Proche-Orient - Moyen-Orient - Extrême-Orient

(Asie occidentale)

1 La tripartition de l'Orient

Les termes Proche-Orient, Moyen-Orient et Extrême-Orient désignent trois maillons d’une chaîne qui s’étend d’ouest en est, à travers le continent asiatique. En principe, ces termes ne sont pas interchangeables, car ils ont des significations précises.

Ce sont des termes eurocentriques qui proviennent de l'anglais: "Near East" (traduit en «Proche-Orient»), "Middle East" (pour «Moyen-Orient») et "Far East" (pour «Extrême-Orient). L'invention de ces notions à la fin du XIXe siècle (vers 1890), probablement par le "British India Office", est le résultat de la mainmise de l’Europe (surtout la Grande-Bretagne et la France) sur l’ensemble de l’Asie, puisque c'est en fonction de l'Europe qu'on distingue ces notions de «proche», de «moyen» et d'«extrême». Les trois régions ainsi découpées à l'occidentale apparaissent chacune centrée sur un pays clé : la Turquie pour le Proche-Orient, la Perse ou l'Iran pour le Moyen-Orient et la Chine pour l’Extrême-Orient.

La différence entre les termes Proche-Orient et Moyen-Orient correspond à la fois au centrage et au cadrage. Alors que le Proche-Orient est centré sur la région libano-israélienne, le Moyen-Orient est centré sur le golfe Persique. Au cadrage, le Proche-Orient occupe un espace restreint, tandis que le Moyen-Orient correspond à une superficie plus étendue.

Quant à l'Extrême-Orient, il se situe à un espace plus éloignée de l'Europe, d'où l'adjectif «extrême», et occupe un superficie encore plus grande (Chine, Japon, et l'ex-Indochine).

2. Le Proche-Orient et le Moyen-Orient

Avant la Première Guerre mondiale, la distinction entre le Proche-Orient et le Moyen-Orient était la norme. Après la disparition de l'Empire ottoman, le terme de "Near East", qui y était grandement lié parut inadéquat pour les Américains qui se sont mis à employer "Near and Middle East" («Proche-et-Moyen-Orient), expression apparaissant dès 1920 dans les articles du New York Times. Par conséquent, le terme "Near East" parut inutile et fut graduellement remplacé par celui de "Middle East" vers 1957, ce qui incluait l’Égypte, la Turquie, l’Irak, la Perse, la Syrie, le Liban, la Jordanie, Israël, l’Arabie Saoudite, les Émirats du Golfe, le Koweït, Bahreïn, le Qatar et le Yémen.

Pourtant, ce remplacement du mot «Moyen-Orient» et son extension au détriment de «Proche-Orient» créa certains malaises, comme en témoigne Winston Churchill dans ses mémoires en 1950:

J’ai toujours senti que le nom de «Moyen-Orient» pour l’Égypte, le Levant, la Syrie et la Turquie était mal choisi. C’était le Proche-Orient. La Perse et l’Irak étaient le Moyen-Orient; l’Inde, la Birmanie et la Malaisie, l’Orient; et la Chine et le Japon, l’Extrême-Orient.

Non seulement les termes Proche-Orient et Moyen-Orient ne sont pas synonymes, mais le Proche-Orient peut correspondre à deux représentations géopolitiques différentes.

En fait, la distinction entre Proche-Orient et Moyen-Orient apparaît davantage aujourd'hui comme une notion européenne, notamment française, alors que l'anglo-américain incorpore les deux notions. Bref, le Proche-Orient n'existe plus en anglais, grâce aux Américains. Pour simplifier, on peut affirmer qu'on parle français quand on distingue les deux termes; on parle anglais quand on supprime le Proche-Orient au profit du Moyen-Orient. En fait, c'est plus complexe, car il faut tenir compte des autres langues qui ont parfois leur propre répartition.

Par exemple, l'espagnol et le portugais opposent aussi "Oriente Próximo" (Proche-Orient) à "Oriente Medio" (Moyen-Orient); il en est ainsi en catalan avec "Orient Pròxim" et "Pròxim Orient". Pour sa part, l'italien emploie l'expression "Grande Medio Oriente" (le «Grand Moyen-Orient») en incluant les deux notions. En allemand, on distingue le "Nahen Osten" (Proche-Orient), le "Mittleren Osten" (Moyen-Orient) et le "Fernen Osten" (Extrême-Orient), comme en français.

Cependant, étant donné que la définition des termes Proche-Orient et Moyen-Orient est bien relative, les significations varient selon les pays et sont généralement différentes des termes en anglais. En allemand, le terme Proche-Orient ("Nahen Osten") est encore grandement employé — aujourd'hui le terme "Mittleren Osten" est de plus en plus courant, bien qu'avec une signification différente dans les textes de presse traduits de sources anglaises — ainsi qu'en russe "Ближний Восток" («Blizhniy Vostok»), en bulgare "Близкият изток" («Blizkiya Iztok»), en polonais "Bliski Wschód", en slovène "bližnjem vzhodu" ou en croate "Bliski istok" — qui signifie «Proche-Orient» dans les cinq langues slaves — reste le seul terme approprié pour la région.

Par conséquent, en français comme en d'autres langues, la Turquie, Chypre, la Syrie, le Liban, Israël, la Palestine et l'Égypte sont au Proche-Orient. Tous les autres pays à l'est sont au Moyen-Orient, ce qui inclut l'Irak, l'Iran, l'Afghanistan et toute la péninsule Arabique (Arabie Saoudite, Yémen, etc.). 

Bref, l'anglais utilise le terme Middle East («Moyen Orient») en recouvrant à peu près les mêmes acceptions qu'en français, mais en y ajoutant le Pakistan en plus du Proche-Orient. Dans tous les cas, les mots Proche-Orient et Moyen-Orient englobent des pays de l'Asie occidentale.

En somme, en français, on distingue le Proche-Orient du Moyen-Orient, alors que l'anglais privilégie Middle East en absorbant le Near East (ou Proche-Orient). En Europe, les Britanniques ont longtemps employé Near East (le «Proche-Orient»), mais comme les Américains ils ont fini par remplacer "Near East" par "Middle East". Le français ne s'est pas aligné sur l'anglais, comme beaucoup d'autres langues.

Peut-être en raison de l'influence de la presse occidentale, l'équivalent arabe du Moyen-Orient (الشرق الأوسط ash-Sharq al-Awsa main) est devenu un usage courant dans la presse arabe traditionnelle et contient la même signification que le terme Middle East. En somme, le Proche-Orient présente une partie plus restreinte que le Moyen-Orient qui couvre une superficie plus grande, mais surpassée par l'Extrême-Orient. Il n'en demeure pas moins que l'emploi de trois termes est plus précis que seulement deux.

Par contre, l'Azerbaïdjan, le Turkménistan, l'Ouzbékistan et le Tadjikistan font partie de l'Asie centrale, alors que le Vietnam fait partie de l'Asie du Sud-Est en Extrême-Orient.

3 L'Extrême-Orient

L'Extrême-Orient est la partie orientale de l'Asie, comprenant l'Asie de l'Est — Japon, Mongolie, Corée du Nord, Corée du Sud, Chine, etc. —, l'Asie du Sud-Est — Malaisie, Birmanie, Thaïlande, Laos, Cambodge, Viêtnam, Indonésie, etc. — et l'Extrême-Orient russe. En fait, le terme «Extrême-Orient» semble davantage une notion historique, car il a été créé au XIXe siècle pour désigner les régions situées du côté oriental de l'Eurasie, par opposition au Proche-Orient et au Moyen-Orient.

4 Les principaux groupes linguistiques

Les pays du Proche-Orient abritent trois types de peuples ou plutôt trois principaux groupes linguistiques qui se sont développés au cours des siècles :

1. les peuples de langues iraniennes (ou indo-iraniennes);

2. les peuples langues turciques (ou altaïques);

3. les peuples de langues sémitiques, dont l'arabe et l'hébreu.

Parmi tous ces peuples, les Turcs (Turkmènes, Azéris ou Azerbaïdjanais, Ouzbeks, Tadjiks, etc.), les Arabes (Égyptiens, Syriens, etc.) et les Persans (Iraniens, Kurdes, Pachtounes, Baloutches, etc.) forment les groupes ethniques les plus importants dans cette vaste région de plus de sept millions de kilomètres carrés.

Les peuples les plus anciens sont les peuples iraniens, dont les Perses, qui se sont implantés progressivement au cours du IIe millénaire avant notre ère, puis les Hébreux (VIe siècle avant notre ère), les Turcs (en l'an 1000 de notre ère) et, plus tard, les Arabes (vers 650).

Parmi les peuples disparus du Proche-Orient, citons les Sumériens, les Phéniciens, les Babyloniens, les Assyriens, les Akkadiens, les Égyptiens, etc.

5  Le Croissant fertile

La région du Proche-Orient est associée à l'expression «Croissant fertile», désignant les anciennes régions de la Mésopotamie et du Levant. Ce territoire comprend les États actuels du Koweït, de la Syrie, de Chypre, du Liban, de la Palestine et d'Israël, ainsi que des parties de l'Égypte, de la Jordanie, de l'Irak et du sud-est de la Turquie. En fait, le Croissant fertile désigne une zone géographique irriguée par le Jourdain, l'Euphrate, le Tigre et le Nil. Il s'étend donc au Proche-Orient sur des plaines alluviales riches en terres fertiles; l'agriculture néolithique y aurait d'ailleurs pris naissance.

Cette entité géographique d'environ 400 000 à 500 000 km² doit son nom à la forme qu'elle affiche sur une carte, l'arc formé ressemblant à un croissant. Près de 40 à 50 millions de personnes y vivraient.

Ce terme de «Croissant fertile» (en anglais: "Fertile Crescent") aurait été donné par l'archéologue James Henry Breasted (1865-1935) de l'Université de Chicago.

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