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République d'Estonie
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(3)
La politique
linguistique estonienne
à l'égard des minorités nationales |
1 Données démolinguistiques
 |
En plus de la
valorisation de sa langue officielle, lEstonie a développé une politique linguistique
à légard de ses minorités nationales. Rappelons que
les principales minorités nationales de ce pays parlent le
russe (23,2 %), le võro (4,4 %), l'ukrainien (1,6 %),
le biélorusse (0,9 %), le finnois (0,5 %), le yiddish (0,1 %),
le tatar (0,1
%), le letton (0,1 %), le lituanien (0,1 %), le polonais (0,1%),
l'allemand (0,1%), l'arménien, etc. En Estonie, 64,4 % de la population parle la langue officielle comme
langue maternelle, comparativement à 54,5 % en Lettonie et 75,5
% en Lituanie. Les principaux textes juridiques traitant des langues des minorités nationales
sont, outre la
Constitution de 1992,
la Loi sur l'organisation des administrations
locales (1993); la
Loi sur la citoyenneté
(1995), la
Loi sur les réfugiés
(1997), la
Loi sur les
étrangers (2009), la
Loi sur la
langue (2011), la
Loi sur les écoles
primaires et secondaires supérieures (2010) et la
Loi sur
l’autonomie culturelle des minorités nationales (1993). Ajoutons à cela la Convention-cadre
pour la protection des minorités nationales du Conseil de l’Europe,
signée le 2 février 1995, ratifiée le 6 janvier 1997 et entrée en vigueur le
1er février 1998. |
1.1 Les minorités nationales
Selon les données du recensement officiel de
2012, l'Estonie comptait 1,3 million d'habitants qui se répartissaient comme
suit :
Ethnie |
Population |
Pourcentage |
Langue maternelle |
Estoniens |
844 000 |
64,4 % |
estonien |
Russes |
305 000 |
23,2 % |
russe |
Võros |
58 000 |
4,4 % |
võro
|
Ukrainiens |
21 000 |
1,6 % |
ukrainien |
Biélorusses |
12 000 |
0,9 % |
biélorusse |
Finlandais |
7 000 |
0,5 % |
finnois |
Juifs de l'Est |
1 800 |
0,1 % |
yiddish de l'Est |
Tatares |
1 800 |
0,1 % |
tatar |
Lettons |
1 600 |
0,1 % |
letton |
Lituaniens |
1 600 |
0,1 % |
lituanien |
Polonais |
1 500 |
0,1 % |
polonais |
Allemands |
1 400 |
0,1 % |
allemand |
Arméniens |
1 300 |
0,0 % |
arménien |
Azerbaïdjanais du Nord |
900 |
0,0 % |
azéri |
Roms |
400 |
0,0 % |
romani |
Komi-Yazva |
90 |
0,0 % |
komi |
Vepses |
50 |
0,0 % |
vepse |
Autres |
50 000 |
3,8 % |
- |
Total (2012) |
1 309 440 |
1000 % |
- |
Soulignons que l'Estonie ne compte qu'un petit nombre de minorités
nationales dénombrant au moins 3000 locuteurs: les Russes, les Ukrainiens, les
Biélorusses et les Finnois, d'après les données gouvernementales. D'après les
données de Joshua Project, il faudrait ajouter les Juifs, les Allemands et les
Tatars. Seules les minorités nationales
comptant plus de 3000 membres peuvent bénéficier du statut d'autonomie
culturelle. Actuellement, plus de 300 000 Russes vivent en Estonie, soit 23 %
de la population. À Tallinn, les non-Estoniens constituent 66,1 % de la
population; à Narva, qui est la zone industrielle dans le nord-est du pays,
ils représentent environ 97 % de la population, dont 90 % de russophones. On
dénombrerait près d'une centaine de communautés culturelles.
Bien que la plupart des personnes
d’origine autre qu'estonienne soient en général considérées collectivement comme des
«russophones» qui utilisent le russe comme leur première et principale langue de
communication en société, il existe en réalité une centaine de groupes
minoritaires vivant en Estonie, dont beaucoup utilisent comme langue maternelle
une autre langue que le russe. À l’heure actuelle, il manque certaines données
sur la situation de certaines petites communautés minoritaires, dont quelques-unes
peuvent se heurter à des problèmes particuliers en raison de leur religion ou de
leur culture; cela semble le cas de la religion musulmane qui serait mal perçue
en Estonie malgré la présence de plusieurs communautés musulmanes.
Du fait que la société estonienne
soit multiculturelle, le
Code pénal
de 2001 criminalise toute incitation à la haine raciale, ethnique, religieuse,
linguistiques, etc.
Article 151
Poursuites judiciaires pour
incitation à la haine.
1) Tout individu se livrant
à des activités incitant à la haine ou à la violence en relation
avec l’ethnie, la race, la couleur, le sexe,
la langue, l’origine, la
religion, les opinions politiques ou autres, la fortune ou le statut
social est passible d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement
d’une durée pouvant aller jusqu’à trois ans.
Article 152
Violation du principe d’égalité
des droits.
1) Toute restriction
illégale des droits individuels ou toute préférence illégale
manifestée vis-à-vis d’une personne
sur la base de l’ethnie, de la
race, de la couleur, du sexe, de la langue, de l’origine, de la
religion, des opinions politique ou autres, de la fortune ou du
statut social est punie d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement
d’une durée pouvant aller jusqu’à douze
mois.
Article 153
Discrimination fondée sur les
risques d’hérédité.
1) Toute restriction
illégale des droits individuels ou toute préférence illégale
manifestée à l’égard d’une personne sur la base des risques
d’hérédité est punie d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement
d’une durée pouvant aller jusqu’à douze mois. |
L'article 153 punit une infraction
d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée pouvant aller jusqu'à
douze mois.
1.2 Les russophones
En Estonie, ce sont les russophones qui constituent la minorité la plus
importante. D'après Statistics Estonia (2013), les russophones forment 25,2 %
de la population, mais ils sont répartis de façon inégale dans les 15 comtés.
Comté |
Russophones |
Pourcentage |
Viru-Est |
106 664 |
72,8% |
Harju |
180 477 |
31,3% |
Tartu |
17 572 |
12,2% |
Pärnu |
6 372 |
8,0% |
Viru-Ouest |
5 472 |
9,6% |
Valga |
3 730 |
12,2% |
Jõgeva |
2 126 |
7,0% |
Ouest (Lääne) |
1 851 |
8,0% |
Viljandi |
1 215 |
2,7% |
Võru |
1 170 |
3,4% |
Rapla |
1 108 |
3,8% |
Põlva |
1 088 |
3,7% |
Järva |
801 |
2,7% |
Saare |
284 |
1,0% |
Hiiu |
58 |
0,7% |
Total |
324 431 |
25,2% |
|
 |
En effet, la population russophone par comté
révèle que les membres de cette communauté représentent 72,8% du
comté de Viru-Est (Ida-Virumaa),
mais 31,3% dans le comté de Harju, 12,2% dans les comtés de Tartu et
de Valga, 9,6% dans le comté de Viru-Ouest (Lääne-Viru),
8% dans les comté de Pärnu et celui de l'Ouest (Lääne), 7% dans le
comté de Jövega, plus de 3 % dans les comtés de Võru, de Rapla et de
Pölva, plus de 2 % dans les comtés de Viljandi et de Järva; il reste
de toutes petites communautés russophones dans les îles de Saare
(1%) et de Hiiu (0,7 %). En somme, les russophones sont présents
dans tous les comtés, mais en des proportions fort inégales.
Il faut donc relativiser la
carte de gauche, car elle ne montre pas la répartition des russophones
dans les villes de résidence. La répartition de cette population
révèle que les Estoniens non estanophones représentent plus de 50 % de la population dans des villes telles Sillamäe (95,7%), Narva (95,1%), Narva-Jõesuu (84,8%), Kohtla-Järve (82,2), Maardu (80,1%), Kallaste (78,9%), Paldiski (70,3%), Loksa (67,3%), Jõhvi
(66,8%), Kiviõli (60,6%), Mustvee (59,3%) et Püssi (51,3%). |
Les villes de Kiviõli, de Kohtla-Järve, de Narva, de Narva-Jõesuu et
de Sillamäe (voir la carte) sont toutes des villes du comté de Viru-Est (ou Ida-Virumaa). Les problèmes d'intégration sont particulièrement
évidents dans les grandes villes de Viru-Est et de
Harju, car la méconnaissance de l'estonien apparaît moins comme un
handicap. Les individus sans citoyenneté estonienne habitent généralement dans les villes,
alors que les citoyens estoniens constituent plus de 95% des habitants des zones
rurales. Depuis 1989, le nombre
des locuteurs parlant la langue officielle (l'estonien) a augmenté
de façon significative, alors que seulement 15 % de la population
russophone pouvait s'exprimer en estonien. En 2005, cette proportion
avait augmenté à 42% des russophones qui pouvaient s'exprimer
activement estonien (c'est-à-dire pouvoir communiquer en estonien
«bien» ou «au niveau intermédiaire»). Il y a eu également une
augmentation continue du nombre de locuteurs d'autres nationalités
qui communiquent en estonien: 10 % disent communiquer en estonien
seulement, 48 % en plusieurs langues et seulement 40% utilisent
seulement la langue russe communiquer. En même temps, au cours des
dernières années, le nombre de locuteurs dont la langue maternelle
n'est pas l'estonien et qui considèrent que la connaissance de
l'estonien est importante représentent 84 % de la population
adulte.
La situation peut varier d'une région à l'autre. En 2005, à
Tallinn, 16% des russophones ne pouvait pas parler estonien, tandis
qu'à Narva ce nombre était de 62%, c'est-à-dire qu'il était quatre
fois plus élevé.
1.3 L'intégration des minorités et la
citoyenneté estonienne
Lors du recensement de 2011, l'Estonie comptait au 31 décembre
quelque 1,2 million de personnes, dont 24% était composé de
personnes d'origine étrangère : 12 % de celles-ci correspondaient à
la première génération, 8 % à la seconde et 4 % à la troisième. Au
sujet de l'usage de la langue estonienne, les statistiques révèlent
que seulement 30 % de la population d’origine étrangère de première
génération, dont l’âge moyen est de plus de 60 ans, maîtrise
l’estonien, alors que ce taux est d’environ 60 % pour la seconde
génération et la troisième.
|
|
Pourcentage de la population |
Nombre |
1 |
Estoniens ayant
la citoyenneté estonienne |
70 % |
916 608 000 |
2 |
Russes ayant la
citoyenneté estonienne |
13 % |
170 227 200 |
3 |
Russes ayant la
citoyenneté russe |
7 % |
91 660 000 |
4 |
Autres groupes
ethniques ayant une citoyenneté étrangère
|
1,5 % |
19 641 600 |
5 |
Personnes ayant
une citoyenneté indéterminée |
9,5 % |
124 396 800 |
|
Total
(2011) |
100 % |
1 309 440 |
|
Le
recensement de 2011 révélait que 70 % des Estoniens (n°
1) possédaient la citoyenneté estonienne, contre 13 %
pour les russophones (n° 2) qui représentent pourtant 23
% de la population totale. En ce qui a trait à la citoyenneté, le
tableau indique que le taux de la population de
citoyenneté indéterminée (n° 5) atteignait 9,5 % de la
population totale, tandis que ce taux était
encore à 12 % en 2000. Les personnes détenant la citoyenneté russe
(n° 3) représentent pour leur part 7% de la population globale.
Il faut aussi
tenir compte du fait que les
groupes 4 et 5 sont plus hétérogènes par rapport aux
autres groupes. Alors que les autres groupes reflètent
une combinaison d'identité ethnique et de citoyenneté,
dans un souci de clarté, l'analyse ne tient pas compte
des identités ethniques des personnes ayant une
citoyenneté indéterminée. |
En somme, on peut considérer que 100 % des estonophones ont la
citoyenneté estonienne, alors que ce taux serait de 56 % (23 % - 13
%)
pour les russophones. Cependant, force est de reconnaître que les
russophones de Tallinn, de Pärnu ou de Tartu, en particulier les
jeunes, s'intègrent généralement bien dans la société estonienne et
maîtrisent la langue officielle. Par contre, les russophones de Narva, de Sillamäe, de Jöhvi, villes
situées dans des régions à fort peuplement
russophone, se sentent complètement coupés du reste de l’Estonie;
ils n'ont que rarement l'occasion de pratiquer leurs rudiments
d'estonien. D'ailleurs, c’est dans le comté de Viru-Est (Ida-Virumaa)
que se trouvent concentrés la plupart des problèmes liés à
l'intégration en Estonie. De fait, la population de ces régions ne s’y sent ni
vraiment estonienne ni vraiment russe. Pour les estonophones, les
autres minorités ukrainiennes,
biélorusses, finnoises, allemandes, etc., sont considérées à tort ou
à raison comme des russophones.
Les personnes ayant une citoyenneté indéterminée sont des
«non-citoyens» (en estonien: mitte kodanikud; en russe: ne
graždani). Les non-citoyens sont des résidents estoniens qui
n'ont aucune citoyenneté : ce sont des apatrides. Ils détiennent
généralement un «passeport gris» de non-citoyen émis par les
autorités estoniennes, une fois que les passeports soviétiques n'ont
plus été valides. Plus de 120 000 résidents apatrides... c'est
beaucoup.
2 Le droit à lidentité ethnique et à lautonomie
culturelle
Les droits des minorités
nationales sont abordés par la Constitution et de plusieurs lois estoniennes.
2.1 La Constitution
Ces droits sont d'abord
garantis par la
Constitution
de 1992. Quatre
articles méritent dêtre soulignés:
larticle 12 relatif à la non-discrimination, ainsi que les articles
49, 50 et 51 relatifs à lidentité ethnique et à lautonomie
culturelle. L'article 12 énonce que tous les Estoniens sont égaux devant la loi:
Article 12
1)
Tous sont égaux devant la loi.
2)
Nul ne doit subir de discrimination fondée sur
la nationalité, la race, la couleur, le sexe, la langue, l'origine,
la religion, les idées politiques et autres, le statut économique
ou social ou autres motifs. |
L'article 49 de la
Constitution
reconnaît à tout Estonien le droit à
l'identité ethnique sur laquelle repose le multilinguisme de l'Estonie: «Toute
personne a le droit de préserver son appartenance
ethnique.» De plus, l'article 50 introduit la notion d'«autonomie culturelle»:
Article 49 Toute personne a le
droit de préserver son appartenance ethnique.
Article 50
Les minorités ethniques ont le droit, pour défendre
leur culture nationale, de créer des organismes d'autonomie, conformément aux conditions et procédures fixées par la Loi sur l'autonomie
culturelle des minorités nationales. |
Ainsi, les minorités nationales ont le droit, dans l'intérêt
de leur culture, de créer des institutions d'autonomie qui leur sont
propres.
2.2 La Convention-cadre du Conseil de
l'Europe
Cette convention européenne énonce les principes, notamment sous forme de dispositions-programme,
que les États parties s'engagent à respecter. Ainsi, lEstonie s'est engagée
notamment, dans le domaine des libertés linguistiques:
- à permettre l'utilisation
de la langue minoritaire en privé comme en public ainsi que devant
les autorités administratives;
- à reconnaître
le droit d'utiliser son nom exprimé dans la langue minoritaire;
- à reconnaître
le droit de présenter à la vue du public des informations
de caractère privé dans la langue minoritaire;
- à s'efforcer de
présenter les indications topographiques dans la langue minoritaire.
|
La
Convention-cadre pour la protection des minorités
nationales comporte, en outre, un mécanisme
de contrôle de la mise en
œuvre
de ces dispositions, qui confie au Comité des ministres du Conseil de
l’Europe, assisté d'un comité consultatif, l'évaluation de la bonne
application de la Convention.
2.3 La Loi sur l'autonomie culturelle des minorités
nationales
Conformément à ces dispositions constitutionnelles,
le gouvernement a adopté, en 1993, la Loi sur lautonomie culturelle
des minorités nationales, qui permet
aux minorités nationales d'acquérir un statut appelé «autonomie culturelle». Il sagit d'une loi-cadre destinée
à doter les organismes des minorités nationales de moyens juridiques,
culturels, éducatifs et financiers, afin de préserver
leur identité ethnique.
Il faut chercher principalement dans la
Loi sur lautonomie culturelle des minorités
nationales de 1993 pour lire d'autres dispositions en matière
linguistique. La
loi essaie d'abord de fournir une certaine définition des minorités nationales
(article 1er):
Article 1er
La présente loi considère comme minorités nationales les citoyens de
l'Estonie qui :
a) résident sur le territoire de l'Estonie;
b) maintiennent des liens de longue date, fermes et durables avec
l'Estonie;
c) sont distinct des Estoniens sur la base de leurs caractéristiques
ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques;
d) sont motivés par le souci de préserver collectivement leurs
traditions culturelles, leur religion ou leur langue constituant la base
de leur identité commune.
|
Cette définition dans la loi estonienne
reprend presque mot pour mot les principaux critères qui sont énoncés dans la
Recommandation 1201
du Conseil de l'Europe:
Article 1er
Aux fins de cette
Convention, l'expression « minorité nationale » désigne
un groupe de personnes dans un État qui :
a) résident sur le
territoire de cet État et en sont citoyens;
b) entretiennent des liens anciens, solides et
durables avec cet État ;
c) présentent des caractéristiques ethniques,
culturelles, religieuses ou linguistiques
spécifiques ;
d) sont suffisamment représentatives, tout en étant
moins nombreuses que le reste de la population de
cet État ou d'une région de cet État;
e) sont animées de la volonté de préserver ensemble
ce qui fait leur identité commune, notamment leur
culture, leurs traditions, leur religion ou leur
langue.
|
Selon la
Recommandation 1201, il faut
satisfaire à cinq conditions pour que l'on puisse parler de «minorité
nationale» (cf. les paragraphes a à e). Dans le cas de l'Estonie, on
doit constater que la condition relative à la citoyenneté exclut les immigrants de l'époque
soviétique et leurs descendants, qui n'ont pas encore reçu la citoyenneté
estonienne. Quoi qu'il en soit, la portée de cette exclusion à l'égard des non-citoyens
estoniens semble être atténuée
par deux facteurs:
- Il faut dire que le nombre des non-citoyens
estoniens diminue
progressivement. Ainsi, entre 1992 et 2000, quelque 115 000 personnes ont
obtenu leur citoyenneté et les non-citoyens représenteraient maintenant moins
de 20 % de la population ;
- L'article 6 de la
Loi sur lautonomie culturelle
des minorités nationales prévoit clairement
que les non-citoyens («les étrangers», dans le texte) peuvent participer aux activités développées par les
minorités nationales en vertu de la loi, même s'ils n'ont pas le droit de vote,
ni le droit de faire partie de la direction des organismes d'autonomie
culturelle.
Article 6
Les étrangers résidant en Estonie peuvent participer aux activités
des organismes culturels et éducatifs, ainsi qu'aux assemblées religieuses
des minorités nationales, mais ils ne peuvent pas voter, être élus ou
nommés à la direction des organismes d'autonomie culturelle. |
Autrement dit, bien que cette loi soit conçue
avant tout pour les citoyens estoniens, elle peut bénéficier également aux non-citoyens qui partagent la langue et la culture d'une minorité
nationale. Cela étant dit, la loi estonienne énonce des droits individuels, non des
droits collectifs. En effet, alors que la
Recommandation 1201 parle d'«un
groupe de personnes», la loi estonienne fait mention de
«citoyens»!
L'article 51 de la
Constitution
de 1992
concerne les droits
linguistiques dans les localités où au moins la moitié des résidants
permanents appartiennent à une minorité ethnique:
Article 51
1) Chacun a le droit de s'adresser à l'État ou à l'autorité des
collectivités locales et à leur fonction publique en estonien et d'en
recevoir des services en estonien.
2) Dans les localités où au moins la moitié des résidants
permanents appartiennent à une minorité ethnique, chacun a le droit de
recevoir des services de l'État et des autorités des collectivités
locales et à leur fonction publique dans la langue de cette minorité
ethnique. |
Bien que l'article 51,2 concerne en pratique les localités à majorité russophone situées au
nord-est du pays, les langues des autres minorités linguistiques sont possibles,
selon l'article 52,2 de
la
Constitution
:
Article 52
1) La langue officielle de l'État et des collectivités locales est
l'estonien.
2) Dans les localités où la langue de la majorité de la population
est une autre que l'estonien, les autorités des collectivités locales peuvent
employer la langue de la majorité des résidants permanents de cette
localité pour la communication interne, selon la mesure et la conformité
des procédures déterminées par la loi.
3) L'usage des langues étrangères, y compris les langues des
minorités ethniques, par les autorités de l'État, les tribunaux et les
enquêtes préliminaires est prévu par la loi. |
Paradoxalement, la
Loi sur la langue (2011)
précise à l’article 5 que toute autre langue que l’estonien
est considérée comme une «langue étrangère» :
Article 5
Langue étrangère et langue des
minorités nationales
1) Toute autre langue que
l'estonien et la langue des signes estonienne est une langue
étrangère.
2) Une langue d'une minorité
nationale est une langue étrangère que les citoyens estoniens
appartenant à une minorité nationale ont historiquement utilisé
comme leur langue maternelle en Estonie.
3) Pour
les fins de la présente loi, toute personne appartenant à une
minorité nationale est un citoyen estonien ayant des liens solides
et durables à long terme avec l'Estonie et qui se différencie des
Estoniens par la maîtrise de la langue.
|
Nous devons comprendre que, au sens de la loi, la langue d’une minorité nationale
est également une langue «étrangère». Ainsi, le russe, l’ukrainien le
biélorusse, le finnois, le tatar, le letton et le lituanien constituent en
Estonie des langues étrangères, ce qui n'est pas le cas pour la langue
des signes estonienne.
- L'autonomie culturelle
Quand on parle d'«autonomie culturelle», il y
aurait lieu de définir ce qu'on entend par cette expression. Dans
la Loi sur lautonomie culturelle des minorités
nationales, cette
«autonomie culturelle» est définie à l'article 2:
Article 2
1) Pour les fins de la présente loi, l'autonomie culturelle pour
les
minorités nationales est définie comme le droit des individus appartenant à
une minorité nationale de former une autogestion culturelle afin de
concrétiser leurs droits culturels accordés par la Constitution.
2) L'autonomie culturelle d'une minorité nationale peut être
reconnue pour des individus membres des minorités allemande, russe, suédoise et
juives appartenant aux minorités nationales avec un effectif de plus de 3000
membres. |
On peut comprendre qu'il s'agit là
d'une forme d'organisation centralisée à l'intention des minorités, cette
organisation étant dirigée par une instance représentative élue selon des
modalités fixées par l'État et placée sous le contrôle de celui-ci. En vertu de
la loi, les
membres d'une minorité nationale ont le droit (art. 4):
a. de former et de soutenir des organismes culturels et éducatifs,
ainsi que des congrégations
religieuses;
b. de créer des organisations ethniques;
c. de pratiquer leurs traditions culturelles et leurs coutumes religieuses si
cela ne met pas en danger l'ordre public, la santé et la morale;
d. d'employer leur langue maternelle dans leurs communications dans les limites
prescrites par la Loi sur la langue;
e. de diffuser des publications dans les langues ethniques;
f. de conclure des accords de coopération entre des organismes ethniques,
culturels et éducatifs et des assemblées religieuses;
g. de faire circuler et d'échanger des informations dans leur langue maternelle.
Ce statut d'autonomie culturelle ne constitue
aucunement une obligation, mais une possibilité. Pour acquérir ce statut, il
faut qu'une minorité dresse un registre
des membres de sa communauté prouvant que celle-ci compte au moins 3000
membres. Ce sont les associations culturelles d'une minorité donnée qui doivent assumer
cette tâche après avoir préalablement obtenu du
ministère de la Culture le droit de dresser cette «liste de nationalité» (en
vertu du décret
du 1
er octobre 1996).
Toute inscription d'un membre d'une nationalité doit se faire qu'avec son accord écrit
et cette liste ne peut
compter que des citoyens estoniens. La liste doit au préalable être soumise au ministère de
l'Intérieur, qui vérifie les noms et les adresses. Elle sera ensuite
officialisée par le ministère de la Culture.
- Le Conseil culturel
La
Loi sur lautonomie culturelle
des minorités nationales prévoit
l'élection d'un
Conseil culturel doit être l'instance représentative d'une communauté
minoritaire. Le Conseil
culturel peut comprendre entre 20 et 60 membres, élus pour trois ans. Ce
Conseil culturel possède tous les pouvoirs pour promouvoir la langue et la
culture d'une minorité. Il peut former des commissions culturelles dans les villes ou au
plan
régional, nommer des représentants culturels locaux
et créer des «institutions d'autonomie culturelle». La loi prévoit quatre types
d'institutions:
1) les établissements scolaires et préscolaires;
2) les organisations culturelles;
3) les entreprises liées à la culture et aux maisons d'édition;
4) les établissements sociaux.
Les modalités de l'élection au Conseil culturel
sont en grande partie fixées dans la
Loi sur lautonomie culturelle des minorités
nationales. La liste électorale est constituée à partir du registre national (liste de
nationalité). Pour la tenue des élections au Conseil culturel, il faut qu'au
moins la moitié des personnes inscrites sur la liste du registre national
acceptent d'être inscrites sur la liste électorale. L'élection est valide si le
taux de participation est supérieur à 50 %. Le Conseil culturel d'une
minorité peut accorder des bourses et décerner des prix. Ses ressources
proviennent des subventions de l'État et des collectivités locales, des
cotisations et des dons faits par des entreprises, des organisations ou des
personnes privées. Les dons en provenance de l'étranger sont autorisés.
Depuis l'adoption de la
Loi sur lautonomie culturelle des minorités
nationales de 1993, on ne compte aucune minorité bénéficiant du statut
d'autonomie culturelle. Une seule communauté a entrepris des démarches pour
l'obtenir, les Finnois, mais elle ne dispose pas encore de ce statut. Même la
minorité russophone ne considère pas nécessaire d'acquérir le statut d'autonomie
culturelle! Quant aux autres minorités (allemande, suédoise, juives, etc.),
elles ne sont pas assez nombreuses pour acquérir une autonomie culturelle,
puisqu'il faut 3000 membres. Il reste les Ukrainiens et les Biélorusses, mais
ils ne sont jamais suffisamment nombreux au même endroit. Étant donné que le
statut d'autonomie culturelle ne semble même pas nécessaire pour la minorité
russe, il l'est encore moins pour les autres petites minorités.
Il semble bien que les procédures administratives pour l'obtention
dudit statut soient complexes et difficiles. Il faut dire aussi que la loi
n'accorde aucun nouveau droit aux minorités nationales. La seule grande
originalité de la
Loi sur lautonomie culturelle des minorités
nationales pourrait bien
n'être que strictement administrative, car elle consiste surtout à proposer une
sorte d'organisme pour la préservation de la langue et de la culture des
minorités nationales.
- Les partis
politiques
Il existe de quatre à six partis politiques
qui exercent une certaine influence sur la politique en Estonie.
Parmi eux, il faut mentionner le Parti du centre d'Estonie ("Eesti
Keskerakond" ou EK), un parti populiste qui peut être considéré
comme un représentant des intérêts de la minorité russophone.
Toutefois, il ne s'agit pas à proprement parler d'un «parti russe»,
mais plutôt d'un parti pour lequel la communauté russophone
d'Estonie tend à voter plus massivement. En Estonie, le système
électoral permet d'exprimer la préférence pour un candidat sur une
liste. Or, celles du EK comptent généralement plusieurs candidats
russophones.
L'existence de listes déposées par des candidats russophones ne
semble pas inciter les électeurs à se tourner vers celles-ci, car
ces listes ne recueillent généralement que 1,48 % des suffrages, ce
qui est trop peu pour pouvoir, par exemple, siéger à un conseil
municipal (où 5 % est nécessaire).
Un autre parti politique mérite d'être mentionné: le Parti russe
d’Estonie ("Vene Erakond Eestis" ou VEE), un parti conservateur qui
revendiquait le droit à l’autonomie culturelle des russophones,
lequel laisserait aux parents la possibilité de donner à leurs
enfants une éducation «classique russe». En janvier 2012, le Parti
russe d'Estonie a fusionné avec le Parti social-démocrate ("Sotsiaal-demokraatlik
Erakond").
En Estonie, les populations russophones, y compris les apatrides,
qui ont le droit de vote aux élections municipales, ne font
traditionnellement pas leur choix politique selon un critère
national (ethnique), mais ils choisissent de faire confiance à un
parti dans la mesure où il leur semble pouvoir répondre à leurs
attentes. Le Parti du centre d'Estonie semble combler ces attentes
pour les russophones en matière économique et sociale.
3 Les langues
minoritaires face à la justice
En matière de justice, les membres
dune minorité nationale ont le droit à certaines protections.
Ainsi, larticle 21 de la Constitution précise que «quiconque est
privé de sa liberté sera informé sur-le-champ, et
dans une langue quil comprend, de la raison de son arrestation, ainsi
que ses droits, et il pourra avertir sa famille de son arrestation»:
Article 21
1) Quiconque est privé de sa liberté sera informé immédiatement,
et dans une langue qu'il comprend, du motif de son arrestation et ses
droits lui donneront l'occasion d'aviser sa famille de l'arrestation.
Il sera également accordé sur-le-champ au contrevenant soupçonné
l'occasion de choisir un conseiller juridique et de conférer avec lui.
Le droit d'un contrevenant soupçonné pour aviser sa famille de
l'arrestation peut seulement être limité dans tels cas(affaires) et
procédures comme déterminé conformément à la loi, pour le but
d'empêcher un acte criminel ou dans l'intérêt d'établir des faits dans
une enquête criminelle.
2) On ne peut mettre aux arrêts personne pour plus de quarante
huit heures sans permission spécifique par une cour. Une telle décision
sera promptement faite connue à la personne en détention préventive, en
une telle langue et la façon qu'il ou elle comprend. |
Dans
les cours de première instance ainsi que dans la procédure
judiciaire préliminaire, il est possible dobtenir un procès
dans la langue dune minorité nationale, si la personne accusée
est membre dune collectivité locale. Si toutes les parties à
un procès ont accepté que tout se déroule en russe,
par exemple, le juge pourra rendre sa sentence en russe en plus de l'estonien. Tel
est le libellé de l'article 7 du
Code de procédure civile:
Article 7
Langue de
la procédure et présentation des requêtes
1) La langue de la procédure civile est
l'estonien. Avec le consentement de la cour et des
parties dans une procédure, celle-ci la procédure
peut se dérouler dans une autre langue si le
tribunal et les parties à l'instance connaissent
cette langue.
2) Toute partie à une instance et toute
autre personne qui ne comprend pas la langue de la
procédure ont le droit de présenter des requêtes,
des déclarations et des témoignages, de comparaître
en justice et de présenter des requêtes au moyen
d'un interprète ou d'un traducteur dans leur langue
maternelle ou dans une langue qu'elle connaît.
3) Les parties à la procédure doivent
transmettre leurs délibérations en estonien et les
présenter comme des documents distincts. Si une
procédure se déroule dans une autre langue, le
tribunal peut présenter la délibération dans un
document distinct en estonien ou dans la langue de
la procédure.
4) Si une délibération présentée comme
document distinct n'est pas présentée en estonien,
une traduction en estonien doit être accordée à une
partie à l'instance, à la demande de la partie. Une
délibération présentée dans une autre langue peut
être accordée à une partie à l'instance uniquement
avec le consentement de cette partie.
5) Si une requête écrite ou un document
d'appel ou de témoignage soumis au tribunal par une
partie à l'instance n'est pas rédigé en estonien, le
tribunal peut exiger une traduction certifiée
conforme de la requête, du document d'appel ou du
témoignage pour une date spécifiée. Si la traduction
n'est pas soumise à la date prévue, le tribunal peut
rejeter la requête ou le document. Un document dans
une autre langue ne peut être acceptée à une partie
à l'instance qu'avec le consentement de cette
partie. |
En fait, la seule langue autre que
l'estonien qui peut être utilisée durant tout un procès est
le russe. Dans les autres cas, toute autre langue
demeure une langue de traduction, les juges n'étant jamais
tenus de comprendre une autre langue que l'estonien.
Selon l'article 33 du
Code de procédure civile, lorsqu'un document est
présenté dans une langue étrangère, il faut le faire traduire:
Article 33
Documents en langue étrangère dans
une procédure judiciaire
1) Si une pétition, une requête, une objection ou un appel
présenté au tribunal par un participant à une procédure n'est pas
fait en estonien, le tribunal exige que la personne qui présente ces
documents fournisse une traduction en estonien à la date fixée.
Si une preuve documentaire présentée au tribunal par un participant
à une procédure n'est pas en estonien, le tribunal exige que la
personne qui présente ces documents fournisse une traduction en
estonien à la date fixée, à moins que la traduction de la preuve ne
soit déraisonnable, compte tenu de son contenu ou de sa taille
et des autres participants à la procédure qui ne s'opposeraient pas à accepter
la preuve dans une autre langue.
|
Cependant, les parties à une procédure peuvent convenir d'une autre langue s'il
y a accord:
Article 734
Langue de la procédure
1) Les parties peuvent convenir de la langue de la procédure
d'arbitrage. En l'absence d'accord, la langue de l'instance est
décidée par le tribunal arbitral.
2) Sauf par une disposition contraire des parties ou d'une
décision d'un tribunal arbitral, les pétitions des parties, la
décision du tribunal arbitral et les autres avis du tribunal
arbitral doivent être présentés dans la langue convenue ou
prescrite, ainsi que les sessions du tribunal arbitral.
3) Un tribunal arbitral peut exiger la remise de certificats
écrits accompagnés d'une traduction dans la langue convenue entre
les parties ou prescrite par le tribunal arbitral. |
Le
Code de procédure pénale
oblige le juge à rendre sa sentence en estonien, mais si l'accusé ignore la
langue de la cour, la sentence devra être traduite pour que ce dernier comprenne les
motifs de sa culpabilité ou de son innocence:
Article 315
Prononcé de la sentence du tribunal et explication du droit d'appel
1)
Un juge ou, selon le cas prévu au paragraphe 18.1 ou 18.3 du présent
code, doit prononcer sa sentence au moment annoncé en vertu de
l'article 304 du présent Code.
2) Si l'accusé ne
maîtrise pas la langue de la procédure pénale, la sentence de la
cour doit être interprétée ou traduite pour lui après le prononcé de
la sentence. |
Il ne faut pas se leurrer, les procès qui se déroulent
uniquement en russe ont lieu principalement dans les villes de Tallinn, de
Narva, de Kohtla-Järve, de Rakvere et de Tartu, là où les russophones sont
majoritaires ou constituent une minorité importante.
4 Les langues
minoritaires dans l'administration
Rappelons qu'en vertu de larticle 51 (paragr. 2) de la
Constitution de
1992, les membres dune minorité nationale
ont le droit de se faire offrir des services administratifs dans leur langue:
«2) Dans les localités où au moins la moitié des résidants
permanents appartiennent à une minorité ethnique, chacun a le droit de
recevoir des services de l'État et des autorités des collectivités
locales et à leur fonction publique dans la langue de cette minorité
ethnique.» De plus, par l'article 52
(paragr. 2): «Dans les localités où la
langue de la majorité de la population est autre que l'estonien, les autorités
des collectivités locales peuvent employer la langue de la majorité des
résidants permanents de cette localité pour la communication interne, selon la
mesure et la conformité des procédures déterminées par la loi.»
Article 51 1) Toute
personne a le droit de s'adresser aux autorités publiques de l'État
et locales et à leurs fonctionnaires en estonien et de recevoir des
réponses en estonien.
2) Dans les
localités où au moins la moitié des résidents permanents
appartiennent à une minorité ethnique, toute personne a le droit de
recevoir des réponses des autorités publiques de l'État et locales
et de leurs fonctionnaires dans la langue de cette minorité
ethnique.
Article 52
1) La langue
officielle des autorités publiques de l'État et locales est
l'estonien. Dans les localités où la langue de la majorité de la
population est différente de l'estonien, les autorités publiques
locales peuvent utiliser la langue de la majorité des résidents
permanents de cette localité pour la communication interne, dans les
limites et conformément aux procédures fixées par la loi.
2)
L'utilisation de langues étrangères, y compris les langues des
minorités ethniques, par les autorités publiques et dans les
tribunaux et les procédures judiciaires préliminaires, est fixée par
la loi. |
4.1
Les droits dans les services publics régionaux
D'après l'article 2,3 de la
Loi sur la
langue (2011), les droits des membres des minorités
nationales «utilisant une langue étrangère» sont garantis:
Article 2
Champ d'application
de la loi
3) Les droits des personnes utilisant une langue étrangère, y
compris la langue des minorités nationales, doivent être garantis,
conformément aux autres actes et traités internationaux.
Les mesures de soutien aux langues étrangères ne doivent pas porter atteinte à
l'estonien.
|
Il faut alors se demander quels sont ces droits. Selon l'article 9 de la
Loi sur la
langue (2011), c'est d'abord celui d'utiliser la
langue de la minorité lorsque quelqu'un s'adresse à un organisme public sur le
territoire d'une administration locale ou municipale:
Article 9
Droit d'utiliser la langue de la
minorité nationale
1) Dans les collectivités locales où au moins la moitié des
résidents permanents appartiennent à une minorité nationale, chacun
a le droit de s'adresser aux organismes publics agissant sur le
territoire de l'administration locale correspondante et aux
autorités locales correspondantes, et recevoir de la part des
organismes, des
fonctionnaires et de leurs employés des réponses dans la langue de la minorité nationale en plus
des réponses en estonien.
2) Un résident permanent dans une collectivité locale pour
l'application de la présente loi est un individu qui est un citoyen
estonien, un citoyen de l'Union européenne ayant un droit de séjour
permanent et des membres de sa famille, ou un étranger résidant en
Estonie la base d'un permis de
séjour de longue durée dont la résidence permanente,
avec les coordonnées inscrites dans le registre de
la population estonien (ci-après dénommé «registre de population»), se
trouve dans la municipalité rurale ou la ville correspondante.
3) La proportion des résidents
permanents appartenant à une minorité nationale au sein d'une
administration locale doit être déterminée sur la base des données
contenues dans le registre de la population au 1er janvier de l'année
correspondante.
|
Les membres des minorités ne peuvent pas exiger de recevoir des services dans
leur langue partout sur le territoire estonien. D'abord, il faut qu'ils soient
en nombre suffisant. Ensuite, il faut une demande auprès du conseil municipal
local.
Plus précisément, les fonctionnaires employés dans une collectivité locale
peuvent également utiliser, en plus de l’estonien, une langue minoritaire au
sein de l’administration interne de cette même collectivité locale (art. 11
de la
Loi sur la
langue):
Article 11
Usage de la langue des
résidents permanents comme langue de l'administration publique
Dans les administrations locales où la majorité des résidents
permanents ne sont pas des Estoniens, la langue des résidents
permanents constituant la majorité des résidents permanents de
l'administration locale peut être utilisée avec l'estonien comme
langue de l'administration publique interne du gouvernement local sur
proposition
du conseil municipal compétent et par une décision du gouvernement de la
République.
|
L'article 41 de la Loi sur l'organisation des administrations
locales (1993) précise q
u'une
autorisation est
accordée sur proposition du conseil municipal d'utiliser la langue
de la majorité des résidents permanents de la collectivité locale comme langue
de travail interne de l'administration locale est valide jusqu'à ce qu'expire la
fin du mandat
du conseil municipal:
Article 41
Emploi
de la langue dans les administrations
locales
1) La langue de travail des administrations locales est
l'estonien.
Toute personne a le droit de s'adresser à une administration locale et à ses
fonctionnaires en estonien et de recevoir des réponses en estonien.
2) Les assemblées d'un conseil
municipal et des administrations doivent se tenir en estonien.
3) L'emploi des langues étrangères, y compris les langues des
minorités nationales, est prévue dans la Loi sur la langue.
L'autorisation accordée sur proposition du conseil municipal,
conformément à l'article 11 de la
Loi sur la
langue, d'utiliser la
langue de la majorité des résidents permanents de la collectivité
locale comme langue de travail interne de l'administration locale
est valide jusqu'à ce qu'expire la fin du mandat
du conseil municipal.
4) Si une collectivité locale a été autorisée, conformément au
paragraphe 3 du présent article, d'employer la langue de la minorité
nationale constituant la majorité des résidents permanents de la
collectivité locale avec l'estonien comme langue de travail interne
de l'administration
locale, le conseil municipal et l'administration municipale peuvent
décider de traduire une partie ou l'intégralité des assemblées dans
la langue de la minorité nationale.
|
Ce droit à la langue minoritaire n'est pas absolu, car selon l'article 12 de
la Loi sur la
langue
(2011) tout document présenté dans «une
langue étrangère»
à un organisme de l'État ou à une autorité locale peut devoir être
traduit en estonien:
Article 12
Accès à l'administration publique
dans des
langues étrangères
1) Si une demande, une requête ou tout autre document soumis
à un organisme de l'État ou à une autorité locale sont dans une langue
étrangère, l'organisme a le droit d'exiger de la personne qui présente
le document de traduire celui-ci en estonien, sauf pour les
cas
prévus à l'article 9 de la présente loi.
La personne qui soumet la demande ou tout autre document doit
immédiatement être informée de la nécessité de la traduction.
|
L'article 15 de la même loi autorise
l'emploi d'une autre langue en plus de l'estonien pour les sceaux, les en-têtes,
les annonces, les avis et les tampons de la pa
rt
des
organismes, des entreprises, des
associations et des fondations sans but lucratif, ce qui comprend les
entités d'autonomie
culturelle des minorités nationales :
Article 15 Langue des
sceaux, des tampons et des en-têtes
Les sceaux,
les tampons en caoutchouc et les en-têtes des organismes, des sociétés,
des associations
et des fondations sans but lucratif, ainsi que des propriétaires individuels qui
sont enregistrés en Estonie, doivent être en estonien dans les communications
publiques. Les organismes, les entreprises, les associations et
les fondations sans but lucratif, ainsi que les propriétaires individuels
peuvent ajouter au texte en estonien la traduction dans une langue
étrangère. Dans les communications avec une personne d'un pays étranger,
ainsi que dans les communications internationales, une langue étrangère
peut être utilisée dans les en-têtes. |
4.2 La langue de travail
En vertu de la de la
Loi sur l'organisation des administrations
locales (1993), les membres des minorités peuvent
employer leur langue dans une administration locale, mais dès qu’un citoyen
estonien travaille pour une administration publique, il doit connaître
l’estonien; c’est là une exigence incontournable:
Article 54
Service de
l'administration locale
1) Le service
de l'administration locale dans les municipalités rurales et les
agences administratives municipales est régi par la Loi sur la
fonction publique, la Loi sur les contrats de travail
ainsi que la présente loi.
2) Les
fonctionnaires et les employés de l'organisme administratif d'une
collectivité locale doivent maîtriser l'estonien selon les
dispositions prévues par la Loi sur la langue et la
législation établie sur la base de la Loi sur la langue. |
Quant à la
Loi sur la Fonction publique
(1995), l'article 117 prévoit le congédiement d'un fonctionnaire en raison de
son inaptitude linguistique —
la méconnaissance de l'estonien —
à occuper un poste:
Article 117
Congédiement en raison de l'inaptitude pour le poste
1) Tout fonctionnaire peut être remercié du service en raison de son
inaptitude au poste:
1. sur la base de résultats insatisfaisants de la période de
stage;
2. sur la base des résultats de l'évaluation;
3. s'il ne dispose pas d'un document démontrant une exigence obligatoire pour
l'emploi dans un poste particulier;
4. en raison de compétences linguistiques ou de communications inadéquates;
5. si son état de santé ne permet pas au fonctionnaire d'exercer ses fonctions
de façon permanente, tel qu'il est exigé;
6. en raison de compétences professionnelles
inadéquates.
4) Tout fonctionnaire doit être remercié en raison de
l'absence d'un document obligatoire pour l'emploi dans un poste, de
compétences linguistiques ou de communications inadéquates, ou pour
des raisons de santé immédiatement après que la connaissance de la
situation soit connue. |
Comme lestonien savère une langue
assez difficile pour la plupart des membres dune minorité nationale (sauf
pour les finnophones) parce que cette langue nappartient pas à la
famille
indo-européenne, beaucoup de russophones ont de la difficulté
à obtenir leur certificat d'aptitude linguistique. Certains
russophones se plaignent de souffrir de discrimination dans les emplois.
De fait, la citoyenneté estonienne ouvre un grand nombre de postes dans la
fonction publique au niveau national et local (municipal). Mais ce n'est pas
suffisant, il faut aussi maîtriser l'estonien pour postuler un emploi dans
l'administration publique. Dans ces conditions, les minorités russophones
peuvent être sous-représentées dans le service public.
4.3
L'Inspection linguistique
Rappelons que le
décret de 1996 (Procédure
de mise en œuvre du contrôle de la Loi sur la langue) a introduit un
organisme de contrôle appelé «Inspection linguistique» (en estonien:
Keeleinspektsioon) pour veiller à l'application de la
Loi sur la
langue (alors la version de 1995, aujourd'hui abrogée par la
version de 2011). L'objectif de
l'Inspection linguistique est d'assurer à l'estonien le respect des droits
prévus par la législation. La défense de la langue officielle consiste surtout à
en contrôler avant tout sur l’usage par les non-estonophones, ce qui implique
toutes les minorités linguistiques. La préservation et le développement de
l’estonien, en revanche, dépendent plutôt de la connaissance que les Estoniens
ont de leur propre langue, de leur attitude face à leur langue maternelle et du
prestige de celle-ci. Or, l'Inspection linguistique doit se montrer assez souple
et compréhensive dans l'application de la législation linguistique. Ainsi, dans
le comté de Viru-Est (Ida-Virumaa), il est plus difficile de trouver des
employés qui connaissent leur métier tout en maîtrisant bien l'estonien. S'il
fallait, par exemple, exiger de tous les policiers qu'ils maîtrisent
parfaitement l'estonien dans la ville de Narva, il faudrait en licencier un bon
nombre au risque de compromettre la sécurité des citoyens.
Dans les faits, on ne peut pas toujours pas affirmer que l’estonien soit utilisé sans
problèmes comme langue officielle administrative dans toutes les régions d’Estonie.
Dans certaines municipalités du nord du pays, le russe est largement employé,
parfois jusqu'à ignorer l'estonien.
Pourtant, une étude effectuée en 2013 ("Equal
treatment in Estonia: awareness and promotion, research report", Tartu,
p. 42)
a montré que les russophones croient que la législation linguistique
estonienne crée une forme de discrimination à leur égard, car cette loi
fixerait des exigences linguistiques auxquels certains groupes
professionnels ne peuvent satisfaire. Selon cette étude, les russophones
considèrent que la politique linguistique estonienne met une importance trop
excessif sur les compétences strictement linguistiques au détriment des
compétences professionnelles.
Both in
Estonian and Russian-speaking focus groups, too high requirements
for the proficiency of Estonian language for some positions were
criticised. Those situations are being perceived as possible
indirect discrimination and thus as unfair. In Russian-speaking
focus groups it was stressed that educated doctors, teachers and
other specialists, who cannot fulfi l the language requirements, do
not fi nd professional employment in Estonia and leave, and this was
seen as a loss for Estonia. In Estonian-speaking focus group, the
question of the loss of specialists was not raised, which indicates
that this aspect went unnoticed or was not seen as important.
The participants of focus groups recognized the
existence of the widely spread language based segregation in Estonia,
within the communication networks as well within the working teams,
which may foster the reciprocal distrust between the ethnic groups.
This may reproduce the stereotypes and thus increase the possibility
of occurrence of the unequal treatment.
The use of different information by Estonian and
Russian speakers is important problem according to both Estonian and
Russian respondents. In addition to overcoming the language barrier
(which is already slowly happening), the need for the substantial
convergence of the information spaces is felt. Russian-speaking
respondents emphasised the lack of equal opportunities, especially
in relation to the accessibility of official information for the
population who is not proficient in Estonian. |
[Dans les groupes de discussion entre estonophones et
russophones, des exigences trop élevées pour la maîtrise de la
langue estonienne pour certains postes ont été critiquées.
Ces situations sont perçues comme une éventuelle discrimination
indirecte et donc comme injuste.
Dans les groupes de discussion de langue russe, il a été souligné
que les médecins, les enseignants et d'autres spécialistes
instruits, qui ne peuvent satisfaire aux exigences linguistiques, ne
trouvent pas d'emploi professionnel en Estonie et quittent
l'Estonie.
Dans le groupe de discussion de langue estonienne, la question de la perte de
spécialistes n'a pas été soulevée, ce qui indique que cet aspect est
passé inaperçu ou n'a pas été jugé important.
Les participants aux groupes de discussion ont reconnu l'existence
d'une ségrégation linguistique largement répandue en Estonie, au
sein des réseaux de communication et au sein des équipes de travail,
ce qui peut favoriser la méfiance réciproque entre les groupes
ethniques.
Cela peut reproduire les stéréotypes et donc
augmenter la possibilité d'occurrences dans l'inégalité de
traitement.
L’usage d’une
information différente par des locuteurs estoniens et russes est un
problème important, selon les répondants estoniens et russes. En
plus de surmonter la barrière de la langue (ce qui se passe déjà
lentement), la nécessité de la convergence substantielle des espaces
d’informations se fait sentir. Les répondants russophones ont
souligné le manque d’égalité des chances, en particulier en ce qui
concerne l’accessibilité de l’information officielle pour la
population qui ne maîtrise pas l'estonien.] |
Par contre, un ancien dirigeant du Komsomol («Jeunesses communistes»), devenu
directeur d'un centre d'affaires, déclarait au journal russe Itogui:
«L'Estonie reçoit de laide financière de la Suède
et de la Finlande pour les programmes d'enseignement de l'estonien et,
quand les fonctionnaires de la Commission de la langue font passer les
tests dans les usines, tout le monde les réussit.»
Mais c'est là davantage une légende urbaine que la réalité. Il paraît nécessaire de se
débarrasser de cette idée naïve selon laquelle posséder 1500 mots d’estonien
et avoir la citoyenneté sont des éléments suffisants pour permettre
l’intégration des populations allophones.
Néanmoins, pour beaucoup de
russophones du Nord-Est, l’examen sur les compétences linguistiques et celui
portant sur la Constitution estonienne, exigés pour obtenir la citoyenneté,
apparaissent comme une épreuve insurmontable. Il est évident que
la politique d’intégration mise en œuvre en Estonie confère une place
primordiale à la maîtrise de l’estonien, seule langue officielle du pays.
4.4 La toponymie
L'Estonie a adopté en
2003 la
Loi sur les
noms géographiques, qui estonisait complètement la toponymie du pays en
utilisant un Registre national des noms de lieux. La loi ne fait pas allusion
formellement aux toponymes dans la langue d'une minorité nationale.
Pourtant, la question de la protection des noms géographiques ou des toponymes dans la langue d’une minorité nationale se pose principalement
au sujet des noms suédois de Vormsi et de l’île de Ruhnu, de la
municipalité de Noarootsi et des régions côtières du nord-ouest de l’Estonie,
ainsi que des toponymes russes de la région orientale de Petseri et autour du lac
Peipous
(voir
la carte).
D'après l'article 9 de la loi
Loi sur les
noms géographiques, l’accord du ministère de l’Intérieur
n'est pas nécessaire dans l’attribution
d’un nom de lieu dans une langue étrangère, si le lieu en
question se trouve sur le territoire d’une collectivité locale dont la majorité
des habitants parlaient une autre langue que l’estonien en date du 27
septembre 1939.
Article 9
Langue des noms géographiques
1) Les noms géographiques estoniens doivent être en estonien.
2) La procédure pour déterminer si les noms de lieux sont en
estonien doit être fixée par règlement du gouvernement de la
République.
3) Des exceptions concernant la langue des noms
géographiques sont autorisées si
elles sont historiquement ou culturellement justifiées. Afin de
prévenir toute corruption ou toute modification injustifiée relative à
des noms géographiques autochtones, la langue des habitants de la
région en
question, en date du 27 septembre 1939, sera prise en compte pour les
exceptions.
|
Toute municipalité dont la population majoritaire appartient
traditionnellement à une minorité nationale peut décider
d’employer les noms géographiques qui étaient auparavant utilisés dans la langue
minoritaire concernée. En ce cas, le bilinguisme est de rigueur,
mais l'estonien est obligatoire. Dans les faits, le Comité
consultatif sur la toponymie a remarqué que les municipalités ne
se prévalent que rarement de leur droit d’employer une langue
minoritaire dans les dénominations locales, et que le
gouvernement devrait examiner si les municipalités ont été bien
informées de ce droit. Même lorsque les municipalités sont
informées de leurs droits, par exemple dans les municipalités
russophones de Peipsiääre, de Piirissaare et d'Alajõe, elles
semblent hésiter à décider d’employer des dénominations
bilingues.
5 Les langues minoritaires en éducation
L'objectif des autorités en éducation est de veiller à ce que tous les
citoyens d'Estonie aient des chances égales de recevoir leur instruction dans un
système d'éducation commun et de fournir à cet effet fournir les conditions pour
préserver leur langue et leur culture. Outre la formation linguistique continue,
beaucoup d'efforts sont mis pour que les enfants, les jeunes et les enseignants
parviennent à communiquer entre eux en estonien sur des sujets d'intérêt commun,
y compris en dehors du cadre scolaire, afin de leur permettre de participer à la
vie sociale.
Il est garanti à tous les citoyens d'Estonie le droit de recevoir un enseignement dans
la langue officielle, de la maternelle aux études supérieures.
Durant le Régime soviétique, lenseignement de lestonien
nétait guère assuré partout et il était presque
inexistant à luniversité. De plus, il existait deux systèmes
linguistiques distincts: lun en estonien, lautre en russe. Un russophone,
par exemple, pouvait avoir terminé ses études sans avoir
aucune connaissance de lestonien. Aujourd'hui, il existe encore un système
russe, mais il demeure obligatoire dans ce système d'apprendre
l'estonien comme langue seconde.
5.1 Les garanties constitutionnelles
Au point de vue juridique, c’est d’abord
l’article 37 de la Constitution qui régit l’emploi de l'estonien dans les
établissements d’enseignement, mais le paragraphe 4 prévoit un enseignement
dans la langue des minorités:
Article 37
L'éducation
1) Chacun a le droit à l'éducation. L'instruction est obligatoire
pour les enfants d'âge scolaire selon les prescriptions spécifiées,
conformément à la loi, gratuitement dans les établissements
d'enseignement généraux et locaux dans le pays.
2) Pour rendre
l'éducation disponible, les administrations locales de l'État doivent
maintenir le nombre nécessaire d'établissements d'enseignement. Tel qu'il
est prévu par la loi, d'autres établissements d'enseignement peuvent être
établis, y compris les écoles privées.
3) Les parents
prennent la décision finale dans le choix de l'éducation de leurs
enfants.
4) Chacun a le
droit à l'instruction en estonien. Mais les établissements d'enseignement
prévus pour des minorités choisissent leur propre langue d'enseignement.
5) La présente
disposition sur l'enseignement est sous la surveillance de l'État.
|
La langue nationale enseignée dans les écoles où elle ne
constitue pas la langue principale d’enseignement est comptabilisée comme
une langue étrangère.
De plus, lors de la signature de la Convention-cadre
pour la protection des minorités nationales, l'Estonie
s'est engagée en éducation à répondre aux conditions suivantes:
- assurer la possibilité
d'apprendre des langues minoritaires et de recevoir un enseignement dans
ces langues;
- reconnaître
aux minorités le droit de créer des établissements
d'enseignement et de formation;
- encourager la
coopération transfrontalière et internationale;
- favoriser la
participation à la vie économique, culturelle et sociale;
- favoriser la participation
aux affaires publiques.
|
Les parties contractantes seront tenues
de présenter, dans un délai d'un an après l'entrée en vigueur de la Convention,
un rapport contenant des informations complètes sur les mesures législatives
et autres qu'elles auront prises pour donner effet à la Convention-cadre.
5.2 Les écoles
maternelles
Dans
les écoles maternelles, l'enseignement et les activités pour les
enfants d'âge préscolaire doivent se donner en estonien.
Cependant, conformément à la
Loi sur les enfants d'âge préscolaire,
une autre langue peut être apprise dans un groupe d'établissement d'âge
préscolaire ou de garde d'enfants, sur décision du conseil de
l'administration municipale:
Article 8
Langue
1) L'enseignement et les
activités dans les établissements pour les enfants d'âge
préscolaire doivent se donner en estonien. Une autre langue
peut être apprise dans un groupe d'établissement d'âge
préscolaire ou de garde d'enfants, sur décision du conseil
de l'administration locale.
2) Tout conseil de l'administration locale doit
s'assurer que tous les enfants de langue estonienne aient
l'occasion de bénéficier dans une même commune ou une même
ville estonienne d'un établissement ou d'un groupe
préscolaire d'âge préscolaire dans lequel l'apprentissage et
l'instruction se déroulent en estonien.
4) Tout établissement ou groupe pour les enfants
d'âge préscolaire dans lequel les activités pédagogiques se
déroulent dans la langue estonienne, l'enseignement de
l'estonien dans cet établissement fait partie du programme
national. (2008)
4.1)
Pour les cours de langue estonienne dans l'enseignement
d'un établissement ou d'un groupe d'âge préscolaire, dans
lequel l'apprentissage et l'instruction ne se donnent pas en
estonien, le soutien de l'administration locale est
nécessaire pour obtenir un budget de l'État. (2008) |
Les parents peuvent choisir librement un établissement
préscolaire pour leur enfant. Les établissements préscolaires sont financés
par la municipalité ou la ville, une partie étant financée par les
parents ou par des dons. Les frais de restauration des enfants sont payés
par les parents.
Pour la majorité des enfants, la langue d'enseignement est l'estonien.
Lorsque celle-ci, par exemple, est le russe, l'estonien devient une langue
seconde obligatoire. Il est possible dans certains cas de recevoir une
instruction dans une autre langue que l'estonien ou le russe — l'ukrainien
ou le biélorusse —, mais elle devient une «langue optionnelle» sur demande
des parents auprès du directeur de l'établissement à la condition
d’atteindre un minimum de dix enfants de la même langue maternelle (LM). De
façon générale, l'enseignement de la langue langue maternelle est offert en
raison de 20 heures/semaine. Actuellement, 13 % des enfants reçoivent un
enseignement en russe, contre 87 % en estonien. Quelques établissements
privés ont l'anglais (0,3 %).
5.3 Les écoles primaires et
secondaires
Les écoles dont il est ici question sont les écoles primaires et
les écoles secondaires du premier cycle et du second cycle. En vertu de la
Loi sur les écoles
primaires et secondaires supérieures (2010),
toute autre langue que l'estonien
peut être une langue d’instruction dans une école primaire en
Estonie. Il revient aux autorités de l'école de choisir la
langue d’enseignement en fonction de la composition de la
population locale. Dans les écoles municipales, la décision doit
être prise par le conseil municipal; dans les écoles publiques
de l'État, c'est le ministère de l’Éducation et de la Recherche
qui prend la décision. De plus, le conseil d'administration de
l’école, qui comprend des représentants du conseil municipal et
des enseignants, ainsi que cinq représentants des parents, des
diplômés et des organisations soutenant l’école désignée par
l’assemblée générale des parents, peut aussi formuler des
propositions à ce sujet. Les parents des élèves d'une école
primaire ont donc le droit de participer à la décision dans le
choix de la langue d’instruction enseignement.
L'article 21 de la
Loi sur les écoles
primaires et secondaires supérieures (2010) d
écrit la
langue d'enseignement. Une langue est considérée comme «langue
d'enseignement» si elle représente au moins 60 % de la charge de
cours minimale autorisée dans les programmes nationaux. En principe,
la langue d'enseignement est l'estonien, sauf pour les exceptions
prévues par la loi:
Article 21
Langue d'enseignement
1) La langue dans laquelle se font les études doit
représenter au moins 60 % de la charge de cours minimale autorisée
et
prévue dans les programmes nationaux; elle est considérée comme la langue
d'enseignement d'une école ou d'une classe.
Si les études ne respectent pas la limite de 60 % dans une langue
donnée, elles sont considérées bilingues.
Dans le cas d'études bilingues, les deux langues dans lesquelles la plupart
des études se font sont considérées comme les langues
d'enseignement.
2) Dans les écoles de base, la langue d'enseignement est l'estonien.
Dans une école de base municipale ou dans certaines
classes spéciales, la
langue d'enseignement peut être une autre langue à la suite d'une
demande du conseil de la municipalité rurale ou conseil municipal de
la ville, en s’appuyant sur une proposition du
Conseil d’administration de l’école et d'une école de base publique
ou des classes spéciales dont la langue d’enseignement peut être
toute autre, sur la base d’une décision du ministre responsable de
l'Éducation.
Article 21
3) Dans les écoles secondaires supérieures, la langue d'enseignement
est l'estonien.
Dans les écoles secondaires secondaires municipales ou dans des
classes spéciales de celles-ci, la langue d'enseignement peut être une
autre langue.
L'autorisation de poursuivre des études dans une autre langue ou
pour des
études bilingues est accordée par le gouvernement de la République
sur la base d'une demande d'une municipalité rurale ou d'un conseil
municipal de la ville.
Le conseil d'administration de l'école fait ce type de proposition à la
municipalité rurale ou urbaine sur la base du programme
de développement de l'école.
5) Toute école doit organiser un enseignement linguistique et culturel
pour les élèves qui acquièrent une éducation de base dont la
langue maternelle n'est pas la langue d'enseignement ou qui
communiquent à la maison dans une langue différente de la langue
d'enseignement d'au moins un des parents, à la
condition que dix élèves ou plus de la même langue maternelle ou avec
la même langue de communication du foyer le demandent.
|
Il faut comprendre que la loi exige que
les écoles effectuent au moins 60 % de leur enseignement en estonien dans le
but de favoriser l'apprentissage de l'estonien pour ceux dont la langue
maternelle est une autre langue. Cependant, la loi permet certaines
exemptions en vertu de lesquelles une école entière ou des classes
particulières peuvent offrir un enseignement dans une autre
la langue.
Cette autorisation peut être accordée au cas par cas par le gouvernement
national aux conseils scolaires et aux administrations municipales. Plus
précisément, il
faut que les représentants d'une minorité fasse une demande au conseil de la
municipalité rurale ou au conseil municipal de la ville, en
s’appuyant sur une proposition du Conseil d’administration de
l’école
dont la langue d’enseignement peut être une autre langue que
l'estonien. En ce cas, 60 % de l'enseignement doit se faire en
estonien et 40 % en russe ou en une autre langue choisie par l'école.
C'est l'article 52 de la
Loi sur les écoles primaires et les écoles secondaires supérieures
de 1993 (aujourd'hui abrogée) qui obligeait les établissements
d'enseignement russophones à modifier la proportion de l'enseignement en
estonien et en russe; il s'agissait d'une période de transition qui devait
être amorcée en 2007-2008:
Article 52
1) D'ici 2007, les
programmes d'études et l'administration scolaire d'une école
primaire non estonienne doivent s'assurer que tous les
diplômés des écoles primaires maîtrisent un niveau de langue
estonienne qui leur permette de poursuivre leurs études en
estonien.
2) La transition vers
l'enseignement en estonien doit être amorcée dans les écoles
publiques et municipales de niveau secondaire supérieur au
plus tard pour l'année scolaire 2007/2008. (1997).
|
Il fallait que certaines matières soient enseignées en estonien dans une
proportion de 60 %. Cette réforme de l'enseignement des écoles russes a
commencé en 2007. Son objectif majeur était de faire progressivement de l’estonien la seule langue
d’enseignement. Ainsi, aux termes du décret du gouvernement, les lycées russes
avaient jusqu’à la rentrée de 2011, puis 2014, pour généraliser l’usage de l’estonien dans cinq
disciplines : l'éducation civique, la littérature et l'histoire estoniennes, la géographie
et la musique. Il s'agissait de permettre aux jeunes russophones d’acquérir un niveau suffisant
dans la langue officielle dans le but d'accéder à des études supérieures dans les
universités du pays et d’être compétitifs sur le marché du travail.
Statistical
Office of Estonia, 2007 |
Élèves |
|
Écoles |
|
Langue |
Nombre |
% |
Nombre |
% |
Estonien |
136 036 |
78,3 % |
493 |
82,4 % |
Russe |
37 786 |
21,7 % |
105 |
17,6 % |
Total |
173 822 |
100 % |
598 |
100 % |
|
En 2006, 78,3 % des élèves et 82,4 % des
écoles (tous niveaux confondus) étaient de langue estonienne,
alors que 21,7 % des élèves et 17,6 % des écoles étaient de
langue russe. Comme le choix de l'école est laissé à la
discrétion des parents, des enfants estonophones peuvent
fréquenter des écoles russes et des enfants russophones peuvent
choisir des établissements estonophones. |
La plupart des écoles où le russe constitue la principale
langue d'enseignement sont situées dans le comté de Harju (plus de 40 écoles
à Tallinn), le comté de Viru-Est (13 à Narva et 9 à Kohtla-Järve), le comté
de Tartu (dont 6 à Tartu) et le comté de Viru-Ouest (4 écoles). Il existe au
moins une école russophone dans tous les autres comtés à l'exception des
comtés de Hiiu, de Rapla, de Saare et de Vilnandi où il n'y en a aucune.
Les
proportions dans la fréquentation des écoles selon la langue d'enseignement
ont peu changé depuis 2007, car environ 80 % des élèves fréquentent des
établissements d'enseignement où l'estonien constitue la langue
d'enseignement. La transition des écoles russes vers des écoles bilingues
dont 60 % des activités pédagogique sont assurées en estonien et 40 % en
russe a commencé en 1997 et devait se terminer en 2014. Tous les
élèves du primaire et du secondaire, qui terminent leurs études dans un
établissement primaire de langue russe doivent recevoir leur instruction à
l'école secondaire dans une proportion de 60 % en estonien et de 40 % en
russe. Ce système s'applique également à l'éducation de base et l'éducation secondaire
pour adultes et à l'enseignement professionnel. Toutes les écoles de langue
russe ont reçu un soutien complet et des possibilités de formation
supplémentaires pour les aider à offrir des cours en estonien, à promouvoir
l'étude de la langue estonienne et à acheter du matériel pédagogique élaboré
récemment. Les écoles russophones sont actuellement libres de choisir les
matières qui seront données en estonien. Au primaire, deux matières doivent
aujourd’hui être enseignées en estonien.
Une étude démontre que cette
transition des 60 % des matières enseignées en estonien n'aurait pas fait
augmenter la compétence linguistique des élèves russophones, car
l'enseignement aurait été axé sur l’acquisition du savoir relatif aux
matières enseignées en estonien et non sur la capacité à s’intégrer dans la
société. Dans ces conditions, les russophones hésitent entre perdre leur
langue maternelle et mieux s’intégrer. La question est devenue un débat de
société dans les communautés russophones; c'est aussi un sujet de discorde
familiale.
À long terme, les écoles russes d'enseignement général sont
en train de se transformer lentement en écoles estoniennes. D'ailleurs, certains parents de la minorité russophone se sont
grandement préoccupés par le
sort de la langue russe et des études culturelles parce qu'une bonne partie du programme
scolaire (60 %) est offert de facto en estonien. Le ministère de l'Éducation et de la Recherche a
élaboré un programme de communication pour dissiper ces préoccupations. Il
est rappelé aux parents que les écoles de base entièrement russes en Estonie
resteront inchangées. Dans l'enseignement secondaire supérieur, 40% des matières sont encore enseignées
en russe et le nombre de cours de langue et de littérature russes, qui est
actuellement égal au nombre de cours de langue et de littérature estoniens
dispensés dans des écoles secondaires entièrement en langue estonienne, ne
diminuera pas. En outre, étant donné que, au niveau de l'enseignement
secondaire, les écoles doivent choisir un plan d'études national comprenant
au moins trois domaines d'études, il est possible de donner plus de leçons
sur la langue et la culture russes par le biais de matières électives.
5.4 Le bilinguisme
nécessaire
Bien que tous
les Estoniens aient le droit à l’enseignement en estonien, les minorités
nationales ont le droit de choisir une autre langue d’enseignement, ce qui,
toutefois, ne les libère pas de l’obligation de garantir l’apprentissage de l'estonien.
Conformément
à l'article 4 de la Loi sur l'éducation
de 1992, tous les
établissements d'enseignement sur le territoire de l'Estonie doivent donner la
possibilité aux citoyens de recevoir leur instruction en estonien tous les niveaux, y
compris l'université, en estonien (paragraphe 2). En même temps, la République
s'assure qu'un enseignement est offert en estonien dans tous les
établissements d'enseignement de langue étrangère (paragraphe 3).
Article 4
Principes d'organisation du système
d'éducation
1) L'État et les
administrations locales veillent à ce que tous les citoyens en
Estonie ait la possibilité de remplir leurs obligations de
fréquenter l'école et de participer à la formation continue,
conformément aux modalités et à la procédure prescrite par la
législation.
2) Dans le territoire de
l'Estonie, l'État et les administrations locales veillent à ce
qu'il existe des possibilités pour l'acquisition de
l'instruction en estonien à tous les niveaux de l'enseignement
dans les établissements d'enseignement publics et les
universités.
3) La république d'Estonie
veille à ce que la langue estonienne soit enseignée dans tous les
établissements d'enseignement publics et les groupes d'études où
l'instruction est dispensée dans une autre langue que
l'estonien.
|
L'article 34 de la Loi sur l'éducation prévoit même des postes de «professeur de langue officielle»
dans ce type d'établissement afin de garantir l'enseignement de l'estonien dans
tout établissement d'enseignement public de langue étrangère:
Article 34 Enseignant de langue officielle
Afin d'assurer que l'estonien soit
enseigné dans tous les établissements d'enseignement publics et
les groupes d'études où l'instruction est offerte dans une
autre langue que l'estonien, le gouvernement de la République
doit instaurer le statut d'enseignant de langue officielle ainsi
que la procédure d'octroi de ce statut. |
L'article 21 de la
Loi sur les écoles
primaires et secondaires supérieures énonce que l'estonien
doit être enseigné comme langue seconde dès la première année pour ceux qui
reçoivent leur instruction dans une autre langue que l'estonien :
Article 21
4) Dans une école ou une classe où la langue d'enseignement n'est
pas l'estonien, il est obligatoire d'enseigner l'estonien dès la
première année.
Dans une telle école ou une classe, l'école doit assurer l'organisation de
l'enseignement de l'estonien à un niveau permettant aux diplômés de
l'école de base de poursuivre leurs études dans un établissement
estonien d'enseignement moyen.
5) Toute école doit organiser un enseignement linguistique et culturel
pour les élèves qui acquièrent une éducation de base dont la
langue maternelle n'est pas la langue d'enseignement ou qui
communiquent à la maison dans une langue différente de la langue
d'enseignement d'au moins un des parents, à la
condition que dix élèves ou plus de la même langue maternelle ou avec
la même langue de communication du foyer le demandent. |
En fait, l'apprentissage de la langue
officielle est obligatoire dans tous les établissements d'enseignement
soumis à l'autorité de l'État estonien, et
ce, indépendamment de leur langue d'enseignement et de leur tutelle
administrative. Dans toutes les écoles où lon utilise une
autre langue denseignement que lestonien, l'apprentissage de la langue
officielle, l'estonien, reste obligatoire comme langue seconde. De plus, dans tous les
établissements d'enseignement secondaire, l'examen de maîtrise
de l'estonien est obligatoire pour obtenir le diplôme de
fin détudes. Dans les écoles destinées aux minorités russes (où
l’estonien est la langue seconde), les enseignants doivent posséder des
qualifications spécifiques reconnaissant leur maîtrise de l’estonien (si leur
langue maternelle n’est pas l’estonien). Dans certains cas, notamment dans le
comté de Viru-Est, il est difficile d'embaucher des enseignants compétents,
possédant une très bonne connaissance de l'estonien et capables de travailler
avec des enfants dont la langue maternelle est le russe.
5.5 L'enseignement des langues
étrangères
En Estonie, les écoles disposent d’une
certaine liberté pour déterminer la classe dans laquelle la première langue
étrangère doit être introduite comme matière obligatoire. Les autorités du
ministère de l'Éducation et de la Recherche décident une fourchette d’âges (ou
de classes) pour l'enseignement d'une langues étrangère. Tous les élèves doivent
commencer à apprendre une langue étrangère comme matière obligatoire entre 7 et
9 ans; l’âge exact est déterminé par les établissements eux-mêmes. Une deuxième
langue étrangère, obligatoire pour tous, est introduite lorsque les élèves ont
10, 11 ou 12 ans, en fonction de l’établissement d'enseignement. L’obligation
d’apprendre deux langues reste en vigueur jusqu’à 19 ans.
L'article 15.3 de la
Loi sur les écoles
primaires et secondaires supérieures indique
que les langues étrangères pour les russophones sont, en plus de l'estonien
langue seconde, l'anglais, l'allemand et le français:
Article 15
Programme national
3) Les matières obligatoires suivantes minimales sont définies dans
le programme d'études national pour les écoles primaires et dans le
programme national pour l'enseignement secondaire supérieur par domaine:
1. langue et littérature: l'estonien (dans une école moyenne estonienne), le russe
(dans une école moyenne russe) et la littérature;
2. langues étrangères: l'estonien comme langue seconde;
l'anglais, l'allemand, le français et le russe comme langue étrangère A;
l'anglais, l'allemand, le français et le russe comme langue étrangère B;
|
Le programme mis en œuvre à partir de l’année scolaire 2011-2012 fixe un
seuil de compétence pour l'anglais de
niveau intermédiaire B1 et de niveau de base A2 (pour l’écrit) et de niveau
de base A2 pour les autres langues. En Estonie, tous les cours de langues dans
l’enseignement secondaire supérieur se donnent à présent
au niveau B1 ou au niveau B2. Les
étudiants sont placés dans l’un ou l’autre niveau en fonction de leurs résultats
en langues étrangères à la fin de l’enseignement général obligatoire. De plus,
le niveau minimal attendu est un peu plus élevé en anglais (B1) que dans les
autres langues étrangères (A2). La majorité des élèves étudient l'anglais comme
première langue étrangère; les élèves des écoles russes étudient l'estonien
comme première langue étrangère (l'estonien comme langue seconde).
Pour obtenir un diplôme de l'école secondaire, les étudiants doivent passer
un examen d'anglais de l'État ou un examen de langue reconnu internationalement
en allemand, en russe ou en français. De plus en plus d'étudiants choisissent de
passer deux examens de langue étrangère à l'obtention du diplôme.
Dans l'enseignement professionnel et supérieur, les langues étrangères à des
fins spécifiques sont principalement enseignées. Le choix des langues enseignées
et apprises est étroitement lié à la spécialité choisie.
5.6 Les études supérieures
En ce qui concerne les études supérieures
financées par l'État, les minorités nationales, c'est-à-dire les russophones,
ont accès, la première année, à un enseignement dans leur langue, mais dès la
deuxième année l’estonien doit constituer la principale langue d'enseignement.
De toute façon, à partir de la deuxième année, tous les étudiants universitaires
doivent être capables de suivre des cours dans au moins trois langues. Les
défenses de thèse se déroulent en estonien ou dans une autre langue que le jury
détermine en accord avec le candidat. En matière de langue, les étudiants
peuvent commencer leurs études en russe, mais doivent passer les diplômes en
estonien.
Toutefois, il reste encore un long chemin à parcourir
pour parvenir à la place qu'il revient à l'estonien. Ainsi, la plus grande
université du pays, l’Université de Tartu, comptait en 2012 près de 60
programmes de doctorat en langue anglaise contre seulement
quatre en estonien. La
seule université qui offre des cours complets en anglais est
une université privée: la Concordia Audentes University
(Tallinn).
5.7 Les établissements privés
L'enseignement privé est peu développé en Estonie, et il est plus important en
enseignement supérieur qu'en enseignement général.
L'enseignement offert par les écoles privées doit répondre aux normes du
ministère de l'Éducation et inscrites au programme scolaire national. Les
exigences du programme scolaire national sont obligatoires pour toutes les
écoles. Cependant, outre ces exigences, les établissements d'enseignement
peuvent offrir de manière approfondie des matières hors-programme ou d’autres y
figurant, tout en choisissant éventuellement une langue étrangère comme langue
d'enseignement.
Depuis quelques années, le nombre d’établissements privés s’accroît
continuellement, y compris dans les universités. L'article 15 de la
Loi sur les écoles
privées (1998) prévoit que dans les établissements d'enseignement où la
langue d'instruction n'est pas l'estonien, l'enseignement de l'estonien est
obligatoire selon les modalités fixées par les programmes nationaux, afin
que les diplômés soient en mesure de poursuivre leurs études en estonien au
niveau suivant de leur instruction ou qu'ils puissent travailler dans la
profession qu'ils ont choisie avec un niveau de connaissance suffisant de
l'estonien:
Article 15
Langue
d'enseignement et langue de l'administration
1) La langue d'enseignement doit être spécifiée dans les
statuts d'une école privée; dans le cas d'un programme
commun, dans le contrat de coopération concernant le
programme d'études commun. (2008)
2)
Dans les écoles primaires et dans les écoles secondaires
supérieures où la langue d'instruction n'est pas l'estonien,
l'enseignement de l'estonien est obligatoire selon les
modalités fixées par les programmes nationaux afin que les
diplômés soient en mesure de poursuivre leurs études en
estonien au niveau suivant de leur instruction.
3) Dans les établissements d'enseignement
professionnel où la langue d'instruction n'est pas
l'estonien, l'enseignement de l'estonien est obligatoire
selon les modalités fixées par la formation professionnelle
standard afin d'assurer que les élèves maîtrisent l'estonien
au niveau qui est nécessaire pour travailler dans leur
profession choisie. (2004)
4) La
langue de l'administration d'une école privée est
l'estonien. Dans les écoles privées où la langue
d'instruction n'est pas l'estonien, la langue d'enseignement
de l'école privée ou d'une autre langue étrangère peut être
utilisée parallèlement à l'estonien comme langue de
l'administration interne. |
Le paragraphe 4 de la même loi énonce que la langue de
l'administration d'une école privée doit être l'estonien. Cependant,
dans les écoles privées où la langue d'instruction n'est pas l'estonien,
la langue d'enseignement de l'école privée ou d'une autre langue
étrangère peut être utilisée parallèlement à l'estonien comme langue de
l'administration interne.
Il existe aussi en Estonie des «écoles du dimanche», organisées par les associations culturelles
nationales. Ces écoles, au nombre d'une trentaine, sont destinées aux minorités
numériquement moins importantes. Elle jouent un rôle important dans l’enseignement de la langue et
de la culture de ces minorités. Ces écoles peuvent demander l’aide des
collectivités locales, du ministère de la Culture et d’autres
sources de financement.
6 Les médias
minoritaires
Les médias, tant écrits qu’électroniques, peuvent diffuser dans n’importe
laquelle langue, sauf ceux qui appartiennent à l’État estonien.
6.1 Les médias écrits
Les journaux et
les magasines étrangers sont largement disponibles dans tout le pays. Si la
plupart des journaux sont en estonien, les minorités peuvent aisément diffuser
leurs propres journaux. Sur quatre quotidiens importants en Estonie, on en
compte trois en estonien (Äripäev, Eesti Ekspress et Eesti Päevaleht)
et un en russe (Delovye Vedomosti). Il existe au moins une vingtaine
d'hebdomadaires et de périodiques en russe. En 2001, les russophones pouvaient
compter sur 17 quotidiens en Estonie, ce qui signifie que la presse russe a
considérablement diminué. Un journal comme le Molodjozh Estonii, qui
publiait à 90 000 exemplaires avant l'indépendance de l'Estonie, n'en vendait
plus que 5800 en 2008. Le journal le plus populaire est un hebdomadaire, le
Stolitsa (Столица) publié à 40 000 exemplaire à Tallinn.
S'ajoutent aux publications en russe des publications en anglais, en finnois, en
allemand, mais en nombre limité. En général, les russophones ne lisent pas les
journaux estonophones; il en est ainsi pour ces derniers à l'égard des journaux
en russe.
6.2 Les médias électroniques
La radiotélévision d’État diffuse en estonien, mais les radios et télévisions
privées peuvent diffuser leurs informations en d’autres langues. Il est
également facile de recevoir des émissions en provenance de la Russie pour les
abonnés à la câblodistribution. C’est pourquoi la plupart des russophones
d’Estonie continuent de vivre dans l’environnement culturel russe. Il existe
néanmoins plusieurs stations privées de radio et de télévision diffusant en
langue russe, tout en demeurant des productions estoniennes. Le gouvernement
estonien a même créé une station de r
adio
produite par la Radiodiffusion-Télévision estonienne (Eesti Rahvusringhääling, ERR)
diffusant en russe, en ukrainien et en d’autres
langues minoritaires. La communauté russophone regarde principalement la
télévision câblée provenant de la Russie. Par ailleurs, très peu d’émissions de
la télévision estonienne sont
actuellement diffusées avec des sous-titres russes, les seules qui le soient
ayant d’ordinaire invariablement une composante pédagogique destinée aux
enfants.
Depuis le mois de janvier 2009,
la chaîne publique ETV, sous le nom de «chaîne estonienne en russe», ou ETV 2, a
été lancée. Ce sont en général des émissions russes qui sont insérées parmi les
émissions pour enfants et les émissions éducatives en estonien. Le
programme russe commence tous les jours à 19 h 30 avec un journal télévisé ("Aktoualnaia kamera") en russe.
Pour le gouvernement, ETV 2 en russe constitue sûrement une façon d'intégrer les
russophones d'Estonie, car la langue estonienne n’est plus nécessaire
pour suivre l’actualité et la vie sociale de ce pays.
Pendant que les estonophones peuvent compter sur 21 stations
de radio privées, les russophones ont 8 stations privées dans leur langue.
De façon générale, les médias des langues
estonienne et russe continuent d’être nettement séparés et ils rendent compte
d’événements différents ou des mêmes événements de façon totalement différente.
Beaucoup de locuteurs russes ne font aucun usage des médias estoniens et
reçoivent, semble-t-il, l’essentiel des informations, notamment sur l’actualité,
d’autres pays.
7 La vie économique
En tant que client, tout citoyen estonien peut décider
de la langue quil veut utiliser auprès de lÉtat ou des
entreprises privées. Mais dès quun citoyen exerce des fonctions
qui exigent de communiquer avec le public, la connaissance de lestonien
devient obligatoire. Par exemple, un citoyen russophone a le droit de demander
des services à lÉtat dans les administrations locales
ou municipales en russe, mais il peut aussi le faire dans les commerces. Cependant, dans
les entreprises privées, sil est obligatoire doffrir des services
en estonien, il nen est pas de même pour les autres langues.
 |
Dans les congrès, les conférences, les assemblées délibérantes, les
réunions qui se tiennent en Estonie, il est possible de prendre la parole dans
la langue de son choix, mais il est préférable d'utiliser cette
prérogative dans des localités où la minorité de référence
(généralement le russe) est en nombre suffisant:
Dans l’affichage, il est permis d’employer une autre langue que
l'estonien dans les cas suivants:
1) pour des raisons de santé
et de sécurité publique;
2) pour les activités
culturelles et religieuses;
3) pour les activités
touristiques à caractère international;
4) pour les activités
internationales du type conférences, expositions, compétitions
sportives, symposiums, forums, etc.
Dans les municipalités à forte concentration de
russophones, le russe est effectivement utilisé. Il est employé plus
ou moins en parité avec
l'estonien dans la dénomination des noms de lieux, que ce soit le nom des villes ou
le nom des rues. Le russe peut apparaître seul dans la
publicité commerciale, comme il peut se trouver avec des inscriptions
bilingues.
Les agents de police et les auto-patrouilles
n'apparaissent qu'en estonien (POLITSEI), l'inscription équivalente
en russe (ПОЛИЦИЯ)
est inexistante. |
Nous pouvons constater que, dans le comté de Viru-Est (Ida-Virumaa),
dont la population comprend un nombre important de russophones et
d'apatrides, le taux de chômage est le plus élevé du pays. Cette situation
est causée en partie à des modifications structurelles intervenues dans des
domaines manufacturiers qui jadis employaient principalement les Russes. De
plus, le taux de chômage est dans l’ensemble plus élevé dans la population
russophone que parmi les estonophones. En fait, beaucoup de russophones du
comté de Viru-Est sont condamnés au chômage parce qu’ils ne maîtrisent pas
l'estonien et qu’ils sont encore moins en mesure de partir à la recherche
d’un emploi dans d’autres régions du pays.

La politique linguistique de lEstonie
pourrait sembler tatillonne et revancharde, mais ce serait oublier les cinq décennies
de recul et dinfériorisation de la langue estonienne par le régime
soviétique. Si l'on compare le
russe à l'estonien, celui-ci est une toute petite langue. Et les moyens dont dispose
une petite langue pour se défendre dune grande langue doivent être
à la hauteur. Cest dailleurs lun des problèmes actuels
en Estonie : de nombreux russophones attachent une importance
exagérée à la valeur du russe et considèrent
lestonien comme une langue inférieure. Il faut dire aussi que les
russophones dEstonie acceptent difficilement leur nouveau statut de minoritaire
parce qu'ils ont été habitués à se considérer comme
le principal groupe linguistique.
Or, la tolérance des Estoniens d'origine et lacceptation des russophones à la nouvelle situation
semblent une nécessité pour assurer une cohabitation harmonieuse
dans lavenir. La république dEstonie
daujourdhui ne sera jamais plus la république davant
la Première Guerre mondiale: les russophones sont là dorénavant
pour rester. Quant à ces derniers, il est fini le temps où ils
constituaient la majorité fonctionnelle et où
ils faisaient la pluie et le beau temps. Quoi
qu'il en soit, la
Commission européenne a estimé
que la situation de la minorité russe en Estonie était conforme aux «standards
européens».
Avec les décennies, les
jeunes russophones deviendront plus facilement estonophones que leurs parents.
La stabilité du pays et sa rapide croissance économique offriraient,
selon plusieurs observateurs, des chances réelles dont tous pourraient
bénéficier. On semble assister en Estonie à la formation
d'une nouvelle identité russo-estonienne. Étant plus préoccupés
par les questions économiques que sociales ou linguistiques, certains
Estoniens considèrent que cest par léconomie que les russophones
vont sintégrer à la société. De fait, les «Russo-Estoniens»
peuvent devenir des têtes de pont efficaces pour le commerce international
avec la Russie parce quils parlent le russe-business que tous auraient
intérêt à apprendre. L'Estonie
s'est tournée vers l'Ouest et fait partie de l'Union européenne depuis 2004,
mais la Russie demeure un partenaire économique incontournable.
Pour le moment, l
es
relations interethniques en Estonie demeurent encore tendues, et
les deux communautés linguistiques ne partagent pas leur solitude
réciproque. D'une
part, les Estoniens poursuivent leur destinée comme si les
russophones n'existaient pas; d'autre part, beaucoup de ces
derniers n'ont pas abandonné leur mépris «colonial» pour
l'estonien, une langue jugée inutile à leurs yeux. Ce n'est certainement pas
le recours à l'anglais qui arrangera la situation! Quant à la
Russie, elle prend fait et cause pour «ses» Russes en accusant
l'Estonie de discrimination avec des propos violents à l'égard
des Estoniens. «L'Estonie est un État fasciste», comme
l'écrivait un quotidien populaire russe, Moskovski
Komsomolets, en 2007. Au mieux, les dirigeants moscovites
stigmatisent l'Estonie pour «ses atteintes aux droits de
l'Homme», sous prétexte que le gouvernement estonien pratique
une politique préférentielle pour l’accès aux emplois publics,
empêchant ou du moins gênant l’accès à l'emploi chez la minorité
russophone.
Pour l'Union européenne, la
question des minorités est perçue essentiellement comme une
question de «protection», puisqu'une minorité est normalement
«opprimée» par la majorité, mais c'est oublier que la majorité
estonienne a subi la colonisation et la répression durant un
demi-siècle, alors que
les ressortissants des pays voisins forment aujourd’hui une très
importante minorité en Estonie. La préservation des cultures
minoritaires enrichissent certes la société au point de vue
culturel, mais cette coexistence peut favoriser également des
conflits. Les russophones nés en Estonie sont devenus des
Estoniens et ils ne partiront pas. Il faut cesser de croire que
posséder la citoyenneté estonienne et connaître des éléments de
la langue estonienne suffisent pour permettre l’intégration des
populations concernées. Parfois, il faut plus d'une génération
pour intégrer des personnes de cultures et de langues
différentes. C'est là le défi des autorités estoniennes
dans l'avenir.Dernière mise à jour:
15 janv. 2017


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