1993, mais qui ne constitue pas autrement une matière de base pour ce cycle.

Le gouvernement britannique est d’avis que l’anglais devrait être la langue de l’enseignement dans toutes les écoles, sauf au pays de Galles où cette langue peut être indifféremment l’anglais ou le gallois. En vertu de l'Education Act, le premier souci des autorités est de veiller à ce que tous les élèves aient une bonne connaissance de la langue anglaise. Il appartient strictement aux écoles de déterminer les programmes qu'elles doivent proposer et ceux qui répondent aux besoins spécifiques de leurs élèves. Le gouvernement estime que, sans cette connaissance, les enfants dont l’anglais n’est pas la langue maternelle ne pourraient pas saisir toutes les chances que l’école peut leur offrir; ils ne pourraient pas non plus participer pleinement, dans leur vie adulte et professionnelle, à la vie de la société britannique.

Toutefois, il est possible d'enseigner dans une autre langue (p. ex. le gallois, le cantonais, l’hindi, l'ourdou, le pachtou, le pendjabi, le sindhi, etc.) à la condition d'accorder un minimum d'heures égales à l'anglais; dans le cas des langues minoritaires, seul le gallois est enseigné de façon générale comme matière d’enseignement, mais seulement au pays de Galles. Selon les statistiques officielles, quelque 200 langues maternelles différentes sont représentées dans les écoles britanniques, et il est possible d’en trouver jusqu’à 60 différentes dans une seule école. D’après le gouvernement britannique, dispenser l’enseignement prévu par le programme national dans autant de langues maternelles ne serait tout simplement pas réalisable.

- La langue seconde

Tous les Britanniques sont tenus d'étudier une langue seconde: c'est plus souvent le français, mais l'allemand, l'espagnol et le russe conservent des positions enviables. Le nouveau Programme national impose désormais que les établissements secondaires proposent une des langues de travail de l'Union européenne. Cette condition remplie, d'autres langues peuvent être proposées selon les souhaits de chaque école. Il n'y a dans le pays aucune politique en faveur de l'apprentissage des langues régionales du Royaume-Uni.

Cela dit, grâce au programme d'éducation à la citoyenneté des établissements secondaires, dont l'introduction dans le programme scolaire national du Royaume-Uni était prévue pour septembre 2002, tous les élèves devaient, pour la première fois, recevoir un enseignement sur la diversité des identités nationales, religieuses et ethniques et sur la nécessité du respect et de la compréhension mutuels. Dans le cadre de la nouvelle «politique nationale d'éducation personnelle, sociale et sanitaire», on enseigne dorénavant aux élèves à respecter les différences entre les individus, à prendre conscience des sentiments et des points de vue d'autrui, à reconnaître les effets des stéréotypes, des préjugés, de la discrimination et du racisme et à développer des compétences permettant de les combattre activement. Il convient notamment de souligner le «respect de l'aire géographique de chaque langue régionale ou minoritaire», en faisant en sorte que les divisions administratives existant déjà ou nouvelles ne constituent pas un obstacle à la promotion de cette langue régionale ou minoritaire.

- Les immigrants et l'anglais

La connaissance de l'anglais par les immigrants est vivement encouragée par les autorités britanniques parce qu'il s'agit d'une condition quasi incontournable pour s'intégrer au sein de la société britannique. Au XIXe siècle et dans une bonne partie du XXe siècle, les ressortissants des anciennes colonies britanniques, regroupées dans le Commonwealth, conservaient le titre de «citoyen britannique», ce qui leur permettait de travailler librement au Royaume-Uni. La politique actuelle du gouvernement britannique consiste à favoriser une immigration sélective en émettant des permis de résidence et de travail en fonction de l’âge, de la qualification professionnelle des postulants, de leur expérience et aussi de leur connaissance de l’anglais. Autrement dit, les immigrants doivent parler correctement l’anglais avant même d’être admis sur le territoire afin de participer pleinement à la vie sociale et démocratique de leur pays d’accueil.

En janvier 2016, le premier ministre britannique, David Cameron, déclarait que «les musulmanes qui ne maîtrisent pas suffisamment l'anglais» pourraient être expulsées du Royaume-Uni, une menace destinée, selon lui, à lutter contre la ségrégation sexuelle. Dans une tribune publiée dans le Times, David Cameron affirmait:

We will now say: if you don't improve your fluency, that could affect your ability to stay in the UK. This will help make it clear to those men who stop their partners from integrating that there are consequences. [Désormais, nous allons dire: si vous n'améliorez pas votre maîtrise de la langue, cela pourrait nuire à votre capacité à rester au Royaume-Uni. Cela aidera ces hommes qui empêchent leurs partenaires de s'intégrer à comprendre qu'il y a des conséquences.]

Selon David Cameron, les chiffres montrent que 190 000 musulmanes (22 %), dont beaucoup vivent au Royaume-Uni depuis des décennies, parlent peu ou pas du tout l'anglais. Ces déclarations interviennent alors que son gouvernement vient de lancer un fonds doté de 20 millions de livres (26 millions d'euros) pour aider des musulmanes à améliorer leur connaissance de l'anglais. Le premier ministre a aussi déclaré sur la BBC que la non-maîtrise de l'anglais pouvait rendre les musulmans britanniques plus vulnérables aux messages des groupes extrémistes. Ces commentaires ont suscité les critiques des organisations musulmanes et du parti d'opposition travailliste.

5.4 La langue de travail

Enfin, dans le domaine du travail et des affaires, l'anglais demeure sans rival. Toute l'activité économique se déroule exclusivement en anglais, excepté dans les commerces ethniques d'origine indo-pakistanaise où l'hindi, l'ourdou, le sindhi, etc., sont utilisés. Un fait révélateur: les chiffres de l’emploi pour l’été 1998 indiquaient des taux de chômage généralement plus élevés parmi les «minorités ethniques». 

En ce qui a trait à l'affichage commercial, celui-ci n'est soumis à aucune loi ni à aucun règlement; il existe de nombreuses affiches bilingues, mais elles ne sont pas le résultat d'un aménagement linguistique. Le gouvernement du Royaume-Uni s'est tout de même engagé à exclure de sa législation toute disposition interdisant ou limitant sans raisons justifiables le recours aux langues minoritaires dans les documents relatifs à la vie économique ou sociale, et notamment dans les contrats de travail et dans les documents techniques tels que les modes d'emploi de produits ou d'équipements. 

5.5 Les médias

Le Royaume-Uni a pris des mesures en ce qui a trait aux médias et les langues régionales. Ainsi, la Convention de la BBC prévoit que les services fournis par cette dernière doivent comprendre des émissions reflétant la vie et les préoccupations des auditoires locaux et nationaux. Ces émissions doivent aussi compter une proportion et une variété raisonnables de programmes destinés aux publics nationaux et réalisés en Irlande du Nord, en Écosse, au pays de Galles et dans des régions d‘Angleterre autres que Londres et le Sud-Est.
 
La BBC administre présentement quelque 40 stations de radio locales en Angleterre et dans les îles Anglo-Normandes et six autres pour les auditoires (les «Nations») de l'Écosse, du pays de Galles et d‘Irlande du Nord. Une loi de 2003 sur les communications requiert de l‘OFCOM (''
Office of Communications'') qu‘il inclut dans les permis des services régionaux de ''Channel 3'' des mesures destinées à garantir qu‘un temps suffisant soit accordé à l‘offre adéquate de programmes régionaux (de haute qualité) et comprenant des informations dont une certaine proportion doit être diffusée aux heures de grande écoute (ou à un horaire similaire).

De plus, l‘OFCOM doit fixer des exigences destinées à garantir une proportion adéquate d'émissions régionales, lesquelles doivent être réalisées dans chaque région et, le cas échéant, à produire des programmes locaux. En vertu de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, le Royaume-Uni entend maintenir et développer des relations entre les groupes pratiquant une langue régionale ou minoritaire et d'autres groupes du même État parlant une langue pratiquée sous une forme identique ou proche, ainsi que l'établissement de relations culturelles avec d'autres groupes de l'État pratiquant des langues différentes.  

6 La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires

Dans le passé, le Royaume-Uni ne s'est jamais préoccupé de la protection des groupes minoritaires, si ce n'est pour les faire disparaître. Le gouvernement de Sa Gracieuse Majesté s’est toujours organisé, en effet, pour neutraliser les revendications des minorités nationales. Autrement dit, jusqu’en 1998, le gouvernement britannique a toujours pratiqué une politique linguistique rétrograde. Jamais, le Royaume-Uni n’a voulu favoriser l'emploi des langues régionales ou minoritaires dans la vie publique, que ce soit dans l'enseignement, la justice, l’administration gouvernementale et les services publics, les médias, les activités et équipements culturels, la vie économique et sociale, etc. Il n'était pas dû au hasard que, dans la plupart des colloques internationaux portant sur l'aménagement linguistique, les Britanniques n’ont jamais été très nombreux et n’ont eu jusqu’ici très peu à dire sur la question des minorités.

Depuis quelques décennies, les revendications des minorités se sont fait entendre de plus en plus fortement, particulièrement en Écosse et au pays de Galles où le nationalisme est plus exacerbé. En Irlande du Nord, la politique britannique s’est avéré un échec sur toute la ligne, surtout depuis l’imposition en 1972 de la loi martiale. En tant que membre de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe (depuis 1949), le Royaume-Uni a fait longtemps figure de participant récalcitrant en matière de protection linguistique, alors qu’il est à l’origine de la démocratie occidentale moderne.

Pour toutes ces raisons, le Royaume-Uni ne pouvait adhérer à cette «Europe des peuples» dont il voulait pourtant faire partie. Cependant, le gouvernement britannique a finalement senti le besoin non seulement d’assouplir sa politique linguistique, mais également d’accorder à ses «minorités ethniques» une certaine autonomie politique.

Qui plus est, le gouvernement britannique a manifesté son intention de signer (ce qui a été fait au 2 mars 2000) et a ratifié (au 27 mars 2001) la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Voici une déclaration officielle (en date du 4 juin 1998) du gouvernement à ce sujet:

Le gouvernement de Sa Gracieuse Majesté a étudié de près l'opportunité pour le Royaume-Uni de devenir un des signataires de la Charte qui est entrée en vigueur le 1er mars 1998. Nous avons conclu qu'il y aurait lieu de le faire. La partie II de la charte énonce des principes généraux de reconnaissance des langues minoritaires indigènes, d'assistance à ces langues et d'élimination de la discrimination dont elles feraient l'objet. Nous souscrivons pleinement à ces principes. Nous envisageons de spécifier le gallois pour le pays de Galles et, dès que les éléments pertinents de procédure seront en place, le gaélique pour l'Écosse, conformément aux dispositions de la partie III qui exigent des mesures spécifiques en faveur de l'emploi de ces langues dans la vie publique. Nous prévoyons également de spécifier l'irlandais pour l'Irlande du Nord, à une date ultérieure. La partie II de la Charte s'appliquera à l'écossais. Nous examinerons quelles autres langues pourraient, le cas échéant, bénéficier des principes généraux de la partie II et, en temps voulu, être spécifiées selon la partie III.

De fait, le gouvernement britannique a conclu à la pertinence de signer la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. La décision a fait l’objet d’une déclaration publique aux cours d’une conférence portant sur la Community Language Planning. La politique linguistique du Royaume-Uni a donc pris un tournant radical. Elle reconnaît maintenant l’importance du respect, de la compréhension et de la tolérance en matière de diversité linguistique, que ce soit pour le gallois, l’écossais, l’irlandais ou de toute autre langue des diverses «minorités ethniques». Le 2 mars 2000, le gouvernement britannique a signé la Charte. Il ne lui restait plus qu’à la ratifier, ce qui a été fait le 27 mars 2001, pour entrer en vigueur le 1er juillet 2001.

7 La politique d'internationalisation linguistique

L'agence britannique, le British Council, sert d'instrument privilégié pour propager la diffusion de l'anglais dans le monde. L'agence estime qu'environ la moitié de la population du monde, c'est-à-dire trois milliards d'individus, parlera l'anglais dans seulement une décennie, alors que deux milliards de personnes seront profondément impliquées dans l'usage de cette langue. Déjà, maintenant, la situation est telle que le nombre des locuteurs de l'anglais langue seconde dépasse celui des locuteurs «natifs» ou de langue maternelle anglaise. Depuis quelques décennies, l'anglais est devenu la langue seconde dans de nombreux pays qui sont témoins d'une bousculade folle, en particulier parmi la jeune génération avide d'apprendre cette langue pour des raisons avant tout économiques, mais également culturelles et pour favoriser aussi les communications.  En Asie seulement, on compte 350 millions d'utilisateurs de l'anglais, ce qui correspond à la population réunie des États-Unis, de la Grande-Bretagne et du Canada. Dans une décennie, 100 millions de Chinois connaîtront l'anglais. Et ce n'est, semble-t-il, que le commencement!

Le rapport The Future of English? («l'avenir de l'anglais») publié par le British Council's English 2000 explore une série de possibilités pour l'avenir de l'anglais avec un thème commun : le monde est en train de changer et affectera notre utilisation de la langue. Le but premier de ce rapport semble être de stimuler le débat sur l'avenir de l'anglais dans le monde et ses implications pour les entreprises britanniques. Pour cette raison, le rapport ne se risque pas à prédire un avenir précis, mais soulève de multiples questions.

En effet, combien de locuteurs parleront l'anglais en 2050? À quelle sorte d'anglais y aura-t-il lieu de s'attendre? Les gens vont-ils s'approprier les ressources culturelles que leur offrira l'anglais ou emploieront-ils simplement l'anglais comme langue véhiculaire ou comme outil pratique sur le plan commercial? Quels seront les effets de la mondialisation sur le marché de la langue anglaise? L'anglais devra-t-il faire face à l'apparition de grandes communautés linguistiques qui défieront sa prédominance? Comment l'anglais contribue-t-il à la modernisation économique des pays nouvellement industrialisés? Est-ce qu'Internet restera le «vaisseau amiral» de la mondialisation en anglais? La diffusion de l'anglais entraînera-t-elle la disparition de plus de la moitié des langues du monde avant la fin du XXIe siècle? Chose certaine, il est peu probable que les grandes langues nationales, au nombre d'environ une centaine, accepteront leur liquidation au profit de l'anglais. Plus on examine de près les causes historiques et les tendances actuelles, plus il devient clair que l'avenir des langues deviendra fort complexe.

D'ailleurs, c'est le point de vue du linguiste britannique David Graddol, qui se préoccupe depuis plusieurs années du sort des langues à l'échelle mondiale. Il a publié en 1997 un rapport de 130 pages sur le sujet; il est intitulé English Next. Pour David Graddol, l'Europe actuelle serait en train de se désintégrer en raison de ses nations et de ses langues nationales, qui correspondent à des survivances de l'époque de la Renaissance et de l'avènement des médias que les anglophones appellent la «modernity». Même si de nombreuses langues sont appelées à disparaître, Graddol admet que, à côté de l'anglais, subsisteront forcément d'autres grandes langues internationales, notamment le chinois, l'espagnol et l'arabe, qui se feront alors concurrence. Autrement dit, l'anglais ne deviendrait jamais la langue mondiale «à l'exclusion de toutes les autres», surtout en Asie et au Proche-Orient. Dans un article article intitulé «The Future of English» publié en 2004 dans la revue Sciences, David Graddol a formulé des hypothèses sur l'évolution des langues internationales en affirmant, par exemple, qu'à l'avenir l'anglais ne serait plus la seule langue mondiale et que, vers 2050, le chinois, l'hindi (et l'ourdou) et l'arabe deviendraient les langues les plus utilisées.

N’oublions pas que la politique linguistique du Royaume-Uni actuel est le résultat d'une longue tradition de répression exercée par l'Angleterre à l'égard de ses voisins dont elle a conquis les territoires et assimilé toutes les langues (gallois, gaélique écossais, irlandais, mannois, franco-normand, cornique). Maintenant que les langues nationales minoritaires ne peuvent plus constituer un danger pour l’anglais, leur survie étant devenue précaire, on pourrait croire que le gouvernement de Sa Gracieuse Majesté peut maintenant se payer le luxe de la générosité en accordant une certaine autonomie politique aux Écossais, aux Gallois et au Irlandais, qui pourront dorénavant tenter de restaurer leur langue ancestrale et de gérer leurs propres affaires.

Il est vrai que les réformes du Royaume-Uni étaient nécessaires, mais elles semblent arriver trop tard dans la mesure où l’assimilation est devenue une réalité incontournable pour les minorités nationales (appelées officiellement «minorités ethniques»). Malheureusement, plus rien n’empêchera la très grande majorité des Écossais, des Gallois et des Irlandais (sans parler des Mannois et des Anglo-Normands) de continuer à s’exprimer naturellement en anglais dans leur vie quotidienne, à leur travail ou à l’école. Peu importe les subventions gouvernementales de Sa Gracieuse Majesté, les directives de l’Union européenne, la restauration des gouvernements régionaux ou les campagnes de promotion linguistique, l’imaginaire collectif de toutes les minorités nationales continuera de se manifester en anglais. Le gallois, le gaélique écossais et l’irlandais risquent de demeurer des «langues de décoration» qu’on trouvera dans les lois, les noms de rue, les menus de restaurant, etc., mais pas dans la vraie vie. Ces langues ont plus de chance de demeurer des symboles de l’identité collective des sujets «autochtones» de Sa Gracieuse Majesté que de devenir des instruments de communication généralisés dans la vie quotidienne.


Dernière mise à jour: 16 déc. 2019
 


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